Les Contes du Dieu Impatient, c'est chaque semaine une nouvelle histoire lue par un comédien ou une comédienne. Une histoire merveilleuse, où il est question de princesses, de sirènes, de poètes, d'anges et de rois, de châteaux, des beautés de la nature, du vent, de la mer et de la terre.Â
Te souviens-tu de l'histoire de ce Chevalier, qui a perdu tous les siens, qui les a enterré et qui retourne tous les soirs dans le cimetiere qui s'est transformé en forêt, avec l'espoir de retrouver ceux qu'il aime ? Te souviens-tu aussi de cette promesse qu'un ange lui a fait, celle qu'il devait espérer et ne jamais perdre confiance, parce qu'un jour, ses bien-aimés surgiraient des ombres de cette forêt ? … Cette confiance du Chevalier fut mise à l'épreuve. Le printemps, l'été et l'automne passèrent sans qu'un seul jour il ne vit une ombre prendre les formes de ceux qu'il avait aimés. Vint l'hiver, le Chevalier resta fidèle à la promesse de l'ange. Mais de nombreuses saisons se suivirent, et les années s'écoulaient… Au point qu'il finit par désespérer de l'ange. Ses nuits et ses sommeils étaient agités de souvenirs lointains, de guerres perdues, de visages disparus. Jamais l'ange ne revint se manifester. Il en fut ainsi pendant longtemps encore. Le Chevalier avait vieilli, sa silhouette commençait déjà à courber sous le poids de sa triste vie. Il avait oublié la promesse de l'ange, mais il était resté fidèle à sa visite quotidienne au cimetière.
Il était une fois un Chevalier solitaire, un château déserté, un jardin immense et vide, une forêt éloignée. Le Chevalier vivait seul depuis de longues années. Il avait bien vécu entouré de ses proches, de son épouse, de ses enfants et de ses amis, en des temps si lointains qu'il n'en avait presque aucun souvenir. Même son corps en avait tout oublié. Les cicatrices des années ou des guerres passées avaient disparu, les noms des siens, leurs visages voletaient comme des mirages incertains qui apparaissaient parfois dans sa mémoire pour disparaître aussitôt qu'il fronçait les sourcils dans l'effort d'en retenir une image ou un souvenir plus précis. Il occupait l'aile droite d'un château dont les corps principaux étaient en ruines. Celles-ci illustraient les blessures de combats anciens, dont les plaies béantes, celles qui creusaient toujours plus les murailles, disaient qu'ils avaient été perdus. La nature avait repris ses droits sur les jardins du château, il ne restait plus rien des pelouses et des bosquets qui autrefois avaient orné les pourtours de la demeure. Une végétation de plus en plus dense gagnait l'espace à chaque printemps. Elle envahissait le château, les lianes grimpantes couraient le long des murs, les herbes folles déchiraient les sols et se répandaient jusqu'à la limite de l'appartement où le Chevalier avait retranché sa solitude et sa tristesse. Des contrées avoisinantes, les anciens racontaient qu'il été jadis été à la tête d'une famille prospère. Il avait hérité de son père, le Seigneur Robert Le Fier, d'un domaine qui s'étendait aussi loin que l'oeil pouvait porter depuis la plus haute des tours, du levant jusqu'au couchant. En ces temps très reculés, si lointains que les livres d'aujourd'hui ne s'en souviennent pas même, le Royaume était lézardé de guerres intestines qui marquaient l'impuissance du Souverain de France à faire régner la paix...
Elle a les yeux en forme d'amandes qui, dès qu'ils s'ouvrent, s'agrandissent et s'étirent dans un mouvement charmant et troublant à la fois. Elle est si belle avec ses lèvres tendres et roses, qui fendent la pâleur de ses joues dès qu'une pensée heureuse illumine sa beauté, dans l'éclat d'un sourire lumineux et silencieux à la fois. Ses longs cheveux noirs tombent en cascades sur ses épaules et jusqu'en bas de son dos, tandis que sa fine silhouette dégage une élégance et une grâce aussi rayonnantes que mystérieuses. Je ne l'ai pourtant jamais vue...
La vois-tu cette jolie petite maison de bois, aux volets bleus et au toit de chaume brune, avec sa cheminée qui dégage une fumée blanche et chaude ? Celle qui est au bout d'un grand jardin de pelouse tendre, fendue en son cœur d'un chemin de terre qui sinue comme une rivière capricieuse jusqu'à l'entrée de la maison ? Elle est à l'orée d'une forêt qui, dit-on, est la plus grande et la plus vieille du monde. Cette forêt est si belle et si dense que les hommes n'ont jamais osé y pénétrer trop loin, de peur de s'y perdre, et aussi par respect pour la beauté de ses arbres innombrables qui s'élèvent si haut vers le ciel que les rayons du soleil peuvent à peine transpercer leurs feuillages altiers. Même au cœur de l'été, la lumière est si faible et les moments de clarté si rares qu'on a l'impression qu'il y a fait nuit presque tout le temps...
Il y a très longtemps, un château s'élevait très haut au dessus d'une immense forêt. Pour qu'il puisse aller encore plus haut vers le ciel, son Seigneur avait demandé à ses architectes de construire quatre tours si fines et si hautes qu'il arrivait parfois, par les jours de mauvais temps, qu'elles disparaissaient dans les nuages. Surmontées chacune d'un toit en pointe d'ardoises grises et brillantes où se reflétaient toutes les couleurs du ciel, elles étaient comme quatre flèches pointées vers l'infini. Elles étaient toutes disposées aux quatre coins du château, reliées les unes aux autres par des remparts crénelés qui surplombaient les murs de la forteresse...
Le Vieux Prince lu par Franck Ferrand Il était une fois un Vieux Prince. C'est ainsi que l'appelaient les sujets qui vivaient sur ses terres. Son territoire était si grand qu'on n'en voyait pas les limites, même du haut de la plus grande tour de son château. Il était si âgé qu'il n'y avait plus personne qui se souvienne de sa jeunesse. Il l'avait certes vécue un jour, mais elle avait disparu derrière une couche d'années aussi dure que l'écorce des très vieux arbres. Vous savez, c'est comme une peau épaisse et toute craquelée, fatiguée et noircie par le temps, et sous laquelle la sève coule encore, rare et fine, comme le sang dans les vieilles artères. Cette vieillesse avait presque tout gagné autour du Prince. Son château, qui tombait en ruine, ses jardins, qui ne donnaient plus de fleurs ni de fruits, et tous les prés alentour envahis par les herbes sauvages. Les plus anciens se remémoraient encore les temps d'abondance du petit royaume, mais ceux-ci étaient aussi lointains que la jeunesse partie. Le Vieux Prince vivait dans la seule partie encore habitable de son immense château. Il était entouré seulement de quelques serviteurs encore fidèles, et de ses chiens. Sa solitude était si grande qu'on ne savait plus s'il avait eu un jour une famille, ou des proches qu'il avait aimés. L'histoire ne le dit pas tout de suite, attendons un peu...