Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Entre algues vertes, vaches folles, airs, eaux et sols pollués, sans compter les armes chimiques ou bactériologiques, l’époque est au risque et au danger, aux seuils d’alerte et périmètres de sécurité. Les dieux, cette fois, n’y sont pour rien. Bienvenue dans not…
Le cinéma dérangeant et envoûtant de Kiyoshi Kurosawa associe une esthétique spectrale à des formes discrètes d’invasion et de contamination. Ce qu’il y a de fantastique dans ses films catastrophe (Kaïro, Jellyfish), mais aussi dans ses drames familiaux (Tokyo Sonata, Shokuzaï), c’est que la mise en péril de quelques Tokyoïtes en mal d’être, conduit, par un changement d’échelle, à questionner la survie de l’humanité toute entière.
À partir de quelques grands films hantés par l’Histoire (Zelig, Monsieur Klein, La Sentinelle, La Question humaine, Apocalypse Now, Dead Man), on voudrait définir un type de récit, presque un genre, celui qui raconte comment un personnage tombe malade à cause d’un événement, d’une séquence historique (La Shoah, le Goulag, le Vietnam, le génocide indien…). « L’homme malade de l’Histoire », c’est ce personnage qui accepte de porter les stigmates de ce mal invisible : le passé.
Dans En quatrième vitesse (Kiss Me Deadly, 1955), la hantise de l’apocalypse nucléaire est moins le moteur que le symptôme de la déshumanisation d’un monde déjà envahi par les ténèbres et la corruption, régi par l’intérêt et la violence. Cette veine nihiliste s’incarne dans une mise en scène du renversement, gagnée par le feu glacial du chaos.
Cette maladie qu’on désigna d’abord comme le cancer gay, puis celle des 4 H (Homosexuel, Hémophiles,Héroïnomanes et Haïtiens) avant qu’elle ne devienne le sida, a fait l’objet depuis 30 ans de nombreuses représentations. Cette soirée propose de revisiter en images cette histoire du regard sur une maladie, probablement l’une des seules à avoir été depuis son apparition saisie par les caméras : celles de la fiction, celles de l’actualité, celle des autorités sanitaires, mais aussi celles oubliées des militants qui filmèrent leurs luttes
Un mal étrange se propage à travers l’œuvre de Friedkin, jusque dans Bug où il est directement question de contamination. Rapports humains toxiques dans L’Anniversaire, circulation d’une malédiction dans L’Exorciste, transactions illicites dans Police fédérale Los Angeles : quelle est la nature de ce mal, au juste ? C’est l’une des questions posées par ce cinéma, tendu entre un manichéisme draconien et une forme retorse de relativisme.
Adapté de Thomas Mann, le film que Luchino Visconti réalise en 1971 sous le titre Mort à Venise livre une contemplation sur la décomposition à partir du personnage d’un compositeur vieillissant et malade venu se reposer dans la cité italienne où il subit une altération profonde. On peut vérifier avec quelle maîtrise Visconti inscrit son propos dans la matière des éléments qu’il dispose. De la musique de Mahler qui envahit l’image, au réseau des canaux et ruelles, le processus use de l’argument d’une épidémie dans la ville que l’on couvre de chaux pour exposer la déchirante métamorphose de l’artiste à la vision d’un bel adolescent.