Avec La Bande Originale, Grazia explore le cinéma français le temps du Festival de Cannes 2019.
On l’avait adorée dans Victoria, de Justine Triet, en 2016. Virginie Efira retrouve la réalisatrice pour Sybil, dans lequel elle incarne une psychanalyste qui se sert de la vie de l’une de ses patientes (Adèle Exarchopoulos) pour nourrir l’écriture de son roman. Un film différent, dans son thème, son propos, comme sa création : "Il y avait dans Sybil un cadre encore plus affirmé de réalisation, qui m’a permis de trouver un espace de liberté." Dans ce nouvel épisode, Virginie Efira aborde aussi la façon dont elle a travaillé son personnage, ainsi que celui de nonne possédée par Jésus dans Benedetta, le prochain film de Paul Verhoeven. Et parle de sa carrière d’actrice, de savoir préserver sa vie personnelle tout en enchaînant les tournages, et d’avoir commencé "tard" dans le cinéma : "J’ai longtemps cru que c’était quelque chose en moins, j’en avais honte. Puis j’ai dépassé cela. Et je crois que Justine Triet aime cela aussi chez moi : ça produit une identité."
C’est l’histoire de Jerem, rappeur - loser, qui s’installe chez sa grand-mère pour composer son disque, et se laisse convaincre d’acheter un réfrigérateur intelligent, prénommé Yves. Sur papier, le pitch du troisième film de Benoît Forgeard (Gaz de France) commande déjà de laisser place au rire, au surréel, sinon au délire. Un univers parfait pour Philippe Katerine, qui y interprète le manager de Jerem. Avec nous, il revient sur son nouveau statut d’acteur populaire et de son César du meilleur second rôle masculin pour Le Grand Bain, qui a fait "surtout plaisir à sa maman". Ainsi que sur son travail de préparation pour Yves ; si c’est lui qui a eu l’idée de coller un manteau de fourrure sur le dos de son personnage, il s’est remis à Benoît Forgeard pour travailler son rôle : "on a fait des soirées où l’on écoutait du rap, en présence de frigos." A découvrir à la fraîche, dans toutes les salles le 26 juin.
C’était un pari risqué : caster, dans le rôle principal d’Une Fille facile, celle qui fut au cœur de "l’affaire Zahia" en 2010. "C’est vrai qu’il y avait une frilosité au moment du casting, se souvient la réalisatrice Rebecca Zlotowski. On me disait : pourquoi tu ne fais pas jouer le personnage par une actrice, plutôt ?" Or, Zahia Dehar en impose dans le rôle de Sofia, jeune femme séduisant des hommes riches le temps d’un été cannois, sous le regard de sa jeune cousine de 16 ans, Naïma. Parce que la caméra de Rebecca Zlotowski l’observe, la respecte, et laisse entendre sa voix. "J’ai grandi dans l’idée il fallait gommer une certaine forme de féminité pour être crédible. Zahia ne s’embarrasse pas de ça. Elle est dans l’ultra sexualisation, l’uber féminité. Mais elle connaît ces codes, et sait en jouer." Une fille facile a été tourné à Cannes hors festival et Rebecca Zlotowski a su parfaitement rendre son côté solaire et cliquant à la fois : "je voulais une ville où il y avait des yachts, et des pizzeria."
Pour elle, musique et cinéma sont liés. Il y a deux ans, Camélia Jordana était conviée à chanter lors de la soirée d’anniversaire des 70 ans du festival de Cannes. Cette année, elle a interprété Volver, un soir, devant Penelope Cruz et Pedro Almodovar. Mais si Camélia Jordana est à Cannes, c’est pour présenter Haut les filles, documentaire de François Armanet et Bayon, présenté en sélection officielle au Cinéma de la Plage. Un film qui retrace, via des images d’archives, de concerts et des interviews(Charlotte Gainsbourg,Vanessa Paradis, Brigitte Fontaine…) le rôle des femmes dans l’histoire musicale française, et la place qu’elles y occupent aujourd’hui : "on se rend vite compte que peu importe nos projets, ou notre succès, on se retrouve toutes à mener les mêmes combats", observe Camelia Jordana. Le cinéma, quant à lui, a changé son rapport aux concerts , en l’aidant à apprivoiser son image : "je sais que je chante mieux en sweat-shirts et baskets. Ce qui ne m’empêche pas de me sentir élégante."
On l’a découverte en miss météo sur Canal + en 2012, avant qu’elle ne décroche une nomination aux César, cinq ans plus tard, pour Monsieur et Madame Adelman, de Nicolas Bedos. Doria Tillier retrouve cette année le réalisateur à Cannes pour La Belle Epoque, présenté hors compétition, et présente aussi Yves, de Benoît Forgeard, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs. Pour notre podcast, elle revient sur sa vocation d’actrice, ses modèles ("entre Elie Kakou et Julia Roberts"), et la "méthode Doria Tillier" : "faire une sorte de psychanalyse du personnage, qui me permet de mieux le comprendre, et de mieux l’interpréter". Si monter les marches n’a jamais fait partie de ses rêves d’enfant, elle se réjouit de présenter La Belle Epoque à Cannes, "une véritable célébration". Dans, Yves, elle persuade un rappeur-loser d’acquérir un réfrigérateur intelligent (nommé Yves, donc). "Benoît Forgeard a un univers décalé, très différent du mien. J’ai aimé m’abandonner à ce qu’il me disait de faire." Deux films qui devraient révéler tout son talent.
C’est l’un des chocs qui a frappé ce 72ème Festival de Cannes. Portrait de la jeune fille en feu raconte l’histoire, au XVIIIème siècle, de Marianne (Noémie Merlant), peintre venue réaliser un portrait destiné au futur époux de la jeune Héloïse (Adèle Haenel), qui refuse de se marier, et donc de poser. Les deux femmes vont se regarder, se défier, s’aimer. Le quatrième long-métrage de Céline Sciamma (Naissance des Pieuvres, Tomboy, Bande de Filles) est le grand film féministe qu’attendait le festival de Cannes, au discours sublimé par des images magnifiques, et un romantisme pur. "J’avais envie de faire un vrai film qui brise le coeur, une histoire d’amour dans tous ses possibles, et sur la longue résonance qu’elle persiste à avoir en nous." En montrant ses personnages transcender leur liaison dans un tableau, Céline Sciamma met en lumière la création féminine, ce qui rend son film plus moderne que jamais. Il se murmure déjà qu’il aurait de fortes chances de figurer au palmarès.
Pour Tu mérites un amour, Hafsia Herzi a voulu relever un double défi : celui de réaliser son premier long-métrage en l’autofinançant complètement, et d’en jouer le rôle principal. Elle interprète Lila, jeune Parisienne dévastée par une peine de cœur, qui tente de se reconstruire entre conseils d’amis, rechutes vers son ex, et jeux de séductions avec de nouveaux garçons. De plans drague aux Buttes-Chaumont en amants d’un soir, en passant par des « dates » chopés sur des sites de rencontres, son film dresse, à travers les errances touchantes de son héroïne, le portrait d’une génération : "Je voulais filmer la façon dont notre rapport à l’amour et à la sexualité a changé avec les réseaux sociaux : on n’est plus dans la séduction, davantage dans la consommation". En cadrant au plus près les visages et les corps de ses acteurs (dont nombreux sont des amis), Hafsia Herzi saisit le trouble des amours compliquées avec talent. Et raconte comment le tournage a pu parfois prendre des airs de parcours du combattant.
Dans ce nouvel épisode de La Bande Originale du Grazia Daily Cannes, Arnaud Laporte s’est rendu chez Bertrand Burgalat, compositeur de la musique de Yves, de Benoît Forgeard, présenté à la Quinzaine des réalisateurs. Il en est reparti avec une nouvelle chanson, à écouter ici en exclusivité.
C’est un film dont les images nous ont hanté longtemps. Dans un Dakar entre mer et chantiers, Ada et Souleiman sont jeunes, beaux, et se retrouvent en secret pour s’aimer. Jusqu’au jour où, face à un avenir trop misérable, il prend la mer pour émigrer, la laissant promise à un mariage arrangé. Dans Atlantique, Mati Diop choisit de raconter les ravages de la violence sociale et économique par le biais d’une histoire d’amour. Et à travers le regard d’une jeune femme, qui se bat pour trouver sa voie. Première femme métis à être sélectionnée dans la Compétition officielle (et pour un premier long-métrage, qui plus est), Mati Diop salue l’ouverture du Festival à la diversité, mais reste déterminée à ne pas en être un étendard : "Je ne veux pas que les programmateurs soient plus bienveillants parce que je suis une femme d’origine africaine. Il faut que les films soient bons, avant tout." Pari réussi : quel que soit le palmarès du Festival le 25 mai, Atlantique nous a happés, jusqu’au bout.