Un lieu, une voix. Avec cette chronique intitulée "D'où tu parles ?", Marsactu (https://marsactu.fr/) et le documentariste sonore Pascal Messaoudi explorent le lien intime entre un lieu et l'illustre connu ou inconnu qui prend plaisir à le fréquenter. Découvrez cette série avec la Podcast Factory (h…
Le Marseillais du jour à l’accent teuton et se tient au coin du chemin de Saint-Jean-du-Désert et du boulevard Jeanne-D’Arc. Il a un appareil photo de plus de quinze kilos sous le bras. L’homme s’appelle Alfons Alt et il fait des images qui porte son nom – des « altotypes » précisément – mélange de gélatine photographique et de pigments qui donne de belles images brumeuses aux tons bistres. Mais avant ce long travail d’atelier, tout commence dehors, en pleine lumière où le photographe s’acharne à faire de l’ombre, du noir, sans laquelle la photo n’existe pas. L’objet de son regard est un bel immeuble de coin qui s’avance comme une proue depuis les années 30. « Je l’ai toujours chéri », dit le photographe avant de chercher le meilleur angle pour le faire entrer au « panthéon des bâtiments de Marseille ». Il se penche sous le drap noir qui bruisse et nous fait pénétrer dans sa chambre des secrets. Réalisé par Pascal Messaoudi Produit par Marsactu Diffusé par la Podcast Factory
Krissi est née à Madagascar. Mais elle est comorienne. Bien qu’elle ait grandi à Mayotte. Aujourd’hui, c’est rue Denis Papin dans le 15e arrondissement qu’elle dit se sentir « en sécurité ». Un coin de la Cabucelle comme un autre, à deux pas de la rue de Lyon. Elle a posé le pied pour la première fois à Marseille, exactement à cet endroit. C’est ici qu’elle se sent en famille. L’appartenance, dans les mots de Krissi Ali Houzoiri, cela veut dire beaucoup de choses. « Il y a vraiment beaucoup d’étrangers ici », se réjouit-elle pour décrire une zone de la ville que d’autres préfèrent éviter ou ignorer. Enceinte de son deuxième enfant, elle interroge les habitudes, les siennes et celles de ceux qu’elle observe. Et travaille à transmettre à son garçon de 4 ans les enseignements de son parcours, dans une identité multiple, et heureuse. Réalisé par Pascal Messaoudi Produit par Marsactu Diffusé par la Podcast Factory
Elle a un nom suspendu comme une hypothèse, une possibilité. Bruno Arcache vérifie tous les jours sa réalité. Il a installé son piano sur If. Depuis un siècle, il est le cinquième restaurateur à venir tous les jours faire à manger dans cette ancienne prison marine. L’intérêt touristique du lieu tient déjà de l’imaginaire. Alexandre Dumas lui-même avait goûté à la légende qu’il avait créée en se rendant sur place à la godille visiter le véritable cachot d’Edmond Dantès. Bruno Arcache a un moteur qu’il arrête parfois pour écouter le bruit de l’eau et embrasser la baie au soleil levant. Il se met ensuite au piano, découpe ses petits légumes, la féta et prépare les petits plats du Marseille en face, le nom de son resto qui sert du matin tôt au dernier bateau, du 1er avril à la fin octobre. Réalisé par Pascal Messaoudi Produit par Marsactu Diffusé par la Podcast Factory
Un coin caché où gratter la terre, faire pousser. C’est ce que Jeanne Laffitte a trouvé au Roucas-Blanc (7e), tout rocailleux qu’il est. Des plantes qui pendouillent dans les traverses, le récit de ce « livre ambulant » débouche toutefois fatalement sur le cours d’Estienne d’Orves. Dans sa maison d’édition et sa librairie Les Arcenaulx partagée avec sa sœur Simone, l’ancienne élue des municipalités Defferre et Vigouroux y passe ses journées entre tâches administratives et cartons d’expédition de ses rééditions de livres anciens. À l’écouter on en sent presque l’atmosphère, tout comme celle des orages qu’elle voit venir depuis la mer, de son rocher. Réalisé par Pascal Messaoudi Produit par Marsactu Diffusé par la Podcast Factory
Lionel Mazari va quitter Marseille. C’est prévu, il le dit d’un ton léger. Il n’est pas genre à s’attarder sur ce changement. D’ailleurs, il le dit tranquillement, comme en passant. Une seule chose peut retenir ce poète et comédien, arrivé sur les quais de Saint-Charles au mitan des années 80 : son élection dans le fauteuil de Jean-Claude Gaudin en mars 2020. Il a d’ailleurs un programme : « faire tomber tous les immeubles », enlever le centre Bourse, pour remplacer le tout par un immense parc arboré dont le jardin des vestiges serait le cœur. Indice : l’appel à la nature est une des raisons de son départ. Pour regarder Marseille, il a choisi une forêt verticale, un autre lieu plein d’arbres, certes morts, mais emplie de mots vivants. L’Alcazar, version médiathèque, « un des lieux à Marseille qui brasse le plus de populations différentes », et qui lui donne le vertige dès le deuxième étage. Marseille, il l’a vue en rêve avant d’y venir pour la première fois. Il lui a offert des poèmes mais il faudra écouter jusqu’au bout pour entendre ses mots. Réalisé par Pascal Messaoudi Produit par Marsactu Diffusé par la Podcast Factory
L’escalier de la gare Saint-Charles compte plusieurs degrés, comme une boussole de la ville. Il plonge dans Marseille jusqu’aux collines du Sud. Il remonte aussi dans l’histoire et dans l’iconographie du colonialisme triomphant. Sociologue, déléguée générale de l’association Ancrages, Samia Chabani a choisi ce lieu pour regarder Marseille. C’est par là qu’elle est arrivée, il y a quelques années, découvrant dans le même élan le panorama de la ville, son mouvement, mais aussi la misère qui s’accroche comme dans toute gare. Spécialiste des migrations et de ses traces, Samia Chabani regarde ces femmes symboles – qui de l’Asie, qui de l’Afrique – alanguies de pierre. Elles sont belles et racontent le triomphe de la ville et son revers meurtrier. Elle y voit aussi une ode aux femmes, aux Marseillaises, dans l’hommage qu’on leur rend et la violence qu’on leur fait. Réalisé par Pascal Messaoudi Produit par Marsactu Diffusé par la podcast Factory
Pour Hella Kherief, le parc Longchamp, c’est d’abord un « endroit accessible à tout le monde ». Et ça, c’est quelque chose qui pour elle, « est très important ». Arpenter ses allées replonge l’aide-soignante 20 ans en arrière, lorsqu’enfant, elle venait y jouer. La maison de retraite familiale dans laquelle travaillait sa mère était à quelques pas. Rien à voir avec la dureté qu’elle a connue, celle qui l’a poussée à témoigner à visage découvert dans Envoyé Spécial en septembre 2018. « Aujourd’hui, les résidents perdent confiance en eux, ils sont devenus des objets de soin, pas des êtres humains », regrette-elle d’une voix sensible. Auteure du livre Le scandale des Ehpad, paru le 9 mai dernier aux éditions Hugo new life et aujourd’hui « blacklistée » des maisons de retraite à Marseille, la lanceuse d’alerte explique se battre tous les jours pour remettre l’humain au cœur de sa profession. Réalisé par Pascal Messaoudi Produit par Marsactu Diffusé par la Podcast Factory
Il est un lieu auquel tout amoureux de la voile ne peut pas être insensible : le fort Saint-Jean. « Un endroit de rencontre quand tous les bateaux rentrent le dimanche soir », raconte Nicolas Magnan, navigateur et architecte. Un endroit où les souvenirs des traversées qui marqueront sa vie remontent à la surface. Il se souvient notamment de la route du rhum, une traversée difficile – il y perdra 8 kilos – mais aussi « magique ». Magique, comme la plaisance à Marseille, car « même avec des bateaux de briques et de broques, être sur l’eau c’est un plaisir ». Et au fort Saint-Jean on y est presque, sur l’eau. Réalisé par Pascal Messaoudi Produit par Marsactu Diffusé par la Podcast Factory
Il a triché, René. Au moment de choisir un lieu emblématique de Marseille, il est parti à Plan-de-Cuques, au bar des Madets, entre le fournil du même nom et un institut de coiffure. Il n’y sera pas question du célèbre casque gris que porte René Malleville pour aller parler OM face caméra. L’infatigable hâbleur a choisi le troquet car il figure parmi les trois, quatre bars que cet ancien professionnel du comptoir fréquente assidûment. Un bar de « l’ancien Marseille » où il se sent « chez lui » où se pratique ce « lien social » entre l’OM, la contrée et le jeu de boules. On y frôle autant la caricature qu’on y cultive l’authentique. De l’hommage à Lolo Altieri, figure du banditisme récemment décédé, à ses choix politiques réservés à des « vrais Marseillais », René Malleville raconte la ville avec une science consommée de l’exagéré. Né à Carcassonne, l’ancien élu, syndicaliste RTM, est une figure de la ville, insupportable et attachant, jusqu’au sieston qui, à la fin, s’impose. Réalisé par pascal Messaoudi Produit par Marsactu Diffusé par la Podcast Factory
Sa vie étudiante à Marseille, Capucine alias Asinine ne l’imaginait pas tout à fait comme ça, depuis sa Drôme natale. « Plutôt comme dans les séries américaines aseptisées », se remémore-t-elle. « D’un petit village à la rue Curiol, connue pour la prostitution », la jeune fille à peine majeure change de monde, sans s’y attendre. Seule dans un appartement, elle déprime, et dans la rue, voit des choses « assez terribles ». Un moment difficile sur lequel elle rebondit. « J’ai forcé le destin », raconte celle qui s’épanouit en rappant. Capucine alias Asinine a désormais son cocon dans une colocation boulevard National. Celui où l’on se construit, chante et dessine sur les murs, avant de prendre son envol. Réalisé par Pascal Messaoudi Produit par Marsactu Diffusé par la Podcast Factory
Manque l'odeur de cuir et de corps, mais il y a les coups sourds sur les poires, les cris du coach qui rythment et encouragent. Kayna Gattouche est un petit brin de fille de 12 ans à peine. Sa voix est posée, tranquille. Elle est vice-championne de France de kick boxing dans la catégorie des benjamines de moins de 37 kilos, trois fois championne régionale. Elle énonce clairement ce que la boxe a fait pour elle au point d'être partout dans sa vie. Elle, la jeune fille "très calme, transparente", est devenue celle qu'on ne va pas chercher. Elle sait se défendre, rendre les coups, mais n'a pas forcément besoin de le faire hors du ring. La boxe l'a transformée comme on éclot à l'âge adulte. Son Marseille se concentre tout entier dans cette salle du club JSKB, sise boulevard de Plombières. JS comme Jérémy Sportouche, champion d'Europe en titre et star du club créé par son père Alain, l'entraîneur de Kayna. La brindille a perdu "un peu de puissance" après une récente blessure, mais elle l'assure, elle reviendra très vite au niveau. Réalisé par Pascal Messaoudi Produit par Marsactu Diffusé par la Podcast Factory
Il a délaissé l’écharpe de conseiller municipal, élu en 2014 sur la liste Marseille en avant, ou la casquette de soutien à Jean Lassalle à la présidentielle (lire notre reportage). Tablier sur les hanches, éternel gilet sur le dos, il campe son rôle préféré : celui de patron de la brasserie des Templiers. Elle est, dit-on, dit-il, la plus ancienne de Marseille. Depuis 2016, date approximative de ses 120 ans, il collectionne les anecdotes à son propos, de la cave franc-maçonne au comptoir en zinc lustré par les manches des buveurs de bière. L’établissement dont il a occupé tous les postes de la plonge à la salle aurait pu s’appeler l’entre-deux-ports, puisqu’il est situé à équidistance de l’antique et du vieux. Il a gardé ce nom qui fleure bon le passé religieux parfumé d’ésotérisme. Un lien à la tradition que Frédéric Jeanjean ne renie pas, lui qui offre le souper maigre à la veille de Noël avec félibres et tambourinaire. Réalisé par Pascal Messaoudi Produit par Marsactu Diffusé par la Podcast Factory
Le fait est connu, on peut faire le tour du monde, la main sous un plateau. Youssef Attid, dit You a fait le sien sur un plateau, celui de la butte de La Plaine qui embrasse quand elle est gentille le cours Julien et Notre-Dame-du-Mont. C'est précisément là que You exerce le métier de serveur depuis 18 ans. Il a connu le plateau quand une fête du même nom attirait "vachement du monde". Il a grandi à la Cayolle où il mangeait les plinthes (sic) de carrelage et se chauffait au pneu, "une belle enfance" avant le luxe des HLM des Chartreux. Au micro de Pascal Messaoudi, Youssef Attid refait le petit monde en passant par La Plaine qu'ils ont tuée et les taudis du centre-ville où les "gens ne savent plus s'ils sont vivants ou morts". "Dans cette place où on est tous des stars", pas des grands limonadiers avec nœuds pap' et tabliers, les serveurs peuvent travailler décontractés et continuer à servir des morceaux vivants de la ville, entre le sucre et la cuillère. Sur un plateau, bien sûr. Réalisé par Pascal Messaoudi Produit par Marsactu Diffusé par la Podcast Factory
Il s'appelle Bob. Tout le monde le connaît sous ces trois lettres qui sonnent comme un bouchon qui saute. Bob, ou Éric Siramino, a le grain de voix de celui qui a traîné ses guêtres dans tous les coins du monde. Ces temps-ci, il les use souvent à la terrasse du Ferréol, un bar équidistant de la boutique d'Emmaüs où il travaille et l'endroit où il crèche. Ce bar "hétéroclite et cosmopolite" ressemble à sa vie bourlinguée. Ce Marseillais de naissance a utilisé un banc comme rampe de lancement et un bar comme piste d’atterrissage. Entre les deux, c'est lui qui raconte. Réalisé par Pascal Messaoudi Produit par Marsactu Diffusé par la Podcast Factory
Pas de doute, on est bien chez Rudy Ricciotti. D’abord parce qu’on y croise son ami le musicien Rodolphe Burger, de passage et “qui se mêle de la conversation”, donnant à cette chronique une forme inhabituelle. Ensuite parce que de ce “cul de sac” de la presqu’île de Cassis, il n’en est presque “pas sorti depuis le mois de juin”.“Je suis là où je rêve d’être”, s’émeut l’architecte du Mucem, qui vante le “silence, la solitude, la minéralité absolue” du lieu. Et notamment l’“ocre un peu satanique” de ce “si beau marbre français” : la pierre de Cassis, issue de la carrière dont il finance la restauration.
À Belsunce, Ali Timizar est un personnage central comme la place Louise-Michelpour laquelle il se bat depuis tant d’années. Patron d’hôtel “pratiquement en retraite” à 79 ans, président du comité d’intérêt de quartier, de l’association de commerçants, cet “homme public” multiplie les casquettes. Humaniste, il ne perd jamais de vue son souci de voir ce quartier populaire croître dans une forme d’harmonie entre les habitants et ceux qui le traversent.
Lucien Vassal est un jeune homme de quatre-vingt printemps. Cette jeunesse renouvelée naît des mille vies traversées. Homme politique de premier plan, maire communiste des 15e et 16e arrondissements de 1989 à 1995, il a aussi été enseignant dans ces quartiers Nord qu’il continue d’arpenter. Il est aujourd’hui écrivain et visite tous les jours l’ancien domaine du marquis de Foresta, où trône Grand littoral. La balade avec Lucien Vassal que nous offre Pascal Messaoudi permet de débusquer une trimballée d’histoires derrière l’avoine sauvage. À travers son regard, l’horizon s’épaissit des siècles qu’il embrasse.
Nicole Ferroni est une artiste qui ne cache pas ses combats, sur scène comme dans ses chroniques matinales sur France inter. Rien de surprenant qu’à l’heure de répondre à la question rituelle de Pascal Messaoudi “d’où tu parles ?”, elle a choisi un lieu lourd de symbole politique. C’est à l’ancienne MJC de sa ville que cette“Aubagnaise d’adoption” a choisi de se raconter (un peu) et d’expliquer pourquoi la fermeture de ce lieu à qui elle “doit une grande partie de [son] émancipation culturelle” lui semble injuste. PS : Comme le suggère Nicole Ferroni, il nous incombe de corriger la citation qu’elle donne dans la chronique. Victor Hugo n’a pas écrit “Si vous trouvez que la culture coûte cher, essayez l’ignorance”. Cette citation se rapproche plutôt d’une autre, souvent attribuée à Abraham Lincoln : “Si vous pensez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance”. Nous avons échoué à en retrouver la source exacte mais il est fort probable que l’ancien président des États-Unis n’en soit pas plus l'auteur de Victor Hugo.
Chose peu étonnante, elle a légèrement tordu la contrainte. La photographe Yohanne Lamoulère n’a pas choisi un lieu pour décrire la ville où elle vit et travaille. Avec le documentariste sonore Pascal Messaoudi, elle a préféré la raconter depuis la bonne vieille voiture de papy. De Bougainville au lycée Nord, en passant par les quatre chemins des Aygalades. Suivez son sillon avec les craquements de la BMW.
Gagny Sissoko est malien d’origine. Arrivé à Marseille en 2012 par le biais d’un ami rencontré dans une compagnie de théâtre pour laquelle il cuisinait, il a depuis ouvert un restaurant sur le boulevard Chave. Cet amoureux de la cuisine vient régulièrement sur le Vieux-Port, sa “deuxième maison”, dit-il. Là, il traîne sur le marché aux poissons à la recherche de recettes et observe les badauds qui viennent s’y promener.
Laurent Le Forban est plasticien. Depuis quelques décennies, il joue avec les élastiques, les étire, les tord et s’en sert pour écrire. Marseillais, habitant du 7e arrondissement, il a choisi le ruban bleu de la mer comme lieu d’où il raconte sa ville. Du poulpe au lion de Kessel, un portrait à méditer, les yeux dans le bleu.
Cathy Avram est la co-créatrice de la compagnie Générik Vapeur -Trafic d’Acteurs et d’engins – installée à Marseille depuis 1986. Cantatrice Rock, metteuse en scène, comédienne et passionnée, Caty Avram est aussi une habitante de l’Estaque...
Bruno Le Dantec est écrivain et journaliste. Depuis plus de 20 ans, il alterne les écrits sur les ailleurs lointains, notamment en collaboration avec le photographe Antoine d’Agata et ceux qui parlent de sa ville. Il collabore régulièrement à différents périodiques aussi bien à Marseille (CQFD) qu’à Naples (Napoli monitor) et Mexico (La Guillotina).