POPULARITY
En mars 1986 Danielle Mitterrand se lançait dans un combat : celui pour un monde plus solidaire. Soucieuse de changer de monde, elle le voulait plus juste et respectueux du vivant. 35 ans après, c'est à une métamorphose radicale que nous invite la Fondation, qui se réinvente. Avec Jérémie Chomette, directeur de la Fondation Danielle Mitterrand. Pour concrétiser cette utopie, vous vous êtes fixés de nouveaux objectifs et des modes d'actions renouvelés. Le vivant, la citoyenneté, restent toujours présents, mais d'une autre manière. "On travaillait beaucoup sur la question du droit à l’eau. On va continuer sur les lois mais cela va être beaucoup moins important. On est en train de se concentrer sur les questions du lien entre le droit à l'eau et le droit de l'eau. Il y a des initiatives territoriales où l'on essaie de repenser notre rapport à l'eau, pour que l'élément eau, et tout ce qui le constitue - une rivière, des fleuves - puissent avoir des droits et participer à la vie du territoire. On voit foisonner par exemple des parlements, de la Loire, de la Seine, du Rhône. On va essayer de dialoguer avec les autres espèces vivantes, pour les prendre en compte. Et cela va aussi agir sur le changement climatique, sur l'effondrement de la biodiversité, puisque l'on va repenser notre façon d'envisager le monde. C’est le champ d’un autre rapport aux vivants. C'est notre programme Vivant et communs." Votre second programme s'intitule Alternatives démocratiques et communs. "Là, on va s'intéresser aux droits humains en allant plus loin, en se posant la question de, comment faire société sans remettre des rapports de domination. Avec l'État-nation, vous déléguez votre pouvoir à l’Etat une fois tous les 5 ans. Et finalement votre pouvoir vous est ôté. Vous pouvez avoir l’Etat qui rajoute de la domination sur les êtres. Donc, on regarde comment on peut s’extirper de ces modèles qui entraînent la domination des puissants. On s'intéresse beaucoup notamment aux mouvements des communs, au communalisme, à l'autogestion, à ce qui se passe dans les Zad, à ce qui se passe au nord-est de la Syrie. Cela va nous permettre de repenser et d’agir tous ensemble sans rapport de domination. Et il y a aussi la question de l’égalité homme-femme. Ce sont deux grandes entrées. Mais on travaille toujours sur la question de l'eau et des peuples autochtones ou sur le Kurdistan, mais par ces deux entrées." Rompre avec un système mortifère 2021 n'est pas qu'une année de célébration. C'est aussi la poursuite des actions et le démarrage de nouvelles campagnes. Quels sont les grands rendez-vous de l'année qui vient ? "On a beaucoup d’événements. Sur la fin de l'année on a deux temps. Un premier qui est ouvert à la société civile : les rencontres “Sans transition, donnons vie aux utopies”. On va essayer de réunir 250 personnes issues de la société civile, des artistes, des universitaires, des représentants du mouvement associatif, des politiques, pour s’interroger sur la situation d’aujourd’hui. Quand on regarde notre système actuel, les accords de Paris, s’ils sont suivis, on arrive à 3,2 degrés de réchauffement climatique à la fin du siècle. Cela nous amène dans une impasse. Aujourd'hui notre système, tel qu’il est, nous amène dans une impasse. L'idée de transition écologique telle qu'elle est pensée par les gouvernants et la plupart de nos structures nous amène dans une impasse. Donc, plutôt que de rester dans un constat et dans la dénonciation, on va essayer de réfléchir ensemble à comment on peut opérer une rupture historique avec ce système mortifère. L'agriculture intensive détruit des sols, elle détruit la vie. L’extractivisme, l’industrie pétrolière, c'est la même chose. Nous aurons deux jours de rencontres pour discuter de cela, pour avoir des temps de réflexion sur la métamorphose. Comment on peut entrer en métamorphose et essayer d'envisager d’autres pratiques, d’autres imaginaires? Ce sera notre gros événement à Paris.
Il y a 35 ans, Danielle Mitterrand s'engageait dans un combat : le combat contre toutes les souffrances des hommes. Avec sa Fondation, elle aspirait à une utopie : organiser une alternative à un monde plus juste et plus humaniste. 35 ans après, la Fondation continue de s'inscrire dans les pas de sa fondatrice et appelle à une métamorphose radicale de la société. Avec Jérémie Chomette, directeur de la Fondation Danielle Mitterrand Au mois de janvier, l'éditorial de Gilbert Mitterrand, le président de la Fondation, avait pour titre : "Donnons vie aux utopies pour une métamorphose radicale". Un appel que ne renierai pas Danielle Mitterrand et qui sonne comme celui d'une urgence. En 35 ans, le monde et la société ont changé, trop ou pas assez, c'est selon. Est-ce que les urgences de l'époque sont les mêmes aujourd'hui ? Est-ce que ce sont les mêmes combats ? "Oui. Probablement. Sauf que les urgences sont encore plus importantes que par le passé. Dans les années 1980, on parlait d'un péril écologique et d'un péril néolibéral de la mondialisation. La grosse différence avec l'époque, c'est qu'aujourd'hui on le ressent plus fortement. Le péril est là et n'a jamais été aussi important. Dans les années 1980, on parlait d'une possibilité d'une transformation due au changement climatique. Aujourd'hui, les effets sont là. C'est notre génération et la génération de nos enfants qui sont en danger. La transformation est plus qu'urgente. Elle ne peut pas s'attaquer qu'à la superficie et au premières conséquences, mais vraiment aux causes. Dès le début, l'ambition de Danielle Mitterrand était de s'attaquer aux causes, que tout le monde ait des droits et qu'on puisse développer une justice qui permette d'éviter des inégalités qui perturbent l'équilibre de la planète. On avait déjà conscience de ça. Aujourd'hui, c'est face à nous. C'est inédit dans l'histoire de l'humanité que l'humanité elle-même puisse être en danger. Une partie de la vie sur terre est clairement en danger. Il faut développer d'autres pratiques et d'autres imaginaires. Il faut envisager d'autres façons de vivre tous ensemble, joyeuses, et qui procurent du bien-être. C'est ce moteur-là qui nous permettra de transformer nos sociétés." Jérémie Chomette / © Fondation Danielle Mitterrand Vivre en harmonie avec les autres êtres vivants Qu'est-ce qui a changé réellement en 35 ans ? La dégradation du monde, de la société, la prise de conscience de citoyens ? "Il y a pas mal de choses. Probablement qu'il y a une prise de conscience plus importante du péril, mais moins de pourquoi il est là. On a toujours la volonté de remplacer les voitures au pétrole par des voitures électriques, ce qui malheureusement répond à un problème mais en pose un autre. Ce qui a pu changer c'est que, notamment dans la société civile, on est sorti des grandes organisations, les grands syndicats, les grandes ONG, qui jouaient un rôle et que les états ont essayer de démanteler. Elles ont eu du mal à se pérenniser parce qu'elle se sont probablement coupées de la base. Ces organisations s'écroulent un peu et les syndicats sont de moins en moins attirants. Mais derrière, on a des citoyens qui disent, on va changer les choses. On ne va plus demander, mais on va réquisitionner le pouvoir et ne plus le déléguer. On a partout un foisonnement de collectifs qui ont envie de transformer les choses. Avant, on était sur une approche internationale. Dans les années 1980, 1990, on rêvait d'un changement par des gouvernements internationaux. Aujourd'hui, on en est un peu revenu. On a une relocalisation des luttes qui peut poser problème, parce qu'on ne peut pas penser les choses qu'à partir du territoire. Mais il faut les penser à partir du territoire en les liant aux autres territoires. La dernière chose qui a changé, c'est de ne plus voir l'être humain comme le maître du monde. On a toute une philosophie, issue notamment des peuples autochtone, où on ne veut plus transformer le monde pour le domine...
Il y a 35 ans, Danielle Mitterrand s'engageait dans un combat : le combat contre toutes les souffrances des hommes. Avec sa Fondation, elle aspirait à une utopie : organiser une alternative à un monde plus juste et plus humaniste. 35 ans après, la Fondation continue de s'inscrire dans les pas de sa fondatrice et appelle à une métamorphose radicale de la société. Avec Jérémie Chomette, directeur de la Fondation Danielle Mitterrand Au mois de janvier, l'éditorial de Gilbert Mitterrand, le président de la Fondation, avait pour titre : "Donnons vie aux utopies pour une métamorphose radicale". Un appel que ne renierai pas Danielle Mitterrand et qui sonne comme celui d'une urgence. En 35 ans, le monde et la société ont changé, trop ou pas assez, c'est selon. Est-ce que les urgences de l'époque sont les mêmes aujourd'hui ? Est-ce que ce sont les mêmes combats ? "Oui. Probablement. Sauf que les urgences sont encore plus importantes que par le passé. Dans les années 1980, on parlait d'un péril écologique et d'un péril néolibéral de la mondialisation. La grosse différence avec l'époque, c'est qu'aujourd'hui on le ressent plus fortement. Le péril est là et n'a jamais été aussi important. Dans les années 1980, on parlait d'une possibilité d'une transformation due au changement climatique. Aujourd'hui, les effets sont là. C'est notre génération et la génération de nos enfants qui sont en danger. La transformation est plus qu'urgente. Elle ne peut pas s'attaquer qu'à la superficie et au premières conséquences, mais vraiment aux causes. Dès le début, l'ambition de Danielle Mitterrand était de s'attaquer aux causes, que tout le monde ait des droits et qu'on puisse développer une justice qui permette d'éviter des inégalités qui perturbent l'équilibre de la planète. On avait déjà conscience de ça. Aujourd'hui, c'est face à nous. C'est inédit dans l'histoire de l'humanité que l'humanité elle-même puisse être en danger. Une partie de la vie sur terre est clairement en danger. Il faut développer d'autres pratiques et d'autres imaginaires. Il faut envisager d'autres façons de vivre tous ensemble, joyeuses, et qui procurent du bien-être. C'est ce moteur-là qui nous permettra de transformer nos sociétés." Jérémie Chomette / © Fondation Danielle Mitterrand Vivre en harmonie avec les autres êtres vivants Qu'est-ce qui a changé réellement en 35 ans ? La dégradation du monde, de la société, la prise de conscience de citoyens ? "Il y a pas mal de choses. Probablement qu'il y a une prise de conscience plus importante du péril, mais moins de pourquoi il est là. On a toujours la volonté de remplacer les voitures au pétrole par des voitures électriques, ce qui malheureusement répond à un problème mais en pose un autre. Ce qui a pu changer c'est que, notamment dans la société civile, on est sorti des grandes organisations, les grands syndicats, les grandes ONG, qui jouaient un rôle et que les états ont essayer de démanteler. Elles ont eu du mal à se pérenniser parce qu'elle se sont probablement coupées de la base. Ces organisations s'écroulent un peu et les syndicats sont de moins en moins attirants. Mais derrière, on a des citoyens qui disent, on va changer les choses. On ne va plus demander, mais on va réquisitionner le pouvoir et ne plus le déléguer. On a partout un foisonnement de collectifs qui ont envie de transformer les choses. Avant, on était sur une approche internationale. Dans les années 1980, 1990, on rêvait d'un changement par des gouvernements internationaux. Aujourd'hui, on en est un peu revenu. On a une relocalisation des luttes qui peut poser problème, parce qu'on ne peut pas penser les choses qu'à partir du territoire. Mais il faut les penser à partir du territoire en les liant aux autres territoires. La dernière chose qui a changé, c'est de ne plus voir l'être humain comme le maître du monde. On a toute une philosophie, issue notamment des peuples autochtone, où on ne veut plus transformer le monde pour le domine...
Restons confinés, et imaginons le monde d'après ! La pandémie de coronavirus impose à chacun un autre rythme, une autre manière de penser le quotidien. Mais au-delà de la question sanitaire qui reste prioritaire, cette crise peut-elle être révélatrice des dérives de notre modèle de société ? Et quelle transformation primordiale va-t-elle engendrer ? Avec Jérémie Chomette, directeur de France Libertés La semaine dernière, nous avons vu que le municipalisme peut être un outil pour construire autre chose. Mais l'épreuve que chacun de nous traverse fait aussi naître ou réapparaître des solidarités. Comment capitaliser dessus ? Comment retisser des liens pour revenir à l'essentiel ? "Revenir à l'essentiel est fondamental. Et cette crise va peut-être nous aider. Il y a plusieurs mouvements qui existent déjà et qui se renforcent. D'autres sont en train de naître. Si on veut qu'ils perdurent, l'important est de leur permettre de se structurer dans le temps et de garder leurs intentions. On sait qu'une fois que l'on va être déconfiné, on va avoir une tendance à oublier ce qui s'est passé. C'est très important de ne pas oublier ce qui s'est passé et de se rappeler pourquoi c'est arrivé. Il va falloir travailler sur les causes de cette crise, pourquoi on en est arrivé là. Et chercher des solutions pour que cela ne se reproduise pas. Ces solutions se retrouvent beaucoup dans les mouvements de solidarité. Il est important de relier ce qui est en train de se passer avec les autres crises. Tant qu'on aura pas résolu les crises économiques, les crises écologiques, les crises démocratiques, ces mouvements n'auront pas atteint leurs buts." Vous l'avez souligner dans votre édito sur le site de la Fondation : "Une grande majorité des Etats du monde ont fait passer l’humain avant l’économie et le profit néo-libéral". Est-ce que cette machine néo libérale "mortifère", comme vous dites, peut être arrêtée ? "Oui. C'est ce qu'on est en train de s'apercevoir. Aujourd'hui certes c'est pour un temps court, mais la machine est quasiment à l'arrêt. Les avions restent cloués au sol, le pétrole est de moins en moins raffiné. Donc on peut arrêter. Malheureusement, c'est venu d'une pandémie. Il faudrait qu'on le fasse tous ensemble. On se rend compte qu'on peut vivre, et qu'on peut vivre autrement. Oui, elle peut être arrêtée, on le voit. La question c'est, comment réussir pour qu'elle le soit pour toujours. Et pour qu'elle le soit pour toujours, on ne peut pas juste l'arrêter. Il faut mettre en place des actions qui permettent de remplacer cette machine par plein d'actions différentes. Et de substituer, à nos fonctionnement actuels, de nouveaux fonctionnements." Renverser cette machine mortifère Certains dirigeants de ce monde redécouvrent les vertus d'un service public fort, d'une économie locale, de proximité, en dénonçant ce qu'ils ont eu même vanté : la loi du marché. Est-ce qu'on peut compter sur ces beaux discours ? Ou faut-il plus que jamais que l'action collective amène les transformation nécessaires ? "C'est vrai que cette pandémie est très importante. Mais ce n'est pas la première crise très importante que nous vivons dernièrement. On a vu les méga-feux en Australie, les canicules, les catastrophes écologiques. On a perdu 60% des animaux sauvages, des insectes. A chaque fois, on a beaucoup de paroles et très peu d'action de la part de nos gouvernants. D'abord parce qu'il ne savent pas faire autrement et parce qu'il sont liés au modèle de société qui entraîne cette destruction. Les discours sont beaux. Mais la seule façon de changer, cela ne pourra apparaitre que par une action collective des citoyens, des associations, des syndicats. Il y a des possibilités de renverser cette machine mortifère, mais elle ne pourra pas venir de nos gouvernants. C'est à nous de mettre en place d'autres façons de vivre et de faire société." Passer de l'intention à la réalisation On est au seuil d'une vraie révolution des consciences ?
Restons chez nous ! Depuis un mois, c'est le mot d'ordre que nous devons suivre pour tenter d'endiguer la progression du coronavirus. Depuis un mois nous essayons de nous adapter à cette situation inédite, en repensant notre mode de vie, nos besoins de consommation. Depuis un mois, on redécouvre la pertinence d'avoir un service public fort et performant. Et depuis un mois, des nouvelles solidarités apparaissent, ou plutôt, reprennent du sens. Avec Jérémie Chomette, directeur de France Libertés Comment la Fondation a abordé cette crise sanitaire inédite, dans son fonctionnement et dans ses missions ? Comment on arrive encore, dans cette période, à défendre les droits humains et les biens communs du vivant ? "Ce n'est pas évident, mais c'est très important pour nous de rester mobilisés. L'ensemble de l'équipe est aujourd'hui en télétravail. On essaie d'être présent pour continuer à mettre en lumière les violations des droits humains - on le voit sur les questions d'accès à l'eau en France et dans le monde qui prennent une importance plus grande que d'habitude. Et on est un inquiet sur la défense des libertés, notamment en France avec l'état d'urgence qui est censé durer jusqu'en décembre. On espère que les violations des droits ne seront pas trop importantes." L'exemple du municipalisme Cette crise est arrivée à un moment majeur de la vie démocratique française. La campagne pour les élections municipales a porté un peu partout des projets de société divers. Certains ont tenté de proposer des façons nouvelles de faire société localement, de vivre la ville différemment, avec la volonté de mettre en pratique le municipalisme. Concrètement, comment ce municipalisme prenait forme ? "On peut prendre l'exemple de Barcelone où les citoyens qui s'étaient mobilisés dans le MOUVEMENT OCCUPY au début des années 2010, ne souhaitaient plus que ce soient des gens à qui on délègue un pouvoir par les élections, qui décident pour eux. Ils voulaient reprendre la main sur les décisions dans la cité. En élisant une liste citoyenne de personnes de personnes qui ne sont pas présentes dans des partis, ils voulaient mettre en place des outils collaboratifs et décentralisés pour permettre des prises de décisions où les citoyens ont leur mot à dire. C'est assez facile à dire, mais plus compliqué à mettre en place. On l'a vu à BARCELONE, il y a eu une multiplication d'ateliers pour les citoyens qui ont été pris en compte, des réformes proposées au niveau local où les citoyens peuvent suggérer des choses. En France, il y a l'exemple de la petite ville de Saillans (Drôme), où l'on a vu que c'était assez compliqué à mettre en place, mais où on a essayé de de développer une démocratie où on organise, de manière régulière, des temps de rencontre et d'échange avec la population, avec des ateliers, pour répondre aux besoins de la population et pour que chacun puisse s'exprimer dans la prise de décisions." Pendant la campagne des municipales, vous aviez lancé une initiative autour de ce municipalisme. Est-ce que vous avez des retours des projets qui portaient cette question ? "Il y a environ 500 listes citoyennes qui ont été déposées. Il y a des listes qui sont plutôt portées par des partis politiques, comme du greenwashing, avec cette idée de redonner le pouvoir aux citoyens, parce que cela porte bien. C'était donc des citoyens encartés. C'est un peu le défaut. Mais on estime qu'il y a environ 200 listes qui ont été déposées vraiment par des citoyens. Beaucoup sont issus de ce qui s'est passé à Barcelone, mais d'autres du mouvement des gilets jaunes. Pendant le mouvement des gilets jaunes, il y a eu une assemblée des communes qui a essayé d'insuffler un mouvement de reprise en main des municipalités par l'autogestion." Enclencher un vrai changement C'est donc bien une autre manière de faire société qui est mise en avant dans ce projet. Comment aujourd'hui ce municipalisme, ce besoin de penser la société autrement,
durée : 00:03:50 - L'invité France Bleu Picardie Matin
Le système capitaliste et consumériste est à bout de souffle. L'Humanité est en train de dépasser les limites de la Terre. Il est donc temps d'inventer d'autres formes de rapport au monde. C'est le sens d’un texte que publiera prochainement France Libertés. La Fondation défend un "radicalisme utopique". Avec Jérémie Chomette, directeur de France Libertés « Pour nous, il n’y a pas une seule solution, mais il y a une multitude de façons de penser, d’autres façons de faire société. On part du principe qu’il est fondamental de reprendre à la racine les problèmes et d’essayer de développer quelque chose d’autre. Aujourd’hui, on a par exemple l’écoféminisme qui est extrêmement intéressant. Cela croise des formes de dominations. A travers cette domination des hommes sur les femmes, celle du patriarcat ou de la domination des humains sur la nature, on voit comment on contre cela en recréant d’autres système. Il y a l’écoféminisme, le confédéralisme démocratique qu’on voit au Rojava, et la question des communs : comment on va essayer de créer des liens sociaux pour interagir et préserver nos relations dans la durée ? » Les limites de la transition « On ne peut plus passer par une délégation du pouvoir, où on va élire quelqu’un qui va diriger pour nous. Il s’agit de se dire, on va créer des lieux où on va pouvoir prendre des décisions entre humains, qui concernent les autres êtres vivants. C’est la seule possibilité de sortir de là où on en est. Ce qu’on dit, c’est exclure cette idée de transition qu’on entend partout. Souvent, quand on pense à transition, on pense écologie. On va remplacer le pétrole par des énergies renouvelables. En fait, les énergies renouvelables, dans la plupart des cas, on vient, notamment de manière industrielle, ponctionner la Terre. On vient chercher des minerais pour développer des énergies. Mais en fait on vient taper dans les limites que nous offre la planète. » © France Libertés La transition a ses travers. Vous pointez le fatalisme de certains, d'autres qui rejettent les responsabilités à plus tard, ou qui comptent sur la technologie qui va nous sauver… Que reste-t-il à opposer ? « Il y a une forme de sagesse. On travaille beaucoup avec Hindou Ibrahim qui est une femme peule du Tchad qui dit, "la meilleure technologie aujourd’hui pour combattre le changement climatique, c’est ma grand-mère". Il ne s’agit pas de glorifier le passé. Mais cela veut dire : on a des savoirs assez simples qui nous permettent de repenser notre monde et de beaucoup plus prendre soin de la planète. On le voit au travers des structures que l’on soutient, au Kurdistan de Syrie notamment, au Rojava. On a vu comment, quand les femmes qui s’étaient révoltées voulaient créer un autre monde, ont réutilisé des techniques de constructions anciennes. Ces constructions permettraient d’avoir une température beaucoup moins importante, et donc de ne pas utiliser de climatiseur. Il n’y a pas besoin toujours d’avoir une technologie qui va nous sauver. On peut revenir à des solutions qui existaient. Repenser notre conception du savoir est aussi très importante. » Penser le monde autrement C'est ce que vous appelez le radicalisme utopique ? « On a repris l’idée de radical, puisqu’on disait toujours que Danielle Mitterrand était radicale. Mais c’était dans le sens premier du terme : reprendre à la racine les problèmes. Le climat est une conséquence de nos actions. Ce n’est pas une cause. Chercher à agir sur le climat nous semble problématique. Il faut agir sur les causes. Les causes, ce sont notre rapport à la nature, avec cette idée qu’il faut toujours consommer plus pour aller plus loin. Donc il y a cette idée de proposer des solutions qui prennent les problèmes à la racine. Et il y a l’idée d’utopie. Aujourd’hui, il nous semble fondamental de créer de nouveaux imaginaires, de penser le monde autrement. C’est important de repenser les utopies, de penser que l’on peut sortir de ce système capitaliste, productiviste,
Crise climatique, sociale, démocratique, économique, le monde de 2020 doit faire face comme jamais à des défis majeurs pour l’avenir. Face à l’accélération des dérèglements politique, sociaux, environnementaux, il est temps de rompre avec un système libéral et productiviste qui mène l’humanité à sa perte. C’est le sens d'un texte que va présenter dans quelques temps France Libertés. Sous le titre "Radicalisme utopique", la Fondation pointe l’urgence de la situation et lance des pistes pour changer de cap. Avec Jérémie Chomette, le directeur de France Libertés Il y a plus de 30 ans, Danielle Mitterrand affirmait la nécessité pour l’humanité de repenser son rapport au monde. En ce début 2020, son constat est toujours d’actualité ? « Plus encore qu’avant peut-être. Il y a 30 ans, on parlait de LUTTER CONTRE TOUTES LES OPPRESSIONS. Aujourd’hui, ces oppressions se multiplient et s’accélèrent. Donc il faut complètement reprendre les choses à la racine. Il faut repenser notre rapport au monde, repenser notre rapport aux autres, repenser notre rapport aux autres êtres vivants, et pas seulement aux êtres humains » Vous estimez qu’il y a une multiplication des crises ? « Oui, et c’est logique que ces crises soient liées les unes aux autres et qu’elles se multiplient. On est à la fin d’un système. On s’aperçoit que nos ressources sont de plus en plus limitées. Forcément, les personnes les plus riches ou celles qui sont au pouvoir, qui constituent une minorité, vont chercher à garder leurs privilèges au maximum. Elles voient qu’elles ne pourront plus faire autant de bénéfices en détruisant la planète. Elles vont chercher à survivre. Ce sont elles qui ont le pouvoir. Donc les crises vont se multiplier. » Pour produire du bonheur, "il faut une forme d’esclavage" Qu’est-ce qui cloche dans le monde de 2020 ? « On voit qu’on est arrivé à bout de notre système de fonctionnement. Notre système occidental est basé sur la domination d’une poignée d’hommes sur d’autres êtres humains, mais aussi des êtres humains sur toutes les ressources planétaires. Pour qu’on produise une forme de bonheur, qui est souvent de très artificiel, on a besoin de consommer énormément, de chercher à toujours développer la croissance économique. Pour développer la croissance économique, il faut des formes d’esclavage. C’est ce qu’on voit sur le plan social où, pour faire des vêtements, on va toujours délocaliser pour les concevoir là où on va payer 30 euros ou 30 dollars du mois les gens, que ce soit au Cambodge, en Chine ou en Ethiopie. On voit qu’on est obligé de dominer certaines autres personnes. De la même façon, pour continuer cette croissance, on est obligé d’extraire énormément de ressources, d’éléments naturels du sol. En fait, on est en train d’arriver au bout. La planète ne peut plus supporter tout ça. Il en est de même des humains qui sont dominés et qui se révoltent. Donc on est vraiment sur la fin d’un système. Les crises se multiplient puisque les privilégiés ne veulent pas lâcher et vont chercher à garder leurs privilèges. » Le système capitaliste et consumériste, que vous dénoncez dans le texte, est à bout de souffle ? « Exactement. C’est même les systèmes capitalistes et productivistes. Même dans d’autres façons de faire société, toute l’idée qui est basée sur la croissance, sur le productivisme, de devoir toujours faire plus, on ne peut plus. Il y a des limites et on est en train de dépasser toutes les limites. » Inventer d’autres formes de rapport au monde Pourtant, les plus grandes nations continuent en ce sens. Comment contrer tout ça ? « C’est la question à laquelle on essaie de répondre tous les jours. Les méthodes traditionnelles, qui étaient de reprendre le pouvoir notamment par les élections, nous semblent un petit peu dépassées. Il faut inventer d’autres choses. Il faut plutôt vider les Etats et les grandes multinationales de leur pouvoir en inventant d’autres formes de rapport au monde.