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Monde Solidaire – Fréquence Terre
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Nous sommes en 1986. Danielle Mitterrand créé la Fondation France Libertés avec une volonté : défendre les droits humains et soutenir la résistance des peuples opprimés à travers le monde. Depuis, de l'Apartheid en Afrique du Sud au peuple kurde, du Tibet aux différents peuples autochtones, son engagement et ses prises de position ont fait […]
La Fondation Danielle Mitterrand a 35 ans. Fidèle à sa volonté de rendre les utopies concrètes, elle nous invite pour l'occasion à sortir de notre zone de confort et à revoir nos façons de penser et d'agir. Les 5 et 6 novembre prochain, c'est à un week-end de rencontre, d'échanges et d'expérimentations qu'elle nous convie, […]
« Coupures d'eau : Victoire des citoyens face aux multinationales« , c'est le titre d'un ouvrage signé Emmanuel Poilane et Jean-Claude Oliva. C'est le récit de plus de quatre ans de combat contre les coupures d'eau et pour redonner de la dignité aux victimes de ces coupures. Avec Emmanuel Poilane, secrétaire général de la Fondation Danielle Mitterrand […]
C'est le récit d'un combat de quatre ans contre les géants de l'eau. Un combat contre les multinationales pour faire respecter la dignité de chacun et pour faire avancer le droit à l'eau en France. Emmanuel Poilane, de la Fondation Danielle Mitterrand, et Jean-Claude Oliva, directeur de la Coordination Eau Ile-de-France, signent « Coupures d'eau : […]
C'est un évènement démocratique particulier que va vivre le Chili le week-end prochain. Les 15 et 16 mai, les Chiliens sont appelés aux urnes. Ils désigneront notamment des maires, des conseillers municipaux et des gouverneurs. Mais ce scrutin est aussi celui où seront élus les membres de l’Assemblée constituante qui aura pour mandat de rédiger la nouvelle constitution du pays. Avec Diego Olivares, chargé de la communication à la Fondation Danielle Mitterrand Ce week-end, les Chiliens vont donc élire ceux qui auront pour mission d'écrire la nouvelle constitution. C'est le fruit de revendications portées de longue date par la population. "De longue date, oui. J'oserais même dire que, depuis qu'elle s'est créée en 1980 en pleine dictature sous l'époque de Pinochet, cette même Constitution est restée en place une fois la démocratie de retour au Chili au début des années 1990. Et elle n'a cessé d'être remise en question par la société civile et par les différentes générations qui ont vécu sous l'ère de cette Constitution. Quand a débuté tout le mouvement social en 2019, qui avait été initié par la hausse du ticket de métro de 30 pesos, il est apparu tout de suite une logique qui s'est traduite en une phrase emblématique de ce mouvement social : ce ne sont pas les 30 pesos de la hausse du ticket, ce sont les 30 années de la Constitution au Chili." Tourner la page d'une Constitution ultralibérale cadenassée Derrière cette future constitution, il y a aussi l'idée de mettre un terme à cette constitution de 1980, écrite sous la dictature militaire d’Augusto Pinochet. "C'est réellement essayer de tourner la page. Paradoxalement, la Constitution se vend au Chili dans les différents kiosques à journaux. Les gens sont très informés sur la Constitution. Et paradoxalement, c'est une Constitution qui est complètement cadenassée quant à la possibilité la modifier. Ce processus de changement de Constitution ne date pas seulement de ces dernières années. Déjà en 2013, lors son second mandat, la présidente Michelle Bachelet avait initié tout un processus pour essayer de modifier les grandes lignes de cette Constitution. Donc c'est un thème qui est assez récurrent. Il fallait sûrement tout ce soulèvement social qui n'a pas été très facile. Il a été évidemment entouré de beaucoup de violences de la part des forces de l'ordre chiliennes, et freiné ensuite par la situation sanitaire de la pandémie. Donc c'est un processus qui a été très long à mettre en place." Cette constitution de 1980 consacrait totalement la vision néolibérale de l’économie et une approche conservatrice de la société. "Tout à fait. La mise en place de cette Constitution a été largement appuyée par ce qu'on appelait à cette époque les Chicago boys. Ce sont toutes ces politiques néolibérales qui se sont traduites dans cette Constitution qui était assez unique pour l'époque et qui a été après très célébrée par Margaret Thatcher entre autres. Basiquement, elle prévoit un démantèlement du service public et une privatisation de tous les services et les biens communs d'une société et d'un peuple." Vers une Constitution paritaire et multiculturelle Cette future nouvelle constitution est souhaitée par près de 8 Chiliens sur 10. Et elle devrait être réellement innovante. "Elle a deux aspects très innovants. D'une part, la parité de ses constituants, une parité vraiment effective. C'était un désir de la population et de la société civile à vraiment intégrer un processus qui soit avec une parité exemplaire. C'est quelque chose à remarquer. Et d'autre part, le fait d'avoir une proportion de représentants issus des peuples autochtones chiliens à l'écriture de cette Constitution. C'est assez remarquable et presque inattendu. Parce que le Chili est l'un des très rares pays en Amérique latine, avec l'Uruguay je crois, à ne pas avoir de reconnaissance de ces peuples autochtones au sein de la Constitution. Donc ces deux aspects donnent un espace,
35 ans de combat pour un monde plus juste et plus solidaire, 35 ans d'action pour que soient reconnus les droits de tous les peuples… Aujourd'hui, la Fondation Danielle Mitterrand poursuit le chemin tracé par sa fondatrice et l'adapte à un monde toujours perturbé, plus chahuté. Avec Marion Véber, responsable des programmes à la Fondation Danielle Mitterrand Danielle Mitterrand a toujours eu le souci de donner la voix aux sans-parole, aux sans-papiers, aux sans-terre. Le droit de tous les peuples était au centre de toutes ses préoccupations. Aujourd'hui, est-ce que la Fondation revendique encore cette priorité ? Est-ce toujours le cas, voire encore plus ? "C'est toujours central. Le droit des peuples, c'est ce qui nous a fait démarrer en tant que Fondation. Donner la voix aux sans voix, cela tenait beaucoup à cœur Danielle Mitterrand. On continue aujourd'hui en mettant en lumière les actions qui sont portées directement par les peuples. A l'époque, on défendait beaucoup les Sahraouis, les Tibétains et les peuples autochtones dans leur recherche d'autodétermination et de respect de leurs droits. Aujourd'hui, c'est toujours d'actualité. Il y a des soulèvements populaires un peu partout, au Liban, au Chili ou ailleurs, où le peuple se réveille, exige le respect de ses droits, exige de pouvoir retrouver son pouvoir. C'est pour cela que l'on a développé tout un programme autour des questions de démocratie, et notamment de démocratie radicale qui essaie de dépasser les régimes représentatifs, pour retrouver l'essence du mot démocratie : le pouvoir au peuple, par le peuple, pour le peuple." Marion Veber © Fondation Danielle Mitterrand Droits des peuples, biopiraterie, droit à l'eau, citoyenneté, sont l'ADN de la Fondation. 35 ans après, quels sont les positionnements majeurs de la Fondation ? "Globalement, cela reste le même ADN, la défense des droits humains et des biens communs du vivant. C'est cet entrelacement entre les droits de l'homme et de l'environnement : comment les deux s'interconnectent et comment une Terre viable au niveau écologique permet et facilite la réalisation des droits humains et leur plein épanouissement ? Vu l'urgence actuelle et les enjeux majeurs aujourd'hui, quand on voit les soulèvements populaires et ce qu'il y a derrière comme critique des pouvoirs établis, du capitalisme et des ravages en cours, on est obligé d'acter des positionnements encore plus forts pour remettre au centre un certain nombre de choses." "Redonner sa place au vivant" La Fondation a donc désormais deux axes de travail, "Vivant et commun" et "Alternative démocratique et commun", avec l'idée derrière de faire émerger un autre rapport au vivant. "On le voit aujourd'hui, le néolibéralisme productiviste entraîne des ravages majeurs, l'extinction de la biodiversité, le réchauffement climatique… Cela pose la question de comment on doit habiter cette Terre, et de quel rapport on a avec les non-humains, avec les écosystèmes. Il faut essayer de redonner toute sa place au vivant. Cela a toujours été très central pour la Fondation, mais on le réaffirme encore plus. On essaie d'adopter une démarche plus systémique qu'avant où on avait une porte d'entrée par l'eau, une porte d'entrée par l'extractivisme, une porte d'entrée par la biopiraterie. Là, l'idée est de travailler tous ces enjeux en même temps. Derrière, c'est un seul et même système qui est en cause : un vivant qui est là, à la disposition des humains, à exploiter, à aménager. L'autre affirmation, c'est d'essayer de reposer ces questions de démocratie en actes, de démocratie radicale. On le lie à cette question de l'autonomie, de l'autodétermination. La question des communs est une piste intéressante pour essayer de repenser à la fois le rapport au vivant, le rapport à l'autre, la manière de faire société. C'est une alternative au capitalisme néolibéral et au dépassement de notion de propriété privée." © Fondation Danielle Mitterrand
En mars 1986 Danielle Mitterrand se lançait dans un combat : celui pour un monde plus solidaire. Soucieuse de changer de monde, elle le voulait plus juste et respectueux du vivant. 35 ans après, c'est à une métamorphose radicale que nous invite la Fondation, qui se réinvente. Avec Jérémie Chomette, directeur de la Fondation Danielle Mitterrand. Pour concrétiser cette utopie, vous vous êtes fixés de nouveaux objectifs et des modes d'actions renouvelés. Le vivant, la citoyenneté, restent toujours présents, mais d'une autre manière. "On travaillait beaucoup sur la question du droit à l’eau. On va continuer sur les lois mais cela va être beaucoup moins important. On est en train de se concentrer sur les questions du lien entre le droit à l'eau et le droit de l'eau. Il y a des initiatives territoriales où l'on essaie de repenser notre rapport à l'eau, pour que l'élément eau, et tout ce qui le constitue - une rivière, des fleuves - puissent avoir des droits et participer à la vie du territoire. On voit foisonner par exemple des parlements, de la Loire, de la Seine, du Rhône. On va essayer de dialoguer avec les autres espèces vivantes, pour les prendre en compte. Et cela va aussi agir sur le changement climatique, sur l'effondrement de la biodiversité, puisque l'on va repenser notre façon d'envisager le monde. C’est le champ d’un autre rapport aux vivants. C'est notre programme Vivant et communs." Votre second programme s'intitule Alternatives démocratiques et communs. "Là, on va s'intéresser aux droits humains en allant plus loin, en se posant la question de, comment faire société sans remettre des rapports de domination. Avec l'État-nation, vous déléguez votre pouvoir à l’Etat une fois tous les 5 ans. Et finalement votre pouvoir vous est ôté. Vous pouvez avoir l’Etat qui rajoute de la domination sur les êtres. Donc, on regarde comment on peut s’extirper de ces modèles qui entraînent la domination des puissants. On s'intéresse beaucoup notamment aux mouvements des communs, au communalisme, à l'autogestion, à ce qui se passe dans les Zad, à ce qui se passe au nord-est de la Syrie. Cela va nous permettre de repenser et d’agir tous ensemble sans rapport de domination. Et il y a aussi la question de l’égalité homme-femme. Ce sont deux grandes entrées. Mais on travaille toujours sur la question de l'eau et des peuples autochtones ou sur le Kurdistan, mais par ces deux entrées." Rompre avec un système mortifère 2021 n'est pas qu'une année de célébration. C'est aussi la poursuite des actions et le démarrage de nouvelles campagnes. Quels sont les grands rendez-vous de l'année qui vient ? "On a beaucoup d’événements. Sur la fin de l'année on a deux temps. Un premier qui est ouvert à la société civile : les rencontres “Sans transition, donnons vie aux utopies”. On va essayer de réunir 250 personnes issues de la société civile, des artistes, des universitaires, des représentants du mouvement associatif, des politiques, pour s’interroger sur la situation d’aujourd’hui. Quand on regarde notre système actuel, les accords de Paris, s’ils sont suivis, on arrive à 3,2 degrés de réchauffement climatique à la fin du siècle. Cela nous amène dans une impasse. Aujourd'hui notre système, tel qu’il est, nous amène dans une impasse. L'idée de transition écologique telle qu'elle est pensée par les gouvernants et la plupart de nos structures nous amène dans une impasse. Donc, plutôt que de rester dans un constat et dans la dénonciation, on va essayer de réfléchir ensemble à comment on peut opérer une rupture historique avec ce système mortifère. L'agriculture intensive détruit des sols, elle détruit la vie. L’extractivisme, l’industrie pétrolière, c'est la même chose. Nous aurons deux jours de rencontres pour discuter de cela, pour avoir des temps de réflexion sur la métamorphose. Comment on peut entrer en métamorphose et essayer d'envisager d’autres pratiques, d’autres imaginaires? Ce sera notre gros événement à Paris.
Il y a 35 ans, Danielle Mitterrand s'engageait dans un combat : le combat contre toutes les souffrances des hommes. Avec sa Fondation, elle aspirait à une utopie : organiser une alternative à un monde plus juste et plus humaniste. 35 ans après, la Fondation continue de s'inscrire dans les pas de sa fondatrice et appelle à une métamorphose radicale de la société. Avec Jérémie Chomette, directeur de la Fondation Danielle Mitterrand Au mois de janvier, l'éditorial de Gilbert Mitterrand, le président de la Fondation, avait pour titre : "Donnons vie aux utopies pour une métamorphose radicale". Un appel que ne renierai pas Danielle Mitterrand et qui sonne comme celui d'une urgence. En 35 ans, le monde et la société ont changé, trop ou pas assez, c'est selon. Est-ce que les urgences de l'époque sont les mêmes aujourd'hui ? Est-ce que ce sont les mêmes combats ? "Oui. Probablement. Sauf que les urgences sont encore plus importantes que par le passé. Dans les années 1980, on parlait d'un péril écologique et d'un péril néolibéral de la mondialisation. La grosse différence avec l'époque, c'est qu'aujourd'hui on le ressent plus fortement. Le péril est là et n'a jamais été aussi important. Dans les années 1980, on parlait d'une possibilité d'une transformation due au changement climatique. Aujourd'hui, les effets sont là. C'est notre génération et la génération de nos enfants qui sont en danger. La transformation est plus qu'urgente. Elle ne peut pas s'attaquer qu'à la superficie et au premières conséquences, mais vraiment aux causes. Dès le début, l'ambition de Danielle Mitterrand était de s'attaquer aux causes, que tout le monde ait des droits et qu'on puisse développer une justice qui permette d'éviter des inégalités qui perturbent l'équilibre de la planète. On avait déjà conscience de ça. Aujourd'hui, c'est face à nous. C'est inédit dans l'histoire de l'humanité que l'humanité elle-même puisse être en danger. Une partie de la vie sur terre est clairement en danger. Il faut développer d'autres pratiques et d'autres imaginaires. Il faut envisager d'autres façons de vivre tous ensemble, joyeuses, et qui procurent du bien-être. C'est ce moteur-là qui nous permettra de transformer nos sociétés." Jérémie Chomette / © Fondation Danielle Mitterrand Vivre en harmonie avec les autres êtres vivants Qu'est-ce qui a changé réellement en 35 ans ? La dégradation du monde, de la société, la prise de conscience de citoyens ? "Il y a pas mal de choses. Probablement qu'il y a une prise de conscience plus importante du péril, mais moins de pourquoi il est là. On a toujours la volonté de remplacer les voitures au pétrole par des voitures électriques, ce qui malheureusement répond à un problème mais en pose un autre. Ce qui a pu changer c'est que, notamment dans la société civile, on est sorti des grandes organisations, les grands syndicats, les grandes ONG, qui jouaient un rôle et que les états ont essayer de démanteler. Elles ont eu du mal à se pérenniser parce qu'elle se sont probablement coupées de la base. Ces organisations s'écroulent un peu et les syndicats sont de moins en moins attirants. Mais derrière, on a des citoyens qui disent, on va changer les choses. On ne va plus demander, mais on va réquisitionner le pouvoir et ne plus le déléguer. On a partout un foisonnement de collectifs qui ont envie de transformer les choses. Avant, on était sur une approche internationale. Dans les années 1980, 1990, on rêvait d'un changement par des gouvernements internationaux. Aujourd'hui, on en est un peu revenu. On a une relocalisation des luttes qui peut poser problème, parce qu'on ne peut pas penser les choses qu'à partir du territoire. Mais il faut les penser à partir du territoire en les liant aux autres territoires. La dernière chose qui a changé, c'est de ne plus voir l'être humain comme le maître du monde. On a toute une philosophie, issue notamment des peuples autochtone, où on ne veut plus transformer le monde pour le domine...
Lutter contre toutes les injustices et défendre les libertés de chacun. Depuis 35 ans, la Fondation France Libertés-Danielle Mitterrand œuvre à la construction d'un monde plus solidaire. De la lutte contre l'apartheid au droit à l'eau pour tous, Danielle Mitterrand a été aux côtés des sans parole, des sans papier, des sans terre, pour refuser l'irréparable. Avec Jacqueline Madrelle, vice-présidente de la Fondation Danielle Mitterrand. "Une insoumise, une rebelle, qui a toujours résisté à toutes les injustices". C'est le portrait de Danielle Mitterrand que vous nous avez dressé la semaine dernière. Elle s'est engagée dans la lutte pour le droit des peuples. C'est une constante de ses combats. On a évoqué avec vous son action aux côtés des enfants d'Afrique du Sud. Mais il y a eu aussi le Cambodge, le Tibet ou encore le peuple kurde. "Pour le Tibet, je me rappelle que Danielle Mitterrand était venue à Bordeaux. A l'époque nous avions accueilli Gao Xingjian, un Chinois, qui n'était pas encore prix Nobel de littérature. On l'avait accueilli au Boulevard des Potes, le lieu de SOS racisme. C'est un peintre, un homme de théâtre. Il avait donné une pièce qui s'appelait "Dialoguer, interloquer". J'avoue que cette pièce était quelque peu hermétique. Et Danielle me dit, "décidemment, je ne comprendrai jamais rien aux Chinois". Elle a accueilli aussi souvent le Dalaï-lama, pour défendre tous ces peuples opprimés. Il y a eu aussi les Kurdes. C'est la "mère" des Kurdes. Quand il y avait eu le massacre d'Halabja (en 1988), on avait recueilli à l'époque des sommes très importantes qui étaient données par des mécènes, des grandes surfaces. On les a amené dans le bureau de Danielle au Trocadéro pour aider à la reconstruction des écoles au Kurdistan. Elle a aussi mis en lumière cette nécessaire lutte contre l'apartheid, avec les accords de Marly-le-Roi avec les responsables de l'ANC. On lui doit beaucoup de choses. Il y a eu le Chiapas, le Tibet, les Kurdes et toute l'Amérique du Sud. Danielle Mitterrand est souvent plus connue à l'étranger que dans son propre pays en France. C'est le paradoxe. Et elle en jouait." Le combat pour la reconnaissance du droit à l'eau Danielle Mitterrand disait vouloir organiser une alternative à la mondialisation capitaliste. Et elle l'a mise en pratique notamment sur sa défense du droit à l'eau pour tous. Comment ce combat est arrivé ? Pourquoi ce choix ? "L'eau pour tous, c'est parce qu'elle participait à beaucoup de forum mondiaux dans lesquels on dénonçait que l'eau ne devait pas être une marchandise. Comme elle a toujours dénoncé les ravages de la dictature économique et financière, l'eau en fait partie. C'est la première, à l'époque, qui a dénoncé avant tout le monde qu'il y avait une contradiction entre le statut économique de l'eau et son statut naturel. A partir de cette contradiction, elle a dit que l'eau ne pouvait pas être considérée comme une marchandise et devait échapper à tout statut économique. L'eau est comme l'air qu'on respire. Elle doit échapper à cette marchandise. D'où après l'élaboration de la charte des porteurs d'eau. La Fondation avait un statut consultatif au sein de l'ONU. Et elle a beaucoup bataillé pour qu'il y ait cette reconnaissance du droit à l'eau potable pour tous les peuples. C'est la Bolivie je crois qui, la première en 2010, a fait passer cette déclaration à l'ONU pour cette reconnaissance du droit à l'eau potable. Elle n'est pas encore acquise puisque la France ne l'a même pas mise dans sa Constitution. Il y a encore beaucoup de travail à faire. La Fondation s'est aussi beaucoup engagée, avec Emmanuel Poilane, sur la dénonciation des coupures d'eau avec l'application de la loi Brottes. Il y a beaucoup de choses de faites dans le domaine de l'eau. On le doit d'abord à l'engagement de sa présidente. Elle était venue à Bordeaux pour lancer ce mouvement des porteurs d'eau avec des sportifs de haut niveau. Et à chaque fois sa venue donnait lieu à des moments de gr...
Défendre les droits humains et les biens communs du vivant, construire un monde plus solidaire, ce sont les missions dévolues à la Fondation France Libertés il y a 35 ans par sa créatrice Danielle Mitterrand. En mars 1986, Danielle Mitterrand s'est lancé dans le combat contre toutes les souffrances des hommes pour construire un monde plus solidaire. Avec Jacqueline Madrelle, vice-présidente de la Fondation Danielle Mitterrand. Avec cette Fondation, Danielle Mitterrand disait vouloir être le maillon d'une alternative à la mondialisation capitaliste et à l'injustice. Qu'est-ce qui a motivé, il y a 35 ans, la création de cette Fondation ? "La création de cette Fondation est d'abord dû à la personnalité de Danielle Mitterrand qui a tout le temps été une insoumise, une rebelle, qui a toujours résisté à toutes les injustices, quelles qu'elles soient. Souvent elle disait, mais quel mobile nous pense à défendre des causes indéfendables, qui semblent perdues ? Elle disait, sans doute, c'est le refus de l'irréparable. Toute la motivation de la création de la Fondation se trouve dans le refus de l'irréparable. Elle ne pouvait pas supporter de voir des injustices et que ces injustices perdurent. Toute sa vie, elle n'a été qu'engagement et résistance. C'était un mode de vie pour elle. Il ne faut pas oublier qu'à 17 ans elle a obtenu la médaille de la Résistance. Je pense que c'est ce qui a forgé sa raison de vivre, sa façon de résister à toutes les injustices quelles qu'elles soient. Elle a toujours défendu tous ceux qui étaient sans, les sans-parole, les sans-papiers, les sans-terre. Elle a toujours été du côté des opprimés et des plus faibles. Elle ne supportait pas l'injustice. Elle n'aimait quand on disait d'elle, c'est une femme engagée. Non. Elle était engagement. C'était une philosophie de vie." La Fondation est née de la fusion de trois associations humanitaires, "L'association du 21 juin", "Cause commune" et "La France est avec vous". Et le choix s'est vite porté sur le nom de France Libertés. "C'est un beau label, c'est un beau nom France Libertés. Et libertés avec un S. Pour elle, la liberté n'était pas un concept. C'était défendre les libertés, tout ce qui fait la vie, les libertés dans notre vie. C'est ce qui était important pour elle. Ce n'était pas la liberté comme un concept philosophique. Il faut se rappeler le logo de la Fondation : le mélange du chêne, la force du chêne et la paix représentée par l'olivier." © France Libertés Un contre-pouvoir Comment elle s'adaptait entre son statut de femme du président et sa volonté, sa nécessité de s'engager, de porter des combats ? "Il y a eu des situations sans doute très délicates. Lors de petits déjeuners dans la rue de Bièvre, il y avait des discussions fort animées. C'était très compliqué. Elle a dû donner des sueurs froides au ministre des Affaires étrangères qui était Roland Dumas à l'époque. Je pense que c'était une forme de contre-pouvoir. Et François Mitterrand devait apprécier cette situation. Il disait que tout pouvoir devait susciter son contre-pouvoir. Avec sa Fondation, elle exerçait une sorte de contre-pouvoir. Elle faisait ouvrir les yeux à certains. Elle allait voir les vrais gens. Elle racontait comment parfois elle s'est un petit peu ennuyée quand elle devait tenir la conversation avec des femmes de présidents dans la diplomatie officielle. Elle préférait aller voir sur le terrain, déjouer les programmes qui étaient faits d'avance pour aller voir la réalité des choses. C'est à partir de cette réalité-là qu'elle pouvait aller dénoncer toutes les injustices. Je pense qu'elle a su utiliser cette position de "première dame", nom qu'elle n'aimait pas à juste titre, pour être active sur un autre terrain." Un lieu de dialogue Comment ses sont passés les premiers temps de la Fondation ? "La Fondation au début était au Trocadéro avec la vue sur l'esplanade qui s'appelle maintenant l'esplanade des Droits de l'Homme.
Atteindre l'autonomie économique des femmes, leur permettre de nouer du lien social et leur donner confiance, c'est l'objectif fixé par le marché des femmes au Rojava. Ce projet de souk est porté par les femmes au cœur d'une région, le Kurdistan syrien au nord-est de la Syrie, où une expérimentation politique inédite se déploie depuis dix ans. Le municipalisme, ou confédéralisme démocratique, anime ce territoire autonome où vivent trois à quatre millions de personnes. Chloé Troadec, est une volontaire française du Rojava Information Center. Installée à Qamishlo, elle suit de près la société civile qui vit au rythme de ce confédéralisme démocratique, une expérience qui se fonde sur une idée… "Toutes les décisions et la manière dont est organisée la vie part des communes. Les communes ne sont pas vraiment des municipalités, mais des regroupements de familles, entre 100 personnes et 100 familles en fonction des endroits. Elles sont rassemblées dans une commune. Ces communes se rassemblent à différents niveau de gouvernance, de quartier, de sous-district, de district, de canton et de régions, pour ensuite former l'administration autonome du nord-est de la Syrie qui est l'entité politique "parapluie" pour tout le nord-est de la Syrie. Toutes est basé sur les décisions, les propositions et les critiques qui vont être faites au niveau des communes. C'est ensuite au niveau des assemblées plus larges que les décisions qui concernent plus de monde vont être prises. Mais chaque commune doit pouvoir être autonome dans ces décisions pour tout ce qui concerne la vie à l'intérieur de la commune." Ce système a pris forme en 2011, avec le Printemps des peuples, qui a commencé en Tunisie, et s'est répandu au Moyen-Orient. "Il y a eu aussi un soulèvement au niveau du peuple syrien en entier. Les Kurdes, dans le nord de la Syrie, ont saisi l'opportunité pour essayer d'obtenir les droits politiques, sociaux et culturels qui n'ont jamais pu obtenir du temps du régime Baas, qui était assez penché sur le nationalisme arabe. Il y a eu une fenêtre d'opportunité ouverte à ce moment-là. Les Kurdes se sont organisés en unité d'autodéfense, les YPJ YPG, qui sont devenus connus après la bataille de Kobané, et ont réfléchi au système à mettre en place. Cette proposition du confédéralisme démocratique vient aussi du mouvement de libération kurde en général et d'Abdullah Öcalan en particulier. C'était quelque chose de connu et défendu parmi les Kurdes au Rojava . L'influence de cette idéologie du mouvement de libération du Kurdistan au Rojava était déjà très forte avant 2011. Et en 2011, ce sont les personnes qui défendaient ce projet politique-là qui ont été les plus actifs et qui l'ont mis en place. A ce moment-là c'était un peu le chaos en termes politique et militaire. Il n'y avait pas d'élections. Ce sont les gens par eux-mêmes qui se sont mis à réaliser ça, à créer ces communes et au fur et à mesure à créer leur système." © Rojava Information Center Les femmes, parties prenantes des décisions Ce confédéralisme démocratique concerne les sept régions du nord et de l'est de la Syrie. A tous les niveaux de gouvernances, des comités sont mis en place, comité d'éducation, de réconciliation, d'autodéfense, de formation. Ces institutions sont coprésidées en mixité avec des quotas de parité, de genre et de nationalités. Les femmes y prennent toutes leurs places, à tous les échelons du fonctionnement. "A tous les niveaux de gouvernance il y a, en parallèle des assemblées mixtes, une assemblée autonome des femmes. Et il y a de manière générale énormément d'organisations autonomes des femmes. Une des plus efficaces, ce sont les maisons des femmes, des Mala Jin. Les femmes peuvent y aller pour exposer leur problèmes, chercher des solutions, pour trouver un travail. Elles sont là pour répondre aux besoins des femmes dans la société. Et il y a les assemblées des femmes qui décident de la même manière que pour les communes,
Une cantine pour lutter contre le repli identitaire. C'est l'ambition de la cantine syrienne, soutenue par la Fondation Danielle Mitterrand. Installé depuis un peu plus d'un an à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, cet espace "non-lucratif", est pensé comme un lieu de rencontre et de partages de vies, d'expériences, de cultures… Rindala est la cofondatrice de ce collectif, fruit d'une série de rencontres en 2018 entre étudiants syriens, exilés en France. "Il y avait un mouvement d'occupation des facs en France. On s'est demandé comment intervenir dans ce mouvement à partir de notre position d'étudiants exilés syriens. Petit à petit on a pris des contacts, on a discuté. On a fait des rencontres dans plusieurs universités. Quand on a quitté l'université, on a voulu continuer de faire des choses de manière plus stable, sur la longue durée, avec plus de consistance. On a rencontré par exemple des gilets jaunes de Montreuil. A travers ces rencontres diverses, éclatées sur la région parisienne, on s'est retrouvé avec un groupe de Syriens et de Français. L'idée est venue de faire une cantine, déjà parce que la nourriture syrienne nous manque. On voulait se réunir sur quelque chose qui n'est pas que politique, mobilisation, soulèvement, répression. On voulait quelque chose de plus joyeux, d'essentiel, de vie. On a décidé de faire un espace de rencontre et de solidarité." Tisser des liens de solidarité Le collectif a donc créé cette cantine populaire. On y partage un repas convivial, mais pas uniquement. "Nous, on est loin de notre pays, du contexte politique. Etant donné qu'on est exilé en France, on ne veut pas lâcher ce côté d'être acteur et actrice, de réfléchir la politique, de la faire, de la discuter. Pour cela, il faut trouver notre propre place. On a pensé à des formes de solidarités nouvelles, pas qu'avec des Syriens mais aussi avec d'autres locaux. A Montreuil, les gens qui viennent sont originaires du Maghreb, d'Inde… Ce sont des solidarités, des rencontres avec des étrangers qui partagent les mêmes conditions que nous. Mais c'est aussi avec des Français avec qui on peut réfléchir sur la situation politique et les formes de solidarités et de rencontres possibles ici." Et à Montreuil, le lien avec le tissu associatif local est un pan fondateur de la cantine. "On est installé dans un centre social et culturel qui accueille énormément d'associations et de collectifs. Il y a des cours de français, des distributions alimentaires, des cours de yoga à prix libre, des cours de sports, des rendez-vous administratifs concernant des questions de sans-papier. Il y a vraiment un tissu associatif assez dense. Nous, on voulait s'inscrire localement et tisser des liens avec des gens autour de nous. S'installer dans cet espace a été un énorme avantage pour nous." © Cantine syrienne A la rencontre de son voisin Deux fois par semaine, le repas, préparer et organiser en commun, est surtout le prétexte à la rencontre et à la discussion. "On invite ceux et celles qui veulent nous rejoindre, pas que pour aider dans la cuisine, mais aussi pour rencontrer d'autres personnes, pour se sociabiliser. Petit à petit, pas mal de gens ont continué à venir. Parce qu'au-delà de la cuisine, ils apprécient énormément ce temps de préparation. C'est un espace de sociabilité assez chouette. Pas mal de gens qui reviennent apprécient ce moment. Parfois ils viennent avec leur potes. Parfois, en entendant les discussions des autres, ça commence à parler. Ce sont des grandes tables de découvertes, à la fois de la nourriture syrienne mais aussi des voisins, des gens qui travaillent dans le quartier." Au-delà de la seule Syrie, le lieu offre un lieu de débats pour créer des ponts entre les peuples et les cultures. "On a des dîners-débats. On invite un collectif, un intervenant. On a déjà fait une rencontre avec les gilets jaunes de Montreuil, une soirée de soutien au soulèvement au Liban. Au printemps,
A quelques jours des fêtes de fin d'année, et après une année 2020 plutôt anxiogène, c'est un objet indispensable pour envisager 2021 de manière positive que nous vous proposons cette semaine : un agenda de la solidarité internationale. Cet agenda solidaire 2021 a pour ambition de vous inciter à participer à la construction d’une autre société. Avec Diego Olivares, responsable de la communication à la Fondation Danielle Mitterrand. Cet agenda solidaire existe depuis 2006.. et il est le fruit de la collaboration de différentes organisations qui œuvrent à la transformation sociale. "C'est projet qui est porté par le collectif Ritimo, le Réseau d’information et de documentation pour la solidarité et le développement durable, qui estime depuis 1985. Ce réseau impulse ce besoin du grand public d'accéder à la compréhension de la solidarité internationale." Développer un autre regard Cet agenda de la solidarité internationale est plus qu'un simple agenda. C'est véritablement un outil pédagogique pour approfondir ses connaissances. "Non seulement pour approfondir ses connaissances, mais aussi pour se relier à différents types d'initiatives et développer d'autres points de vue. Il y a par exemple la carte du monde inversé de Peters et Mc Arthur, dont l'idée est de développer un autre regard. L'agenda comporte 12 thématiques déclinées en deux initiatives porteuses de projets pour 2021." © Ritimo Accessible et ludique, il propose notamment de revenir chaque mois sur des initiatives qui ont porté leurs fruits. Pourquoi les mettre en avant ? "L'idée de les mettre en avant est de les découvrir et de voir qu'elles sont porteuses, car elles marchent. Que ce soit dans le domaine de l'agriculture, à la vie des femmes, au climat, on peut voir qu'un peu partout sur la planète, il y a des initiatives qui fonctionnent. Elles sont portées par des collectifs, soutenues par des associations. Cet aspect pédagogique donne envie à s'investir sur des thématiques qui nous touchent tous aux quotidien" Des initiatives palpables 12 thématiques… comme l'éducation, l'eau, le droit des femmes, la lutte contre les discriminations, la santé ou les migrations… Quelles sont celles que vous avez voulu porter, vous, à la Fondation Danielle Mitterrand ? "D'abord, ces thématiques sont débattues ensemble au sein du collectif. Il y a tout un processus éditorial tout au long de l'année pour ressortir une diversité d'initiatives. La Fondation Danielle Mitterrand a porté deux thématiques qui continueront en 2021. Sur les peuples autochtones, il y a Radioka, qui est un média autochtone amazonien, en Guyane. Il a pour but de relayer les informations concernant les peuples autochtones en Guyane. Et il y a la thématique de la démocratie avec les initiatives au nord de la Syrie qui soutient l'expérimentation politique inédite qui se met en place au Rojava. Dans le volet agriculture, il y a les semences paysannes, mises en lumière par le CCFD-Terre solidaire, avec une fête des semences en Tunisie, qui permet un échange de savoir-faire. Et dans le domaine de l'environnement, il y a cette initiative en Bolivie avec un système de cuisson solaire dans les Andes. Ce sont des initiatives qui sont rendues plus palpables par cet agenda." © Ritimo Un accompagnement tout au long de l'année A côté de ces initiatives, il y a aussi des balises, des citations, des rendez-vous solidaires et les grandes journées mondiales à ne pas manquer… "La citation qui ouvre l'agenda est de Victor Hugo : "Rien n'est solidaire, tout est solidaire". C'est une bonne accroche pour démarrer l'année. On retrouve tous les mois différents rendez-vous. A la fin, il y a aussi une bande dessinée. C'est tout un panel d'informations qui rend cet agenda partenaire de relation nécessaire à la solidarité." Cet agenda est aussi une base de données, avec des suggestions de site, de livre ou de films qui abordent cette solidarité internationale.
Ils sont français, libanais, syriens, ou encore palestiniens. Il y a cinq ans, ils ont créé au Liban le collectif Buzuruna Juzuruna, le lauréat 2020 du Prix Danielle Mitterrand. L'objectif : rendre accessible au plus grand nombre le riche patrimoine semencier du pays dans la vallée de la Bekaa et rendre aux Libanais leur souveraineté alimentaire. Tout est parti d'un voyage autour du monde de Zoé et Ferdinand. Ils sont frère et sœur… Arrivés au Liban, ils se sont retrouvés bloqués par la guerre en Syrie. Ferdinand, agronome de formation, est alors aller travailler dans une ferme… comme le raconte sa sœur, Zoé. Elle répond à Diégo Olivarès "Comme il vivait sur le domaine, il a beaucoup côtoyer de travailleurs qui étaient des réfugiés syriens. On a mangé avec eux, beaucoup discuté. On a écouté leur histoire. Les personnes qu'on a côtoyé, comme Walid et Salem avec qui on a par la suite fondé Buzuruna Juzuruna, nous racontaient qu'ils avaient dû fuir leur village en Syrie. Il était en état de siège. Pour fuir la faim, il ont dû abandonner leur terrain, héritage familial depuis des générations, et leur maison qu'ils venaient juste de construire. On s'est dit, c'est horrible ces histoires de paysans qui perdent tout leur patrimoine, leurs terres, leurs semences, et qui doivent fuir et reconstruire une vie ailleurs On a eu envie de créer un lieu, une ferme, pour retravailler sur ces semences qui allaient disparaitre. On a voulu construire un lieu qui fasse perdurer cet héritage pour pouvoir le transmettre" Zoé Beau © Buzuruna Juzuruna Réaliser un rêve Après un aller-retour en France pour ramener des semences, ils se mettent en chasse d'un terrain pour réaliser leur rêve. Un mécène va leur permettre de se lancer. Zoé. "Au début, c'est la volonté, la folie, la curiosité et l'envie de faire. Et tout d'un coup, c'est quelqu'un avec des moyens qui permet de réaliser nos rêves les plus fous. C'est à partir de là qu'on a eu notre terrain de deux hectares. On a organisé une grande fête avec des gens qui sont venus de tout le Liban, avec plein de milieux sociaux différents et de nationalités différentes. On leur a expliqué notre projet, notre volonté monter un collectif, de faire de la semence, et de donner des formations. C'est à l'issue de cette fête qu'on a trouvé le nom de Buzuruna Juzuruna." Nos graines sont nos racines © Buzuruna Juzuruna Former pour accéder à l'autonomie La ferme école est née avec des jardins partagés et des formations, dans le but de faire ensemble, de transmettre un savoir, pour aller vers l'autonomie des Libanais. Serge, le président de Buzuruna Juzuruna. "Le but est de pouvoir proposer un accès à la connaissance qui n'est pas toujours facile dans notre région. Nous avons tout fait en arabe pour être beaucoup plus accessible. Ces formations sont divisées en plusieurs parties avec des grands thèmes comme les semences, le compost, les arbres, la préparation du sol, les biopesticides. Tout ce qui permet de faire les choses soi-même et de fonctionner en autonomie par rapport au grand marché de l'agro-industrie. L'idée est que, l'année prochaine, on ne soit pas aussi investi que cette année. Il faut que ce soit le groupe lui-même qui mette en place un collectif, une charte interne. Petit à petit, grâce à nos formations et des formations proposées par d'autres associations sur la gestion de conflits, sur la communication non-violente, ils ont tous les outils disponibles pour pouvoir continuer indépendamment de nous." La force des différences Au-delà de l'aspect agricole, le collectif est aussi le fruit de formidables rencontres. Pour Lara, la compagne de Ferdinand, c'est la diversité des membre du collectif qui fait sa force. "Un des challenge pour nous, c'est qu'on est un groupe très hétérogène. On ne parle pas tous la même langue. On est tous extrêmement différents. Moi je suis une femme noire. Je suis née à Madagascar, j'ai grandi entre la Réunion et la métropole. Zoé,
Le Liban est à l'honneur du 8e prix Danielle Mitterrand. La Fondation a décidé de distinguer cette année le collectif Buzuruna Juzuruna. Dans un pays ravagé par différentes crises, sociale, économique et alimentaire, ce collectif œuvre depuis 2015, pour la souveraineté alimentaire, avec notamment une ferme-école, située dans la Vallée de la Bekaa. Avec Joséphine Delesalle, chargée du Prix Danielle Mitterrand. Chaque année, le prix Danielle Mitterrand distingue les alternatives qui travaillent à une métamorphose démocratique, écologique et solidaire du monde. Et cette année, c'est vers le Liban que vous vous êtes tournés, avec ce collectif, Buzuruna Juzuruna. Qui est-il et que signifie son nom? "Buzuruna Juzuruna veut dire 'nos graines sont nos racines' en arabe. Depuis 2015, il œuvre à la souveraineté alimentaire des Libanais et des réfugiés syriens au Liban. Et il participe au développement et à la distribution de semences paysannes, à la formation à l'agriculture et l'aide aux familles réfugiées." Sauvegarder le patrimoine alimentaire Le collectif dit vouloir s'inscrire dans une démarche de souveraineté alimentaire. Qu'est-ce que cela signifie ? "La notion de souveraineté alimentaire est dans l'ADN du collectif. Elle est ancrée depuis toujours dans la construction du projet. C'est un collectif qui est avant tout solidaire dans l'idée de faire ensemble. Dès le départ, il a eu cette volonté de maintenir un patrimoine alimentaire et de participer à ce que personne ne fuit son pays pour cause de faim. Le projet est né de plusieurs chemins. Il y a Ferdinand et Zoé qui sont frères et sœurs. Ils sont partis de France pour faire un tour du monde. Et il se sont retrouvés au Liban dans l'incapacité d'avancer puisqu'il y a la guerre en Syrie. Ferdinand, qui est ingénieur agronome de formation, a trouvé un travail dans une ferme. Ils y ont travaillé tous les deux. Dans cette ferme, ils ont rencontré Oualid et Salem, deux réfugiés syriens qui avaient dû tout abandonner pour fuir la faim de leur pays. En vivant tous ensemble sur cette ferme, ils ont construit beaucoup de liens. Ils se sont rendus compte qu'il y avait un projet à créer et qu'ils avaient envie de participer à ce que personne n'ait besoin de fuir son pays pour ça. Ils ont donc voulu créer un lieu, une ferme où ils puissent travailler sur les semences, faire perdurer un héritage qui puisse être transmis à tout le monde." Après avoir démarré leur projet sur bout de terrain prêté, le collectif a aujourd'hui sa propre ferme qui se développe. "Ils ont pu développer leur ferme, vendre leurs légumes. Aujourd'hui, c'est une volonté qui s'est accentuée avec les années. Au Liban, il y a une énorme crise économique sans précédents. Donc c'est plus que jamais une volonté et une nécessité que de pouvoir se nourrir et de participer à la formation des personnes pour qu'elles puissent se nourrir. Les citoyens libanais ont perdu tout leur pouvoir d'achat. Les denrées alimentaires sont encore aujourd'hui importées sur le cours du dollars américain. Ces personnes ont besoin de retrouver une souveraineté alimentaire ne serait-ce que pour répondre à leurs besoins." © Buzuruna Juzuruna Eveiller les consciences Cette démarche du collectif prend encore plus de sens depuis le soulèvement des Libanais l'an dernier, en octobre 2019. En quoi c'est important ? "Il y a une crise économique. Et depuis un an, il y a une crise politique qui est venue s'ajouter à tout ça. Cela a pris énormément d'ampleur dans le collectif. Serge, le président de l'association, est Libanais. Il a eu besoin de participer au soulèvement de son peuple. Afin de pouvoir toujours aider les paysans à avoir un peu d'autonomie et de les libérer de monopoles alimentaires, ils ont proposé un accès à la connaissance qui n'est pas toujours facile dans ce pays. Ils ont mis en place notamment des livrets de formation en arabe. Ils ont également fait une tournée partout dans le pays afin de visiter les communautés rév...
Prospérité, c'est un village de Guyane, non loin de Saint-Laurent-du-Maroni, qui se réinvente. Depuis des décennies il est confronté à de nombreuses difficultés, perte d'identité, de savoir-faire ancestraux, de cultures traditionnelles. Une situation qui a poussé ses habitants à se lancer dans un vaste projet d'autonomisation pour retrouver une indépendance. Un projet qui prend forme à l'heure où un méga projet industriel s'impose à eux : la construction d'une centrale électrique hybride qui devrait sortir de terre non loin du village. Et c'est ce qui inquiète Benoît Hurtrez, le coordinateur général du projet Prospérité. "On n'est pas opposés au projet en lui-même, à son aspect technique, même s'il y a beaucoup de choses à dire. C'est une première mondiale. On n'a pas de recul dessus. On parle de la Guyane comme zone d'expérimentation. C'est une centrale hybride qui va utiliser l'électricité produite par les panneaux solaires pour casser la molécule d'eau, stocker l'hydrogène, et avec l'hydrogène faire tourner des piles à combustibles. A priori, c'est un système de production qui est vraiment adapté aux mines d'or, à l'orpaillage, en utilisant le cyanure. On ne pense pas que ce soit bénéfique pour les besoins en électricité des populations civiles. On ne se bat pas vraiment sur cet aspect technique, mais sur l'emplacement du projet. Les prometteurs du projet et les acteurs politiques savent que cette zone-là était demandée en concession. C'est du foncier qui est demandé depuis des années. Et là, des entrepreneurs arrivent, et on leur dit oui au bout de quelques mois. Il s'agit d'un terrain de 200 hectares qui va longer le village à 600 ou 700 mètres. Cela bloque toutes les activités de cueillette, de chasse, de promenade, de récolte dans la forêt. Ce qu'on demande, c'est de déplacer le projet pour que le village puisse continuer à respirer." © Chronique du Maroni Benoît Hurtrez s'inquiète également de l'impact environnemental de la future centrale. "On nous promet qu'il n'y a aucune pollution et que c'est 100% écologique. Mais on leur répond qu'on ne déforeste pas l'Amazonie pour mettre des panneaux solaires, alors qu'il existe déjà des endroits déforestés en Guyane, à trois ou quatre kilomètres du projet. La première aberration, c'est de déforester pour mettre des panneaux solaires. Ensuite, cela a un impact sur la circulation des animaux, la migration de la faune. Cela a un impact sur l'eau, sur les rivières alentours. Et cela a un impact aussi dans les pays où sont extraits les matériaux pour produire les panneaux solaires, les batteries. On nous présente un projet 100% bio. Mais il ne l'est pas du tout. Il y a une autre communauté, les Saramaka, qui habite un peu plus loin, qui aura des expropriations par rapport à la future cité pénitentiaire. Donc on va unir nos forces dans le combat sur un thème simple : ne pas coller des industries aux habitations. Laisser les usines, les industries, séparées des hommes, que les hommes puissent respirer. Il ne faut pas agglutiner ces installations dans des villes qui deviennent monstrueuses. On a la chance à Saint-Laurent-du Maroni, une ville qui est jeune en pleine expansion, de ne pas reproduire les erreurs qu'on a pu constater à travers le monde. Au contraire, on peut faire une ville plus verte, plus respectueuse de l'homme et de la nature." Pour mettre sur pied ce projet d'autonomie, le village fait appel au soutien financier du plus grand nombre, faute d'écoute des pouvoirs publics. Benoît Hurtrez…. "Il nous faut des financements pour lancer cette phase matérielle du projet. Cela aboutira ensuite à une phase plus réflexive, plus philosophique. Comment on devient moins dépendant, qu'est-ce que c'est que l'autonomie ? On a eu la chance d'avoir des donations privées et de la Fondation Danielle Mitterrand qui nous soutient énormément. Nous avons une cagnotte solidaire sur Internet, sur le site Leetchi. N'hésitez pas, on a besoin de vous.
En Guyane, c'est un village de 300 habitants qui se réinvente. Prospérité, c'est son nom, est un village amérindien Kalina situé à 15km à l'est de Saint-Laurent-du-Maroni. Depuis des décennies il est confronté à de nombreuses difficultés. Le village s'est donc lancé dans un vaste projet d'autonomisation pour retrouver une indépendance. Benoît Hurtrez, est le coordinateur général du projet Prospérité. Et selon lui son village se retrouve entre deux mondes et perd, peu à peu, son identité. "Cela ne concerne pas seulement les Amérindiens Kalina. Il y a différentes cultures qui se voient englober dans un système capitaliste qui fait que tout est chamboulé dans les cultures, dans les traditions, dans les familles, dans l'organisation en général des modes de vie. On peut constater beaucoup ça en Guyane. Ce sont des cultures qui sont entre deux mondes. Elles sont malheureusement en train de perdre leur identité propre en essayant de rattraper un monde moderne occidental qu'on leur présente par la télé, les réseaux sociaux, mais aussi par l'administration. La grosse difficulté pour eux est de s'adapter à un nouveau monde sans perdre la culture et les traditions d'origine. Et c'est vraiment un défi énorme qui ne fonctionne pas. Au final, on constate des communautés qui ne sont plus adaptées à leur monte d'origine, ni au nouveau monde. Ce sont des situations qui mènent pour certaines communautés à des suicides. C’est un gros souci, notamment sur le haut du fleuve Maroni. Les gens sont perdus. On ne sait plus qui ont est." Et comme beaucoup de communautés amérindiennes, les Kalina se sentent ignorées par la métropole. "On a vraiment l'impression de ne pas être entendu en tant qu’entité, en tant que communauté à part entière, avec des revendications spécifiques à nos communautés. Ici en Guyane, on pointe très souvent du doigt le premier article de la Constitution française qui dit que la République est une et indivisible. C'est quelque chose qui pose régulièrement problème. On peut bien comprendre dans cet article que nous sommes tous des hommes au même titre, on a les mêmes droits. Or, je crois qu’avec cette formule-là, on lisse tout, on uniformise tout. Et on perd nos identités, on perd nos particularités. Par exemple, ici en Guyane, cela freine énormément pour le foncier. Il y a des peuples autochtones, qu’ils soient Bushinengé ou Amérindiens, qui réclament des zones de foncier, des parties de forêt pour continuer à vivre à leur manière. Ce sont des choses qui ne sont pas acceptées, parce qu’on leur dit, non, vous êtes soumis aux mêmes lois que tout le monde, il faut être propriétaire, il faut acheter. Or, la plupart du temps, ici chez les Kalina, la propriété individuelle n'existe pas. C’est la propriété collective qui prime." Face à ce constat, le village s'est donc lancé dans un projet pour retrouver une autonomie perdue. "Les Amérindiens ont été autonomes pendant des siècles. Là, on va essayer de reprendre de l'autonomie. Ce n’est plus l'autonomie traditionnelle des Amérindiens. C’est une réflexion beaucoup plus moderne. Dans un premier temps, on va essayer d'avoir un lieu de vie commun avec des machines en commun." © Prospérité De nombreuses activités sont prévues sur le village, pour retrouver de l’autonomie et de l’indépendance. "On aura un atelier traditionnel, la mise en commun d’outils et savoir-faire, un atelier d'agro transformation, où il s’agira de transformer et de conditionner les produits agricoles du village. Il y a aura un autre pôle d’atelier artisanat, où ce seront des machines à coudre, des tours de potier, tout le matériel pour réaliser des vêtements, des poteries, des bijoux, de la vannerie. Ensuite on a le pôle médiathèque, un lieu de réunion, de conférence, le bureau. C’est aussi là où on diffuse du cinéma au quartier, des reportages, des documentaires. Ensuite on a un jardin partagé, un potager en permaculture où on va essayer de réfléchir à de nouvelles techniques agricoles.
Cela fait 10 ans que l'ONU a reconnu que le droit à l'eau était un droit essentiel à la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme. Combat majeur de la Fondation France libertés, ce droit à l'eau n'est pas encore pleinement effectif. Mais le contexte politique peut peut-être y contribuer. Avec Marion Veber, responsable des programmes à la Fondation France Libertés On a évoqué la semaine dernière la genèse de cette reconnaissance du droit à l'eau, et de son accès pour tous. Il faut aussi rappeler le combat de la Fondation sur l'interdiction des coupures d'eau en France. "En France, il est interdit de couper l'eau aux foyers, même si la facture d'eau n'a pas été payée. C'est au regard de la dignité humaine. Sans eau, on n'est plus du tout dans la vie, mais dans la survie. On a des questions d'hygiène et de santé qui vont se poser. Nous avons mené un grand nombre de batailles juridiques devant les tribunaux, que nous avons tous gagnés y compris au Conseil constitutionnel. C'était une bataille pour souligner le folie qu'il y a derrière cette question du droit à l'eau. Aujourd'hui, de plus en plus de droits humains sont conditionnés à la capacité de payer. J'ai droit à l'eau si je peux payer ma facture d'eau. J'ai droit à la santé si je peux payer mon hôpital. Encore qu'en France on est plutôt bien lotis. Mais il y a quand même une tendance à ce que ces droits humains soient conditionnés à cette capacité de payer. On considère que l'eau a un prix et que c'est au citoyen de la payer. On pourrait tout à fait être dans une autre démarche. Certains territoires, certaines villes, sont dans cette démarche où c'est la collectivité qui prend en charge les litres d'eau qui correspondent vraiment aux droits humains, aux besoins vitaux. Ensuite, la facture s'applique aux besoins qui sont de l'ordre du confort. Derrière ce combat des coupures d'eau, c'était de souligner l'absurdité de couper l'eau à des personnes au regard de leur situation économique. Aujourd'hui nous avons une campagne "L'eau est un droit" que l'on mène avec 30 associations en France en lien avec les municipales pour rappeler le pouvoir des villes qui peuvent impulser des concrétisations du droit à l'eau à échelle du territoire. En France, plus d'un million de personnes n'a pas accès à l'eau de manière permanente et correcte." Ce droit à l'eau est encore à améliorer. Mais depuis 2017, le sujet est un peu tombé aux oubliettes. Où en est-on ? Le sujet est tombé au point mort. Cependant, avec le coronavirus, il y a une possibilité de reprendre conscience de l'importance de l'eau. On a vu qu'il y a un lien entre l'eau et la santé. Comment lutter contre un virus quand on ne peut pas se laver les mains, quand on ne dispose pas d'une eau propre ? Cela fait aussi appel à cette question des inégalités en France. L'outremer était d'ailleurs extrêmement mal lotie de ce point de vue-là. Il y a probablement une possibilité de remettre à l'ordre du jour ce type de question et de requestionner la place des droits humains dans nos sociétés et de comment ils peuvent se concrétiser en dehors de toute logique marchande." Sortir l'eau de la logique marchande On sort d'une longue campagne électorale. Les municipales ont vu l'essor de gouvernances vertes, ou d'exécutifs plus "citoyens". Est-ce que c'est une force pour porter cette question de l'eau pour tous au-devant de la scène ? "C'est très probable. On le voit dans les programmes et les discours des Verts. Il y a beaucoup de projets liés à la revégétalisation des villes. Qui dit revégétalisation des villes, dit un cycle de l'eau qui se porte mieux. Le cycle de l'eau est intimement lié à la végétation. Cela peut être une première approche de l'eau d'un point de vue environnemental et climatique. Il y a aussi une réflexion sur la remunicipalisation de l'eau. Certaines villes vertes sont plutôt enclines à considérer l'eau comme un commun qui ne peut pas être privatisé. On pense à Grenoble qui a remunicipalisé son eau.
Le droit à l'eau a 10 ans. Le 28 juillet 2010, les Nations Unies reconnaissaient que "le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme". Mais 10 ans après, ce droit fondamental reconnu par l'ONU n'est pas encore un droit pour tous. Avec Marion Veber, responsable des programmes à la Fondation France Libertés La Fondation, sous l'impulsion de Danielle Mitterrand, a très tôt milité pour la reconnaissance de ce droit à l'eau. Qu'est-ce qui a conduit à ce que l'ONU s'empare de cette question ? "Il y a eu plusieurs phases. Dans les années 1970-1990, on était plutôt sur une approche liée à l'eau en tant qu'élément naturel, sur des questions environnementales et de développement. Dans les années suivantes, on passe sur une approche droits de l'homme. Si le droit à l'eau est reconnu en 2010, c'est à la suite d'une longue bataille, essentiellement de la société civile, des ONG, des experts, des chercheurs, des militants. Ils cherchaient à ce que ce droit soit reconnu au regard de la puissance qu'il pourrait avoir comme rempart contre la privatisation et la marchandisation de l'eau. Dans les années 1990 et 2000, cela avait fait des ravages dans de nombreux pays, avec une ressource qui était accaparée. Cela produisait des inégalités flagrantes, des gros problèmes d'accès et des pollutions." La Fondation France Libertés s'est beaucoup impliqué à l'époque sous l'impulsion de Danielle Mitterrand. "Dès les années 2000, nos partenaires sur le terrain, en Amérique latine ou en Afrique, nous font remonter cette question de l'eau à travers différents prismes. D'abord la question de l'accès, avec la difficulté de pouvoir avoir ses besoins essentiels les plus vitaux couverts. Et on a aussi énormément de partenaires qui nous contactent en lien avec leur droit à l'eau qui est violé. Leur eau est polluée ou complètement accaparée, soit par le secteur minier ou pétrolier, soit par l'agriculture intensive. C'est sous ces deux angles qu’on est sollicités et qu'on va produire un grand nombre de déclarations au sein même des Nations unies pour porter le sujet et le mettre à l'agenda. Et on s'est aussi mobilisés en dehors des Nations unies, dans les forums alternatifs de l'eau. Ils ont été imaginés par la société civile pour rassembler les acteurs mobilisés sur ces enjeux, en contrepoids des forums officiels organisés par l'ONU et le secteur privé. C'était clairement avec une approche économique où l'eau était perçue comme une ressource qu'il fallait gérer de manière rationnelle, utilitariste et avec la logique de marché, donc de prix de l'eau." Les enjeux du droit humain à l'eau n'ont pas été résolus 10 après, ce droit d'accès l'eau pour tous n'est pas encore effectif, loin de là. Il est très disparate selon les pays ? "C'est effectivement encore très disparate. Les pays latino-américains, africains, et en Asie, sont en très grande difficulté sur la jouissance de ce droit-là. De nombreuses populations ne sont pas du tout raccordées au service d'eau et d'assainissement. Aujourd'hui, un très grand nombre de personnes est dépendant de l'eau de surface ou de pluie. Qui dit eau de surface ou de pluie, dit qu'il faut une qualité de l'eau et une quantité. Avec le changement climatique et les perturbations environnementales, de plus en plus de gens voient leur source d'eau se tarir ou se polluer. Il y a des inégalité d'accès flagrantes. Finalement, ce droit à l'eau a été proclamé en 2010. Mais aujourd'hui, les enjeux qu'il y avaient derrière cette bataille pour un droit humain à l'eau, n'ont pas été résolus. Ce droit n'a pas remis en question le statut de l'eau, à savoir une vision purement économique. Les acteurs plaidaient pour que l'eau soit perçue pour ce qu'elle est, un élément vital, nécessaire à la jouissance de tous nos droits humains. Comme cela n'a pas été remis en cause, aujourd'hui les racines des maux actuels ne sont...
Avec la pandémie de coronavirus, les peuples autochtones deviennent encore plus vulnérables. Accès au soin difficiles, conditions de vie plus précaires, projets extractivismes qui reprennent de la vigueur, pollutions, leur fragilité s'accentue. Pourtant, des mobilisations existent et les populations parviennent à s'organiser. Avec Marion Veber, responsable de programmes à la Fondation France Libertés On a vu la semaine dernière que les peuples autochtones étaient fragilisés par la crise du Covid-19. Il y a un autre effet collatéral à cette pandémie : les projets extractivistes profitent de l'aubaine pour reprendre ou s'étendre. © France Libertés "Oui, on peut dire ça malheureusement. Il y a eu de nombreux appels d'autochtones pour dénoncer le fait que certaines exploitations reprenaient de plus belle comme les projets illégaux, l'orpaillage illégal, notamment au Brésil ou en Guyane. L'attention était focalisée sur le coronavirus et beaucoup moins sur leurs activités. Au début de la pandémie, il y avait énormément d'appels et de messages d'autochtones expliquant que tel fleuve était de plus en plus pollué, ce qui dénotait une augmentation de l'orpaillage illégal. Il y a aussi les projets légaux, toutes ces entreprises multinationales qui continuent à chercher à amoindrir les normes environnementales pour pourvoir mieux extraire, avec moins de contraintes." "Certains Etats ont lancé des travaux en pleine pandémie" "Clairement, c'est une menace supplémentaire. La difficulté est que les autochtones ne peuvent pas lutter aussi bien qu'ils le faisaient auparavant, puisque les rassemblements sont compliqués. Et surtout, l'attention est focalisée sur la santé de leur peuples avec des disparitions inquiétantes des aînés notamment. Et quand un aîné décède, c'est aussi une partie de la culture et des savoirs qui potentiellement peut être mis en danger. C'est une vraie menace." Pour faire face à leur isolement, les peuples autochtones se sont organisés… en faisant appel à leurs pratiques ancestrales pour se protéger. "Une des mesures les plus classiques qui a été prise par différents peuples un peu partout sur la planète, c'est de fermer les villages autochtones, de barrer l'accès, pour réguler les flux et tenter de gérer tant bien que mal cette situation. On a eu aussi beaucoup d'autochtones, qui vivaient en ville, qui ont cherché à revenir sur leur territoire natal, parce que c'est perçu comme une façon de se protéger. Il y a cette idée que ce serait moins dangereux que la ville où cela grouille de personnes. Les interventions radios se sont multipliées, comme les portes-à-portes, pour diffuser les consignes sanitaires. C'est extrêmement important que ces consignes soient diffusées dans leur langue. Certains peuples ont mis en place leur systèmes traditionnels liés à la santé, avec l'utilisation de plantes, pour lutter contre des effets de la maladie. Il y a par exemple l'ancienne rapporteuse spéciale de l'Onu, Victoria Tauli Corpuz du peuple Kankana-ey Igorot aux Philippines, qui a expliqué que, dès que la pandémie s'est déclarée, son peuple a mis en place une manière traditionnelle de verrouiller les communautés. Les gens vivent dans le village, et ensuite il y a de la solidarité, de l'entraide qui s'organise en fonction des villages qui sont le plus en difficulté. Ça ne suffit pas parce qu'il y a un grand besoin d'appui et de dénonciation de certaines politiques d'Etat." Au Brésil, "un risque de génocide" Face à ces tragédies annoncées, des mobilisations s'organisent, notamment avec une campagne qui a été lancée pour alerter sur la catastrophe en cours au Brésil. "C'est la campagne du photographe franco-brésilien Sebastiao Salgado qui parle de génocide, parce qu'il y a le risque pour certains peuples de disparition potentielle, notamment pour les peuples en isolement. Il s'agit de porter l'attention en France sur ce qui se passe ailleurs. Les yeux sont beaucoup rivés sur le Brésil parce qu'il y a une situation d...
La pandémie de coronavirus a déjà fait plus de 420 000 morts dans le monde depuis son apparition en Chine en décembre. Près de la moitié de ces décès ont eu lieu en Europe. Si en France la situation tend à se stabiliser, et que la circulation du virus semble décliner, il reste dans le monde des zones où l'inquiétude demeure. C'est le cas notamment dans les régions où vivent de nombreux peuples autochtones. Depuis très longtemps, leurs conditions de vie ont été précarisées par de multiples menaces liées à la colonisation. Mais l'arrivée du Covid-19 les rend encore plus vulnérables et rappelle leur douloureuse histoire. Avec Marion Veber, responsables des programmes à la Fondation France Libertés La pandémie de coronavirus affecte sévèrement l'ensemble des pays. Mais pour les peuples autochtones, ce genre de contamination n'est pas quelque chose de totalement nouveau. "Malheureusement, cette pandémie a pour eux un arrière-goût de déjà-vu. Les processus de colonisation ont entrainé avec eux un certain nombre de maladies contre lesquelles les autochtones n'étaient pas immunisés. Cela a conduit à la disparition de nombreux peuples et à des taux de mortalité extrêmement importants. Il y a ce vocabulaire de génocide qui est assez présent, avec ce risque de retomber sur un génocide des autochtones. Ce qu'il faut rappeler, c'est que les épidémies étaient importées aussi bien par les colons, qui se sont appropriés les territoires de ces peuples, que par ceux qui exploitaient les ressources, l'or ou le caoutchouc, mais aussi par ceux qui cherchaient à les convertir au christianisme notamment. Les chiffres étaient glaçants. En Amérique latine, 90% des autochtones présents sur le territoire ont été décimés. En Guyane, on avait environ 36 peuples avant l'arrivée des colons. Aujourd'hui, il n'y a plus que six peuples. On voit qu'il y a un véritable traumatisme. Les autochtones continuent de porter cela en eux. Le terme de génocide revient souvent mais aussi l'idée de "nous sommes les survivants à ces épidémies". Là, ils font face à une nouvelle vague et cela ravive beaucoup de peurs." Ils sont déjà en extrême fragilité. Le Covid-19 rajoute un danger supplémentaire ? "Cela s'ajoute à tout ce que les peuples autochtones doivent déjà subir : les processus d'accaparement de leur territoire, d'exploitation de leurs ressources qui viennent fragiliser, polluer leur territoire, mettre à mal leurs droits fondamentaux comme le droit à l'eau. Il y a aussi les processus de discrimination. En fait c'est tout un corpus incroyable de menaces qui pèsent sur les autochtones. Et la pandémie vient s'ajouter. Comme ces autochtones, majoritairement, ont déjà des conditions de vie précaires, la pandémie ajoute un poids de plus." La pandémie aggrave la situation de peuples déjà fragilisés Pourquoi sont-ils plus vulnérables que d'autres populations ? "C'est un ensemble de choses. Ce sont des personnes qui ont malheureusement souvent une santé fragilisées. Aujourd'hui ce sont des communautés qui souffrent de malnutrition, de déficit immunitaire, de maladies chroniques, pour certain du diabète, d'obésité, de l'hypertension qui sont des facteurs aggravants face au coronavirus. Tout cela est lié au processus de colonisation qui les a contraint à la sédentarité, et fait devenir pour certain dépendants à des d'aliments très industriels. Et sans parler des pollutions. Cela à des impacts assez importants. On a des taux de cancers très graves, de maladies liés aux poumons. On peut aussi parler des peuples non contactés, qui sont des peuples autochtones qui ont choisi d'être en isolement et de ne pas entrer en contact avec "les blancs" et les autres populations pour se protéger. Ces peuples-là sont extrêmement vulnérables parce qu'ils n'ont pas les défenses immunitaires contre un grand nombre de maladies, dont le coronavirus en première ligne". Et il y a aussi les autochtones qui vivent en milieu urbain ou ceux qui ont été déplacés.
La crise du coronavirus doit-elle nous interroger sur notre modèle de société ? Que dit-elle du rapport que nous entretenons avec nos espaces naturel ? Et doit-elle nous obliger à repenser nos relations avec la nature ? Ces questions, pourtant anciennes, refont surface depuis deux mois de manière plus prégnante, plus urgente. Avec Marion Veber, responsable des programmes à la Fondation France Libertés Depuis l'apparition de l'épidémie de Covid-19, c'est un mammifère qui est pointé du doigt. Croisé sur un marché de Wuhan, en Chine, le pangolin serait à l'origine de cette crise sanitaire mondiale. Est-ce qu'on doit en faire un bouc émissaire, ou est-ce que c'est juste un symbole révélateur d'autre chose ? "On pointe du doigt ce pangolin et certains vont même pointer jusqu'au Chinois. Donc on a des relents xénophobes qui refont surface aussi. Mais le problème est bien le modèle de société. Le Covid-19 est lié a priori, même si les recherches sont encore en cours, à un virus qui est d'abord présent chez la chauve-souris, mais aussi chez le pangolin et peut-être même chez un troisième hôte. Ce qu'on note, c'est que notre modèle de société dominant, le capitalisme, une conception dominatrice, exploitatrice de la nature, est la cause de nouveaux virus, ce qu'on appelle des zoonoses. Des animaux sauvages se rapprochent des humains et nous transmettent des virus dont ils sont les hôte." Qu'est-ce qui a favorisé cette transmission, cette destruction des remparts entre les espèces ? "Avec cette logique où la nature est à notre disposition et où va l'exploiter pour nos besoins ou le profit de quelques-uns, on va déforester massivement. En déforestant, on expulse les animaux de leur habitat habituel. Ils se rapprochent des zones ou les humains vivent et où vivent nos animaux d'élevage. Il y a aussi le braconnage, ce qui est le cas pour la crise du Covid-19. C'est une vision dominatrice de la nature où l'on va exploiter les animaux pour de soi-disant vertus qu'ils pourraient avoir ou pour la richesse que vont procurer certaines parties du corps de ces animaux. C'est ce qui a causé le Covid-19, mais c'était aussi le cas pour le virus Ebola avec le braconnage de viande de brousse. Il y a aussi l'élevage intensif qui est très lié à la déforestation. Cela va accroitre la promiscuité entre les animaux sauvages qui sont expulsés de leur territoire et la proximité avec les animaux d'élevage, puis avec l'homme." La diversité des espèces en péril Cela met donc en danger la diversité des espèces. Et ce n'est pas sans conséquence ? "Le fait que l'on perde en nombre d'espèces chaque année, et de la diversité au sein même d'une espèce, fait que le virus se propage plus facilement. Plus une espèce est diverse, plus le virus a du mal à se propager. En fait la diversité est un excellent rempart face aux maladies. Sauf qu'aujourd'hui la diversité est en péril. On parle de pourcentages très importants d'espèces qui sont menacées de disparition et d'une perte de la diversité au sein des espèces. C'est un accélérateur potentiel de virus. Et le modèle de société actuel, très mondialisé, ne fait qu'empirer ce genre de virus qui se propagent plus facilement à l'échelle mondiale. C'est vraiment le reflet de cette société de l'excès, des échanges multiples." Depuis quelques semaines, de nombreuse tribunes ont dénoncé les excès de la mondialisation, estimant notamment que cette crise sanitaire a pour origine la crise écologique. Si on ne change rien, de nouvelles pandémies apparaîtront ? "Oui. On en a déjà eu plein ces dernières années. Sauf que maintenant , avec cette pandémie, on prend davantage conscience des liens entre nouvelles maladies et ce rapport destructeur à la nature. Cette crise écologique, il faut absolument qu'on en est conscience. Parce que le changement climatique qui est en cours pourrait encore venir accélérer d'autres maladies. Je pense à la fonte du permafrost. Ces sols, qui sont gelées dans certaines régions du monde et n...
Restons confinés, et imaginons le monde d'après ! La pandémie de coronavirus impose à chacun un autre rythme, une autre manière de penser le quotidien. Mais au-delà de la question sanitaire qui reste prioritaire, cette crise peut-elle être révélatrice des dérives de notre modèle de société ? Et quelle transformation primordiale va-t-elle engendrer ? Avec Jérémie Chomette, directeur de France Libertés La semaine dernière, nous avons vu que le municipalisme peut être un outil pour construire autre chose. Mais l'épreuve que chacun de nous traverse fait aussi naître ou réapparaître des solidarités. Comment capitaliser dessus ? Comment retisser des liens pour revenir à l'essentiel ? "Revenir à l'essentiel est fondamental. Et cette crise va peut-être nous aider. Il y a plusieurs mouvements qui existent déjà et qui se renforcent. D'autres sont en train de naître. Si on veut qu'ils perdurent, l'important est de leur permettre de se structurer dans le temps et de garder leurs intentions. On sait qu'une fois que l'on va être déconfiné, on va avoir une tendance à oublier ce qui s'est passé. C'est très important de ne pas oublier ce qui s'est passé et de se rappeler pourquoi c'est arrivé. Il va falloir travailler sur les causes de cette crise, pourquoi on en est arrivé là. Et chercher des solutions pour que cela ne se reproduise pas. Ces solutions se retrouvent beaucoup dans les mouvements de solidarité. Il est important de relier ce qui est en train de se passer avec les autres crises. Tant qu'on aura pas résolu les crises économiques, les crises écologiques, les crises démocratiques, ces mouvements n'auront pas atteint leurs buts." Vous l'avez souligner dans votre édito sur le site de la Fondation : "Une grande majorité des Etats du monde ont fait passer l’humain avant l’économie et le profit néo-libéral". Est-ce que cette machine néo libérale "mortifère", comme vous dites, peut être arrêtée ? "Oui. C'est ce qu'on est en train de s'apercevoir. Aujourd'hui certes c'est pour un temps court, mais la machine est quasiment à l'arrêt. Les avions restent cloués au sol, le pétrole est de moins en moins raffiné. Donc on peut arrêter. Malheureusement, c'est venu d'une pandémie. Il faudrait qu'on le fasse tous ensemble. On se rend compte qu'on peut vivre, et qu'on peut vivre autrement. Oui, elle peut être arrêtée, on le voit. La question c'est, comment réussir pour qu'elle le soit pour toujours. Et pour qu'elle le soit pour toujours, on ne peut pas juste l'arrêter. Il faut mettre en place des actions qui permettent de remplacer cette machine par plein d'actions différentes. Et de substituer, à nos fonctionnement actuels, de nouveaux fonctionnements." Renverser cette machine mortifère Certains dirigeants de ce monde redécouvrent les vertus d'un service public fort, d'une économie locale, de proximité, en dénonçant ce qu'ils ont eu même vanté : la loi du marché. Est-ce qu'on peut compter sur ces beaux discours ? Ou faut-il plus que jamais que l'action collective amène les transformation nécessaires ? "C'est vrai que cette pandémie est très importante. Mais ce n'est pas la première crise très importante que nous vivons dernièrement. On a vu les méga-feux en Australie, les canicules, les catastrophes écologiques. On a perdu 60% des animaux sauvages, des insectes. A chaque fois, on a beaucoup de paroles et très peu d'action de la part de nos gouvernants. D'abord parce qu'il ne savent pas faire autrement et parce qu'il sont liés au modèle de société qui entraîne cette destruction. Les discours sont beaux. Mais la seule façon de changer, cela ne pourra apparaitre que par une action collective des citoyens, des associations, des syndicats. Il y a des possibilités de renverser cette machine mortifère, mais elle ne pourra pas venir de nos gouvernants. C'est à nous de mettre en place d'autres façons de vivre et de faire société." Passer de l'intention à la réalisation On est au seuil d'une vraie révolution des consciences ?
Restons chez nous ! Depuis un mois, c'est le mot d'ordre que nous devons suivre pour tenter d'endiguer la progression du coronavirus. Depuis un mois nous essayons de nous adapter à cette situation inédite, en repensant notre mode de vie, nos besoins de consommation. Depuis un mois, on redécouvre la pertinence d'avoir un service public fort et performant. Et depuis un mois, des nouvelles solidarités apparaissent, ou plutôt, reprennent du sens. Avec Jérémie Chomette, directeur de France Libertés Comment la Fondation a abordé cette crise sanitaire inédite, dans son fonctionnement et dans ses missions ? Comment on arrive encore, dans cette période, à défendre les droits humains et les biens communs du vivant ? "Ce n'est pas évident, mais c'est très important pour nous de rester mobilisés. L'ensemble de l'équipe est aujourd'hui en télétravail. On essaie d'être présent pour continuer à mettre en lumière les violations des droits humains - on le voit sur les questions d'accès à l'eau en France et dans le monde qui prennent une importance plus grande que d'habitude. Et on est un inquiet sur la défense des libertés, notamment en France avec l'état d'urgence qui est censé durer jusqu'en décembre. On espère que les violations des droits ne seront pas trop importantes." L'exemple du municipalisme Cette crise est arrivée à un moment majeur de la vie démocratique française. La campagne pour les élections municipales a porté un peu partout des projets de société divers. Certains ont tenté de proposer des façons nouvelles de faire société localement, de vivre la ville différemment, avec la volonté de mettre en pratique le municipalisme. Concrètement, comment ce municipalisme prenait forme ? "On peut prendre l'exemple de Barcelone où les citoyens qui s'étaient mobilisés dans le MOUVEMENT OCCUPY au début des années 2010, ne souhaitaient plus que ce soient des gens à qui on délègue un pouvoir par les élections, qui décident pour eux. Ils voulaient reprendre la main sur les décisions dans la cité. En élisant une liste citoyenne de personnes de personnes qui ne sont pas présentes dans des partis, ils voulaient mettre en place des outils collaboratifs et décentralisés pour permettre des prises de décisions où les citoyens ont leur mot à dire. C'est assez facile à dire, mais plus compliqué à mettre en place. On l'a vu à BARCELONE, il y a eu une multiplication d'ateliers pour les citoyens qui ont été pris en compte, des réformes proposées au niveau local où les citoyens peuvent suggérer des choses. En France, il y a l'exemple de la petite ville de Saillans (Drôme), où l'on a vu que c'était assez compliqué à mettre en place, mais où on a essayé de de développer une démocratie où on organise, de manière régulière, des temps de rencontre et d'échange avec la population, avec des ateliers, pour répondre aux besoins de la population et pour que chacun puisse s'exprimer dans la prise de décisions." Pendant la campagne des municipales, vous aviez lancé une initiative autour de ce municipalisme. Est-ce que vous avez des retours des projets qui portaient cette question ? "Il y a environ 500 listes citoyennes qui ont été déposées. Il y a des listes qui sont plutôt portées par des partis politiques, comme du greenwashing, avec cette idée de redonner le pouvoir aux citoyens, parce que cela porte bien. C'était donc des citoyens encartés. C'est un peu le défaut. Mais on estime qu'il y a environ 200 listes qui ont été déposées vraiment par des citoyens. Beaucoup sont issus de ce qui s'est passé à Barcelone, mais d'autres du mouvement des gilets jaunes. Pendant le mouvement des gilets jaunes, il y a eu une assemblée des communes qui a essayé d'insuffler un mouvement de reprise en main des municipalités par l'autogestion." Enclencher un vrai changement C'est donc bien une autre manière de faire société qui est mise en avant dans ce projet. Comment aujourd'hui ce municipalisme, ce besoin de penser la société autrement,
Dimanche 22 mars aura lieu la Journée mondiale de l’eau, une journée instituée par les Nations Unies en 1993. Cette journée est l’occasion pour de nombreuses associations et pour la société civile d’attirer l’attention sur les enjeux de l’eau. C’était le cas notamment lors de l’Assemblée des Habitants de la Terre qui s’est tenue le mois dernier. Avec Marion Veber, responsable des programmes à la Fondation France Libertés Les 21 et 22 février dernier s’est donc déroulée cette Assemblée des Habitants de la Terre. C’était à Aiffres, dans les Deux-Sèvres. Cette assemblée était consacrée notamment à l’eau, bien commun de l’Humanité, à son accaparement, et aux solutions pour sa sauvegarde. Tout d’abord, qu’est-ce que cette Assemblée des Habitants de la Terre ? « C’est en lien avec un processus qui s’appelle l’Agora des habitants de la Terre. Ce sont des processus autonomes, spontanés. L’idée est de mettre en avant la responsabilité de l’Humanité dans la destruction de l’ensemble du vivant et d’essayer de trouver des solutions pour changer radicalement le système qui provoque cette destruction. Il faut réfléchir ensemble, associations, individus, et constituer cette Agora. Elle doit être une sorte de contre-pouvoir aux Etats, aux multinationales, et aux instances qui décident de tout. Cette Agora doit être force de proposition en ayant l’audace de réaliser ces mutations radicales. » Un des objectifs affichés de cette Agora est de « modifier le devenir de la Terre et le sortir de l’état critique auquel nous l’avons réduit ». C’est-à-dire ? « Il y a plusieurs facteurs bloquants qu’on va essayer de déverrouiller au fur et à mesure. Il s’agit de dépasser la souveraineté nationale. Aujourd’hui, la souveraineté nationale, le fait que ce soit les Etats qui aient la main mise sur les ressources naturelles, empêche d’être dans une coopération entre Etats, entre différents écosystèmes. On est plutôt dans une logique de compétition, de course au profit. C’est un premier facteur qu’on va essayer de déverrouiller. On va aussi se dire, remettons en avant la sacralité de la vie. C’est essayer de réinterroger ce qui nous conduit dans le mur et de proposer des solutions. » L'eau menacée L’eau a donc été au cœur de l’Assemblée des Habitants de la Terre le mois dernier. Il a notamment été question de l’accaparement de la ressource. « C’est une des menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’eau. On a certains acteurs qui vont s’accaparer l’eau. L’assemblée avait lieu à Aiffres, dans les Deux-Sèvres, où il y a un énorme enjeu de l’accaparement de l’eau pour l’agriculture intensive. Ce sont les projets de bassines, des sortes de réserves géantes, remplies d’eau. Mais elles ne sont pas remplies d’eau de pluie. On vient pomper massivement dans les nappes souterraines en hiver dans l’optique que l’été, on puisse irriguer massivement les cultures intensives. On est sur une agriculture qui n’est pas soutenable. Pour l’alimenter, cela implique de s’accaparer massivement des énormes quantités d’eau des nappes souterraines et mettre en péril le droit à l’eau des autres populations. Cela met en péril les autres agriculteurs de plus petites échelles ou qui souhaitent être dans une logique bio et qui n’auront pas ces réserves d’eau. C’est une logique d’accaparement que l’on retrouve en Afrique où on de l’accaparement des terres par les multinationales, pour des projets industriels, mais aussi l’accaparement de l’eau pour, là encore, de l’agriculture intensive mettant à mal l’agriculture de subsistance des populations. » 1,4 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau en France A cette Assemblée des Habitants de la Terre, vous avez notamment défendu, au nom de France Libertés, la nécessité d’un droit universel de l’eau et d’un droit à l’eau. L’Onu a adopté une résolution en ce sens il y a 10 ans déjà, le 28 juillet 2010. On est encore loin de l’effectivité de ce droit. Il y a besoin encore de le clamer ? « Malheureusement, oui. On a toujours 2,
Le système capitaliste et consumériste est à bout de souffle. L'Humanité est en train de dépasser les limites de la Terre. Il est donc temps d'inventer d'autres formes de rapport au monde. C'est le sens d’un texte que publiera prochainement France Libertés. La Fondation défend un "radicalisme utopique". Avec Jérémie Chomette, directeur de France Libertés « Pour nous, il n’y a pas une seule solution, mais il y a une multitude de façons de penser, d’autres façons de faire société. On part du principe qu’il est fondamental de reprendre à la racine les problèmes et d’essayer de développer quelque chose d’autre. Aujourd’hui, on a par exemple l’écoféminisme qui est extrêmement intéressant. Cela croise des formes de dominations. A travers cette domination des hommes sur les femmes, celle du patriarcat ou de la domination des humains sur la nature, on voit comment on contre cela en recréant d’autres système. Il y a l’écoféminisme, le confédéralisme démocratique qu’on voit au Rojava, et la question des communs : comment on va essayer de créer des liens sociaux pour interagir et préserver nos relations dans la durée ? » Les limites de la transition « On ne peut plus passer par une délégation du pouvoir, où on va élire quelqu’un qui va diriger pour nous. Il s’agit de se dire, on va créer des lieux où on va pouvoir prendre des décisions entre humains, qui concernent les autres êtres vivants. C’est la seule possibilité de sortir de là où on en est. Ce qu’on dit, c’est exclure cette idée de transition qu’on entend partout. Souvent, quand on pense à transition, on pense écologie. On va remplacer le pétrole par des énergies renouvelables. En fait, les énergies renouvelables, dans la plupart des cas, on vient, notamment de manière industrielle, ponctionner la Terre. On vient chercher des minerais pour développer des énergies. Mais en fait on vient taper dans les limites que nous offre la planète. » © France Libertés La transition a ses travers. Vous pointez le fatalisme de certains, d'autres qui rejettent les responsabilités à plus tard, ou qui comptent sur la technologie qui va nous sauver… Que reste-t-il à opposer ? « Il y a une forme de sagesse. On travaille beaucoup avec Hindou Ibrahim qui est une femme peule du Tchad qui dit, "la meilleure technologie aujourd’hui pour combattre le changement climatique, c’est ma grand-mère". Il ne s’agit pas de glorifier le passé. Mais cela veut dire : on a des savoirs assez simples qui nous permettent de repenser notre monde et de beaucoup plus prendre soin de la planète. On le voit au travers des structures que l’on soutient, au Kurdistan de Syrie notamment, au Rojava. On a vu comment, quand les femmes qui s’étaient révoltées voulaient créer un autre monde, ont réutilisé des techniques de constructions anciennes. Ces constructions permettraient d’avoir une température beaucoup moins importante, et donc de ne pas utiliser de climatiseur. Il n’y a pas besoin toujours d’avoir une technologie qui va nous sauver. On peut revenir à des solutions qui existaient. Repenser notre conception du savoir est aussi très importante. » Penser le monde autrement C'est ce que vous appelez le radicalisme utopique ? « On a repris l’idée de radical, puisqu’on disait toujours que Danielle Mitterrand était radicale. Mais c’était dans le sens premier du terme : reprendre à la racine les problèmes. Le climat est une conséquence de nos actions. Ce n’est pas une cause. Chercher à agir sur le climat nous semble problématique. Il faut agir sur les causes. Les causes, ce sont notre rapport à la nature, avec cette idée qu’il faut toujours consommer plus pour aller plus loin. Donc il y a cette idée de proposer des solutions qui prennent les problèmes à la racine. Et il y a l’idée d’utopie. Aujourd’hui, il nous semble fondamental de créer de nouveaux imaginaires, de penser le monde autrement. C’est important de repenser les utopies, de penser que l’on peut sortir de ce système capitaliste, productiviste,
Crise climatique, sociale, démocratique, économique, le monde de 2020 doit faire face comme jamais à des défis majeurs pour l’avenir. Face à l’accélération des dérèglements politique, sociaux, environnementaux, il est temps de rompre avec un système libéral et productiviste qui mène l’humanité à sa perte. C’est le sens d'un texte que va présenter dans quelques temps France Libertés. Sous le titre "Radicalisme utopique", la Fondation pointe l’urgence de la situation et lance des pistes pour changer de cap. Avec Jérémie Chomette, le directeur de France Libertés Il y a plus de 30 ans, Danielle Mitterrand affirmait la nécessité pour l’humanité de repenser son rapport au monde. En ce début 2020, son constat est toujours d’actualité ? « Plus encore qu’avant peut-être. Il y a 30 ans, on parlait de LUTTER CONTRE TOUTES LES OPPRESSIONS. Aujourd’hui, ces oppressions se multiplient et s’accélèrent. Donc il faut complètement reprendre les choses à la racine. Il faut repenser notre rapport au monde, repenser notre rapport aux autres, repenser notre rapport aux autres êtres vivants, et pas seulement aux êtres humains » Vous estimez qu’il y a une multiplication des crises ? « Oui, et c’est logique que ces crises soient liées les unes aux autres et qu’elles se multiplient. On est à la fin d’un système. On s’aperçoit que nos ressources sont de plus en plus limitées. Forcément, les personnes les plus riches ou celles qui sont au pouvoir, qui constituent une minorité, vont chercher à garder leurs privilèges au maximum. Elles voient qu’elles ne pourront plus faire autant de bénéfices en détruisant la planète. Elles vont chercher à survivre. Ce sont elles qui ont le pouvoir. Donc les crises vont se multiplier. » Pour produire du bonheur, "il faut une forme d’esclavage" Qu’est-ce qui cloche dans le monde de 2020 ? « On voit qu’on est arrivé à bout de notre système de fonctionnement. Notre système occidental est basé sur la domination d’une poignée d’hommes sur d’autres êtres humains, mais aussi des êtres humains sur toutes les ressources planétaires. Pour qu’on produise une forme de bonheur, qui est souvent de très artificiel, on a besoin de consommer énormément, de chercher à toujours développer la croissance économique. Pour développer la croissance économique, il faut des formes d’esclavage. C’est ce qu’on voit sur le plan social où, pour faire des vêtements, on va toujours délocaliser pour les concevoir là où on va payer 30 euros ou 30 dollars du mois les gens, que ce soit au Cambodge, en Chine ou en Ethiopie. On voit qu’on est obligé de dominer certaines autres personnes. De la même façon, pour continuer cette croissance, on est obligé d’extraire énormément de ressources, d’éléments naturels du sol. En fait, on est en train d’arriver au bout. La planète ne peut plus supporter tout ça. Il en est de même des humains qui sont dominés et qui se révoltent. Donc on est vraiment sur la fin d’un système. Les crises se multiplient puisque les privilégiés ne veulent pas lâcher et vont chercher à garder leurs privilèges. » Le système capitaliste et consumériste, que vous dénoncez dans le texte, est à bout de souffle ? « Exactement. C’est même les systèmes capitalistes et productivistes. Même dans d’autres façons de faire société, toute l’idée qui est basée sur la croissance, sur le productivisme, de devoir toujours faire plus, on ne peut plus. Il y a des limites et on est en train de dépasser toutes les limites. » Inventer d’autres formes de rapport au monde Pourtant, les plus grandes nations continuent en ce sens. Comment contrer tout ça ? « C’est la question à laquelle on essaie de répondre tous les jours. Les méthodes traditionnelles, qui étaient de reprendre le pouvoir notamment par les élections, nous semblent un petit peu dépassées. Il faut inventer d’autres choses. Il faut plutôt vider les Etats et les grandes multinationales de leur pouvoir en inventant d’autres formes de rapport au monde.
Il y a du nouveau dans le paysage médiatique de Guyane. Radioka est né. Radioka, c’est un média en ligne amazonien. Son ambition : être le réseau d’échanges d’informations sur l’actualité du monde autochtone de Guyane. Ce nouveau média est né il y a tout juste trois mois, à la mi-octobre. Avec Ludovic Pierre, fondateur de Radioka. Qu'est-ce qui vous a poussé à monter ce projet et quel est l'objectif de Radioka ? « Radioka est axé sur trois grands objectifs. C’est tout d’abord de relayer les actualités autochtones de Guyane. Mais il s’agit également de relayer les actualités autochtones de par le monde, que ce soit en Nouvelle-Calédonie, au Brésil, au Canada, aux Etats-Unis, etc… Et le plus important c’est d’apporter l’analyse des peuples autochtones sur l’actualité, que ce soit sur l’économie, les enjeux scientifiques et divers sujets. » Donner de l'écho aux autochtones Quelle est la signification du nom Radioka ? « Cela vient d’Oka, qui signifie écho, nouvelles d’ailleurs. en langue kali’na, une des langues autochtones de Guyane. » Radioka veut donc être un espace d’expression des peuples autochtones. Cela veut dire que ces peuples n’étaient pas entendus jusqu’alors sur les médias traditionnels ? « Pas suffisamment en tous cas et pas de la manière dont on voudrait aborder ces sujets-là. Pour pouvoir traiter un sujet comme un autochtone pourrait le faire, il faut redéfinir certains concepts, certains traits spécifiques aux autochtones. Il faut être capable de traduire quelques concepts de nos langues vers les langues européennes pour pouvoir apporter au mieux une analyse plus complète que ce que les médias actuels ont apporté jusqu’à aujourd’hui. » Les angles choisis par les médias clastiques ne prennent pas suffisamment en compte les peuples autochtones ? « Disons que la manière de traiter les sujet, à Guyane 1ere par exemple, c’est très académique. Cela baigne dans un contexte social où on a été exclu pendant longtemps. Du coup, la manière dont on traite le sujet enlève cet héritage social qu’ont les autochtones et les autres communautés. Cela entre en jeu dans l’analyse et la perception de toute information. » Jessi Américain, candidat aux municipales 2020 de Saint-Laurent du Maroni © Radioka Pour être concret, il y a un exemple des sujets que vous abordez et de la manière dont vous les traitez ? « Le dernier article qui est paru concerne les élections municipales de 2020 à Saint-Laurent du Maroni, dans l’ouest guyanais. Dans l’interview, j’ai abordé l’héritage traditionnels, la coutume, dans les enjeux urbains. La ville est un espace urbain. Nous on vient de communautés où la tradition et les coutumes sont encore très vivants. La plupart des médias ne s’intéressent pas beaucoup à ça. Ils attaquent directement les programmes de manière frontale, par l’économie par exemple à Saint-Laurent. Or Saint-Laurent et une commune où il y a énormément de communautés différentes. Il faut vraiment prendre ça en compte. » Riches d'une histoire pour exister Vous voulez également mieux valoriser les langues et cultures autochtones ? « Bien évidemment cela va ensemble. Dans Radioka il y aura quelques émissions qui seront en langues autochtones. Ce sera un espace pour découvrir les différentes langues qui existent en Guyane et un espace où les locuteurs peuvent pratiquer d’une autre manière. Cela pourra être un espace d’expression dans leur lague. La culture va avec. Il y aura une présentation des différentes cultures et des cultures qui ont existé avant. Parce qu’il y a eu plus de 30 peuples autochtones qui étaient présents en Guyane avant la colonisation européenne. Cela participe à l’histoire et à la manière d’aborder l’histoire. » © Radioka Vous êtes un militant autochtone, membre du réseau Jeunesse Autochtone de Guyane. Radioka est la suite logique de votre engagement ? « C’est un projet sur lequel on a réfléchi pendant longtemps. Le militantisme est venu avec tous les enjeux politiques,
L’eau est un droit pour tous. Pourtant, aujourd’hui encore, plus de deux milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’eau potable. Et plus de quatre milliards ne bénéficient pas de réelles installations sanitaires. Il y a pourtant un défi mondial à relever, celui fixé par les Nations Unies d’assurer à ces milliards de personnes des services d’alimentation en eau et d’assainissement d’ici 2030. De quoi leur assurer une vie digne. Cet objectif concerne également la France. A l’occasion des élections municipales de 2020, 29 associations s’unissent à la campagne lancée par la Coalition eau et la Fondation France Libertés, "L’eau ne se mérite pas, c’est un droit". Avec Justine Richer, chargée du programme “Eau, bien commun” à la Fondation France Libertés On connaît les difficultés, voir l’impossibilité d’accéder à l’eau et à l’assainissement dans énormément de régions dans le monde. Ce qu’on sait moins, c’est qu’en France aussi, des millions de personnes connaissent ces carences. « En France métropolitaine on compte 1,4 millions de Français qui n’ont pas accès à des services d’alimentation domestique en eau potable gérés en toute sécurité. Ce sont des chiffres de l’OMS et de l’Unicef qui datent de 2019. Ce sont des chiffres dont on n’a pas forcément conscience. On entend toujours parler de la situation mondiale dans laquelle 40% de la population seront confrontés à des pénuries d’eau d’ici 2050. Mais on sait moins ce qui se passe en France, alors que 7,5 millions de personnes en métropole ne disposent pas de service d’assainissement géré en toute sécurité. La situation en Outre-mer est encore plus alarmante. Par exemple en Guyane, 35 000 personnes n’ont pas accès à des services d’alimentation domestique en eau potable. Ce ce sont plus de 4 700 personnes qui pratiquent la défécation en plein air. Et 16 000 personnes recueillent leur eau de boisson directement à partir de sources d’eau de surface. » A quoi est-ce dû ? « En France, les raisons de ces difficultés d’accès sont principalement dues à des raisons économiques et de précarité. Ce sont des estimations qui recouvrent aussi bien des personnes qui vivent dans la rue, que des personnes vivant dans des bidonvilles, dans des squats, dans leur voiture, des gens du voyage. Il y a évidemment les personnes vivant dans des camps de migrants et qui sont dépourvus de confort sanitaire de base. Et il y a ces personnes qui voient leur facture d’eau dépasser 3% du revenu du ménage. Ce sont principalement des personnes sans emploi, seules, des retraités également. On considère au niveau de l’OCDE qu’une facture d’eau qui dépasse 3% du revenu d’un ménage, ce n’est pas acceptable. » Quelle conséquences concrètes pour ces familles touchées par ce manque d’accès à l’eau ou à l’assainissement ? Une source d’angoisse au quotidien « Les familles qui sont touchées par ce manque d’accès à l’eau sont obligées de trouver des solutions intermédiaires, des plans B. Par exemple, elles vont devoir trouver des accès à l’eau beaucoup plus loin de chez elles. Cela va provoquer un manque d’hygiène et une source d’angoisse au quotidien qui perturbe la vie sociale. Il y a par exemple des enfants qui ne veulent plus aller à l’école parce qu’ils sont moqués. Dans des habitats précaires ou mal isolés, on a des cas de propagations de maladies, cela peut être très rapide. Cela concerne les populations les plus vulnérables. » A l’occasion des élections municipales, vous avez donc lancé ce Manifeste "L’eau ne se mérite pas, c’est un droit", à destination des élus locaux, actuels et futurs. Pourquoi les impliquer eux ? C’est à l’échelon le plus local que les solutions existent ? « On a lancé ce manifeste pour provoquer un engagement des élus et des futures élus, parce qu’ils ont un rôle à jouer pour la promotion de l’accès à l’eau et à l’assainissement en France dans leur commune. Il est proposé cinq engagements clés pour le droit à l’eau et à l’assainissement et pour surtout l’effect...
Il y a un peu plus d’un an, Jair Bolsonaro était élu président de la République du Brésil. C’était le 28 octobre 2018. Les Brésiliens portaient au pouvoir cet ancien militaire proche de l’extrême droite. Depuis, ils assistent à un profond bouleversement de leur pays, tant économique, sociétal, environnemental, ou encore sécuritaire. Muriel Pérez est photographe et auteure. Il y a un an, elle a passé plus d’un mois aux côtés de ces Brésiliens. Elle témoigne, dans un livre à paraitre prochainement, de l’ascension au pouvoir de Jair Bolsonaro et du ressenti de la population. Muriel Pérez, vous êtes une ancienne membre de la Fondation France Libertés. Vous avez beaucoup travaillé dans le développement international. "O Coiso, la chose" est un récit sur votre voyage au Brésil de l’an dernier. Vous connaissez bien le Brésil pour y avoir vécu plusieurs années. Avant de parler de cette élection qui a changé la vie des Brésiliens, d’’abord, quel souvenir, quelle impression gardez-vous de ces années passées là-bas ? « La première fois que j’y suis allée, c’était en 2012. Je suis arrivé à Rio, c’était l’époque vraiment dorée. On avait envie d’y aller, on avait envie d’y vivre. Tout était encore très lumineux là-bas. C’est vraiment une période très lumineuse que je garde en mémoire. C’était avant toute la période des Jeux olympiques et de la Coupe du Monde, et le début des grands mouvements sociaux qui s’opposaient à cela. Très lumineux, c’est le mot qui me vient. » Vous y êtes donc retournée l’année dernière à l’occasion d’un festival de cinéma. Qu’est-ce qui vous a marqué en y arrivant ? « J’y retourne depuis 2015. J’y passe trois mois dans l’année. Et à chaque fois je vois la situation changer. C’est toujours Rio qui m’impressionne le plus parce qu’il y a une augmentation de la violence qui est réelle, palpable. Même dans ma bulle des beaux quartiers de Rio, il y a des choses que je pouvais faire en 2012, il y a des rues dans lesquelles je pouvait marcher en 2012, dans lesquelles je ne peux plus marcher maintenant. Ce sont des choses tout à fait palpables. C’est ce qui est le plus marquant. L’Etat de Rio est un Etat qui est en faillite. C ‘est quelque chose qui est en train de s’effondrer. Ça évidement, ça m’a tout à fait marqué. » "Tout était devenu politique" « L’an dernier, j’ai passé un mois dans le Nordeste. C’était la période des élections. A ce moment-là tout était devenu politique. Il n’y avait pas une discussion qui ne retombait pas là-dessus. Tout le monde se positionnait. Même quand on passait à la caisse du supermarché, il y avait un échange là-dessus, pour qui on allait voter, qu’est-ce qui allait se passer. On montait dans un bus, on parlait avec le voisin. Tout était politique tout le temps et du coup tout très polarisé. C’était très impressionnant de voir à quel point on n’arrivait pas à penser à autre chose, à parler d’autre chose. » © Muriel Pérez Depuis l'élection, vous dites que les Brésiliens se sont retrouvés face à l’horreur qui se déploient de jour en jour. Quelle est-elle cette horreur ? « Moi j’y étais pendant toute cette période où il a constitué le gouvernement. On ne savait pas encore ce qu’il allait faire. Mais malgré ça, tous les jours on recevait des nouvelles. Par exemple le ministre de la Justice qu’il allait nommer, c’était le juge Moro qui a mis Lula en prison, ou son nouveau ministre de l’Environnement qui est un climatosceptique. Il a nommé pendant cette période-là une ministre de la famille qui est une pasteur évangélique. L’une des premières choses qu’il a fait c’est de supprimer le ministère de la Culture. Tous les jours il y avait une nouvelle pire que la veille qui arrivait et on se demandait quand est-ce que cela allait s’arrêter. C’était juste hallucinant. » "Ne pas se laisser faire" Face à cette horreur vous mettez en avant la résistance des Brésiliens et leur force créatrice. « Il y a sur place des mouvements qui se créent, des gens qui se solidarisent,
Sécheresses, inondations, désertifications... l’eau et le climat sont intrinsèquement liés. Le dérèglement climatique met en péril ce délicat équilibre du cycle de l’eau et le droit à chacun d’avoir accès à la ressource. Partout dans le monde des actions tendent à préserver cet équilibre au bénéfice de l'environnement et des populations. Avec Justine Richer, chargée du programme “Eau, bien commun” à la Fondation France Libertés Une école sur l’eau en Afrique du Sud Avec la Fondation Abbé Pierre et le R20 Fond vert pour les femmes, vous avez choisi d’apporter votre soutien à trois projets de terrain, portés par trois ONG qui agissent en Afrique du Sud, en Colombie et en Inde. Trois porteurs d’alternatives autour du droit à l’eau et des valeurs de la Fondation, sensibiliser, plaider agir. Commençons par l’Afrique du Sud, au Cap… où une ONG fait de la sensibilisation au changement climatique. « On a décidé de soutenir l’ONG EMG, Environmental Monitoring Group. C’est une ONG qui a décidé de créer une école sur l’eau et le changement climatique pour ses militants. L’objectif de cette école est le renforcement des capacités pour faire face à la pénurie d’eau au Cap qui sévit un peu plus chaque année. Ces militants souhaitent parvenir à un accès équitable et durable à l’eau pour toutes les communautés marginalisées du Cap qui sont les principales touchées. Ce beau projet doit aboutir à des études de cas, qui se traduiront par des livrets et des cours, types vidéo. Le but est d’avoir un maximum de communication entre ces militants et de sensibiliser toutes les parties prenantes du Cap. Par la suite, ces militants vont pouvoir s’approprier ces études et les partager plus largement ». Restaurer les plans d’eau à New Dehli En Inde, c’est à New Delhi que vous soutenez les communautés dans leur action contre le changement climatique. « Nous soutenons HAIYYA, une organisation féministe à la base, dirigée par des jeunes principalement. Ces jeunes œuvrent à la transformation du processus de changement au niveau local. Il faut comprendre le contexte. A New Dehli, la ville dépend de la rivière Yamuna pour l’approvisionnement en eau. Or, les plans d’eau alimentés par cette rivière sont quasiment détruits à cause des décharges de déchets et des eaux usées déversées dans la rivière. De plus, la nappe phréatique s’épuise de plus en plus. Le tout créé des terrain propices au paludisme et à la dengue. Donc il s’agit du droit à l’eau qui est en jeu, mais aussi du droit à la santé de ces communautés qui sont souvent de milieux socioéconomiques très défavorisés. Ce sont donc les plus touchées par la perturbation de ces plans d’eau. Ici, le projet de cette ONG est de mobiliser de jeunes porte-parole pour tenter de restaure ces plans d’eau par le biais de plaidoyer. L’objectif va être d’organiser un groupe de 1 000 jeunes leaders qui seront eux-mêmes dirigés par 25 jeunes entrepreneurs du changement. Cela permettra de créer une campagne de plaidoyer pour sensibiliser davantage le public et pour créer un plan de plaidoyer. Puis il y aura une réunion à la mairie avec le gouvernement concerné et les inciter à agir pour restaurer ces plans d’eau ». En Colombie, protéger les sources d’eau Enfin direction la Colombie. Il s’agit là de préserver les sources d’eau locales. « Le projet est mené par l’ONG Corpenca (Corporación Ecológica y Cultural Penca de Sábila). Il est un peu plus technique et concret. Il vise à restituer et conserver des sources d’eau locales par de la gestion communautaire. Cette gestion communautaire doit aboutir à la restauration, l’entretien et la conservation de micro-bassins dans la municipalité de Cocorna en Colombie. 12 groupes de gestion communautaires vont être mis en place pour contribuer à cette restauration des sources d’eau. Cela va permettre un renforcement organisationnel de ces groupes pour gérer ces menaces environnementales qui pèsent sur ces sources d’eau.
Isabelle Martin Les assises des déchets ont lieu les 2 et 3 octobre prochain à Nantes, l'occasion de faire un point sur la façon dont nous gérons nos déchets en France. J'ai interviewé Isabelle Martin, directrice de relations institutionnelles chez Suez recyclage et valorisation. A l'occasion des Assises Nationales des déchets qui se tiendront donc les 2 et 3 octobre prochain vous allez animer une conférence sur les outils numériques au service de la gestion des déchets. De quoi parle-t-on ? C'est quoi ces outils numériques ? On est dans une société de plus en plus connectée, et pour les déchets et bien effectivement, les outils numériques vont nous aider… vont aider le citoyen à être de plus en plus connecté pour améliorer son geste de tri. Mais au-delà de ça, ça va nous aider également en tant qu'industriels, à mettre en place des outils qui vont pouvoir être plus performant. Par exemple sur la collecte des déchets on va pouvoir déployer des puces sur les bacs qui reçoivent les déchets de façon à mesurer les quantités de déchets à l'intérieur et optimiser les collectes et les tournées de collectes, ce qui va permettre de faire des gains et d'optimiser. C'est aussi utiliser toutes les données qui sont maintenant de plus en plus disponible à travers l'intelligence artificielle pour robotiser et détecter sur les bandes transporteuses de nos centres de tri les différents types de plastiques d'emballage, de façon à limiter les erreurs de tri et à préparer une matière de qualité supérieure à celle qu'on a aujourd'hui par exemple. Donc on ne parle pas trop d'applications mobiles, mais c'est plus le déploiement de l'intelligence artificielle au service du tri ? Il y a aussi bien évidemment tout ce qui concerne ce dont vous parlez, c’est-à-dire les applications services des bonnes pratiques. Ça, c'est déjà bien déployé. Si vous êtes un citoyen sur Paris par exemple, vous voulez savoir où il y a une déchetterie, vous pouvez effectivement vous connecter et vous aurez toutes les informations sur les horaires, les temps d'attente, les périodes d'influence, les déchets que vous pouvez déposer / pas déposer, si vous voulez faire enlever un encombrants, à quel moment… tout cela existe déjà. Il y a ces robots donc qui qui permettent de faciliter le tri, est-ce que vous pouvez nous expliquer d'où on est partis et où on va arriver avec ces nouvelles technologies au service des déchets ? Au départ on ne triait pas, puis est arrivé le tri sélectif "manuel" puis on a mis de l'informatique dans tout ça… Vous avez entièrement raison oui. Au départ le premier flux qu'on a séparé c'est le verre. Ça date déjà de 25 ans, mais ce sont des boîtes "des box" qui sont sur les trottoirs et petit à petit effectivement, on a mis en place, soit de la collecte sélective qui se fait au sein du ménage. Pour les ordures ménagères il faut le trier pour séparer les différentes matières. Il y a déjà plusieurs années (une vingtaine d'années, se sont développé les centres de tri. Dans les premiers centres de tri, on triait le carton du plastique et petit à petit, comme dans les plastiques il y a beaucoup de résines (il y a 5 résine majoritaire notamment le polyéthylène qui constitue pratiquement toutes les bouteilles) on les a amélioré avec des détecteur optiques… des soufflettes qui permettent aussi d'évacuer les déchets qui doivent pas rester dans le flux. Et derrière, on a toujours quand même du tri manuel pour corriger les erreurs qu'a fait la machine. Donc, comme on va avoir un déploiement sur 3 ans en France de l'extension des consignes de tri, nous allons mettre dans le bac jaune d'autre matières comme les barquettes en plastique, les pots de yaourt, les enveloppes de de jambon etcetera.. Et bien en fait on est amenés à utiliser l'intelligence artificielle qui va utiliser soit les photos, la détection de la forme qui est à trier et tout ça va nous permettre effectivement d'avoir un meilleur tri.