Il y a quelques années, je me suis auto diagnostiqué, un peu maladroitement, comme « névrosé du silence ». Le silence m’angoisse. Je comble les vides dans les conversations. Je ne peux pas rester silencieux chez moi. Je mets la radio, j’écoute de la musique ou bien ma série tourne toute seule en fond sonore… Dans cette série, nous allons partir à la rencontre des personnes qui se sont appropriés ces silences. Des silences beaux, important, doux et qui nourrissent le coeur et l'esprit.Â
Ça fait maintenant 10 épisodes, plus de 2 heures de podcast, que je vous parle de mes silences. Et ce que je m'apprêtais à vous répéter une énième fois, à savoir que les silences m'angoissent… Et bien… Ce n'est plus tout à fait vrai. Alors oui, je m'endors toujours avec la radio et je n'arrive toujours pas à rester en silence chez moi. Mais maintenant, je crois que j'arrive – mieux – à soutenir le silence de l'autre pendant une interview ou pendant un verre avec mes potes… Est-ce grâce à cette série ? J'ai quand même appris pas mal de chose grâce à ce travail. Mais aussi grâce à vous. « Ah oui ? Oh bah moi je ne peux pas vivre sans silence ! » - « Moi j'adore le silence de la nuit, c'est vraiment reposant » - « Oh bah c'est fou, à cause de toi, moi non plus je n'aime plus les silences. Je les remarque tous ! » Oui, moi aussi je les remarque mais maintenant ils font parti de moi et j'ai réussi à les comprendre et les apprivoiser (un peu)… Et puis, quand un silence s'installe, je parle de la série et puis tout est réglé ! J'ai appris sur moi et sur les autres. J'ai fait de belles rencontres. J'ai eu de longs moments de joie, mais aussi de souffrance… La vie, quoi ! Je ne suis pas le seul a avoir appris grâce aux silences. Un jour, je suis à une petite soirée chez ma mère - qui a recommandé cette série à tous.tes ses ami.e.s (qu'est-ce qu'on ne ferait pas sans sa mère) - et Pierre est venu me trouver. Pierre est Franc Maçon depuis 4 ans et les silences l'ont façonné. Parmi les nombreux rites pour accéder à une loge maçonnique, il y en a un qui l'a beaucoup marqué : faire silence. Pendant un an, lors des Tenues, les apprentis n'ont pas le droit de parler. Rien. Pas un mot… Une manière pour lui d'apprendre, de se confronter à son propre silence et de faire corps et esprit avec ses frères… Merci à Anne Pacéo pour la musique Merci à Boris Jollivet pour les bruitages Et un grand merci à toute l'équipe de All Podcast d'avoir accompagné ce travail !
Après avoir été dans cette chambre sourde, je me suis vraiment questionné sur ce qu'était le silence. Et je me suis dit qu'il fallait que je demande aux premiers concernés : les sourd.es et malentendant.es. Le silence est quelque chose que nous pouvons vivre à travers notre chaire. Il peut nous faire mal ou bien nous détendre. Les personnes sourdes ou malentendantes le vivent dans leurs oreilles... et parfois aussi dans leur corps, quand ils sortent d'un repas de famille ou d'une salle de cinéma, en pleurs de n'avoir pas compris et entendu. Ma grand-mère, Nounou, porte des appareils depuis quelques années. Et je peux voir la souffrance du bruit dans son regard lors des repas de famille. Etrange de souffrir du bruit, pour celle qui peine de plus en plus à entendre... Comment vivre le faite de perdre petit à petit l'audition ? Ou bien de la retrouver ? Je suis allé à la rencontre de celles et ceux qui vivent le silence directement depuis leurs oreilles. Une femme, Marie-Claude, appareillée depuis près de 30 ans suite à une maladie qui lui fait perdre l'audition petit à petit. Et un jeune homme, Florent, sourd de naissance, qui apprend à entendre grâce à ses implants cochléaires. Mais finalement, sont-ils vraiment confrontés au silence ?
Depuis que je questionne le silence, j'ai en tête l'image d'une chambre sourde. Toute capitonnée. Finalement, à travers la mine de Candice Roger, elle est même devenue l'illustration de ce podcast. Dans le vocabulaire scientifique, une chambre sourde porte un nom : une pièce anéchoïque, c'est-à-dire sans écho. Cet endroit est utilisé, entre autre, par les physiciens de la NASA pour reproduire le silence spatial… Rien de plus silencieux que l'espace car il y manque l'outil essentiel à la propagation du son : l'air. Pourtant, en 2018, la NASA et l'agence spatial européenne ont publié un bourdonnement grave et lancinant. Ils ont, à partir des vibrations en provenance du soleil, modélisé son chant. Ses éruptions et ses bulles de plasma ont été traduit en sons audibles pour l'homme. Alors si on le questionne même dans l'espace, le silence existe-t-il réellement ? Pour répondre à cette question, j'ai décidé d'aller au cœur du silence et de me confronter à cette chambre anéchoïque, à ce silence spatial. Avec moi, un physicien acoustique et un philosophe théologien. Tous les trois, nous nous sommes confrontés au silence de cette salle, pour finalement se rendre compte que le silence naturel n'existe pas.
Il y a 6 ans, Lena et Axel sont tombés amoureux. Ils sont heureux, tous les deux. Ça se voit et ça se sent. Après l'épisode sur le silence des amis, dans la saison 1, j'ai compris que le silence à deux était synonyme de confiance et de lâcher prise. Alors je me suis mis à penser que le silence dans un couple était nécessaire, primordial. Qu'un couple qui ne supporte pas le silence ne pourrait pas durer. Pourtant, les silences de Lena et Axel ne sont pas ceux que j'imaginais. À deux, il peuvent rire et discuter, bien sûr, mais aussi ne rien se dire, bouder, ignorer, lever les yeux au ciel et faire comprendre une blessure... À deux, ils arrivent à lire les silences de leur couple. Ils se connaissent par cœur. Évidemment, parfois, ces silences ne sont pas tendres. Comme dans tous les couples, il y a des hauts et des bas. Alors je suis allé les voir pour qu'ils décryptent ensemble ces silences amoureux, ces silences qui rendent, presque paradoxalement, leur couple si vivant.
Le silence m'angoisse. Et cette série m'a joué des tours alors que je pensais qu'elle me ferait du bien. Me confronter aux silences, si pluriels et doux soient-ils, m'a parfois tétanisé ces derniers mois. Le genre de moment, bloqué au fond de son lit, en attendant que quelque chose se passe. Repousser les deadlines, une fois, deux fois… Et puis accepter qu'il faut prendre le temps. Marc Fraize aussi prend son temps. Il est de ces gens-là qui, comme moi, utilisent leur travail pour avancer dans leurs complexes. Il se souvient de son silence face à la classe, de cette poésie incapable de franchir le bout de ses lèvres et des ces regards qui pesaient sur lui. Aujourd'hui, il a décidé d'en rire et surtout d'en faire rire. À travers ses personnages, il nous emmène dans son univers ou l'angoisse est devenu gaieté et ou les blocages sont devenus idées. Pantalon vert un peu trop court, polo rouge boutonné jusqu'au cou, son personnage M. Fraize vient de descendre les marches de l'émission On N'Demande qu'À en Rire. Cette émission, produite et animée par Laurent Ruquier sur France 2, donnait leur chance à des humoristes d'horizons divers, qui faisaient face à un jury. Avant leur intervention, M. Fraize est resté silencieux, mal dans son corps, le visage tendu et les bras crispé pendant plus de 50 secondes….
L'objet de cette série est de partir à la recherche des bons silences. Les silences pleins, les silences qui font du bien. Ceux qui nourrissent le cœur et l'esprit. Des yogis, des bouddhistes et des religieux tentent de toucher du doigt ce silence absolu. Le silence de Dieu. Ce que David Le Breton, le sociologue qui m'accompagne au cours des épisodes, appelle le Cosmos, qui relierait l'humain avec la terre et les étoiles. La quasi-totalité des traditions religieuses encouragent le silence. On parle d'atteindre des niveaux de pureté spirituelle, de s'approcher au plus près de la divinité… Sœur Catherine Marie est une moniale. Elle vit avec sa communauté au cœur de l'abbaye de Notre Dame des Gardes, dans le fin fond du Maine et Loire. La particularité de cet ordre trappiste cistercien : vivre dans le silence, l'écoute, la prière et le travail manuel sous l'égide de Saint Benoît. C'est donc entre deux ateliers de réalisation de pâtes de fruit que Sœur Catherine Marie sort de son silence pour pouvoir en parler…
Le chant du coq le matin, les chants de grenouilles le soir, le bruit des vagues au loin, les cigales qui résonnent sous la tente… Tant de sons de la nature qui peuvent faire remonter des souvenirs à la surface. Des souvenirs de vacances, de voyage, de rencontre, de balade… Pour le citadin que je suis, la nature représente le silence. Mais les sons sont partout. Boris Jollivet est audio-naturaliste. Il bat la campagne pour aller enregistrer, lister, répertorier les sons de la nature, avec des micros plus perfectionnés les uns que les autres… Mais le silence dans la nature devient de plus en plus rare… Les endroits silencieux sont de plus en plus précieux et deviennent même des arguments marketing… Alors Boris Jollivet part chasser les silences pour mieux mettre en valeur les sons les plus précieux…
Quand j'ai commencé à imaginer cette série de podcast, je me suis retrouvé confronté à plusieurs difficultés. Premièrement, comment aborder le silence dans un podcast ? Pas facile, voire même un peu à l'opposé de l'essence même de ce média audio. Ensuite s'est posée la question de l'habillage sonore : comment mettre en ondes et habiller les propos qui seront diffusés pendant cette série ? Anne Paceo est la batteuse de jazz française aujourd'hui. Elle travaille avec les sons et les silences de la nature qu'elle intègre à ses compositions. À la sueur de son front et malgré la virtuosité de ses baguettes, elle a eu besoin d'en faire deux fois plus que les autres pour se faire sa place dans ce monde si masculin. Anne Paceo a accepté de vêtir de sa musique ces paroles qui questionnent les silences…
La radio est toujours là, en bruit de fond. Si elle s'éteint, parce que je ne capte plus ou parce que l'appli sur mon téléphone plante, je lève la tête et je n'aime pas ça. Alors j'arrête tout et je fais tout pour la faire repartir. La radio m'accompagne partout. Sous la douche, quand je travaille et même quand je m'endors… Et si ce n'est pas la radio, c'est ma série, ou le sport, qui tourne tout seul en fond sonore. Marc Voinchet était l'animateur des Matins de France Culture, la station qu'écoutait mon papa le matin quand je buvais mon lait avant de partir à l'école. C'est avec lui que j'ai commencé a écouter la radio… Il a été mon premier « bruit de fond ». Alors je suis allé le retrouver, Marc Voinchet, aujourd'hui directeur de France Musique, pour le lui raconter…
J'ai rencontré Thomas à l'école de journalisme. Il est arrivé en cours de cursus et ne connaissait personne. J'avais entendu parler de lui par un mec que j'avais rencontré en stage quelques semaines avant. Dès le premier jour, on a bien accroché. Il a lâché quelques vannes plutôt bien senties et on s'est bien marrés. Notre relation a commencé comme ça. Vanne sur vanne, on ne parlait pas de nous ou très peu. Mais j'ai senti que ça allait devenir un vrai pote. Alors j'ai eu peur que le silence vienne tout gâcher. J'ai eu peur qu'on se retrouve face à face sans savoir quoi se dire, comme ça m'était déjà arrivé à maintes et maintes reprises… Mais nous sommes devenus vraiment amis, des amis qui ont réussi à apprivoiser ensemble les silences…