POPULARITY
Cela fait 10 ans que l'ONU a reconnu que le droit à l'eau était un droit essentiel à la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme. Combat majeur de la Fondation France libertés, ce droit à l'eau n'est pas encore pleinement effectif. Mais le contexte politique peut peut-être y contribuer. Avec Marion Veber, responsable des programmes à la Fondation France Libertés On a évoqué la semaine dernière la genèse de cette reconnaissance du droit à l'eau, et de son accès pour tous. Il faut aussi rappeler le combat de la Fondation sur l'interdiction des coupures d'eau en France. "En France, il est interdit de couper l'eau aux foyers, même si la facture d'eau n'a pas été payée. C'est au regard de la dignité humaine. Sans eau, on n'est plus du tout dans la vie, mais dans la survie. On a des questions d'hygiène et de santé qui vont se poser. Nous avons mené un grand nombre de batailles juridiques devant les tribunaux, que nous avons tous gagnés y compris au Conseil constitutionnel. C'était une bataille pour souligner le folie qu'il y a derrière cette question du droit à l'eau. Aujourd'hui, de plus en plus de droits humains sont conditionnés à la capacité de payer. J'ai droit à l'eau si je peux payer ma facture d'eau. J'ai droit à la santé si je peux payer mon hôpital. Encore qu'en France on est plutôt bien lotis. Mais il y a quand même une tendance à ce que ces droits humains soient conditionnés à cette capacité de payer. On considère que l'eau a un prix et que c'est au citoyen de la payer. On pourrait tout à fait être dans une autre démarche. Certains territoires, certaines villes, sont dans cette démarche où c'est la collectivité qui prend en charge les litres d'eau qui correspondent vraiment aux droits humains, aux besoins vitaux. Ensuite, la facture s'applique aux besoins qui sont de l'ordre du confort. Derrière ce combat des coupures d'eau, c'était de souligner l'absurdité de couper l'eau à des personnes au regard de leur situation économique. Aujourd'hui nous avons une campagne "L'eau est un droit" que l'on mène avec 30 associations en France en lien avec les municipales pour rappeler le pouvoir des villes qui peuvent impulser des concrétisations du droit à l'eau à échelle du territoire. En France, plus d'un million de personnes n'a pas accès à l'eau de manière permanente et correcte." Ce droit à l'eau est encore à améliorer. Mais depuis 2017, le sujet est un peu tombé aux oubliettes. Où en est-on ? Le sujet est tombé au point mort. Cependant, avec le coronavirus, il y a une possibilité de reprendre conscience de l'importance de l'eau. On a vu qu'il y a un lien entre l'eau et la santé. Comment lutter contre un virus quand on ne peut pas se laver les mains, quand on ne dispose pas d'une eau propre ? Cela fait aussi appel à cette question des inégalités en France. L'outremer était d'ailleurs extrêmement mal lotie de ce point de vue-là. Il y a probablement une possibilité de remettre à l'ordre du jour ce type de question et de requestionner la place des droits humains dans nos sociétés et de comment ils peuvent se concrétiser en dehors de toute logique marchande." Sortir l'eau de la logique marchande On sort d'une longue campagne électorale. Les municipales ont vu l'essor de gouvernances vertes, ou d'exécutifs plus "citoyens". Est-ce que c'est une force pour porter cette question de l'eau pour tous au-devant de la scène ? "C'est très probable. On le voit dans les programmes et les discours des Verts. Il y a beaucoup de projets liés à la revégétalisation des villes. Qui dit revégétalisation des villes, dit un cycle de l'eau qui se porte mieux. Le cycle de l'eau est intimement lié à la végétation. Cela peut être une première approche de l'eau d'un point de vue environnemental et climatique. Il y a aussi une réflexion sur la remunicipalisation de l'eau. Certaines villes vertes sont plutôt enclines à considérer l'eau comme un commun qui ne peut pas être privatisé. On pense à Grenoble qui a remunicipalisé son eau.
Le droit à l'eau a 10 ans. Le 28 juillet 2010, les Nations Unies reconnaissaient que "le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme". Mais 10 ans après, ce droit fondamental reconnu par l'ONU n'est pas encore un droit pour tous. Avec Marion Veber, responsable des programmes à la Fondation France Libertés La Fondation, sous l'impulsion de Danielle Mitterrand, a très tôt milité pour la reconnaissance de ce droit à l'eau. Qu'est-ce qui a conduit à ce que l'ONU s'empare de cette question ? "Il y a eu plusieurs phases. Dans les années 1970-1990, on était plutôt sur une approche liée à l'eau en tant qu'élément naturel, sur des questions environnementales et de développement. Dans les années suivantes, on passe sur une approche droits de l'homme. Si le droit à l'eau est reconnu en 2010, c'est à la suite d'une longue bataille, essentiellement de la société civile, des ONG, des experts, des chercheurs, des militants. Ils cherchaient à ce que ce droit soit reconnu au regard de la puissance qu'il pourrait avoir comme rempart contre la privatisation et la marchandisation de l'eau. Dans les années 1990 et 2000, cela avait fait des ravages dans de nombreux pays, avec une ressource qui était accaparée. Cela produisait des inégalités flagrantes, des gros problèmes d'accès et des pollutions." La Fondation France Libertés s'est beaucoup impliqué à l'époque sous l'impulsion de Danielle Mitterrand. "Dès les années 2000, nos partenaires sur le terrain, en Amérique latine ou en Afrique, nous font remonter cette question de l'eau à travers différents prismes. D'abord la question de l'accès, avec la difficulté de pouvoir avoir ses besoins essentiels les plus vitaux couverts. Et on a aussi énormément de partenaires qui nous contactent en lien avec leur droit à l'eau qui est violé. Leur eau est polluée ou complètement accaparée, soit par le secteur minier ou pétrolier, soit par l'agriculture intensive. C'est sous ces deux angles qu’on est sollicités et qu'on va produire un grand nombre de déclarations au sein même des Nations unies pour porter le sujet et le mettre à l'agenda. Et on s'est aussi mobilisés en dehors des Nations unies, dans les forums alternatifs de l'eau. Ils ont été imaginés par la société civile pour rassembler les acteurs mobilisés sur ces enjeux, en contrepoids des forums officiels organisés par l'ONU et le secteur privé. C'était clairement avec une approche économique où l'eau était perçue comme une ressource qu'il fallait gérer de manière rationnelle, utilitariste et avec la logique de marché, donc de prix de l'eau." Les enjeux du droit humain à l'eau n'ont pas été résolus 10 après, ce droit d'accès l'eau pour tous n'est pas encore effectif, loin de là. Il est très disparate selon les pays ? "C'est effectivement encore très disparate. Les pays latino-américains, africains, et en Asie, sont en très grande difficulté sur la jouissance de ce droit-là. De nombreuses populations ne sont pas du tout raccordées au service d'eau et d'assainissement. Aujourd'hui, un très grand nombre de personnes est dépendant de l'eau de surface ou de pluie. Qui dit eau de surface ou de pluie, dit qu'il faut une qualité de l'eau et une quantité. Avec le changement climatique et les perturbations environnementales, de plus en plus de gens voient leur source d'eau se tarir ou se polluer. Il y a des inégalité d'accès flagrantes. Finalement, ce droit à l'eau a été proclamé en 2010. Mais aujourd'hui, les enjeux qu'il y avaient derrière cette bataille pour un droit humain à l'eau, n'ont pas été résolus. Ce droit n'a pas remis en question le statut de l'eau, à savoir une vision purement économique. Les acteurs plaidaient pour que l'eau soit perçue pour ce qu'elle est, un élément vital, nécessaire à la jouissance de tous nos droits humains. Comme cela n'a pas été remis en cause, aujourd'hui les racines des maux actuels ne sont...
Avec la pandémie de coronavirus, les peuples autochtones deviennent encore plus vulnérables. Accès au soin difficiles, conditions de vie plus précaires, projets extractivismes qui reprennent de la vigueur, pollutions, leur fragilité s'accentue. Pourtant, des mobilisations existent et les populations parviennent à s'organiser. Avec Marion Veber, responsable de programmes à la Fondation France Libertés On a vu la semaine dernière que les peuples autochtones étaient fragilisés par la crise du Covid-19. Il y a un autre effet collatéral à cette pandémie : les projets extractivistes profitent de l'aubaine pour reprendre ou s'étendre. © France Libertés "Oui, on peut dire ça malheureusement. Il y a eu de nombreux appels d'autochtones pour dénoncer le fait que certaines exploitations reprenaient de plus belle comme les projets illégaux, l'orpaillage illégal, notamment au Brésil ou en Guyane. L'attention était focalisée sur le coronavirus et beaucoup moins sur leurs activités. Au début de la pandémie, il y avait énormément d'appels et de messages d'autochtones expliquant que tel fleuve était de plus en plus pollué, ce qui dénotait une augmentation de l'orpaillage illégal. Il y a aussi les projets légaux, toutes ces entreprises multinationales qui continuent à chercher à amoindrir les normes environnementales pour pourvoir mieux extraire, avec moins de contraintes." "Certains Etats ont lancé des travaux en pleine pandémie" "Clairement, c'est une menace supplémentaire. La difficulté est que les autochtones ne peuvent pas lutter aussi bien qu'ils le faisaient auparavant, puisque les rassemblements sont compliqués. Et surtout, l'attention est focalisée sur la santé de leur peuples avec des disparitions inquiétantes des aînés notamment. Et quand un aîné décède, c'est aussi une partie de la culture et des savoirs qui potentiellement peut être mis en danger. C'est une vraie menace." Pour faire face à leur isolement, les peuples autochtones se sont organisés… en faisant appel à leurs pratiques ancestrales pour se protéger. "Une des mesures les plus classiques qui a été prise par différents peuples un peu partout sur la planète, c'est de fermer les villages autochtones, de barrer l'accès, pour réguler les flux et tenter de gérer tant bien que mal cette situation. On a eu aussi beaucoup d'autochtones, qui vivaient en ville, qui ont cherché à revenir sur leur territoire natal, parce que c'est perçu comme une façon de se protéger. Il y a cette idée que ce serait moins dangereux que la ville où cela grouille de personnes. Les interventions radios se sont multipliées, comme les portes-à-portes, pour diffuser les consignes sanitaires. C'est extrêmement important que ces consignes soient diffusées dans leur langue. Certains peuples ont mis en place leur systèmes traditionnels liés à la santé, avec l'utilisation de plantes, pour lutter contre des effets de la maladie. Il y a par exemple l'ancienne rapporteuse spéciale de l'Onu, Victoria Tauli Corpuz du peuple Kankana-ey Igorot aux Philippines, qui a expliqué que, dès que la pandémie s'est déclarée, son peuple a mis en place une manière traditionnelle de verrouiller les communautés. Les gens vivent dans le village, et ensuite il y a de la solidarité, de l'entraide qui s'organise en fonction des villages qui sont le plus en difficulté. Ça ne suffit pas parce qu'il y a un grand besoin d'appui et de dénonciation de certaines politiques d'Etat." Au Brésil, "un risque de génocide" Face à ces tragédies annoncées, des mobilisations s'organisent, notamment avec une campagne qui a été lancée pour alerter sur la catastrophe en cours au Brésil. "C'est la campagne du photographe franco-brésilien Sebastiao Salgado qui parle de génocide, parce qu'il y a le risque pour certains peuples de disparition potentielle, notamment pour les peuples en isolement. Il s'agit de porter l'attention en France sur ce qui se passe ailleurs. Les yeux sont beaucoup rivés sur le Brésil parce qu'il y a une situation d...
La pandémie de coronavirus a déjà fait plus de 420 000 morts dans le monde depuis son apparition en Chine en décembre. Près de la moitié de ces décès ont eu lieu en Europe. Si en France la situation tend à se stabiliser, et que la circulation du virus semble décliner, il reste dans le monde des zones où l'inquiétude demeure. C'est le cas notamment dans les régions où vivent de nombreux peuples autochtones. Depuis très longtemps, leurs conditions de vie ont été précarisées par de multiples menaces liées à la colonisation. Mais l'arrivée du Covid-19 les rend encore plus vulnérables et rappelle leur douloureuse histoire. Avec Marion Veber, responsables des programmes à la Fondation France Libertés La pandémie de coronavirus affecte sévèrement l'ensemble des pays. Mais pour les peuples autochtones, ce genre de contamination n'est pas quelque chose de totalement nouveau. "Malheureusement, cette pandémie a pour eux un arrière-goût de déjà-vu. Les processus de colonisation ont entrainé avec eux un certain nombre de maladies contre lesquelles les autochtones n'étaient pas immunisés. Cela a conduit à la disparition de nombreux peuples et à des taux de mortalité extrêmement importants. Il y a ce vocabulaire de génocide qui est assez présent, avec ce risque de retomber sur un génocide des autochtones. Ce qu'il faut rappeler, c'est que les épidémies étaient importées aussi bien par les colons, qui se sont appropriés les territoires de ces peuples, que par ceux qui exploitaient les ressources, l'or ou le caoutchouc, mais aussi par ceux qui cherchaient à les convertir au christianisme notamment. Les chiffres étaient glaçants. En Amérique latine, 90% des autochtones présents sur le territoire ont été décimés. En Guyane, on avait environ 36 peuples avant l'arrivée des colons. Aujourd'hui, il n'y a plus que six peuples. On voit qu'il y a un véritable traumatisme. Les autochtones continuent de porter cela en eux. Le terme de génocide revient souvent mais aussi l'idée de "nous sommes les survivants à ces épidémies". Là, ils font face à une nouvelle vague et cela ravive beaucoup de peurs." Ils sont déjà en extrême fragilité. Le Covid-19 rajoute un danger supplémentaire ? "Cela s'ajoute à tout ce que les peuples autochtones doivent déjà subir : les processus d'accaparement de leur territoire, d'exploitation de leurs ressources qui viennent fragiliser, polluer leur territoire, mettre à mal leurs droits fondamentaux comme le droit à l'eau. Il y a aussi les processus de discrimination. En fait c'est tout un corpus incroyable de menaces qui pèsent sur les autochtones. Et la pandémie vient s'ajouter. Comme ces autochtones, majoritairement, ont déjà des conditions de vie précaires, la pandémie ajoute un poids de plus." La pandémie aggrave la situation de peuples déjà fragilisés Pourquoi sont-ils plus vulnérables que d'autres populations ? "C'est un ensemble de choses. Ce sont des personnes qui ont malheureusement souvent une santé fragilisées. Aujourd'hui ce sont des communautés qui souffrent de malnutrition, de déficit immunitaire, de maladies chroniques, pour certain du diabète, d'obésité, de l'hypertension qui sont des facteurs aggravants face au coronavirus. Tout cela est lié au processus de colonisation qui les a contraint à la sédentarité, et fait devenir pour certain dépendants à des d'aliments très industriels. Et sans parler des pollutions. Cela à des impacts assez importants. On a des taux de cancers très graves, de maladies liés aux poumons. On peut aussi parler des peuples non contactés, qui sont des peuples autochtones qui ont choisi d'être en isolement et de ne pas entrer en contact avec "les blancs" et les autres populations pour se protéger. Ces peuples-là sont extrêmement vulnérables parce qu'ils n'ont pas les défenses immunitaires contre un grand nombre de maladies, dont le coronavirus en première ligne". Et il y a aussi les autochtones qui vivent en milieu urbain ou ceux qui ont été déplacés.
La pandémie de coronavirus a déjà fait plus de 420 000 morts dans le monde depuis son apparition en Chine en décembre. Près de la moitié de ces décès ont eu lieu en Europe. Si en France la situation tend à se stabiliser, et que la circulation du virus semble décliner, il reste dans le monde des zones où l'inquiétude demeure. C'est le cas notamment dans les régions où vivent de nombreux peuples autochtones. Depuis très longtemps, leurs conditions de vie ont été précarisées par de multiples menaces liées à la colonisation. Mais l'arrivée du Covid-19 les rend encore plus vulnérables et rappelle leur douloureuse histoire. Avec Marion Veber, responsables des programmes à la Fondation France Libertés La pandémie de coronavirus affecte sévèrement l'ensemble des pays. Mais pour les peuples autochtones, ce genre de contamination n'est pas quelque chose de totalement nouveau. "Malheureusement, cette pandémie a pour eux un arrière-goût de déjà-vu. Les processus de colonisation ont entrainé avec eux un certain nombre de maladies contre lesquelles les autochtones n'étaient pas immunisés. Cela a conduit à la disparition de nombreux peuples et à des taux de mortalité extrêmement importants. Il y a ce vocabulaire de génocide qui est assez présent, avec ce risque de retomber sur un génocide des autochtones. Ce qu'il faut rappeler, c'est que les épidémies étaient importées aussi bien par les colons, qui se sont appropriés les territoires de ces peuples, que par ceux qui exploitaient les ressources, l'or ou le caoutchouc, mais aussi par ceux qui cherchaient à les convertir au christianisme notamment. Les chiffres étaient glaçants. En Amérique latine, 90% des autochtones présents sur le territoire ont été décimés. En Guyane, on avait environ 36 peuples avant l'arrivée des colons. Aujourd'hui, il n'y a plus que six peuples. On voit qu'il y a un véritable traumatisme. Les autochtones continuent de porter cela en eux. Le terme de génocide revient souvent mais aussi l'idée de "nous sommes les survivants à ces épidémies". Là, ils font face à une nouvelle vague et cela ravive beaucoup de peurs." Ils sont déjà en extrême fragilité. Le Covid-19 rajoute un danger supplémentaire ? "Cela s'ajoute à tout ce que les peuples autochtones doivent déjà subir : les processus d'accaparement de leur territoire, d'exploitation de leurs ressources qui viennent fragiliser, polluer leur territoire, mettre à mal leurs droits fondamentaux comme le droit à l'eau. Il y a aussi les processus de discrimination. En fait c'est tout un corpus incroyable de menaces qui pèsent sur les autochtones. Et la pandémie vient s'ajouter. Comme ces autochtones, majoritairement, ont déjà des conditions de vie précaires, la pandémie ajoute un poids de plus." La pandémie aggrave la situation de peuples déjà fragilisés Pourquoi sont-ils plus vulnérables que d'autres populations ? "C'est un ensemble de choses. Ce sont des personnes qui ont malheureusement souvent une santé fragilisées. Aujourd'hui ce sont des communautés qui souffrent de malnutrition, de déficit immunitaire, de maladies chroniques, pour certain du diabète, d'obésité, de l'hypertension qui sont des facteurs aggravants face au coronavirus. Tout cela est lié au processus de colonisation qui les a contraint à la sédentarité, et fait devenir pour certain dépendants à des d'aliments très industriels. Et sans parler des pollutions. Cela à des impacts assez importants. On a des taux de cancers très graves, de maladies liés aux poumons. On peut aussi parler des peuples non contactés, qui sont des peuples autochtones qui ont choisi d'être en isolement et de ne pas entrer en contact avec "les blancs" et les autres populations pour se protéger. Ces peuples-là sont extrêmement vulnérables parce qu'ils n'ont pas les défenses immunitaires contre un grand nombre de maladies, dont le coronavirus en première ligne". Et il y a aussi les autochtones qui vivent en milieu urbain ou ceux qui ont été déplacés.
La crise du coronavirus doit-elle nous interroger sur notre modèle de société ? Que dit-elle du rapport que nous entretenons avec nos espaces naturel ? Et doit-elle nous obliger à repenser nos relations avec la nature ? Ces questions, pourtant anciennes, refont surface depuis deux mois de manière plus prégnante, plus urgente. Avec Marion Veber, responsable des programmes à la Fondation France Libertés Depuis l'apparition de l'épidémie de Covid-19, c'est un mammifère qui est pointé du doigt. Croisé sur un marché de Wuhan, en Chine, le pangolin serait à l'origine de cette crise sanitaire mondiale. Est-ce qu'on doit en faire un bouc émissaire, ou est-ce que c'est juste un symbole révélateur d'autre chose ? "On pointe du doigt ce pangolin et certains vont même pointer jusqu'au Chinois. Donc on a des relents xénophobes qui refont surface aussi. Mais le problème est bien le modèle de société. Le Covid-19 est lié a priori, même si les recherches sont encore en cours, à un virus qui est d'abord présent chez la chauve-souris, mais aussi chez le pangolin et peut-être même chez un troisième hôte. Ce qu'on note, c'est que notre modèle de société dominant, le capitalisme, une conception dominatrice, exploitatrice de la nature, est la cause de nouveaux virus, ce qu'on appelle des zoonoses. Des animaux sauvages se rapprochent des humains et nous transmettent des virus dont ils sont les hôte." Qu'est-ce qui a favorisé cette transmission, cette destruction des remparts entre les espèces ? "Avec cette logique où la nature est à notre disposition et où va l'exploiter pour nos besoins ou le profit de quelques-uns, on va déforester massivement. En déforestant, on expulse les animaux de leur habitat habituel. Ils se rapprochent des zones ou les humains vivent et où vivent nos animaux d'élevage. Il y a aussi le braconnage, ce qui est le cas pour la crise du Covid-19. C'est une vision dominatrice de la nature où l'on va exploiter les animaux pour de soi-disant vertus qu'ils pourraient avoir ou pour la richesse que vont procurer certaines parties du corps de ces animaux. C'est ce qui a causé le Covid-19, mais c'était aussi le cas pour le virus Ebola avec le braconnage de viande de brousse. Il y a aussi l'élevage intensif qui est très lié à la déforestation. Cela va accroitre la promiscuité entre les animaux sauvages qui sont expulsés de leur territoire et la proximité avec les animaux d'élevage, puis avec l'homme." La diversité des espèces en péril Cela met donc en danger la diversité des espèces. Et ce n'est pas sans conséquence ? "Le fait que l'on perde en nombre d'espèces chaque année, et de la diversité au sein même d'une espèce, fait que le virus se propage plus facilement. Plus une espèce est diverse, plus le virus a du mal à se propager. En fait la diversité est un excellent rempart face aux maladies. Sauf qu'aujourd'hui la diversité est en péril. On parle de pourcentages très importants d'espèces qui sont menacées de disparition et d'une perte de la diversité au sein des espèces. C'est un accélérateur potentiel de virus. Et le modèle de société actuel, très mondialisé, ne fait qu'empirer ce genre de virus qui se propagent plus facilement à l'échelle mondiale. C'est vraiment le reflet de cette société de l'excès, des échanges multiples." Depuis quelques semaines, de nombreuse tribunes ont dénoncé les excès de la mondialisation, estimant notamment que cette crise sanitaire a pour origine la crise écologique. Si on ne change rien, de nouvelles pandémies apparaîtront ? "Oui. On en a déjà eu plein ces dernières années. Sauf que maintenant , avec cette pandémie, on prend davantage conscience des liens entre nouvelles maladies et ce rapport destructeur à la nature. Cette crise écologique, il faut absolument qu'on en est conscience. Parce que le changement climatique qui est en cours pourrait encore venir accélérer d'autres maladies. Je pense à la fonte du permafrost. Ces sols, qui sont gelées dans certaines régions du monde et n...
La crise du coronavirus doit-elle nous interroger sur notre modèle de société ? Que dit-elle du rapport que nous entretenons avec nos espaces naturel ? Et doit-elle nous obliger à repenser nos relations avec la nature ? Ces questions, pourtant anciennes, refont surface depuis deux mois de manière plus prégnante, plus urgente. Avec Marion Veber, responsable des programmes à la Fondation France Libertés Depuis l'apparition de l'épidémie de Covid-19, c'est un mammifère qui est pointé du doigt. Croisé sur un marché de Wuhan, en Chine, le pangolin serait à l'origine de cette crise sanitaire mondiale. Est-ce qu'on doit en faire un bouc émissaire, ou est-ce que c'est juste un symbole révélateur d'autre chose ? "On pointe du doigt ce pangolin et certains vont même pointer jusqu'au Chinois. Donc on a des relents xénophobes qui refont surface aussi. Mais le problème est bien le modèle de société. Le Covid-19 est lié a priori, même si les recherches sont encore en cours, à un virus qui est d'abord présent chez la chauve-souris, mais aussi chez le pangolin et peut-être même chez un troisième hôte. Ce qu'on note, c'est que notre modèle de société dominant, le capitalisme, une conception dominatrice, exploitatrice de la nature, est la cause de nouveaux virus, ce qu'on appelle des zoonoses. Des animaux sauvages se rapprochent des humains et nous transmettent des virus dont ils sont les hôte." Qu'est-ce qui a favorisé cette transmission, cette destruction des remparts entre les espèces ? "Avec cette logique où la nature est à notre disposition et où va l'exploiter pour nos besoins ou le profit de quelques-uns, on va déforester massivement. En déforestant, on expulse les animaux de leur habitat habituel. Ils se rapprochent des zones ou les humains vivent et où vivent nos animaux d'élevage. Il y a aussi le braconnage, ce qui est le cas pour la crise du Covid-19. C'est une vision dominatrice de la nature où l'on va exploiter les animaux pour de soi-disant vertus qu'ils pourraient avoir ou pour la richesse que vont procurer certaines parties du corps de ces animaux. C'est ce qui a causé le Covid-19, mais c'était aussi le cas pour le virus Ebola avec le braconnage de viande de brousse. Il y a aussi l'élevage intensif qui est très lié à la déforestation. Cela va accroitre la promiscuité entre les animaux sauvages qui sont expulsés de leur territoire et la proximité avec les animaux d'élevage, puis avec l'homme." La diversité des espèces en péril Cela met donc en danger la diversité des espèces. Et ce n'est pas sans conséquence ? "Le fait que l'on perde en nombre d'espèces chaque année, et de la diversité au sein même d'une espèce, fait que le virus se propage plus facilement. Plus une espèce est diverse, plus le virus a du mal à se propager. En fait la diversité est un excellent rempart face aux maladies. Sauf qu'aujourd'hui la diversité est en péril. On parle de pourcentages très importants d'espèces qui sont menacées de disparition et d'une perte de la diversité au sein des espèces. C'est un accélérateur potentiel de virus. Et le modèle de société actuel, très mondialisé, ne fait qu'empirer ce genre de virus qui se propagent plus facilement à l'échelle mondiale. C'est vraiment le reflet de cette société de l'excès, des échanges multiples." Depuis quelques semaines, de nombreuse tribunes ont dénoncé les excès de la mondialisation, estimant notamment que cette crise sanitaire a pour origine la crise écologique. Si on ne change rien, de nouvelles pandémies apparaîtront ? "Oui. On en a déjà eu plein ces dernières années. Sauf que maintenant , avec cette pandémie, on prend davantage conscience des liens entre nouvelles maladies et ce rapport destructeur à la nature. Cette crise écologique, il faut absolument qu'on en est conscience. Parce que le changement climatique qui est en cours pourrait encore venir accélérer d'autres maladies. Je pense à la fonte du permafrost. Ces sols, qui sont gelées dans certaines régions du monde et n...
Dimanche 22 mars aura lieu la Journée mondiale de l’eau, une journée instituée par les Nations Unies en 1993. Cette journée est l’occasion pour de nombreuses associations et pour la société civile d’attirer l’attention sur les enjeux de l’eau. C’était le cas notamment lors de l’Assemblée des Habitants de la Terre qui s’est tenue le mois dernier. Avec Marion Veber, responsable des programmes à la Fondation France Libertés Les 21 et 22 février dernier s’est donc déroulée cette Assemblée des Habitants de la Terre. C’était à Aiffres, dans les Deux-Sèvres. Cette assemblée était consacrée notamment à l’eau, bien commun de l’Humanité, à son accaparement, et aux solutions pour sa sauvegarde. Tout d’abord, qu’est-ce que cette Assemblée des Habitants de la Terre ? « C’est en lien avec un processus qui s’appelle l’Agora des habitants de la Terre. Ce sont des processus autonomes, spontanés. L’idée est de mettre en avant la responsabilité de l’Humanité dans la destruction de l’ensemble du vivant et d’essayer de trouver des solutions pour changer radicalement le système qui provoque cette destruction. Il faut réfléchir ensemble, associations, individus, et constituer cette Agora. Elle doit être une sorte de contre-pouvoir aux Etats, aux multinationales, et aux instances qui décident de tout. Cette Agora doit être force de proposition en ayant l’audace de réaliser ces mutations radicales. » Un des objectifs affichés de cette Agora est de « modifier le devenir de la Terre et le sortir de l’état critique auquel nous l’avons réduit ». C’est-à-dire ? « Il y a plusieurs facteurs bloquants qu’on va essayer de déverrouiller au fur et à mesure. Il s’agit de dépasser la souveraineté nationale. Aujourd’hui, la souveraineté nationale, le fait que ce soit les Etats qui aient la main mise sur les ressources naturelles, empêche d’être dans une coopération entre Etats, entre différents écosystèmes. On est plutôt dans une logique de compétition, de course au profit. C’est un premier facteur qu’on va essayer de déverrouiller. On va aussi se dire, remettons en avant la sacralité de la vie. C’est essayer de réinterroger ce qui nous conduit dans le mur et de proposer des solutions. » L'eau menacée L’eau a donc été au cœur de l’Assemblée des Habitants de la Terre le mois dernier. Il a notamment été question de l’accaparement de la ressource. « C’est une des menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’eau. On a certains acteurs qui vont s’accaparer l’eau. L’assemblée avait lieu à Aiffres, dans les Deux-Sèvres, où il y a un énorme enjeu de l’accaparement de l’eau pour l’agriculture intensive. Ce sont les projets de bassines, des sortes de réserves géantes, remplies d’eau. Mais elles ne sont pas remplies d’eau de pluie. On vient pomper massivement dans les nappes souterraines en hiver dans l’optique que l’été, on puisse irriguer massivement les cultures intensives. On est sur une agriculture qui n’est pas soutenable. Pour l’alimenter, cela implique de s’accaparer massivement des énormes quantités d’eau des nappes souterraines et mettre en péril le droit à l’eau des autres populations. Cela met en péril les autres agriculteurs de plus petites échelles ou qui souhaitent être dans une logique bio et qui n’auront pas ces réserves d’eau. C’est une logique d’accaparement que l’on retrouve en Afrique où on de l’accaparement des terres par les multinationales, pour des projets industriels, mais aussi l’accaparement de l’eau pour, là encore, de l’agriculture intensive mettant à mal l’agriculture de subsistance des populations. » 1,4 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau en France A cette Assemblée des Habitants de la Terre, vous avez notamment défendu, au nom de France Libertés, la nécessité d’un droit universel de l’eau et d’un droit à l’eau. L’Onu a adopté une résolution en ce sens il y a 10 ans déjà, le 28 juillet 2010. On est encore loin de l’effectivité de ce droit. Il y a besoin encore de le clamer ? « Malheureusement, oui. On a toujours 2,