Courts propos improvisés et quotidiens, A propos de tout et de rien.
Paris, France
Nous sommes les enfants de la Chute et de Po-Io, le dresseur de chevaux, les héritiers de cette coupure d'avec le reste de la création, les filles et les fils de cette séparation initiale qui fit de nous ce que nous sommes. Et aussi liés que nous soyons avec les autres créatures, aussi intimement plongés que nous soyons dans le monde, nous sommes autres et jouissons d'abord de nous-mêmes.
Nous sommes justement admiratifs de la rapidité et de l'efficacité des intelligences artificielles, de leur capacité à brasser une quantité phénoménale d'informations et à prendre des décisions dans l'urgence mais savons qu'au bout du bout et pour les choix les plus fondamentaux, il importe moins d'être rapide et efficace que de prendre le temps du recul, le temps de la mélancolie. C'est pourquoi, étonnamment, à nos presque jumeaux : gorilles, et surtout chimpanzés et bonobos, nous préférons les orang-outans, ces cousins au regard pensif.
Les grands modèles de langage (LLM) spécialisés dans la production graphique, Midjourney, par exemple, sont capables de générer des images, des pseudo portraits photographiques notamment, d'une grande beauté. Ils font preuve par défaut (parce qu'entraînés sur des modèles de qualité) d'un excellent goût en matière de composition, de lumière, de choix des couleurs, de profondeur de champ, de tonalités.
Le mot est apparu il y a un an, peut-être deux, et depuis il prolifère (comme l'écosystème, son frère en jargonnerie bullshiteuse). Mais derrière le mot, qui prête à rire, se dissimule une réalité, une réalité peut-être moins rieuse, une façon insidieuse de présenter comme lanternes des vessies, des vessies qui ne sont pas forcément détestables en elles-mêmes mais qu'il serait plus respectueux de désigner sous leur vrai nom. On aura, derrière cette description, reconnu les "irritants".
Nous sommes cet être pétri d'insatiété qui croit parfois rechercher la satiété mais qui sait bien, au fond de lui, que cet objectif est un leurre, que l'atteindre ne servira à rien, qu'il n'en sera pas comblé parce qu'il ne veut pas être comblé, que ce qu'il cherche est le seul mouvement, le seul plaisir du désir, cette seule façon de se sentir vivant.
J'aime bien, j'aime beaucoup les musées de province, ces musées sans vanité où sont rassemblées en un seul lieu toutes les disciplines, toutes les expressions, toutes les créations issues d'une région
Nous sommes ces êtres qui à chaque instant rêvent, imaginent, se souviennent ; à chaque instant s'étendent au-delà d'eux-mêmes ; à chaque instant projettent leurs pensées, leurs espoirs, leur regrets dans l'espace et le temps comme la méduse ses tentacules dans le flux du courant.
S'il y a bien une chose de sûre avec les décisions du président étasunien en matière de droits de douane, c'est qu'elles auront pour premier effet de faire diminuer le commerce mondial et les échanges, de réduire le rythme de croissance de la production industrielle et donc de la pollution, de laisser un peu de répit aux orang-outans, aux baleines, aux femmes et aux hommes.
Quand on demande aux IA génératives de représenter le réel, il est singulier de leur reprocher ensuite de livrer une version réaliste du réel.
Dans ces affaires ou l'importance des choses se reconnaît au retournement, à l'hésitation continuelle de la conscience, le signe le plus clair de la pesanteur est ce besoin de vouloir trancher de facon définitive, cette incapacité à accepter la légèreté de l'être.
Ce qui manque à Dieu, c'est l'amour, le vrai amour ; pas ces erzatz d'amour que sont l'amour divin (αγάπη), ou l'amour familial (στοργή), mais le vrai amour (Έρως), celui qui prend aux tripes et qui emporte tout. Ce qui manque à Dieu, c'est de désirer, de sentir ce besoin de se noyer dans l'autre, de sentir dans sa chair le désir de la chair, le mystère du désir, le plaisir du désir, la souffrance du désir, le délire du désir.
Est-ce pour cela que le calcul infinitésimal à été inventé ? Pour trancher qui, de Dieu ou d'Abraham a raison, quand le premier semble penser qu'un pleur d'enfant suffit à condamner le monde ; et que le second rétorque qu'un sourire de jeune fille devrait suffire à le sauver.
Cela valait-il la peine, ce travail de six jours et six nuits ; cela valait-il la peine si c'est pour qu'au bout du compte, quelque part à Sodome ou ailleurs, une petite fille où un vieillard pleure de la souffrance qui lui est infligée ?
Pourquoi faut-il, comment se fait-il que ce soit Abraham qui apprenne cela à Dieu : qu'aussi nombreux et terribles aient été les crimes des habitants de Sodome et Gomorhe, ils ne justifient pas, en rien ils ne justifient qu'on s'en prenne à l'innocent ?
“Is anybody unhappy with Elon? If you are, we'll throw him out of here. Is anybody unhappy?”
Ne pas faire tout ce qu'on peut faire, ne pas dire tout ce qu'on peut dire mais laisser volontairement des choses en suspens, des choses dans l'inachèvement ; laisser du vide et du silence pour que, au sein de ce vide et de ce silence, puisse advenir autre chose.
La Révolution industrielle avait séparé le sale du propre, créé les égouts et les poubelles ; nous en revenons : dans le grand débordement des exutoires, tout devient égout, tout devient poubelle.
Ce n'est pas l'absence de croissance qui cause la crise, c'est la crise préexistante qui rend la croissance nécessaire. Celle-ci n'est pas un remède mais l'indice de la maladie.
Parfois surgissent des hommes qui, bombant le torse et bandant bras et membres, éructent, dans un rire gras : "Drill, Baby, drill !". Et la grande tournante repart alors dans le halètement des camions qui, dans les découvertes, vont et viennent dans les vulves de la terre, leurs bennes chargées d'or et de diamants.
Homo sapiens serait cette créature qui croit librement inventer des technologies sophistiquées par amour de la science mais il ne ferait en réalité que mettre en œuvre un programme génétique : inventer tout ce qu'il faut pour que l'espèce puisse se multiplier et se répandre partout.
Il me semble que la seule chose qui croisse vraiment, au bout du compte, c'est l'humanité, je veux dire le nombre de femmes et d'hommes peuplant cette planète. Le reste, et notamment le progrès matériel et technologique, qui est réel et tangible, ne sert en fait qu'à cela : rendre possible la croissance de la population
Notre extraordinaire capacité à trouver du plaisir partout, à nous enivrer de tout, à nous passionner pour tout, est également porteuse d'inconséquence, de désinvolture, de frivolité, de futilité.
La multiplication des sites, applications, logiciels, outils créés pour faciliter la vie à pour contrepartie immédiate la multiplication des contraintes (mises à jour, mises en cohérence, gestion des identifiants et des mots de passe, réplication) imposées à celles et ceux qui les gèrent et à celles et ceux qui les utilisent, c'est-à-dire tout le monde.
L'existence du désir n'est socialement légitime que dans le regard, la bouche et la pensée de celles et ceux qui sont eux-mêmes désirables. Pour les autres, il devient une obscénité, une chose contre nature : on ne peut être légitimement sujet de désir qu'à condition d'être objet de désir, à tout le moins de pouvoir l'être.
On a tellement de mal à avouer, et même parfois à reconnaître sa faiblesse, son désir, son besoin des autres, sa dépendance. Et on est surtout tellement instruit par la vie, l'expérience et la petite connaissance qu'on acquiert peu à peu de nous-mêmes ; tellement convaincu de la vérité, de la véracité, plutôt, du terrible aphorisme qui dit : "Tu me fuis, je te suis ; tu me suis, je te fuis."
j'aime les femmes (et les hommes) qui portent des bonnets à pompon, et qui ce faisant, loin de se voir et de se projeter en demi-déesses ou demi-dieux, en créatures altières, inspirantes et tout le tralala, assument leurs faiblesses, leurs imperfections, leurs petitesses, leur incarnation. Car c'est précisément dans cette acceptation de leur humanité et leur renoncement à faire l'ange qu'ils peuvent le devenir, quitter la bête et toucher au divin.
On ne peut pas tous, quand le navire coule, aller à Joshua Tree Park apprendre le yoga. Il faut parfois se défaire des habits de la pure Antigone, revêtir ceux du méchant Créon, et accepter de faire mal pour faire quelque chose.
Est-ce pour cela que ce "humhum", dont nul ne sait d'ailleurs très bien comment il se prononce et s'écrit ; est-ce pour cela que ce "humhum" reste innommé ?
Je ne connais pas toutes les villes mais de celles que je connais, Londres est la quintessence, comme on dit dans La vie rêvée de Walter Mitty. Non pas la plus belle (encore que), non pas la plus grande (même si), pas forcément la plus dépaysante et encore moins la plus agréable mais de loin la plus urbaine, la plus profondément, la plus radicalement, la plus intrinsèquement urbaine.
C'est étrange, c'est paradoxal, c'est irrationnel mais c'est ainsi : nous autres, êtres humains, avons envie et sans doute même besoin de respirer, de sortir de ce que nous connaissons, même quand nous l'aimons, de voir ailleurs. Nous sommes cet animal qui migre.
La grande force (et la grande faiblesse) des IA génératives est en effet de partager avec nous (nous : êtres humains plutôt blancs et masculins vivant au XXIeme siècle dans les pays riches du nord et de l'Occident) une immense épaisseur de connaissances, de références culturelles, de préjugés, de biais, de fantasmes, d'idées toutes faites, de lieux communs : tout un ensemble idéologique (cela soit dit sans aucun jugement) que nous avons en commun avec elles, et qui leur permet de comprendre en très peu de mots ce que nous voulons qu'elles représentent.
Bordélique : magnifiquement et malicieusement bordélique et insaisissable, méditerranéenne et anarchique, presque grecque et athénienne ; telle est Marseille, cité selon mon coeur.
Que Copilot ne sache pas faire de schéma, je le conçois ; ce qui stupéfie, c'est qu'il en fasse quand même ; et ce qui est prodigieusement intéressant, c'est que son approche des schémas étant purement graphique, le souci sémantique est en totalement absent. L'objectif de l'IA n'est pas ici de produire un schéma qui ait du sens, c'est de produire un schéma qui ressemble à un schéma ; et c'est pourquoi les mots, les cases, les flux sont totalement interchangeables : ils ne représentent rien. Ou pour dire les choses autrement, les deux hémisphères du réseau neuronal qui coopèrent chez les humains sont ici déconnectés l'un de l'autre ; et de cette déconnexion naissent des monstres.
Voici plusieurs semaines, plusieurs mois peut-être, que circule sur les réseaux sociaux, à l'appui d'une citation sur le mensonge elle-même sujette à caution, une photo fausse d'Hannah Arendt. Au lieu du visage nerveux, alerte, un peu inquiet de la philosophe, on a le portrait d'une jeune femme élégante ; élégante, paisible et souriante, très propre sur elle avec son tailleur et son collier de perles : la fiancée ou la bru idéale.
L'IA n'a pas d'accès à la réalité et ne dispose donc d'aucun moyen de vérifier par elle-même la véracité de ses prédictions ou créations, qui ne sont, vues d'elle, que des productions probabilistes, des vraisemblances, le niveau de vraisemblance étant fonction du degré de corrélation existant entre les données. Et l'IA ne connaît que cela : non pas la vérité mais la vraisemblance.
Nous errons, troupeau divagant à travers les places et les boulevards, les cafés et les brasseries, les théâtres, les salles de spectacle, cherchant la lumière et le bruit mais comme nous le ferions de phares : non pour en être constamment illuminés, pour substituer le jour à la nuit, mais pour, restant dans l'ombre, dans cette obscurité un peu canaille que nous aimons aussi, en être parfois brièvement éclairés, éclairés et rassurés.
Ligne douce Bordée de la splendeur des cils, Ligne douce que brode L'entrecroisement des cils.
C'est comme si l'intelligence artificielle était douée, voire très douée, en matière de créativité locale, d'instruction approfondie d'une consigne ou d'un jeu de consignes donné, mais très démunie dès lors qu'il s'agit d'élargir le champ, de voir plus loin et plus divers, d'ajouter des dimensions et de l'épaisseur, du lien, de l'inédit.
Se mettre dans la peau d'une personne, c'est tenter l'expérience d'un lâcher-prise total durant lequel on se fie entièrement à ce que susurre, à ce que chuchote, à ce que hurle plutôt notre corps, ou plutôt le corps de cet être que nous essayons d'être, cet être que, magiquement, nous comprendrons probablement plus en le singeant qu'en l'étudiant, un scalpel et les ressources de l'esprit à la main.
Il y a, de fait, en dépit de tout ce qui plaide contre elle, mille excellentes raisons de s'intéresser à l'I.A. Mais prenons garde à notre fascination atavique pour l'intelligence, à la séduction du malin, à notre tendance à placer l'intelligence au-dessus de tout. Elle ne le mérite sans doute pas.
La loi de la jungle, ce n'est pas la loi du plus fort, c'est la loi du plus adapté, ou plutôt même la loi des adaptés, qui pousse chacun à trouver le lieu et le moment où il pourra , d'une façon ou d'une autre, coexister avec les autres, faire avec eux écosystème.
Ne serait-ce la tristesse et l'uniformité de leurs atours, leur allure de croque-mort, on pourrait se croire revenus au début du siècle dernier, quand les cochers des demi-puissants et des demi-mondaines se retrouvaient, à Passy ou Auteuil, tandis que leur maître et maîtresse se pavanaient dans les allées du Bois
Si l'action politique ne consiste qu'à prendre acte et transcrire dans des textes les demandes et consensus sociaux, on peut très bien s'en passer. Mais sa grandeur et sa véritable vertu est d'éclairer le chemin, de bousculer un peu la société pour la faire évoluer. La politique, c'est un peu l'équivalent social de la rencontre amoureuse : ce bouleversement qui nous sort de nous-mêmes et nous permet de grandir.
Les êtres vivants sont ces créatures en qui s'opère la transmutation de la matière en énergie, de l'énergie en la matière, et de l'une et de l'autre en idées. Et cette capacité créatrice est illimitée, indépendante des ressources effectivement disponibles. Cet article Énergie est apparu en premier sur Improvisations.
Ce qui est bizarre, c'est que les personnes en position d'autorité paraissent ne pas se rendre compte que rien ne sonne plus faux que ces tableaux vivants où le chef se met en scène avec ses lieutenants, où ceux-ci parlent sous la surveillance de celui-là, et où l'on a l'impression qu'à la moindre incartade, au moindre propos qui ne serait pas de dévotion, ledit chef se muera soudain en reine de coeur criant : "Qu'on lui coupe la tête !" ou en Clovis rejouant l'histoire du vase de Soissons. Cet article La ligne du parti est apparu en premier sur Improvisations.
C'est de ne pouvoir tout étreindre ni tout embrasser que nous jouissons vraiment comme dans ces finals de feux d'artifice où nous nous pâmons plus encore de ne savoir où donner de la tête que des merveilles vraiment entraperçues, de la saturation des sens plus encore que de leur satisfaction. Cet article Trop beau est apparu en premier sur Improvisations.
"S'il peut quelquefois suffire pour que nous aimions une femme qu'elle nous regarde avec mépris comme j'avais cru qu'avait fait Mademoiselle Swann et que nous pensions qu'elle ne pourra jamais nous appartenir, quelquefois aussi il peut suffire qu'elle nous regarde avec bonté comme faisait Madame de Guermantes et que nous pensions qu'elle pourra nous appartenir." Cet article Syneisaktisme est apparu en premier sur Improvisations.
L'énergie de la communion, ce plaisir de la tension qui, longtemps contenue, longtemps compressée, se libère et éclate, se répand autour de nous et nous laisse, pantois, sur la grève, quand la vague est passée. Cet article L'énergie qui se renouvelle est apparu en premier sur Improvisations.
Ce qui fait le malheur du rageux, ce n'est pas tant que la fête, dont il avait inlassablement prédit l'échec, soit réussie ; c'est que, victime du syndrome de Cassandre, il ait passé le temps de la fête à chercher ce qui n'y allait pas et à désirer, inconsciemment ou consciemment mais de toutes ses forces et de toute son espérance, qu'un grain de sable ou un malheur arrive pour justifier, pour donner sens et raison à son pessimisme, son scepticisme, sa rage. Cet article Le malheur du rageux est apparu en premier sur Improvisations.
Qu'elle est calme, douce, agréable, la ville, quand les voitures n'y circulent pas ! Cet article La ville calme est apparu en premier sur Improvisations.
Il y a un abîme entre ce qui était représenté à Avignon : des variations sur l'amour, la mort, le désir, l'espoir, la violence, les corps et la sensibilité, les corps, surtout, dans leur force, leur fragilité, leurs esquisses, leurs retenues, et la projection qui en était donnée sur la scène politique, où tout devient plus grossier, plus rigide, plus mécanique, plus vain. Cet article Politique est apparu en premier sur Improvisations.