Le Campus Condorcet est un campus de recherche en sciences humaines et sociales porté par onze établissements et organismes de recherche français. Les Conférences Campus Condorcet sont organisées en cycles thématiques programmés de septembre à juin, à Aubervilliers. Données par des enseignants-cher…
Thomas Piketty (EHESS) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2017/2018 des Conférences Campus Condorcet : « Un monde fini ? Environnement, croissance et croyances » - Dans cette conférence, Thomas Piketty s’interrogera sur la signification d’une possible « fin du capitalisme », ou plus précisément sur le type de transformation des rapports de propriété – ou de retour à des formes de rapports antérieurs – que sous-tendent les évolutions en cours. Pour cela, il remettra dans une perspective longue l’histoire des différentes formes de possession et de structures inégalitaires. Dans le prolongement des réflexions engagées dans son ouvrage « Le capital au xxie siècle », il s’interrogera en particulier sur la signification de tendances récentes telles que la remontée de la concentration des patrimoines et des revenus, l’interpénétration des détentions financières entre pays, la progression de la propriété immatérielle ou encore le développement de nouveaux propriétaires à but non lucratif.
Myriam Tsikounas (Paris I) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2017/2018 des Conférences Campus Condorcet : « Un monde fini ? Environnement, croissance et croyances » - À l’évocation de la fin du monde au cinéma, ce sont des images de blockbusters américains et japonais qui nous assaillent, bien avant toutes réalisations françaises. C’est cette vingtaine de films, pour la plupart oubliés, échelonnés entre 1924 (La Cité foudroyée, Luitz-Morat) et 2011 (Melancholia, Lars von Trier), qui seront évoqués ici.Nous nous interrogerons sur les conditions de création de ces oeuvres, leurs filiations et contraintes budgétaires, qui ont obligé les auteurs à expérimenter des dispositifs ingénieux pour rendre crédibles, malgré l’absence d’effets spéciaux, la destruction de la planète et son éventuelle réorganisation.Nous observerons ensuite la manière dont ces récits ont évolué selon les connaissances, les enjeux, les inquiétudes des sociétés successives ; comment, selon les époques, les cinéastes ont présenté la planète, imaginé les causes de la catastrophe et la réaction des humains à celle-ci.Nous dégagerons enfin les principaux invariants de ce corpus : caractéristiques comparables des héros vivant à l’écran leurs derniers instants, impossibilité des réalisateurs à faire évoluer leurs personnages à la surface terrestre et dans le présent du futur, à leur conserver leur intégrité corporelle et sensorielle.
Jean-Baptiste Fressoz (CNRS) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2017/2018 des Conférences Campus Condorcet : « Un monde fini ? Environnement, croissance et croyances » - Les scientifiques nous l’annoncent, la Terre est entrée dans une nouvelle époque : l’Anthropocène. Ce qui nous arrive n’est pas une crise environnementale, c’est une révolution géologique d’origine humaine.Depuis la révolution industrielle, notre planète a basculé vers un état inédit. Les traces de notre âge urbain, consumériste, chimique et nucléaire resteront des milliers voire des millions d’années dans les archives géologiques de la planète et soumettront les sociétés humaines à des difficultés considérables. Faisant dialoguer science et histoire, cette conférence vise à donner une réponse historique à une question simple : comment en sommes-nous arrivés là ?
Serban Ionescu (Paris VIII) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2017/2018 des Conférences Campus Condorcet : « Un monde fini ? Environnement, croissance et croyances » - Depuis les temps les plus reculés de l’histoire, la fin du monde a toujours hanté l’imaginaire des humains, ce thème étant aussi ancien que la peur de mourir. La disparition de l’humanité, telle qu’annoncée pour le 21 décembre 2012 dans « Le Facteur Maya », constituerait selon Luc Mary la 183e prédiction de ce genre… Face à la fréquence de cette annonce et à ses conséquences, les chercheurs ont tenté d’avancer des explications : catharsis pour les angoisses quotidiennes, toujours plus grandes dans le monde actuel ? Expression de pathologies collectives ? Stratégie de manipulation et d’emprise sectaire pour des personnes vulnérables ?La diversité des hypothèses avancées concernant l’effondrement des sociétés et la fin du monde témoigne de la complexité de ce type de peur et souligne la nécessité d’envisager des interventions permettant de renforcer les processus de résilience individuelle et collective.
Marie-Pierre Rey (Paris I) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2017/2018 des Conférences Campus Condorcet : « Un monde fini ? Environnement, croissance et croyances » - En décembre 1991, un peu plus de cinq ans après l’avènement de la Perestroïka gorbatchévienne qui s’était donné pour objet de la réformer en profondeur, l’Union soviétique implosait, entraînant avec elle, non seulement l’écroulement de la plupart de ses institutions mais également la disparition d’un univers mental qui participait de la légitimité du pays et en assurait la cohésion sociale. Sur le plan extérieur, les changements furent tout aussi rapides : désormais privé des références idéologiques qui avaient contribué à son expansion, contraint de renoncer au glacis est-européen et au réseau d’États clients du Tiers Monde qui lui avaient conféré une grande partie de sa puissance, le nouvel État russe se retrouva en quelques mois affaibli dans ses capacités d’influence, en proie à une profonde crise identitaire et exposé par ses nouvelles frontières à des voisins instables.Cette disparition dont les conséquences allaient être cruciales tant pour le pays lui-même que pour l’équilibre géopolitique mondial, était-elle inévitable et comment l’expliquer ? C’est à ces questions que l’on s’efforcera de répondre en s’appuyant sur les nombreuses sources aujourd’hui disponibles.
Jean-Claude Schmitt (EHESS) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2017/2018 des Conférences Campus Condorcet : « Un monde fini ? Environnement, croissance et croyances » - Apocalypse, eschatologie, messianisme, millénarisme : pour comprendre ces mots toujours actuels, il faut remonter à leur source.Parmi les nombreuses révélations visionnaires qui fleurissent dans les milieux judéo-chrétiens entre le IIe siècle av. J.-C. et le premier siècle de notre ère, l’Apocalypse attribuée à Jean l’Évangéliste a joui d’un succès considérable qui ne s’est jamais démenti dans la tradition chrétienne depuis l’Antiquité tardive jusqu’au XVIIIe siècle au moins. En commentant ce texte et en le mettant en images, des générations de croyants ont spéculé sur la prédiction d’un retour sur terre du Messie (Parousie) à une date incertaine et ont vécu dans l’espérance d’un règne de paix de mille ans (millénium) précédant le Jugement dernier.Les interprétations divergentes quant à la date et à la nature du millénium ont donné lieu dès l’Antiquité tardive à des polémiques et à de nombreuses condamnations pour hérésie, mais ont encouragé aussi jusqu’à notre époque une prodigieuse inventivité théologique, imaginaire et même scientifique.
Giordana Charuty (EPHE) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2017/2018 des Conférences Campus Condorcet : « Un monde fini ? Environnement, croissance et croyances » - Au début des années 1960, l’anthropologue italien Ernesto De Martino entreprend une vaste enquête comparative sur les ressources culturelles offertes par plusieurs imaginaires de la fin du monde ou de la fin de l’Histoire : celui du christianisme primitif, celui des mobilisations millénaristes du Tiers Monde, celui du mouvement communiste international, celui de la modernité artistique et littéraire.Une définition de la culture comme ce qui préserve de la folie – entendue comme perte du rapport à soi et au monde – est au cœur de cette entreprise, qui fait suite à dix ans d’enquêtes ethnographiques dans l’Italie du Sud pour comprendre la rémanence de savoirs culturels, disqualifiés sous le nom de magie, destinés à prendre en charge des crises de l’existence individuelle.Mais la mélancolie de l’Occident aux prises avec des mondes finissants et une « transcendance vide », dont témoigne la littérature moderne, peut aussi accueillir des expériences existentielles qui renouvellent le vénérable genre littéraire désigné par le terme « apocalypse », pour relancer le temps en acclimatant de nombreux thèmes que l’on retrouve, aujourd’hui, au cœur de nos cultures populaires contemporaines.
Gilles Pison (INED) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2017/2018 des Conférences Campus Condorcet : « Un monde fini ? Environnement, croissance et croyances » - Sept milliards et demi d’humains en 2017… et combien demain ? Pendant des milliers d’années, l’homme a été une espèce rare dont le nombre augmentait lentement. Vers 1800cependant, la population s’est mise à croître rapidement, d’abord dans les pays riches puis, à partir du XXe siècle, dans les pays pauvres. Cette période unique dansl’histoire de l’humanité devrait se terminer d’ici la fin de ce siècle ou au cours du XXIIe siècle.Quelles ont été les raisons de cette formidable croissance démographique ? Va-t-elle se poursuivre ? Comment s’explique la stabilisation annoncée ? À quoi ressemblera la population mondiale demain ?
Dominique Pestre (EHESS) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2017/2018 des Conférences Campus Condorcet : « Un monde fini ? Environnement, croissance et croyances » - La question environnementale devient centrale dans les années 1960. Elle est popularisée par des lanceurs d’alerte scientifiques et de nouvelles ONG. Les hommes politiques se saisissent de la question vers 1970 et agences et ministères sont créés. Les économistes sont placés en position de responsabilité et est énoncé le principe qu’il n’y a pas d’opposition entre croissance économique et protection de l’environnement.Vingt ans plus tard, du fait de la globalisation et de l’explosion des productions, la destruction des environnements paraît incontrôlable. Les grandes entreprises déclarent changer d’attitude et se mettre au coeur de la défense de l’environnement via un nouveau management et la mise en place d’audits. Une part d’entre elles, soutenues par les Républicains aux États-Unis, se lancent toutefois dans le climato-scepticisme et dénient l’urgence d’agir.Cette conférence entend décrire la variété des solutions proposées, mais aussi leur piètre efficacité comme les raisons permettant d’en rendre compte. Au cœur sont le refus de considérer la question des limites de Gaïa, l’autonomie des mondes économiques globaux et la marginalisation du politique.
Maurice Kriegel (EHESS) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2016/2017 des Conférences Campus Condorcet : « Mobilité et migrations dans le monde et dans l’histoire » -La conférence se fixera un double objectif. D’abord, présenter l’histoire de l’éclatement diasporique : en remontant à ses origines, dès l’effondrement des royaumes d’Israël et de Juda aux temps bibliques ; en mesurant l’impact exact de la destruction du Temple de Jérusalem en l’an 70 sur la formation durable du fait diasporique ; en insistant, du point de vue des réimplantations géographiques, sur les principales scansions de cette longue histoire des diasporas. Ensuite, décrire l’univers de représentations liées à la dispersion - ses invariants comme ses renouvellements : binôme « exil et rédemption » ; explications théologiques de « l’exil », dans leur diversité ; discours concurrents nés lors des deux derniers siècles, à la suite de « l’émancipation » et de l’accession des juifs à la citoyenneté, selon les différents courants religieux — orthodoxie, ultra-orthodoxie, judaïsme libéral — et le sionisme.
Geneviève Bührer-Thierry (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2016/2017 des Conférences Campus Condorcet : « Mobilité et migrations dans le monde et dans l’histoire » -L’image de la fin d’un empire romain décadent submergé par des hordes de barbares aux mœurs complètement différentes a été forgée au XVIIIe siècle, mais reste, aujourd’hui encore, très prégnante. Même si tous les historiens ne s’accordent pas sur toutes les questions soulevées par cette évolution, la remise en perspective des « grandes invasions » a permis de montrer toute la charge idéologique attachée à cette notion. L’objet de cette conférence sera de montrer comment s’est construite l’image des « grandes invasions », d’étudier les usages idéologiques qui en ont été faits notamment au XIXe siècle et d’évoquer les nouvelles interprétations de ce phénomène : on insiste désormais sur la lente construction d’une société « romano-barbare » au sein de laquelle les « Barbares » se sont progressivement acclimatés au monde romain sans le subvertir.
Jacques Veron (Ined) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2016/2017 des Conférences Campus Condorcet : « Mobilité et migrations dans le monde et dans l’histoire » -Une des conséquences majeures attendues du changement climatique est la montée du niveau de la mer, qui condamnera des populations de régions côtières ou d’îles sans relief à une migration forcée et définitive. Ces migrants quittant leur lieu de vie pour une raison liée au climat sont fréquemment qualifiés de « réfugiés climatiques », même si cette expression ne semble pas appropriée. Si le changement climatique se traduit aussi par des événements extrêmes plus fréquents, les déplacements de populations seront dans l’avenir de plus en plus nombreux, mais tout déplacement n’est pas une véritable migration. Les populations peuvent également adopter d’autres stratégies qu’une migration définitive en cas d’inondation ou de sécheresse de grande ampleur par exemple. Dans ces conditions, va-t-on vers une explosion des migrations climatiques ou plutôt vers d’innombrables déplacements, à une échelle souvent locale ?
Evelyne Ribert (CNRS) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2016/2017 des Conférences Campus Condorcet : « Quelle place pour les mémoires des migrations à la Plaine-Saint-Denis ? » -Au cours des XIXe et XXe siècles, de nombreux immigrés se sont installés à la Plaine Saint-Denis. Alors que les initiatives visant à conserver et à valoriser les mémoires des migrations se multiplient en France, quelle place leur est accordée aujourd’hui dans ce quartier en pleine transformation sous l’effet de la rénovation urbaine ? Cette conférence prendra pour exemple le cas du secteur Cristino-Garcia-Landy, dénommé « la petite Espagne ». À partir de l’analyse des actions mémorielles menées d’un côté par la FACEEF, fédération d’associations espagnoles, de l’autre par la maison de quartier du Landy autour de la mémoire du quartier avec la réalisation d’une fresque et d’un livre, il s’agira de s’interroger sur les enjeux et les effets de ces initiatives. Quelles mémoires des migrations sont mises en avant ? Quels usages en font les pouvoirs politiques locaux ? Ces mémoires sont-elles vraiment valorisées ou sont-elles instrumentalisées dans le cadre de la rénovation urbaine ? Constituent-elles enfin une réelle reconnaissance d’une mémoire migratoire ou la simple célébration de l’intégration locale ? Des comparaisons seront effectuées avec des initiatives analogues menées dans d’autres villes et régions.
Mireille Calle-Gruber (Université Sorbonne Nouvelle Paris 3) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2016/2017 des Conférences Campus Condorcet : « Mobilité et migrations dans le monde et dans l’histoire » -« Un acte d’hospitalité ne peut être que poétique », déclarait le philosophe Jacques Derrida. En faisant de la littérature un acte d’hospitalité, les écrivains francophones du Maghreb — ainsi Assia Djebar, Abdelkebir Khatibi — ou liés au Maghreb et parfois même nés en France ou d’une génération plus jeune — ainsi Nina Bouraoui —, ont donné à la création littéraire ses lettres de noblesse à la fois poétiques et politiques. À partir de 1950, l’écriture dans la langue de l’ex-colonisateur travaillant à la croisée des langues et inventant des formes hybridées, donne naissance à des œuvres fortes et singulières qui retraversent l’histoire douloureuse, le passif colonial et le ressentiment.Elles se confrontent à la mémoire collective et aux récits biographiques, posent la question de la prise de parole des femmes, voire des féminismes, et appellent à la nécessité de prendre en compte l’inscription du genre et des différences sexuelles dans la littérature.
Nilüfer Göle (EHESS) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2016/2017 des Conférences Campus Condorcet : « Mobilité et migrations dans le monde et dans l’histoire » -La figure du migrant musulman en Europe est un sujet problématique, pris entre le djihadisme, l’échec d’intégration et l’incompatibilité des valeurs. Depuis les années 1980, indépendamment des différences nationales entre les modèles politiques d’intégration des migrants, notamment le modèle républicain et le multiculturalisme, l’islam pose problème et déclenche une série de controverses autour des signes du religieux. Ces débats attestent la présence des musulmans dans la vie quotidienne en Europe, leur intégration en cours et leur désir de participation aux affaires de la cité.Qui sont ces musulmans au quotidien ? Comment vivent-ils les tensions entre leur visibilité islamique et leur citoyenneté ? C’est en interrogeant le processus en cours de transformation des migrants en musulmans « ordinaires », que nous examinerons le domaine de la contestation culturelle, des normes qui divisent, et débattrons des possibilités d’émergence d’une nouvelle culture publique en Europe. Conférence donnée le 16 Janvi
Patrick Simon (Ined) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2016/2017 des Conférences Campus Condorcet : « Mobilité et migrations dans le monde et dans l’histoire » -Il est banal d’affirmer en 2016 que la France est une société multiculturelle, c’est-à-dire que l’ampleur de la diversité ethnique et sociale de sa population transforme le cadre de société aux niveaux interpersonnels, institutionnels et nationaux. La plupart des débats politiques et de société de ces trente dernières années sont marqués par cette dimension. Non seulement la « question de l’immigration » s’est imposée au cœur de l’agenda politique, mais la diversité croissante de la population suscite des tensions autour de l’adaptation de la société française. L’actualisation du modèle politique et des représentations collectives, ce que l’on appelle l’identité nationale, est en jeu. Une société multiculturelle donc, mais qui en partie s’ignore, ou pour le dire autrement, où le pluralisme des références et pratiques culturelles font l’objet de négociations conflictuelles. Il peut sembler paradoxal que la question multiculturelle puisse susciter tant de débats et de conflits dans un pays où l’immigration est une donnée démographique et politique majeure depuis la fondation de la IIIe République en 1871. À l’aulne de ce siècle et demi d’expérimentation de la diversité, la crise permanente que traverse le modèle d’intégration depuis 30 ans est difficile à décrypter. La présentation se propose d’évaluer le modèle d’intégration à partir des résultats de l’enquête Trajectoires et Origines réalisée en 2008-2009 par l’Ined et l’Insee, en apportant quelques développements à propos de la Seine-Saint-Denis, véritable laboratoire où se reconfigure la synthèse multiculturelle
Danièle Lochak (Université Paris Nanterre) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2016/2017 des Conférences Campus Condorcet : « Mobilité et migrations dans le monde et dans l’histoire » -Peut-on concilier les impératifs auxquels obéissent aujourd’hui les politiques migratoires et les modalités de leur mise en œuvre avec le respect des droits de l’homme ? La question renvoie à une interrogation classique du droit international, qui prend aujourd’hui une intensité et une actualité particulières : jusqu’à quel point les États peuvent-ils invoquer leurs prérogatives souveraines pour faire obstacle à la libre circulation des personnes et entraver ainsi l’exercice d’une série de droits fondamentaux ? On se trouve ici face à un paradoxe : alors même que, tirant les conséquences du caractère universel des droits de l’homme, on a fini par admettre que leur jouissance devait être assurée sans considération de nationalité, les impératifs de la maîtrise des flux migratoires conduisent non seulement à justifier des restrictions croissantes aux droits fondamentaux des étrangers, mais à accepter le risque de violations caractérisées de ces droits.
Hubert Bost (EPHE) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2016/2017 des Conférences Campus Condorcet : « Mobilité et migrations dans le monde et dans l’histoire » -La révocation de l’édit de Nantes (1685) interdit le protestantisme en France, mais Louis XIV y prohibe aussi à tous ses sujets désormais « nouveaux catholiques » de quitter le royaume. Refusant de renoncer à leurs convictions religieuses, quelque 150 000 huguenots s’exilent pourtant à cette époque vers les pays protestants - Angleterre, Provinces-Unies, Suisse, Allemagne – qui les accueillent avec plus ou moins d’enthousiasme. Ce déplacement de population vers le «Refuge huguenot», avec les transferts technologiques qui l’accompagnent, les débats politico-philosophiques qu’il suscite, le rôle qu’il joue dans l’histoire médiatique et dans la naissance de l’« opinion publique », constitue un phénomène historique complexe, qui influera profondément sur la définition des « Lumières » en Europe.
François Heran (Ined) Conférence donnée dans le cadre du Cycle 2016/2017 des Conférences Campus Condorcet : « Mobilité et migrations dans le monde et dans l’histoire » - L’immigration est devenue un objet central du débat public, en France comme ailleurs. On parle régulièrement de « dépassionner » la question, mais la controverse n’épargne pas les méthodes réputées objectives, comme la démographie ou le fact-checking. On reviendra ici sur les argumentaires les plus utilisés pour ou contre l’immigration. Arguments sécuritaires ou humanitaires, utilitaristes ou déontologiques, souverainistes ou mondialistes. Modèle de l’« assimilation » opposé au modèle de l’« intégration ». Peur de la perte d’identité et du « grand remplacement » ou, inversement, célébration des bienfaits de la « diversité ». Accusations mutuelles de cynisme et d’angélisme… Que valent ces arguments ? Pourquoi est-il si difficile de les confronter aux faits ? Est-il vain d’espérer que le débat démocratique sur l’immigration puisse échapper un jour au dialogue de sourds dans lequel il est actuellement enfermé ?