Chaque semaine, Nova fait le tri pour vous dans les sorties en salles. S’il n’y a qu’un seul film à voir, c’est celui-là.
Faire un film pendant les J.O c'est du sport. Raconter les relations entre Paris et la Province aussi. Rencontre avec Valentine Cadic, réalisatrice du Rendez-vous de l'été - en salles le 11 juin.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Adapter Stephen King ou un obscur roman néerlandais n'est pas une chose facile. En faire des très denses portraits de groupe encore moins.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Hollywood souffre depuis quelques années maintenant d'un certain manque d'originalité. Il suffit qu'un film soit un carton surprise pour qu'il soit décliné en innombrables suites ou en récits dérivés. Dernière en date de ces franchises déclinées, John Wick, parti d'un petit film de baston, ayant engendré à ce jour trois suites, une minisérie et donc aujourd'hui, Ballerina, un spin-off consacré à un personnage féminin. Le principe est le même autour de sociétés secrètes internationales de tueurs à gages et coups de tatanes survitaminés. Ballerina évite pour autant d'uniquement feuilleter ce cahier des charges pour nourrir un minimum ses marges de sous-intrigues, histoire de trouver un minimum d'intérêt. Si les surprises de l'arbre généalogique de son héroïne ou la vengeance qui la motive ne parviennent pas à émanciper d'un statut de énième avatar du Nikita de Besson, Ballerina pose des pistes inattendues comme celle d'un méchant agissant au nom d'un eugénisme préservant sa lignée jusqu'à créer un village exclusivement peuplé d'assassins. Intéressante aussi cette volonté de renouveler l'arsenal usuel, allant ici d'une pile d'assiettes à un duel au lance-flammes. Sans oublier l'idée d'exfiltrer Ana De Armas, aperçue en espionne au service de Sa Majesté dans le dernier James Bond, pour en faire une mercenaire envoyant chier toutes les règles. Pas de quoi empêcher Ballerina de totalement sortir des clous, mais pour peu que l'on soit client de série B bourrines, celle-ci fait plutôt bien le job et a l'avantage d'un féminisme post #MeToo.À l'inverse, Mountainhead se passe définitivement entre couilles. Celles de quatre magnats de la tech, qui décident de passer un week-end en montagne au moment où la dernière innovation de l'un d'eux plonge la planète dans le chaos. Jesse Armstrong, le créateur de Succession, passe à la réalisation avec cette comédie tordue, mais continue à observer la bulle d'ultrariches complètement déconnectés du monde. Voir ces nababs spéculer sur la suite des évènements pour se faire potentiellement encore plus d'argent ou se comporter comme des étudiants d'école de commerce en fiesta non-stop est à la fois hilarant et flippant parce qu'il devient vite assez crédible d'imaginer sous les traits des personnages, un Elon Musk ou un Mark Zuckerberg. Mountainhead se débarrassant progressivement de sa part de satire pour prendre toujours plus l'apparence d'une prophétie de ce qu'est en train de devenir l'élite américaine à l'ère d'un Trump président : un boys-club neuneu jouant avec l'état comme au Monopoly. La rigolade de départ se coince en travers de la gorge, quand Armstrong annonce clairement qu'on ne pourra bientôt plus changer leurs règles du jeu.Ballerina en salles le 4 juin / Mountainhead sur Max.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Sous la coquille de films pleins comme un oeuf, d'un vétéran et d'un nouveau venu, une mutation s'opère…Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
C'est le neuvième jour du journal de bord d'Alex Masson au Festival de CannesVoilà, c'est l'heure de remballer. Cannes, c'est bientôt fini pour cette année. Demain midi, le jury se réunira en conclave pour décider du palmarès décerné le soir même. Pour le moment, la Croisette bruisse donc des pronostics qui seront sans doute déjoués comme l'an dernier lorsque la palme d'or fut remise à la surprise quasi-générale à Anora. Autant donc être prudent avec la boule de cristal et prendre un peu de hauteur sur cette édition. Qu'en retiendra-t-on ? Une compétition de haute volée, supérieure en termes de mise en scène à la précédente, au point d'avoir surplombé voir écrasé des sections parallèles nourries de films recommandables, mais sans révélation majeure ni film marquant. Mais aussi que parmi ceux en lice pour la palme, les trois plus attendus (ceux d'Ari Aster - Eddington-, Julia Ducourneau -Alpha- et Saaed Roustaee – Woman and Child) pour renouveler l'habituel cheptel auront été des opus décevants.À en croire la vox critica, le haut du panier serait composé des films de Kleber Mendonça Filho (L'agent secret), Jafar Panahi (Un simple accident) et Oliver Laxe (Sirat). Du moins jusqu'à la présentation hier soir de Resurrection. Tissage de segments dédiés chacun à un sens, le film de Bi Gan veut surtout renouer avec celui du cinéma dont il fait littéralement son moteur pour une expérience sensorielle aussi virtuose que folle, aux airs de somme et réinvention du 7eme art. Et s'il reste encore deux candidats (Jeunes mères des Frères Dardenne et The mastermind de Kelly Reichardt) a être projeté ce matin, on ne voit pas comment Resurrection pourrait ne pas gravir les plus hautes marches du palmarès. Ou alors cette peu tapageuse 78eme édition tiendrait son seul scandale.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Huitième jour du journal de bord d'Alex Masson au Festival de CannesSurprise lors de la projection, en compétition, d'History of sound : un seul logo de producteur sera apparu en amorce de ce très beau mélo. Jusque-là, les préliminaires de quasiment tous les films montrés avaient habitué à d'interminables litanies de sociétés. On en a compté jusqu'à une douzaine pour Les aigles de la république, amusant thriller parano, voire quasimet une quinzaine pour le plus plombant La disparition de Josef Mengele. Cette profusion n'est pas qu'un point de détail quand elle indique très clairement une difficulté de plus en plus prégnante pour les films d'auteur à boucler leurs budgets, devant désormais aller chercher obole auprès de financeurs de nombreux pays et institutions.En filigrane, c'est la fragilité de l'économie de tout un pan de cinéma qui se manifeste. Elle aura été confortée par un autre pilier fondamental de Cannes, son marché du film. Si ses responsables se sont frottés les mains d'une affluence forte avec plus de 15 000 accrédités, son bilan est à ce stade plus mitigé. Quasiment aucun deal colossal annoncé, si ce n'est celui affolant de la plateforme Mubi qui aurait déboursé 24 millions de dollars pour acquérir les droits de Die, my love, le film rugueux de Lynne Ramsay présenté en compétition, au potentiel public pourtant assez limité. La température du marché étant plutôt tiède, suite aux déclarations surprises d'un Donald Trump voulant appliquer des tarifs douaniers exorbitants sur les films américains qui seraient tournés à l'étranger, freinant l'ouverture du portefeuille chez beaucoup d'acquéreurs potentiels.Tout aussi inattendu, le virage amorcé par de nombreuses stars, d'Al Pacino à Penélope Cruz en passant par Scarlett Johansson, attendues désormais sur des projets de films indépendants. L'arrivée à bord de ces vedettes bankables risquant de provoquer une inflation des budgets, malvenue dans ce contexte. Il n'est même plus certain qu'un film comme The apprentice, saisissante chronique des jeunes d'années de Trump, montré en compétition l'an dernier, pourrait désormais, au-delà son sujet radioactif, trouver les fonds suffisants pour se concrétiser…Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Le septième jour du journal de bord d'Alex Masson au Festival de Cannes : Si Cannes est la Mecque des réalisateurs, le festival aime aussi les acteurs. Surtout quand il s'agit de leur proposer de faire de seconds débuts. Ainsi, c'est dans la bien nommée section Un certain regard que Kristen Stewart et Scarlett Johansson sont venues dévoiler leurs premiers pas derrière la caméra. Dans les deux cas avec des films loin de ceux dans lesquels elles ne sont que comédiennes.Avec The chronology of water, Stewart filme au plus près la dérive d'une victime d'inceste, pour une exploration rude, mais d'une troublante franchise. De son côté Johansson, parvient à rendre solaire le mensonge d'une nonaégénaire s'inventant un passé de rescapée des camps dans Elenaor the great. Opposés dans le ton, ces deux essais réussis se rejoignent dans une mise en scène des plus assurées. L'autoportrait que dresse Raphael Quenard dans I Love Perou est plus funambule. Ce faux-documentaire est à double tranchant, quand Quenard dans son propre rôle s'amuse à y jouer les connards, tirant rapidement sur l'élastique du malaise, jusqu'au risque que ceux qui prendraient ce drôle de film pour un tout à l'ego lui renvoient dans la gueule.Autre mise en abyme, mais pour de vrai, Dites-lui que je l'aime superpose les parcours de Romane Bohringer et Clémentine Autain, toutes deux orphelines de mère alors qu'elles étaient enfants. La première l'avait raconté dans un livre exorcisme, la seconde s'en empare pour essayer de recomposer le puzzle de son identité. Plus qu'une enquête sur le mystère de deux mamans plus borderline que maternelles, ce jumelage troublant se fait très émouvant, quand il progresse d'une quête de résilience réparatrice en processus d'émancipation du chagrin causé par un double mal de mère.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Le sixième jour du journal de bord d'Alex Masson au Festival de CannesDistribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Les quatrième et cinquième jours du journal de bord d'Alex Masson au Festival de CannesDistribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Le deuxième jour du journal de bord d'Alex Masson au Festival de CannesDistribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Le deuxième jour du journal de bord d'Alex Masson au Festival de CannesDistribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Premier jour du journal de bord d'Alex Masson au Festival de CannesDistribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Scandale musical ou trip visuel, les sorties de la semaine n'oublient ni le son, ni l'image.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
La comédie met en scène une mère indigne, interprêtée par Blanche Gardin, prête à tout pour sauver sa fille dans un monde à peine futuriste. On a discuté avec Giulio Callegari, le réalisateur.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
À une semaine de la grand-messe cannoise, les sorties salles font carême mais organisent un sommet pour prêcher en faveur de leur paroisse.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Si beaucoup de communautés ont été explorées par le cinéma français, il a rarement rendu visite aux tamouls de Paris. En combinant immersion ethnologique et polar, Little Jaffna rénove l'idée d'un cinéma de quartier pour renouer avec l'énergie du cinéma de genre populaire et une pédagogie sur l'identité des tamouls, la guerre des gangs parisiens faisant écho à celle qu'a traversée le Sri Lanka.Lawrence Valin signant décidément un film aussi inespéré qu'inattendu, son récit d'infiltration s'imprégnant aussi des codes du cinéma asiatique ou indien. Un jouissif bouillon de culture aux vertus de Grand Mix qui nécessitait que Nova en parle avec son réalisateur.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
L'histoire de deux points de bascule de l'Histoire, des années 1960 franco-algériennes à une Roumanie de 1989Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Politique des sentiments ou tout court, il n'est jamais simple de faire bouger ses lignes.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
En école de pilotage Formule 1 ou de mannequin, les sorties de la semaine accélèrent leur regard sur les jeunes femmes.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Au début des années 2000, Mathyas Lefebure, un publicitaire canadien décide de tout larguer pour s'exiler en provence pour devenir berger. Il en tirera un livre, D'où viens-tu berger ? qui fera sensation au Québec jusqu'à interpeller Sophie Deraspe, une réalisatrice aux films mettant en friction expérience du réel et forces narratives du cinéma. Avec Bergers, cette fois-ci au pluriel, elle retrace l'expérience de Lefebure pour la rendre plus collective, interroge la nécessité mais surtout les difficultés de renouer, dans une époque ou la société de consommation est reine, avec des valeurs terriennes, humaines, pour un film aussi sensoriel qu'existentiel. Entretien avec la réalisatrice Sophie Deraspe, qui raconte à Nova la vraie nature et le chemin pour passer du réel à la fiction. Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
A Pointe-à-pitre comme à Brooklyn, hier ou aujourd'hui, le rêve social est parfois un cauchemar.Les rapports entre la France métropolitaine et celle d'Outre-Mer n'ont jamais été simples. Encore moins en ce qui concerne le cinéma, basé comme énormément de choses sur un rapport d'import-export défavorable. En effet, si le cinéma conçu de ce côté des océans arrive dans les salles outre-marines, le trajet inverse est peu parcouru. La curiosité quand débarque ici un polar guadeloupéen est donc de rigueur. Zion est une immersion dans les quartiers de Pointe-à-pitre aux côtés de Chris, jeune branleur qui passe ses journées entre virées à moto, aventures d'un soir et petits jobs pour un dealer... Jusqu'au jour où il se retrouve à la fois avec un bébé largué devant sa porte et une livraison de dope qui tourne mal. Nelson Foix en fait une histoire de survies multiples, de Chris désormais traqué comme d'un quotidien dans une Guadeloupe précaire. Zion se dépêtre idéalement de plusieurs mythologies, celle d'un cinéma de genre à l'américaine, comme celle d'une maturité apportée par la paternité. La course de Chris est autant celle d'un gars qui apprend le sens des responsabilités que de celle d'une île qui tente de s'affranchir des restes du colonialisme. Du cinéma qui combine action et politique, rappelant dans sa virtuosité et son efficacité la vision d'un Kassovitz sur les banlieues avec La Haine, y compris dans une capacité à transcender un constat par un sens inné du rythme ou de la mise en scène. Zion se revendiquant tout autant film populaire et militant – ne serait-ce qu'en faisant de la place à la langue créole ou simplement en définissant sous son épiderme de thriller la réalité antillaise de la France, entre crise sociale et défaut de reconnaissance.Darren Aronofsky a trouvé, lui, une reconnaissance mondiale il y a 25 ans avec Requiem for a Dream, autre film s'essayant à une vision en coupe. Celle d'une Amérique du tout début des années 2000, via la descente aux enfers de quatre new-yorkais plus encore shootés à l'illusion du fameux rêve américain qu'à diverses drogues. Œuvre définitive sur les ravages des addictions, Requiem for a Dream superpose aux obsessions de son quatuor de défavorisés, celles d'une civilisation accro aux images. Aronofsky allant jusqu'à reformuler les grammaires narratives pour un trip expérimental d'une puissance folle confinant au vertige sensoriel. 25 ans après sa sortie, Requiem for a Dream stupéfie encore plus : sa part d'expérience hallucinogène s'est dissoute dans une Amérique prolo perdue entre ravages du fentanyl, règne de l'économie, et dévotion à un président tenant d'un affolant gourou. À l'époque de sa sortie, le film d'Aronofsky surpassait de très loin une petite vague de « drug movies » (de Trainspotting à Las Vegas Parano), aujourd'hui, il s'avère avoir surtout eu de l'avance quand il s'avère plus que jamais pulsation d'un monde défoncé, dans tous les sens du terme.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Cheval et cinéma ne galopent pas souvent sur le même terrain. Normal quand les films français regardent globalement le milieu hippique, pour une vision de comptoir, limite PMU quand il s'agissait de comédies en quête du gros lot. Lads se place comme un inattendu outsider en allant voir ce qui se passe dans les haras où l'on forme les jockeys. Le premier long-métrage de Julien Menanteau y envoie un loulou pour purge ses dernières semaines sous bracelet électronique, et trouver une réinsertion. Lads s'aventure au delà du film d'apprentissage quand s'installe à la fois la compétition pour parvenir au statut de Jockey et une immersion dans les coulisses du business des courses. Le réalisme documenté pour explorer le milieu hippique se mêle à une belle écriture de roman social via un rapport de classe entre le jeune homme issu d'un milieu prolo et la patronne du haras, bourgeoise de plus en plus décatie. Cette relation, entre affection et manipulation emmène Lads du côté des premiers films de Jacques Audiard, dont il partage originalité, rugosités et étude comportementaliste. Mais aussi don pour employer comédiens chevronnés (ici, Marc Barbé et Jeanne Balibar tous deux parfaits d'ambiguïtés) et très prometteuses pousses. Lads révélant un Marco Luraschi qui se débarrasse en quelques scènes de son statut d'enfant de la balle, car fils d'un des plus réputés cascadeurs équestres, pour se mettre en selle et s'imposer cheval sur lequel miser gagnant.Puisqu'il est question d'oeuvre de jeunesse, on a souvent tendance à oublier celles d'Alfred Hitchcock. L'incontournable maître du suspense, aura défini peu à peu ses propres codes à ses débuts au sein du studio British International Pictures, pour une première période anglaise. Le tout juste vingtenaire accompagne les grandes métamorphoses du cinéma, formelles ou techniques, notamment le passage du muet au parlant. Durant ces années 20 et 30, Hitchcock approfondit autant ses thèmes clés, autour de personnages troubles que des innovations de mise en scène. Dix films exhumés de cette exceptionnelle phase d'auto-formation, plus prolifique que pendant son exil américain, réapparaissent en version restaurées. Du Masque de cuir à Numéro 17, ce cycle se fait évident cursus, dispersant les éléments qui deviendront la marque Hitchcock. Des figures féminines au fameux concept du Mc Guffin en passant par une double-fascination pour le mélodrame et les intrigues policières ou les recoins d'une psychologie névrosée, entre perversité et refoulements, toute sa grammaire s'ébauche pour une épatante leçon de cinéma en dix étapes. Que ceux qui ne connaîtraient que les classiques du cinéaste, pourront bûcher à volonté : en parallèle d'une sortie en salle, ces films sont réunis dans un coffret blu-ray.Lads, Rétrospective Hitchcock en 10 films, aux origines du maître du suspense en salles le 2 avril.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Un peu barjo, un peu trash, “Aimer Perdre” est une comédie frénétique qui nous emmène dans les galères bruxelloises d'Armande Pigeon, jeune précaire tout autant reloue qu'attachante. Nova part à la rencontre des frères Guit, réalisateurs du film, et de l'actrice Maria Cavalier Bazan, qui porte le rôle principal.Aimer Perdre, en salles le 26 mars.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
De toutes les pièces de Shakespeare, Richard III est sans doute celle qui se prête la plus à une réinterprétation contemporaine. Surtout dans une époque où les despotes les plus extravagants s'arrogent de nouveau le pouvoir, où la classe politique n'est plus que coups bas entre structures claniques. No Beast So Fierce transpose donc l'éternelle lutte entre les York et les Lancaster dans la pègre maghrébine berlinoise, Richard s'appelle ici Rachida et fomente dans l'ombre un complot pour arriver au sommet de l'empire mafieux. Comme elle le dira à sa mère : "tu connais le topo, je vais le réécrire un petit peu". Burhan Qurbani malaxe donc le classique de Sir William pour y incorporer propos sur le patriarcat, l'immigration et l'empouvoirement féminin. Tout transpire la guerre dans No Beast So Fierce : de clans, de sexe, voire tout court quand même l'écho du conflit au Moyen-Orient se fait entendre via un casting composé, dans les deux rôles clés, d'actrices syriennes (Kneida Hmeidan) et palestiniennes (Hiam Abbas) qui se sont exilées de leurs pays respectifs. Qurbani leur offre un ahurissant terrain de jeu, entremêlant environnement ultra-urbain et zones désertiques, radicalité du théâtre d'avant-garde et virtuosité formelle du cinéma. De même, la langue s'hybride entre monologues shakespeariens et argot de la rue, les mots claquant encore plus forts que les séquences de fusillades. No Beast So Fierce y construit un terrassant maelström, évacuant toutes les conventions dans un sidérant dernier acte, concentré sur la colère face à une Europe sombrant dans sa face obscure, prête à toutes les trahisons de ses promesses pour régner par la peur.Le 11 octobre 1975, Lorne Michaels aura dû surpasser la trouille de sa vie pour mener à bien la toute première émission du Saturday Night Live. En cinquante ans, le show télé est devenu une institution de la télé américaine, au point qu'on ait oublié combien il fut une bascule culturelle, en faisant entrer dans les foyers une nouvelle génération de comiques, dynamiteurs des mœurs. Saturday Night fait le compte à rebours de l'heure et demie qui va précéder la mise à l'antenne de l'émission, accroché aux basques de Michaels, jeune producteur naviguant entre avaries techniques, comédiens ultra-narcissiques et mise en place des numéros. Une véritable ruche bourdonnante racontant l'Amérique du milieu des années 70 dans son énergie comme dans ses excès. Brillant dans sa manière d'incarner en quelques secondes des anecdotes sur les piliers de l'émission, de Chevy Chase à John Belushi, faire monter la pression façon cocotte-minute ou résumer les coulisses du télé-business, Saturday Night est encore meilleur quand il rappelle que plus encore qu'un programme devenu mythique, cette aventure folle fut aussi celle d'un souffle de liberté.No Beast So Fierce en salles le 26 mars. / Saturday Night en location sur Apple TV+ et Prime Video.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Mine de rien, Michel Blanc aura toujours eu une place à part dans le Splendid, ce côté de faire partie de la bande sans totalement y appartenir, d'être un peu en satellite, plus clown triste qu'autre chose. Ça se confirmera ensuite avec sa carrière solo ou ses prestations chez Leconte, Blier ou Téchiné où il tombera un peu plus le masque, pour aller un peu plus vers la mélancolie ou l'inquiétude. L'un des derniers films qu'il aura tournés, avant de mourir connement d'un choc anaphylactique, rappelle étonnamment cette dichotomie. Dans La Cache, Blanc est à la fois au centre d'un groupe, cette fois-ci une famille aussi érudite qu'excentrique plongée dans la tornade de Mai 68 et réceptacle d'une part plus sombre, par le souvenir des années d'occupation allemande et de sa persécution des juifs. Le film de Lionel Baier s'incarne aussi dans cette dualité, capable de fantaisies fantasques (jusqu'à donner une explication hilarante à la disparition de Charles de Gaulle) comme de faire surgir fébrilité ou d'inconsolables blessures d'âmes chez chaque membre de cette famille anar sur les bords. Il faut d'ailleurs saluer, au-delà de Blanc, une véritable troupe d'acteurs impeccables de nuances et demi-teintes, de William Lebghil à Domnique Reymond en passant par Aurélien Gabrielli. La Cache est d'autant plus attachant quand cette présence post-mortem de Blanc conforte le film comme une évocation des fantômes d'un passé à exorciser et d'un présent encore un peu utopique. Une dernière séquence où il transmet le sens de la vie à son petit-fils, offrant à l'acteur un émouvant post-scriptum.La Cache confirme aussi la qualité de passeur de Blanc, qui aura souvent généreusement partagé l'affiche ces dernières années avec une nouvelle génération d'acteurs. Jean-Pascal Zadi n'aura pas eu le temps d'en faire partie. Pour autant, avec Prosper, il semble marcher dans ses pas via le presque double-rôle d'un éternel loser qui se retrouve possédé par l'esprit d'un caïd du milieu des sapeurs congolais. Étonnant film combinant les genres, du fantastique au polar ou la comédie de mœurs, sans être schizophrène, Prosper tient lui aussi, dans un sens, d'une histoire de fantômes quand il sait ressusciter l'esprit des bonnes comédies communautaires des années 80, Black Mic-Mac en tête, pour le rhabiller de couleurs contemporaines fuyant le folklore ou le caricatural pour lui préférer une étude anthropologique touchant à l'universel quand il explore aussi en sous-main les rapports homme-femme. Cette improbable histoire de chaussures magiques se révélant particulièrement bien ancrée dans les pompes de l'époque.La Cache, Prosper. En salles le 19 mars.Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
En 2015, on ne parlait pas beaucoup du mouvement #MeToo. Encore moins dans un Japon ancré depuis le confucianisme dans un moule laissant peu de place et de droits aux femmes. Cette année-là, Shiori Itō, une jeune journaliste stagiaire, pensait qu'accepter de passer la soirée avec Noriyuki Yamaguchi, le PPDA local, pourrait lui ouvrir certaines portes. Une bonne partie du Japon lui a fermé les siennes, quand elle a décidé de porter plainte contre lui pour viol. Plus encore quand Yamaguchi était un proche du premier ministre. Itō a pour autant persévéré dans sa démarche, qu'elle documente dans Black Box Diaries, récit de son combat juridique. Il tient évidemment d'une lutte façon pot de terre contre de pot de fer, aucun obstacle n'étant épargné à la plaignante, mais Black Box Diaries raconte surtout une histoire plus globale que ce cas particulier, quand Itō se retrouve en position de crime de lèse-majesté pour avoir osé révéler publiquement ce qui lui est arrivé en dépit de toutes les preuves flagrantes. Black Box Diaries reprend le fil de cette affaire à la manière d'un carnet de bord étonnant quand il se fait à la fois témoin du courage d'une femme qui ne voulait pas se taire et portrait d'une société qui commence à peine à parler. Ce cas a contribué à quelques modifications de la législation japonaise sur le viol, mais à ce stade, Itō, en dépit d'un premier procès gagné, reste vilipendée dans son pays au point de s'en être exilée. Black Box Diaries, lui, a clamé son édifiante histoire dans les quasi 160 pays où il est sorti. Sauf au Japon, où aucun distributeur ne s'est à ce jour risqué à le projeter.En 2015, Pamela Anderson est encore prisonnière de son image de bimbo. Son rôle dans Alerte à Malibu, comme sa sextape, restent les seuls titres de gloire de l'actrice, plus visible dans la presse people qu'au cinéma. Il lui faudra dix ans de plus pour trouver un rôle d'envergure. On pourrait presque parler de rôle de sa vie avec The Last Showgirl, la danseuse d'une revue de Las Vegas qui s'arrête après trente ans de représentation résonne forcément avec la trajectoire d'Anderson passée sous les projecteurs sans avoir été vue pour ce qu'elle était, au-delà de son physique. Équivalent pour elle de ce que fut The Wrestler pour la réhabilitation de Mickey Rourke, The Last Showgirl va voir derrière le miroir aux alouettes et paillettes avec une lucidité crève-cœur, autant pour raconter le prolétariat d'un show-biz décati – via une foultitude de personnages impeccablement joués notamment par Jamie Lee Curtis et Dave Bautista – que pour démontrer qu'on est passé à côté d'une comédienne de premier ordre, faute d'avoir eu la chance de trouver son John Cassavetes ou son Robert Altman. Mais aussi qu'à l'image de Shelly, cette danseuse qui croit encore à son métier ou cette séquence d'ultime audition sur fond du bien nommé "Total Eclipse of the Heart". Il est peut-être trop tard pour un come-back, The Last Showgirl indiquant tristement que les lumières ne se rallumeront sans doute plus.Black Box Diaries, The Last Showgirl. En salles le 12 mars.
Il y avait sans doute une logique à ce que Peaches croise le cinéma de Marie Losier. Pas tant parce que la réalisatrice filme depuis toujours des figures singulières de la scène culturelle d'avant-garde ou underground que parce que le parcours de la chanteuse embrasse totalement la vision du monde de Losier, où la représentation physique est aussi importante que celle intellectuelle, où les corps se font revendication sociologique et politique, où la vie tient d'une expérience de tous les instants. Peaches Goes Bananas n'est pourtant pas qu'un portrait d'une artiste. Losier y a filmé pendant seize ans autant la chanteuse / performeuse sur scène que Merill Nisker, de son identité civile, en coulisses, au quotidien, pour un documentaire tenant à la fois du carnet de route rétrospectif et du journal intime, renforcé par une chronologie bousculée. Peaches Goes Bananas y mue au-delà d'une icône pour exprimer une identité féminine au gré du temps, et d'une capacité à se détacher de ses diktats, en faire un art de vivre sa vie, avec soi et les autres, en toutes libertés.Peaches Goes Bananas, en salles le 5 mars.
On avait laissé Bong Joon-ho sur le triomphe mondial de Parasite avec une interrogation. Vers quoi aller ensuite ? Surtout quand le film "palmedorscarisé" ouvrait toutes les portes au réalisateur sud-coréen. Il a jeté son dévolu sur l'adaptation d'un livre de science-fiction américain au postulat existentiel autour d'un type lambda embarqué dans une mission spatiale où il devient cobaye de diverses expériences, son corps pouvant être cloné à volonté. Le bouquin s'intitulait Mickey 7. Bong Joon-ho l'a amplifié en Mickey 17 pour démultiplier en autant de versions et tribulations le personnage principal. C'est beaucoup trop. Surtout quand ce space opera en profite pour se ramifier en autant de pistes, démarrant comme une fable grinçante avant d'engouffrer farce satirique, suspense, et considérations écologiques. Quelque part, Mickey 17 tient d'une compilation du cinéaste, en empilant les mêmes préoccupations sociales ou morales que The Host, Snowpiercer, Okja et Parasite. Une sorte de best-of, enchaînant les morceaux de bravoure, mais finissant par tourner à vide à force d'excès, de bifurcations, mais surtout d'un trait trop épais qui biffe la trajectoire attachante de Mickey et ses doubles, pour mettre en avant un patron de la tech virant autocrate totalitaire et génocidaire. Dommage que ce rôle, sidérante fusion entre Trump et Elon Musk, perde de sa part d'avertissement prophétique en étant réduit à un caricatural méchant d'opérette. Mickey 17 avait le potentiel d'un immense film politique au vitriol, façon Starship Troopers, mais ne parvient malheureusement jamais à allumer la mèche de son cocktail molotov à force de diluer sa rogne inflammable. Il en reste quelques belles flammes, de l'interprétation parfaite de Robert Pattinson à une virtuosité formelle, mais on est loin de l'incendie espéré.Dans Le Système Victoria, c'est Jeanne Balibar qui met le feu, en DRH de multinationale qui va embobiner le chef de chantier d'une tour dans ses atours de femme fatale. S'il est très terre à terre, Le Système Victoria n'est pas si éloigné de la planète lointaine de Mickey 17 dans une même dissection d'un ordre du monde contemporain vérolé par des mécanismes d'asservissement. Qu'il passe par ceux du thriller sexuel ne le rend que plus troublant, associant jeux de pouvoir et de séduction. Après De Grandes espérances, Sylvain Desclous se confirme comme un réalisateur d'envergure, liant observation lucide et cruelle des nouveaux rapports sociaux dans toute leur complexité – ici, on parle autant transfuge de classe, que d'emprise et prédation dans les rapports Homme/Femme – et ferveur romanesque effeuillant brillamment un récit d'apprentissage balzacien. Et si Damien Bonnard épate en proie poussée à toutes les compromissions, c'est bien Balibar qui emporte le morceau, exceptionnelle en incarnation vénéneuse du miroir aux alouettes d'un capitalisme aussi sauvage que dévorant.Mickey 17 / Le Système Victoria. En salles le 5 mars.
Se remet-on du deuil d'un fils ? Probablement jamais. Mais il faut essayer de vivre avec sans oublier. Matthias Mlekuz a décidé de placer ses pas dans ceux de son fils disparu. Ou plutôt de se mettre dans sa roue, en refaisant à vélo le dernier voyage effectué par Youri, de La Rochelle à Istanbul. Mlekuz, second rôle du cinéma français aussi discret que durable, embarque avec lui Philippe Rebbot, autre comédien familier, son chien et une caméra. Ce road trip funéraire aurait pu donner lieu à un home movie, un carnet de route sur le processus de deuil, de compréhension d'un geste incompréhensible. À Bicyclette est bien d'autres choses quand ce périple va se doubler de l'introspection d'une amitié, prendre le chemin d'une tragicomédie libératrice pour ces deux sexagénaires partant à l'aventure. La crainte du déballage voyeuriste s'efface vite pour cette grande vadrouille à deux, improvisée selon les cahots du parcours, les coups de blues et les fous rires, les engueulades et les embrassades. Bien sûr, le but de ce voyage est thérapeutique pour Mlekuz, mais il devient cathartique pour ces deux pieds nickelés préparés à rien. Film décidément inattendu, À Bicyclette, parvient à transformer l'impudeur de filmer sa souffrance par une mini-odyssée tout en tendresse et transcende une douleur intime en concentré d'humanité, la recherche d'une consolation en récit de transmission. Le plus émouvant n'étant pas la progression vers l'apaisement d'un père désormais orphelin de son fils, mais la conjuration de cet inextinguible chagrin par une infaillible camaraderie. À Bicyclette trouvant même une vitesse de croisière dans le mantra que s'échangent Mlekuz et Rebbot au gré de la route : "si on peut, soyons joyeux".Avec Creation of the Gods 2 : Demon Force, le cinéma chinois s'essaie à construire une route vers le public occidental. Difficile de ne pas voir dans ce blockbuster d'héroïc fantasy, un instrument de soft power pour le régime de Xi Jiping. Comme en a attesté une projection de presse affublée d'un discours d'ambassadeur, scrutée par une armada de caméras probablement chargée de rapporter la bonne parole au parti. Pour autant, il faut bien reconnaître que ce potentiel cheval de Troie commercial sait ne pas trop appuyer sur un discours propagandiste ou politique pour se concentrer sur le spectaculaire de scènes d'action ou d'un rythme digne du Seigneur des anneaux. Se payant le luxe de sous-intrigues bien écrites, évitant de bâiller devant un récit sommes toutes limité à un combat des forces du Bien contre celles du Mal, Creation of the Gods 2 parvient même à renouer avec la chair du cinéma d'aventures old school, celle qui s'est justement évaporée dans les superproductions hollywoodiennes équivalentes, toujours plus désincarnées. Plutôt maligne, cette nouvelle étape d'une volonté de conquête culturelle, s'avère efficace quand elle conjugue à la fois exotisme et reconnexion à un très plaisant divertissement populaire.À Bicyclette / Creation of the Gods 2 : Demon Force en salles le 26 février.
Nova part à la rencontre de Rúnar Rúnarsson, l'une des voix les plus intéressantes du cinéma islandais sur ces dernières années. L'originaire de Reykjavik signe le génial When the Light Breaks en salle à partir d'aujourd'hui, expression de l'essence d'une communauté et la solitude des individus.
À y regarder d'un peu plus près, la filmographie de Jamel Debbouze est un parcours cabossé. Voire un malentendu depuis le début. Portée globalement par un caractère de zébulon comique pour ses succès, elle a régulièrement été traversée d'écarts plus portés vers le drame que soient par des incursions chez les Jaoui-Bacri, voire, plus étonnamment, chez Luc Besson. Mercato confirme plus pleinement cette envie non seulement en revendiquant d'être un film "sérieux" mais surtout en laissant transparaitre en filigrane un probable inattendu autoportrait. Allez savoir, c'est peut-être la crise de la cinquantaine approchant, Debbouze devenant quinquagénaire cette année, qui a poussé ce polar dans le monde du football en bilan existentiel introspectif. Son personnage s'appelle Driss, mais c'est Jamel que l'on croit percevoir sous les traits d'un type qui vit de son art de la tchatche. Après tout, ce rôle d'agent de joueurs est sans doute assez proche de celui qu'il tient auprès de certaines recrues du Jamel Comedy Club. Idem pour l'univers des coulisses du sport, entre coups de canif ou d'esbroufe probablement peu éloigné de celles du vedettariat. Plus qu'un scénario ou une mise en scène sous influence du Meurtre d'un bookmaker chinois de Cassavetes ou plus récemment du Uncut Gems des frères Safdie, c'est cet axe d'un miroir non déformant, et l'implication évidente d'un Debbouze à l'origine même du projet qui rend Mercato intrigant.Brian Jones et les Rolling Stones propose lui aussi d'aller voir derrière les apparences. Le documentaire de Nick Broomfield rappelle que Jones fut le fondateur du groupe. La façade d'un musicien extravagant qui aura péri de ses excès s'estompe pour faire place au portrait d'un jeune homme brillant, mais tourmenté, marginalisé à la fois par Mick Jagger et Keith Richards, plus enclins à un tempérament de rock stars, et par des parents effarés que leur fils mène une vie de saltimbanque. Brian Jones et les Rolling Stones s'essaie à faire office de réparation, en rappelant qu'il a tenu la même place qu'un George Harrison chez les Beatles, souvent en retrait derrière le binôme McCartney-Lennon. Jagger et Richards sont les grands absents des interviews de ce documentaire. Que cela soit volontaire de la part de Broomfield ou parce qu'ils n'ont pas voulu y participer, cette évocation, qui n'occulte pas les démons de Jones, y gagne en volonté de faire amende honorable, et décrasse l'histoire officielle de la pop culture de sa sainte trinité sexe, drogues et rock'n'roll, pour creuser plus profond, et avec une certaine mélancolie, sur l'origine de ses âmes brulées.Mercato, Brian Jones et les Rolling Stones. En salles le 19 février.
Le cinéma, c'est toujours une question de point de vue. Pour The Brutalist, Brady Corbet annonce d'emblée qu'il voit grand. La toute première image de son film est un logo oublié. Celui de la VistaVision, un format de prises de vues plus grand que le Cinémascope, élargissant l'image en faisant circuler la pellicule horizontalement. Il est né au milieu des années 50. Pas très loin de la période d'un récit suivant la reconstruction mentale d'un architecte hongrois ayant fui l'Europe nazie pour s'essayer au rêve américain. Le rêve de Corbet, acteur croisé chez Haneke, Lars Von Trier ou Bertrand Bonello, est de renouer avec le cinéma hollywoodien pour raconter, plus qu'un nouveau départ, la seconde naissance de l'Amérique, celle du capitalisme dévorant. Ce sera au travers du chantier colossal d'une mini-cité commandée à l'émigré par un richissime industriel. Plus les murs s'érigent, plus la relation entre les deux hommes se fissure, le mécène se dévoilant à la tête d'un clan familial de prédateurs. Corbet construit autour d'eux une œuvre somme, sorte de roman national américain comme il n'y en avait pas eu depuis There Will Be Blood ou le Coppola du Parrain 2. D'autant plus impressionnant que réalisé avec un budget minime, The Brutalist renoue avec le souffle épique de ces grandes fresques opératiques comme leur capacité à scruter la face sombre de la civilisation moderne.À leur manière, les belges de Strip-tease intégral font eux aussi dans la dissection de la société. Au cœur des années 80, cette émission avait transformé les codes du documentaire télé, par de saisissants portraits de spécimens humains. Pour fêter ses quarante ans, la revoilà au cinéma avec un film compilation de cinq reportages, passant les mœurs des années 2000 à la loupe. Immersion chez des influenceuses à Dubaï, une singulière famille d'écolos, un hypo-hypercondriaque ou une stand-uppeuse amatrice, Strip-tease intégral joue plus que jamais d'un effet miroir quand le point commun à ses segments est la résurgence de l'apparence et du narcissisme. Toujours sur le même modèle d'un filmage sans commentaire, cette collection d'ego-trips s'en permet pourtant un via un fil rouge menant à une estomaquante dernière partie, affirmant que l'exhibitionnisme somatique généralisé touche désormais littéralement jusque dans nos chairs. À la télé, Strip-tease intégral avait pour slogan, "l'émission qui vous déshabille". Au cinéma, elle vient de rhabiller le regard documentaire par un mélange de sidération et de compassion, sur l'ordinaire de l'époque, entre vanités et quête de reconnaissance.The Brutalist, Strip-tease intégral. En salles le 12 février.
Et si ce qui rendait populaire une comédie tenait de ses anomalies ? Sur le papier Les Tuche ne rentre dans aucune case, et pourtant depuis 2011 et aujourd'hui cinq films, la famille la plus décalée du cinéma français est désormais devenue une sorte de doudou du public. Peut-être parce qu'elle a un effet rassurant sur une société de plus en plus clivée. Les Tuche, eux, font toujours bloc, gardent un regard très ouvert sur l'extérieur. Ils pourraient bien même être devenus une famille modèle d'intégration, quand on y trouve un couple qui reste soudé, une grand-mère qu'on ne met pas à l'Ehpad, un fils homosexuel ou une fille mère célibataire d'un enfant métis, sans que cela ne pose aucun problème. Les Tuche c'est à la fois l'esprit Bidochon et le bon sens progressiste dans un contexte fantasque. Cette fois-ci, les voici partis à la rencontre de la famille royale anglaise dans un cinquième opus qui, mine de rien, bouscule certaines règles. God Save The Tuche, pousse en effet le curseur un peu plus loin, la chronique bienveillante de la France profonde s'ouvrant plus pleinement à des gags exogènes donnant visa aux univers des Monty Python, Nuls ou Robins des Bois (l'implication plus conséquente d'un Jean-Paul Rouve, ici devant et derrière la caméra ainsi qu'à l'écriture, expliquant peut-être cela). De quoi propulser God Save The Tuche vers un ton encore plus particulier où le fil rouge d'une intrigue n'a plus aucune importance, le récit se faisant roue libre, ravi de faire des sorties de route, d'expérimenter parfois jusqu'à l'épuisement, des vannes et situations toujours plus absurdes ou enfantines. Là où le volet précédent se perdait à essayer avec trop sérieux de raconter quelque chose autour de l'esprit de Noël, celui-ci s'assume comme pur exercice pataphysique au service d'une poésie du loufoque aussi hilarante que ronge-cerveau. À ce niveau de singularité, on peut même commencer à parler de French Tuche.La touche Steven Soderbergh tient, elle aussi, à l'envie de sortir des clous. Depuis Sexe Mensonges et Vidéo, le réalisateur américain n'a jamais cessé de contourner, désosser les codes narratifs ou de production pour des films aux airs de prototype. Avec Présence, il s'attaque au film de fantômes pour en renverser les proportions : le point de vue unique sera celui d'un spectre qui observe l'installation d'une famille dans une maison. Sans révolutionner le principe de la caméra subjective, cette idée de mise en scène immersive est brillamment orchestrée au point d'embobiner le spectateur qui ne se rend pas compte du leurre : Présence exprime avant tout une famille disloquée, aux membres de plus en plus éloignés les uns des autres, rassemblés uniquement par une maison aux fondations plus solides que les leurs. Décevant pour ceux qui s'attendraient donc à un pur film d'épouvante, Présence sait cependant faire parcourir un véritable frisson : celui d'une inattendue mélancolie en assurant que les vertus rassurantes du Home Sweet Home cher aux américains sont devenues fantomatiques, ne peuvent plus protéger les cellules familiales des barreaux d'une crise de civilisation.God Save The Tuche, Présence. En salles le 5 février.
La semaine dernière se tenait à Carcassonne la 7ᵉ édition du festival international du film politique. Les salles furent pleines, les débats nourris. Soit un franc succès, comme en atteste ses plus de 20 000 spectateurs sur une semaine de projections, mais aussi de vraies questions quand cette édition s'est tenue dans un contexte où les diverses instances sont en train de sabrer les subventions à la culture. Henzo Lefevre, le directeur de ce festival, revient sur ces points dans une interview forcément... politique.
Quand y'en a plus, y'en a encore. À peine une semaine après la sortie de Better Man, le biopic musical remet une pièce dans le jukebox avec Un parfait inconnu, consacré cette fois-ci à Bob Dylan. Il faut dire que celui qu'on a surnommé le Rimbaud du rock est une belle matière à histoire, entre son importance dans la musique américaine, sa part de caméléon, passé des guitares acoustiques du folk à celles électriques du rock ou une mythologie que cet électron particulièrement libre s'est lui-même crée. Elle avait déjà donné lieu à une première évocation avec I'm Not There, fascinant film aux airs de portrait chinois que lui avait consacré Todd Haynes. Un parfait inconnu est bien plus rectiligne, voire trop. Ça a l'avantage d'éviter les habituelles lourdeurs psychologiques qui tambourinent et bourrinent les biopics. Mais aussi l'inconvénient d'intéresser essentiellement un public qui connaîtrait déjà le barde folk. Un parfait inconnu se limite donc souvent à une parfaite reconstitution du New York des années 60 ou a un déroulé des amours tumultueuses, virant à un ennui poli. Il est heureusement évacué lors de séquences musicales, saisissantes quand Timothée Chalamet interprète en son-direct des chansons, dont la magnificence s'impose. Le fan-club de l'acteur devra pourtant s'incliner devant une autre prestation, celle d'Edward Norton, encore plus impeccable en Pete Seeger, mentor de Dylan et autre figure phare de la folk américaine, sombrée elle dans l'oubli, au point d'en avoir fait le malheureux inconnu de cette histoire.Si Un parfait inconnu laissera ses spectateurs sans secrets sur les jeunes années de Dylan, Companion doit lui garder les siens pour pouvoir être pleinement apprécié. Difficile donc de révéler les multiples retournements d'un étonnant film, déguisant le temps d'un week-end à la campagne l'ère #MeToo et ses dénonciations du patriarcat sous les traits d'une rom-com acidulée. Tout juste peut-on révéler qu'il tient à la fois d'un héritage de certains romans d'anticipation satirique des années 70 tout en confirmant la passionnante gamme de films féministes n'ayant pas peur de pousser une gueulante, apparue ces dernières années. Jusque-là, de Don't Worry Baby à Blink Twice, bides immérités, elle était passée trop inaperçue en dépit de réelles qualités d'écriture et d'ambitions de mise en scène. En poussant le bouchon un peu plus loin comme en s'annonçant littéralement comme un nécessaire reboot social du cinéma hollywoodien grand public, Companion, film aussi malin que ludique, pourrait bien lui offrir enfin une visibilité essentielle.Un parfait inconnu / Companion. En salles le 29 janvier.
Est-ce qu'on en finira un jour avec les biopics de chanteurs ? Visiblement non. Pour preuve, l'arrivée cette semaine sur les écrans de Better Man consacré à Robbie Williams. Pour tout dire, on en bâillait d'avance, peu convaincu par l'idée de revenir sur le parcours de l'ex-membre de Take That, de son enfance à sa starisation ou ses heures de bad boy faisant la une des tabloïds. Pour autant, un détail rendait ce cas singulier : Williams y est portraitisé sous les traits d'un singe en image de synthèse. Pourquoi cette idée farfelue ? Même si Better Man est narré par Williams lui-même, la chose ne sera jamais explicitée, si ce n'est au titre d'une exubérance de plus. Si elle est minimisée par un scénario suivant à la lettre les règles de son registre (en gros un traumatisme global lié au manque de considération de Williams par son père ou le passage obligé d'un gros chagrin quand sa mamie adorée meurt), Better Man n'en reste pas moins à part dans l'univers des biopics musicaux, en n'ayant pas peur - à l'inverse des ultra-platounets Bohemian Rhapsody (Freddie Mercury) ou One Love (Bob Marley), pour ne citer qu'eux - d'une franche créativité lors de numéros musicaux dantesques. Les tubes de Williams, comme "Rock DJ" ou "She's the One" donnent lieu à des scènes délirantes, préférant les sommets graphiques des plus spectaculaires comédies musicales au déroulé usuel d'un récit connu d'avance. À l'image d'une phénoménale séquence de concert se transformant en bataille médiévale façon Seigneur des Anneaux autour de "Let Me Entertain You", Better Man, film étrange, a le mérite d'être souvent un show des plus divertissant.S'il y a une personnalité qui aurait bien de quoi nourrir un bon biopic, c'est bien Mel Gibson, star ultra-populaire dans les années 80 et 90, devenu paria suite à des déclarations très problématiques. Elles avaient fait oublier que Gibson est aussi un réalisateur particulier, alignant Braveheart, modèle de film historique épique, La Passion du Christ, biopic gore en araméen de Jésus ou Apocalypto, extraordinaire survival chez les mayas. Il n'est pas improbable qu'une mauvaise réputation acquise ait empêché Gibson de se lancer désormais dans des projets de la même ampleur. Il réapparait aux commandes de Vol à haut risque, thriller en huis clos ressuscitant, jusque dans son titre, le cinéma d'action américain des années 90. Soit le décor quasi unique d'un avion de tourisme embarquant une agent du FBI, un témoin à protéger et un tueur à gages chargé de les éliminer. Un exercice de style inattendu pour un réalisateur qui privilégiait jusque-là les grands espaces et l'emphase pour s'enfermer dans la carlingue étroite d'un coucou. De quoi privilégier un trio d'acteurs – surtout Mark Wahlberg, inattendu en tueur aussi dégénéré que survolté, s'en donnant à cœur joie. Vol à haut risque tenant de la voltige économique en étant totalement déconnecté du marché actuel, plus proche de l'altitude du haut du panier des séries B qui sortent directement en vidéo ou sur les plateformes de VOD que de celles des blockbusters en pilote automatique. Ce qui en fait pour autant une curiosité marrante, agréable trou d'air dans la routine des sorties, façon plaisir régressif devant une séance de cinoche à l'ancienne, nerveux et efficace. Et dans des fauteuils plus confortables que celle des soirées vidéo-club d'antan d'où ce sympathique thriller semble exhuméBetter Man / Vol à haut risque. En salles le 22 janvier.
Demandez à n'importe quel Belge quel reste l'évènement récent qui a le plus marqué le pays, il y aura de fortes chances pour qu'il réponde l'affaire Dutroux. Du nom de celui qui enleva et séquestra une dizaine d'enfants dans les années 90, en assassinant certains. Un cas resté un traumatisme national, notamment dans les errements de son enquête, ayant révélé un système policier et judiciaire défaillant, puis mené à sa profonde réforme. Quasiment trente ans plus tard, Fabrice Du Welz rouvre cette plaie, autour de l'enquête d'un jeune gendarme sur la disparition de deux gamines, qui va virer à l'obsession. Au-delà de cette traque, Le Dossier Maldoror est un récit étonnamment intime de la dévoration d'un idéaliste, à l'âme rongée par sa quête. De Calvaire à Inexorable, Du Welz a souvent filmé des personnages borderlines, mais prend ici de l'ampleur pour ausculter ce qui est devenue une névrose collective. Le Dossier Maldoror sera donc une saga qui se déploie autour d'une société, racontant, bien plus que l'affaire Dutroux, une identité belge, de la solidarité de plusieurs générations d'immigrés à la honte de n'avoir pas pu voir ce qui se tramait dans les maisons d'à côté, ou aux vestiges d'une ville comme Charleroi, un temps parmi les plus riches du pays, désormais dévastée par la précarité. Le Dossier Maldoror déborde alors brillamment du cadre prévu, quittant les rives des grands films somatiques d'enquête (comme Zodiac, repère ici clairement assumé), pour aller ailleurs. Par exemple le temps d'une extraordinaire scène de mariage, ou d'autres scènes immersives qui se rapprochent du travail de sédimentation d'un Michael Cimino, en prenant le temps de raconter comment un tel fait divers contamine une population entière. Voire, par la galerie de protagonistes directement liés à Dutroux, devenir une perturbante étude du Mal ordinaire et de sa complexité. Elle est confirmée par le titre du film - dans la réalité, l'opération policière avait pour nom Othello - citation des Chants de Maldoror, texte du poète surréaliste Lautréamont où l'on pouvait lire le résumé le plus évident du fond de ce film cherchant ce qu'il peut rester de lumière dans la plus grande des noirceurs : "il est beau de contempler les ruines des cités ; mais, il est plus beau de contempler les ruines des humains !"Dans Babygirl, c'est Nicole Kidman qui se retrouve en ruines. Ou du moins son personnage de PDGère d'une boite de new tech de plus en plus troublée par un stagiaire qui l'initie à des jeux sexuels autour de rapports de domination. Annoncé comme une intrigante version cérébrale de thriller érotique, Babygirl est plus émoustillant dans ce qu'il cache derrière sa culotte : une vision au scalpel d'un monde contemporain où le capitalisme et ses enjeux de pouvoir seraient devenus une forme de frigidité ayant pris le dessus sur les corps. Cette veine politique palpite malheureusement moins qu'une intrigue planplan de trahison conjugale, quand ce n'est pas le frein à main qui est mis sur tout ce qui touche aux pulsions SM pour s'aseptiser autour d'un propos basique sur les valeurs du consentement. Plus intéressante, la performance de Kidman, en patronne et épouse découvrant que se laisser submerger par ses désirs est plus épanouissant que d'être en permanence dans le contrôle. Une piste intrigante qui s'évanouit toutefois quand Babygirl tend toujours plus vers un remake inversé (cette fois-ci c'est l'épouse qui s'aventure dans la transgression), y compris donc dans le casting de Kidman, d'Eyes Wide Shut, pour arriver à la même conclusion ultra-conservatrice d'un retour au foyer et d'une mise sous le tapis de tout ce qui pourrait déranger la norme conjugale.Le Dossier Maldoror / Babygirl. En salles le 15 janvier
Ce 6 janvier s'est ouvert un procès aussi important que peu ordinaire. Il porte sur le possible financement de la campagne de Nicolas Sarkozy pour l'élection présidentielle de 2017, par Muammar Khadafi. Pendant plusieurs années, Médiapart a enquêté sur ce qui serait un des plus grands scandales d'état. Après plus d'une centaine d'articles, ainsi qu'une bande dessinée, un film, Personne n'y comprend rien, remet en mémoire la chronolgie des évènements. Il est signé Yannick Kergoat, précédemment réalisateur des Nouveaux Chiens de garde, documentaire sur les rapports entre médias et pouvoir ou de La (Très) Grande Évasion sur un autre cas vertigineux, celui de l'évasion fiscale. Personne n'y comprend rien joint ces deux axes en étant autant le récit d'une affaire parmi les plus folles que de la manière dont aujourd'hui, le journalisme s'en empare.Personne n'y comprend rien. En salles le 8 janvier.
C'est officiel, le cinéma en salles en France se porte bien. Le bilan annuel du CNC en atteste avec l'annonce de 181,3 millions d'entrées pour l'année 2024. Soit une reprise post-Covid dépassant toutes les espérances. Avec en bonus une pleine forme pour le cinéma français dont la part de marché surpasserait celle de l'américain. Tout juste si on ne s'autosacre pas champion du monde, en étant l'un des pays à la production locale la plus performante. A priori, les choses devraient même se renforcer au vu d'un agenda de sorties 2025 chargés en succès potentiels. La double hégémonie des films français et américains pourrait toutefois connaître des secousses. Depuis quelques années, le cinéma populaire indien tente une percée sur notre marché, avec un succès grandissant, au point que cette semaine, pas moins de sept films débarquent sur les écrans. Mélo ou film d'action, Polar ou comédie romantique, c'est autant une vitrine spectaculaire qu'une opération blitzkrieg, d'autant plus forte qu'elle a lieu à un moment où le cinéma indien est lui-même en train de bouger, d'un savoir-faire technique de très haut niveau à une part organique délaissée par les blockbusters US de plus en plus désincarnés, les films issus de Kollywood (la région de Madras) et Tollywood (celle d'Hyderabad) ont pris la main. Certains réalisateurs, comme Nikil Nagesh Bhat dont le Kill sorti ici l'été dernier, bottait sérieusement le cul à tous les John Wick ou S.S Rajamouli, tout auréolé du triomphe mondial de R.R.R jusqu'à avoir toqué à la porte des Oscars en 2023, sont déjà perçus comme l'égal d'un Spielberg ou d'un James Cameron. De Vanangaan à Game changer, il n'est pas dit que l'imposante salve de cette semaine inclue un tel phénomène, mais elle reste signe d'un mouvement qu'on ne peut plus négliger, ouvrant une aussi prometteuse que nouvelle Malle des indes.Mouvement aussi du côté de Pedro Almodóvar qui franchit l'Atlantique pour aller tourner son premier film en langue anglaise. La chose le titillait depuis que Femmes au bord de la crise de nerfs l'avait fait remarquer aux USA. Celles de La Chambre d'à côté sont en crise de conscience, lorsque la meilleure amie d'une romancière réapparait dans sa vie pour lui demander de l'assister dans son suicide programmé. Peut-être est-ce que parce que l'euthanasie est légalisée depuis 2021 en Espagne que le réalisateur est parti ailleurs pour aborder le sujet. Mais aussi en faire un film étonnamment paisible, sans doute trop, laissant les clés à un fantastique duo d'actrices, Julianne Moore et Tilda Swinton. En matière d'écriture ou de mise en scène, La Chambre d'à côté est en conduite automatique, noyé dans une déco glamour ou rien ne dépasse, obstacle à toute l'émotion nécessaire. Lit mortuaire trop bordé, sans un pli sur ses draps, cette chambre est un élégant salon d'esthète, qui confond toiles de maitres et copies, certes bien exécutées des tourments bergmaniens ou des teintes mélo d'un Douglas Sirk, mais qui manque terriblement d'âme pour raconter comment les proches des défunts continuent à respirer une fois leur dernier souffle rendu. Au point que l'on ait envie d'aller sur la pointe des pieds refermer la porte sur cette rutilante, mais impersonnelle parenthèse américaine.Nessipaya, Rekachitaram,Vanangaan, Daaku Maharaaj, Identity, Vidda Muyarchi, Game changer / La chambre d'à côté. En salles le 8 janvier.
L'idée d'un volcan est celle qui peut s'associer le plus au cinéma de Werner Herzog. Depuis le début des années 70, ce cinéaste allemand n'a cessé de signer des films en ébullition, que ce soit dans leurs sujets ou leur conception, transformant leurs tournages en épopées épiques ou conflictuelles, pour un résultat tumultueux, à la fois lyriques et intérieurs, démesurés et philosophiques. Soit un cinéma aux allures de lave en fusion, incandescent, dangereux et inarrêtable. Ce magma qui gronde depuis plus de cinquante ans devait en toutes logique croiser les aventures de véritables vulcanologues. Ce sera Katia et Maurice Krafft, un couple qui se sera baladé sur la planète jusqu'à trouver la mort lors d'une expédition au Japon en 1991. Ils avaient laissé derrière eux près de 200 heures d'images, Herzog les a décortiquées, réassemblées pour le bien nommé Au cœur des volcans, requiem pour Katia et Maurice Krafft, portrait qui tient plus d'une course que d'un biopic, tant les Krafft semblent y échapper à un funeste destin, quand ils embarquent en bateau quelques minutes avant une éruption en Indonésie où réchappent de justesse d'un nuage toxique provoqué par une autre en Alaska. Herzog rendant tout autant compte de la manière dont leur filmage des volcans évolue, capturant la beauté hypnotique des volcans en actions comme leurs conséquences sur la nature et les populations environnantes. Mais tout autant la dévotion des Krafft à une curiosité qui les aura menés jusqu'à la mort, par envie d'aller au plus près de la lave, jusqu'au sacrifice. C'est probablement cette combinaison entre héroïsme vain et inconscience suicidaire qui a convaincu Herzog de s'attaquer à ce film fou par ses images comme par les fascinantes personnalités nourrissant une seule et même fournaise.L'écho d'Herzog se retrouve forcément dans une nouvelle version de Nosferatu, qui sera en salles la semaine prochaine. En 1979, le réalisateur allemand s'était attaqué à un remake du classique de Murnau, lui-même inspiré du Dracula originel, celui écrit par Bram Stoker. Robert Eggers y revient avec la même idée d'en extraire non pas l'essence horrifique, mais celle romantico-sexuelle via l'emprise fiévreuse du vampire sur une jeune femme. Chez Herzog, c'était Adjani qui lui donnait corps, dans cette nouvelle version, c'est une phénoménale Lily-Rose Depp, sous claire influence de l'actrice française, notamment lors d'impressionnantes séquences de transe. Quoiqu'il soit encore présent via la performance hantée de Willem Dafoe en Van Helsing du jour, on pourra cependant regretter le sens du chaos qui possédait les films précédents d'Eggers, de The Lighthouse à The Northman, son Nosferatu, bien moins furibard, n'en reste pas moins un formidable conte gothique d'hiver pour adultes, par sa collection de somptueuses images, parfaite galerie de tableaux animés ou sa trajectoire vers un mélancolique final tragique, qui, contrairement à son décevant vampire, manquant étonnamment de mordant quand il n'est résumé qu'à une silhouette, a tout pour devenir mémorable.Nosferatu, en salles le 25 décembre / Au cœur des volcans : Requiem pour Katia et Maurice Krafft, en salle le 18 décembre
En septembre dernier, Noémie Merlant tenait le rôle principal d'Emmanuelle, film qui, plus qu'une revisite du classique du cinéma érotique, s'essayait à redéfinir l'érotisme, autour de la notion de désir. Trois mois plus tard, l'actrice revient avec son second film de réalisatrice, lui aussi taraudé par cette question, mais sous un angle opposé. À l'inverse de la glaciation d'Emmanuelle, Les Femmes au balcon s'échauffe via une bande de trois copines qui en pincent pour un voisin dans l'immeuble d'en face qu'elles ne cessent de mater. Avant même qu'elles ne le rencontrent, Merlant s'est emparée de la question du regard posé sur les femmes pour le retourner, se le réapproprier. Les Femmes au balcon est un film qui en met plein la vue, par l'audace de son mélange des genres, de la comédie loufoque au gore en passant par le drame. Mais aussi dans son rapport au corps féminin, ici dénudé pour le désacraliser, recentrer le quotidien de ses trois personnages autour de lui et l'exfiltrer des violences sexuelles auxquels les hommes peuvent le soumettre. Merlant en profite pour déshabiller le cinéma de ses conventions et le faire respirer à l'air libre. Les Femmes au balcon et son trio fantasque et fantastique – Merlant donc, Sanda Codreanu et Souheila Yacoub – y trouvent la possibilité de se lâcher, dans tous les sens du terme, pour une très joyeuse célébration de la sororité comme un endroit de tous les possibles, de la consolation à la jouissance en passant par l'affirmation de soi.Si Les Femmes au balcon a tout pour faire parler de lui, l'autre sortie de la semaine veut faire tout un fromage. Littéralement, quand dans Vingt dieux, Totone, un fils d'agriculteur plus porté sur les fêtes de village que sur la ferme familiale, décide, pour la sauver, de se lancer dans la fabrication d'un Comté pour remporter un concours agricole doté d'un beau magot. Le premier film de Louise Courvoisier fait mijoter dans son chaudron naturalisme à la Pialat et bienveillance humaniste d'un Ken Loach. Vingt dieux est à la fois brut de décoffrage et nourri d'une tendresse pour ses personnages plus nature que pittoresque, ou l'intime est filmé en scope, les stéréotypes effacés par la franchise. Y compris dans le regard sur le monde paysan d'aujourd'hui, ses souffrances et ses transformations. Splendide film d'apprentissage du métier comme de la vie, peaufiné dans ses moindres détails, Vingt dieux tient de la noblesse de l'artisanat et du travail manuel.Les Femmes au balcon / Vingt dieux. En salles le 11 décembre.
Au plus haut du panthéon de la culture populaire américaine, il y a Le Magicien d'Oz. Et plus que son point de départ, un livre pour enfants, son adaptation qui révolutionne le cinéma dès 1939, que ce soit par sa production colossale, ses avancées techniques ou plus simplement ses audaces narratives. Un succès au long cours qui a fait des aventures de Dorothy, transportée dans un monde parallèle par une tornade, un pilier de l'imaginaire made in USA. Plusieurs films ont tenté, sans succès, par la suite de revenir à Oz, mais c'est une comédie musicale revenant sur les jeunes années de la future Méchante sorcière de l'Ouest qui l'a réimplantée chez de nouvelles générations. Depuis vingt-et-un ans, Wicked se joue sans discontinuer sur les scènes de Broadway. De quoi appâter Hollywood qui a fini par la porter à l'écran. Curieusement, c'est là que saute aux yeux, l'essence même d'un show ayant décuplé le fond du Magicien d'Oz (où Dorothy rassemblait toutes les espèces face à la sorcière). Wicked, via la naissance de l'amitié entre deux ados d'abord rivales, se fait ode à la tolérance globale, n'oubliant aucune identité, pour les fédérer face au complot d'un ultra-patriarcal Magicien. Cet aspect woke irritera probablement les conservateurs de tous poils sans empêcher un possible triomphe public, quand Wicked se réapproprie l'esprit des Harry Potter et plus encore en se faisant via ses valeurs positives, doudou rassurant dans une époque qui l'est de moins en moins. Ou simplement en ravivant la magnificence des grands spectacles. Du moins pour ceux qui supporteraient le mélange hypercalorique de meringue des décors, effets spéciaux en pagailles et performances vocales en mode Céline Dion puissance dix, le tout sur les 2h40 de ce qui n'est que la première partie d'un dyptique.Du pays d'Oz et ses enluminures aux forêts des Vosges, il y a un sacré bout de chemin, et pourtant Leurs enfants après eux et Wicked se rejoignent dans leur chronique d'une rivalité ou l'émancipation difficile d'une jeunesse. L'adaptation du best-seller Goncourtisé de Nicolas Matthieu par les frères Boukherma ramène aux années 90 d'un Est français en pleine désindustrialisation pour raconter l'accélération d'un déclassement social d'une génération à la suivante, renforçant la fureur de vivre d'ados, rongée par l'ennui et le déterminisme. Film cousin de L'Amour ouf (par son sujet, la présence de Gilles Lellouche ou un best-of des années 90, façon juke-box aléatoire en guise de Bande originale), Leurs enfants après eux est tout autant porté par ses ambitions ou son casting central – Paul Kircher, Angelina Woreth, Sayyid El Alami- que par sa fièvre, mais pèche par certains excès de zèle à ne pas avoir su tailler dans les chapitres du livre, voire là encore, une durée fleuve qui pousse un récit tout en non-dits vers la crue artificielle d'une rivière de sentiments. À moins d'y voir confortée la mélancolie d'un état des lieux, Leurs enfants après eux portant en lui les dégâts d'un déluge social qui n'en finit plus de tout submerger.Wicked / Leurs enfants après eux. En salles le 4 décembre.