Allô l’Amérique ! Aux États-Unis, l'élection présidentielle aura lieu début novembre. Mais dès le 1er septembre, les correspondants de RFI se rendent dans différentes villes américaines pour prendre le pouls de la campagne électorale. C’est « Good morning
En 2016, 53% des femmes blanches avaient voté pour Donald Trump et contribué à sa victoire. Selon les sondages, ces mères de familles sont lassées des excès du locataire de la Maison Blanche et pencheraient cette année pour Joe Biden. Mais dans la banlieue de Raleigh en Caroline du Nord, rien n'est acquis. Reportage de notre envoyée spéciale permanente aux États-Unis, Anne Corpet. L'humeur est plutôt souriante au quartier général du parti démocrate de Fuquay-Varina, à quelques jours des élections. Devant les bureaux de vote de cette banlieue conservatrice de Raleigh, qui ont ouvert dès le 15 octobre, Beth Bonnard assure avoir vu des signes encourageants pour Joe Biden : « Beaucoup de femmes sont venues me voir pour me dire « Si mon mari savait que j'avais voté pour un démocrate il ne serait pas content du tout » ou alors « Je ne peux pas emporter un autocollant Biden à la maison parce que mon mari saurait que j'ai voté pour Biden » J'ai entendu la même histoire à plusieurs reprises » témoigne la militante. Selon Christine Kelly, qui coordonne les efforts de campagne dans le district, la pandémie de coronavirus est l'un des facteurs qui pourrait pousser les femmes républicaines à voter contre Donald Trump « Nous les femmes, nous nous inquiétons pour nos enfants, pour nos familles, nous sommes celles qui, probablement plus que les hommes, avons vu la douleur provoquée le Covid-19, nous avons vu les gens tomber malades, nous avons besoin de dirigeants qui se soucient de la population » explique-t-elle. Depuis des semaines, Donald Trump courtise le vote des femmes de banlieues. « Femmes des banlieues, je vous en prie, aimez-moi ! » a-t-il même lancé en meeting. Le président affirme qu'en cas de victoire de Joe Biden, ces quartiers résidentiels risquent d'être envahis par des populations moins fortunées, voire ravagés par des émeutiers. Mais ce message n'a pas forcément atteint sa cible : la démographie des banlieues a changé, de multiples origines s'y côtoient désormais et beaucoup de femmes ont été sensibles à la cause défendue par le mouvement Black Lives Matter après le décès de Georges Floyd tué par un policier à Minneapolis. « Quand elles ont entendu Georges Floyd implorer pour sa vie, appeler sa mère, toutes les femmes, toutes les mères, ont été touchées, qu'elles soient républicaines ou démocrates, et cela a changé la donne. » estime Kissandra Flowers, une afro américaine du parti démocrate de Fuquay-Varina. « Il est odieux mais je voterai pour lui » Cary, dans la banlieue de Raleigh, a été désignée par un magazine américain comme la ville où les femmes ont le plus de succès aux États-Unis. Plusieurs critères ont été pris en compte dans le classement : le pourcentage de diplômées, le revenu moyen des salariées, et la proportion de femmes qui ont créé leur propre entreprise. Les rues du centre sont bordées de panneaux électoraux, devant des maisons spacieuses. Un groupe de femmes suit un cours de yoga en plein air sur la vaste pelouse qui s'étend devant la bibliothèque. Rachel surveille ses enfants qui jouent près de la fontaine. Mère au foyer, elle se sait privilégiée, et votera Donald Trump pour éviter une hausse d'impôts. Elle ne croit pas Joe Biden quand il affirme que seuls les ménages dont les revenus sont supérieurs à 400 000 dollars par an seront soumis à une fiscalité plus contraignante. Mais elle n'est pas tendre avec le président : « Est-ce que j'apprécie Donald Trump en tant que personne ? Non. Il est brutal avec les femmes, il dit beaucoup de choses stupides et je pense que c'est un narcissique. Mais ils le sont tous. Est-ce que je le trouve odieux ? Oui. Mais est ce que je peux voter pour quelqu'un d'odieux et qui sait ce qu'il fait ? Oui. On n'a pas besoin de l'aimer en tant que personne pour dire qu'il fait du bon boulot » explique-t-elle. Un peu plus loin, Joy a installé une couverture sur la pelouse pour y installer ses deux jeunes enfants. Elle aussi votera pour Donald Trump, en raison de ses convictions religieuses. « Il est contre l'avortement, c'est essentiel pour moi, tant pis si sa conduite n'est pas forcément vertueuse » tranche-t-elle. Une autre femme, croisée dans les rues de Cary confirme l'antipathie qu'inspire le locataire de la maison blanche aux habitantes de cette banlieue coquette. Mais elle aussi donnera sa voix au président « comme toutes mes voisines » assure-t-elle. « J'ai commandé des antidépresseurs en cas de mauvaise nouvelle le 4 novembre » Devant le bureau de vote de Holly Springs, Erin Paré, candidate républicaine au parlement local tente de convaincre les électeurs. Elle évoque son mari militaire, son engagement dans la communauté, mais ne mentionne pas Donald Trump. Cela agace profondément Lynn Ruck qui tient le stand du parti démocrate. « Ils ont beaucoup de pancartes Trump mais ils ne restent pas à côté et ne les brandissent pas, pour la bonne raison qu'ils ne veulent pas être perçus comme des soutiens de Donald Trump, mais seulement comme des républicains conservateurs » analyse la militante. Très inquiète quant à l'issue du scrutin, Lynn dit ne pas parvenir à surmonter son anxiété malgré des séances de yoga, de méditation, et de longues marches dans la forêt. « Je noie ma peur dans l'action : je téléphone à un maximum d'électeurs pour les pousser à aller voter pour Joe Biden, j'assure des permanences devant les bureaux de vote, je ne peux pas rester les bras ballants en attendant le résultat » commente cette mère de famille quinquagénaire avant d'ajouter « Mais j'ai déjà commandé des antidépresseurs en cas de mauvaise nouvelle le 4 novembre. » Dans sa maison d'un lotissement situé juste à la sortie de Raleigh, Marian Lewin estime fondées les inquiétudes des démocrates. Présidente de la ligue du vote des femmes, une organisation qui milite pour leur implication en politique elle ne croit pas tellement à un renversement massif de tendance au sein de cet électorat en Caroline du Nord : « Beaucoup de femmes soutiennent toujours Donald Trump. Je pense que l'idée qu'elles ne vont pas voter pour lui, en particulier les femmes blanches, est infondée pour la majorité. Cela s'est passé en 2018 et les démocrates espèrent que cela se reproduira mais je ne pense pas que cela sera le cas, l'enjeu est différent pour une présidentielle » annonce-t-elle, « elles rejettent sa personne, mais restent avant tout attachées aux valeurs conservatrices ». Elizabeth, croisée à la terrasse d'un café de Cary, n'a envie de voter pour aucun des candidats. « En toute conscience je ne peux pas voter Donald Trump » lâche-t-elle, mais elle ajoute : « Mais je n'ai pas non plus envie de voter pour Joe Biden… Je ne veux pas d'un homme blanc de plus de soixante-dix ans à la Maison Blanche. Donc honnêtement je ne sais pas si je vais voter. » Comme Elizabeth, un tiers de l'électorat féminin en Caroline du Nord est enregistré sous l'étiquette « indépendante » sur les listes électorales. La clé du scrutin est peut-être entre leurs mains.
Comme chaque matin, un point d'étape sur la campagne américaine vue d'une ville symbolique. Aujourd'hui, direction le sud des États-Unis à Memphis dans le Tennessee. Une ville phare pour la musique noire américaine, mais aussi pour le mouvement des droits civiques et la lutte contre la ségrégation dans les années 1960. L'issue du vote ne fait guère de doute dans le Tennessee, un État acquis aux républicains. Mais à Memphis l'électorat afro-américain pourrait enregistrer une participation record. De notre envoyé spécial à Memphis, Ils sont quelques centaines d'Afro-Américains à marcher dans les rues du centre de Memphis. Une marche pour appeler l'électorat noir à se mobiliser dans les urnes contre Donald Trump dans une ville haute symbolique. Memphis est l'une des villes les plus noires des États-Unis : plus de 60 % des habitants sont ici Afro-Américains. Une ville marquée par l'histoire des droits civiques. C'est à quelques rues d'ici qu'en 1968, Martin Luther King a été assassiné. Dans le cortège, Quincy, instituteur, a evidemment ces images historiques en tête. Il est venu marcher avec son fils de trois ans. Dans ses mains, une pancarte porte l'inscription « Respect my vote ». « Pour nous, explique Quincy, c'est l'élection la plus importante de notre vie. Dans cette élection, nous avons un président qui diffuse la haine. Donc nous avons besoin d'un leader qui ne va pas nous diviser, qui ne vas pas déchirer le pays. Nous avons besoin d'un président capable de nous rassembler. » Quincy n'a pris aucun risque : il a déjà voté à l'avance pour Joe Biden et Kamala Harris. En 2016, « on a pris les choses pour acquises » Cette marche est organisée par des membres locaux du parti democrate, comme Kenneth Brunett, qui espère voir les Noirs de Memphis se mobiliser davantage qu'en 2016. « Il y a quatre ans, on a pris les choses pour acquises, rappelle le militant démocrate. On venait d'élire deux fois notre premier président noir. On pensait que tout allait continuer à bien se passer. Beaucoup d'entre nous n'étaient pas très enthousiastes sur la candidature d'Hillary Clinton, et on est restés à la maison… Et maintenant, on comprend l'importance pour nous d'aller voter. On pensait que Donald Trump n'allait pas gagner et on a vu le résultat quand notre électorat est apathique, qu'il ne se soucie pas du vote. Alors cette année, on s'en soucie parce qu'on a vu le résultat quand on s'en moque. » Le meilleur président pour les Noirs Le Tennessee, État du Sud, républicain par excellence, a voté Trump à plus de 60 % en 2016. À l'inverse, Memphis avait voté Hillary Clinton à plus de 60 %. Quatre plus tard, Donald Trump prétend être le président qui a fait le plus pour les Noirs depuis Abraham Lincoln qui avait abolit l'esclave en 1865. À chaque fois qu'il entend Donald Trump prononcer ces mots, Larry McHale, élu démocrate de Memphis, rit jaune. « Oui, c'est risible, confie-t-il. C'est ce qu'il pense mais il a tort. Il n'a pas été du tout le meilleur président pour les noirs. Il nous a divisés. Il a refusé de dénoncer les suprémacistes blancs. S'il nous défendait vraiment, il aurait défendu nos droits, il aurait soutenu Black Lives Matter au lieu de qualifier cette organisation de terroriste. » Tous ici en sont convaincus. C'est Joe Biden le meilleur candidat pour les Noirs. Un vote sans passion, empreint d'une forte nostalgie des années Obama, comme l'explique Darell Cobins de l'association 100 Black Men, coorganisateur de la marche. « Il a fait du bon boulot avec Barack Obama pendant huit ans malgré une forte opposition au Congrès, juge-t-il. Et j'ai confiance en lui plus qu'en son rival, parce qu'il a travaillé tout ce temps avec Barack Obama. » Autre signe encourageant, dit Darell Cobins : le fait que Joe Biden ait choisi Kamala Harris comme colistière. La sénatrice de Californie pourrait devenir mardi soir 3 novembre la première femme de couleur vice-présidente des États-Unis. ► À écouter : Good morning d'Arizona, l'État va-t-il basculer grâce au vote latino?
La communauté hispanique est désormais la première minorité aux États-Unis. L'Arizona, un État historiquement conservateur, pourrait élire pour la première fois depuis 26 ans un président démocrate, notamment grâce au vote des Latinos qui représentent aujourd'hui un tiers de la population et un quart des électeurs potentiels. En 2016, ils avaient massivement voté pour la candidate démocrate Hillary Clinton. Mais la communauté hispanique est aussi caractérisée par son taux d'abstention. Il y a quatre ans, ils n'étaient que 46% à s'être déplacés aux urnes. Tout l'enjeu pour les démocrates est donc de mobiliser ce vivier d'électeurs. Les personnes en âge de voter, identifiées comme membres de la communauté hispanique, sont très courtisées, voire même un peu trop. « Je reçois des appels, des textos, des emails tous les jours. C'est la première fois que cela m'arrive en 24 ans aux États-Unis ! », explique Mario Romero, patron d'un restaurant de « sushis latinos », à Mesa, dans la banlieue de Phoenix. Lui dit voter pour Joe Biden, un candidat dont il « partage les valeurs ». Mais son fils de 18 ans s'apprête à voter pour Donald Trump. Pour convaincre les Latinos de se rendre aux urnes, un grand programme de porte-à-porte a été lancé, par Unite Here 11, la branche régionale du plus gros syndicat de l'hôtellerie-restauration. Rendez-vous est donné dans la banlieue ouest de Phoenix aux 70 personnes sont appelées à quadriller des quartiers ce jour-là. Tous ont perdu leur emploi en raison de la crise sanitaire et ont été embauchés par le syndicat le temps de la campagne électorale. Objectif : frapper à 800 000 portes avant le 3 novembre. Les moins de 35 ans sont la première cible de cette campagne : plus de 100 000 jeunes d'origine hispanique ont eu 18 ans depuis les élections de mi-mandat de 2018 et sont donc désormais en âge de voter en Arizona. « Beaucoup pensent que leur voix ne compte pas » Visière sur le front, Maggie Acosta, 55 ans, d'origine mexicaine, prend la température de tous les démarcheurs à leur arrivée. Ce qui l'a poussée à s'engager, c'est de se retrouver seule chez elle avec son fils malade du Covid-19, sans assurance santé. Elle n'en a plus depuis qu'elle a perdu son emploi dans un restaurant de l'aéroport de Phoenix. « Donald Trump nous a laissé tomber, il a très mal géré cette crise », explique-t-elle. Mais pas évident de convaincre les membres de sa communauté de se déplacer pour autant. « Souvent, ils ont peur des représailles », confie Maggie Acosta, lors de sa tournée de porte-à-porte. « D'autres pensent que leur voix ne va pas compter. C'est en allant parler aux gens, en face à face, qu'on pourra les convaincre et gagner ». Sur dix portes toquées, elle n'engagera finalement qu'une seule conversation. En moyenne, Maggie Acosta frappe à 80 portes par jour. Dina est aussi venue prêter main forte. Elle est Salvadorienne et vit aux États-Unis grâce au TPS, un statut de protection spécial menacé d'annulation par Donald Trump. Elle ne peut pas voter, mais sa fille, qui est née sur le sol américain, « défendra la famille ». « Elle a décidé elle-même pour qui elle allait voter et elle a pris la bonne décision. Elle voit que sa mère s'est battue pour vivre dans ce pays et qu'il ne faut pas qu'on nous sépare. Je me suis engagée auprès de Unite Here car j'en ai assez des familles séparées, des enfants mis en cellules à la frontière. Ça suffit », lance-t-elle. Compenser l'absence des démocrates sur le terrain Si ces syndicats et ces associations se mobilisent, c'est aussi pour compenser l'absence de la campagne officielle démocrate, trop peu visible. Le porte-à-porte a été banni pour cause de pandémie et Joe Biden ne s'est déplacé qu'une seule fois en Arizona avec sa colistière Kamala Harris, contre six fois pour Donald Trump. La campagne du président a aussi dépensé des millions de dollars en publicité télévisées en espagnol et ouvert trois bureaux dédiées à la communauté hispanique. « Nous avons aussi bien sûr continué le porte-à-porte. On leur a écrit des lettres, des cartes postales », détaille Rae Chornenky, la présidente du comité républicain du comté de Maricopa, qui concentre plus de 60% des électeurs. « On les sensibilise aussi à travers travers la foi, dans les lieux de cultes, et nous avons fait entrer des leaders religieux dans la direction de notre parti ». Pour l'équipe de campagne du président Trump, l'objectif n'est pas de remporter la majorité du vote latino. Rae Chornenky consent que cela soit infaisable. Mais même une légère augmentation des soutiens pourrait permettre de grignoter quelques voix précieuses, voire déterminantes dans cet État pivot.
Joe Biden se déplace ce mardi 27 octobre en Géorgie, un État dans l'escarcelle des républicains depuis 30 ans mais que les démocrates espèrent emporter cette année. Donald Trump et Joe Biden sont au coude à coude dans les sondages. RFI s'est rendu à Atlanta où vendredi dernier déjà, la candidate démocrate à la vice-présidence, Kamala Harris, a fait une visite surprise, pour mobiliser les électeurs afro-américains. De notre envoyée spéciale à Atlanta, Kamala Harris s'est d'abord rendue devant une immense fresque en hommage au parlementaire John Lewis, icône des droits civiques qui est mort cet été et qui était originaire d'Atlanta. Elle a ensuite rencontré des étudiants dans l'une des quatre universités noires historiques de la ville. Puis elle est ensuite passée se chercher une assiette de poisson frit et de chou vert à Busy Bee, un petit restaurant d'un quartier noir assez pauvre où, selon la légende, Martin Luther King, natif d'Atlanta lui aussi, venait souvent. « Elle a juste fait des signes de la main, des selfies, raconte un homme. Il y a plein célébrités qui passent ici, Oprah Winfrey, Jay Z. » Tout le monde salue M. Sam, il est assis sur une chaise devant le barbier, c'est un ancien du quartier. Il a 75 ans mais il ne les fait pas, et il n'a pas trop envie de nous dire pour qui il a voté. « Non, c'est personnel, mais c'est sûr que je n'ai pas voté pour Trump », rit-il. Et quand on lui demande s'il a l'impression que les gens d'ici sont plutôt favorables aux démocrates, voilà sa réponse : « Pas vraiment non ! Il y a des gens qui aiment Trump, d'autres Biden. » De quoi nous rappeler que la communauté noire n'est pas un bloc homogène, ce sont surtout les jeunes d'ailleurs qui sont un peu sceptiques. « On juge les élus à leurs actes, je me fiche de quelle couleur tu es » Juste à côté, il y a un petit trio de jeunes femmes, trentenaires qui attendent leur commande sur le parking. Pour elle, la candidature de Kamala Harris ne change rien. « Je ne sais pas qui a dit qu'elle avait nos voix ! Comme si on devait s'aimer par magie entre filles noires, ça ne se passe pas comme ça, assurent-elle. On juge les élus à leurs actes, je me fiche de quelle couleur tu es. Parlons du projet de loi sur la criminalité que Joe Biden a soutenu, il ne s'est pas vraiment excusé des conséquences que ça a eu. » ►À lire aussi : Good morning de Scranton, ville natale de Joe Biden, en pleine reconquête électorale Le loi sur la criminalité signée en 1994, dont Joe Biden était l'un des fervents défenseurs, voilà un gros point noir pour un certain nombre d'Afro-Américains, notamment ceux des quartiers populaires. Parce que cette loi a criminalisé la possession de drogues, marijuana incluse, durci les peines et ainsi provoqué l'incarcération massive de milliers de personnes, majoritairement des Noirs américains. Et c'est d'ailleurs sur ce point en particulier que Donald Trump attaque son concurrent. Mais il y a fort à parier tout de même que ces critiques ne font pas le poids face au danger que représente Donald Trump pour la majorité de la communauté noire, et c'est bien là-dessus que Kamala Harris a insisté. Elle a dénoncé sans détour la non-gestion du Covid-19 par le président, qui a touché de manière disproportionnée les Noirs américains, l'obsession qu'il a d'effacer l'héritage de Barack Obama et son soutien tacite aux thèses des suprématistes blancs. Atlanta la progressiste au milieu d'un État conservateur Alors le vote des Afro-Américains peut-il faire basculer l'État ? C'est ce que pensent plusieurs observateurs à qui j'ai parlé, et notamment ce groupe de femmes noires extrêmement investies dans la campagne. Elles labourent leur quartier, impliquent leurs voisins, poussent leur entourage à aller voter, et trois fois par semaine elles se réunissent pour une balade en forêt. Elles font le bilan de leurs impressions et elles sont plutôt optimistes. « On est hyper excitées, on pense que la Géorgie va passer du rouge au bleu ! espèrent-t-elles. On veut du changement en Amérique. On prie beaucoup, mais on la sent bien cette élection. Joe Biden, bon, il a été assez constant pendant ces 47 ans passés au Sénat, il n'est pas parfait, mais qui l'est ? » Mais Atlanta suffira-t-elle à gagner l'élection ? Certes la ville où vit une classe moyenne noire prospère, est progressiste, et a porté au pouvoir des maires exclusivement afro-américains et démocrates depuis 1978. Certes la ville pèse beaucoup puisque 60% de la population de la Géorgie habite ici. Mais c'est vrai que le reste de la Georgie est plus blanc, plus républicain, l'État est d'ailleurs administré par les conservateurs, qui, à nouveau, ont réussi à limiter le nombre de bureaux de vote en particulier dans les zones à majorité afro-américaine. Une façon de dissuader les gens puisque voter implique d'attendre plusieurs heures dans de longues files d'attente. Cette méthode avait déjà été utilisée lors d'une élection spéciale en juin dernier pour choisir le gouverneur. Cela s'est joué à quelques dizaines de millier de voix près, de quoi susciter un très fort sentiment d'injustice, qui explique en partie pourquoi les Afro-Américains en Géorgie sont particulièrement déterminés et se déplacent en masse depuis le début du vote anticipé. Sachant, qu'en plus cette année, il y a deux sièges de sénateurs à assigner pour la Géorgie.
À 12 jours de l'élection du 3 novembre, rien n'est joué dans le Michigan. Cet État du Midwest est le berceau de l'industrie automobile américaine et traditionnellement un bastion démocrate. Pourtant en 2016, Donald Trump avait réussi à le remporter avec seulement 10 700 voix d'avance sur Hillary Clinton. De nos envoyés spéciaux, Ce fut un séisme politique ici. Et un traumatisme pour les syndicats qui, pendant des décennies, ont été des faiseurs de roi en politique, tant leur influence sur le vote des travailleurs était grande. Nous avons rencontré Jerry, un ancien syndicaliste aujourd'hui à la retraite, à Monroe. C'est une petite ville où les ouvriers ont offert à Donald Trump en 2016 une avance spectaculaire de 22 % sur sa concurrente démocrate, alors que tous les syndicats avaient appelé à voter pour Hillary Clinton. « Notre syndicat a toujours soutenu les démocrates parce qu'ils défendaient entre autres le droit du travail, nous explique Jerry. Mais beaucoup d'industries ont quitté Monroe. On avait des usines automobiles, des usines de papier. L'entreprise Ford était l'un des plus grands employeurs de la région. Ils sont tous partis. Avant, c'était une grande ville syndicale ici, avec beaucoup de cols bleus, des ouvriers qui soutenaient le parti démocrate ! Mais Trump a su tirer profit de toutes ces pertes d'emploi et faire prendre à nos syndiqués un autre chemin. » Affiches à la gloire de Trump En 2016, Donald Trump avait promis de s'en prendre à l'ALENA, le traité de libre-échange entre les États-Unis, le Mexique et le Canada. Un accord responsable de la délocalisation de milliers d'emplois américains. Une fois arrivé à la Maison Blanche, le président a entamé la renégociation du traité qui a abouti en janvier dernier à un nouveau texte. À Monroe, Denis se félicite du « sérieux » de son président. Cet ouvrier a couvert la façade de sa maison d'affiches à la gloire de son héros. « Je vais voter pour Donald Trump, lance-t-il. Et j'espère qu'il remportera encore une fois l'élection. Il y a quatre ans, il a fait plein de promesses. Et il a fait ce qu'il avait annoncé qu'il allait faire. » Denis a perdu son emploi à cause de la crise sanitaire du coronavirus. Mais cela ne freine en rien son enthousiasme. « Il a promis beaucoup de chose qui ne se sont pas réalisées. » Que dire de la gestion de la pandémie de Covid-19 par Donald Trump ? « Je pense que personne ne savait vraiment comment s'y prendre, défend Philippe, un ingénieur de l'usine Chrysler à Warren. Jusqu'à l'arrivée du virus, il y avait des emplois en tout cas. Tout le monde travaillait. » La ville de Warren se trouve à vingt minutes au nord de Détroit. Comme Monroe, elle dépend des emplois manufacturiers. Et ici aussi, des ouvriers qui avaient voté pour le parti démocrate toute leur vie ont opté, il y a quatre ans, pour Donald Trump, à l'instar de Marty. « Mais je ne revote pas pour lui cette année, promet-il. Il a promis de faire revenir des dizaines de milliers d'emplois aux États-Unis. Mais ils ne sont pas revenus. Au contraire. Juste à côté d'ici, il y a une usine General Motors qui a fermé. Elle a fermé avant même l'arrivée du virus ! Les gens qui y travaillaient n'étaient pas contents du tout. Quand une usine ferme, c'est terrible, vous savez. Des milliers de personnes se trouvent soudain au chômage. Donc il a promis beaucoup de chose qui ne se sont pas réalisées. » Mouchoir de poche Selon le Département américain du Travail, les emplois dans le secteur automobile du Michigan ont diminué de 2 000 postes au cours des quatre dernières années et cela avant l'arrivée du coronavirus. Fermée en août 2019, l'usine de General Motors à Warren a été rouverte en mars dernier pour fabriquer des masques médicaux. Mais elle n'emploie que 150 personnes. Et pourtant, Marty pense que le président a encore ses chances de l'emporter dans son comté. « J'habite dans la partie nord du comté de Macomb, explique-t-il. Dans les jardins devant les maisons, neuf affiches sur dix sont des affiches pour Donald Trump. C'est incroyable. Je pense qu'il remportera encore une fois le comté de Macomb. Même si je connais des personnes qui disent qu'ils ne lui redonneront pas leur voix une seconde fois. Dans le Michigan c'est 50-50 maintenant. Ça se jouera dans un mouchoir de poche. » ► À écouter : Good morning de Scranton, ville natale de Joe Biden, en pleine reconquête électorale
En Pennsylvanie, Scranton, la ville de naissance de Joe Biden, a un passé ouvrier, marqué par le développement des mines de charbon et des luttes syndicales longtemps favorables aux démocrates. Si ce n'est que les temps ont changé. En 2016, c'est justement cette classe populaire qui a fait basculer tout l'État dans l'escarcelle des républicains. Il n'a suffit que de quelque 44 000 voix. Aujourd'hui, c'est en mettant en avant son attachement familial à la ville de Scranton et ses origines sociales humbles que Joe Biden essaie de reconquérir ces électeurs perdus. De notre envoyée spéciale à Scranton, Joe Biden, enfant du pays, forcément, ça rapproche. On touche une corde sensible, celle de fierté locale. Même si, en réalité, la famille de l'ancien vice-président a déménagé d'ici quand il avait 10 ans. Il n'empêche, ce lien entre Joe Biden et Scranton s'inscrit dans un passé, une histoire collective. Adèle a 71 ans. Ses parents, ses grands-parents étaient mineurs ici, syndiqués, démocrates jusqu'au bout des ongles. Le parcours de sa famille ressemble à celui de Joe Biden. « Ses arrières-grands-parents s'étaient installés ici vers 1850 après la famine dites "des pommes de terre" en Irlande. Scranton était une ville prospère, grâce aux mines de charbon et au train, il y avait beaucoup de travail, et de nombreux Irlandais étaient mineurs. Donc c'était une destination pour les immigrés à l'époque. Tout cela fait écho avec mon histoire personnelle. » Adèle rejette l'idée que le candidat démocrate aurait « abandonné Scranton » : « Non, son père a déménagé sa famille dans le Delaware à cause du travail, mais Joe Biden avait encore beaucoup de famille ici à qui il rendait visite régulièrement. Donc je pense qu'il n'a jamais oublié là où il a grandi, là où il a été enfant. » « Difficile d'être optimiste » La maison où a grandi Joe Biden est une jolie maison bleue au toit pointu à deux étages, avec un petit porche devant. Elle est située dans un quartier qui était autrefois plus populaire qu'il ne l'est aujourd'hui. Désormais, c'est même plutôt un quartier de classe moyenne propret, calme. Un quartier visiblement acquis aux démocrates. Et c'est aussi devenu dernièrement un lieu de pèlerinage politique pour les électeurs démocrates, comme Geoffrey qui habite à une heure de Scranton. « Je pense que c'est important d'être ici, surtout en ce moment, confie-t-il. D'autant que le coin de Pennsylvanie où j'habite est beaucoup plus favorable à Trump, donc ça me fait du bien de voir tous ces panneaux pro-Biden dans les jardins, ça ré-équilibre ma perception. C'est difficile d'être optimiste vu ce qu'il s'est passé aux dernières élections. On ne sait toujours pas trop de quel côté va pencher la balance, mais je garde espoir. » Autre lieu de pèlerinage dans le quartier, l'épicerie-sandwicherie Hanks Hoagies, qui depuis 1965 semble être restée dans son jus. Des photos, des statuettes de joueurs de baseball et de nombreuses caricatures d'hommes politiques : JFK, Clinton, Bush, Obama... Juste à l'entrée, comme s'il vous accueillait, une effigie à taille réelle de Joe Biden, en carton, à laquelle Tom Owens, le propriétaire des lieux tient beaucoup. « Il est là, il est là tous les jours ! [Rires] Non, mais il vient nous voir en vrai aussi, depuis des années, en tant que sénateur, en tant que vice-président. Il est passé au mois d'octobre. Il a grandi à quelques rues d'ici. Il venait avec ses petits copains boire un verre, manger un sandwich, jouer aux cartes... C'est un gars de Scranton, on le connaît personnellement et on l'aime vraiment. Joe est un gars humble, il est sympa avec tout le monde, il met les gens à l'aise, on l'adore ! » Image de proximité et trahison des classes populaires Cette image d'homme politique sympathique, proche des gens, issu d'un milieu modeste, voilà ce que cherche à mettre en avant Joe Biden pour séduire un électorat populaire qui s'est détourné du parti démocrate en faveur de Donald Trump. Cela marchera-t-il ? Difficile à dire. L'élection risque d'être très serrée en Pennsylvanie. Dans les quartiers plus populaires de la ville justement, on trouve beaucoup plus de marques de soutien à Donald Trump. Le parti démocrate incarné par Joe Biden aurait trahit la classe populaire ici. Il est vu désormais comme le parti de l'élite et des minorités ethniques. Même si Scranton, où siègent aujourd'hui de grandes entreprises, des universités, penchera probablement cette année encore vers le camp démocrate, pour qui voteront les contés plus pauvres autour de Scranton ? De Luzerne à Lackawanna, c'est là que se jouera l'élection en Pennsylvanie, là où Donald Trump avait séduit, et séduit encore. ► À écouter : Good Morning de Cleveland, avec les républicains hostiles à Donald
Dans l'Ohio, un État rural qui a voté Donald Trump en 2016, un groupe de républicains a lancé une campagne en faveur de Joe Biden. L'initiative n'est pas isolée : de plus en plus de conservateurs dénoncent ouvertement le bilan du président américain. De notre envoyée spéciale à Cleveland, Anne Corpet Ils ont baptisé leur campagne « Opération Grant », du nom de ce général nordiste qui a réconcilié le pays après la guerre de Sécession. Sur leur site Internet, des électeurs expliquent comment Donald Trump a douché les espoirs qu'ils avaient placés en lui en 2016. Quitter le parti auquel ils étaient affiliés n'a pas été une démarche facile : Linda Bauer a des sanglots dans la voix lorsqu'elle déclare « Ce sera la première fois que je vais voter pour un démocrate. Cela me met mal à l'aise parce que j'ai toujours voté républicain, mais je ne peux tout simplement plus le faire… » Linda a été atteinte par le coronavirus, a perdu des proches du fait de la pandémie, et attribue ces décès à la gestion chaotique de la Maison Blanche. « Trump est responsable de la mort de plus de 210 000 Américains aux États-Unis à ce jour et il y en aura encore de nombreux d'ici la fin de l'année. C'est de sa faute. Il aurait dû faire mieux », assène-t-elle. « L'antithèse de ce qu'un chrétien devrait être » Butch Roger a été pasteur pendant vingt ans, avant de devenir expert-comptable. Il continue de fréquenter son église, et tente de convaincre sa communauté de voter contre Donald Trump. La tâche est difficile : près de 80 % des évangéliques ont soutenu le président en 2016 et continuent de le faire. Pour les dissuader de renouveler le mandat du président, Butch évoque la personnalité de l'hôte de la Maison Blanche. « Écoutez ce que dit Trump ! Regardez la vie qu'il a menée ! Il ne vit pas conformément aux valeurs chrétiennes. La manière dont il traite les femmes, les gens de races différentes, ses opposants ! Lisez ses tweets ! Je ne pense pas qu'il existe une mère de famille chrétienne qui tolèrerait que son fils ou sa fille de dix ans se moque, donne des surnoms à chacun de ses copains de classe et s'en amuse en disant que c'est juste pour blaguer.. Trump est l'antithèse de ce qu'un chrétien devrait être ! C'est un escroc ! » s'exclame-t-il. Mais Butch le reconnaît : il n'a pour l'instant pas réussi à convaincre grand monde au sein de son église. « Les évangéliques sont des électeurs qui ne se préoccupent que d'un seul sujet : l'avortement. Et ils sont prêts à tout pardonner au président pourvu qu'il nomme des juges favorables à l'abolition de l'interruption volontaire de grossesse. » « Si mon témoignage fait basculer un seul républicain de cette ville... » Michael Ann Johnson, elle, a pris sa décision après avoir lu le rapport Mueller sur les ingérences russes dans la campagne. Ancienne adjointe du procureur général en Ohio, cette juriste -qui a le même âge que Donald Trump- estime que le président a porté atteinte à la démocratie américaine. « Je ne voterai pas pour Trump parce qu'il n'a aucune éthique, tranche-t-elle. J'ai observé ce qu'il a fait au cours de son mandat, et j'ai lu le rapport Mueller dans son intégralité. J'ai trouvé qu'il établissait de manière concluante une collusion avec la Russie. Et cette collusion se poursuit. Je suis très perturbée par la manière dont la Russie de Poutine tente d'influencer notre gouvernement. Trump a détruit l'exécutif, et aussi le parlement. Il n'y a plus de pensée indépendante. » La famille de Michael Ann Johnson a toujours été républicaine, et elle a renoncé à les dissuader de voter une seconde fois en faveur du président. « La discussion avec mes proches est devenue impossible, ils ne veulent pas entendre la vérité, se contentent d'écouter Fox News, une télévision inféodée à la Maison Blanche », reconnaît-elle avant d'ajouter : « Mais si mon témoignage fait basculer un seul républicain de cette ville, alors il aura été utile. » Contre leur culture Le mouvement des républicains contre Donald Trump prend de l'ampleur jusqu'aux plus hautes sphères de l'État. Au moins trois gouverneurs conservateurs, d'anciens membres des administrations Bush père et fils, ont appelé à voter pour Joe Biden. Des dizaines d'anciens responsables de la sécurité nationale ont aussi publiquement appelé à faire barrage au président. C'est le cas du général à la retraite Mark Arnold, qui a combattu en Irak et en Afghanistan. « La majorité des responsables de l'armée à la retraite qui comme moi ont publiquement dit qu'ils ne soutiendraient pas Donald Trump ont agi contre leur culture. Cela veut dire beaucoup, car les généraux et les amiraux, quand ils prennent leur retraite, sont très réticents à l'idée de parler de politique », assure-t-il avant d'expliquer sa décision de rompre avec son parti : « La raison principale de mon ralliement au mouvement des républicains contre Trump, c'est qu'il a mis en danger la relation de l'Amérique avec ses alliés les plus fidèles, des alliés que nous avions depuis des décennies. Cela menace très directement la sécurité de l'Amérique. » Et le général à la retraite soupire : « Même si Joe Biden est élu, il nous faudra du temps pour convaincre nos partenaires que notre signature au pied d'un traité a toujours une valeur. » Au niveau national, plusieurs groupes rassemblent les conservateurs décidés à voter pour Joe Biden. Le plus connu d'entre eux, le Lincoln project publie régulièrement des vidéos très percutantes sur les réseaux sociaux. Selon les organisateurs de la campagne Opération Grant en Ohio, il suffirait que 150 000 républicains votent Joe Biden pour faire basculer l'État dans l'escarcelle des démocrates. ► À écouter : Good Morning du Midwest: deux Amériques devenues irréconciliables?
« The Villages », la plus grande communauté de retraités des États-Unis, a massivement voté pour Donald Trump en 2016. Mais dans cette agglomération du cœur de la Floride, comme ailleurs dans le pays, la gestion chaotique de la pandémie de coronavirus par le président pourrait lui coûter des voix auprès des personnes âgées. De notre envoyée spéciale à The Villages (Floride), The Villages est une agrégation de petits villages de retraités : des communautés gardées, ceintes par des murets, interdites aux personnes extérieures. Elles s'agglomèrent autour de terrains de golf et d'un centre-ville propret, ouvert à tous, bordé d'un lac et doté de nombreux commerces et de restaurants. Chaque mardi, les vétérans de The Villages se retrouvent à la terrasse du City Fire. Les voiturettes de golf – le moyen de transport le plus courant au sein de la communauté – sont garées le long du trottoir, parfois décorées d'autocollants de la campagne de Donald Trump. Jim Leach, 72 ans, ancien marine, porte une casquette aux couleurs du candidat, et s'inquiète entre deux gorgées de bière : « Si Trump n'est pas réélu, Biden va faire de ce pays un pays socialiste. Nous devons vraiment élire Trump. C'est pour cela que je porte cette casquette ! » Au niveau national, les sondages montrent que pour la première fois depuis des décennies un candidat démocrate est en tête chez les Américains de plus de 65 ans. De quoi inquiéter le camp républicain. Pour mobiliser cet électorat crucial, le vice-président Mike Pence s'est rendu samedi dernier à The Villages. Basculement de l'État côté démocrate ? « Je pense que Donald Trump a perdu près de 6 % de ses soutiens au sein de notre communauté, estime Chris Stanley qui dirige le club démocrate local. Et ces 6 % de votes perdus pour Trump, ajoutés aux résultats du reste de la Floride, pourraient changer la donne et faire basculer l'État côté démocrate. Du coup, les esprits s'échauffent, les soutiens de Donald Trump réalisent que les choses ne vont pas bien pour le président. La situation est plutôt tendue en ce moment. » Chris Stanley, qui porte toujours un tee-shirt aux couleurs de Joe Biden, dit se faire insulter quotidiennement dans la communauté. Elle raconte que la manifestation de voiturettes de golf organisée récemment en faveur du candidat démocrate a été la cible d'invectives de la part des partisans du président, qui ont tenté de bloquer le convoi. La gestion de la pandémie par Trump scandalise John Girow est un électeur d'une espèce assez rare : il est indépendant et encore indécis à trois semaines du scrutin. Âgé de 67 ans, il a quitté la capitale fédérale après une longue carrière au Pentagone pour s'offrir une retraite sous le soleil de Floride, et témoigne de sa difficulté à maintenir ses relations avec ses amis des deux camps opposés. « J'ai des amis républicains et démocrates, mais c'est devenu un défi de les rassembler ! Nous ne pouvons plus avoir une conversation décente sans menacer de ne plus nous voir, de briser notre amitié », témoigne-t-il. John a voté pour Donald Trump en 2016, lui reconnaît de nombreuses réussites, mais est scandalisé par sa gestion de la pandémie. « Affirmer que le Covid-19 est comparable à la grippe, qu'il ne faut pas avoir peur, c'est très grave, estime-t-il. Si on l'attrape, on peut en subir les conséquences à vie. Le voir se vanter d'avoir facilement surmonté la maladie, l'entendre dire qu'il est immunisé, que le port du masque est facultatif, comme il l'a fait à quelques kilomètres d'ici lundi dernier m'horripile. Cela pourrait très bien faire la différence pour moi le jour du vote. » Voiturettes aux couleurs de Biden Au quartier général du parti démocrate, Barbara Dieker confirme : parmi les nouveaux volontaires qui affluent pour donner un coup de main à la campagne de Joe Biden, beaucoup citent l'attitude du président vis-à-vis de la pandémie pour justifier leur revirement. « Les personnes âgées sont terrifiées par le virus. L'entendre minimiser le danger, surtout après avoir été lui-même malade, exaspère une population qui se sait vulnérable » explique-t-elle. Sur un banc devant une agence immobilière du centre-ville, Richard Roman savoure la chaleur de cet après-midi ensoleillé. Habitant de New York, il est venu prospecter à The Villages, et envisage de s'y installer pour sa retraite. « Il y a des terrains de golf, de multiples activités, tout est à portée de main, c'est un endroit idéal pour profiter de la vie après une carrière bien remplie » explique-t-il. Devant le passage d'une voiturette de golf ornée d'un drapeau aux couleurs de Donald Trump, il ajoute : « Ici la majorité de la population est du côté républicain. Je m'y sentirai bien, beaucoup mieux qu'à New York. » Mais dans les rues de The Villages, de plus en plus de voiturettes arborent les couleurs de Joe Biden. ► À écouter : Good morning de Laredo, où le mur entre les États-Unis et le Mexique fait toujours débat
Laredo, au Texas, est célèbre depuis le roman culte Sur la route, dans lequel Jack Kerouac met en scène le passage entre le Mexique et les États-Unis. Mais à Laredo, aujourd'hui, on trouve surtout plusieurs centres de détention pour demandeurs d'asile et un sujet y domine les discussions : le mur voulu par Donald Trump. De notre correspondant au Texas, C'était une promesse de 2016. Donald Trump voulait coûte que coûte faire construire un mur avec le Mexique, en particulier à Laredo. Mais ici, la majorité des 260 000 habitants sont contre ce mur. Juan Ruiz fait partie de la coalition No Border Wall et il fait du porte-à-porte pour distribuer ses prospectus qui expliquent que pour lutter contre le mur, il faut aller voter : « C'est clairement un des enjeux de l'élection présidentielle. On veut juste sensibiliser les électeurs, que ce que l'on voit ici ne va plus exister et qu'il y aura un mur qui bloquera toute la vue. » À quelques kilomètres de là, on se trouve dans ce que l'on imagine être le Texas : un territoire vaste, aride, des chevaux laissés en liberté, du bétail. Du moins tant que le mur n'est pas construit. Car pour Joseph Hein, celui-ci sonne la fin de son élevage de chevaux appaloosa : « Ce qui était prévu avant que Trump ne soit élu, c'était d'ériger une tour qui aurait une caméra qui pourrait zoomer et avec un système infrarouge pour voir la nuit. Quand ils m'ont dit qu'ils allaient faire ça, j'étais à 100% d'accord, parce que ce n'est pas gênant pour les animaux sauvages et l'élevage. Les animaux auraient toujours pu aller près du fleuve pour boire. » Vendredi dernier, le 9 octobre, l'administration Trump a été déboutée par une cour d'appel fédérale du droit d'utiliser les fonds militaires pour la construction du mur. Il lui faut maintenant trouver une autre source de fonds, ou attendre une décision de la Cour suprême sur le sujet. À Laredo, on trouve aussi trois centres de détention pour les migrants qui font une demande pour obtenir l'asile aux États-Unis. Mais depuis le début de la pandémie, la frontière est pratiquement fermée. Seuls les travailleurs essentiels sont autorisés à traverser. Donc aucun migrant. Et selon le pasteur Michael Smith, qui aide de nombreux réfugiés dans la ville, cette politique frontalière a un impact économique considérable sur les camps de détention dans la région. « Ils sont payés au nombre de personnes qui dorment dans leurs centres de détention. Et il n'y a personne ! On parle d'entreprises qui génèrent des millions de dollars, et là ils vont perdre énormément. Donc ils vont vouloir que les frontières rouvrent, pour pouvoir enfermer des migrants. Mais je crains que l'administration Trump ne veuille pas ça, et veuille plutôt que les gens arrêtés soient vite jugés et expulsés. Si vous vivez à Laredo, vous savez que cette communauté frontalière vit des consommateurs et des clients mexicains. Vous pouvez aller en centre-ville, ça ressemble à une ville fantôme. » Cette situation économique aura-t-elle un impact sur le vote à la présidentielle ? Par tradition familiale, les Hispaniques, qui représentent 96% de la population de ce comté, votent démocrates. Mais depuis 2016, les républicains affirment que cela chang. « J'étais démocrate toute ma vie, raconte Rosa Linda Palacios, une militante pro-Trump. On a été élevés pour être démocrates. On est devenus républicains à l'arrivée de Trump. Je suis pour le mur, par ce que j'ai grandi ici à Laredo, on est une famille de 16 personnes et ma sœur à été enlevée, il y a deux mois, par un migrant illégal. Grâce aux garde-frontières, elle a été sauvée. Mais si vous saviez tout ce qui se passe ici. C'est pour ça qu'on soutient le mur. » Un argument sécuritaire que la présidente du parti démocrate local, Sylvia Bruni, ne comprend pas : « Vous savez, nous sommes une des villes les plus sûres de tout le Texas. Toutes les études disent que les clandestins ne passent pas en nageant. La drogue et les violeurs non plus. Ils viennent en avion ou en voitures. Ce sont les faits. Je vois au QG des démocrates des gens de 50 ans, de 60 ans, qui n'avaient jamais voté de leur vie. Mais là, ils ont peur de ce qui peut se passer avec cet homme. » La dernière fois qu'un candidat républicain à la présidentielle a eu la majorité des votes dans le comté de Laredo, cela remonte à 1912.
Le président américain a regagné la Maison Blanche lundi 5 octobre au soir, après avoir passé trois jours à l'hôpital militaire Walter-Reed. Donald Trump, qui a dû recevoir de l'oxygène vendredi dernier, a déclaré sur Twitter vouloir reprendre rapidement sa campagne. Ils étaient quelques dizaines, peut être même une centaine, qui agitaient des drapeaux, scandaient des slogans ou même priaient pour le président sur le trottoir juste devant Walter-Reed. Et le départ de Marine One, l'hélicoptère présidentiel, a été acclamé. Pour beaucoup des partisans de Donald Trump, sa sortie rapide de l'hôpital est le signe de sa force, de sa détermination. Devant l'hôpital, voici Greg Azarbakian et sa compagne Alice. Lui habillé comme le président, costume bleu, chemise blanche cravate et casquette rouge, elle portant un tee shirt sur lequel Donald Trump figure en guerrier ultra musclé sur un tank... « Plus fort » Selon Greg Azarbakian, « Trump n'aime pas être victime, il n'aime pas vivre dans la peur. Il quitte l'hôpital bien plus fort et dans une forme qu'il n'a jamais eue. Il va utiliser ce moment à son avantage, il va organiser de superbes meetings. Et nous allons tous voter pour lui lors des élections ». Même son de cloche auprès d'Alice : « Vous savez Donald Trump a plus d'energie et de force maintenant avec le Covid que Joe Biden n'en a jamais eu lors de ses meilleurs jours. » En même temps, la maladie a humanisé le président, et permis aux Américains touchés par le virus de se sentir peut-être mieux compris. Bill, rencontré aussi devant l'hôpital : « Avant d'être atteint par le Covid-19 il faisait deux ou trois meetings par jour donc cela a affecté sa campagne. Mais ce qui va avoir un effet énorme sur sa campagne, c'est toute la publicité que cela va lui apporter et cela va montrer à beaucoup de gens son côté humain, que lui aussi peut être affecté. » On aurait pu croire que la maladie de Donald Trump allait inciter ses partisans à plus de prudence à plus de précautions, mais ce n'est pas le cas. Rares étaient ceux qui portaient un masque devant l'hôpital. Ainsi Helen, une femme pourtant à risque puisqu'elle a le même âge que le président : « Non je ne porte pas de masque, vous en portez un et je vois bien qu'il est un peu sale. Cela ne sert à rien. Vous ne vous protégez pas et vous ne me protégez pas. La vie ordinaire doit reprendre. On ne peut laisser aucun gouvernement, aucun gouverneur, aucun maire imposer le port du masque. Les masques ne sauvent personne. » Le président a vite retiré son masque Aussitôt rentré à la Maison Blanche, le président a d'ailleurs retiré son masque devant les caméras et l'a glissé dans sa poche. Il a aussi levé le pouce en signe de victoire et publié une vidéo sur son compte Twitter : « J'ai tant appris du coronavirus, dit-il, et une chose est certaine : ne le laissez pas vous dominer. N'en ayez pas peur. Ne le laissez pas prendre l'ascendant sur votre vie. Ne laissez pas cela se produire. Je sais qu'il y a un risque, que c'est dangereux, mais ça va. Et maintenant je me sens mieux, et peut être que je suis immunisé je ne sais pas mais ne le laissez pas dominer votre vie. Sortez, faites attention, et le vaccin arrive de façon imminente. » Bref, pour le président le coronavirus appartient presque déjà au passé. Son médecin a pourtant prévenu qu'il n'était pas tout à fait sorti d'affaire. Et le pays a passé, lundi, le cap des 210 000 morts.
Les deux candidats à la présidentielle du 3 novembre, Donald Trump et Joe Biden, vont s'affronter pendant 90 minutes sans interruption sur une scène, ce mardi soir 29 septembre à Cleveland, dans l'Ohio. Un moment très attendu dans la campagne présidentielle aux États-Unis. De notre envoyée spéciale à Cleveland, L'enjeu est crucial pour les deux candidats, en particulier pour Donald Trump qui est en retard dans les sondages. C'est sur lui que pèse la plus forte pression. D'autant que le président s'est lui-même placé dans une situation compliquée pour ce débat car il n'a cessé de dénigrer son concurrent Joe Biden qu'il appelle « Sleepy Joe », Joe l'endormi. Il a accusé le démocrate d'être sénile, de ne pas être capable de gouverner. Si Joe Biden fait une performance convenable, l'argumentaire de Donald Trump risque donc de tomber à l'eau. Conscient de ce piège, le président a récemment changé de discours et estimé que, tout compte fait, Joe Biden était un débatteur convenable. Mais il l'a accusé de se droguer et a proposé une sorte de contrôle antidopage. « En regardant certains des débats des primaires je me suis dit : il ne peut absolument pas continuer, il n'en peut plus, et soudainement quand il a débattu avec ce fou de Bernie Sanders, il était ok, a affirmé Donald Trump dimanche 27 septembre. Donc je me suis dit : comment il peut passer d'une performance désastreuse à une performance convenable, et les gens ont dit qu'il avait pris des drogues. J'aimerais qu'on soit testés. Je pose juste la question, je pense que ce serait approprié de faire des tests parce qu'on ne peut pas avoir un président qui a besoin de ce genre d'aide ». Un débat bouleversé par le Covid-19 Ces contrôles n'auront bien évidemment pas lieu, mais les conditions de ce débat sont tout de même exceptionnelles car à cause de la pandémie de coronavirus toute la campagne a été bouleversée. Habituellement, le débat est un moment de liesse pour les supporters des candidats qui sont dans la salle, mais cette année, d'importantes restrictions ont été imposées. « Normalement, on a environ 900 personnes qui sont dans la salle. Cette année, on n'aura que 80 à 90 sièges à cause de la distanciation sociale, explique Frank Fahrenkopf qui co-préside la commission qui organise ces débats présidentiels. Le président et l'ex-vice-président seront sur scène avec le modérateur Chris Wallace, à distance les uns des autres. Et tous ceux qui seront dans la salle devront présenter un test négatif au Covid-19 et tous devront porter un masque. À cause du coronavirus, il n'y aura pas de poignée de main ni de salut du coude parce que ce serait trop bizarre ». Six thème de discussion sont prévus, tels que la nomination d'une nouvelle juge anti-avortement à la Cour suprême, la gestion du Covid-19 dans le pays qui compte le plus de morts au monde, les tensions raciales depuis la mort de George Floyd, et certainement aussi les révélations du New York Times selon lesquelles le milliardaire Donald Trump n'a payé que 750 dollars d'impôts en 2017. Des thèmes sélectionnés par l'arbitre de cette soirée, Chris Wallace, journaliste vedette de Fox News, mais l'un des rares unanimement respectés dans cette chaîne d'information ultra trumpiste. Près de 100 millions de téléspectateurs attendus C'est donc à la télévision que les Américains vont suivre ce débat, ils pourraient être plus de 100 millions devant leurs écrans. Il s'agit surtout pour les candidats de convaincre les indécis. L'ambiance à Cleveland est en tout cas hyper sécurisée. Un imposant dispositif de sécurité entoure la salle où aura lieu le débat. La garde nationale est déployée. On attend des manifestants dans la rue pour soutenir les deux candidats et certains commerçants qui craignent des débordements apposaient dès lundi des planches sur leurs vitrines pour les protéger.
La rentrée scolaire à New York se déroule en plusieurs étapes. Cette semaine, ce sont les écoles maternelles qui rouvrent. En tout, la ville compte plus d'un million et demi d'écoliers. Une reprise loin de se passer en douceur. New York a été durement frappée par le coronavirus au début de la pandémie avec 23 700 morts. Et même si aujourd'hui, l'épidémie est sous contrôle, les enseignants s'opposent à la rentrée en présentiel. De notre correspondante à New York, Depuis que le maire Bill De Blasio a annoncé cet été que la ville optait pour le présentiel, les enseignants et les syndicats protestent. Il faut savoir que New York dispose du plus vaste système scolaire du pays avec plus d'un million d'élèves. Mais c'est aussi l'un des plus inégalitaires. Souvent, les écoles publiques disposent de peu de moyens, certaines salles de classe n'ont pas de fenêtre ou de ventilation. Ce qui pose beaucoup de questions. « On sait qu'on travaille dans des conditions dangereuses, explique Jane Taylor, enseignante dans une école primaire de Manhattan. D'après le maire, ce n'est pas grave que les enfants mangent dans les classes sans leur masque, même si jusqu'à présent, à New York, il est toujours interdit de manger à l'intérieur des restaurants. Et donc, on est nombreux à avoir peur d'avoir les enfants sans masque dans des salles très peu ventilées. » Des dépistages automatiques avaient également été promis, mais ce sera finalement aléatoire. Selon les syndicats, il n'y a pas assez d'infirmières dans les écoles, les enseignants n'ont pas été suffisamment formés. L'impression d'une rentrée mal gérée « On a l'impression d'être une expérimentation, poursuit Jane Taylor. Et ça va être triste quand quelqu'un de notre bâtiment tombera malade. Qu'est-ce qu'on va faire si quelqu'un meurt du Covid ? Vous savez, mon père a 74 ans et je sais que je ne vais pas le voir pendant un moment. Je serai exposée à tellement de personnes, je n'ai pas envie de le soumettre à ça. » Ce que veulent les enseignants, c'est commencer l'année en ligne, pour avoir le temps de bien préparer un retour en présentiel dans de meilleures conditions. Ils reprochent au maire d'avoir voulu ouvrir les écoles coûte que coûte. Sans compter que la date de la rentrée a été changée au moins trois fois, puis finalement à la dernière minute, que le maire a décidé de décaler les rentrées des écoles primaires, collèges et lycée. Tout cela donne l'impression aux enseignants que la rentrée est mal gérée. Retrouver une vie normale Les parents ont le choix entre d'un côté, une formule hybride où les enfants passent deux ou trois jours à l'école et le reste de la semaine, tout se fait en ligne, et de l'autre, un enseignement 100 % à distance. Près de 60 % de parents ont choisi d'envoyer leurs enfants à l'école. Beaucoup parce qu'ils n'ont tout simplement pas le choix, s'ils travaillent et qu'ils n'ont personne pour rester avec leurs enfants, ou qu'ils n'ont pas accès à Internet ou à des ordinateurs. Comme Julia Albores, certains estiment que c'est ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants : retrouver un semblant de vie normale. « Je crois que c'était dur pour eux d'être dans leur chambre, sur une chaise, devant un ordinateur toute la journée, confie-t-elle. Je crois que ça les fatiguait et ça les a affectés sur le plan émotionnel. Mon fils Emilio parfois se mettait à pleurer. Et même si on veut éviter tout risque pour nous, nos voisins et la communauté, on devait prendre en compte leur santé mentale. » Manifestations d'enseignants et de parents Elissa Berger, elle, a choisi de garder ses enfants à la maison et dit partager les inquiétudes des enseignants sur la sécurité. « Ce sont eux qui savent le mieux ce qui se passe en classe. Je pense que la ville devrait les écouter et leur faire confiance. Qu'est-ce qui va se passer si mon enfant de 6 ans pleure en classe ? Qui va le consoler ? Tout ça compte pour moi. J'adorerais que mes enfants retrouvent leurs enseignants, mais on n'est pas prêts ! » Le week-end dernier encore, plusieurs manifestations d'enseignants et de parents ont eu lieu à New York. Ils espèrent encore convaincre le maire de retarder la rentrée en présentiel quelques semaines, le temps d'être sûr que tout est en place. Et éviter de devoir fermer les écoles à nouveau à cause d'éventuelles contaminations. ► À lire également : Good morning de Wilmington, dans le fief de Joe Biden
À Wilmington, dans le fief de Joe Biden. Le candidat démocrate y fait l'essentiel de sa campagne depuis sa maison située dans les quartiers cossus de cette ville du Delaware. De notre envoyée spéciale, Le Claymont Steak Shop est un petit restaurant spécialisé dans la vente de sandwiches à la viande. Des photos de Joe Biden tout sourire aux côtés de la propriétaire sont affichées sur le mur. Car le candidat à la présidence fréquente les lieux depuis décennies. « Je l'ai rencontré quand il était vice-président. Il est venu déjeuner avec son équipe, raconte Ayleen Beclarian, employée depuis dix ans au Claymont Steak Shop. Il était très humble, il est entré, a fait la queue comme tout le monde. Il a parlé aux clients, a fait des photos avec eux, il était très aimable. » Joe Biden, un homme accessible et courtois, que tout le monde ou presque semble avoir croisé à Wilmington. Tyron Baily, 59 ans, est assis devant le porche de sa maison dans le quartier noir de l'ouest de la ville. Il a rencontré l'ex-vice-président lorsqu'il était employé au supermarché du quartier où vivent les Biden. « C'était mon premier boulot, je remplissais les sacs des clients. Joe Biden m'a donné cinquante dollars parce que j'avais emballé ses marchandises, et il m'a dit de continuer à faire du bon boulot. Il est proche des gens, il connaît tout le monde. C'est mon homme ! » lance Tyron, convaincu que son candidat sera élu. C'est dans la pizzéria de Gianni Esposito que Joe Biden a annoncé sa candidature à la Maison Blanche. Gianni raconte avoir perdu des clients ce jour-là du fait de l'affluence de journalistes et de photographes qui encombraient sa petite échoppe. Et il se garde bien de prendre parti dans la course à la présidence. « Mes vues politiques sont différentes de celles de Joe Biden, mais si les gens m'entendent parler, ils vont dire que je suis raciste ou fanatique. C'est l'Amérique d'aujourd'hui : tu ne peux plus exprimer ton opinion. De nos jours, quand les gens ont une opinion différente, ils deviennent ennemis. Mon business, c'est de vendre des pizzas, et je ne veux être l'ennemi de personne. Joe Biden est un homme bien. Mais est-ce que je vais voter pour lui ? Je n'en sais rien », explique le patron de la pizzéria.« Les marchés boursiers vont sombrer si Joe Biden est élu. En ce moment, les cours sont au plus haut », réagit un client. Erik Anderson, ingénieur de 29 ans, ne bronche pas en écoutant la conversation, mais une fois sorti de la pizzéria, il nous confie : « Je suis progressiste. Être de gauche aux États-Unis, c'est souffrir la plupart du temps. J'ai voté pour Bernie Sanders aux primaires, et je considère que Donald Trump est une menace sévère pour la démocratie. Je ne suis pas emballé à l'idée de voter pour Joe Biden, je ne suis pas super enthousiaste, mais je sais au moins que c'est un type décent. » La gare de Wilmington, un petit bâtiment de briques rouges surmonté d'un clocher, a été rebaptisée Joe Biden Station, car c'est ici que pendant trente-six ans Joe Biden a pris le train pour se rendre au Sénat à Washington. Il rentrait tous les soirs par le même moyen pour s'occuper de ses deux fils. C'est à cette époque que Lee Murphy, conducteur de train aujourd'hui à la retraite, a rencontré le candidat démocrate. Lee Murphy se présente aujourd'hui comme candidat républicain au congrès. « Parfois, si j'en avais besoin, Joe me proposait de me ramener en voiture chez moi depuis la gare. Dans les années 80 et 90, les gens pouvaient ne pas être d'accord, mais tout de même s'entendre et être amis. Mais ces temps sont révolus », constate-t-il avant d'assener : « Je pense que Joe est un bon père de famille, mais franchement, s'il est élu, il sera sous le contrôle des membres les plus radicaux de son parti, ce que je trouve très triste ».À Wilmington, les qualités humaines de Joe Biden sont unanimement reconnues. Mais le fief de l'ex-vice-président démocrate n'est pas épargné par les divisions qui fracturent l'Amérique. ► À écouter aussi : Good morning de Portland, où deux Amériques se font face Good morning de Kenosha, ville symbole des divisions de l'Amérique de Trump
Déjà plus de 100 jours de protestations à Portland depuis la mort de l'Afro-Américain George Floyd tué fin mai par un policier blanc. Et ces manifestations prennent de plus en plus la forme d'affrontements violents entre extrême gauche et extrême droite avec déjà un mort la semaine dernière. De notre envoyé spécial à Portland, Éric de Salve La parade pro-Trump commence par un discours énergique de Joey Gibson, le leader des Patriot Prayers, cette milice de suprémacistes blancs de l'Oregon. Ils rendent hommage à l'un de leurs membres, mort il y a huit jours dans les rues de Portland. Tim, pistolet à la ceinture, tient un portrait de son ami dans les mains. Il était là quand Aron Jay Danielson, 39 ans, est mort sous les coup de feu d'un manifestant antifasciste : « Ils l'ont ciblé parce qu'ils ont vu que c'était un supporter de Trump, j'étais là, j'ai tout vu, c'était un assassinat. » Dans le défilé, l'assistance demande quatre ans de plus à la Maison Blanche pour Donald Trump. Beaucoup sont venus avec leur fusils d'assaut et leur tenue camouflage. Tim lui s'est contenté d'un pistolet à la ceinture. Ce chasseur de prime tient dans les mains les portrait d'Aron Jay Danielson, qui était son ami. « Ils l'ont ciblé parce qu'ils ont vu que c'était un supporter de Trump, j'étais là, j'ai tout vu, c'était un assassinat. » Huit jours à peine apres la mort de son militant, le groupuscule nationatiste organise une nouvelle parade près de Portland, pour soutenir Donald Trump et fustiger les manifestations anti racistes du mouvement contre les violences policières. Selon Debbie, casquette « Trump2020 » sur la tête, Black Lives Matters chercherait a faire des États-Unis un pays communiste, tandis que Donald Trump serait le garant de l'ordre et des valeurs chrétiennes : « On veut juste pratiquer la distanciation sociale avec les socialistes. J'ai affronté plusieurs fois les antifa et "Black Lives Matters". Ils sont dans l'erreur, ils ne comprennent pas ce qu'il se passe, on leur a lavé le cerveau. Je suis triste pour eux. Mais comme l'a promis le président Trump, nous ne serons jamais un pays marxiste, ni un pays socialiste. Il est le président le plus pro-chrétiens que nous n'ayons jamais eu. Il est pro-vie, contre l'avortement et c'est pour ça qu'ils veulent constamment l'abattre mais Dieu dit non, c'est l'homme qu'il vous faut. » Puis la parade commence. Une colonne de plusieurs centaines de véhicules, d'énormes pick-up aux moteurs rugissants pour la plupart, tous flanqués de dizaines de drapeaux Donald Trump. De l'autre côté de la route, certains passants anti-Trump n'hésitent pas à répondre par des bras d'honneur. Au bout d'une heure, le cortège arrive devant le Capitole de l'Oregon, dans la ville de Salem. Quelques militants « Black Lives Matters » les attendent avant d'être chassés à coup de batte de baseball par des miliciens également armés de fusils d'assaut. « Ils veulent lancer une guerre raciale. Si le gouvernement ne réagit pas, si nos élus continuent de dire que Black Lives Matters mènent des protestations pacifique au lieu de dire que ce sont des terroristes intérieur, nous courrons à la guerre civile. Oui la guerre civile. C'est ce que va se passer, fulmine un militant suprémaciste raciste et soutien de Donald Trump, oui il faut vraiment chercher des années et des années avant lui pour trouver meilleur président. » Aucun mort cette fois-ci, mais chaque camp promet de revenir manifester dans Portland, qui a depassé ce weekend les 100 jours consécutifs de protestations anti raciste depuis la mort de George Floyd à Minneapolis. Faisant de cette ville de la côte ouest le symbole des division de l'Amérique.
Donald Trump se rend ce 1er septembre à Kenosha, petite ville du Wisconsin secouée par des émeutes la semaine dernière après qu'un policier blanc a tiré sept balles dans le dos d'un Afro-Américain. Le président, qui axe sa campagne sur la loi et l'ordre, ne cesse d'évoquer le chaos qui risque d'embraser le pays si les démocrates parviennent au pouvoir. Et les débordements lors des manifestations suscitées par les bavures policières ou l'injustice raciale alimentent sa campagne. Ellen Hash habite dans la campagne, à quelques kilomètres de Kenosha et a planté une grande pancarte Donald Trump dans son jardin. Et les émeutes qui ont enflammé le centre-ville après que Jacob Blake a reçu sept balles dans le dos ne font que renforcer ses convictions : elle accuse les démocrates d'exploiter un incident : « Ils essayent d'entrainer l'Amérique dans une guerre raciale et je pense que c'est un plan qui remonte à longtemps. Le racisme n'est pas systémique dans ce pays, c'est juste un scénario. Il y a une raison pour laquelle un policier a tiré sur cette personne..Il y a toujours une raison. Et ils ont sauté sur la conclusion que c'est un flic raciste qui a juste tiré sur un pauvre Afro-Américain. C'est le scénario qu'ils ont écrit. Et leur projet est de faire de l'Amérique un pays socialiste. » Un peu plus loin, un autre panneau Donald Trump accueille les visiteurs chez Mary Ring. Elle aussi croit à une conspiration pour détruire l'Amérique : « bien sûr les vies noires comptent, les vies blanches comptent, la vie des bébés pas encore nés compte. Toutes nos vies comptent. Mais les gens du groupe Black Lives Matter, ce sont des marxistes. Ils veulent changer le mode de pensée des Américains. C'est la gauche radicale. Donc ce qu'a dit le président Trump est la vérité. Joe Biden est une marionnette aux mains de la gauche radicale et Donald Trump dit la vérité ! » Le calme après la tempête Au centre de la ville de Kenosha, le calme est revenu, mais Anna Smith reste très choquée par les pillages. Elle s'est acheté une arme et les événements l'ont convaincu de voter pour le président : « Je n'ai jamais été aussi effrayée de ma vie dans ma propre ville. J'ai peur des émeutes et du chaos organisé. J'aimerais que le président se taise un peu plus, mais vu ce qui s'est passé dans ma ville et vu la peur que je ressens, je suis contente d'avoir le droit de porter une arme. Je crois que cela aura vraiment un impact sur les élections. Parce que beaucoup de gens ont peur dans cette ville et nous voulons être capables de nous défendre. » Juste en face, Katty arrose son jardin. Elle et son mari Barry ont été bouleversés par ce qui est arrivé à Jacob Blake. Et tous deux le constatent : même dans leur petite ville, les divisions entre partisans et opposants de Donald Trump ne cessent de se creuser : « Il y a tant de tensions et de divisions entre les deux parties et dans les manières de penser que je ne sais pas si, même après les élections, nous pourrons les surmonter. » Katty rajoute : « Nous sommes sept enfants dans ma famille et nous sommes tous divisés au sujet du président. Certains ne lui font pas confiance et d'autres trouvent qu'il fait du super boulot. J'ai perdu des amis. J'ai rompu avec ma meilleure amie que je connais depuis 65 ans, parce qu'elle le soutient à fond. Elle estime que les noirs qui ont été abattus étaient de pauvres types de toute façon. » La venue de Donald Trump ce mardi à Kenosha risque de jeter de l'huile sur le feu. Elle est perçue comme une provocation par les militants de Black Lives Matter qui continuent de se rassembler pacifiquement chaque jour dans un petit parc du centre-ville.