Podcasts de Philippe Silberzahn sur l‘entrepreneuriat, l‘innovation et la transformation dans un monde incertain. Décryptage de l‘actualité, analyse de cas réels, opinions.
Clap de fin pour Elon Musk. Le brillant entrepreneur n'aura pas tenu longtemps dans les hautes sphères gouvernementales américaines pour réformer l'administration avec son fameux programme DOGE. Quelles leçons tirer de cet épisode rocambolesque pour la transformation organisationnelle? Certainement pas que toute réforme est impossible. Plutôt que c'est la posture et la méthode du réformateur qui comptent.
Comment réduire l'incertitude? C'est la question qui agite tous les Comex de France et du reste du monde dans les temps troubles que nous vivons. La tentation la plus évidente est de mobiliser l'arsenal de la pensée prédictive: foresight, scénarios, modélisation, enquêtes clients, et de nos jours, naturellement, IA. Or l'incertitude ne se résout pas par des efforts de prévision, mais par l'action. Et en la matière, l'action la plus puissante est la coopération. Un aveugle tenant la main à un autre aveugle? Pas forcément: la coopération permet de ne plus avoir besoin de prédire pour agir de façon créative et avancer sans rester paralysé.
Attirer des investisseurs étrangers en France, c'est très important. Garder ceux qui y sont, c'est aussi important. Derrière les paillettes du grand show ‘Choose France' à Versailles, la réalité est qu'il est difficile d'investir en France, en particulier pour y construire des usines, comme l'ont souligné récemment quelques grands patrons. Inverser la désindustrialisation française se fera par un travail de fond sur la réglementation, et pas seulement par quelques gros coups médiatiques. Dans un monde gouverné par l'immédiat et la comm, ce n'est pas gagné d'avance.
Lorsqu'on évoque les progrès incroyablement rapides de la technologie dans le monde du travail, on observe deux réactions opposées: soit une crainte très forte de ses effets (« Le métier de comptable va disparaître »), soit un enthousiasme débridé (« Chacun peut être un Michel-Ange maintenant! »). Les deux supposent que les compétences professionnelles vont compter de moins en moins face à la machine. Or, rien n'est moins sûr. Une décision prise par la Marine américaine apporte un éclairage intéressant sur la question.
Il y a un paradoxe de l'entreprise: beaucoup de ceux qui sont censés la diriger avouent parfois leur impuissance à faire avancer leurs projets d'innovation ou de transformation. Et cela ne concerne pas que les managers intermédiaires. Il m'arrive souvent d'entendre « à mon niveau je ne peux rien faire. » Venant de hauts dirigeants, l'aveu est étonnant. La raison est souvent que ces dirigeants n'ont pas pris conscience de la dimension politique de leur fonction. Par dimension politique, il faut entendre la capacité à peser sur le collectif pour le faire aller dans une direction donnée, ici pour faire avancer des projets bloqués. Cette capacité repose rarement sur une autorité formelle; elle doit se construire. Un exemple historique dont on peut utilement s'inspirer est la façon dont Lyndon Johnson a réussi à dominer le Sénat américain avant de devenir Président des États-Unis.
Tout le monde aime les belles histoires. Mais pourquoi? Parce qu'elles sont bien plus qu'un divertissement. Leur importance a depuis longtemps été comprise par les grands dirigeants qui, avec le story telling, posent le récit comme un acte de leadership. Mais celui-ci constitue un art difficile. Pour comprendre pourquoi, il faut évoquer une controverse entre Tolkien et Disney à ce sujet.
Comment ne pas être frappé par le déchaînement de forces irrationnelles et autodestructrices à l'œuvre aux États-Unis avec Donald Trump mais aussi en Europe? Partout, des discours publics déconnectés de la réalité prospèrent dans un climat de délitement institutionnel. Cette séduction de l'irrationnel, face aux bouleversements du monde que nous vivons, n'est toutefois pas inédite. L'Europe des années 1920 a connu un phénomène remarquablement similaire, dont les leçons méritent notre attention si nous voulons éviter la répétition tragique de l'histoire.
Nous restons souvent prisonniers d'oppositions que nous croyons évidentes, mais qui ne résistent pas à l'analyse. L'une des plus tenaces est celle qui oppose performance et humanité. Comme si la première ne pouvait s'obtenir qu'au prix de la seconde, et que pour cultiver la seconde il faudrait renoncer à la première. Dans ce schéma, la morale semble dicter son choix : l'humanité, bien sûr — la performance étant entachée de soupçons d'inhumanité. Et si, au lieu de les opposer, nous apprenions à les tenir ensemble? Et si, mieux encore, la tension entre performance et humanité devenait une source d'énergie, voire d'avantage concurrentiel?
Le nouveau commissaire au Plan, rend hommage à Pierre Massé, figure historique de la prospective. L'occasion de revenir sur cette vieille croyance nationale : celle selon laquelle l'avenir peut – et doit – être piloté depuis le sommet. Dans cet épisode, je décrypte ce que cache vraiment cette méfiance envers le “hasard”, souvent synonyme de marché, d'émergence... Pourquoi la technostructure s'accroche-t-elle encore à ses outils de planification ? Pourquoi le futur est-il perçu comme une menace s'il n'est pas organisé par l'État ? Et surtout : que dit ce culte du contrôle de notre rapport au pouvoir, à l'incertitude, à l'innovation?
Les meilleures leçons de management ne se trouvent pas toujours dans les livres … de management. Parfois, la littérature offre des perspectives bien plus riches. C'est le cas de Kim, le roman de Rudyard Kipling, paru il y a plus d'un siècle. Il y est question de tracer sa voie dans un monde complexe et incertain. Cet épisode est disponible sur les principales plateformes de podcast.
Dans un monde idéal, la présentation de faits objectifs devrait naturellement amener les individus à réviser leurs croyances. Pourtant, l'expérience nous montre une réalité bien différente : nos croyances et nos opinions, même absurdes, sont une source d'enfermement et nous restons souvent inébranlables face aux preuves contraires. La base électorale MAGA (Make America Great Again) de Donald Trump est un cas d'école extrême qui fascine les chercheurs. Mais comme toujours, il y a un « mais » et la leçon n'est pas celle qu'on croit…
Avec le slogan « Stand up for science », des marches ont été organisées le 7 mars dernier pour défendre la science comme pilier de la démocratie. Ces manifestations visaient à protester contre les coupes budgétaires et les licenciements massifs dans les organismes américains et les universités, décidés par la nouvelle administration Trump. Aucune institution, même parmi les plus prestigieuses, ne semble épargnée par cette vague de répression. Pourtant, les institutions universitaires ne sont pas de simples victimes innocentes. Elles portent une lourde part de responsabilité dans la crise de légitimité qu'elles traversent, ayant depuis longtemps oublié l'idéal de vérité pour se mettre service de causes idéologiques.
La technologie est partout, nous l'utilisons tous les jours, mais qu'est-elle exactement? Bien plus que des machines ou des algorithmes. Elle est l'invention humaine pour partager la connaissance et rendre celle-ci utile à ceux qui ne la possèdent pas. En rendant la coopération humaine possible et créative, elle constitue la base de la civilisation.
Un député ayant voté les pour les ZFE (zones de faible émission) avouait récemment à l'écrivain Alexandre Jardin, qui est très engagé contre cette mesure: « On a voulu bien faire, même si on a mal évalué l'impact ». On aurait pu croire que les lois étaient précisément votées sur la base de leur impact attendu, mais c'est manifestement faux. Elles semblent être plutôt votées sur des principes idéologiques. Elles constituent en cela ce que l'économiste Thomas Sowell appelle des solutions catégoriques, prétendant apporter une réponse unique et simple à des problèmes sociaux en réalité complexes. Les solutions catégoriques sont devenues monnaie courante aujourd'hui, éclipsant des approches pragmatiques, nuancées et justes, et les conséquences sont catastrophiques.
Avec l'arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis le 20 janvier, nous entrons dans une période d'incertitude radicale plus forte encore que ce que nous avions connu, y compris ces dernières années. Nous pensions que nous vivions dans un monde incertain? Nous n'avions encore rien vu. Supporter cette incertitude suppose d'accepter une forme de vertige, ce sentiment d'un monde en déséquilibre. Pour le philosophe André Glucksmann, accepter le vertige du renoncement aux certitudes est une force. Le vertige traduit une forme de libération qui nous permet de penser avec lucidité et constitue un levier de créativité et de transformation. Mais rien ne dit que nous aurons cette force.
Les vérités qui semblaient incontestables hier peuvent être abandonnées presque du jour au lendemain, remplacées par d'autres tout aussi incontestables. Par exemple, ces dernières semaines, de grandes entreprises et institutions américaines ont renoncé les unes après les autres à leur politique DEI (diversité, équité et inclusion), qu'elles avaient pourtant défendue pendant des années. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres de changement soudain d'opinion. De manière générale, il est frappant de constater à quelle vitesse l'opinion publique peut évoluer sur un sujet donné. Ce phénomène contre-intuitif s'explique pourtant par un processus appelé cascade de disponibilité. Il montre que les idées qui triomphent ne sont pas nécessairement les plus justes, mais celles qui sont les plus visibles et répétées.
Le management aime les tartes à la crème et à ce titre, le souhait d'un management « plus humain » figure en bonne place. Après tout, qui pourrait être contre? Personne ne souhaite un management inhumain, ou non humain. Et c'est bien là le problème: si personne ne peut être contre, c'est que ça ne veut rien dire ou, pire, que chacun y met ce qu'il veut. Un management extrêmement exigeant peut être humain, au sens où il tire vers le haut et permet d'accomplir des exploits, tandis qu'une humanité de façade peut être toxique.
L'émergence brutale de la startup Deepseek pour concurrencer les acteurs tels qu'OpenAI ou Meta est un coup de tonnerre dans le monde de l'IA. Les disrupteurs sont disruptés à leur tour. C'est l'illustration parfaite de la nature très particulière de l'innovation de rupture, qui la rend si difficile à appréhender. Voici huit leçons qu'on peut en tirer.
Les causes du déclin d'une société sont souvent internes. Elle décline parce qu'elle conserve ou adopte des croyances qui empêchent son adaptation à un monde qui change. Lorsqu'une crise fragilise son modèle, elle est tentée d'adopter des croyances extérieures qui promettent une solution facile. Celles-ci peuvent s'avérer fatales. C'est ce qui est arrivé à l'Europe. Depuis une vingtaine d'années, elle s'est persuadée qu'il fallait sacrifier son industrie et son agriculture et renoncer au progrès technologique pour sauver l'environnement. Cette croyance est toxique et il est urgent qu'elle la reconsidère si elle veut enrayer ce déclin.
La France est engagée dans une dérive normative infernale. Chaque morceau de notre vie personnelle et professionnelle est désormais réglementé par un nombre croissant de règles. Discutez avec n'importe qui – votre voisin, un agriculteur, un commerçant, un chef d'entreprise – et chacun a son anecdote, son histoire d'horreur petite ou grande où Ubu le dispute à Kafka. Même des ministres, c'est dire, se sont émus de la complexification de la vie. Il semble que la demande de simplification soit universelle. Et pourtant rien ne change! Rien ne change parce nous ne comprenons pas la nature de cette dérive. Sans cette compréhension, tous les efforts de simplification, aussi sincères soient-ils, seront vains.
L'Europe est sous le choc des attaques répétées dont elle fait l'objet par Elon Musk et Donald Trump. Les deux incarnent, chacun à leur manière, les nouveaux défis auxquels elle peine à répondre. Musk, avec ses innovations disruptives, agit comme un révélateur de ses faiblesses structurelles, tandis que Trump, symbole d'un monde transactionnel et sans concessions, souligne son inadaptation à une nouvelle réalité géopolitique. Ces figures, loin d'être des anomalies, mettent en lumière un modèle européen vieillissant, incapable de rivaliser sur le plan de l'innovation et de s'affirmer face à des adversaires résolus. Ce constat impose une réflexion urgente: l'Europe doit sortir de son aveuglement et engager des réformes profondes pour éviter l'insignifiance.
Le décrochage économique de l'Europe, et surtout de la France, par rapport aux autres grands acteurs que sont les États-Unis et la Chine, entre autres, est désormais avéré. Il s'observe quels que soient les indicateurs quantitatifs (croissance, productivité) et qualitatifs (retard voire absence pure et simple dans tous les nouveaux secteurs technologiques tels que IA ou biotech). Le plus inquiétant n'est pas le décrochage en lui-même – rater des trains, cela arrive. Le plus inquiétant est l'absence de réaction, voire tout simplement d'intérêt pour cette question pourtant vitale. Cette absence d'intérêt est particulièrement étonnante de la part des grandes écoles, et notamment des écoles de management, qui devraient être au premier rang de la mobilisation.
Comment un collectif peut-il fonctionner alors que nous avons chacun des fins radicalement différentes? La question est aussi ancienne que l'humanité. Pendant très longtemps, la réponse a été de deux ordres: soit par la force, en soumettant le groupe à un chef puissant, soit par l'idée, en unifiant le groupe autour d'une finalité commune (religieuse, philosophique ou politique). En 1648, après trente ans de guerres de religions, le traité de Westphalie apporte une réponse radicalement différente: unifier l'Europe en renonçant à l'impératif de finalité commune. Cette réponse, révolutionnaire, résonne encore aujourd'hui, bien au-delà du seul domaine politique.
Le déclin de la France ne fait plus guère débat aujourd'hui. Il se manifeste par quantité de chiffres économiques et sociaux. De puissance moyenne, nous devenons peu à peu une puissance impuissante, rongée par des problèmes économiques, financiers et sociaux qui nous semblent insolubles. Le monde se construit sans nous, une réalité difficilement acceptable pour un peuple qui a longtemps prétendu le guider par sa flamme. Pour comprendre la logique de ce déclin, il est intéressant de relire l'historien Arnold Toynbee, spécialiste de l'histoire des civilisations. Pour lui, le déterminant de l'ascension et du déclin d'une civilisation est sa capacité créative. C'est une perspective fascinante.
Une nouvelle fois le monde a été complètement surpris par un tournant brutal du cours des choses. Le régime politique Syrien de Bachar el-Assad, en place depuis plus de cinquante ans, s'est effondré comme un château de cartes. Il en va des régimes comme des organisations: La solidité apparente masque une grande fragilité. La croyance en la continuité est illusoire. Les dirigeants s'enferment dans une bulle déconnectée de la réalité qui finit un jour par les rattraper. Si la France n'est pas la Syrie, on ne peut néanmoins s'empêcher de noter des similarités fort inquiétantes. La France est-elle menacée d'un tel effondrement?
Après les 76 jours sans gouvernement du printemps dernier, c'est reparti pour une crise politique. Elle va avoir un impact négatif très important sur l'économie, et celui-ci est déjà visible. Une classe politique totalement décrédibilisée s'écharpe sur le pont du Titanic alors que le monde est en flammes. Or cette classe ne survit que parce que, malgré son incompétence, son immoralité et son irresponsabilité, nous continuons à la révérer. Nous ne payons pas tant le prix de son incurie que celui d'avoir trop longtemps accepté la supériorité morale du politique comme évidente. Il est temps de la contester.
Quelques mois après l'incroyable fête des jeux olympiques, la restauration de Notre Dame est une nouvelle réussite, un peu plus de cinq ans seulement après le terrible incendie qui l'avait ravagée en avril 2019. Si cet exploit met en lumière une forme de génie français dont nous pouvons être légitimement fiers, il illustre également un aspect beaucoup plus sombre de notre société: il a célébré la restauration du passé, et il n'a été possible qu'en contournant les règles de droit commun. Autrement dit, en France, l'excellence et l'innovation deviennent l'exception, et non plus la règle.
Le développement fulgurant de l'IA continue de susciter de nombreuses craintes qui sont autant d'appels à sa réglementation. Comme le montre celle de l'Union Européenne, cette réglementation se fait le plus souvent sur la base d'une crainte exagérée des risques. Ce faisant, elle met en danger l'innovation, entravant gravement le développement économique et social du continent. Si la nécessité de réglementer ne fait pas débat, cela doit néanmoins se faire de façon intelligente. On peut pour cela s'appuyer sur cinq principes simples.
L'incertitude, ce n'est pas rassurant. Mais la meilleure manière de se rassurer et de pouvoir agir, ce n'est pas de rechercher des certitudes. C'est une quête sans espoir, et surtout dangereuse. Mais alors comment éviter la paralysie? En avançant à partir de croyances, de façon prudente. C'est la grande leçon, très pratique, du philosophe Ludwig Wittgenstein qui en cela met une grande baffe à Descartes.
Nous vivons dans un monde de surprises, provoquant des événements inattendus, aux conséquences parfois très importantes. Mais ce qui frappe avec chacun de ces événements, c'est que tout le monde n'est pas surpris par eux. Autrement dit, ce qui nous surprend dépend de qui nous sommes. La surprise est un phénomène largement auto-infligé, produit d'un aveuglement. Celui-ci résulte de croyances aveuglantes, des certitudes renfoncées par des mécanismes sociaux, une bulle d'illusion dans laquelle nous nous enfermons avec ceux qui croient les mêmes choses que nous. Un exemple tout à fait typique de cet aveuglement est celui de la seconde victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine.
En management comme dans beaucoup d'autres domaines, l'enfer est pavé de bonnes intentions. La bienveillance, devenue un impératif dans de nombreuses organisations, est de celles-ci. Sous couvert d'indulgence, elle interdit la critique et invisibilise les individus. Elle est une forme de violence qui corrode le collectif.
La saga du Doliprane défraie la chronique au point qu'on a l'impression que la survie de la France est en jeu. Les politiques rivalisent de déclarations solennelles sur la souveraineté, l'indépendance et la réindustrialisation de notre pays. Que cette souveraineté repose sur la maîtrise de la fabrication d'un médicament vieux de plus d'un siècle, vendu quelques euros, et dont le principe actif restera de toutes façons importé de Chine, ne manque cependant pas d'interpeller. Avons-nous perdu la tête? Et si, derrière le bruit et la fureur, cette affaire ne révélait pas finalement une illusion française tragique sur les sources de la puissance et de l'indépendance?
La France a peur. Peur de l'avenir, peur des technologies, peur de son ombre. Nous sommes devenus des pétochards. Nous ne voyons que le côté négatif des nouvelles technologies. Parlez biotech, on vous répond "Frankenstein". Parlez robots, on vous répond chômage. L'IA n'échappe pas à la règle: Skynet n'est jamais loin dans la discussion. Si nous ne changeons pas rapidement de posture, nous passerons à côté d'une des plus grandes révolutions industrielles, et les conséquences seront catastrophiques.
Nous adorons détester Elon Musk. Nous le détestons encore plus depuis qu'il a pris fait et cause pour Donald Trump dans l'élection présidentielle. Mais cette détestation constitue un moyen bien pratique pour nous aveugler sur un fait peu agréable: Avec SpaceX, Musk construit l'avenir de l'espace tandis que l'Europe s'assoupit.
Pour comprendre le monde et lui donner un sens, nous en développons un modèle. Celui-ci focalise notre attention sur ce qui compte. Il nous fournit une théorie explicative créant des catégories qui nous permettent d'agir. Mais nous répugnons à le changer lorsqu'il ne fonctionne pas ou que le monde change, parce qu'il définit aussi notre identité. Lorsque sa capacité explicative est en question, nous nous enfermons dans une bulle déconnectée de la réalité. Dans le domaine politique, ce phénomène est illustré par deux personnalités à l'opposé du spectre politique: Judith Butler et Charlie Wilson.
Toutes les organisations rencontrent des difficultés de recrutement et de rétention de collaborateurs. Pour résoudre cette difficulté, elles ont compris qu'il fallait s'adapter à leurs demandes, même si celles-ci sont parfois étranges. Mais s'adapter jusqu'où? Faut-il tout passer aux jeunes recrues? Rien n'est moins sûr, car c'est l'existence même du collectif qui est en jeu.
Notre discours est saturé d'assertions que l'on présente comme des évidences jusqu'à ce qu'on les examine de plus près et que l'évidence disparaisse. L'une d'entre elles, c'est presque devenu un mème du discours public convenu, est que « nous laissons un monde en piteux état à nos enfants. » Décryptage.
Electrochoc. Cri d'alarme. Danger existentiel. Le moins que l'on puisse dire est que le rapport sur la compétitivité de l'Europe remis le 9 septembre par Mario Draghi, ancien directeur de la BCE, à la présidente de la commission européenne, a fait parler de lui. Le rapport marque une salutaire prise de conscience sur le déclin de l'Europe, dont il identifie bien les symptômes. Il en va autrement des remèdes proposés, qui restent convenus - un plan, un emprunt et une politique industrielle. C'est donc une occasion ratée, ou presque.
La façon dont nous regardons le monde – via nos croyances – détermine les questions que nous posons, et les questions que nous posons ouvrent des perspectives ou, au contraire, en ferment, sur les grands sujets. Et sur nombre de ces sujets, nous nous trompons de question. Nous voulons lutter contre la pauvreté alors qu'il faut comprendre pourquoi il y a de la richesse, lutter contre le crime au lieu de comprendre pourquoi certains résistent à sa tentation, ou lutter contre les fake news au lieu de nous demander pourquoi certains les ignorent. L'épistémologie sociale – c'est-à-dire l'étude de phénomènes tels que la connaissance, la croyance et la compréhension dans la société – a donc besoin d'une inversion explicative: si nous voulons comprendre le monde et aborder les grands sujet de notre temps avec succès, il faut poser les bonnes questions.
La résolution de problème est un paradigme universel et pourtant très dangereux. Nous croyons en effet que le monde est rempli de problèmes, et que nous pouvons les résoudre, pour peu qu'on s'y mette vraiment. C'est pourtant faux. Beaucoup de problèmes sont résolus de façon indirecte, grâce à une solution qui n'avait pas été imaginée par ceux qui y étaient confrontés. Il est donc important de laisser se développer l'innovation gratuite, c'est-à-dire des solutions sans problème, même si cela semble aberrant.
La plupart des philosophies de transformation, qu'elles soient politiques ou organisationnelles, opposent un présent insatisfaisant à un futur idéal à atteindre, faisant de cet idéal un guide et une source de motivation. Lorsque cet objectif est particulièrement ambitieux, il se transforme en utopie. Cependant, ces philosophies peinent souvent à indiquer un chemin clair pour passer du présent à cet idéal. En s'inspirant de la pensée apocalyptique, certains utopistes soutiennent que seule une crise peut permettre ce passage, allant jusqu'à la souhaiter activement. Cette approche, bien que séduisante pour ses promesses de changement radical, comporte des dangers significatifs.
Comment unifier ou réunifier un peuple en des temps de fragmentation et de divisions profondes? La question est brûlante mais elle n'est pas nouvelle. Le concile de Nicée, organisé par l'Empereur Constantin en 325 pour résoudre les querelles religieuses du monde Chrétien, se la posait déjà. La réponse apportée résonne encore aujourd'hui.
La classe politique française est en faillite intellectuelle et morale, incapable de résoudre les problèmes du pays. La société civile, en particulier les entreprises, doit prendre les choses en main pour naviguer dans cette crise. Pour cela, elle doit abandonner certaines croyances sur la primauté et l'efficacité de l'initiative politique pour jouer un rôle plus actif et pragmatique dans la transformation du pays.
Il est fréquent en stratégie de distinguer ce que fait une organisation (ses produits et services), considéré comme la partie noble, de comment elle le fait (son organisation, ses processus, ses ressources, etc), considéré comme subalterne. Cette distinction et sa hiérarchie induite sont sources de nombreux problèmes. En particulier dans une entreprise en difficulté, il est crucial de diagnostiquer et de résoudre les problèmes organisationnels internes avant de s'intéresser aux produits. Une stratégie efficace doit commencer par une remise en ordre de l'organisation et la mise en place des bonnes personnes aux postes clés.
Nous vivons dans un monde artificiel, façonné par l'homme. La plupart de ce que nous consommons, animal ou végétal, est le produit de modifications génétiques que nous avons faites au cours des derniers milliers d'années. La création d'objets artificiels tangibles ou intangibles est l'expression de qui nous sommes en tant qu'espèce. L'artificiel, c'est notre nature.
Connaître notre nature profonde pour révéler ce qu'elle a d'authentique est une quête aussi ancienne que l'humanité et le sujet est inépuisable. En ce domaine, on tombe rapidement dans le travers du narcissisme – « Découvrez vos pouvoirs cachés ! », « Révélez l'extraordinaire en vous ! » ou, de nos jours, « Révélez le leader en vous ». Ici, le message implicite, et souvent explicite, est « vous êtes formidable et vous ne le savez pas. » Mais est-ce si sûr? Et si le faire croire était finalement contre-productif? Car l'idée apparemment paradoxale est que c'est précisément parce que nous ne sommes pas formidables que nous pouvons faire des choses formidables.
Beaucoup d'innovateurs ont réussi alors qu'il n'y avait a priori aucune demande pour leur produit. Ils ont dû créer leur marché. Comment ont-ils fait? En inventant un modèle d'affaire original. C'est la leçon de l'histoire édifiante d'Haloid, pionnière de la photocopie dans les années 50 et l'inconnue la plus célèbre de l'histoire de l'innovation.
On pense souvent que l'innovation de rupture réussit parce qu'elle est plus performante que les solutions actuelles, qu'elle traduit une forme de supériorité technologique. Il n'en est rien. De façon sans-doute paradoxale, elle réussit souvent alors qu'elle est inférieure en termes de performances. Mais il y a un « mais »!
Le développement important de l'intelligence artificielle n'en finit pas d'alimenter les craintes. Le plus étonnant est que ces craintes ne sont pas seulement celles de la population, mais elles sont parfois aussi celles des innovateurs eux-mêmes. Ainsi Mustafa Suleyman, un des pionniers du champ, a-t-il récemment averti: "l'IA est fondamentalement un outil de remplacement du travail humain". Faut-il s'en inquiéter? Non.
Une des grandes leçons de la théorie des organisations, qui a presque valeur de théorème, est qu'une entreprise ne doit avoir qu'un seul modèle d'affaires. Si elle en mélange plusieurs, ils se perturbent les uns les autres. Un bon exemple est celui de la SNCF.
Il existe une théorie très affirmée en stratégie appelée Avantage au premier entrant. Elle stipule que le premier à investir un nouveau marché est capable d'établir une barrière à l'entrée qui lui assure une position difficilement contestable par les entrants ultérieurs. Si elle paraît évidente, cette théorie est pourtant très souvent contredite dans les faits. Un très bon exemple est celui de la visioconférence.