La Maison de la Poésie de Paris est une scène de lectures, de rencontres et de création dédiée à la voix des poètes et des écrivains. Elle s'adresse aussi bien à ceux qui ont toujours un livre en poche qu'à ceux qui découvriront le texte porté autrement, par la scène, la voix, la musique, l'image...
Par Philippe-Jean Catinchi, Souleymane Diamanka, Yannick Jaulin & Thibault de Montalembert À l'occasion de la parution de l'ultime roman du conteur visionnaire Henri Gougaud, la Maison de la Poésie rend hommage à cet artiste disparu il y a un an. La soirée débutera avec une lecture portée par le comédien Thibault de Montalembert et ensuite commentée par Philippe-Jean Catinchi, journaliste au Monde. Écrire pour consigner la justice implacable du tribunal de l'Inquisition, la haine et ses ravages, la liberté bafouée, les bûchers qui se dressent sous le ciel obscurci. Écrire pour porter témoignage. Écrire pour résister. La seconde partie de la soirée sera composée de deux performances, l'une de Yannick Jaulin, conteur et acteur et l'autre de Souleymane Diamanka, poète et slameur. Conter, slamer pour donner à entendre la mémoire des sources et les voix du passé, la musique du cœur du monde. À lire – Chez Albin Michel : Henri Gougaud, De ciel et de cendres, 2025 – Contes impatients d'être vécus, 2023 – Souleymane Diamanka, De la plume et de l'épée, coll. « Poésie », Points, 2023
Lecture par l'auteur Entretien mené par Colombe Boncenne Tout se tient explore la sensation de manque évoquée par Pasolini et Brecht, tout en interrogeant si ce vide est véritablement une absence ou si le monde offre déjà assez de matière pour l'émerveillement. Structuré en une diversité de formes (poèmes, proses, essai sur Pasolini), l'ouvrage capte les variations du quotidien et des saisons comme un baromètre du réel. Plutôt qu'un message, il propose une écoute attentive du dialogue entre soi et le monde, où la langue poétique devient l'espace où tout se relie. À lire – Stéphane Bouquet, Tout se tient, P.O.L., 2025.
Lecture par Constance Dollé Entretien mené par Marie-Madeleine Rigopoulos Interprète : Marguerite Capelle Au sommet de sa carrière, Elsa M. Anderson perd ses moyens et quitte la Salle dorée de Vienne en plein récital du Concerto n°2 de Rachmaninov. Une fuite en avant qui prend rapidement la forme d'une quête d'identité. D'Athènes à Londres puis à Paris, Bleu d'août dresse le portrait éblouissant, tout en mélancolie et métamorphose, d'une femme empêchée de jouer sa partition tant qu'elle ne se confronte pas à son passé. À lire – Deborah Levy, Bleu d'août, trad. de l'anglais par Céline Leroy, éd. du sous-sol, 2025.
Entretien mené par Sylvie Tanette Dans cet autoportrait romanesque, Marie NDiaye propose quatre variations autour d'un événement essentiel de sa biographie : le départ brutal de son père sénégalais après sa naissance en France. Autour de ce point de bascule, Marie NDiaye tisse quatre histoires : la première met en scène sa mère à la mémoire défaillante qui se souvient, puis elle suit l'histoire de la jeunesse de ses parents. Le troisième temps est un monologue retraçant les vraies raisons du départ de son père. Enfin, dans le dernier mouvement, la narratrice a rendez-vous avec un père inconnu qui n'est pas celui qu'elle avait imaginé… Le bon Denis est un livre envoûtant. Il révèle une Marie NDiaye enfantine, malicieuse, surprenante. On y reconnaît à chaque page son visage, son sourire, sa timidité teintée d'insolence et de douceur. De liberté aussi. À lire – Marie NDiaye, Le bon Denis, Mercure de France, 2025.
Entretien mené par Lucie Servin Interprète : Fabienne Gondrand En 2018, Emil Ferris et son alter ego loup-garou, Karen Reyes, surgissaient dans notre horizon pour soudain tout éclairer d'une lumière noire, gothique et pop. Nous offrant plus qu'un livre, elles nous ont ouvert un monde, où se redéfinissait la figure du Monstre. À l'occasion de la publication du deuxième tome de Moi, ce que j'aime c'est les monstres, Emil Ferris revient avec son dessin au stylo bille et un univers encore plus monstrueux. Rencontre proposée en partenariat avec la revue Kometa. À lire – Emil Ferris, Moi, ce que j'aime c'est les monstres (tome 2), éd. Monsieur Toussaint Louverture, 2024.
Entretien mené par Nathalie Crom « Il n'y a rien de tel que la réalité. » On pourrait dire que ce livre est un récit de voyages dans la réalité ou vers la réalité. Avec un premier voyage, il y a plus de vingt ans, où deux jeunes femmes en sac à dos, Netcha, la narratrice, et Maga, une amie espagnole, essaient de rejoindre un village du Chiapas, au Mexique, appelé précisément La Realidad. Quête autant politique qu'initiatique et intime. Si les deux amies renoncent en chemin, elles ne renoncent jamais vraiment. Et c'est bien sûr quand elles décident d'arrêter de voyager, que le vrai voyage commence vraiment. « Combien de fantômes murmurent encore dans ce livre ? » se demande, à la fin, la narratrice. Celui du mystérieux leader zapatiste, le sous-commandant Marcos, ceux des Indiens en lutte du Chiapas, celui d'Antonin Artaud qui en 1936 fit un voyage énigmatique au Mexique, mais aussi les fantômes d'une existence en quête d'un lieu autre, et le fantôme de la réalité, celui de nos blessures et de nos illusions. Ce nouveau livre de Neige Sinno, autobiographique lui aussi, confirme avec profondeur son talent d'écrivain. À lire – Neige Sinno, La Realidad, P.O.L., 2025.
Entretien mené par Raphaëlle Leyris À travers cet ensemble de réflexions (issues de conférences données 2022 à l'université d'Oxford), Juan Gabriel Vásquez explore les caractéristiques du roman, les liens entre fiction et réalité, les zones d'ombre dont s'empare la littérature pour éclairer l'Histoire et sa capacité unique à « traduire » la complexité des vies humaines. Pour assoir son propos, il convoque une pléiade d'écrivains – Zadie Smith, Proust, Yourcenar, Kundera, Defoe, Tolstoï, Tchekhov, etc. –, analyse l'histoire colombienne et sa violence ou observe comment le célèbre récit du massacre des bananeraies de Cent Ans de solitude est devenu une vérité pour une partie de ses compatriotes. Réponse subtile et argumentée à la question de l'appropriation culturelle, portés par l'érudition de leur auteur, ces textes cherchent à redéfinir les usages de la fiction et les raisons pour lesquelles, aujourd'hui, elle est plus indispensable que jamais. À lire – Juan Gabriel Vàsquez, La traduction du monde, traduit de l'espagnol (Colombie) par Isabelle Gugnon, Seuil, 2025.
Entretien animé par Rodolphe Perez « Le violon disait aux uns que leur temps était venu, aux autres que leur temps était fini », note Vassili Grossman dans un émouvant passage de Vie et Destin. Le poème peut-il tenter de rejouer la partition d'un violon seul, en espérant que la singularité d'une expérience prenne valeur symphonique, et parle pour chacun ? Nous n'aurions pas tout à fait perdu le monde qui sous nos yeux s'effondre si nous savions le dire encore. À la suite de Bach, et quelle que soit la disproportion des moyens, on rêverait qu'un chant de catastrophe soit aussi le lieu d'un réveil : Pour toute force l'éphémère la vraie vie parie sur le givre qu'on regarde aux fenêtres fondre Olivier Barbarant À lire – Olivier Barbarant, Partitas pour violon seul, coll. « Blanche », Gallimard, 2024.
Avec Katerina Apostolopoulou, Nawel Ben Kraïem, Aurélien Dony, Bruno Doucey, Aurélia Lassaque & Murielle Szac Accompagnés par le musicien Nassim Kouti Vivante-Vibrante, Planétaire, Babel, Ensemble, Coloré, Résistance, Découverte, Intime, Solaire, Chant, Combats, Désobéissance, Transmission, Hospitalité, Fraternité-Sororité : les voici les quinze mots par lesquels nous entendons fêter le Printemps des Poètes 2025 et le quinzième anniversaire de la maison d'édition Bruno Doucey. 15 ans ! C'est le temps de l'amour, le temps des copains et de l'aventure… Oui, mais le 15 est aussi un numéro d'appel d'urgence, celui du SAMU, acronyme que nous déclinons ainsi : Service d'Aide aux Mots Universels, ou pour les moins optimistes d'entre nous, Sauvez Au Moins l'Universel ! SAMU social oblige, 115 poètes constituent l'armée de libération que nous levons cette année pour faire front aux menaces de notre temps. Parce que la poésie élargit le monde de son sourire. Dans le cadre du Printemps des Poètes. À lire – 15, Service d'Aide aux Mots Universels, anthologie établie par Bruno Doucey et Ariane Lefauconnier, éd. Bruno Doucey, 2025.
Rencontre proposée par la revue Kometa Politiquement incorrect ou délicieusement subversif ? Dans son numéro 5, « Rire pour résister », la revue Kometa publie une série d'images du portraitiste sénégalais Omar Victor Diop, qui s'incruste dans des photos de familles de la classe moyenne blanche et privilégiée en pleine Amérique ségrégationniste d'après-guerre. « Le premier écrivain noir depuis 1921 à remporter le prix Goncourt. » Ainsi commence la fiche Wikipédia de Mohamed Mbougar Sarr, primé en 2021 pour La Plus Secrète Mémoire des hommes (éd. Philippe Rey). Né au Sénégal, comme Omar Victor Diop, qu'il admire, l'écrivain raconte en miroir comment, en devenant un « Miss France littéraire » comme il le dit avec humour, il s'est lui aussi incrusté dans un paysage littéraire essentiellement blanc. Rencontre proposée par la revue Kometa : Née du choc du retour de la guerre sur le continent européen, la revue Kometa raconte le monde là où il bascule et soutient des autrices et auteurs en résistance dans leur pays. À lire – Mohamed Mbougar Sarr, La plus secrète mémoire des hommes, (Prix Goncourt 2021), éd. Philippe Rey, 2021.
Lecture par l'autrice, Anne F. Garréta, Margot Gallimard, Estelle Meyer, Suzette Robichon & Céline Sciamma Après Sappho nous entraîne au moyen d'une prodigieuse narration chorale à la rencontre du destin d'écrivaines, de peintres et d'artistes qui ont bravé l'oppression, et nous guide à travers les débuts trépidants du XXᵉ siècle aux côtés de figures incontournables : Natalie Barney, Renée Vivien, Romaine Brooks, Gertrude Stein, Virginia Woolf, Sarah Bernhardt, Isadora Duncan, Lina Poletti, Eleonora Duse, Colette … Biographie, roman, portrait, manifeste, récit expérimental, ce livre est aussi une méditation lumineuse sur l'héritage des pionnières de notre passé. Ode à la liberté, il est fait de lutte et de joie. À lire – Selby Wynn Schwartz, Après Sappho, trad. de l'anglais (États-Unis) par Hélène Cohen, préfaces d'Anne F. Garréta et Estelle Meyer, Gallimard, coll. « Hors-Série L'Imaginaire », 2024.
Avec Catherine Coquio, Nisrine Al Zahre, Abigail Lang, Jean-Pierre Lefebvre, Philippe Huneman, Guido Mazzoni & Tetyana Ogarkova Et, pour la revue Po&sie, Chawki Abdelamir, Jean-Patrice Courtois, Claude Mouchard, Claire Paulian, Martin Rueff & Theombogü Dans le présent meurtri des démocraties qu'attendre des poèmes et de la poésie ? Au chapitre 9 de De la tyrannie, vingt leçons du XXe siècle, Timothy Snyder écrit qu'il faut, pour lutter contre la tyrannie, « prendre soin de notre langage » et « éviter les formules que tout le monde prononce ». C'est bien cela : l'art du langage n'est pas un art de vivre qui combattrait les cyniques puissances de mort qui se lèvent partout, mais il peut, par le soin qu'il accorde aux mots des vivants tourner l'attention vers leurs conditions d'existence, vers leur présent, et, parfois, vers leurs espoirs. Depuis sa création Po&sie ne cesse de mettre la poésie en relation avec la politique, avec la démocratie et aujourd'hui, alors que celle-ci semble si gravement menacée par les tentations illibérales de tant de gouvernants, par l'irresponsabilité et la compromission cynique, par l'accélération des violences et des guerres, la revue tient à faire entendre quelques voix pour défendre ce qui, plus que jamais, reste à défendre. Cette séance ne vise en rien à faire la carte de l'exhaustivité des périls. Elle veut contribuer à diriger notre regard vers des situations, des configurations politiques, des menaces. Rencontre proposée par la revue Po&sie. La revue Po&sie est éditée aux éditions Belin.
Lecture par l'autrice Entretien mené par Camille Thomine « Elle demande de répéter. On demande toujours de répéter, alors qu'en fait on a très bien entendu. Quelque part dans notre crâne, un globule blanc se lève et pète du coude la vitre à ne casser qu'en cas d'urgence, celle qu'on pensait ne jamais avoir à briser : on sait qu'on devrait déclencher un protocole spécial pour accueillir la nouvelle, sauf que personne n'a été briefé, les stagiaires sont incapables, en plus on est samedi soir les bureaux sont déserts, y'a bien les anciens qui sauraient quoi faire, les vieux neurones du fond là, paniqués en permanence, ils nous ont dit qu'un jour ça pouvait arriver mais on les écoute plus ils radotent tellement, et maintenant qu'on a besoin d'eux putain ils sont où ? Et aussi simplement que ça, une nuit comme les autres devient un Début. » Histoire du passage à l'âge adulte, histoire d'émotions contraires, Les vivants est un premier roman à la sincérité désarmante où le drame et la comédie nous illuminent à chaque page. À lire – Ambre Chalumeau, Les vivants, Stock, 2025.
"Je n'étais pas censée être talentueuse" de Karen Finley Lecture par Léonie Dahan-Lamort, Chloé Delaume & Lilith Grasmug Karen Finley est une artiste, performeuse et poétesse féministe de New-York. Son travail, protéiforme et cathartique, est une violente et lucide charge antipatriarcale, irradiée par une énergie punk et un humour acide. Florilège de ses écrits de jeunesse, ce recueil révèle l'ADN de son œuvre, qui dès ses débuts a fait entendre la voix des personnes ensilencées : celles emportées par l'épidémie du sida comme celles victimes de violences sexistes et sexuelles. Pionnière sur les questions de culture du viol, de trauma et de santé mentale, Karen Finley, pour la première fois traduite en France, frappe par sa langue incendiaire et son regard d'une redoutable acuité. À lire – Karen Finley, Je n'étais pas censée être talentueuse – Ecrits 1985-1994, traduit de l'anglais (États-Unis) par Malik Boutebal, Seuil, coll. « Fiction & Cie », 2025.
Lecture par Florence Loiret Caille Entretien mené par Sophie Joubert Depuis ses huit ans, Jessica passe de foyers en familles d'accueil. Sa mère et son beau-père sont en prison. Comme chaque mois de novembre, elle va fleurir la tombe de son petit frère. Elle a maintenant vingt et un ans. Il est temps pour elle de plonger dans l'épais dossier d'instruction où sont consignés les secrets de sa famille. Et ce qu'elle va découvrir dépasse l'imagination. À travers la voix de Jessica, c'est toute la détresse des plus démunis qui résonne. Ce récit d'un fait divers glaçant est aussi celui d'une lutte pied à pied contre le déterminisme social. Jessica Martin est le pseudonyme commun que l'héroïne du livre, qui souhaite rester anonyme, et l'écrivain François Beaune ont choisi pour signer ce roman de non-fiction. À lire – Jessica Martin (François Beaune), La profondeur de l'eau, Albin Michel, 2025.
« Où s'en vont les gens qui meurent ? » Par Vinciane Despret, philosophe & psychologue Une conférence tous publics, à partir de 10 ans. Il est difficile de comprendre, et plus encore d'expliquer, ce que signifie le fait de mourir. C'est aussi vrai pour les grandes personnes que pour les enfants. La première question qui vient, pour les grands comme pour les petits qui ont perdu quelqu'un, est celle de savoir où sont les morts. Ont-ils disparu pour toujours ? Sont-ils partis en voyage ? Et si c'est un voyage, où va-t-on quand on est mort ? On entend souvent dire chez nous que les morts restent vivants dans nos souvenirs : on continue à les aimer, à parler d'eux, parfois certains viennent dans nos rêves. On essaie de ne pas les oublier : on accroche leur photo au mur et on a le sentiment qu'ils sont toujours là, d'une autre façon. On leur offre encore des fleurs, qu'on dépose sur leur tombe quand on les a enterrés, ou là où l'on a dispersé leurs cendres. Toujours chez nous, certains pensent que les morts vont au ciel. D'autres, au contraire, affirment qu'il n'y a pas de vie après la mort, sinon dans la mémoire de ceux qui restent. Mais dans d'autres cultures, un peu partout dans le monde, on envisage les choses autrement. Là-bas, si les morts ne sont plus physiquement avec les vivants, ils ne sont toutefois pas complètement absents. On peut encore parler avec eux, on peut leur faire des cadeaux, leur demander conseil ou de protéger ceux qu'ils aimaient. Dans ces traditions, les gens ont inventé plusieurs moyens de continuer à faire des choses pour ceux qui ne sont plus et pour qu'ils puissent encore faire eux-mêmes des choses pour ceux qui sont restés. Cette petite conférence propose d'en raconter quelques histoires. Ce cycle de conférences est proposé par Gilberte Tsaï. Découvrez le catalogue des « Petites Conférences » aux éditions Bayard. À lire – « Les petites conférences » sont devenues une collection aux éditions Bayard.
Avec Hervé Le Tellier, Véronique Ovaldé, Ryoko Sekiguchi & Emmanuel Villin Animé par Olivia Gesbert, rédactrice en chef de la NRF Lisons avec La NRF ! Quatre critiques de La Nouvelle Revue Française, la prestigieuse revue littéraire de Gallimard, discutent ensemble de livres récemment traduits et publiés en France. Libres de les avoir aimés ou pas aimés, ces écrivains, que vous connaissez à travers leurs livres, se retrouvent sur la scène de la Maison de la Poésie pour partager avec vous une expérience de lecteurs, leurs enthousiasmes ou leurs réserves, mais aussi un point de vue sur la littérature étrangère d'aujourd'hui. Comment un livre rencontre-t-il son époque ? Dans quelle histoire littéraire s'inscrit-il ? Cette lecture les a-t-elle transformés ? Ont-ils été touchés, convaincus par le style et les partis pris esthétiques de l'auteur ? À lire – Hervé Le Tellier, Contes liquides de Jaime Montestrela, illustrations de Killoffer, L'arbalète / Gallimard, 2024. Véronique Ovaldé, À nos vies imparfaites, Flammarion, 2024. Ryoko Sekiguchi, L'Appel des odeurs, P.O.L., 2024. Emmanuel Villin, Kim Philby et moi, Stock, 2024. Livres évoqués – Haruki Murakami, La Cité aux murs incertains, trad. du japonais par Hélène Morita, Belfond, 2025. Han Kang, Impossibles Adieux, trad. du coréen (Corée du Sud) par Kyungran Choi et Pierre Bisiou, Grasset, 2023. Nasser Abu Srour, Je suis ma liberté, trad. de l'arabe (Palestine) par Stéphanie Dujols, coll. «Du monde entier», Gallimard, 2025. Johann Chapoutot, Les irresponsables. Qui a porté Hitler au pouvoir ?, coll. « NRF Essai », Gallimard, 2025.
Zoé est une enfant poursuivie par un oncle insistant. Elle cherche à fuir. Elle sait qu'il faut ruser, dévier, qu'elle ne peut avancer en droite ligne. Personne ne marche droit. Sauf peut-être les funambules qui n'ont d'autre choix que de vaincre leur vertige en visant la mire de leur câble. Entre le récit de Zoé et les paroles de funambules sur leur métier, un lien se tisse que l'autrice emprunte à son tour, parce qu'en écrivant, elle avance elle aussi sur un fil, prête à basculer dans le vide. Ce texte hybride, tantôt récit, tantôt essai, parfois making-of, devra, malgré ou grâce à ses mille dérives, aller au bout du chemin et toucher sa cible, racontant par quels moyens Zoé réussit à se libérer de l'emprise. À lire – Olivia Rosenthal, Une femme sur le fil, Verticales, 2025
Entretien mené par Elisabeth Philippe C'est l'histoire d'une jeune ado. Attendez… Ou tout aussi bien d'UN jeune ado. Qui traverse la grande histoire du droit de vote des mineur·e·s depuis son petit trou de serrure. Depuis son petit trou à rats familial. Iel raconte la vie au collège, les copines, Leïla surtout, proche – border crush. Sa mère, habitante de la planète Déni, gentille à claquer. Le père, un beauf ? C'est pire, nettement pire, en fait. Les désirs pullulants, qui grattent. Et, petit à petit, le lourd secret éveille l'attention de Mme Gisèle, une des profs du collège. Tout, alors, change. Le quotidien d'adolescent·e·s en pleine métamorphose, où se mêlent amitiés, désirs, non-dits, violences familiales, politica grande. Un roman d'atmosphère qui se tend et d'une dystopie à portée de main. Dans une langue trouble, drôle – toujours –, audacieuse et, surtout, inarrêtable. À lire – Juliet Drouar, Cui-Cui, Seuil, coll. « Fiction & Cie », 2025.
Discussion avec Victoire Tuaillon Dans le cadre du Festival Effraction « Quand j'écris le mot famille, allez savoir pourquoi, je mange le m – on lit faille. C'est depuis cette fêlure que j'ai écrit ce livre. D'aussi loin que je me souvienne, sortir de chez moi allait avec un immense soulagement et, plus secrète, une profonde joie. L'extérieur était une promesse. Là où certains voient un refuge, d'autres voient une prison. Ceux-là préfèrent la fuite à l'ancrage, et s'inquiètent d'une vie trop normée. C'est à ces personnes que je m'intéresse ici : celles qui, par instinct, se méfient du familier. Celles qui se sentent fauves, désaxées, intimement exilées. Celles que le groupe a expulsées, ou qui le rejettent, pour des raisons intimes, politiques ou métaphysiques – tout à la fois. Celles qui, tout en aimant leur foyer, s'y sentent parfois piégées. Celles qui refusent, ne parviennent pas, ou n'aspirent pas, à s'établir. Toutes celles qui doivent couper pour rester vivantes. » Blandine Rinkel À lire – Blandine Rinkel, La faille, Stock, coll. « La Bleue », 2025
Lecture par l'auteur accompagné par Laurent Bardainne & Harold Chlewicki (vidéo) Entretien mené par Clémentine Goldszal À Missery, dans le Morvan, Thomas dédaigne les récoltes et l'élevage de vaches de ses parents, préférant passer tout son temps devant un ordinateur. Codeur surdoué, il est engagé par une start-up franco-américaine à Paris. Là-bas, dans le plus grand secret, il participe à la création du Programme, dont le but est de donner vie aux héros de pixels. Conscient qu'il est en train de mettre fin à la séparation ancestrale entre réalité et fiction, Thomas doute. Accomplir son rêve de conquête de la Silicon Valley vaut-il les risques qu'il fait encourir à l'équilibre du monde ? Arnaud Sagnard raconte une époque envahie par la dématérialisation, mais aussi par le fossé qui sépare les générations. À lire – Arnaud Sagnard, La Vallée, Seuil, 2025
Une femme perd son chat. En l'enterrant dans son jardin, elle met au jour un trésor. Elle voyage. Elle rencontre un homme en Italie. En l'espace d'un an, sa vie est entièrement transformée. « J'avais sept ans. J'ai toujours pressenti qu'une douleur lumineuse me toucherait un jour. Je savais que cette douleur inexplicable proviendrait de cette heure où tout, quand j'étais petite, s'était perdu. Il y avait une sorte de neige à la fin de mon enfance qui tombait en silence. Tout devait sortir du fond du monde comme le soleil sort de la nuit. » À lire – Pascal Quignard, Trésor caché, Albin Michel, 2025
Lecture par l'autrice accompagnée de Benjamin Duboc (contrebasse) Entretien mené par Marie-Madeleine Rigopoulos Entre vagues et falaises, comme née du paysage, une femme apparaît au bord de la mer, portée par un chagrin plus grand qu'elle. Le livre raconte sa prise d'élan vers une autre version d'elle-même, une évasion : Marie, mère et sainte, s'affranchit ici doucement mais sûrement de l'iconographie qui la fige. Et de la liturgie qui lui coupe la parole. Elle se découvre aussi, à la rencontre des autres, de ceux – proches ou lointains, présents ou futurs – qui ne laisseront pas de traces ailleurs que dans la mémoire des vivants. Pour Jeanne Benameur, écrire est une manière d'être vivant, une présence au monde, un chemin vers la pensée où trouver force et liberté. En écho à son roman Vivre tout bas, dans un texte puissamment personnel, Vers l'écriture, elle partage sa méthode de l'atelier d'écriture; Manifeste contre toute complaisance, viatique contre la peur et geste politique, un récit de transmission amical et généreux. À lire – Jeanne Benameur, Vivre tout bas et Vers l'écriture, Actes Sud, 2025 – Nous vous parlons d'amour, éd. Bruno Doucey, 2025
En dialogue avec Maylis de Kerangal Interprète : Marguerite Capelle Sadie Smith, ex-agente du FBI, est envoyée par ses mystérieux employeurs pour infiltrer une communauté d'éco-activistes radicaux dans un village français entouré de grottes millénaires. Sa mission : inciter les militants du Moulin à franchir la ligne rouge et permettre ainsi une riposte judiciaire de l'État. Rien d'insurmontable pour Sadie qui en a vu d'autres. Mais c'est sans compter les exigences sans limites de ses commanditaires… Rattrapée par son passé, envoûtée par les écrits de Bruno Lacombe, mentor charismatique de la communauté qui a rejeté le monde moderne, Sadie risque de voir son pouvoir de séduction se retourner contre elle. La romancière américaine Rachel Kushner dont Le Lac de la création a été en lice pour le National Book Award et finaliste du Booker Prize 2024, s'entretiendra ce soir avec Maylis de Kerangal. À lire – Rachel Kushner, Le lac de la création, trad. de l'anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson, Stock, 2025
Lecture par l'auteur & entretien mené par Camille Thomine Au milieu du siècle dernier, à New York, un jeune peintre désespère de sa vie et de son talent. Un soir de Noël, tandis que la neige tombe sur la ville, il fait la mystérieuse rencontre d'une enfant, étrangement seule au milieu du parc qui occupe le centre de la cité. De cette enfant, de cette femme, de cette enfant devenue femme, le peintre va faire le portrait. S'agit-il d'un fantôme ou bien d'un fantasme ? Sort-elle d'un songe ou alors d'un souvenir ? Où passe la frontière qui sépare le rêve de la réalité et la vérité de la fiction ? À quelle histoire appartiennent les personnages que peint l'artiste ? À lire – Philippe Forest, Et personne ne sait, Gallimard, 2025
Entretien mené par Anna Colin Lebedev Rencontre proposée par la revue Kometa En Ukraine, près de trois ans après l'invasion russe grande échelle, l'humour est une arme légère mais redoutable, qui renverse symboliquement les dominations. Volodymyr Yermolenko, philosophe, président du Pen Club Ukraine, rédacteur en chef de UkraineWorld.org, le pratique au quotidien dans les soirées poétiques qu'il organise avec son épouse Tetyana, professeure de littérature, autant que dans leurs voyages humanitaires vers les zones de front. C'est au cours de l'une de ces missions qu'il a rencontré Florence Aubenas, grand reporter au Monde, dont les reportages en Ukraine sont rassemblés dans un livre, Ici et ailleurs (éd. de L'Olivier). Ensemble, le temps d'une soirée, ils parlent d'humour et de poésie, de ces petits riens qui font tenir les humains en temps de guerre. Rire pour résister, rire pour exister. Née du choc du retour de la guerre sur le continent européen, la revue Kometa raconte le monde là où il bascule et soutient des autrices et auteurs en résistance dans leur pays. À lire – Revue Kometa – Florence Aubenas, Ici et ailleurs, L'Olivier, 2023
Entretien mené par Sophie Joubert Peu après la naissance de sa fille, « le Père » se voit rattrapé par des souvenirs d'attouchements subis dans l'enfance. Pour conjurer sa peur de la répétition, il ambitionne de cartographier le « Grand Continent des Violences Sexuelles ». Cette traversée périlleuse, entre farce et cauchemar, durera six ans. Dans un Danemark imaginaire, Constantin Alexandrakis sonde d'une façon iconoclaste un ressenti masculin face aux « abus de position dominante », sans se laisser réduire à un point de vue victimaire. À lire – Constantin Alexandrakis, L'hospitalité au démon, préface de Neige Sinno, Verticales, 2025
Entretien mené par Rodolphe Perez S'appuyant sur de nombreuses sources d'archives, Perrine Le Querrec explore l'histoire du danseur Vaslav Nijinski. Des salles de spectacle aux couloirs des cliniques psychiatriques, le danseur passe de la lumière de la célébrité aux ombres de l'absence, du mouvement à l'immobilité. Dépassant la légende grâce à des années de recherches, écoutant les mille voix qui évoquent le danseur, cherchant une vérité au milieu des interprétations, démêlant la vie intime de la vie publique, Perrine Le Querrec dresse le portrait de son Nijinski… Soudain Nijinski… À lire – Perrine Le Querrec, Soudain Nijinski, La Contre Allée, 2024
Avec Anna Ayanoglou, Julia Lepère, Chloé Delaume, Laure Gauthier, Paloma Hermina Hidalgo, Laurence Vielle, Olivier Barbarant, Aldo Qureshi, Nimrod, Éric Sarner, Noah Truong & Pierre Vinclair Musique : Nicolas Repac & Patrick Goraguer Soirée de lancement de l'anthologie L'Année poétique propose un rendez-vous annuel aux passionnés de poésie. Elle redonne vie à une collection des éditions Seghers restée mythique pour tout amateur du genre. Sous le thème « Esprit de résistance », cette anthologie réunit 118 auteurs qui ont marqué une année de création poétique dans la francophonie. Des poètes consacrés et de nouvelles voix qui viennent de France, de Belgique, du Luxembourg, du Québec ou de Suisse, ou encore de Guinée, d'Haïti, du Liban, du Maroc, de Roumanie ou de Djibouti, pour ceux qui ont choisi d'écrire en français. Elle présente ainsi un large panorama de l'actualité poétique avec une foison de textes inédits, étonnants par leur diversité de ton et de forme. Tous résistent aux convenances et aux discours dominants, à l'impérialisme du sens, à une ère de cynisme et de médiocrité sublimée, pour s'insurger contre l'état du monde. Puisque la poésie, « substance de vie » et lieu de remise en jeu permanente de la langue, est stratégie de résistance en soi. À lire – Esprit de résistance, L'Année poétique : 118 poètes d'aujourd'hui, Anthologie réunie et présentée par Jean-Yves Reuzeau, éd. Seghers / Le Printemps des Poètes, 2025
Entretien mené par Sylvie Tanette Depuis la périphérie maritime d'un appartement familial empoisonné par la toute-puissance d'un chef de famille, en compagnie de La Figure, autant guide fictif, acolyte picaresque (« Un jour mon Sancho Panza, un autre ma tempête intérieure ») que double indispensable, le narrateur témoigne du difficile combat d'une émancipation personnelle. Comment il faudra en finir avec l'appétit de vengeance qui sait si bien le tenir droit. Dans la matière de sa mémoire, et ses refuges imaginaires, il installe son chantier de fouille. Le texte, comme un tunnelier piloté par un clown ou un toréro, s'enfonce dans le passé avec obstination, pour ressurgir ici et là. Drôle, tragique, poème de gravas, de haine, de fracas, poème d'amour et de doutes, et surtout, avant tout, chant pour la mère. Bertrand Belin livre un formidable récit pudique et joueur, qui détourne l'aveu autobiographique dans un langage fracassant. À lire – Bertrand Belin, La figure, POL, 2025
Entretien mené par Manuela Corigliano « L'enfance est une vieille dame aux mains blanches, aux cheveux lisses et aux yeux sombres. » L'enfance, c'est cette grand-mère qui vit à la maison, élève et chérit l'autrice, si bien que c'est en vietnamien qu'elle prononce ses premiers mots. Puis Minh Tran Huy grandit, s'éloigne de cette deuxième mère, de sa langue, et oublie. Cette grand-mère si modeste, cette Bà qui n'a vécu que pour se dévouer aux autres, se retrouve à l'écart des siens, qui ne parlent plus que français. En s'adressant à Bà, elle revient sur le silence qui entoure son histoire familiale et tente de retracer, dans le Vietnam des années 1970 déchiré par les guerres, le douloureux chemin qui a mené sa grand-mère jusqu'en France. Mais ce Vietnam tragique d'avant l'exil est aussi le territoire merveilleux des contes de son enfance, qui éclairent et nourrissent ce récit. À lire – Minh Tran Huy, Ma grand-mère et le pays de la poésie, Flammarion, 2025
Entretien mené Marie-Madeleine Rigopoulos Dans un futur proche, la Joconde disparaît. Elle n'est pas volée. Elle n'est pas détruite par un attentat quelconque. Simplement, elle tombe en poussière. D'autres œuvres suivent. C'est en soi un fait grave, mais les conséquences sur l'existence même de l'humanité vont se révéler immenses. L'avenir raconte la vie de certains amoureux fervents de cette peinture : Li Fang, visiteur chinois de la Joconde ; Saverio Besagiratu, conservateur au Louvre ; Ismaël Ackerman, historien de l'art juif et allemand, spécialiste des œuvres d'art disparues, qui part à la recherche des dernières caches nazies. Il est aussi et peut-être surtout question de Prudence, une jeune orpheline haïtienne douée d'un pouvoir d'empathie étrange, et qui ne connaît rien de tout cela lorsque cette histoire commence. Il suffirait que deux êtres trouvent à s'aimer pour qu'ils échappent au futur désastreux de la Terre et lui donnent un avenir. Il s'agit, en somme, de refaire l'amour et le monde, entièrement, comme toujours. À lire – Stéphane Audeguy, L'avenir, coll. « Fiction & Cie », Seuil, 2025
Lecture par l'autrice & Syqlone À dix-sept ans, à l'âge des romans à l'eau de rose et des poèmes de Rimbaud, une jeune fille fume une cigarette à la fenêtre de sa chambre. Cette transgression déclenche la fureur de sa mère puis la fugue de la narratrice. Un ultimatum lui est alors posé : elle devra produire un certificat de virginité. L'examen gynécologique forcé sera sa « première fois ». Comment sortir de l'enfance quand tous les adultes nous trahissent ? Comment aimer quand ceux qui nous aiment nous détruisent ? Porté par une écriture puissante le récit de la poétesse Rim Battal dit les premières fois, le désir et la force qui président à la naissance d'une femme et d'une écrivaine. Elle sera accompagnée ce soir par la musicienne Syqlone, pionnière dans l'art de fusionner les sonorités traditionnelles du chaâbi avec les textures électroniques contemporaines. À lire – Rim Battal, Je me regarderai dans les yeux, Bayard, 2025
« À l'écoute du vivant » avec Marc Namblard, audio-naturaliste & artiste sonore Une conférence tous publics, à partir de 10 ans. Lorsque nous nous promenons dans des espaces naturels « sauvages », l'oreille attentive, l'une des premières constatations que nous faisons (en essayant de reléguer à l'arrière-plan les bruits d'origine humaine) c'est que ces lieux sont habités par une immense diversité de sons : chants et percussions d'oiseaux, cliquetis et vrombissements d'insectes, mugissements et jappements de mammifères, polyphonies d'amphibiens… Mais qu'est-ce qui peut expliquer une telle diversité d'expressions sonores ? De quels moyens les animaux disposent-ils pour produire tous ces sons ? Ont-ils des recettes secrètes pour bien se faire entendre ? Et les plantes… participent-elles également au murmure du monde ? Nous en discuterons avec Marc Namblard, audio-naturaliste qui traque les sons avec ses micros à la manière d'un entomologiste équipé de son filet à papillons puis qu'il retravaille en studio pour composer des véritables paysages sonores. Ce cycle de conférences est proposé par Gilberte Tsaï. À lire – « Les petites conférences » sont devenues une collection aux éditions Bayard.
Avec Valérie Beaudouin, Benoît Casas, Florence Delay, Frédéric Forte, Nathalie Koble, Jean-François Puff et, pour la revue Po&sie des interventions de Camille Bloomfield, Tiphaine Samoyault, Jean-Patrice Courtois, Laurent Jenny & Claude Mouchard Il aura tout essayé, et comme il aura tout réussi, il aura essayé encore. Il aura réalisé des dizaines de livres de poésie ; il aura défendu les œuvres des autres dans son œuvre ; il aura traduit des poèmes et pensé la poétique. Poèmes, poésie, poétique, son triple du plaisir. Il aura déclaré : « la poésie, c'est maintenant » et pour Po&sie, le maintenant de la poésie, c'est Jacques Roubaud. Le comité de la revue Po&sie rend hommage au poète, au poéticien, au traducteur : à l'ami Jacques Roubaud. À lire – Jacques Roubaud, Cent sept plantes, éd. L'Usage, 2023 – Chutes, rebonds et autres poèmes simples, Gallimard, 2021 – Je suis un crabe ponctuel. Anthologie personnelle 1967-2014, Gallimard, 2016.
Entretien mené par Bruno Blairet Dans ce livre où la folie d'écrire produit « des milliers de ronds » dans l'eau de la mémoire, l'auteur de La Maison indigène prolonge l'exploration à la fois poignante et ironique de ses origines d'écrivain – afin de vérifier sans doute la fameuse hypothèse de Proust : « La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c'est la littérature. » À lire – Claro, Des milliers de ronds dans l'eau, Actes Sud, 2025
Entretien mené par Olivia Gesbert « Au moment où s'ouvre ce livre, je romps une promesse. Lorsque je l'ai faite, c'est idiot, j'étais sûre que je la tiendrais. Enfin, idiot, je ne sais pas. La moindre des choses, quand on fait une promesse, n'est-ce pas d'y croire ? » Que s'est-il passé avec son compagnon pour que la romancière Claire Lancel doive se défendre devant un tribunal ? Au fil du récit, elle raconte comment elle s'est peu à peu laissé entraîner dans une histoire faite de manipulations et de mensonges. Dans ce roman haletant, Camille Laurens questionne le narcissisme contemporain, l'absence d'empathie, et se demande comment sauver l'amour de ses illusions. À lire – Camille Laurens, Ta promesse, Gallimard, 2025
Lecture par Pierre Baux Entretien mené par Marie-Madeleine Rigopoulos Une nuit. Le Panthéon pour enceinte d'un dialogue entre Richard Malka, incroyant bien décidé à rire encore de Dieu, en guerre contre le « respect » nouvellement dû aux religions, et Voltaire, le plus irrévérencieux philosophe des Lumières, défenseur de Calas et du Chevalier de la Barre. Sont-ils d'accord sur tout ? Pas tout à fait. Disciple de Robert Badinter et Georges Kiejman, l'avocat évoque les attentats, les morts, son histoire familiale, sa répulsion envers le prosélytisme et les enfermements communautaires. Surtout, il pose à Voltaire la question qui l'a mené au Panthéon. Par quoi remplacer Dieu ? À lire – Richard Malka, Après Dieu, Stock, coll. « Ma nuit au musée », 2025
Lecture par l'autrice accompagnée par Olivier Lambert Entretien mené par Marie-Madeleine Rigopoulos « Ce livre est une histoire en cours. Celle d'un hier si proche et d'un demain qui tremble un peu. Ce présent qui bouscule, malmène, comment l'habiter, dans quel sens s'en saisir ? Comme il est étroit, cet interstice-là, entre hier et demain, dans lequel l'actualité nous regarde. Elle reflète le monde, mais aussi des événements minuscules en nous, des souvenirs, des questions, des inquiétudes. Ces pages ne sont pas le lieu d'un territoire conquis, d'un terrain marqué de certitudes. Ce livre est l'histoire de ce qui nous traverse, une histoire qu'on conjuguerait à tous les singuliers. » À lire – Lola Lafon, Il n'a jamais été trop tard, Stock, 2025
Rencontre animée par Sophie Joubert Angèle, Barbara, Mira, Mariette, Suzanne, Marouchka sont les victimes, diversement amochées, d'un monde où violence sexuelle et violence économique semblent indissociables. Armées de leur seule conscience politique – doublée d'un sens comique parfois involontaire – elles fomentent, avec l'aide de quelques hommes, dans les marges et sous-sols d'un grand ensemble appelé le Blockhaus, une révolution « post-féministe ». Ce premier roman, paru trop discrètement il y a vingt ans, continue à sidérer par sa vigueur politique, son originalité narrative et sa frénésie burlesque. Il exige d'être à nouveau lu, dans un contexte qui n'est (heureusement) plus du tout celui de sa première édition. On reproche souvent au féminisme et à la littérature féministe de rester trop « théorique » ou de manquer d'humour. La révolution par les femmes démontre avec éclat que ce n'est pas une fatalité. À lire – Corinne Aguzou, La révolution par les femmes, éd. Tristram, 2025
Entretien mené par Christèle Couleau Alexander Dickow et Alain Damasio se sont rencontrés sur la frontière entre deux langues, l'anglais et le français qu'ils pratiquent et affectionnent tous les deux. Alexander Dickow, chercheur, poète, romancier, a le goût de l'étrange(r) et des monstres, jusque dans le caractère hybride de son écriture, savamment désarticulée à force de solécismes et de greffes linguistiques. De Caramboles (Argol éditions, 2008), recueil bilingue où les poèmes en miroir font mieux que se traduire, au Premier Souper (La Volte, 2021), prose où s'incarnent d'effrayantes altérités, son œuvre est traversée de voix venues d'ailleurs. Il lui revenait de relever le défi de traduire le chef-d'œuvre d'Alain Damasio, La Horde du contrevent (La Volte, 2004), dont la polyphonie narrative et la syntaxe rafalante requéraient une transposition créative plus qu'une simple transcription. Ce sont tout d'abord des extraits de cette traduction inédite, en écho avec le texte original, qui seront portés à deux voix par Alexander Dickow et Alain Damasio. Ce dernier partagera également avec le public les passages du Premier Souper qui lui tiennent le plus à cœur et nous expliquera ses choix. Alexander Dickow dévoilera enfin les premières pages de son nouveau roman, La Greffe : imaginant un monde où les carnosculpteurs travaillent la chair en chirurgiens et en créateurs, il poursuit son désir d'explorer jusqu'à l'extrême la plasticité des langues et des corps. À lire – Alexander Dickow, Premier Souper, La Volte, 2021 – Alexander Dickow, Appétits suivi de Un grenier, La Rumeur Libre, 2022 – Alain Damasio, Vallée du silicium, Seuil, 2024
Lecture par l'auteur Entretien mené par Colombe Boncenne « Seules les vies quotidiennes sont intéressantes. J'aurais dû écrire un journal. Trois lignes par jour, c'est pas la mer à boire. Mais très jeune, j'avais pensé qu'il était déjà trop tard pour commencer. J'avais d'emblée abandonné – comme certaines personnes qui pensent que tout est déjà trop tard. » Sous la forme d'un journal qui croise et traverse les époques, le livre d'Olivier Cadiot fait se télescoper saisons, révélations et sensations. On passe de la météo en 1775 à une représentation d'opéra en 1981, tout en évoquant l'entretien d'un jardin avant-guerre. D'un siècle ou d'une année à l'autre, le narrateur est en train de faire le tri des choses et des idées, de faire les comptes d'une existence imaginaire. Chaque chapitre de cet étrange journal ouvre une fenêtre sur un début de roman ou de nouvelles, comme autant de départs de feu. Mais cette diversité de points de vue finit par faire apparaître le foyer obscur du livre : la mort de la sœur de l'auteur. C'est la première fois qu'Olivier Cadiot a la possibilité d'évoquer plus profondément l'expérience de cette perte, moins pour faire tardivement son deuil que pour tenter de rentrer en communication avec les disparus. Cela se fera par l'intermédiaire de la nature et la bienveillance des arbres. « Mon père, se souvient le narrateur, parlait aux arbres pour communiquer avec ses morts ». À lire – Olivier Cadiot, Départs de feu, POL, 2025
Lecture par Florence Loiret Caille - Entretien mené par Sophie Joubert « Comme je l'aimais, comme nous nous aimions. Cela va sans dire, et l'écrire me serre le cœur. Ma mère, ma maman, il n'y a qu'une femme au monde que je peux appeler ainsi. Quel dommage. Quel gâchis. (…) Ma mère m'occupe, ses lamentations me submergent, sa mauvaise foi, ses chantages, son agressivité déguisée en tendresse, sa façon de retourner le monde à son désavantage. Je sors de mes visites lessivée. Je pleure souvent, j'ai du mal à travailler. Alors j'essaye de comprendre, pour garder la tête hors de l'eau. J'en parle à Gilles, mon grand frère né d'un premier mariage. Il ressent la plainte maternelle comme un rempart contre la réalité. Il dit au passage, et je me rends compte que je ne l'ai jamais entendu aussi clairement : Se plaindre, c'est demander de l'amour. Le demander de façon chronique, de façon lancinante. Un amour absolu, cet amour qui relie l'enfant à sa mère, la petite fille à sa maman. » Marie Nimier À lire – Marie Nimier, Le côté obscur de la Reine, Mercure de France, coll. « Traits et portraits », 2025
En dialogue avec Marielle Macé & Arno Bertina Qu'il écrive « à chaud » à partir des photos de prisonniers irakiens humiliés, ou à partir de l'agression de l'Ukraine par les Russes, ou encore de la guerre à Gaza, à chaque fois le poète Dominique Fourcade se pose la question de la place du poème dans un contexte à ce point violent ou désespérant. Quand les armes ne se taisent pas, que peut la poésie ? Quand les violents l'emportent, l'émotion du poète est-elle audible ? Que maintient-elle à flot qui nous est nécessaire, contre l'effondrement. « Le résultat est forcément incertain, risqué même, mais d'une beauté qui renverse les doutes », écrivait Fabrice Gabriel dans Le Monde des livres, en avril dernier. Interrogé par l'essayiste Marielle Macé et le romancier Arno Bertina, Dominique Fourcade reviendra sur trois de ses derniers livres, et l'importance de l'actualité aux yeux du poète qu'il est depuis la parution de son premier recueil en 1961. Soirée proposée par l'EHESS. À lire – Dominique Fourcade, Ça va bien dans la pluie glacée ?, P.O.L, 2024 – Marielle Macé, Respire, Verdier, 2023 – Arno Bertina, Ceux qui trop supportent, Verticales, 2021
Lecture par l'autrice avec Francis Jolly (images) & François Marillier (musique) Soit, au départ, deux textes de Nancy Huston : Les nymphes, méditation poétique sur le plaisir féminin et son refoulement au long des âges, appel fervent à retrouver la myopie de Monet et ses Nymphéas, à ressusciter la joyeuse sensualité des nymphes contre l'atroce précision du regard scientifique et pornographique. Adam, terrifiant monologue d'une mère enjoignant son rejeton, neuf mois, à respecter pour l'instant les règles éthiques de base, sachant qu'une fois grand, vu qu'il fait partie des classes dominantes, il aura le droit de les fracasser allègrement. Mis côte à côte, ces deux textes explorent et déplorent le passage du polythéisme aux monothéismes… Et quand on y ajoute de la musique et les photographies de Francis Jolly, mots et images s'entrecroisent, se parlent, se renforcent, et cela devient un spectacle mordant, éclatant et troublant : Adam et les nymphes ! À lire – Nancy Huston, Adam et les nymphes, images de Francis Jolly, éd. Langage Pluriel, 2024
Lecture par l'autrice Avec Laure Gauthier, Marielle Macé, Maud Thiria, Julia Lepère, Martin Rueff & Estelle Dumortier Piano : Héléna Gourzoulidou Entrer dans la poésie de Sophie Loizeau est comme pénétrer dans une forêt dense et secrète. Ou plutôt un enchevêtrement de bosquets touffus où se cachent animaux sauvages et farouches, déesses, dieux, fées et esprits. Voici Diane qui prend son bain sous la clarté de Séléné, et Pan, qui de la chèvre, ou du bouc, a le côté fantasque, et de l'homme le désir. C'est par une écriture audacieuse et provocatrice, quand elle n'est pas inédite, que Sophie Loizeau magnifie le corps et la nature. C'est ainsi que s'ouvre cette anthologie, faisant une large part à ses trois premiers livres publiés, avec en final de cette « trilogie du corps et de la bête », une véritable fête au bouc, ode au dieu Pan qui donne son nom à cette anthologie. Dans une langue crue s'exalte une féminité triomphante, qui passe par une sexualité assumée et libre de toute contrainte. À lire – Sophie Loizeau, Poèmes paniques (1999- 2020), éd. Lanskine, 2024
Lecture par Julia Lepère Entretien mené par Pierre Vinclair Les javelots de l'avant-garde : des œuvres lancées comme des projectiles pour abattre la poésie, cette maison commune, tandis que d'autres essayaient d'en saper les fondements, d'autres au contraire d'en consolider l'édifice. Beaucoup de ces traits se sont perdus ; certains au contraire se sont fichés en nous profondément. Denis Roche et Jacques Roubaud, les poètes du « Chemin » et ceux de L'Éphémère, puis les tenants de la « modernité négative » – parmi eux quelques femmes brillant d'un éclat singulier – ont dessiné de 1960 à 1980 et au-delà le paysage de la poésie en France ; à tous l'innovation s'imposait comme un mot d'ordre. Leurs intentions et leurs réalisations sont examinées dans ce livre avec une attention libre de nostalgie. À lire – Michel Murat, Les Javelots de l'avant-garde, poésie en France 1960-1980, éditions Corti, 2024
« Sur terre et sur mer, au large ou au près » Navigation poétique de Jacques Darras avec la complicité de Jacques Bonnaffé. Nous les Jacques faisons des bilans réguliers depuis un mémorable duo au Théâtre de la Bastille à Paris au printemps 2004. Vingt ans plus tard, il était temps de se poser à nouveau. À force d'avoir suivi le cours de la Maye sur la longueur de huit livres depuis 1988, moi Jacques Darras je suis en effet parvenu sur les plages du littoral, que je ne quitte plus avant l'embarquement définitif. Aucune nostalgie de ma part. Plutôt la recherche constante d'un équilibre entre action et méditation. Oserai-je parler d'une sagesse ? Ce soir l'autre Jacques et moi-même nous répondrons donc l'un l'autre. Lui incarnera mon côté terre avec son sens de la danse, du mouvement, de la frappe du pied contre le sol comme un danseur de Brueghel, moi j'épouserai, en contrepoint, la force douce de la vague, l'ondulation répétitive du temps, le regard sur l'infini. À lire – Jacques Darras, L'Indiscipline de l'eau, Poésie/Gallimard, 2016 – Je m'approche de la fin, NRF/Gallimard, à paraître
Avec Cyril Béghin, Sandra Alvarez de Toledo & Anaïs Masson Un parcours dans l'œuvre de Chantal Akerman au travers d'un montage de lectures de ses textes, de projections d'images et de films, d'extraits radiophoniques. Une proposition de Cyril Béghin, Sandra Alvarez de Toledo et Anaïs Masson. « J'ai toujours eu le désir d'écrire. Des nouvelles, des romans ou des textes comme ça, sans qu'il y ait forcément une histoire. Du langage. Un mot après l'autre. Cela peut s'appeler récit, monologue. N'importe. Simplement, j'ai eu peur de ne faire que ça. La peur de rester chez soi et de se perdre. Je savais qu'en écrivant des films, je sortirais de ma chambre. » « Angles de vues », Entretien avec Chantal Boiron, Les Lettres françaises, n°19, avril 1992 À lire – Chantal Akerman, Œuvre écrite et parlée, édition établie par Cyril Béghin, L'Arachnéen, 2024
Accompagnée par Marina Chiche En 2023, Nina Leger a effectué une résidence de la Villa Albertine à Oroville, en Californie. Elle en a tiré un magnifique roman choral, Mémoires sauvées de l'eau, qui revisite l'histoire de la ruée vers l'or et interroge ses conséquences sur le désastre environnemental actuel. Passé et présent s'entremêlent, à travers une myriade de personnages, pour retracer l'épopée d'une civilisation qui s'est construite en détruisant. Avec la complicité de la violoniste Marina Chiche, qui fut elle aussi résidente de la Villa Albertine, Nina Leger a imaginé une lecture musicale qui fait entendre les différentes voix, de ce roman aussi poétique que politique. En partenariat avec l'association des Alumnis de la Villa Albertine. « Si tu anticipais moins la fragilité des autres, tu éviterais de leur épargner ce qu'ils ont la force d'accueillir. » À lire – Nina Leger, Mémoires sauvées de l'eau, Gallimard, 2024
Avec Patrizia Atzei, Michaël Batalla, Stéphane Bouquet, Benoît Casas & Miglė Dulskytė Paru en septembre dernier, Debout parmi les choses (Poèmes, 1948-2007), de Jonas Mekas était attendu depuis longtemps par les très nombreux admirateurs de l'œuvre du cinéaste. Pour le public français, ce livre a été une révélation ; celle de l'autre Jonas Mekas : le poète. Le poète, de langue lituanienne, qu'on devinait par bribes à travers certains éléments textuels de ses films, enfin révélé à travers cette traduction complète et entièrement inédite. On y découvre un écrivain dont la pratique fut constante et souterraine, de ses premières années en Lituanie à l'ensemble de sa vie new-yorkaise. Le livre retrace un parcours d'écriture, publié de façon discontinue sur près de soixante ans, au fil duquel Jonas Mekas renouvelle son approche et ses formes sans jamais abandonner le poème. Une soirée imaginée avec le Cipm. Dans le cadre de la Saison de la Lituanie en France 2024. À lire – Jonas Mekas, Debout parmi les choses : poèmes 1948-2007, co-édition Nous/Cipm, 2024, à partir de Jonas Mekas, Poezija (éd. Julius Ziz, 2021). Traduction du lituanien par Stéphane Bouquet, Jean-Baptiste Cabaud, Miglė Dulskytė, Roxana Hashemi, Anne Portugal, Ainis Selena, Marielle Vitureau, avec la participation de Tadas Bugnevičius. Avant-propos de Michaël Batalla. Préface de Stéphane Bouquet.