Chaque lundi soir, sur lundimatin, une discussion, une rencontre, un débat...
En avril dernier, une vague d'actions ciblait le système carcéral français. A chaque fois, le sigle DDPF pour Défense des Droits des Prisonniers Français était retrouvé sur les lieux. En parallèle, un canal Telegram revendiquait cette campagne et en explicitait les revendications, soit le respect des droits des prisonniers décrits comme systématiquement bafoués. Dans un brillant article récemment publié dans lundimatin (lire ici), l'historien Alessandro Stella revenait sur cette « affaire » pour la recontextualiser à la fois dans le moment politique présent mais aussi plus généralement dans l'histoire du « narcotrafic » et de la politique pénale qui prétend réprimer la vente et la consommation de stupéfiants. Dans ce lundisoir, nous accueillons Anne Coppel, sociologue et pionnière en France de l'étude du prohibitionnisme des drogues, Fabrice Olivert, militant historique pour la défense des consommateurs de drogue et fondateur d'ASUD (Auto support des usagers de drogues) ainsi qu'Alessandro Stella. On verra comment une pratique millénaire et anthropologiquement banale, -l'usage de psychotropes-, est devenue en quelques décennies le prétexte à une criminalisation et une répression de masse des populations pauvres et plus particulièrement racisées. Comment les figures du « drogué », du « dealer » et maintenant du « narcotrafiquant » ont été construites politiquement et se sont tellement bien ancrées dans nos représentions que lorsque une campagne d'actions en solidarité avec les personnes incarcérées se diffuse aux quatre coins de la France, personne dans le champs public n'entreprend de la soutenir ou à tout le moins de la comprendre.Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Professeur de sciences politiques à São Paulo, Jean Tible navigue depuis plusieurs décennies entre la France et le Brésil. Ses recherches portent essentiellement sur cette matière riche et prolifique : la révolte. Il vient de publier Politique sauvage aux éditions Terres de feu, un essai aussi foisonnant qu'enthousiasmant qui propose de reprendre l'histoire de ces 70 dernières années depuis les gestes d'insoumission, de subversion et d'affrontement avec l'ordre des choses. Par ce renversement de perspective, on s'aperçoit que ce sont les bouleversements qui imposent le rythme de l'histoire et qu'il ne s'agit jamais pour le pouvoir que de tenter de l'interrompre. Jean Tible retrace donc 7 décennies de luttes qui se succèdent, se chevauchent, s'entrecroisent, des forêts de l'Amérique du Sud aux ZAD, des quilombos aux favélas, des Black Panthers aux féminismes révolutionnaires. Depuis les grèves, les usines, les campus, les ghettos ou les places occupées, il retisse le fil des évènements jusqu'à rendre palpables leurs résonances. Contre une politique politicienne aussi éreintée qu'impuissante et triste, il révèle cette politique sauvage, joyeuse et ingouvernable qui relie les mille luttes minoritaires, qu'elles soient queer, indigènes, ouvrières ou écologistes. En évoquant le trumpisme, un ami écrivait récemment que « nous avons la contre-révolution que nous méritons », la fascisation en cours n'étant que le contre-coup des révoltes récentes. Antonio Gramsci d'ajouter en 4e de couverture du livre de Jean Tible : « On ne peut prévoir que la lutte. ».Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Pour ce 4e épisode de lundi bon sang de bonsoir cinéma, Nicolas Klotz, Saad Chakali et Victor Morozov discutent de cette figure presque évanouie : le critique de cinéma. Mais comme toujours, il s'agira d'abord de parler de tout le reste, comment bifurquer de l'industrie et s'en foutre de Cannes, comment encore faire du cinéma politique alors que Gaza, comment persévérer dans l'impasse jusqu'à ce que le réel se fissure. Plus de détails dans le chapitrage ci-dessous.Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Autrefois cantonné aux cercles les plus assumés de l'extrême droite, le « problème musulman » a doucement mais sûrement conquis l'espace politique et médiatique. D'une partie de la gauche qui veut sauver une « république » en péril au ministre de l'Intérieur qui proclame « vive le sport, à bas le voile » la question de l'islamophobie est devenue un marqueur plus déterminant que jamais en France. Si certains assument cette peur des musulmans pendant que d'autres s'indignent des discriminations qu'elle engendre, personne ne s'interroge sur la manière dont s'est construit ce « problème musulman ». C'est ce à quoi s'attèle Hamza Esmili, socio-anthropologue, dans La cité des musulmans, une piété indésirable (Amsterdam). Le chercheur retrace la genèse et les différentes évolutions de l'islamophobie en France, de sa variante libérale de gauche à son déploiement conservateur actuel et ouvre la question en creux de ce « problème musulman » : comment l'histoire coloniale, la désindustrialisation et l'espace ségrégé de la cité, ont produit un phénomène de réaffiliation et de regain de piété qui vient mettre en crise le rapport dominant à la communauté, à l'État et à la société globalisée. Soit « une collision historique bien réelle, une épreuve de modernité ».00:00 Intro 2:58 1982, les ayatollahs infiltrent les grèves ouvrières 6:13 1989, trois lycéennes voilées à Creil, le Munich de l'éducation 9:23 Le « problème musulman », collision historique et épreuve de la modernité 11:23 De l'islamophobie libérale de gauche à l'islamophobie conservatrice 15:25 La question en creux du « problème musulman » : la non-assimilation 18:09 La différence entre l'islamophobie et le racisme anti-maghrébin 20:47 De la génération perdue des enfants d'immigrés à la réaffiliation pieuse 24:20 Désindustrialisation et multiplication des mosquées 28:06 Une forme singulière de collectifs d'individus 'un à un' pieux 33:06 L'influence méconnue de la prédication des « frères de l'effort » sur l'islam de France 37:09 L'attentat géopolitique et l'attentat antisémite : distinguer politiquement les phénomènes de violence 43:52 Islamophobie des gouvernants : calcul politique cynique ou déréliction morale sincère 44:43 Le « problème musulman » permet-il de produire « du français » ? 47:56 Pourquoi l'extrême droite ne rêve pas (même au Puy du fou)Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Si vous ne savez pas que les mésanges conspirent secrètement pour abolir le capitalisme et qu'il est possible d'entrer dans la tête de Bruno Retailleau grâce à un rituel animiste douloureux, c'est que vous n'avez jamais lu les excellentes et hilarantes bandes-dessinées d'Alessandro Pignocchi. Après La recomposition des mondes et Ethnographies des mondes à venir avec Philippe Descola [1], l'ancien chercheur en sciences cognitives revient avec un projet peut-être encore plus ambitieux. Avec Perspectives terrestres, Scénario pour une émancipation écologiste, Alessandro Pignocchi propose une hypothèse politique hybride qui ne se satisfait ni d'une pureté révolutionnaire dépendante du « grand soir », ni des illusions réformistes auxquelles plus personne ne croit de toute façon. Il s'agirait de renouer avec les milieux de vie, de territorialiser les forces politiques et de nouer les alliances qui permettent à la fois prendre au sérieux la question de la subsistance et celle du démantèlement de ce qui détruit la vie, la planète et tout le reste. Il s'agirait en somme d'accueillir le devenir émeutier de Marine Tondelier et d'accepter que Jean-Luc Mélenchon puisse au moins diriger un potager. Programme vaste et audacieux qui vient nourrir les questionnements politico-stratégiques.00:00 Présentation 2:20 Lutter par et depuis les affects : diffuser les possibilités de joie et d'intensité de vie 7:36 Reprendre prise sur le monde depuis nos attachements aux territoires, aux milieux de vie et au vivant non-humain 10:25 L'attitude objectivante VS l'attitude subjectivante 17:23 De l'impossibilité de connaître 51 vaches ou comment l'élevage intensif modifie substantiellement le rapport au non-humain 21:35 La pensée du vivant : programme révolutionnaire ou anesthésiant pour bourgeoisie déprimée 29:41 Renverser les coordonnées de la valorisation économique de soi 35:42 Entre le réformisme social-démocrate et le mythe du grand soir : le gradualisme et l'oscillation saisonnière 41:47 Archipels, désertion et autonomie : luxe communale ou alternative pour privilégiés ? 47:36 Face à l'effondrement de l'hypothèse sociale-démocrate : fascisme ou prises de terres 51:14 Territorialiser les forces politiques 55:52 Engager la conflictualité, organiser le démantèlement 1:01:22 Se débarrasser de Retailleau dans un rituel animiste 1:08:07 Réactiver la joie de la grève ouvrière, réactualiser le lieu de la conflictualité politiqueVous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Gabriel Hagaï est une figure qui tranche au sein du judaïsme français contemporain. Formé à Jérusalem au sein d'une confrérie mystique qui transmet des enseignements ésotériques ancestraux, il est l'un des derniers représentants d'une tradition orthodoxe séfarade marginalisée. Il se revendique Gilet jaune, anarchiste, communiste et anti-matérialiste, et promeut une politique mystique de l'amour inconditionnel. Il vient de publier Itinéraire d'une initiation, le cheminement d'un rabbin qabbaliste aux éditions Vues de l'esprit dont nous avons publié quelques bonnes feuilles.00:00 Présentation 1:18 Qu'est-ce que la Kabbale ? 2:48 Pourquoi la Thora n'est pas la loi mais la voie 5:38 Comment faire le pitch de la Thora en se tenant sur un pied ? 7:51 Pourquoi publier un tel livre dans la situation politique et mondiale actuelle ? 11:17 Déconstruire les projections sur le judaïsme 14:10 Messianisme et sionisme : la question du littéralisme 21:00 « Nous n'attendons pas le messie, le messie nous attend » (et il pourrait être le nom d'un phénomène révolutionnaire) 23:54 Du sionisme culturel au sionisme politique 28:23 Qu'est-ce que l'amour inconditionnel ? 34:38 Peut-on être anarcho-communiste et royaliste ? 38:40 Le soutien des gouvernements européens au sionisme 40:16 La mystique est elle l'espace du dialogue inter-religieux ? 45:03 La tradition mystique contre le littéralisme 47:35 Que reste-t-il des traditions talmudiques séfarades par rapport aux traditions talmudiques ashkénazes ? 52:18 Comment devient-on mystique ? 57:31 « D'abord vivre, ensuite philosopher, mais troisièmement revivre. » 58:38 Qu'est-ce que le tiqqun ? 1:04:34 Quel rapport à la lutte politique ? Gripper la machine, réparer le mondeVous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
« Bienvenue dans la machine sécuritaire. Voici une carte des rouages et un plan d'évasion. » Dans la foulée du documentaire Nous sommes des champs de bataille (disponible prix libre ici, Mathieu Rigouste publie ce 18 avril La guerre globale contre les peuples. Mécanique impériale de l'ordre sécuritaire aux éditions La Fabrique.Lorsque l'on entend le mot « guerre », nous imaginons une situation exceptionnelle qui viendrait suspendre le temps normal de la paix ; on se représente des tranchées, des mortiers et une ligne de front autour de laquelle au moins deux États projettent les hommes à leur solde. Quand on habite en occident, cette guerre est à peu près toujours lointaine, géographiquement ou dans le temps. Dans son livre, qui est d'abord une enquête, Mathieu Rigouste rebat tout cela et nous démontre que la guerre, ses logiques et ses profits, traverse le temps et l'espace et accompagne depuis toujours l'extension et l'évolution du capitalisme. Surtout, il analyse comment la ligne de front s'est dilatée, comment la guerre ne vise in fine jamais un ennemi mais les populations ; ce qu'il décrit comme le continuum entre guerre et contrôle. Ou comment les mécaniques de la guerre impériale et de l'ordre sécuritaire intérieur se complètent, se brouillent et font système. Dès lors, toutes les distinctions à partir desquelles nous avons pour habitude de lire le monde deviennent désuètes : guerre et paix, fascisme et démocratie, sécurité et population. Ce livre propose quelques nouveaux outils pour s'orienter, « une carte des rouages et un plan d'évasion ».00:00 Intro 1:18 Présentation de « Nous sommes des champs de Bataille » le film et « La guerre globale contre les peuples » le livre 5:10 Comment les formes de la guerre épousent les formes du capitalisme (et vice-versa) 7:41 Le continuum entre guerres extérieures et contrôle des populations 13:13 « La normalité du système c'est l'écrasement de la vie » : biopouvoir, thanatopouvoir, nécropouvoir 18:20 Qu'est-ce que la mécanique impériale de l'ordre sécuritaire ? 23:55 Enquêter sur les penseurs et entrepreneurs de la contre-insurrection 32:25 Conquérir les cœurs et les esprits : les différentes tendances de la contre-insurrection 36:28 La population comme champ de bataille 39:38 Comment se construit le désir de sécurité ? 48:33 La mécanique impériale est-elle toujours logique, rationnelle et profitable ? 57:10 L'internationalisation des soulèvements ET des techniques répressives 1:01:32 La fascisation de l'ordre sécuritaire 1:05:18 « L'IA constitue le support techno-industriel du néo-fascisme sécuritaire » 1:10:35 « Par-delà les frontières de l'apartheid global, Palestine devient plus que jamais le nom d'une détermination des opprimés à résister pour exister et à s'unir pour se libérer. »Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
C'est avec quelques mois de retard que nous avons découvert Le Repli, formidable film documentaire du cinéaste Joseph Paris. Il y est question d'état d'urgence, de recul des libertés publiques et de l'histoire de l'islamophobie en France. Enthousiasmés, nous avons proposé à Joseph Paris de venir nous raconter son rapport aux archives, au cinéma et aux images du pouvoir. Comment les dévoiler sans s'en faire le relai, comment les réagencer pour les désactiver. Il nous parle aussi de son expérience au près des Femen, jusqu'à leur neutralisation depuis l'intérieur mais aussi de son travail en cours sur le front ukrainien. Comme il y a beaucoup de choses à raconter et de personnes à rencontrer en ce moment, nous passons pendant quelques semaines à un rythme de deux lundisoir par semaine. Celui-ci sera donc diffusé à partir de jeudi 10 avril à 20h. 00:00 intro 1:01 Avec Harun Farocki, penser les images du pouvoir, faire des films comme des essais 6:12 Les Femen et la guerre nue 14:13 Comment les Femen ont été neutralisées depuis l'intérieur en dépolitisant le choix des cibles 21:50 Le repli, un film documentaire sur la montée de l'islamophobie en France29:48 La violence du pouvoir par ses propres images 35:16 Comment le « problème musulman » fut inventé par la gauche en 1983 pour diviser les grèves ouvrières 42:18 De gauche à droite, l'islamophobie d'opportunité 48:47 Respecter l'archive, déchirer et manipuler les images du pouvoir 56:25 Filmer la guerre en Ukraine : la sidération des images militaires 1:00:37 Des images opérationnelles qui ne sont pas faites pour être regardées mais pour être montrées 1:06:15 Ukraine : le dilemme moral des déserteurs 1:11:48 Penser la spécificité des affrontements armés aujourd'huiVous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Romain Graziani, philosophe et sinologue, vient de publier Les lois et les Nombres (Gallimard), une enquête épatante qui nous permet de retracer le fil qui relie les formes les plus avancées de la domination contemporaine à ses premiers inventeurs : les stratèges chinois au IVe siècle av. J.-C.Dans cette nouvelle archéologie du pouvoir, le philosophe nous raconte comment la domination impériale chinoise s'est fondée sur un imaginaire politique du calcul, du mesurable, du mécanisme et de la capture fondé sur la primauté des nombres. C'est l'héritage du Légisme (Guan, Shang Yang, Han Fei) qui, à la source de la première fondation de l'Empire, n'a plus cessé de s'étendre jusqu'à aujourd'hui avec le crédit social en Chine ou encore la diffusion de la gouvernance algorithmique partout dans le monde. On fait aussi un petit détour par Mao qui se délirait en Qi Shi Huangdi (le premier empereur) et se revendiquait du légisme en faisant littéralement tout le contraire et n'importe quoi, produisant famines sur famines.Si l'on a longtemps vu dans le logos grec le début de la logification capitaliste du monde, nous pouvons voir dans le FA chinois (la loi ou la norme) le début de la mathématisation algorithmique du gouvernement impérial. L'étrange phénomène contemporain est le suivant : une idéologie du Nombre d'il y a 23 siècle est en train de réémerger à la vitesse de la poudre sur tout le continent asiatique avec pour effet une formidable réintégration du reste du monde à sa mesure. 00:00 Teaser 1:27 Du légisme chinois au IVe siècle av. J.-C. à la description de l'Empire au XXIème siècle 05:00 Modernité de l'imaginaire politique chinois 07:37 Gouverner par les nombres, dominer sans affect 10'51: Par-delà les valeurs et le pouvoir charismatique, les lois et les nombres 12 :39 Comment la pensée gouvernementale chinoise du IVe siècle av. J.-C. converge avec le management contemporain, le nudge et la surveillance algorithmique 14 :41 D'ailleurs c'est quoi le légisme ? 19:59 « Enrichir l'état , renforcer l'armée » ou comment régner par la guerre et le profit 24:16 Par-delà l'enrichissement, la recherche du contrôle maximal sur la population 27 :32 Comment s'articulent l'art de gouverner et celui de s'enrichir ? 33:17 La souveraineté en pilotage automatique ou naissance de la technocratie 42 :07 De la surveillance céleste à la surveillance numérique 49:50 Les métaphores du pouvoir : la mesure, la mécanique, la capture 55:08 La population chinoise est-elle culturellement plus passive face au pouvoir ? 59:43 Le pouvoir chinois antique et le régime chinois contemporain peuvent-ils être considérés comme des totalitarismes ? 1:02:39 Les trois figures de l'ingouvernable : le saint homme, le justicier errant et le brigand 1:08:45 Mao, le nouvel empereur délirant 1:12:29 Bonus : le non-agir est-il anarchiste ?Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
En l'espace de quelques années, l'intelligence artificielle s'est immiscée, qu'on le veuille ou non, dans tous les interstices de nos existences. Dissimulée dans les « app » qui nous guident, nous ambiancent ou font les devoirs de mathématiques à notre place, elle optimise les frappes de l'armée israélienne et peut nous offrir des conseils avisés dans nos relations affectives. Sait-on pourtant exactement ce qu'est l'IA ? Comment elle fonctionne, ce qu'elle peut, ce qu'elle ne pourra jamais et ce qu'elle pourra peut-être ? Mathieu Corteel est philosophe et historien des sciences, il publie cette semaine Ni dieu ni IA (La découverte). Au gré d'un inquiétant voyage à la rencontre de cerveaux plongés dans des cuves, de robots dactylographes, de perroquets stochastiques, de policiers quantiques et de chatbots psychopathes, l'auteur propose d'« ouvrir le capot » pour comprendre les rouages, les paradoxes et les illusions tant épistémiques que techniques au cœur de cette nouvelle technologie. De là, s'ouvrent quelques questions éminemment politiques et les désaccords logiques : peut-on séparer la mauvaise IA qui contrôle, ordonne, gouverne de la bonne qui soigne sans commettre d'erreur de diagnostic et réduit la pollution des embouteillages ? Faut-il y voir l'opportunité de gagner du temps pour certaines tâches ingrates ou la menace d'une destruction méthodique de toute expérience et créativité humaine ? Faut-il voir dans l'IA en même temps que le dernier avatar du capitalisme cognitiviste l'émergence possiblement émancipatrice d'une commune intelligence collective ? On en discute dans ce lundisoir.00:00 Coucou ChatGPT2:46 De quoi parle-t-on lorsqu'on parle des IA ? Une petite généalogie6:59 Pourquoi nous vivons dans un gigantesque laboratoire dont nous sommes les cobayes11:13 Les illusions totémistes de l'IA nous plongent dans un univers de non-sens avec des conséquences graves17:24 Qu'est-ce que l'IA n'est pas ? Pourquoi l'analogie entre langage et mathématiques est un leurre20:24 L'IA est indifférente au monde et amorale.23:32 Comment l'IA nous dépossède en écrasant notre expérience du monde. L'exemple de la musique32:13 Peut-il exister des agencements de l'IA émancipateurs ? (Mathieu Corteel pense que oui, nous plutôt que non)38:26 Quoi qu'il en soit les usages aliénants de l'IA sont massivement majoritaires et les garde fous inexistants41:12 Causalité et fausses corrélations : taux de suicide, consommation de margarine et police prédictive45:00 Que serait un bon usage de l'IA ?51:50 A-t-on déjà vu un nouveau dispositif technologique être limité dans ses usages ? 52:45 Les ordinateurs peuvent-ils faire l'amour entre eux ? Qu'elles illusions affectives nous vend l'IA ?58:58 L'IA c'est des stats et des probabilités qui pénètrent techniquement nos représentations du monde et de nous-mêmes1:00:42 La mutation du capitalisme vers le capitalisme cognitif. L'IA au service de la réaction. Pour une grande démission1:08:02 Les limites matérielles et physiques de l'IA dans un monde fini. Pourquoi Bluesky ne rend pas nécessairement moins idiot que twitter1:12:29 Et si la valorisation de chaque interstice de la vie n'était pas le stade suprême de l'économie ?1:15:06 Comment sortir des paradoxes pragmatiques ? Peut-on réenchanter la démocratie avec présidents robots ?Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Cette semaine, nous vous proposons un lundisoir exceptionnel depuis le bar la Plaine à Marseille. On reçoit Alèssi Dell'Umbria afin qu'il nous raconte l'incroyable histoire du groupe Os Cangaceiros, mythique et mystérieuse association de malfaiteurs, théoriciens révolutionnaires autodidactes, émeutiers transnationaux et saboteurs au grand cœur. Ou comment une bande de jeunes, fans de rock et de football, et qui refuse d'aller à l'usine, se lance dans une vie de clandestinité, d'arnaques aux banques à l'échelle industrielle et de campagnes de sabotages en soutien au luttes en cours dans les prisons, les usines et les banlieues.Si la revue publiée par le groupe a pu continuer de se diffuser dans quelques recoins de l'internet, pendant très longtemps, cette histoire est restée mal connue, probablement parce qu'Os Cangaceiros est parvenu à disparaître sans jamais que le ministère de l'Intérieur et la BRB, lancés à ses trousses, ne parviennent à le rattraper. Passé le délai de prescription, Alèssi Dell'Umbria a décidé de s'y coller et de revenir sur cette époque de scandales, d'audace et de tumultes dans un livre passionnant « Du fric ou on vous tue ! » aux Éditions des mondes à faire. On lui a proposé de nous raconter tout ça, autour d'une anisette.Alèssi Dell'Umbria est l'auteur, entres autres, de C'est de la racaille ? Eh bien, j'en suis ! À propos de la révolte de l'automne 2005, Histoire universelle de Marseille, De l'an mil à l'an deux mille, Tarentella ! Possession et dépossession dans l'ex-royaume de Naples, Antimatrix.Les trois numéros de la revue Os Cangaceiros, le recueil L'incendie Millénariste et le dossier des Treize milles belles évoqués dans l'entretien sont tous consultables dans l'article paru sur lundimatin.00:00 intro1:27 Os Cangaceiros, une association de malfaiteurs, lettrés et politisés3:58 Rock'n roll, bagarres, refus du travail et arnaques aux banques5:40 La fondation du groupe 8:15 Le choix de la clandestinité et de l'action directe dans le reflux politique des années 80 et sous le mitrerrandisme11:43 Penser et élaborer théoriquement depuis les luttes en cours et le refus diffus du travail 17:08 Échapper à la reproduction du capital, repenser le prolétariat20:42 Politiser la délinquance (blousons noirs, banlieusards, vols de voitures et braquages)27:40 1ère vague d'actions en soutien aux mutineries dans les prisons : « La liberté est le crime qui contient tous les crimes » (blocages et attaques de trains de luxes, incendies d'entreprises qui font travailler les prisonniers, destructions d'imprimeries de journaux qui calomnient la révolte)32:56 Des actions exemplaires plutôt que symboliques. La théorie du scandale34:42 : Soutien à George Courtois, Patrick Thiolet, Abdel Karim Khalki et la prise en otage du palais de justice de Nantes (Sabotages du métro parisien)41:58 La dépendance à l'écho médiatique43:17 Football, hooliganisme, violence de rue et politique (ce à quoi la gauche ne comprend rien)50:30 La nécessité de voyager à travers le monde pour aller à la rencontre des soulèvements et tisser des amitiés comme des solidaritVous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Avec Alexia Roux, Saad Chakali, Mehdi Benallal & Guillermo KozlowskiJean-Luc Godard ne sera jamais le nom propre d'un auteur consacré, mais le nom commun d'une pensée partagée, sésame ou schibboleth pour le cinéma qui vient et dont nous avons besoin : le partage au nom du commun et ce qu'il départage au nom de l'égalité. Quand il eût fini les Histoire(s) du cinéma, Godard disait qu'il n'avait aucun public, sinon des spectateurs, peut-être 100.000 dans le monde, ses amis : l'amitié pour ce qui se pense sous ce nom. Avec ce cinéaste, c'est comme avec les communistes selon le bon mot de José Bergamin, on ira jusqu'à la mort sans faire un pas de plus.Le cinéma à le suivre, on peut se l'imaginer ainsi, à l'instar du tiers-état selon l'abbé Sieyès. Qu'est-il ? Rien. Que veut-il ? Tout. Que peut-il ? Quelque chose. Ce peu qu'il peut est sa dernière puissance, le miracle de donner ce que l'on n'a pas - les images, les idées. Liberté (le droit de citer contre le droit d'auteur et les citations à comparaître des procureurs). Égalité (contre toutes les hiérarchies). Phraternité (comme Marie José Mondzain nous a appris à l'écrire) pour les métaphores, ces transports en commun.Si le cinéma a gagné (il est partout), il a perdu aussi (Auschwitz-Hiroshima) et il ne cesse pas d'être encore défait aujourd'hui (Gaza-IA). Le cinéma de Godard est le moins au centre car il est le plus au milieu, par où tout bifurque et tout recommence. Alors on recommencera par le milieu, moins nombril qu'ombilic : la crise et la critique qui est d'abord autocritique, la modernité contre elle-même, le legs des premiers romantiques et un retour sur la politique des auteurs, pas un autoritarisme mais une politique des marges. Une pensée par accords discordants, opérant par rapports à la fois destituants et constituants. Des montages d'images dialectiques qui sont toujours des démontages critiques. Une pensée remontée à démonter le terrain miné des clichés. Des faux-raccords pour faire fuser les correspondances. Des courts-circuits pour interrompre la bêtise des automatismes. Le sabotage poétique de toutes les chaînes d'asservissement, chaînes conjugales, chaînes d'usine, chaînes de télévision, toutes les chaînes d'esclaves.Godard ? Le cinéma ne divertit pas, il divise. De deux choses, pas l'une pour montrer la troisième, l'invisible qu'il y a entre toi et moi - l'image qui revient de loin en donnant la main à celle d'après. Champ/contrechamp/hors-champ, une trinité. Godard juif, Godard arabe et ce sont les trois personnes. Sinon, on ne comprendra jamais que ce que l'on hait en l'autre, n'est autre que soi-même. Le cinéma est un art pacifique, il est fait pour rapprocher. Son cinéma ? À l'épreuve des conflictualités, au contraire de la guerre.00:00 Jean-Luc Godard, un nom commun comme un mot de passe03:12 L'amitié contre la notion « fasciste » de public06:50 Un cinéma qui ne raconte pas d'histoire10:57 Entrer dans le cinéma par sa porte de sortie14:12 L'ami dont on se méfie17:06 Il ne s'agit pas de savoir ce qu'est le cinéma mais ce qu'il peut et ce qu'il expérimente21:43 « Si je me suis bien fait comprendre, c'est que je me suis mal exprimé »26:28 Le visible et l'énergie sombre31:44 La crise, Homère et le geste paysan (plus rien ne va de soi, tout devient compliqué)36:04 Debord, le grand mensonge et le renfrognement 42:40 Critique de la critique de la séparation46:54 L'émancipation, la question juive, la question arabe51:49 Le caractère spectaculaire du film « La société du spectacle »56:02 La vie s'éloigne dans une représentation...58:39 La prisonnière du désert, les gestes qui sVous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
« L'université est en crise », c'est ce que l'on dit ou que l'on nous dit depuis maintenant des décennies. En plus d'être en ruines, elle est désormais ruinée et soumise à des mesures d'austérités aux effets toujours plus dévastateurs : réduction des budgets, fermeture de formations, hausse des frais d'inscription, gel des recrutements, abandon des rénovations, etc. Comme nous en discuterons dans ce lundisoir, tout cela était pourtant prévu et programmé avant d'être orchestré.Mais l'université, en France, c'est aussi les étudiants, les mouvements, les occupations, les blocages et le débordement. Ce moment privilégié de l'existence où on a le temps de se rencontrer, de penser et de commencer à s'organiser. En tous cas historiquement. Depuis plusieurs semaines, un début de mouvement pointe son nez, des AG sont organisées partout, certains campus sont bloqués ou occupés, comme à Rennes 2. Pour discuter de tout cela, nous accueillons Bruno Andreotti, physicien, animateur du séminaire politiques des sciences et fin connaisseur de la néo-libéralisation de la recherche et de l'enseignement. Depuis le campus de Rennes 2, on suivra Fanny Le Nué et Fabien Tallec de l'Union Pirate, pour comprendre où en est la mobilisation. Et si dans l'air vicié du moment, l'explosion de la cocotte-minute étudiante pouvait nous ramener un grand vent d'air frais ? Lundi 17, l'AG de Rennes 2 vient de voter le blocage de l'université.00:00 Introduction – L'état des universités2:43 Depuis le campus de Rennes 2 avec l'Union Pirate : historique de la mobilisation en cours8:53 Histoire de l'université ou comment elle est née d'une grève qui a duré 3 ans 11:30 Comment le pouvoir s'est transféré des universités aux grandes écoles et pourquoi l'idée d'université n'existe pas dans l'espace public12:33 À l'origine des réformes de l'université : le modèle élitiste états-uniens et la volonté de revanche sur mai 1968 et sur la réforme Devaquet stoppée par la mort de Malik Oussekine et un mouvement étudiant de masse16:41 Le rapport des économistes Aghion Cohen de 2004 qui a théorisé et programmé la destruction des universités19:55 Comment l'idée d'autonomie a été détournée puis retournée en son contraire22:48 La dualité du système français : d'un côté les vacataires en grande précarité, de l'autre les titulaires encore protégés25:09 L'horizon des réformes : enrichir les enseignements privés et augmenter les frais d'inscription pour toujours plus de sélection sociale30:09 Depuis le campus de Rennes : qu'est-ce que les plans d'austérité font aux universités ?36:58 Pour éviter tout mouvement étudiant de masse, la stratégie « incrémentale » des gouvernements successifs (ou comment ne jamais inscrire publiquement les petites réformes dans leur plan général)40:09 Qu'est-ce que l'HCÈRES (Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur) et pourquoi il est l'outil et la tactique de mise au pas des universités50:43 Comment la mise sous pression des étudiants dès Parcoursup influe sur leur capacité de mobilisation54:43 « La pression mise sur les ados est internalisée » - La précarisation subjective57:26 Comment la précarisation et les angoisses sur l'avenir produit une génération sous cocotte-minute (la stratégie de la bouée normative)1:06:19 Depuis le campus de Rennes 2 : comment vit-on la précarité matérielle et subjective ?1:14:26 Qu'est-ce qui empêche la jeunesse de se soulever et pourquoi elle ne peut que finir par se révolter1:20:58 Comment les attaques contre laVous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
« Vers un pays inconnu », c'est le titre du dernier film de Mahdi Fleifel, réalisateur palestinien, une fiction qui aurait dû être un documentaire, en salles depuis le 13 mars. Dans les rues d'Athènes, aux côtés de deux cousins palestiniens, le film nous projette dans toute la brutalité et l'humanité que charrie l'expérience de l'exil, par-delà le misérabilisme comme les bons sentiments. L'attente et la débrouille, l'errance et les arrangements avec sa propre conscience, pas de happy end, que des plans serrés, au ras du réel. Le chemin escarpé vers un avenir meilleur ; ce qu'il en coûte dans un monde mauvais. On en discute avec Frank Barat, producteur exécutif du film, dans ce lundisoir qui se tient exceptionnellement un vendredi. Dépéchez-vous d'aller voir le film si vous souhaitez qu'il reste sur les écrans. Dure loi du marché et du cinéma.Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Le groupe Chuglu hante Marseille et le monde. Mais il est le contraire d'un spectre. Si vous voyez des gens déménager des meubles sans savoir où ils vont, des clémentines qu'il faut se mettre à dix pour n'en manger qu'une seule, des transhumances urbaines de centaines de ballons de foot rapiécés, des manifestations d'enfants autoritaires, des soupers de pierre servis en pleine rue et des cavernes sur le vieux port où l'on vend pour gratuit des vêtements trop chers, c'est probablement que vous avez été témoins d'une malice de Chuglu, que vous avez été frappé par le Chuglu, qu'il vous a joué une farce impossible et qu'il ne vous est plus possible de discerner le quotidien de la révolte.Craignez du haut de votre Hilarité l'attaque soudaine de ces ex-« barbares nihilistes » de l'art, ce Groupe qui n'est pas un Collectif, ce Collectif piqué de réunionnite incessante, dont la seule forme d'unité est l'embrouille. Si vous vous dîtes, au détour d'une rue d'une de ces capitales, témoin d'un geste infinitésimal où se produit un tout petit écart, que c'en est trop, qu'il faut se révolter et qu'y en a marre d'être liés comme des rôtis, c'est probablement que vous avez été pris par une fièvre, cette fièvre, on l'appelle CHUGLU.Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Fabien Lemozy et Stéphane Le Lay, sociologues du travail, ont mené une vaste enquête sur les livreurs à vélo qui pédalent toute la journée dans le cœur des métropoles pour rassasier la petite bourgeoisie pressée. Ils y voient le déploiement d'un nouveau stade du capitalisme, sa plateformisation ; ou comment les plateformes numériques et les nouvelles technologies qui tiennent dans nos poches révolutionnent l'organisation même du travail, c'est-à-dire l'exploitation et la domination des corps.Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Peut-on être juristes et anarchistes ou faut-il partir du principe que le droit est toujours « bourgeois » ? Qu'il est quoi qu'il arrive la cristallisation et l'expression des rapports sociaux dominants ? C'est quoi d'ailleurs « le droit » ? Des lois, des normes, des décrets, des titres, des constitutions, des règlements, des contrats... Quand on y pense, c'est un peu tout et n'importe quoi mais c'est ce qui trame plus ou moins visiblement nos existences communes et personnelles, c'est ce qui fait tenir cette fiction bien réelle : « la société ». Les juristes anarchistes que nous recevons cette semaine font le pari de penser le droit par-delà et en-deçà de l'État, pour cela ils ouvrent simultanément deux questions d'apparence paradoxales : comment trouver dans le droit des ressources pour se défendre contre l'ordre des choses ? Comment préfigurer depuis le droit ce que pourrait être une organisation sociale anarchique, consentie, libre ? Leur premier livre qui vient de paraître s'intitule d'ailleurs Vers de nouvelles utopies concrètes.Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
On connaît le célèbre adage : « il nous faut des lieux pour habiter le monde », une exigence qui se pose au carré lorsqu'on est exilé. Pour ce lundisoir, nous accueillons trois membres de l'un de ces futurs lieux : Darna, « notre foyer » en arabe. Depuis 5 ans, certains d'entre-eux animaient La Cantine Syrienne de Montreuil, un collectif impulsé par des exilés syriens déterminés à ne pas lâcher l'idée de révolution, ils ont décidé de passer à l'étape supérieur, d'étendre et de pérenniser leurs activités : cuisine et révolutions.Si nous les avons invités, c'est que le projet est en route, que les travaux ont commencé et qu'ils ont cruellement besoin de financements (voir le lien vers la cagnotte ci-dessous) mais pas que. Leur projet n'est pas seulement sympathique, il vient aussi concentrer et condenser de nombreuses questions et hypothèses qui traversent toutes menées révolutionnaires sérieuses : Comment fonder et déployer des foyers lorsqu'on a été dépouillés de tout rapport au territoire ? Pourquoi l'internationalisme relève-t-il de l'évidence dès que l'on appréhende les soulèvements contre le pouvoir depuis leurs réalités propres et tangibles ? Comment se traduire et se raconter, victoires comme défaites, par-delà les frontières et les circonstances locales ? Comment articuler le temps de la révolte et celui de la construction d'une force ? Comment se retrouver ou s'accueillir quand tout pousse à la dispersion ? Comment se rencontrer et bien manger ? C'est de cela et de tout le reste dont il fallait parler avec ces camarades syriens, soudanais et même français.La cagnotte pour les soutenir, est par là.Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Depuis plus de 40 ans, Robert Guédiguian et ses personnages traversent le cinéma français. Des films comme autant de fables qui nous racontent l'époque depuis les bords de l'intime et de la méditerranée. À l'occasion de la sortie de son dernier film La pie voleuse, il a accepté de venir discuter avec nous du monde tel qu'il va (mal) et de ce que la vie ordinaire recèle d'irréductible, de beau et de sensiblement communiste. On a donc parlé de Marseille, de philosophie, de son film et de certaines scènes. Attention, ça spoile mais ça déborde.00:00 Intro01:29 En quoi « La pie voleuse » est une fable politique ?04:14 Le vol, la nécessité et le petit supplément07:02 La richesse sous les yeux, la frustration dans les cœurs09:40 Voler pour vivre et non survivre12:17 La place du piano dans les films de Robert Guédiguian16:40 Le vol comme moment communiste ou comme pessimisme révolutionnaire ?18:39 Par-delà ou en-deçà du vol, la solidarité ou la communauté21:34 Les plans oreillers24:53 Tchekhov, Rancière et le communisme de l'infime27:42 De la lutte des classes au partage du sensible29:29 Pourquoi la bourgeoise est-elle indécrottablement séparatiste34:42 Peut-on filmer la réconciliation amoureuse des classes ? 39:16 L'ambiguïté de la scène du baiser 49:10 Enchaîner les images et les souvenirs sans devenir fou52:02 Les moments communistes57:10 Que peut le cinéma en 2025 ?Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Au sein de la gauche, parlementaire comme extra-parlementaire, nous voyons régulièrement réapparaître des revendications constitutionnelles ; la promesse d'une 6e République, l'organisation d'une assemblée constituante, des petits ateliers pour rédiger notre constitution idéale, etc. Il s'agit à chaque fois de perpétuer cette drôle d'idée : la constitution ce serait un peu de nous, nous serions même un peu constitués et si elle était mieux rédigée nous ne manquerions pas d'être plus libres, plus égaux, plus heureux. C'est cette croyance que Lauréline Fontaine, professeur de droit public et constitutionnel vient dynamiter dans son excellent La constitution au XXIe siècle, histoire d'un fétiche social (éditions Amsterdam). Car lorsque l'on étudie l'histoire des constitutions, en France comme ailleurs, ce sont toutes nos illusions qui s'évaporent. Cette pratique bien particulière qui consiste à « écrire le pouvoir » s'avère systématiquement être un leurre qui vise à nous faire adhérer au pouvoir tout en nous dépossédant de toute prise sur lui. C'est en tous cas l'implacable démonstration faite par Lauréline Fontaine dans cet entretien. Ces illusions perdues, s'ouvrent alors l'une des questions les plus importantes de notre époque : comment sortir du cercle constituant/constitué, soit comment penser une puissance destituante ?00:00 introduction00:11 La constitution, un objet mystérieux mais omniprésent qui nous protègerait du despotisme (présentation du livre)2:23 Quel rapport la constitution entretient-elle avec la société ? Qu'est-ce que le constitutionnalisme ?05:16 Qu'y a-t-il dans une constitution ?06:46 Créer l'illusion du peuple constituant qui adhère au pacte social08:59 Est-ce que ce n'est pas grâce à la constitution que nous gagnions des droits ou abolissons certaines oppressions, par exemple l'esclavage ? (spoiler, non)16:07 Quel rapport entretiennent les constitutions avec l'ordre économique et libéral ? Ou comment se reconduit la séparation entre politique (organisation formelle du pouvoir) et économie (mise au pas effective des sujets économiques)23:40 Le constitutionnalisme se diffuse par le biais des grandes puissances économiques24:50 La propriété privée comme pierre angulaire de toutes les constitutions30:07 « On finit par donner le nom de démocratie à un régime qui était au départ conçu comme l'opposé de la démocrate »34:18 Pourquoi la meilleure des démocraties représentatives ne sera jamais démocratique37:05 Le Droit n'existe que comme outil de domination (même si ponctuellement, on peut bien connaître d'heureuses victoires)38:00 Les exemples de constitutions vertueuses, leurs réussites et leurs échecs40:15 Pourquoi le pouvoir a-t-il toujours besoin d'oripeaux, de déguisements, de maquillage ? Et à quoi ça lui sert ?45:12 Ne plus s'étonner que la constitution soit systématiquement trahie par les pouvoirs institués47:31 Le droit ne fait-il pas quand même office de contre-pouvoir ?55:25 #LibérerGino (intermède publicitaire pour un camarade antifasciste incarcéré)58:32 « Les libertés qui nous sont accordées qu'à la condition qu'elles ne nuisent pas au bon déploiement des rapports économiques à l'origine de toutes les formes de misères sociales »59:59 Le constitutionnalisme par rapport au droit international. Comment le consitutionnalisme déborde l'État-nation1:02:52 La néféodalisation des institutions et de l'économie.1:04:27 La Science Fiction est-elle la trame des constitutions techno-fascistes et algorithmiques à venir ?1:09:22 Comment le néo-libéralisme mène àVous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Comme il y aura toujours besoin de s'organiser et de penser pour faire la guerre à la guerre, il est nécessaire de rappeler et transmettre les résistances populaires. Il s'agit de faire le travail dialectique pour actualiser les analyses de l'ADN abominable du capitalisme : la guerre. C'est ce que propose Nils Andersson, militant anticolonialiste et communiste à travers deux livres : Les guerres annoncées et Le capitalisme c'est la guerre. Il s'agit de faire l'histoire du temps présent, celle du capitalisme et de la réalité morbide des impérialismes, marchands de guerres et de génocides. Et de rappeler la responsabilité de l'occident dans les guerres annoncées du XXIe siècle.00:00 Introduction00:11 Présentation02:44 L'édition comme pratique politique. La publication depuis la Suisse des livres censurés en France pendant la guerre d'Algérie06:06 Actualiser et vulgariser le matérialisme historique : genèse de « Le capitalisme c'est la guerre ». Faire le bilan historico-politique de la chute de l'URSS08:20 Du mythe de la fin de l'Histoire. Comment la guerre n'a jamais cessé.9:40 On redécouvre la guerre avec l'invasion impérialiste russe en Ukraine12:44 1945 : le plan Marshall pour rétablir les bourgeoisies corrompus avec les régimes nazis et fascistes14:12 La confrontation inégale du capitalisme occidental contre le « camps socialiste »15:22 Chute de l'URSS, hégémonie américaine puis arrive la période des échecs (Afghanistan, Irak, Libye, Syrie)17:04 C'est grâce à la mondialisation capitaliste que la Chine a surgi comme super puissance en renversant le rapport de force20:18 Les guerres annoncées. Comment la Russie a créé la surprise en relançant ouvertement les guerres inter-étatiques21:44 Écrire l'histoire du capitalisme du réel24:35 L'élargissement de l'OTAN dans les années 9029:50 La non intégration de la Russie capitaliste à l'Europe capitaliste33:54 Déceler les nouvelles contradictions au sein du capitalisme mondial35:40 L'isolement de l'occident sur lui-même36:46 Le deux poids deux mesures dans l'accueil des réfugiés ukrainiens et le rejet à la mer des africains39:42 Comment la question palestinienne vient opérer une coupure mondiale42:36 Comprendre la situation géopolitiquement en dehors du discours hégémonique occidental. La question du terrorisme49:20 « La guerre c'est l'abomination »51:20 Succès militaires et échecs politiques : l'OTAN à l'horizon 2030, la défection américaine et l'isolement européen53:00 La Chine est devenue la nouvelle priorité des Etats-Unis54:30 La menace d'une guerre avec la Russie55:40 La tricontinentale et son influence sur la configuration mondiale actuelle56:40 La contradiction global nord, global sud1:00:34 La contradiction inter-impérialiste depuis le début des années 20001:03:25 Ce que le retour de Trump et du libertarianisme va radicaliser1:07:42 Les Etats-Unis restent la plus grande puissance mais la tendance irréversible c'est l'accroissement de puissance du global sud et le risque de guerre pour maintenir l'hégémonieVous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Cette semaine, le cinéaste Nicolas Klotz et Saad Chakali reçoivent le philosophe Frédéric Neyrat. C'est lundi bon sang de bonsoir cinéma, épisode 2.De nombreuses questions se posent : quel rapport y a-t-il entre le cinéma, le soulèvement et la philosophie ? Est-ce que l'IA ne dominait pas déjà nos consciences avant d'être inventée ? Est-ce que la tâche révolutionnaire qui incombe au cinéma ne serait pas de désynchroniser les esprits et percer à travers le désert techno-capitaliste pour se réarrimer au réel ? Enfin des trucs de ce genre. Pour les impatients ou celles et ceux qui détestent la linéarité, nous avons ajouter un chapitrage dans la description youtube qui vous permettra de vous orienter et d'optimiser votre expérience.Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
On sait que les cartes sont le support privilégié des pouvoirs ; on commence toujours pas cartographier ce que l'on s'apprête à dominer. Depuis de nombreuses années, l'historienne Nepthys Zwer prend cette question à revers et propose une contre-cartographie comme outil de lutte. Il s'agit de rendre visibles les structures et structurations du pouvoir. Dans Pour un spatio-féminisme, De l'espace à la carte (La Découverte), elle explore à travers de nombreuses cartes la manière dont les corps se partagent l'espace au quotidien, dans l'intime et le domestique, dans l'espace public ou à l'école. Il s'agit de rendre sensibles et visibles nos représentations mentales, imaginaires et culturelles ainsi que toutes les assignations qui en découlent.Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Depuis la France, nous pensons souvent l'affrontement des puissances impériales à partir des acteurs qui nous sont le plus proches : Etats-Unis, Russie et Europe. Comme si nous étions restés bloqués aux lectures géopolitiques héritées de la guerre froide. Nous avons bien quelques informations quant aux tensions avec la Chine, autour de Taïwan notamment, mais force est de constater que nos représentations de l'« empire du milieu » restent très vagues, comme s'il s'agissait d'un territoire immense et opaque en dehors de l'équation mondiale. Or c'est tout l'intérêt du livre de Benjamin Bürbaumer Chine/États-Unis, le capitalisme contre la mondialisation (Éditions La Découverte) : proposer une analyse approfondie et synthétique des relations sino-américaines qui nous permette de prendre du recul face à la reconfiguration du jeu entre les puissances mondiales. Cet ouvrage témoigne de la fécondité d'une approche marxiste de l'économie politique mondiale, inscrivant le face-à-face entre les deux puissances dans une fresque historique saisissante. Tout en ne négligeant pas le rôle central des luttes de classes internes aux espaces nationaux, Bürbaumer éclaire les dynamiques contemporaines du conflit mondial par une analyse des infrastructures stratégiques et des politiques monétaires internationales, offrant une synthèse salutaire de ces éléments trop souvent dissociés.Ce Lundisoir, nous plongerons donc dans l'histoire de la mondialisation, perçue comme une « solution spatiale » aux crises économiques et sociales américaines des années 1970, tout en examinant comment la Chine a su tirer profit de cette ouverture pour libéraliser son économie et s'imposer au cœur de l'échiquier mondial. Nous explorerons comment les technologies de pointe sont devenues des enjeux cruciaux, tant sur le plan militaire que commercial, ainsi que l'ambition du renminbi de s'émanciper de la domination du dollar. Nous analyserons aussi le rôle des classes populaires, qui, tout en résistant à cet ordre mondial, se trouvent écrasées par cette course à l'hégémonie. Enfin, nous mettrons en lumière la contradiction fondamentale de la mondialisation entre ces deux titans, où la domination américaine est contestée pour la première fois depuis la fin de la guerre froide par une puissance émergente redéfinissant les règles du jeu mondial. Accrochez vos ceintures : plongeons dans les méandres du capitalisme mondial.00:00 Intro00:11 Présentation de Chine/États-Unis, le capitalisme contre la mondialisation01:35 Pourquoi les États-Unis ont ils « fabriqué » la mondialisation ?8:44 Le rôle des traités de libre-échange à partir des années 1990. Comment s'est imposée l'idée selon laquelle la prospérité intérieure dépendait de la politique étrangère, au point qu'aujourd'hui « les profits étrangers dans leur totalité représentent en moyenne 67 % des profits nationaux » ?09:44 Préciser le rapport entre État et Capital15:45 Pourquoi l'histoire de la mondialisation doit aussi être comprise depuis l'intérieur de l'histoire économique et politique chinoise. Comment s'est déroulée la libéralisation du Parti Communiste chinois ?20:26 Pourquoi le concept de « chaîne globale de valeur » est-il central pour comprendre l'évolution du capitalisme mondial ?25:37 Division du travail et explosion géographique de la production : les paradoxes apparents de la chaîne globale de valeur s'expliquent par le développement technologique au service de l'exploitation27:52 La bataille économico-juridique entre la Chine et les États-Unis29:11 La réponse de la Chine à la crise économique de 2008 et au CovidVous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Depuis le 10 décembre, ils sont environs 300 « mineurs non accompagnés » à occuper la Gaîté Lyrique, célèbre salle de spectacle parisienne. Après avoir rejoint la France seuls, souvent au péril de leur vie, ils se sont retrouvés confrontés à toute l'inhumanité des politiques migratoires françaises et au déni de l'accès aux droits les plus élémentaires. Sur le papier, tout mineur présent sur le sol français doit pouvoir bénéficier d'une prise en charge minimale : l'accès à l'école, à des soins, à un toit. Ils sont pourtant des milliers d'enfants sur le territoire à se retrouver à la rue, sans ressource et sans possibilité de se soigner, ils ont donc décidé de lutter. Leur point commun à tous, c'est d'avoir été jeté dans les limbes de l'État de droit. Les services de l'Aide Sociale à l'Enfance se disant incapables d'établir l'authenticité de leurs papiers, même lorsque des cartes d'identité biométriques leur sont présentés, ils sont renvoyés vers un juge afin que celui-ci valide leur qualité d'enfant. Sauf que pour cela, ils doivent patienter des mois, parfois même une année. En attendant, ils doivent survivre dans la rue et dans le froid, n'ont pas le droit d'aller à l'école et ne peuvent pas voir le moindre docteur s'ils tombent malades. Pour ce lundisoir, nous avons invité une douzaine de ces jeunes militants organisés et déterminés qui ont fait de la Gaîté lyrique un point de ralliement depuis lequel trouver des alliés et des soutiens et agréger leurs propres forces pour arracher ce qui leur est dû. Leur assemblée générale se tient chaque jour à 18h, tous les soutiens sont les bienvenus. Leur cagnotte en ligne est ici :https://www.helloasso.com/associations/liberte-egalite-papiers/formulaires/100:00 intro1:33 Pourquoi occuper la Gaîté lyrique ?3:41 Comment s'organise l'occupation 5:50 Face à l'inaction des pouvoirs publics, l'auto-organisation7:15 Comment s'organise le quotidien9:29 La genèse du collectif et de la lutte21:17 « On est là parce que la France a pillé chez nous »22:41 Comment fonctionne la « reconnaissance de minorité »25:18 « La place d'un enfant, c'est à l'école »28:32 Les procédures kafkaïennes d'évaluation de la minorité35:50 Les refus de minorité comme stratégies de découragement de l'État français 38:08 La propagande d'extrême droite comme premier soutien des politiques migratoires inhumaines de la France41:02 Grâce à la lutte, une centaine de jeunes ont pu être scolarisés45:47 « Quand on lutte, on obtient des victoires »48:04 Venir en aide aux autres isolés51:53 « On ne va pas changer d'acter de naissance pour faire plaisir à l'ASE » 54:58 Vous attendiez vous à ce que la politique française soit aussi raciste ?58:39 L'organisation des manifestations1:05:27 Exemple de violences policières1:08:07 La menace policière sur l'occupation et le soutien de la direction de la Gaîté lyrique1:09:08 La menace fasciste1:10:51 « Si les gouvernants français savaient que leurs enfants étaient à la rue, ils réagiraient comment ? »1:15:06 Remerciements au soutiens et appels aux volontaires1:16:03 « Si tu manges, tu es en forme pour lutter »1:16:26 Appels à tous ceux qui ont des sentiments humains à venir lutter à leurs côtésVous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Vous aimez lundisoir, abonnez vous et partagez!Vous voulez nous soutenir? Une campagne de dons est en cours: https://lundi.am/lundimatin-10-ansLe dernier livre de Bernard Aspe La division du politique, sonne un peu comme un bilan d'étape. Où en sommes-nous ? Outre les différents types de domination et d'exploitation que l'on connaît, plus mortifères que jamais, nous sommes entrain de perdre le monde. Et à vrai dire, non pas seulement ce monde-ci – qu'après tout nous détestons assez pour ne pas pleurer sa disparation annoncée –, mais la condition même de la pluralité des mondes, aussi bien ceux du pouvoir que ceux dont on pouvait encore rêver, il y a peu. Les conditions de possibilité de la révolution s'amenuisent cruellement, non pas seulement parce que les luttes sont faibles, mais aussi parce que le support des mondes est écologiquement menacé.Qui est ce « nous », qui demande où nous en sommes ? C'est là qu'est l'os, le véritable problème politique ; l'articulation d'un « nous » révolutionnaire qui saurait à la fois maintenir les singularités et les unir pour recouvrer enfin, de nouveau, une véritable puissance de frappe. Ce « nous » n'a pas d'autre choix que d'être révolutionnaire – comme le disait le camarade Tronti, « comprend vraiment celui qui hait vraiment ». Mais le parti de la révolution est terriblement divisée. C'est à la fois légitime et regrettable, et il faut en finir avec la crainte de l'unité, le culte du multiple. En somme, il faut cesser de confondre le rival et l'ennemi. Du moins est-ce là une proposition, ouverte mais déterminée. Cette proposition, lancée à la cantonade révolutionnaire, consiste à trouver une condition commune aux différentes subjectivités en rupture, et à définir face à la réalité « le point d'attaque le plus commun qui puisse être trouvé ». Pour cela, il faut trois choses : une analyse des subjectivités d'abord, de leurs divisions aussi bien individuelles que collectives. Ensuite, un diagnostic sur une domination dont il faut prouver qu'elle est bel et bien globale. Enfin, déterminer la forme de l'unité qui pourrait se configurer pour briser cette dernière globalité destructrice. Et ce sans pour autant en revenir à un léninisme poussiéreux, boomer, refusant l'irréductibilité au moins partielles des oppressions. Ce trait d'un, Bernard Aspe propose de le situer dans le refus, non pas du travail, mais de la mise au travail qui capte chaque existence, humaine comme non-humaine, pour l'accaparer et et la broyer dans la grande machine économique. Il s'agit, depuis cette unité minimale, de dégager un espace et une puissance proprement révolutionnaire.Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
C'est parti pour le 1er épisode de lundi bon sang de bonsoir cinéma avec Nicolas Klotz, Saad Chakali et Ghassan Salhab. On y discute, en profondeur, du cinéma d'aujourd'hui, d'hier et de demain ; d'amitié, de guerre et de Joy Division. Le chapitrage ci-dessous offre quelques repères et une orientation. L'épisode 0, Que peut le cinéma au XXIe siècle avec Marie José Mondzain est toujours accessible ici, de Nicolas Klotz on se réfèrera au cheval du Turin… ( le cinéma est une ère géologique, pas une industrie ) quant à l'oeuvre de Ghassan Salhab, on lira volontiers Ghassan Salhab en revenant, métis inauthentiqu de Saad Chakali.00:00 Intro 00:14 Commencer, toujours, par l'amitié quand les ennemis ne finissent plus de s'accumuler 2:40 Ce qui sépare fait le rapport même de l'amitié 5:09 « Quand l'argent domine un tournage, on ne respire plus » 9:36 Beyrouth fantôme : le retour de l'ami qui a trahi la Palestine 12:07 L'engagement, l'amitié, la guerre et l'oubli 14:14 Les trahisons comme ravages 17:03 Peut-on filmer Benjamin Netanyahu ou Bachar al-Assad ? 19:58 Gaza, les images et l'ennemi invisible 27:05 Le cinéma d'aujourd'hui est-il resté bloqué au XIXe siècle ? 28:15 Mosab Abu Toha : Ce que vous trouverez caché dans mon oreille 30:45 Le nouveau monde et la condition atomique 33:38 Ce que l'on ne veut plus faire, ce qu'il ne faut plus faire 35:57 Filmer à travers la guerre 39:00 Le bourreau est la fiction, la victime du côté du documentaire 42:02 La surproduction des images, comment s'en sortir ? 46:16 La 6e extinction et les couches du vivant 47:28 Fernand Deligny : la connivence profonde entre les images et les animaux sauvages 48:56 Mohammed Darwish : l'ami qui empêche de faire les comptes Gaza comme hors champs, le cinéma est toujours du côté de la vie 51:35 Les années 50 et 60 ou l'apparition d'un cinéma politique depuis « les gens » 53:56 Comment recommencer le cinéma ? 58:50 Retrouver la lumière par-delà l'essoreuse des images qui colonisent 1:01:45 « Notre musique c'est celle de tout le monde », Jean-Luc Godard et Michael Witt 1:04:10 Repenser et réinventer la production et la distribution 1:06:44 Joy Division et Ian Curtis, l'ami commun 1:12:33 La solidarité entre les squats de Manchester et de Paris 1:15:04 Joy Division ou le cri étouffé 1:20:42 L'ami qui prend soin et prend la douleur 1:24:28 Peut-on se retirer sans trahir ? 1:28:17 Filmer depuis l'intérieur même de la destruction, désorienter, resituer 1:30:02 « Tant qu'on pense que le cinéma est une industrie, on est foutus » 1:36:19 Le geste cinématographique, la domination par le cinéma 1:40:26 Le cinéma et l'enchevêtrement du temps 1:45:30 Faire un pas de côté pour pouvoir dire le monde 1:55:33 Fuir les malentendus, partir de l'industrie 2:02:18 La voix sur l'épaule, Laurence Chable et François Tanguy 2:12:29 Que peut le cinéma aujourd'hui ? 2:13:23 « A moins qu'il ne faille penser que pour rendre la peine encore plus atroce et plus subtile, l'enfer a été placé en plein cœur du paradis » (Agamben)Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
L'édition de cette semaine se trouve chamboulée par la chute du régime syrien. Nous avons improvisé, dimanche soir, cette discussion avec deux amis révolutionnaires en (ex-)exil et préparons plusieurs articles sur cet évènement majeur. On publie le live tel quel, le son est un peu ric-rac par moment, si c'est trop pénible à suivre, on le refera au propre dans la journée. Ce qui s'y dit nous semble néanmoins crucial pour comprendre cette séquence historique et s'y repérer, sans bafouiller.Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Il y a cinquante ans, la population de l'archipel des Comores était invitée à se prononcer sur le statut de son territoire. Si trois des quatre îles votèrent massivement pour l'indépendance, Mayotte (Maore), où un courant sécessionniste animé par l'élite créole exerçait un puissant lobbying, vota contre, tandis qu'à Paris l'armée et le « parti colonial » encore très puissant ne voulaient pas perdre cette position stratégique dans l'océan Indien. La France accorda donc l'indépendance aux Comores mais conserva Mayotte, devenue en 2011 le 101e département français à l'issue d'un processus unique de « colonisation consentie ».Tout renvoie à la colonie sur cette île : les ghettos de Blancs, la hiérarchisation raciale au travail comme dans la vie quotidienne, la dépendance économique envers la « métropole », les défaillances des infrastructures mises en lumière par les récentes pénuries d'eau… Entre des Mahorais reniant leur passé pour être « français à tout prix », dont la dérive vers l'extrême droite semble sans fin, des « métros » qui se comportent en terrain conquis et cultivent l'entre-soi, et des Comoriens devenus « étrangers » par l'effet d'une politique d'État délibérée, la violence à Mayotte est le résultat d'un double processus de dislocation et de colonisation. Ce livre raconte les principaux épisodes de cette histoire et dresse un portrait sans concession de « Mayotte française » et du présent colonial qui continue de l'animer.Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d'existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C'est par ici.
Dans ce lundisoir nous poursuivons notre enquête sur le fascisme qui vient avec le philosophe Michel Feher. Son dernier livre Producteurs et Parasites, conceptualise l'imaginaire du RN comme « producerisme », soit l'idée selon laquelle les improductifs sont des parasites et qu'ils doivent être épurés du corps social, nous reviendrons avec lui sur la manière dont la fascisation consiste à passer d'un parasitisme productiviste général (de droite) à un parasitisme racialisé (d'extrême-droite).Nous abordons aussi cette fascisation actuelle à travers le concept d'« impérialisme continental » (Hannah Arendt). Il ne s'agit ni d'un « impérialisme colonial » ni d'un « totalitarisme » : d'un côté, ce fascisme-là ne prétend pas (encore) partir à la conquête de terres exotiques ; de l'autre, ce fascisme-là ne prétend pas à la production idéale d'un « homme nouveau ». Ce fascisme-là, selon Feher, est un fascisme d'épuration, ethno-différentialiste fondé sur le retour nostalgique à une terre que l'on nous a promise et que l'on a perdue. Dans le fascisme russe, inspiré par Ilyne ou Douguine, l'impérialisme se limite aux frontières de l'ancienne formation impériale russe et soviétique : ferveur nostalgique épuratrice. Dans le fascisme israélien, la colonisation ne se fait pas sur une population indigène exotique mais dans le mythe biblique et à travers lui. L'idéologie néofasciste de l'hindutva indienne, fétichisant le Grand Bharat (l'Inde pré-coloniale), se donne lui aussi dans des limites où la Grandeur est concomitante d'une Nostalgie et d'une rétribution. Le mouvement MAGA qui accompagne le trumpisme est très exactement l'articulation de cette Greatness, la réactivation du mythe fondateur étasunien, et de la Rédemption messianique vengeresse – qui se dit dans l'épuration et la déportation de tous les parasites improductifs qui, depuis trop longtemps, auraient humilié sa puissance. De même en est-il discrètement encore pour la Chine qui fait valoir son droit historique constitutionnel à l'absorption de Hong Kong et de Taïwan dans le Zhōngguó mèng (« rêve chinois »).Mais l'intervention, en même temps que ces aspects fascistes régénérateurs et rédempteurs, d'une nouvelle forme de capital, celui de la financiarisation, qui transforme tout individu non plus en simple salarié pour un patron, mais en auto-entrepreneur de soi-même, se donnant du crédit afin de recevoir investissement, ce capital financiarisé qui fait de chacun un « Investi », couplé à l'avènement encore inachevé du capital cybernétique de l'IA, des plateformes et du Cloud, ce capital technologique d'interfaces digitales, impliquant de nouvelles logistiques matérielles dans l'organisation des flux de circulation du capital, des choses et des données, l'arrivée, enfin, de ces « paléo-libertariens brutalistes » au pouvoir (Musk, Milei), ceux-là qui annoncent, selon Varoufakis, le basculement du capitalisme dans le « techno-féodalisme », la fin du profit en faveur de la rente, et, peut-être, le basculement du règne de l'Économie dans celui de l'Éthonomie, tout cela, toute cette nouvelle « modernisation » ne risque-t-elle pas, elle, de faire passer, peu à peu, l'actuel fascisme encore nostalgique et strictement continental dans un fascisme à visées hégémonique planétaire, accompagné de l'avènement de sociétés nouvelles et d'hommes nouveaux ?C'est à partir de ces questions, de celle des fascismes présents et de ceux à venir, que la discussion stratégique « à gauche » devrait être reprise et repensée considérablement. Pour Michel Feher, il faut une drôle de « gauche d'occasion », capable de comprendre que les paradigmes dans lesquels elle pense aujourd'hui sont inadéquats. Pour le philosophe, l'antagonisme entre logique de classe et logique de genre et race, bien que nombreux·ses soient celles et ceux qui cherchent à le lever, continue de surseoir à l'occasion commune de s'unir. Se
Pour nous qui avons vécu la majeure partie de nos existences en temps de « paix », la guerre est une réalité qu'il suffit de regretter, dénoncer ou conjurer. Pourtant, elle est bien là, toujours, y compris derrière chaque dispositif de pacification dont l'existence même doit nous rappeler le retournement de l'aphorisme de Clausewitz par Foucault : « la politique est une continuation de la guerre, par d'autres moyens » (notons que l'invité de ce lundisoir n'est pas du tout convaincu par ce détournement/retournement). Clausewitz donc, c'est ce stratège, officier aristocrate Prussien né à la fin du XVIIIe siècle dont le célèbre De la guerre a servi de livre de chevet à des généraux impériaux autant qu'aux communistes soviétiques (Lénine) ou à l'avant-garde artistique mégalomane et paranoïque (Debord). T. Drebent que nous recevons dans ce lundisoir est tombé dans cette pensée de la stratégie militaire un peu par hasard. Comme il le raconte, les livres de Clausewitz lui sont d'abord tombés des mains jusqu'à ce qu'il y trouve une source presque intarissable de déchiffrement du passé comme du présent, lorsque les actes se doivent de venir continuer la pensée. Il en a fait un livre Clausewitz et la guerre populaire. C'est de tout cela dont on parle avec lui ici.
En juillet dernier, en réaction à la menace d'une prise de pouvoir par le RN, de nombreuses organisations ont annoncé le début d'une campagne intitulée Désarmer l'empire Bolloré. Il s'agissait de trouver des leviers contre la fascisation en cours qui ne se limitent pas à l'isoloir. C'est dans ce contexte que plus de 80 libraires indépendants viennent de signer une tribune la semaine dernière : « Ne laissons pas Bolloré et ses idées prendre le pouvoir sur nos librairies ! ». Il s'agit pour eux de ne pas se rendre complices du « combat civilisationnel » mené par le magnat en faisant disparaître, autant que faire se peut, les livres du groupe Hachette de leurs étales.Outre la prise de position politique que représente cette tribune, elle a aussi le mérite d'ouvrir des questions et des contradictions particulièrement épineuses pour les libraires, signataires ou non. Dans un secteur aussi concentré où cinq gros groupes détiennent l'immense majorité des titres publiés ainsi que toute la logistique de production et de mise en circulation qui va avec, est-ce si facile de tenir une promesse de « boycott » sans se tirer soi-même une balle dans l'étale ? Si Bolloré concentre toutes les attentions de par son empire tentaculaire mis au service de l'extrême droite et de la fascisation des esprits, n'oublie-t-on pas un peu vite les dégâts que produisent aussi ses concurrents ? Et que faire de ces livres (et éditeurs) chers, pris dans les griffes de cette industrie culturelle ? Parce qu'il n'existe aucune réponse simple à toutes ces questions, nous avons invité cinq libraires indépendants pour en discuter, Nicolas de Libertalia, Anaïs du Rideau Rouge, Natacha de L'Atelier, Alexis de Petite Egypte et Martin de Michèle Firk. . Certains ont signé la tribune, d'autres non, mais tous nous éclairent sur leurs techniques et stratégies pour résister et faire que le livre ne puisse être réduit à une simple marchandise.
La contre-anthropologie, ça peut être en un sens assez commun la manière dont les indigènes se représentent et critiquent la culture du colon. Pourquoi n'est-ce pas tout bonnement de l'anthropologie ? Parce qu'il ne faut pas trop croire ce que racontent les scientistes blancs déguisés pour quelques semaines en aventuriers. Les pratiques contre-anthropologiques sont des sortes de théâtres où rugit un rire de résistance contre l'esprit de sérieux occidental, dont on se paie allègrement la tête. Il en existe bien des exemples : Jean-Christophe Goddard en a narrés quelques-uns dans son livre, qu'il est venu nous raconter. Les pratiques contre-anthropologiques existent aussi sous forme de discours ; c'est là toute une tradition critique indigène, puissante, protéiforme. Au fond ce qui est critiqué, haï, c'est la destruction systématique des autres mondes. Qui n'ont rien d'idéologiques, sauf à accepter que l'idéologie tue aussi, et que donc les vieux dualismes sont périmés. Ainsi, à propos des suicides indigènes massifs en Guyane : « Derrière chaque suicide, c'est un même cosmocide. » Ce qui est critiqué c'est l'ethnocide colonialiste généralisé, l'extractivisme débridé, le patriarcat occidental exporté – mais aussi tout un tas d'autres institutions, à commencer par l'école ; en ce que tout cela annihile des formes d'autochtonie qui savent, elles, que l'être n'est pas un minerai. Elles le savent encore aujourd'hui, parce que ce serait donner trop de crédit au capitalisme mondial que de le croire absolu : « le choc de la colonisation n'a […] pas réussi à être fatal ». Ce qui est démystifié, moqué, c'est aussi la philosophie blanche. N'est-elle pas pourtant bien inoffensive ? Non : « la métaphysique cartésienne de la "ruine des fondements" est la métaphysique de l'extirpation coloniale. » Le projet colonial euro-occidental, qui n'est autre que le projet de son existence propre, est porté par un vide métaphysique, une métaphysique dangereuse du commencement absolu. Être chez soi dans l'autre, disait le vieux fonctionnaire qui prêchait le retard éternel de l'Afrique – voilà un mot d'ordre sacrément impérial. Contre ça, d'autres ont su se lier autrement aux autres. Les Blancs, eux, ne savent pas : ce sont d'autres gens que les autres. Mais alors pourquoi un énième livre ? Parce qu'« il restera difficile à qui a été élevé dans les livres imprimés, c'est-à-dire dressé par eux, d'en être libéré sans l'être par un livre. » 00:00 : Introduction 1 - Qu'est-ce que la contre-anthropologie ? 3:21 : Contre-anthropologie ou contres-anthropologies ? Des anthropologies plurielles 9:37 : Qu'est-ce qu'un dispositif contre-anthropologique ? Le culte du cargo et le culte N'gaul 14:03 : Qu'est-ce qu'une ontologie ? Ontologie animiste et ontologie naturaliste 15:18 : Les effets politiques de l'ontologie : racisme et ontologie animiste 17:27 : Retour sur le culte N'gaul : « une anthropologie africaine de la blanchité » 24:35 : A propos du culte du cargo. Critique de l'interprétation de J.Rouch. Comment faire de l'anthropologie quand c'est une contre-anthropologie (du monde blanc) ? 2 - « Eclater de rire face aux blancs » : peut-on être à la fois ridicule et dangereux ? 30:28 : Pilima-Macron : comique de l'émancipation et tradition carnavalesque 36:25 : La métaphysique occidentale est-elle risible ou dangereuse ? 39:00 : L'ontologie est meurtre 3 - Pour une critique politique de l'ontologie naturaliste 46:38 : Le nihilisme du monde blanc : une métaphysique du vide ? 48:49 : si l'ontologie détruit, qu'est-ce qui justifie de continuer à parler d'ontologie pour la métaphysique indigène ? 50:43 : La bêtise de la domination 4- Sur la possibilité des alliances - perspectives critiques 54:08: Critique du patriarcat et critique du colonialisme 1:01:43 : Contre-anthropologie et anthropologie anarchiste : guerre des mondes ou conversation entre les mondes ? 1:13:31 : Critique de l'université et critique de la philosophie : la philosophie peut-elle être dissociée de
Trump incarne-t-il un élan fasciste de masse ou, paradoxalement, le triomphe d'un individualisme libertarien ?A-t-on affaire, avec lui, à un suprématisme ou bien plutôt un infantilisme politique au service d'une refondation mythique des USA ? L'antagonisme entre fasciste et “wokiste“ est-il le nœud qui divise l'Amérique ou bien la fiction qui recouvre une division plus profonde entre celles et ceux qui se sont insurgés suite à l'assassinat de George Floyd et la panique électorale des propriétaires ? Que peut encore le parti de la subversion, lorsque la droite s'est réapproprié les affects de la rébellion ? La démocratie en Amérique est-elle formellement soluble dans l'illibéralisme ? Sommes nous sur le point d'entrer dans le capital-cloud ou le techno-féodalisme ? Elon Musk relance-t-il le mythe colonial de la conquête de terres vierges dans l'espoir de soumettre une population extraterrestre et rejouer le pacte colonial où métropole démocratique et colonies dictatoriales fonctionnent de concert ? En décrétant la fin de l'Empire, Trump va-t-il ramener la violence coloniale à l'intérieur de ses frontières ? Le paradigme de la guerre civile est-il plus éclairant que celui de la fascisation ? L'humiliation est-elle la condition de possibilité du capitalisme ? L'effondrement de l'hypothèse libérale démocratique et de la mondialisation impériale appellent-ils à repenser la souveraineté ou à propager le communalisme ?Nous vivons un interrègne dont la première des évidences est que les catégories politiques depuis lesquelles nous pensons achoppent. Parce que dans ce clair-obscur, il va bien falloir commencer à y voir quelque chose, nous recevons trois invités. Eugénie Mérieau, constitutionnaliste autrice de La dictature, une antithèse de la démocratie ? et Géopolitique de l'état d'exception, Michalis Lianos, sociologue spécialiste des dynamiques sociales et contestations contemporaines et Pablo Stefanoni, auteur de La rébellion est-elle passée à droite ? et spécialiste des hybridations capitalisto-fascisantes les plus étonnantes. Au vu de la confusion de nos propres intervieweurs, nous avons ajouté un chapitrage sous cette vidéo afin qu'il soit plus simple de naviguer à travers ces deux heures de discussion.
Après quelques décennies de mensonges et de dissimulations, le scandale du Chlordécone est désormais connu. Pendant près de 30 ans aux Antilles, les sols ont été pollués, l'environnement contaminé et les corps intoxiqués afin de protéger et optimiser les profits générés par l'industrie bananière à destination de l'hexagone. Malcom Ferdinand, docteur en philosophie et chercheur au CNRS vient de publier S'aimer la terre, défaire l'habiter colonial (Seuil), une enquête majeure et magistrale qui condense 15 années de recherches, de rencontres et de réflexion.Si ce livre est incontournable dans l'évolution de la pensée écologique et décoloniale, c'est d'abord par sa méthode : à partir de cette microscopique molécule, Ferdinand déplie et déploie toutes les dimensions de l'existence personnelle, collective, économique et politique qu'elle vient affecter ou révéler. Ainsi, s'ouvrent au lecteur les questions et enjeux les plus décisifs de notre temps : comment habitons-nous le monde ? Quelles forces et logiques s'activent à zombifier la terre ? Depuis quel rapport à la vie, à la science et à l'environnement pouvons nous envisager de démanteler les structures des maîtres qui nous asservissent ? (C10Cl10O)56 ou la formule chimique qui vient nous rappeler l'impossibilité d'une humanité-astronaute flottant au-dessus de son propre désastre autant que la nécessité de trouver les manières de vivre à travers et contre la corruption, même lorsque celle-ci s'est immiscée jusque dans nos cellules. Nous avons donc eu cette longue et foisonnante discussion avec Malcom Ferdinand.
Un président et sa cohorte de capitaines d'industrie, une délégation qui coûte chère, très chère, un humoriste médiocre et sa paire de jeans. Voilà à peu près tout ce qui a été retenu du voyage de Macron au Maroc. Mais derrière cette visite diplomatique éminemment stratégique, se cache le drame du peuple sahraoui, victime une fois encore du réalignement français sur les intérêts marocains. Au nom du développement économique et de l'investissement financier, c'est en réalité et sans surprise le triomphe de la prédation des entreprises du CAC40 sur un territoire pas encore assez exploité et géré à leur goût : le Sahara occidental. Pourtant, dans le désert et au sein des tribunaux internationaux, la subjectivité sahraouie persévère à faire entendre sa lutte et revendiquer ses droits, et ceci aussi bien grâce à sa diaspora solidaire dispersée de par le monde que grâce aux combattants du Front POLISARIO. 00:00 Introduction 01:02 Présentation de l'invité 01:29 Pourquoi l'anonymat? 02:03 Contexte historique et colonisation 08:11 Le soutien de l'Algérie et l'invasion marocaine 10:30 Le retrait militaire de la Mauritanie et l'intervention française 14:57 L'impossible référendum et l'impuissance de l'ONU 17:41 Le Mur de sable contre la guérilla, l'écologie et le nomadisme 26:09 Le nationalisme marocain au service de la monarchie 30:35 L'importance du droit international pour les militants sahraouis 35:39 La stratégie du long terme 38:59 Le grand remplacement démographique et l'exode 40:50 La voracité du secteur privé français 47:25 Les nouveaux intérêts français au Sahara 53:06 Les grandes entreprises, des acteurs coupables 55:53 Les positions ambigües d'une certaine gauche française 59:50 Qui est vraiment le Front POLISARIO?
Depuis le 24 février 2022, la Russie est en guerre contre l'Ukraine. Sur cette guerre, beaucoup a été écrit et dit : de l'indignation furieusement européenne de Glucksmann, jusqu'à la lecture géopolitique la plus froide de certains marxistes, ne concevant l'agression russe envers l'Ukraine qu'à travers le prisme, certainement juste mais insuffisant, d'un conflit impérialiste entre l'OTAN et la Russie. Dans toutes ces analyses, c'est comme si un acteur manquait pourtant cruellement : les Ukrainiens eux-mêmes, dont certains semblent avoir presque oublié qu'ils existent, et dont le quotidien est percuté par bientôt plus de trois années de guerre sans répit. Qu'a fait la guerre aux Ukrainiens, et plus particulièrement ici, aux Ukrainiennes ? Comment a-t-elle remis en cause les évidences acquises et remodelé les relations humaines ? Comment a-t-elle transformé les perceptions de soi, et provoqué des engagements subjectifs dévoués pour soutenir ceux qui sont au front ? C'est l'objet de l'enquête du livre Travailleuses de la résistance (Éditions du Croquant) de la militante et philosophe marxiste Daria Saburova, à travers un travail de terrain auprès de femmes des classes populaires de la région industrielle de Dnipro, dans la ville natale de Volodymir Zelensky : souvent russophones, et parfois opposées ou indifférentes au soulèvement de Maïdan. Le travail d'enquête auprès de ces femmes et de ce que Daria Saburova nomme leur « travail de résistance » offre un angle d'approche privilégié et unique pour comprendre de l'intérieur, et à hauteur de vue, ce qu'il en est aujourd'hui d'une partie de la société ukrainienne, de ses traumatismes et de ses combats quotidiens contre un adversaire à la fois proche et lointain.
Enrique Dussel nous a quittés il y a bientôt un an, en novembre 2023. C'était un philosophe et théologien argentin, dont le nom reste peu connu en France malgré sa notoriété en Amérique Latine, et notamment au Mexique où il s'exila en 1975 après avoir été menacé de mort par l'extrême-droite argentine. L'absence de Dussel dans le paysage théorique français est un fait qui confirme une fois de plus la règle des abysses de l'ignorance et de la forclusion nationales en matière de décolonial. Emmanuel Levine a récemment traduit deux des œuvres de Dussel, ce qui rend possible de continuer de remédier à ce déni : Philosophie de la libération, PUF, 2023 et Métaphysique de l'altérité. Levinas et la libération latino-américaine, Hermann, 2024. Une spécificité de Dussel est d'avoir inlassablement affirmé et documenté l'existence d'une dimension métaphysique propre aux enjeux anticoloniaux, postcoloniaux, décoloniaux. On a eu l'occasion, en lisant et discutant Dussel, de se poser la question des différences entre ce que recoupent ces trois derniers termes, et donc de procéder à une esquisse de généalogie du décolonial latino-américain ; de s'interroger ainsi sur les orientations qu'il nous faut lui donner à présent. « Initier un discours philosophique qui parte de la périphérie, qui parte des opprimés. » – tel était le mot d'ordre, en 1977, de la Philosophie de la libération.
De l'eau a coulé sous les ponts depuis que Patrick Balkany installa en 1993 les premières caméras de vidéo-surveillance de Levallois-Perret pour lutter contre la délinquance. Elles sont désormais partout, dans les rues, les bibliothèques, les magasins et halls d'immeubles. Bien malgré nous, on nous enregistre, on nous surveille, on nous « protège ». Et petit à petit, nous nous sommes faits à cette immense ramification de dispositifs de contrôle qui décompose et recompose notre rapport au monde, à la police, à la ville, à la norme, aux autres. Si beaucoup a déjà été dit et écrit sur le sujet, deux livres important viennent de paraître et qui réactualisent la question : que se passe-t-il lorsque ces millions de lentilles qui parsèment la planète se retrouvent branchées sur des ordinateurs, connectées à l'intelligence artificielle ? Pour ce lundisoir, nous accueillons Félix Tréguer qui vient de publier Technopolice, la surveillance policière à l'ère de l'IA (Divergences), Thomas Jusquiame qui raconte dans Circulez, la ville sous surveillance (Marchially) comment il a infiltré une start-up de la surveillance intelligente et Noémie Levain qui co-anime la campagne contre la Technopolice de La Quadrature du Net.On discutera de l'état de l'art du monde de la surveillance, évidemment, de comment le lobbying s'organise entre politiciens, entrepreneurs de la tech et forces de l'ordre ; mais aussi des concepts qui nous permettent de nous opposer à cette dystopie déjà bien avancée. L'affect sécuritaire et le désir paranoïaque de contrôle se renversent-ils depuis l'idée de l'État de droit et l'abstraction des libertés publiques et individuelles ?
Depuis un an maintenant, la destruction méthodique et déchaînée de Gaza par l'armée israélienne maintient son effet de sidération. Qu'y aurait-il à dire ou penser de plus lorsque nous assistons impuissants au carnage, à l'écrasement d'un bout du monde ? Nous avons pourtant retrouvé un petit texte dans le limbes de lundimatin : manifeste kibboutz in Bavaria, rédigé en 2010 et publié en 2016 et qu'il nous a semblé, par-delà son caractère burlesque et fantasque, important de re-discuter. On a donc invité des camarades de Tsedek pour essayer de réfléchir au sionisme non à partir de sa seule réalité, mais à partir d'une contre-proposition sioniste en apparence « comique » et pourtant suffisamment sensée pour faire apparaître les contradictions des actuels soutiens inconditionnels à Israël. Cette proposition est la suivante : et si les Allemands, réellement affectés de culpabilité historique pour les crimes d'un certain IIIe Reich, se proposaient de nous confier, à nous juifs européens, un territoire sympathique en Bavière, pas loin de Bayreuth (plutôt que de Beyrouth), pour y installer nos kibboutzim socialistes et communalistes ? Que ferions nous ? Que faire des bavarois ? Sera-ce le judaïsme qui définira l'État de Bavière ? Ou l'État de Bavière qui définira le judaïsme ? Être juif, est-ce faire peuple, ethnie, religion ou, plus essentiellement, comme le pense Ammon Rav Krakotzkin, vivre et penser depuis une conscience de l'exil et donc, la conscience de la nécessité d'un droit supérieur à celui des peuples à disposer d'eux-mêmes, un droit plus fondamental encore que celui des nations : le droit à traverser le monde et les États, à migrer et émigrer, à s'exiler, apatride, et à errer dans le désert, d'une errance adverse ?
La dissolution de l'Assemblée nationale a plongé brusquement une large partie de la population dans un état de sidération. Ce sentiment, qui n'a pas affecté seulement les gauchistes mais les membres même du camp macroniste les plus proches, n'est peut-être pas dû au hasard. Nous avons l'habitude des mensonges cyniques de la popote oligarchique. Ce qui est ici étonnant, c'est que l'on éprouve un choc qui confine à l'outrage, au scandale intime, au sentiment d'avoir été plongé depuis presque dix ans, sous la houlette non d'un politicien menteur mais d'une sorte d'ex toxique, de manipulateur équivoque, en réalité, et c'est l'intuition du sociologue Marc Joly comme d'Anne Crignon (Voir : Ve République : un soupçon de perversion narcissique), sous l'emprise d'un « pervers narcissique » en pleine crise.Cette intuition n'est pas anodine. Elle indique un changement dans les structures actuelles de la domination et de sa légitimation. Selon Joly, nous serions passés d'une légitimation des inégalités sociales par la « violence symbolique », soit l'intériorisation inconsciente de l'ordre injuste et de la vision du monde des dominants, à une sorte de mise à nue brutale de la domination, mise à nue où le pouvoir de jouissance du pouvoir, ne se jouant plus sur le mode narquois de l'apparence, sur le mode satisfaisant d'une couleuvre avalée en silence par le truchement de symboles, mais sur le mode terriblement médiocre de la « violence morale », du harcèlement moral, de la jouissance non de l'apparence, mais du micromanagement, de la capacité à disloquer les âmes, la cohérence des choses, le sens du monde et les vérités essentielles, la faculté de titiller à mort ses victimes vampirisées, de s'assumer irresponsable, et de martyriser des citoyens comme s'il s'agissait de petits jouets dans les mains d'un pervers infantile. Pour Joly, le déclin, du fait de la critique féministe ou autre, du camouflage dans la violence symbolique des masculinités patriarcales et capitalistes, a engendré une société dans laquelle le mode par lequel le dominant jouit de sa domination sur le dominé n'est pas fondé sur le sentiment de l'avoir bien eu, bien dupé, mais celui de pouvoir continument le plonger dans un état de sidération, d'offense, d'inexistence, sur la base d'un arsenal d'injonctions paradoxales, d'indifférence à la contradiction et à la vérité (paradoxalité), d'effacement des continuités historiques (gaslighting) et de tout ce qui fait sens. Le monde de la violence symbolique semble laisser place au monde mis à nu de la violence morale, et dans cet entre-deux surgissent partout, dans les familles, les groupes, les entreprises et les institutions de l'État même, ces figures inquiétantes du « pervers narcissique », du « prédateur », de l'être dont la vie n'est vouée qu'à conserver l'emprise et à la renouveler sans cesse. Macron est-il l'une d'entre elle ? Qu'est-ce que cela nous révèle de nos sensibilités contemporaines, de nos grilles d'analyse du pouvoir et de l'épuisement des institutions de la Ve République ? Là où la domination semble laisser éclater sa franche perversité sans le tampon des apparences, avons-nous affaire à la fin d'une époque de la gouvernementalité ? Vivons-nous un crépuscule du pouvoir secoué sur ses bases et obligé de se réduire à l'efficacité perverse pure ? Ou sommes nous en train de découvrir que le pouvoir pour jouir de lui-même n'a plus besoin de se cacher, parce qu'il est devenu total et sans issu ?On dira que le désert ne peut plus croître. Certes. Mais Joly nous apprend qu'il peut encore s'enlaidir.
1984, MadMax, La Route, Les furtifs, La zone du dehors, les dépossédés, V comme Vendetta. La science-fiction explore l'avenir qui vient. Dans son dernier essai, l'imaginaire au pouvoir. Science-fiction, politique et utopies aux Éditions du Passager clandestin, Vincent Gerber interroge les puissances politiques de la science-fiction. À l'heure du culte du pragmatisme et du réalisme, de la disqualification permanente des joyeuses divagations, la science-fiction et ses imaginaires pourraient bien s'inviter aux débats politiques. Réfléchir demain, anticiper les catastrophes qui viennent mais aussi percer l'avenir en projetant quelques mondes désirables sont sans doute quelques-uns des défis de la S.F. Dans de sombres temps, l'imagination en mouvement est une nécessité politique : elle utopie le ici et le maintenant et donne des raisons de croire au monde et d'y croire malgré tout.
Si guerre et force virile sont fréquemment associées, souvent à raison, il existe cependant un angle mort qui tient presque du tabou, celui de la puissance de la féminité combattante. Dans “Combattantes, quand les femmes font la guerre”, la sociologue Camille Boutron récapitule 10 années de recherches et de terrains. Des prisons péruviennes pour prisonnières du Sentier Lumineux aux camps des guérillas FARC, jusqu'au hauts rangs des armées françaises, elle est allée à la rencontre de cette subjectivité duale qui consiste à être femme et combattante dans un monde très masculin.Même si tout oppose idéologiquement une militaire occidentale à une guérillera latino-américaine ou à une militante de l'Etat islamique, elles partagent cependant un même intérêt à faire reconnaître leur trajectoire comme étant éminemment politique. Toutes inscrivent leur engagement, humaniste ou brutal, révolutionnaire ou réactionnaire, dans un domaine que l'on voudrait leur faire croire réserver aux hommes.« La guerre, j'en suis persuadée, commence chez soi, en soi. Elle vient de ces conflits familiaux insolubles et destructeurs, des non-dits qui font hurler lors des repas de famille, elle bouillonne chez ces petites filles qui, comme ma grand-mère, ont vécu le pire sans jamais pouvoir en parler. L'inceste, le viol, l'emprise sont autant de déclarations de guerre faites aux femmes (et de façon générale à l'ensemble des personnes vulnérables) dans le cercle intime et discret de la famille. L'état du monde est un reflet de ces violences, encore insuffisamment abordées dans leur dimension structurelle et politique. Parce que l'on considère avant tout les femmes comme des victimes – comme si cela était un statut en soi. Or être victime ne veut pas dire que l'on ne peut plus agir. On peut en outre être victime et bourreau à la fois, que l'on soit un homme ou une femme. »
Tchekhov plutôt que Lénine. Voilà ce que nous propose gaiement Jacques Rancière dans Au loin la liberté (éditions La Fabrique), de la même façon que Joseph Jacotot répandait, dans Le maître ignorant, la bonne nouvelle de l'égalité des intelligences. Dans ce nouvel ouvrage cependant, il n'est pas question d'égalité, mais de liberté ; et il n'est pas question des rêves d'un philosophe, mais de ceux que met en scène un écrivain russe qui peut-être n'évoquera de prime abord pas grand-chose (sauf de s'être vaguement, une fois ou deux, ennuyé.e devant La Mouette).Les nouvelles de Tchekhov offrent pourtant matière à parler d'émancipation, de révolution, de communisme : ce que fait Rancière une nouvelle fois, infatigable. Il serait faux néanmoins de considérer ces récits comme une simple « matière » ; en réalité, c'est comme si un dialogue se tissait entre l'auteur de la Nuit des prolétaires, et celui du Récit d'un inconnu, un dialogue se déployant à partir du « sentiment d'une ouverture indécise du temps ». Ce temps est avant tout celui de la servitude, celui de l'ordre de la police et des vies brisées où tant bien que mal, dans un horizon aux contours un peu flous, se dessinent des brèches. On a donc lu et parlé sur la servitude et de liberté, sur la puissance de consolation qui sommeille dans l'ordinaire des petites histoires issues de la mélancolie « ironique et rieuse » de Tchekhov. Est-ce que la consolation mène à l'inaction ? « Changer les manières de sentir », à quoi ça sert ? On a peut-être eu l'impression d'entendre une adresse amicale aux révolutionnaires : vous, qui vous demandez « que faire ? » : ne devenez pas Trotskystes, ne figez pas sociologiquement la servitude, croyez toujours que les pas de côté sont possibles, sachez admirer les banales émancipations qui à coup sûr mènent ailleurs et par-delà, au sens radical du terme. La liberté est loin, mais comme les vies enfin délivrées de ce qui les mutile, elle est au loin.
Et si nous n'avions rien compris au conte du Petit Chaperon rouge ? Et si le bon sens et la morale populaire transmis par Perrault et les frères Grimm n'étaient pas d'avertir des dangers de la forêt et des prédateurs inconnus mais de se méfier de ce qui se cache derrière la bobinette et sous le bonnet de grand-mères un peu trop aimantes et poilues ? C'est l'hypothèse défendue par Lucile Novat dans le formidable De grandes dents, enquête sur un petit malentendu qui vient de paraître aux éditions Zones. La démonstration est implacable, le style impeccable et drôle mais ce qui rend ce livre décisif, c'est ce qu'il dit de nous, de nos aveuglements, de nos dénis et de nos tabous. Ce que l'on comprend à sa lecture, ce n'est pas seulement ce que nous ne voyons pas ou ne voulons pas voir mais pourquoi l'on s'arrange si bien d'une telle cécité. Si Claude Lévi-Strauss voyait dans l'interdit de l'inceste le passage de la nature à la culture, soit le signe de notre civilisation, Lucile Novat s'attache à démontrer que c'est l'interdit de parler de l'inceste qui scelle une certaine solidarité. Comme si ce que contient l'enfance de vérité et de puissance devait à tout prix rester tu. En novembre 2023, la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) rend un rapport accablant dans lequel elle dénombre 129 600 cas d'agressions incestueuses chaque année. Si pour l'heure, aucune suite n'a été donnée à ces conclusions, le programme gouvernemental pour redresser la jeunesse a continué de se diffuser : en avril 2024 Gabriel Attal annonce que « la République contre-attaque » face à « l'addiction à la violence » des adolescents. Emmanuel Macron lui emboîte le pas et dénonce le « surgissement de l'ultra-violence dans le quotidien, chez des citoyens de plus en plus jeunes » et en appelle à « un retour de l'autorité à chaque niveau, et d'abord dans la famille. » Ce que l'on comprend en lisant cet essai de Lucile Novat, c'est que l'inceste et son tabou ne sont qu'un dommage collatéral et massif dans une société qui a toutes les raisons de se méfier d'une enfance pas encore tout à fait fondue dans le mensonge civilisé.
Toute notre vie, nous la passons entre le lion, le chameau et l'enfant : la rébellion, le devoir et la création. Voilà que Bertrand Ogilvie décorrèle l'enfance de l'enfant : l'enfance est l'ensemble des « virtualités faibles » à laquelle tout un chacun doit pouvoir revenir pour se débarrasser du lion comme du chameau. Pour cette rentrée des classes, on se questionne avec lui sur le lien entre l'école et l'enfance et sur la façon dont l'école française, « institution structurellement perverse » produit tout le contraire de ce qu'elle prétend. Si pour certains c'est une évidence, pour d'autres cela serait peut-être un paradoxe : à l'École, on n'apprend rien. Mais quel est ce « rien », alors, que l'on apprend ? Lieu proclamé de transmission des savoirs, elle est aussi celui de l'évaluation, de l'apprentissage de l'échec et de l'apprentissage d'une place sociale. La question qui se pose alors est celle de savoir comment il est possible de ressaisir et de laisser place au désir de savoir comme condition de possibilité d'un apprentissage joyeux — et cela, nous dit Ogilvie, n'exige pas autre chose, pour celles et ceux qui transmettent le savoir que de « désobéir, quotidiennement, sans cesse, discrètement, obstinément, avec désinvolture » — de saboter l'école
À qui (quoi) sert l'homophobie ? L'état, premier acteur de l'oppression homosexuelle - et ce dès l'invention de l'homosexualité au XIXe siècle- serait devenu, en quelques décennies, le garant de la sécurité des homos... Mickaël Tempête, pd, auteur et éditeur nous propose dans son premier ouvrage d'explorer l'histoire de l'homophobie, concept phare des nouvelles frontières de l'identité gay dont la lutte institutionnelle en serait un des principaux ciments. Comment s'est d'abord construite l'homophobie d'État ? A-t-elle réellement disparue ? Ou bien s'est elle seulement transformée ? La gaie panique propose une analyse historico-politique de la paranoïa et des angoisses qui ont toujours entouré la question homosexuelle masculine jusqu'à son instrumentalisation par les sociétés libérales comme affirmation de leur pseudo supériorité civilisationnelle... On parle, dans ce lundisoir, d'enjeux sécuritaires, de contrôle des désirs, de fléau social et d'espoirs d'émancipation...
Qu'est ce qui relie des révoltes de Kabylie à la moitié du 19ème siècle à la Semaine Sanglante de Paris puis au bagne d'une terre perdue dans le Pacifique? Ou plus récemment, comment des corps et des idées souvent antagonistes parviennent ils à déployer des dispositifs, des doctrines et des résistances de la Casbah d'Alger aux banlieues du coeur de la métropole en passant par les forêts kanakes? C'est ce à quoi nous tentons de répondre avec Léopold Lambert, architecte de formation et rédacteur en chef de The Funambulist, qui s'attache à étudier la question des mobilités géographiques et de l'aménagement du territoire, jusque dans ses constructions les plus récentes.
Ce lundisoir est un peu spécial. Lundimatin accueille des cinéastes pour parler de cinéma. Cela faisait un moment que Nicolas Klotz & Élisabeth Perceval (Réalisateur•ices), Marie José Mondzain (Philosophe), Saad Chakali & Alexia Roux (Des Nouvelles du Front cinématographique) nous proposaient d'intervenir, régulièrement, dans une émission à plusieurs épisodes, invitant leurs potes cinéastes, critiques, amateur•ices de bons films, pour essayer de déployer ce qu'il reste de cet art, ce qu'il a ou non d'éthique et de politique, dans son espace particulier que l'on croit désormais liminal. Cette série, ils et elles l'ont baptisé, avec un clin d'œil, « Lundi bonsoir cinéma ». Cet épisode 0, expérimental, improvisé, free style, part de la question de base – Que peut le cinéma en 2024 ? Quelle est la puissance du cinéma pour défaire les brutes ? On y découvre que derrière l'industrie du Superhéros se cache le Klu Klux Klan ; que le cinéma anti-nazi a quelque chose de nazi dans sa forme ; que la durée est ce qui permet de sculpter l'éthique de l'image ; que Guy Debord prophétisait l'avènement de Bolloré ou que le cinéma d'hier avait un peu de vergogne.
On entend souvent « à gauche » cette petite musique condescendante à propos des électeurs du Rassemblement National. Ils seraient « fachés mais pas fachos », simplement trompés par la communication dédiabolisée du parti d'extrême droite. Il s'agirait donc de leur apporter la lumière, de leur prouver que derrière les beaux discours populistes se cache du racisme crasse, leur démontrer qu'ils se trompent quand ils votent et comprennent mal leurs intérêts de classe. Le sociologue Félicien Faury a mené une enquête au long cours sur ces électeurs dans le Sud-Est de la France et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il complexifie et radicalise ces analyses de plateaux télés : on ne vote pas RN par méprise ou manque d'éducation mais pour défendre un ordre du monde, racial et dominant. (Pour une présentation plus étoffée de cet entretien, rdv sur lundimatin)
Si nous devons repenser le fascisme -ses fondements, son histoire et ses mutations-, se repose symétriquement la question de l'antifascisme. C'est une histoire qu'il nous faut sans nul doute redécouvrir et partager, au cœur de celle-ci, il y a bien évidemment la guerre civile espagnole, soit l'émergence et la lutte d'un mouvement ouvrier révolutionnaire et autogestionnaire contre le coup d'état fasciste de Franco en 1936. Pour ce lundisoir, nous avons invité l'historien Pierre Salmon qui vient de publier Un antifascisme de combat - Armer l'Espagne révolutionnaire – 1936-1939 (éditions du Détour). Si son livre s'attaque d'abord à un pan méconnu de la guerre d'Espagne, soit la manière dont les forces révolutionnaires sont parvenues à s'armer et à combattre en s'appuyant sur un réseau international de contrebande et de résistance, il nous permet de nous replonger dans cette période et d'aller y rechercher quelques résonances avec notre actualité. Quels enseignements garder d'aussi courageux et glorieux ancêtres ? Le plus décisif, peut-être : que l'antifascisme ne peut jamais se contenter d'être « anti » et se doit de toujours porter en lui les solidarités à chérir et les mondes à construire. Il n'y a pas l'antifascisme puis la révolution mais toujours l'antifascisme et la révolution.