En Sol Majeur joue la partition du métissage de façon ludique et musicale. Des personnalités (politique, culture, sport, sciences) de « double culture » nous font partager leur histoire jalonnée d’espérances, de combats, d’humiliations parfois, de rêves souvent. Le tout sous la houlette d’un program…
Qu'est-ce qu'un Bédouin pour un Occidental ? Aux yeux du Britannique Lawrence d'Arabie qui a contribué à façonner notre orientalisme, c'est clair : dans sa vie, le Bédouin a de l'air et du vent, des espaces illimités et de grands vides. C'est un peuple dont les intelligences inertes sont incurieuses et en friche. Mais le grand sociologue arabe Ibn Khaldoun n'y a pas été de main morte, lui non plus : « Qui bédouinise détruit », disait-il. Dans cet En sol majeur, c'est l'histoire exceptionnelle d'un Bédouin né très pauvre en Syrie, devenu le fondateur du groupe Altrad spécialisé dans les services à l'industrie, présent sur cinq continents, avec 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2024 et environ 60 000 salariés. Cette histoire – qui n'a rien du conte de fées – n'est que le fruit du talent et du dépassement de soi. Surgi d'un horizon ensablé qui aurait pu l'ensevelir, Mohed Altrad est un bâtisseur, peut-être amoureux des chiffres, mais aussi des lettres. Grâce à son tout dernier récit paru c/o Actes Sud Le désert en partage, bienvenus dans un monde de baklavas aux pistaches, de maamoul aux dattes et de halawet El jeben…
Celui qui vient en marchant n'est jamais un étranger, c'est ce que dit le dicton. Notre invité Zied Bakir est un marcheur inspiré qui aime bien aussi vous faire marcher. J'en ai la preuve dans le studio tamisé d'ESM, son nouveau récit paru chez Grasset intitulé «La naturalisation, aux immigrés la patrie reconnaissante». L'humour à mort, c'est ce que pratique cet enfant du Maghreb, né bédouin dans un coin de Tunisie, rattrapé un jour par le virus de la francophilie. Et c'est là que le stylo entre en scène, convaincu qu'il est de devoir forcer le mektoub littéraire. Forcer l'écriture, ça veut dire provoquer la vie et ce chemin de vie qui le mènera de Saint-Jacques-de-Compostelle à la prison libyenne pour atterrir un jour au guichet d'une demande de naturalisation. C'est l'histoire d'un Zied Bakir qui ne s'est jamais senti nulle part à sa place, sauf clandestinement, sauf en cheminant. Ne serait-ce pas la définition du philosophe.
Encore une histoire de famille dans les oreilles ESM, mais oui, puisque le genre humain ce n'est finalement que ça. Alors que le blocus de l'aide humanitaire est imposé depuis le 2 mars dans l'enclave palestinienne par le gouvernement Netanyahu, un livre raconte les piments verts, les tomates, le pain azyme, les hommes, le cœur et la boussole de ce cœur d'homme. Trois pays pour un exil signé Mazal Ankri chez L'Harmattan évoque un voyage en terre promise en 1996, quelques mois après l'assassinat d'Yitzhak Rabin. Voyage et enquête familiale pour revisiter les destins croisés des Haddad, Calvo et Kateb, depuis la Tunisie, vers Israël et la France. Où l'on apprend, au cours de cette cousinade qui porte si bien son nom, que dans cette famille juive, il peut y avoir un cœur musulman. Programmation musicale de Mazal Ankri :• Harry BelafonteErev chelshoshanim• Rachid Taha Ya rayah • Anouar Brahem Conte de l'incroyable amour.
On le dit et c'est souvent vrai : les artistes transportent en eux une blessure abyssale. Dans le cas de Mahi Binebine, sa blessure est devenue peinture, sculpture, romans. Une blessure qui s'ancre à Marrakech entre un père courtisan du roi Hassan II et un frère banni par Sa Majesté dans une geôle du sud. C'est ce qui s'appelle être né dans une famille shakespearienne avec, dans l'ADN, le poison de la trahison. Mais avec aussi la faculté de raconter pour ne pas mourir. Entre Shéhérazade et griot, Mahi Binebine n'est que plume et pinceaux avec la même gourmandise poivrée. Lui qui expose dans le monde entier (de Paris à Rome en passant par Madrid, Dubaï et New York dans la collection permanente du musée Guggenheim), il nous revient avec un quatorzième roman, poignant comme l'enfance La nuit nous emportera (Robert Lafont). Programmation musicale:Léo Ferré – La blessure Maalem Saïd Damir & Gnawa Allstars – Soudani Manayou À écouter aussiÀ Marrakech avec Mahi Binebine, écrivain et artiste marocain
C'est terrible. Mais pourquoi ? Parce qu'on oublie vite l'histoire et ses champions. C'est une légende de la boxe qui le dit dans Deux poings ouvrez les guillemets, aux éditions Mareuil, des mémoires qui prennent la forme d'une belle conversation entre un ancien du GIGN, lui-même ancien boxeur, Michel Bernard, et celui qui a été champion d'Afrique entre 1976 et 1994, Jean-Marie Émébé, totalisant 34 combats et 27 victoires. Surnommé « Jean-Marie le chasseur » (mais pourquoi ? Faut écouter En sol majeur...), il a combattu pour le drapeau camerounais puis le drapeau français, côtoyé les plus grands rings, croisé les Amin Dada et autre Mohamed Ali, surfé sur les sommets de la gloire, voilà pourquoi il se dit déçu d'avoir été oublié. Ce livre est une piqûre de rappel, donc c'est parti pour plusieurs minutes de cordes à sauter, 60 pompes, 15 tractions et 50 flexions…Programmation musicale- James Bond – générique - Charlotte Dipanda – On s'en foutÀ lire aussiJean-Marie Émébé ou l'histoire d'un grand boxeur camerounais
Quoi de mieux pour poser un regard sur l'histoire française noire qu'une fenêtre anglophone. Préparez vos oreilles et vos lunettes, car le mot « intersection » va sans doute tomber En Sol Majeur dans la conversation. (Rediffusion) Car c'est à l'exacte intersection de la francophonie et de l'étude des mouvements féministes qu'Annette Joseph Gabriel s'est mise à soulever un voile, celui de l'invisibilité. Universitaire jeune et belle, cette professeure d'études féministes en Caroline du Nord aux États-Unis cherche, c'est son job. Elle cherche à ne pas oublier 7 femmes noires effacées de l'histoire de la décolonisation française. De Suzanne Césaire à Aoua Keïta en passant par Eugénie Eboué-tell Imaginer la libération des femmes noires face à l'empire, c'est cette petite bible indispensable qu'elle signe aux Éd. Robokrik. Belle traversée que celle de notre invitée franco-ghanéenne qui, pour comprendre la question de l'aliénation sera passée, non pas par l'Afrique, mais par la Martinique.Les choix musicaux d'Annette Joseph-Gabriel- Joseph Boulonge, chevalier de Saint-Georges Violin Concerto No. 9 in G Major, Op. 8, Mvt. I- Kassav An ba che!nn'la- Prince Nico Mbarga Sweet Mother.
La Nouvelle-Calédonie n'est toujours pas sortie d'une opposition entre deux termes : négocier ou se suicider. Cette petite phrase lue dans le journal Le Monde, récemment, on la doit au professeur agrégé de Philosophie Hamid Mokaddem. Je m'étonne que cette tête pensante ne circule pas davantage dans nos espaces post-coloniaux. Car Mokaddem n'est-il pas, comme il le dit lui-même, un descendant de travailleurs immigrés algériens, né en France qui, par un tour de passe passe colonial, s'est retrouvé à Nouméa où il a rencontré un jour l'homme incarnant la souveraineté kanak.Au menu de cet ESM, il y a comme des résonances, des résurgences, et puis de l'histoire intime où des noms d'écrivains (Kateb Yacine, Apollinaire Anova Atabah) apparaîtront. Où des vocables - généalogie, déportation, souveraineté - auront peut-être leur mot à dire, encore faut-il que le pays des Z'oreilles (la France métropolitaine) les entende. Et puis un livre publié par notre invité au Vent des îles, intitulé L'histoire dira si le sang des morts demeure vivant.
De sol et de sang, c'est un mutant, un pacifiste qui fait la guerre, un guerrier qui veut la paix. C'est une histoire dans l'Histoire avec sa grande hache que celle de Xavier Le Clerc. Issu d'un récit colonial français invisibilisé et fils d'Un homme sans titre (son précédent roman), Le Clerc s'inscrit désormais sur le fronton de notre paysage littéraire en cheval de Troie. Mais attention, cet amoureux d'Albert Camus et d'Alexandre Dumas ne s'avance pas en spahi destructeur de nos consciences, mais en humaniste lettré qui doit tout à la France, sans se départir de sa mystique algérienne. Né Aït-Taleb en Kabylie, ayant grandi en France où porter un nom d'arabe est mortel, et vivant aujourd'hui la dignité d'un Le Clerc en Grande-Bretagne, on dira que l'altérité est sa table de travail. Il vous en donne aussi, du travail, avec son nouvel opus Gallimard intitulé Le pain des Français. Programme musical : Rachid Taha – Bent Sahra Jean-Sébastien Bach – Violin concerto n•1 in A minor BWV 1041 dirigé par Daniel BarenboimÀ écouter aussiXavier Le Clerc, au nom du père
C'est Milan Kundera qui le disait : l'Enfant, c'est une existence sans biographie. Cette phrase pourrait habiller en partie l'étrange récit d'Amado Komi. Vous le savez, souvent, pour ESM, on évoque des histoires d'identité revendiquées, secrètes ou malmenées pour cause d'assignation ou de préjugés, des identités qui se transforment au gré des exils, des impossibles retours ou simplement du temps qui passe. Vieux père, l'histoire filmée par Marine de Royer entre Ouagadougou et Paris, le théâtre et les visites médicales, mais aussi entre deux âges pose une sacrée question (un peu genrée, désolée)… à savoir : qu'est-ce qu'être un homme ?
C'est un cœur et une pensée dedans dehors, loin de tous les dogmes. Avant de sortir les jolies phrases, regardons le CV de Sophie Bessis qui nous fait l'amitié de taper du poing sur la table, en plein conflit au Proche-Orient avec son nouvel ouvrage «La civilisation judéo-chrétienne, anatomie d'une imposture» (Éd. Les liens qui libèrent). J'vous avais prévenu, ça décape toujours avec cette journaliste, chercheuse, historienne, née dans la belle lumière du sud, dans la bourgeoisie juive de Tunisie, avec dans son arc des possibles le communisme, les droits de l'homme et les relations nord-sud. Si vous ne pouvez pas être un pont pour relier les gens, ne soyez pas un mur pour les séparer. Cette citation de Khalil Gibran va à merveille à Sophie Bessis qui, tout en dénonçant les murs, propose des ponts de réflexion de livre en livre. À feuilleter également de façon très ESM Je vous écris d'une autre rive, lettre à Hannah Arendt c/o Elyzad et La double impasse qui vient de ressortir c/o Riveneuve.
On se construit sur l'histoire des anciens et (ai-je envie de dire) des anciennes. C'est ce que disait Géraldine Faladé, que nous recevions ESM en 2021, à l'occasion de la parution de ses Turbulentes, aux Éditions Présence africaine. (Rediffusion) C'est tellement vrai : que seraient Chimamanda Ngozi Adichie ou Leonora Miano sans le passage terrestre de ces grands-mères ou arrière-grands-mères africaines, pionnières chacune dans son domaine. Ce livre Turbulentes recensait 17 femmes oubliées de l'Histoire, l'une 1ère magistrate, l'autre 1ère femme médecin ou 1ère institutrice du continent. Contre vents et marées de préjugés. De Suzanne Vertu Diop à Funmilayo Ransome Kuti en passant par Sarah Maldoror, c'est une éternelle piqûre de rappel pour les combattantes d'aujourd'hui, et on le doit à l'une des 1ères journalistes béninoises qui n'a jamais pu nous faire oublier qu'elle était aussi une princesse, descendante du roi Behanzin du Dahomey… Géraldine Faladé ayant tiré sa révérence le 16 février 2025, ESM lui rend hommage en rediffusant cet entretien.Turbulentes, des Africaines en avance sur leur temps. Les choix musicaux de Géraldine Faladé Touadé- Louis Armstrong Nobody knows the trouble I've seen- Bella Bellow Zelie- Prince Nico Mbarga Sweet mother I never forget you.
Et si le récit familial ne parlait que de notre monde ? Et si nos histoires singulières n'étaient que le miroir déformant de notre famille humaine ? Évidemment pour que ce miroir miroir nous parle, il faut le sens aigu d'une observatrice telle que Gabriella Zalapì. De livre en livre, cette plasticienne d'origines anglaise et italienne livre des paysages intérieurs faits de prénoms Wilibald, Antonia, Ilaria. Des prénoms et des mots-clé : enfance, désobéissance, oppression avec à l'arrivée un héritage familial aussi lourd symboliquement que peut l'être un tableau représentant le Sacrifice d'Abraham. Diplômée de la Haute école d'art et de design à Genève, la Zalapì s'aventure régulièrement dans la cave familiale pour en ramener des archives personnelles qui finiront en photographies de l'âme. Éditées aux éditions Zoé. Et en pleine semaine de la francophonie. Programmation musicale :• Anibal Troilo Nocturno a mi barrio• J.S. Bach Rédemption interprété par Anna Prohaska Mache dich, mein Geist, bereit. BWV 115 Bete aber auch dabe• Art Blakey Are you real ?
Ce qu'on refuse de nommer finit par disparaître. Une phrase que nous sommes nombreux du côté d'ESM à penser, que je viens de lire dans le nouveau roman d'Hemley Boum «Le rêve du pêcheur». C'est tellement vrai, les secrets de famille ou certaines pages d'histoire sanglante qu'on refuse de nommer, finissent par disparaître. Qu'est-ce qui a poussé cette fille de Douala, passée par l'anthropologie, à s'ancrer dans la littérature ? Qu'est-ce qui la pousse, de sa fenêtre parisienne, à revenir de livre en livre en terre camerounaise ? Pour son 5ème roman, cette discrète qui creuse son sillon notamment chez Gallimard, revient sur cette puissance d'océan qui peut sceller le destin de plusieurs générations. Et l'anthropologie n'a qu'à bien se tenir. Les musiques d'Hemley Boum- Manu Dibango Qui est fou de qui?- Anne-Marie Nzié Sarah- Blick Bassy Ngwa
Un thriller qui castagne dans les faubourgs de Nice, un parfum géorgien sur les écrans français, un amour du cinéma léché, bienvenue au pays d'Akaki Popkhadze. Un nom qui castagne lui aussi, venu des montagnes caucasiennes, enneigées, orthodoxes, patriarcales. Qu'est-ce qui fait une signature au cinéma ? Dans le cas de Popkhadze - 33 ans, scénariste réalisateur de «Brûle le sang», un premier long métrage très maîtrisé - dans son cas, sans doute un chemin de vie, de croyances et une concentration de geek du 7ème art.Au menu de cette conversation à l'humeur un peu traînante, de la Russie, Tarkovsky, le nouveau testament, Robert Bresson et l'accent d'une grand-mère nommée Daredjane. Et là, on peut dire que c'est signé Akaki … Aka pour les intimes.
Y a de la poétesse inclusive dans l'air et le studio ESM. Inclusive, c'est-à-dire n'omettant aucune de ses robes à pois ou sans manches : l'intello, la guerrière, la maman, la populo, la Parisienne, la Marocaine. Avec Rim Battal, on n'est pas dans le prêt-à-penser, vite enfilé, vite défilé, non, plutôt dans l'hyperactivité cérébrale et langagière. Ayant pour sujet poétique: elle-même. Féministe sans doute, mais très contemporaine, d'ailleurs grande prêtresse du Bordel de la poésie, expérience immersive débarquée de New York et qui contamine Paris.Entre ce grand bordel et la petite question de la virginité abordée dans son 1er roman Je me regarde-rai dans les yeux, il y a un certificat de liberté qu'elle se délivre. Délivrée de livre en livre, avec Rim Battal, il y a un désir brûlant de vivre et de dire.
Nous devions nous croiser au moment de la Saison lituanienne en France. Mais comme y a plus de saison ma p'tite dame, Mūza Rubackytė et ESM, c'est maintenant et en tournée en France, en Lituanie, à Porto Rico… 2025 sera lyrique. Pour cette artiste totale, Née sous un piano (c'est le titre de son autobiographie), le mouvement est son mantra. Mouvement d'une enfant surdouée, auréolée à 13 ans d'une grande victoire au concours All union récompensant les meilleurs pianistes d'Union soviétique, mouvement irrésistible pour la musique (de Franz Liszt, Godowsky, Chostakovitch) mouvement d'engagement pour la révolution lituanienne.Mouvement d'une soliste internationale en mission vers un au-delà musical qui n'empêche nullement les pieds sur terre : présidente de la société LISZTuania, marraine de la maison Debussy en France, Mūza Rubackytė exulte, transmet, voyage. Le regard vert entouré de taches de rousseur dit à peine la force de ce petit soldat mystique qui, entre Vilnius, Genève et Paris, nourrit un grand rêve européen pour sa Lituanie éternelle.
Crâne rasé et la mentale d'un mousquetaire. Le crâne rasé, c'est lui sur la photo, la mentale d'un mousquetaire c'est lui qui le dit. Dans la besace de cet ex-taulard du 9.4 qui a jamais été en taule, même dans sa piaule, y a du gros son, des posters et des noms qui ont laissé des traces dans le frigo de la vie : Malcolm X, Robespierre, Ice Cube, Magic Johnson, Kery James et toute la célèbre clique de Mafia K'1 Fry. L'âme de ce collectif hip-hop c'est lui, Samir Salah, plus connu sous le nom de O.G.B. 20 ans de carrière, 1 600 concerts entre la France et le Maghreb et 38 tonnes de doutes pour ce métis des banlieues. Grâce à un lit d'hôpital où il est passé à un cheveu de la grande faucheuse, O.G.B auteur interprète-producteur-régisseur se livre en tant qu'homme, fils, père, poto sur 300 pages au titre évocateur Je suis venu me dire, aux éditions Mindset. Une lecture qui m'a donné envie de cette conversation ESM pour remonter aux origines de l'artiste, même si dans la vie, on ne peut pas pull up comme dans la musique. À écouter aussiL'artiste Samir Salah, dit OGB, présente son autobiographie «Je suis venu me dire ...»
Princesse Salomé is back, mais cette fois-ci en présidente géorgienne coûte que coûte. Comment on dit mektoub en géorgien, il faudra que je demande à mon invitée exceptionnelle, madame Salomé Zourabichvili qui nous fait l'amitié de nous retrouver ESM de retour des États-Unis et dans ce moment si tendu pour sa Géorgie. Batoumi-Paris, Paris-Tbilissi, Tbilissi-Washington, c'est l'histoire d'une malle familiale têtue, faite d'hommes et de femmes debout mais contraints à l'exil devant l'oppression russe, puis soviétique, puis de nouveau russe. Une malle renfermant une terre interdite, devenue mythique, puis réellement politique pour la petite fille aux yeux verts-gris franco-géorgienne. Vert caucasien, gris parisien. Salomé, c'est le synonyme de multiples vies : d'abord diplomate française, puis présidente géorgienne, aujourd'hui elle part en mission pour recouvrir sa terre de vertus démocratiques et européennes.
C'est pas une plaisanterie… que l'on regarde du côté du Yémen, de la RDC, du Burkina Faso, du Soudan, du Mali ou du Niger, ce n'est que guerres et conflits frontaliers. Et si le cousinage à plaisanterie - pratique qu'on retrouve en Afrique de l'Ouest et Afrique centrale qui oblige quasiment les membres d'une même famille et de certaines ethnies à se moquer, s'insulter, mais sans conséquence aucune - et si cette pratique ne jouait plus son rôle de préservation des grandes et belles alliances ? Et si, par exemple, le président nigérien Mohamed Bazoum était victime d'un défaut de parenté à plaisanterie…? Je m'égare sans doute, voilà pourquoi ESM a jugé bon d'inviter Salifou Boubé, enseignant à l'École politique de Paris et au Département de philosophie, culture et communication à l'Université de Niamey qui publie, aux éditions L'Harmattan, La dialectique de l'appartenance et de la distanciation, un exemple paradigmatique : le cousinage à plaisanterie.
Sur l'état civil, c'est Camille mais, sur scène, c'est Gildaa. Voilà ce que je lis sur le dossier de presse très très paillettes de Gildaa, une tragi-comédie musicale à voir en courant, du 21 au 30 janvier 2025, au Théâtre du Rond-Point à Paris. D'accord, mais alors si l'une c'est aussi l'autre, sur scène qui est Gildaa ? C'est une meneuse de revue dans un cabaret brésilien qui, un soir, avant d'entrer en scène, essaye de se suicider. Sauf que l'esprit d'un ancêtre passe une tête… Ou comment se libérer du poids de l'héritage avec les outils de l'héritage lui-même. D'accord, d'accord, ça c'est Gildaa. Mais alors dans la vie, qui est Camille Constantin Da Silva ? On dira que c'est une artiste multiple (comédienne, musicienne, danseuse) passée par le Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paname, née à Paname, mais dont le corps est diablement traversé par un frisson ancestral brésilien.
« Nous ne discutons pas la famille. Quand la famille se défait, la maison tombe en ruines. » Un proverbe portugais sur lequel j'aurais pu tomber en lisant Un anthropologue dans ma famille qui paraît chez Buchet Chastel. Ouvrage concocté par l'anthropologue Elsa Ramos qui, sur presque 300 pages, vous fabrique une boîte à outils pour rédiger votre roman familial en quasiment six mois. Comment mener l'enquête dont vos grands-parents sont les héros ? Sur quels thèmes ? Autour de quels objets ? Avec quelle technique pour libérer la parole ?Des questions très En sol majeur, d'où le bristol envoyé à Elsa Ramos, maîtresse de conférences en sociologie, dont les recherches portent sur la famille, la jeunesse, la migration. Des travaux qui cherchent à saisir la place de l'individu pris entre son autonomie et ses appartenances. Une invitée qui peut dire à propos d'elle-même et sans doute de ses origines : le fado, c'est tout ce que je ne peux pas dire.
Si vous êtes un amoureux des proverbes, je vous en dépose un dans le creux de l'oreille. La souveraineté est une chose qui s'étend en cercles toujours plus larges, à partir de vous-même. Proverbe venu à tire-d'aile d'une terre qui ne compte pas les années en décennies ni en siècles, mais en saisons et en générations d'anciens : la terre des Innus, communauté d'autochtones d'Amérique du Nord. En Sol Majeur est heureux de voir assis derrière ce micro un homme multiple, appartenant à la communauté de Mashteuiatsh sur les bords du lac Saint-Jean au Québec. Journaliste et auteur qui a le talent du castor, puisque de livre en livre, Michel Jean tisse une hutte immense avec des fils d'or pris dans les bois et des histoires que personne ne souhaite entendre : Atuk, Elle et nous, sur sa grand-mère Jeannette Siméon, Le vent nous parle encore sur la tragédie des pensionnats autochtones, Kukum succès de librairie autour de son arrière-grand-mère innue Almanda et voici Tiohtiá:ke /Montréal sur la question de l'itinérance autochtone en milieu urbain.Conversation enregistrée quelques jours avant la nomination d'un Premier ministre autochotone à la tête d'une province québécoise.Les choix musicaux de Michel Jean :Niagara Pendant que les champs brûlentVilain pingouin Sous la pluieElisapie Isaac Ton vieux nom
Yngvild. Un prénom qui vient du pays d'Ibsen, des fjords et des maisons colorées. Yngvild Aspeli vient de là, habitée qu'elle est par un monde invisible, fait de sorcières, de spectres et de sentiments terriblement humains. Bienvenue dans son monde, et quel monde !(Rediffusion) Actrice, marionnettiste, metteuse en scène, directrice de Plexus Polaire et depuis 2022, directrice artistique du Nordland Visual Théâtre à Stamsund (en Norvège), Yngvild Aspeli est une sorte de passe-muraille : elle traverse les frontières. À travers chacune de ses créations (Dracula, Moby Dick et actuellement Une maison de poupée) et grâce à ses marionnettes à taille humaine, elle nous reconnecte au sensible, au sauvage et au double qui sommeille en nous.Les choix musicaux d'Yngvild Aspeli :Ane Brun Do you rememberRavnene FolqueJoni Mitchell Both sides now.
La femme est la ceinture qui tient le pantalon de l'homme, nous dit le proverbe africain. Pourtant, lorsqu'on vit au Nord-Kivu, à l'est de la République démocratique du Congo, il semblerait que certains proverbes aient perdu leur chemin et leur bon sens. Il y a quelques mois, pou En sol majeur, je suis allée enregistrer in extremis avant son retour sur Goma. Justine Masika Bihamba, petit bout de bonne femme, aux robes fleuries. Cette fille du Nord-Kivu, qui a l'allure d'une sœur, le cœur d'une mère et la force du monde puisée dans la foi, n'est qu'un maillon indispensable d'une chaîne humaine héroïque. Cofondatrice de l'association la Synergie des femmes pour les victimes des violences sexuelles, elle sillonne inlassablement notre monde pour interpeller les instances internationales, et sensibiliser la France par exemple, au terrible champ de bataille congolais qui utilise le viol comme arme de guerre, depuis 30 ans d'interminables conflits. Interview sur le pouce (j'vous préviens) & et rediffusion autour de son ouvrage publié aux éditions de L'Aube, Femme debout face à la guerre.
ESM arrive encore tout mouillé du Théâtre national de la Colline, à Paris, les oreilles pleines d'eau, pleines de récifs et de récits de tous ces naufragés qui ont des prénoms. Comment raconter à un enfant de 8 ans la traversée en mer d'un ingénieur guinéen, d'une institutrice ghanéenne ou d'une fillette soudanaise ? Une drôle de question que s'est posée Anaïs Allais Benbouali dans Esquif (à fleur d'eau), à l'affiche jusqu'au 22 décembre 2024. Autrice, metteure en scène, comédienne et directrice artistique de la compagnie nantaise La Grange aux Belles, son truc, même avec le trac, c'est de troquer l'indifférence contre le cœur.Son truc, c'est de parler depuis le bastingage de l'enfance de la crise humanitaire en mer, de créer des ponts narratifs entre la Méditerranée et l'Afrique, la Méditerranée et l'Europe. Créer d'autres ponts aussi entre une fratrie et une terre d'origine, entre son Algérie et sa France, c'est ce qu'Anaïs Allais Benbouali s'est autorisée dans deux textes précédents aux accents camusiens et maquisards Lubna Cadiot fois 7 et Au milieu de l'hiver j'ai découvert en moi un invincible été.
C'est si facile de rayer une vie de la surface de la mer. D'en faire un migrant de moins, un Africain définitif, un inconnu du grand canal. Une facilité que ne connaît pas Khalid Lyamlahy, universitaire, écrivain et critique littéraire franco-marocain. À regarder de près son périple géographique (hier Maroc, puis France et Grande-Bretagne, EU aujourd'hui) quelque chose me dit qu'il en connaît un rayon et sur la notion d'altérité (lire son premier opus Un roman étranger) et sur la notion du genre humain, lire son Évocation d'un Mémorial à Venise qui lui vaut d'être lauréat de la mention spéciale du Prix des Cinq Continents de la Francophonie. Que peut l'écriture pour dire l'identité ? Est-ce que l'écrivain a le pouvoir de transformer votre titre de séjour ou votre visage de migrant en palimpseste ? Mille questions pour un auteur Présence africaine unique.
Toujours au front en Ukraine, au Soudan ou au Proche-Orient, RFI ne peut que constater la situation de dégradation des réfugiés dans le monde et de centaines de journalistes contraints de quitter leur pays pour assurer leur survie. Mais leur rôle pour diffuser une information fiable étant vital, Canal France International, la Maison des Journalistes et Reporters sans frontières lancent Voix en exil, un projet qui les accompagne dans leur parcours personnel et professionnel. ESM est heureux d'accueillir l'un de ces journalistes de la 1ère promotion de Voix en exil, Jean-Samuel Mentor, 28 ans, reporter-rédacteur de plusieurs médias en ligne dans son pays chéri et notamment 2è Prix Jeune journaliste en Haïti de l'OIF. Bonjour et bienvenue sur RFI, i.e sur 89.3FM si vous nous écoutez à Port-au- Prince.
Bienvenus dans cet ESM spécial avec les mots d'un des fils ainés du XXè siècle, Amadou Hampaté Ba. Où que vous soyez, RFI l'entend, RFI le sent : la boussole du monde s'affole, donc pourquoi ne pas rouvrir Kaïdara, ce merveilleux conte philosophique, peul et universel, à l'image de son auteur qui aura traversé le lointain et le proche, l'humanisme œcuménique et l'Islam éclairé. Pourquoi ne pas nomadiser, comme bon nombre de nos ancêtres cheminant derrière leur bétail (ou pas), nomadiser ensemble dans ce trésor de langue et de visions symboliques… il était une fois Omar Ba, peintre sénégalais du XXIè siècle, dont les pinceaux rivalisent avec la flûte qui accompagne le récit. Des pinceaux griots offrant une version picturale de ce conte peul, 40 œuvres réalisées spécialement pour les éditions Diane de Selliers, dont les grands formats sont exposés en ce moment à la galerie Templon à Paris.
Les Arabes l'appellent le pays du Cèdre, les Médias le pays de la guerre, les enfants le pays des knéfés (pâtisserie dont on raffole à tout âge). Cap ESM vers ce Liban épicentre et victime de toutes les crises depuis 1948, et pourtant. Beyrouth a beau être à nouveau ensevelie sous des images de ruines causées par les bombardements israéliens depuis l'attaque terroriste du 7 octobre 2023, cette région clé du Moyen-Orient brille encore. Elle brille d'un diamant sépia, qui aura pris sa source entre Nazareth, Beyrouth et Le Caire, pour devenir la première féministe de la région, au service d'un trait d'union entre Orient et Occident. Fichu trait d'union pour cette figure du XIXème et XXème siècle, somptueusement exhumée par notre invité Carmen Boustani qui publie aux Éd. des femmes Antoinette Fouque May Ziadé, la passion d'écrire. Écrivaine franco-libanaise, médaille d'or et prix d'excellence du CNRS en 2012, c'est une passion qui concerne aussi Ô combien… notre Carmen.
La Nouvelle-Calédonie n'est toujours pas sortie d'une opposition entre deux termes : négocier ou se suicider. Cette petite phrase lue dans le journal Le Monde, récemment, on la doit au professeur agrégé de Philosophie Hamid Mokaddem. Je m'étonne que cette tête pensante ne circule pas davantage dans nos espaces post-coloniaux. Car Mokaddem n'est-il pas, comme il le dit lui-même, un descendant de travailleurs immigrés algériens, né en France qui, par un tour de passe passe colonial, s'est retrouvé à Nouméa où il a rencontré un jour l'homme incarnant la souveraineté kanak.Au menu de cet ESM, il y a comme des résonances, des résurgences, et puis de l'histoire intime où des noms d'écrivains (Kateb Yacine, Apollinaire Anova Atabah) apparaîtront. Où des vocables - généalogie, déportation, souveraineté - auront peut-être leur mot à dire, encore faut-il que le pays des Z'oreilles (la France métropolitaine) les entende. Et puis un livre publié par notre invité au Vent des îles, intitulé L'histoire dira si le sang des morts demeure vivant.
C'est une histoire dans l'Histoire. Pour ESM, un Esprit de famille dans la salle à manger d'un immeuble du 18ème arrondissement à Paris, pour RFI, entre une mère et son fils. Entre Evelyn, 86 ans, déportée de Hollande à l'âge de 4 ans en mars 1943 jusqu'à Bergen-Belsen en Allemagne, et Claude son fils, journaliste bien connu pour sa revue de presse sur France Inter. Souvent, un tête-à-tête entre générations fait événement, il y a un choc possible dans les références, parfois une petite levée de secrets entre l'ascendant qui raconte et le descendant qui découvre. Mais avec Evelyne et Claude Askolovitch, l'échange est de l'ordre du choc entre eux qui s'agacent, et pour nous qui sommes un peu derrière la serrure. Shoah, oubli, témoignage, Oma, Opa, nom des grands-parents, sont quelques-uns des mots-clé qui jalonneront cette conversation familiale qui a déjà eu lieu à travers leur livre paru c/o Grasset Se souvenir ensemble. C'est une levée du voile sur le souvenir d'une déportation vécue à 4 ans, puis ensevelie pendant des décennies sous d'autres mémoires familiales. Un Esprit de famille Askolovitch qui démarre sur cette question : à partir de quel récit ou de quelle photo on peut ressentir un destin, le destin de sa propre mère. Début de réponse autour d'un album…
C'est une perle. Une artiste qui, dans son travail, marie raffinement africain et européen. D'ailleurs, la perle parle. Elle parle d'art métis, pas faux, puisqu'on le doit à une Camerounaise ch'ti revendiquée, issue d'un chaudron multiculturel et passionnée par l'histoire de l'art. (Rediffusion) Autant que vous le sachiez tout de suite, c'est une hypersensible, allergique à la hiérarchie, donc autodidacte surdouée, passée par l'École du Louvre, premier Prix de la Biennale Internationale de sculpture de Ouagadougou en 2019, ayant exposé à Rome, New-York, Paris, Dakar et bientôt à Yaoundé. 32 ans, Beya Gille Gacha, bouscule notre petit confort, rien qu'en lorgnant ses sculptures. En cause: sa tendance à perler le corps humain, en s'inspirant des codes traditionnels bamilekés. Forcément, ça produit de la pensée, du discours et même un regard sur les questions d'identité, de féminin, de justice ou d'injustice dans notre hier et notre aujourd'hui. À voir en ce moment à Paris (3ème) sa série Orant à couper le souffle, dans le cadre de l'exposition Le chant des forêts.Les choix musicaux de Beya Gille GachaChildish Gambino RedboneGael Faye Tôt le matinReniss La sauce
En préparant cette émission, je suis tombée sur cette citation du conteur Julos Beaucarne Dès que nous sortons du ventre de notre mère, nous devenons des émigrés. Et je me suis demandé ce que notre invitée Phượng Bùi Trân devait à notre roi François 1er. (Rediffusion) Pour avoir la réponse, il faut lorgner du côté du Collège de France (créé par François 1er) où en mars 2023, elle était invitée en tant que titulaire de la chaire Mondes francophones. Sa leçon inaugurale intitulée Les femmes dans l'histoire du Vietnam a fait grand bruit, peut-être parce que cette historienne vietnamienne, spécialisée dans l'histoire de la colonisation, accumule les premières fois. D'abord, cette leçon inaugurale est une tentative de relecture au féminin de l'histoire du Việt Nam. Et puis Phượng Bùi Trân a été la première à enseigner l'histoire des femmes au Vietnam. Comme un engagement, avec une volonté de dresser une passerelle entre ses deux ventres à elle : le monde vietnamien et le monde francophone.Les choix musicaux de Phượng Bùi TrânPham Duy Chant d'amour/Tinh ca Trịnh Công Sơn Gia Tài Cua me
Cette semaine, ESM met un pied en Martinique, de façon littéraire. Et sans doute que la question des inégalités qui frappe cette région d'outre-mer française n'est pas sans lien avec la lointaine grande histoire. Militant de toujours de la cause créole, notre invité Raphaël Confiant trace son sillon dans les eaux profondes des origines de notre monde. Qu'il revienne sur la figure de Frantz Fanon (lire L'insurrection de l'âme, Frantz Fanon vie et mort du guerrier-silex), ou sur ces appelés antillais qui ont rejoint le FLN pendant la guerre d'Algérie (lire Du Morne-des-Esses au Djebel), ou encore sur ces filles du Roy devenues pour certaines des blanches créoles (lire Marie-Héloïse, fille du Roy qui paraît au Mercure de France), de roman en roman, notre essayiste, chercheur, professeur, diplômé aussi bien en Sciences politiques qu'en linguistique a de la parlure à revendre.
Il y a les ténors de la politique, les ténors du barreau et puis les vrais ténors, de ceux qui savent tenir tête à une note musicale, haut perchée. Emiliano Gonzalez Toro est de ceux-là. Brun, petit collier de barbe entourant son visage, il a le physique du chanteur lyrique, spécialisé dans le baroque (Monteverdi, Bach) capable aussi d'échappées vers la musique latino-américaine, le dolorisme d'une Violetta Parra ou l'héroïsme d'un Victor Jara. Parce que lui et son ensemble I Gemelli sont en tournée avec La Liberazione di Ruggiero dall'isola d'Alcina de Francesca Caccini, premier opéra composé par une femme, Gonzalez Toro donne le la de cet ESM qui tentera de comprendre pourquoi notre ténor suisse, d'origine chilienne (en tournée en France et en Suisse) est surnommé dans les coulisses de la musique ancienne Mister tactus.
Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire. Cette citation d'Albert Einstein va comme un gant à l'initiative de Valérie Senghor, commissaire de Refaire le monde, le Festival de la Francophonie qui confie les clés de ce désir - rêver le monde autrement - à des artistes, penseurs, entrepreneurs issus des 5 continents. Parmi les multiples manifestations de ce festival, RFI s'est installé à la Gaîté lyrique à Paris, où se déroulent jusqu'au 6 octobre 2024 expositions, spectacles, humour, humanitaire et même un ciné débat autour du documentaire Les passeurs, être d'ici et d'ailleurs initié par Michel Djiwonou. Un invité au souffle multiple, auteur du seul en scène Le voyage de mon père… mon départ, mais également directeur d'école d'1m95 d'amour, capable de sauver des âmes adolescentes (il faut voir son doc). Donc ESM de tout cœur avec la Gaîté lyrique, mais dans les studios de RFI à Issy-les-Moulineaux.
Il est né dans l'Égypte de Gamal Abdel Nasser, donc la dictature, ça le connaît. Il s'est opposé à l'autoritarisme d'Hosni Mobarak, est devenu une figure dérangeante et emblématique de la révolution égyptienne. Puis interdit de publication, en 2016, il claque la porte du pays pour se réfugier aux États-Unis. Né au Caire et dans les livres de papa, né pour raconter notre condition humaine, Alaa El Aswany (c'est bien lui) est traduit en 37 langues. Depuis J'ai couru vers le Nil, jusqu'au Soir d'Alexandrie qui vient de sortir en passant par L'immeuble Yacoubian, c'est un empêcheur d'oppresser en rond, que nous recevons. L'histoire d'un amoureux de la littérature, fâché avec la pensée unique, qui ne sort jamais sa plume sans se faire accompagner de deux divas, Oum Kalthoum sur le guéridon, Edith Piaf sur la véranda. Lui et sa double culture n'aiment rien tant que la liberté, bref, c'est un tendre, mais qui a la dent dure.
On n'épouse jamais son fantasme, disait le cinéaste italien Federico Fellini. Il se pourrait bien que la peinture épouse tous les fantasmes d'une peintre diplômée de l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, née en Iran. Silhouettes de femmes apprêtées sur un champ de ruines, visage de femme poignard sous le menton, beauté de femme blanche enlaçant beauté de femme africaine, scènes de guerre, allusion biblique ou mythologique, les toiles de Nazanin Pouyandeh font place à l'humanité. Mais, foin de blabla droit-de-l'hommiste, non, Nazanin n'a d'yeux que pour une humanité féminine, transgressive, désobéissante à l'image de son exposition éponyme à voir en ce moment à Montpellier, en France. Bien sûr, nos yeux d'amoureux, de journaliste, de critique, vont chercher des indices de sa vie passée en Iran. Ils vont chercher des tapis persans, des tapis volants, des préjugés coiffés de turban, chers vous tous, passez votre chemin... La Pouyandeh n'est pas l'Iranienne de service attendue, c'est une guerrière, peut-être bien une amazone.
Avec toutes ces histoires de chinoiseries, Jean-Baptiste Phou aimerait bien qu'on lui lâche les baskets. Et puisqu'on en parle de ses baskets, disons quand même qu'elles lui ont fait faire un sacré chemin depuis notre premier En sol majeur il y a 11 ans. Passé de la case asiatique au sens flou, avec dans le salon familial un Cambodge kitsch, karaoké et impossibilité à parler le khmer, aujourd'hui Jean-Baptiste Phou écrit, joue, met en scène et navigue de Paname à Phnom Penh, d'une identité à l'autre. Né à Paris de parents sino-cambodgiens, il aura accompli plusieurs révolutions entre le pays des râleurs et le pays du sourire. Car pendant longtemps, pour lui, être français en France compliqué, être cambodgien au Cambodge difficile, être homosexuel dans un monde hétéronormé épuisant, être gay d'origine asiatique un combat. À 40 ans, voilà qu'il s'installe dans ses multiples appartenances avec zénitude, et plusieurs actualités dont le documentaire La langue de ma mère, La peau hors du placard (aux éditions Seuil) et 80 mots du Cambodge (aux éditions de L'Asiathèque).
Crinière blanche, sourire taquin, homme de parole, nous sommes heureux que le professeur Salikoko S Mufwene ait pu faire un crochet En sol majeur. Je dis homme de parole, car toute sa vie ressemble à une longue citation, puisque sa vie n'est que langage. Détenteur de la chaire Edward Carson Waller Distinguished Service Professor of Linguistics à l'université de Chicago, où il est aussi professeur au département Race, Diaspora, and Indigeneity, ses recherches portent sur l'évolution linguistique dans une perspective écologique, et pour En sol majeur, il s'arrêtera sur l'émergence des parlers créoles et d'autres formes d'indigénisation des langues coloniales européennes. J'espère qu'aujourd'hui vous avez de très grandes oreilles… Pourquoi ce chercheur né en République démocratique du Congo, habitant à Chicago, peut-il faire un crochet parisien ? Pour la belle raison qu'il est invité à occuper la chaire annuelle Mondes francophones du Collège de France pour l'année 2023-2024.À écouter aussiLe linguiste Salikoko Mufwene au Collège de France : langues et créoles dans l'espace francophone
Elle s'appelle Nora. Elle aurait pu être peintre, ou graffeuse, peut-être une poupée, pas vraiment un ange, une résistante, une maquisarde qui sait, qui, de fil en aiguille, de pinceau en pinceau, s'est retrouvée à écrire, puis à adapter ses romans au cinéma, discrètement, dans la catégorie cinéma d'auteur. Et forcément, de tableau en tableau, ses portraits racontent quelque chose de son auteur et pistent des questions d'identité, côté banlieue et coté grande Histoire. Donc, ce serait joli que vous preniez le thé, que vous preniez le temps. Nora Hamdi, auteure notamment de Des poupées et des anges (avec Leïla Bekhti), La maquisarde, inspiré du témoignage de sa mère pendant la guerre d'Algérie, et de La couleur dans les mains, son troisième long métrage qui vient de sortir sur les écrans français.
Munyaani cuurki danyataa ƴulɓe, celui qui ne supporte pas la fumée n'obtiendra pas de braise. Comment je le sais ? Il suffit de souffler sur le parler peul, tel que le pratique à l'Inalco (l'Institut des langues et civilisations orientales) le professeur Aliou Mohamadou. (Rediffusion) Lui qui vient du bleu de la montagne de Djinga au Cameroun, lui qui a couru au milieu des senteurs, proverbes et contes en pulaar, il pose sur la table un amour pour cette langue sous la forme d'un dictionnaire, aux Éditions Karthala, 368 mots du parler du Fuuta Tooro sont recensés et décortiqués. Grâce à son Dictionnaire des mots grammaticaux et des dérivatifs du peul, vous pourrez conjuguer l'amour à la pratique...Aliou Mohamadou, professeur émérite (INALCO/PLIDAM) ;- Membre fondateur de l'Encyclopédie des littératures en langues africaines ;- Directeur d'ELLAF Éditions ;- Membre du comité de rédaction de la Revue des oralités du monde. Les choix musicaux de Aliou Mohamadou- Manu Dibango Soul Makossa- Doura Barry Cidiricca tchidiritcha- Louis Armstrong & Duke Ellington Duke's Place.
Hoai Huong Nguyen est devant moi en chair et en os, et pourtant elle semble tout droit sortie d'un autre siècle. Sur le papier, je lis qu'elle est agrégée de Lettres et docteur en Littérature générale et comparée, qu'elle enseigne la communication à l'Université de Versailles Saint-Quentin. (Rediffusion) Ce qui n'est pas dit, c'est qu'elle écrit comme elle respire l'encens ou l'absinthe. Car après avoir frissonné avec Sous le ciel qui brûle (Prix de la renaissance française 2018) et Tendres ténèbres (nouveau roman aux Ed. Viviane Hamy) je me demande si Hoai Huong Nguyen, née en France de parents vietnamiens, n'est pas sous l'emprise nervalienne et baudelairienne des passions mortelles. Et si aux hommes, elle ne préfère pas la compagnie des spectres, de ceux que l'on peut honorer à la pagode, ou sur l'autel de l'écriture...Les choix musicaux de Hoai Huong NguyenKhanh Ly Tieng sao thiên thai/La flûte célesteSerge Gainsbourg BaudelairePhilippe Jarrousski Thibault Garcia Manha de carnaval.
Zadig porte un prénom qui nous rappelle des souvenirs d'école. Prénom prédestiné à se prendre un ticket pour l'ampleur du monde, l'amour du théâtre et de l'opéra. Dans la vie terrestre, Zadig aime Le lac des cygnes mais aussi la voix berbère de Taos Amrouche, les piments qui grésillent sur le feu mais aussi les Paris-Brest, le tiercé commenté par Léon Zitrone mais aussi la voix soprano de Leontyne Price. (Rediffusion) Âme d'enfant, âme d'artiste pour Lyazid Hamroune qui signe Zadig Hamroune lorsqu'il écrit, ou pour le dire autrement, lorsqu'il s'échappe en écrivant par exemple je suis une rime orpheline. Après Le pain de l'exil, Le miroir des princes, voici La nuit barbare qui sème les petits cailloux d'une enfance charmante et menaçante, enfance normande et kabyle où il semblerait qu'il y ait… un loup.Les choix musicaux de Zadig HamrouneAmel Brahim Djelloul Il Kheir InouRita Hayworth Put on the blame on nameVerdi La Trouvère air de Leonora D'amor sull'ali rosee, interprété par Leontyne Price.
Les questions douloureuses sont celles auxquelles habituellement on ne pense pas: sous quel nom êtes-vous née, dans quel lieu êtes-vous née ? (Rediffusion) Les réponses de Laura arrivent et circulent en forme de récits remplis de lapins, d'abeilles, d'araignées, de tout un monde souterrain, issu d'un imaginaire clandestin, celui d'une enfant d'opposants à la dictature argentine dans les années 60-70. S'ensuit l'exil en France et la passion pour les e-muets. S'ensuit aussi une inclination pour des récits qui inscrivent les survivants de cette dictature du côté des vivants et des souvenirs qui, jamais, ne s'essoufflent. Chez Gallimard, on ne présente presque plus Laura Alcoba, autrice et traductrice, à plus d'un titre. Après Manèges, petite histoire argentine, Les passagers de l'Ana C, Le bleu des abeilles et La danse de l'araignée, Alcoba enquête sur un infanticide à la Médée, commis par Griselda, dans son nouveau roman intitulé Par la forêt.Laura Alcoba est la première autrice et traductrice accueillie en résidence par le festival Vo-Vf traduire le monde dont la 10è édition s'est tenue du 30 septembre au 2 octobre 2022 à Gif-sur-Yvette. Les choix musicaux de Laura AlcobaDom La Nena et Rosemary Standley La marelle/amarelinha Chico Buarque Construção.
Regarder Final cut de Myriam Saduis, c'est rouvrir les tiroirs de la grande Histoire et se retrouver dans les p'tits papiers de son récit familial. C'est voir un protectorat français entrer dans la chambre intérieure d'une histoire singulière entre une Italienne et un Tunisien. En recueillir les fragments – racisme, traumatisme, effacement, folie – comme si la main d'un scénario qui nous dépasse écrivait notre vie, à notre place. Jusqu'à l'intervention de notre invitée comédienne, metteuse en scène et autrice qui signe le bien nommé Final cut, programmé encore récemment au Festival d'Avignon, d'où cette rediffusion. Prix Maeterlinck de la critique 2019, du meilleur spectacle et de la meilleure actrice, Final cut qui pioche dans la boite à outils de la psychanalyse et du théâtre est une merveilleuse alchimie entre réalisme et art. À l'image de cette citation prisée par Myriam : « La vie imite l'art, bien plus que l'art n'imite la vie »…Les choix musicaux de Myriam SaduisNick Drake Day is doneHiba Tawaji Les moulins de mon coeurJohannes-Passion, BWV 245, JS Bach version – La Petite Bande, dirigée par Sigiswald Kuijken
Venez avec vos différences, repartez avec vos ressemblances. Ce pourrait être le mot d'ordre de cet ESM si ce n'était déjà le slogan d'un certain Défistival. Alors que nous sommes sur les starting blocks des Jeux Olympiques en France et à quelques échauffements des Jeux paralympiques, je suis dans mes p'tits souliers à l'idée d'accueillir Ryadh Sallem qui disputera ses 6èmes Jeux paralympiques à Paris (après Atlanta 1996, Sydney 2000, Athènes 2004 au sein de l'équipe de France de basket-fauteuil, Londres 2012 et Rio 2016 en rugby-fauteuil). 53 ans, de magnifiques dreadlocks, Ryadh c'est l'histoire d'un enfant Thalidomide, ce sédatif qui l'a fait naître dans les années 70 avec un petit truc en moins (ses jambes et ses mains) et un gros truc en plus : un mental de champion qui le tient debout, en fauteuil. Bref, le président de CQFD Ceux Qui Font les Défis.
L'une range dans la cuisine la papaye verte, les tomates cerises, le piment rouge thaï, le nuoc-mâm, l'autre arrange ses cartons de dessins sur les genoux. L'une coupe l'extrémité de la papaye et le piment en dés, pendant que l'autre dessine le saladier qui accueille papaye, piment et petites tomates. L'une - Liliane - est la mère de l'autre - Christelle. Ensemble, Liliane et Christelle Téa (qui ont peut-être d'autres prénoms planqués dans les tiroirs) publient Au bonheur, 70 recettes qui font voyager les papilles entre le Cambodge, la Thaïlande, la Chine et le Vietnam. Encore une histoire d'exil parfumée aux saveurs d'autrefois, entre pousses de bambou et champignons shiitakés. Encore une histoire d'arrachement (à Phnom Penh) et d'accommodement (à la France), encore une jolie petite famille où il fallait pleurer pour aller au musée, mais où la musique n'a jamais été oubliée… conversation ESM entre une table bien dressée, et une préparation de crevettes à l'ail derrière les fourneaux. Avant le 1er choix musical de Liliane (que du bonheur) petite arrivée sur le perron d'une maison de banlieue, souriante et accueillante.
Oui, on arrive juste à temps… On dirait qu'en France et dans le monde, c'est l'heure d'un tête-à-tête entre les racines d'hier et les fleurs d'aujourd'hui. L'heure d'un Esprit de famille à la sauce ESM qui réunit un père et sa fille, Malek et Dorothée-Myriam Kellou. Même s'ils ont vécu ensemble de nombreux Noël, entre ce père cinéaste, né dans un hameau kabyle et sa fille journaliste indépendante née à Nancy (en France), la part de mystère reste immense. Qu'a-t-il vécu, Malek, pendant la guerre d'Algérie entre 1954 et 1962 ? Ce mystère et tant d'autres ont valu à Dorothée Myriam une quête majuscule. Cette tête joliment bouclée a quasiment fait le tour du monde - arabe - pour approcher quelque chose de son algérianité. La quête s'est transformée en objets de transmission (un livre et des films vous attendent). Mais déjà quelques mots-clé pour savourer ce tête-à-tête : Mansourah (le village du père), camp de regroupement (au chapitre Histoire coloniale), cinéma (de fiction et de documentaire pour les deux Kellou). Bref, un ESM qui nous rappelle qu'à un jour près, nous sommes le 5 juillet, jour anniversaire de l'Indépendance algérienne et que c'est l'heure de voter pour le dialogue entre les deux rives. Avec en kémia, l'ombre d'une statue en bronze…
Qu'est-ce qu'être arabe ? En voilà une belle et grande question, qui fait trembler l'Occident, et qui évidemment n'a pas une seule réponse, surtout dans la tête de notre invité Sofiane Si Merabet, fils d'Algériens, né en France et vivant à Dubaï. Mille et une questions trottent chez ce voyageur polyglotte, travailleur pour l'industrie du luxe et tombé en amour pour les pays du Golfe. Un bien bel endroit pour dire la fierté d'être soi, en étant arabe, avec en poche plein de… et si. Et si la nostalgie très ancrée dans la culture arabe n'avait rien à voir avec le repli identitaire ? Et si le concept de futur de la nostalgie était devenu le mantra de notre invité ? Créateur du compte Instagram The confused arab suivi par plus de 85 000 followers, notre artiste - qui ne perd pas le nord - en a fait aussi un livre qui paraît c/o Belfond L'Arabe confus. Un livre où l'on peut tomber sur cette phrase : Chez soi n'est pas là où nous sommes nés. Chez soi, le home est là où toutes les tentatives de fuite cessent. Naguib Mahfouz
C'est parce qu'elle a été mise à la porte de sa mémoire qu'elle écrit et qu'elle traduit. Née dans un Saïgon vietnamien perdu avec la guerre, Sabine Huynh aura traîné sa valise sans souvenirs en France, en Angleterre, aux États-Unis, au Canada. Mise à la porte de l'Histoire, il n'est pas indifférent de savoir qu'elle vit aujourd'hui en Israël. Bardée de diplômes (licence d'anglais, maîtrise de sciences du langage, post-doctorat en sociolinguistique), quelque chose me dit que Sabine Huynh se méfie des humains, la preuve : cette poétesse se barricade derrière une montagne de livres et de théières. Connectée au presque dire et au comment traquer le souvenir, elle nous arrive de Tel Aviv avec deux bombes poétiques : un nouveau livre Prendre la mer : 60 sonnets pour les boat people (c/o Bruno Doucey) et puis Elvis à la radio (c/o Maurice Nadeau) qui pourrait nous servir ESM de fil narratif… Tiens, me revient un vers de Prévert qu'elle cite parfois, qui pourrait résumer notre belle passagère et qui dit: je suis ce que j'ignore devine oublie découvre.