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Tous les samedis, un journaliste de la rédaction rencontre un auteur de livre consacré à l’actualité internationale. L’occasion d’approfondir un sujet précis qui fait -ou non- la Une de l’actualité internationale.

Rfi - Anastasia Becchio


    • Apr 26, 2025 LATEST EPISODE
    • weekly NEW EPISODES
    • 8m AVG DURATION
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    «Une enfance à Gaza 1942-1958» d'Arlette Khoury-Tadié

    Play Episode Listen Later Apr 26, 2025 12:18


    Née au cours de la Seconde Guerre mondiale, c'est en tant que petite fille qu'Arlette Khoury-Tadié a traversé, observé et ressenti - à Gaza - les guerres de 1948 et de 1956. Son ouvrage Une enfance à Gaza 1942-1958 raconte l'histoire d'une ville qui, avant d'être un territoire aux mains du Hamas mais aussi « la plus grande prison du monde et un gigantesque camp de réfugiés », a été, selon elle, paisible. L'autrice en décrit les joies et les chagrins, les usages. Arlette Khoury-Tadié nous invite, en dépassant l'atrocité des conflits qui ont émaillé l'histoire de Gaza et de la région, à cette émouvante évocation, à travers une vie personnelle et familiale, d'une société et d'une civilisation en passe d'être anéanties sous les bombes, du patrimoine d'un peuple que les livres préservent mieux que ne le font les hommes.

    Les fondements traditionnels et sociaux de l'écologie indienne

    Play Episode Listen Later Apr 19, 2025 4:33


    Annie Montaut est linguiste de formation et spécialiste de la civilisation indienne. Son nouvel ouvrage Trois mille ans d'écologie indienne : Penser autrement la nature est un livre érudit et passionnant sur la pensée et les pratiques de l'écologie dans la civilisation indienne depuis ses lointaines origines. Entretien. Alors que l'Inde moderne est souvent montrée du doigt comme mauvais élève écologique à cause de ses records de pollution non-maîtrisée, les penseurs indiens n'ont cessé de réfléchir depuis des temps anciens sur les liens de l'homme avec son environnement. Faisant sienne l'affirmation de l'écologiste indienne Vandana Shiva selon laquelle l'Inde est dans ses « principes civilisationnels profonds » une civilisation fondamentalement écologique dans la mesure où elle ne sépare pas l'être humain des autres êtres vivants, l'essayiste Annie Montaut revient dans son nouvel opus sur les tenants et les aboutissants de la pensée écologique indienne. Le hiatus et le prolongement entre les fondements philosophiques et les pratiques écologiques contemporaines sont le sujet de ces pages.RFI : Comment est née l'idée de ce livre ?Annie Montaut : L'idée, elle est née, il y a très longtemps. Ce n'était pas l'idée d'un livre, c'était d'abord un intérêt, qui a été suscité, je dirais, dès mon arrivée en Inde où j'ai travaillé entre 1981 et 1987 en tant qu'enseignante dans une université à New Delhi. Il se trouve qu'à l'université j'étais collègue de Maya Jani qui était la secrétaire d'une association qui s'appelle « Navdanya ». C'est l'association de Vandana Shiva, connue pour son combat contre le brevetage des semences et pour avoir placé la femme et l'écologie au cœur du discours sur le développement moderne. J'ai donc connu très rapidement Vandana Shiva, en fait dès mon arrivée en Inde en 1981. A la suite, j'ai rencontré l'écologiste gandhien Anupam Mishra, qui, lui aussi, a beaucoup contribué à mener à bien ma réflexion sur les stratégies de protection de l'environnement en Inde. Mishra est l'homme de l'eau, de collecte, de gestion et de préservation de l'eau en milieu aride, notamment au Rajasthan. Quant à l'écologie tout court, pour ça il a fallu que j'aille puiser dans mon archéologie personnelle, familiale en particulier. Je suis d'origine rurale, à seulement deux générations. J'ai eu aussi un père qui m'a beaucoup sensibilisé aux dégradations commises dans nos campagnes françaises dès les années 1950. Ce livre est un mix de tout ça. C'est vrai qu'il y a beaucoup de militantisme dans ces pages, mais il y a aussi l'envie de faire découvrir ce qui se passait en Inde dans ce domaine à un public non-spécialisé, c'est-à-dire à d'autres que des indologistes.Annie Montaut, vous convoquez la linguistique, la littérature, la philosophie, les arts de l'Inde antique pour montrer que la conscience écologique existait en Inde depuis les débuts de la civilisation indienne. Mais vous dîtes aussi qu'en Inde il n'y avait pas de mots pour désigner autrefois l'environnement ou l'écologie. C'est plutôt paradoxal, non ?Non, non, si vous y réfléchissez, le mot « écologie » est moderne, le mot « environnement » au sens qu'il a aujourd'hui, c'est aussi un néologisme.  Donc, je pense que dans aucune culture traditionnelle, qu'elle soit orientale ou occidentale, il n'y avait pas de mot jusqu'à encore très récemment pour désigner ce qu'on appelle la discipline écologique ou environnementale. Oui, maintenant,  il y a des mots pour le dire ces choses-là. En Inde aussi, où on emploie beaucoup la terminologie anglaise. Le mot « environment » est couramment utilisé, « ecology » un peu moins. Il existe aussi des mots en hindi, souvent des mots savants que personne dans la rue n'emploie, mais qui sont des calques de l'« environment » anglais. On dira, par exemple, paristhiti, qui signifie la nature qui est autour, dont on est par définition extérieur, à l'écart, alors que selon la vision qui est particulièrement prégnante en Inde, l'homme n'est pas à l'extérieur de quelque chose qu'on appelle « nature » et qui nous environnerait. L'homme n'en est pas le maître, mais il en fait partie.La question fondamentale qui se pose alors : comment les Indiens pensent la nature ? C'est un sujet auquel vous avez consacré tout un chapitre de votre livre. Pourriez-vous nous en parler ?En Occident comme en Inde, avant « environment », on avait « nature » et « culture ». Chez nous, en Occident, les deux concepts s'opposent. Même linguistiquement, si les deux mots ont les mêmes suffixes, leurs racines sont différentes. En Inde, ça ne se passe pas du tout comme ça. Lexicalement déjà, dans les langues indo-aryennes, le mot pour dire « nature », c'est prakriti et sanskriti pour « culture ». Les deux mots sont formés sur une base verbale commune : kri. Ils sont construits à partir des préfixes différents, mais qui ne sont pas opposés. Le préfixe du mot signifiant la nature en langues indiennes désigne un mouvement dynamique, un développement interne, et le préfixe pour culture désigne son ordonnancement. Quant à la racine, commune aux deux termes, c'est une forme nominale du verbe « agir », un agir qui veut dire perfectionnement dans le cas de la culture et qui conçoit la nature comme un réservoir d'énergies libres. Moi, j'ai trouvé extrêmement intéressant que « nature » et « culture » soient les deux versants du même « agir ». Dans la tradition classique indienne, la nature est pensée comme l'amont de la culture, dans un même mouvement de l'énergie de création.Autrement dit, comme vous l'expliquez, nature et culture sont interconnectées dans la pensée indienne...Dans la conception indienne, les deux phénomènes se posent en partenariats. Ils sont interconnectés au sein d'un cosmos dans lequel l'homme fait partie et où les vivants acquièrent leur complétude dans leur interdépendance. Cette vision de l'interconnexion a été élaborée depuis des millénaires dans la pensée philosophique, spéculative et mystique indienne. On peut parler d'autant plus de l'interconnexion que l'ensemble du monde matériel procède des mêmes éléments fondamentaux. Il y a la terre, l'air, l'eau, le feu, le ciel, et tout est issu de ces éléments de base. L'être humain, il est formé des mêmes cinq éléments. L'être végétal, pareil. L'être animal, pareil. Tout le monde est formé de ces cinq éléments et on ne peut donc pas dissocier l'être humain, du milieu végétal, aquatique et aérien dont il fait aussi partie.Enfin, diriez-vous que cette vision plurimillénaire d'une création interconnectée continue de nourrir la pensée écologique indienne d'aujourd'hui ?C'est une question super difficile parce qu'il y a plusieurs écologies en Inde. Il y en a une qui m'a intéressée, c'est celle qui a donné lieu aux grands mouvements populaires et c'est celle qui a beaucoup contribué à faire connaître l'écologie indienne, en particulier la pensée dans ce domaine de Vandana Shiva à qui j'emprunte cette notion que la pensée indienne est fondamentalement écologique par sa philosophie de l'interconnexion généralisée. Parallèlement, vous avez ce qu'on appelle une écologie urbaine, qui n'a pas du tout les mêmes bases. Elle encourage, par exemple, la sanctuarisation de l'espace naturel sous forme de parcs naturels dont l'entrée est souvent payante, donc réservée à une élite argentée. Contrairement aux populations rurales, les défenseurs de cette écologie urbaine ne vivent pas l'idée de l'interconnexion de tous les vivants dans leur chair, tout simplement parce que quand on vit en ville, on ne voit plus la terre ! Mais comme l'Inde est encore largement rurale, la pensée de la nature et sa sauvegarde restent encore empreintes des idées traditionnelles d'interconnexion et de partenariat entre l'homme et son environnement.Peut-on dire que la rupture épistémologique en Inde dans son approche de la nature date de la période de la colonisation occidentale ?La colonisation a certes modifié en profondeur la vision indienne du monde et elle a eu des conséquences sur les pratiques écologiques comme dans d'autres domaines. Cette rupture coloniale a été largement documentée par une école qui s'appelle l'école des subalternistes. Ces derniers ont magnifiquement mis en lumière la schizophrénie entre des modes de pensée traditionnelle et des modes de pensée occidentale. La colonisation a été une entreprise de prédation avec ses exactions sur l'environnement au nom de la modernité, mais rien de commun avec ce qui s'est passé en Inde dans ce domaine après l'indépendance. La « révolution verte » des années 1970 a été le pas décisif pour modifier le rapport à la nature, avec un recours massif à l'agrochimie. En découle l'endettement des paysans qui sont obligés désormais d'acheter quantité de pesticides, d'herbicides et d'engrais chimiques. Ce changement de paradigme dans l'agriculture a entraîné dans son sillage la catastrophe de l'usine pétrochimique de Bhopal qui a endeuillé l'Inde en 1984. On a là un pays qui n'a rien à voir avec son écologie traditionnelle et ses décideurs jouent à fond le modèle développementaliste, qui est très critiqué par des écologistes indiens comme Anupam Mishra ou Vandana Shiva.Votre thèse sur la « vertuosité » de l'écologie indienne s'appuie sur les pratiques de sauvegarde de l'environnement au niveau des « grassroots », soit des populations de base. Pourriez-vous en citer quelques exemples saillants ?Ces pratiques ont la particularité d'émerger spontanément des besoins vitaux des populations marginalisées. Je pense aux habitants premiers qu'on appelle les « adivasis » qui, tout comme d'autres populations vivant dans des milieux fragiles, soit subdésertiques ou montagnards, défendent les ressources limitées dont ils dépendent pour leur survie. Elle est déterminée par l'entretien de leurs ressources, notamment en eau, en agriculture ou pour la chasse, car les « adivasis » chassent beaucoup. Les pratiques agroécologiques propres à ces communautés se caractérisent par une interaction basée sur le partenariat - et non sur la prédation - entre les acteurs et le milieu spécifique dans lequel ces derniers oeuvrent. Dans mon livre, j'ai évoqué longuement l'agropastoralisme, le respect de la forêt ou la métallurgie traditionnelle pratiquées par les communautés d'« adivasis », aux modes de vie particulièrement respectueux du vivant.Vous avez parlé aussi longuement des combats écologiques menés par les femmes indiennes, qui semblent jouer un rôle de premier plan dans ce domaine. L'exemple qui vient à l'esprit et qui est connu dans le monde entier, c'est le mouvement Chipko.En effet, les femmes furent au cœur de ce mouvement né dans les années 1970 pour la conservation des forêts en Inde. « Chipko » signifie littéralement « s'enlacer ». C'est ce que ces militantes ont fait en enlaçant les troncs des arbres de leur forêt pour empêcher les bûcherons missionnés par le gouvernement d'abattre les arbres. Elles ont effectivement réussi à stopper les tronçonneuses et le massacre programmé. Pourquoi ce sont les femmes qui étaient au premier plan ? En fait, dans la région des Himalayas, dans le nord de l'Inde où ce mouvement s'est déroulé, les hommes descendent en ville pendant la mousson pour trouver du travail qu'ils ne trouvent pas localement. C'était donc aux femmes restées sur place de prendre le flambeau. Elles l'ont fait avec courage et efficacité. Il faut dire que les femmes sont les premières concernées dans ces combats écologiques menaçant les ressources en eau ou en bois, indispensables pour la subsistance. Traditionnellement, en Inde, ce sont les femmes qui s'occupent du bétail. La forêt fournit du fourrage pour le bétail, du combustible pour cuisiner, elle est aussi le réservoir de plantes médicinales et de certaines plantes vivrières aussi. N'oublions pas les corvées d'eau ? Dans les villages indiens où l'eau courante n'arrive toujours pas, ce sont toujours des femmes qui sont obligées d'aller chercher de l'eau avec un pot sur la tête. L'économie vivrière étant très largement aux mains des femmes, ces dernières sont particulièrement sensibles aux menaces sur leurs ressources. Ce sont toujours les femmes qui ont mené la révolte contre les usines Coca-Cola parce qu'elles prenaient toute l'eau et l'empoisonnaient.Derrière votre célébration des pratiques écologiques indiennes, faites de combats et d'affirmation d'un modèle vertueux d'interaction entre l'homme et la nature basé sur partenariat et non prédation, difficile de ne pas lire une véhémente critique de la pensée écologique occidentale. L'écologie traditionnelle des pauvres pratiquée dans l'Inde des villages et des « adivasis » peut-elle être le modèle pour le monde ?  Elle peut évidemment, mais elle doit, si on ne veut pas, comme on le dit grossièrement, aller dans le mur. Ce ne sont certainement pas les techno-solutions qui vont permettre de reconstituer les sols abîmés dans le monde. L'écologie sera sociale ou ne sera pas comme l'a écrit l'écologiste belge Daniel Tanuro. En effet, on a besoin que se généralisent dans le monde des pratiques écologiques visant à préserver et à promouvoir une gestion holistique de la question de la protection de l'environnement, se substituant à la gestion aux visées prédatrices qui ne font que dégrader nos milieux vitaux. Cela dit, je ne voulais pas que mon livre soit une simple critique de l'occident, même si je critique un certain modèle de développement qui a bien sûr germé en Occident, mais qui n'a pas été adopté à travers tout le monde occidental. Il a été critiqué dès les années 1950 dans mon pays limousin où un chansonnier occitan, qui se faisait parfois porte-parole de la paysannerie française pour affirmer  qu'« épuiser la terre jusqu'à la rendre stérile » était comme « violenter une fille non-consentante ». Pour moi, ces propos ne sont pas sans rappeler les propos apocryphes du chef indien qui dans sa lettre apocryphe envoyée au président américain à la fin du XIXe siècle en apprenant qu'il allait devoir céder les terres de son peuple aux Etats-Unis, écrivait : « La terre n'appartient pas à l'homme, l'homme appartient à la terre ». Les résonances entre les propos du chanteur de mon pays limousin et ceux du chef indien sont la preuve que l'Occident est tout sauf monolithique.Propos recueillis par Tirthankar ChandaTrois mille ans d'écologie indienne : penser autrement la nature, de Annie Montaut, aux Éditions du Seuil, 235 pages, 23,50 euros.

    En 1825, la France impose «un pacte néocolonial qui a enfermé Haïti dans un cycle de dépendance»

    Play Episode Listen Later Apr 12, 2025 9:39


    C'était le 17 avril 1825. Par une ordonnance signée de sa main ce jour-là, le roi de France Charles X impose à son ancienne colonie Haïti le paiement d'une dette colossale en échange de son indépendance, pourtant acquise 21 ans plus tôt par une révolution. Comment cet acte historique préfigure-t-il de la situation que traverse Haïti en 2025, 200 ans plus tard ? C'est la question à laquelle répond le chercheur Frédéric Thomas, docteur en sciences politiques au Centre continental à Louvain Cetri, en Belgique, dans son livre Haïti : notre dette, aux éditions Syllepse. Haïti : notre dette, de Frédéric Thomas, publié aux éditions Syllepse le 16 janvier 2025.À lire aussiPierre-Yves Bocquet: «La "dette haïtienne" (de 1825) a des effets encore aujourd'hui»  

    «Palestine, notre blessure», d'Edwy Plenel

    Play Episode Listen Later Apr 5, 2025 15:39


    Alors que la guerre nouvelle menée par Israël dans la bande de Gaza ne semble pas voir de fin, le journaliste Edwy Plenel a rassemblé tous les articles qu'il a publiés dans Mediapart sur la question palestinienne, précédés d'une introduction inédite sur la dimension universelle de cette cause. Dans Palestine, notre blessure, il nous rappelle que tout n'a pas commencé le 7 octobre 2023, qu'Israël commet des crimes contre l'humanité en toute impunité et explique les graves conséquences sur l'humanité que pourrait avoir l'impassibilité du reste du monde.  Palestine, notre blessure, d'Edwy Plenel, 160 pages, paru aux éditions La Découverte le 6 mars 2025.Toute l'actualité sur la Guerre Israël-Gaza  sur notre site.

    Avec «Radio Vladimir», l'écrivain russe Filipp Dzyadko met la lumière sur les opposants à Poutine

    Play Episode Listen Later Mar 28, 2025 4:30


    Une plongée dans une Russie différente, une Russie d'opposants à la guerre et au régime de Vladimir Poutine et qui se battent souvent en silence et dans la solitude : c'est ce que nous propose l'écrivain russe en exil Filipp Dzyadko, petit-fils et fils de dissidents. Dans son livre Radio Vladimir (éditions Stock), il raconte les actes de résistance de ceux qui, aujourd'hui comme hier, osent s'opposer. Filipp Dzyadko est interrogé par Anastasia Becchio. RFI : Le titre de votre livre fait référence à une radio, une radio pirate d'un homme, Vladimir Roumiantsev, qui a décidé de créer sa propre radio. Vous avez entretenu une correspondance avec lui, lorsqu'il s'est retrouvé en prison.Filipp Dzyatko : Oui, c'est un homme étonnant. Il a plus de 60 ans. Il vivait seul dans la ville de Vologda. C'est une petite ville de province, située à 500 kilomètres de Moscou. Vladimir a travaillé toute sa vie dans des usines, il était ouvrier de chaufferie. Et il était lui-même issu d'une famille ouvrière. Son père a travaillé à l'usine pendant 50 ans. Il a commencé à travailler sous Staline et a terminé sa carrière sous Poutine. C'est donc un homme du peuple, un homme de la classe laborieuse.Un jour, cet homme décide qu'il n'est pas d'accord avec ce qui se passe autour de lui. Toute sa vie, il a été amoureux de la radio. Lorsque la Russie a annexé la Crimée en 2014, il a décidé qu'il ne voulait plus écouter la propagande de l'État qui était diffusée sur les ondes, et il a tout éteint dans son appartement. Et comme il le raconte, le silence s'est alors installé. Il fallait bien remplir ce vide et il a donc commandé différents composants sur internet et il a construit sa propre station de radio, dont le rayon de diffusion se cantonnait à son appartement et à plusieurs appartements voisins.Et malgré le fait que sa radio pirate était vraiment confidentielle, il a été arrêté à l'été 2022 et incarcéré. Dans votre livre, vous parlez de ces personnes, anonymes pour la plupart, qui continuent de s'opposer au régime, à la guerre. Mais dans un environnement de plus en plus répressif, comment exprimer son désaccord sans risquer de finir en prison ?C'est très dangereux, et peu de gens réalisent à quel point c'est dangereux. Dans mon livre, je parle de cette société secrète, parce que ces gens ne se connaissent pas les uns les autres. Il y a des personnes connues, comme Alexei Navalny. Cela fait plus d'un an qu'il n'est plus avec nous. Il y a aussi l'élu municipal d'opposition Alexei Gorinov, qui est un véritable héros et qui est la première personne à avoir été condamnée pour avoir dénoncé la guerre. Il est torturé en prison. Nous devons faire pression pour qu'il soit libéré. Plusieurs milliers d'autres personnes sont persécutées pour leurs opinions anti-guerre.Mais il y a aussi tous ceux qui sont impliqués dans une résistance discrète. Nous ne connaissons pas leur nombre. D'une manière générale, la Russie est, aujourd'hui, à bien des égards, une boîte noire. Ce que disent les autorités, en citant les chiffres du soutien à la guerre, est certainement un mensonge. Et nous ne savons pas vraiment ce que pense la société russe. Mais nous avons divers témoignages d'actes de résistance. C'est parfois une résistance ouverte, comme dans le cas des célèbres prisonniers politiques, mais parfois, elle est peu visible. Mais elle existe.Il y a aussi toutes ces lettres, ces milliers de lettres de soutien que reçoivent ces prisonniers politiques.Oui, écrire aux prisonniers politiques, c'est l'un des moyens de soutenir et de prendre part à cette société secrète. On peut leur écrire des courriers électroniques par l'intermédiaire du système pénitentiaire. Les prisonniers politiques racontent que c'est un soutien incroyable pour eux. Et à leur tour, ils soutiennent ceux qui sont à l'extérieur. C'est d'ailleurs un paradoxe frappant : les prisonniers politiques sont souvent beaucoup plus optimistes que les personnes qui sont à l'extérieur et qui sont déprimées du fait de cette guerre. En quelque sorte, les prisonniers politiques soutiennent ceux qui sont à l'extérieur.Vous avez quitté la Russie dès mars 2022, juste après le début de l'invasion russe à grande échelle de l'Ukraine. Vous vivez à Berlin. Comment vous sentez vous aujourd'hui ? Les deux premières années après mon départ de Russie, j'avais le sentiment que je n'avais pas le droit d'avoir des états d'âme et que je ne devais pas penser à moi. Une guerre terrible est en cours, en Russie. On enferme des prisonniers politiques derrière des barreaux, et moi, je vais penser à ma tranquillité d'esprit. C'est inconvenant. Mais ensuite, j'ai mûri et j'ai compris que pour pouvoir faire quelque chose pour les autres, il faut aussi s'occuper de soi. C'est un peu comme dans un avion : on doit d'abord mettre le masque à oxygène sur soi avant de le mettre à son enfant. Et j'ai le sentiment qu'aujourd'hui, moi, mais d'autres aussi, on met ce masque à oxygène et qu'on apprend à vivre une nouvelle vie. Cela nous apprend l'humilité. On regarde les erreurs que l'on a commises, on apprend.

    2025: le «moment polonais»

    Play Episode Listen Later Mar 22, 2025 4:35


    Investissements massifs dans les infrastructures et l'armement, formation civile et militaire à la défense, soutien renforcé à l'Ukraine :  la Pologne, qui assure en ce moment la présidence semestrielle du Conseil de l'Union européenne, est, dans la crise actuelle, un acteur majeur au sein des 27. Face à la Russie, et en particulier depuis le désengagement des États-Unis, la priorité à Varsovie est à la sécurité du territoire national, mais aussi de l'Europe. Dans son dernier ouvrage, Pologne, histoire d'une ambition, publié aux éditions Tallandier, le diplomate Pierre Buhler, ambassadeur à Varsovie de 2012 à 2016, plonge dans l'histoire pour expliquer comment ce pays se retrouve aujourd'hui au centre du jeu européen.   À écouter dans GéopolitiqueLa Pologne en position d'équilibriste

    « Comprendre la Palestine », avec Xavier Guignard et Alizée De Pin

    Play Episode Listen Later Mar 15, 2025 8:02


    Comprendre la Palestine, du chercheur Xavier Guignard et de l'illustratrice Alizée De Pin, décrypte un siècle d'histoire en Palestine afin de comprendre la réalité palestinienne de dépossession lente et progressive. À l'origine de ce projet pour les deux auteurs, le plan Trump, celui de son premier mandat et nommé « le deal du siècle », et qui leur permet d'explorer dans leur ouvrage toutes les options diplomatiques discutées depuis ce siècle d'histoire tragique pour les Palestiniens. 

    «Beyrouth, 13 avril 1975: autopsie d'une étincelle», de Marwan Chahine

    Play Episode Listen Later Mar 8, 2025 4:32


    Le 13 avril 1975, un bus transportant des Palestiniens est pris pour cible à Beyrouth par des miliciens chrétiens. Le massacre est entré dans l'histoire comme l'élément déclencheur de la guerre civile libanaise qui durera quinze ans. Mais que s'est-il réellement passé ce 13 avril 1975 ? Dans cet ouvrage, au croisement de l'enquête journalistique, de l'essai historique et du récit autobiographique, le journaliste Marwan Chahine part sur les traces du massacre, rencontre témoins et protagonistes et interroge sur le rapport tourmenté des Libanais à la mémoire.

    «Quand la Chine parle», les nouveaux mots de la langue chinoise, par Gilles Guiheux et Lu Shi

    Play Episode Listen Later Feb 28, 2025 4:38


    À l'heure de l'Amérique de Trump, la Chine veut profiter du retrait de Washington des organisations internationales et de l'aide au développement pour combler le vide. Depuis 20 ans, la Chine se transforme pour devenir une superpuissance globale, et cette transformation a laissé des marques dans le langage des Chinois. C'est un foisonnement de mots nouveaux, de néologismes surgis sur internet, et grâce à ce nouvel espace numérique, des mots qui témoignent de la Chine actuelle. C'est ce que raconte l'ouvrage collectif Quand la Chine parle, co-dirigé par les sinologues Lu Shi et Gilles Guiheux. Ce dernier, professeur à l'université Paris-Cité, est notre invité.  À lire aussiChine: la réponse du gouvernement au mouvement Tang Ping

    Comprendre le monde de demain en 100 questions clés

    Play Episode Listen Later Feb 22, 2025 4:32


    Décrypter l'actualité internationale à l'aide de 100 questions clés comme : qu'est-ce que le Sud global ?, ou : qu'est-ce qu'un empire ?, c'est tout l'objet du dernier livre du journaliste Marc Semo. La géopolitique, comprendre le monde de demain, est paru aux éditions Tallandier. Le journaliste y décode, entre autres, la nouvelle place que prennent les mers et les océans dans la géopolitique mondiale. À écouter dans GéopolitiqueUne nouvelle ère pour la puissance maritime

    «Mon ami Kim Jong-un», le dictateur nord-coréen vu en BD par une autrice sud-coréenne

    Play Episode Listen Later Feb 15, 2025 4:29


    Mon ami Kim Jong-un, c'est une bande dessinée sur le parcours du dictateur nord-coréen écrite par… une Sud-Coréenne. Éditée chez Futuropolis, cette BD dresse le portrait de ce que l'on sait sur l'un des plus jeunes dirigeants de la planète. Figure mystérieuse et fascinante, despote sanguinaire, simple enfant héritier d'une lourde dynastie, la dessinatrice Keum Suk Gendry-Kim livre un récit contrasté de cette figure incontournable, au cœur du conflit qui divise la péninsule coréenne depuis plus de 70 ans.   À lire aussiCorée du Nord: des badges à l'effigie de Kim Jong-un, une première

    «L'Asie-Pacifique est la région qui va le mieux résister aux menaces de Donald Trump»

    Play Episode Listen Later Feb 8, 2025 10:58


    À l'heure où tous les regards sont tournés sur l'Amérique de Donald Trump, le conflit au Proche-Orient ou la guerre en Ukraine, il est un continent qui, par son poids géopolitique et économique, devient en silence toujours plus central. L'Asie-Pacifique, nouveau centre du monde, c'est justement la thèse du livre coécrit par deux grands spécialistes, Sophie Boisseau du Rocher, chercheuse à l'Institut français des relations internationales (Ifri), et Christian Lechervy, diplomate et notamment ancien ambassadeur de France en Birmanie. Par Asie-Pacifique, les auteurs entendent l'Asie orientale, de la Birmanie au Japon. Quels enjeux pour la région, à l'heure de Trump et face à la Chine ? Sophie Boisseau du Rocher répond aux questions de Joris Zylberman.

    «Cartels, voyage au pays des Narcos» de Frédéric Saliba

    Play Episode Listen Later Jan 31, 2025 4:40


    Le Livre international nous emmène au Mexique, avec Frédéric Saliba. Un journaliste qui arrive au Mexique au mitant des années 2000. Il y restera seize ans, dont quatorze comme correspondant pour le quotidien Le Monde. Quand il arrive à Mexico, il parle surtout économie, culture et tourisme. Avant, très vite, de couvrir tous les sujets ayant trait au narcotrafic. Cartels, voyage au pays des Narcos de Frédéric Saliba, éditions du Rocher, 2025. À écouter aussiBertrand Monnet : « Les cartels ne sont pas des organisations terroristes... »

    Le cyber, force et talon d'Achille pour les États-Unis

    Play Episode Listen Later Jan 25, 2025 12:16


    De retour à la Maison Blanche, Donald Trump réengage son bras de fer avec la Chine. La guerre est commerciale, mais la cybersécurité sera aussi une dimension centrale dans la rivalité avec la Chine. Dans l'ouvrage De la cybersécurité en Amérique, Stéphane Taillat pointe le caractère paradoxal des États-Unis, qui disposent en matière de cybersécurité, d'atouts offensifs importants à l'international, mais qui peinent dans le même temps, à organiser la sécurisation de leur propre espace numérique. 

    «D'ici 2 ans, les États-Unis ressembleront plus à la Hongrie d'Orban qu'à l'Amérique de Kennedy»

    Play Episode Listen Later Jan 18, 2025 12:57


    Lundi prochain, 20 janvier 2025, il retrouvera le bureau ovale de la Maison Blanche... Donald Trump, 47ᵉ président des États-Unis, de nouveau aux affaires, et à la tête d'une Amérique en « décomposition », selon Romuald Sciora, directeur de l'Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l'Iris. Le chercheur, qui vit aux États-Unis, signe L'Amérique éclatée, plongée au cœur d'une nation en déliquescence, sorti le 15 janvier 2025 aux éditions Armand Colin. Portrait d'une Amérique au bord de l'implosion.  À écouter dans DécryptageTrump peut-il réparer une Amérique dangereusement fracturée ?

    Le néoconservatisme américain, un mouvement idéologique complexe à ne pas caricaturer

    Play Episode Listen Later Jan 11, 2025 13:26


    Aux États-Unis, un courant de pensée a souvent été sous les projecteurs : le néoconservatisme. On lui associe souvent une politique étrangère « agressive », notamment celle menée par l'administration de George W. Bush au Moyen-Orient au début des années 2000. Le néoconservatisme est en réalité un mouvement bien plus ancien et plus complexe, qui a développé une vision particulière des affaires intérieures comme internationales. Dans Le néoconservatisme américain. La démocratie pour étendard, aux éditions PUF, Pierre Bourgois entend justement montrer la richesse idéologique de ce courant. Ce maître de conférences en science politique à l'université catholique de l'Ouest, à Angers, revient sur ce mouvement. À écouter aussiConflit Israël-Hamas: «La pression médiatique joue dans l'évolution du discours de Joe Biden»

    «Poutine Lord of War», de Peer de Jong

    Play Episode Listen Later Jan 4, 2025 4:30


    Cet essai est une plongée au cœur de la vision de la guerre imposée par le chef du Kremlin. Poutine Lord of war (Poutine, Seigneur de guerre), de Peer de Jong, docteur en sciences politiques et co-fondateur de l'institut Themiis, détaille l'agenda du président Poutine qui a intégré les conflits comme des options réalistes. À lire aussiLa Russie affirme avoir intercepté huit missiles américains ATACMS tirés par l'Ukraine

    «Couchsurfing en Ukraine», de Stephan Orth

    Play Episode Listen Later Dec 28, 2024 4:23


    Notre livre international de cette semaine nous emmène en Ukraine. L'auteur allemand Stephan Orth a passé huit mois dans ce pays en pleine guerre. Non pas en tant que journaliste, mais en tant que « couchsurfer », c'est-à-dire, comme voyageur qui se fait inviter chez des habitants. Il écoute leurs histoires, est impressionné par leur courage et leur volonté de vivre. De cette expérience intense, il a écrit un livre, intitulé : Couchsurfing en Ukraine, publié aux éditions allemandes Malik. Un livre qui retrace le quotidien d'une population confrontée à la guerre déclenchée par la Russie le 24 février 2022. Stephan Orth répond aux questions d'Achim Lippold. RFI : Vous avez déjà visité beaucoup de pays pour dormir chez l'habitant : l'Iran, la Russie, la Chine, entre autres. Mais cette fois, vous avez choisi un pays en guerre depuis presque trois ans. Pourquoi ce choix ? Stephan Orth : Il y avait des raisons personnelles, car mon ex-petite amie vit à Kiev. Je suis donc allé fréquemment en Ukraine pendant la guerre. On peut dire que nous avons eu la « bonne » idée de devenir un couple juste après le début de la guerre. J'ai continué à me rendre à Kiev en train, puisqu'aucun avion ne vole vers l'Ukraine. À un moment donné, je me suis dit : « Puisque je prends le risque insensé de passer autant de temps dans cette guerre, pourquoi ne pas y associer un projet de livre ? ». L'éditeur était partant, et j'avais le sentiment que l'intérêt pour cette guerre diminuait déjà, au début de 2023. Pourtant, sur place, cette guerre terriblement violente continuait à faire rage, et j'ai pensé qu'il fallait la raconter davantage, en adoptant une perspective plus personnelle et intime.Comment les gens vous ont-ils accueilli ? Je me suis vraiment posé la question : est-ce que c'est approprié de demander de l'hospitalité en ce moment, alors que les Ukrainiens traversent une guerre ? Peut-on aller chez les gens, dormir sous leur toit. Mais finalement, mes craintes se sont vite envolées. Les Ukrainiens qui m'ont accueilli, m'ont assuré qu'ils le faisaient de bon cœur. L'un d'eux m'a dit : « Vous, les Allemands, vous avez accueilli un million d'Ukrainiens, donc on peut bien accueillir un Allemand chez nous ! ». Franchement, j'ai été très bien reçu. Il y avait ce sentiment d'égal à égal. Je veux dire, je ne suis pas venu en tant que journaliste de télé avec toute une équipe et une grosse caméra pour juste prendre deux-trois témoignages et repartir. Non, j'ai vraiment partagé leur quotidien, j'ai vécu la guerre avec eux. Et je pense que ça crée une proximité particulière, une relation plus humaine.Vous décrivez une situation un peu absurde. Vous louez une voiture et l'agence vous appelle chaque fois que vous approchez de la ligne de front.Exactement ! Avec un photographe, on avait loué une voiture pour quatre jours, dans la région de Donetsk. Mais bon, petit problème : vous n'êtes pas assuré dans ces zones-là. Et je me disais souvent : si quelque chose arrive à cette Volkswagen T-Roc, il faudra la rembourser, et ce n'est vraiment pas donné ! Chaque fois qu'on s'est trouvé à 20 km de la ligne de front, à portée d'artillerie russe, l'agence de location nous appelait en nous demandant de faire demi-tour.  Visiblement, ils suivaient nos déplacements ! En fait, dans le contrat, il n'y avait pas d'interdiction de circuler près du front, mais ils tenaient à nous avertir.Vous expliquez aussi comment les Ukrainiens cherchent une normalité, même en pleine guerre. Ils vont à l'opéra, sachant que la représentation peut être interrompue à tout moment par une alerte aérienne. Ça vous a surpris, cette façon de s'adapter ?Ah oui, ça m'a beaucoup marqué. Je ne pouvais pas imaginer à quel point les gens s'habituent à une situation aussi extrême. Moi, j'ai choisi d'aller en Ukraine, de m'exposer à ce conflit. Personne ne m'y obligeait. Mais les Ukrainiens, eux, n'ont pas le choix. Ils n'avaient aucune expérience de la guerre, et pourtant ils s'y sont adaptés. Leur quotidien s'est ajusté à cette réalité. Des choses qui nous paraîtraient incroyables deviennent banales pour eux. C'était une vraie leçon de voir comment l'humain s'adapte dans des situations très difficiles.Pendant ces huit mois en Ukraine, vous avez rencontré beaucoup de gens. Y a-t-il une personne qui vous a particulièrement marqué ?Oh oui, il y avait beaucoup de rencontres marquantes, mais je pense à Polina, de Zaporijjia. Une jeune femme très engagée depuis le premier jour de la guerre. Avec ses frères et des amis, elle a monté une association de bénévoles pour distribuer de l'aide humanitaire et collecter des dons. Aujourd'hui, elle travaille pour les ambulances et aide à évacuer les soldats blessés du front. Elle sauve des vies, tout en risquant la sienne. Elle va tous les jours près de la ligne de front. Mais ce qui était frappant de voir, c'étaient tous ces gens qui, d'une manière ou d'une autre, s'engageaient pour que leur pays tienne bon. Pour que l'Ukraine ne perde pas cette guerre. Après presque trois ans de guerre, tout le monde est épuisé. Mais les gens font preuve d'une incroyable force, d'une résilience impressionnante. Ils continuent. Ils ne lâchent pas.Vous restez en contact avec ces personnes ?Oui, presque toutes. Souvent, nos conversations commencent par la question : « Est-ce que tout va bien après la dernière attaque de missiles ? ». Par exemple, pendant les fêtes de Noël, environ soixante-dix missiles ont été lancés par la Russie. Certains ont été interceptés, mais c'était une attaque massive, même Le jour de Noël. Certains amis ont dû se mettre à l'abri ne serait-ce que dans leur salle de bain durant les bombardements.Pensez-vous que votre livre offre une perspective différente de celle transmise par les médias ?J'espère que oui. Les meilleures conversations n'ont pas lieu immédiatement. Elles viennent au deuxième ou troisième jour, lorsque vous êtes vraiment intégré dans le quotidien des gens. J'ai voulu montrer la vie des gens ordinaires, mettre en avant le côté humain, pas seulement décrire la vie des soldats ou les stratégies militaires.Quel impact cette guerre a-t-elle sur la société ukrainienne ?Il est énorme. Beaucoup parlent d'années « volées ». La priorité est de survivre, ne pas devenir fous. Ils n'ont pas le temps ni l'esprit pour se projeter dans l'avenir. Les problèmes de santé, qu'ils soient physiques ou psychologiques, sont omniprésents, on parle beaucoup de symptômes post-traumatiques. J'ai moi-même eu des sirènes fantômes, dans la tête. Après mon retour, chaque bruit me rappelait une alerte aérienne. Mais moi, je n'ai passé que huit mois en Ukraine. Donc, imaginez celles et ceux qui y vivent et qui subissent des bombardements au quotidien.Avez-vous le sentiment que les Ukrainiens montrent des signes de lassitude face à cette guerre ?Oui, bien sûr. Beaucoup sont épuisés. Mais la majorité veut continuer à se battre, car ils savent qu'un cessez-le-feu temporaire ne signifie pas la fin du conflit. Ils veulent éviter qu'une armée russe renforcée ne revienne dans quelques années. Et ils sont bien conscients du fait ce que cela signifierait de vivre sous occupation russe.En quoi ce voyage a-t-il été différent des autres pour vous ? C'est sans doute le voyage le plus extrême et le plus dangereux que j'aie jamais fait. C'est aussi celui qui m'a le plus marqué, tout simplement, parce que ma position sur l'Ukraine est très claire. Je pense que toute personne dans le monde ayant fait ce type de voyage serait parfaitement consciente qu'il n'est plus possible de revenir à une situation normale avec la Russie d'aujourd'hui. Il ne faut pas recommencer à faire du commerce avec la Russie, à lui acheter du gaz et du pétrole à grande échelle, comme certains partis en Allemagne le souhaitent.Quand on vit une situation de guerre de près, on saisit pleinement l'injustice et la brutalité de ce conflit, d'une manière qu'aucun reportage ou documentaire télévisé ne pourrait transmettre. C'est ce qui m'a le plus marqué émotionnellement. On me demande souvent quel sera mon prochain projet de livre. Pour l'instant, je ne peux ni décider ni même y penser, car le sort de l'Ukraine continue de me bouleverser.Couchsurfing in der Ukraine : Meine Reise durch ein Land im Krieg (Couchsurging en Ukraine. Mon voyage dans un pays en guerre) est publié aux éditions Malik.Le livre précédent de Stephan Orth sur le couchsurfing en Iran a été traduit en français et a été publié aux éditions Payot sous le nom de Derrière les portes closes. Mes aventures en Iran. 

    «Derrière des échecs spectaculaires, l'ONU mène un vrai travail de paix»

    Play Episode Listen Later Dec 21, 2024 10:49


    En 2025, l'ONU célèbrera ses 80 ans. C'est, en effet, le 25 juin 1945 que sa Charte a été signée à San Francisco. Un âge canonique pour une institution qui peut paraître à bout de souffle, déstabilisée par l'état du monde, avec les guerres en Ukraine, à Gaza, notamment. Autant de conflits qui ont bousculé le cadre général des relations internationales, l'ONU étant accusée d'impuissance, en raison de son incapacité à faire respecter les principes et valeurs qui fondent l'ordre mondial depuis 1945. Dans Le défi de la paix – Remodeler les organisations internationales, publié aux éditions Armand Colin, Anne-Cécile Robert, directrice adjointe du Monde diplomatique, analyse le dangereux défi auquel sont confrontées ces organisations internationales ainsi que l'enjeu du renouvellement de ces dernières afin de préserver la paix mondiale.  À lire aussiGuerre à Gaza: les États-Unis mettent leur veto à un appel à un cessez-le-feu au Conseil de sécurité de l'ONU

    «Deng Xiaoping» par Jean-Pierre Cabestan

    Play Episode Listen Later Dec 14, 2024 4:39


    La Chine peut-elle se refermer ? Alors que Xi Jinping et le Parti communiste se réunissaient cette semaine pour faire des choix cruciaux pour l'économie du pays, c'est « la » question de fond qui hante le numéro un chinois : se détacher de la politique de réforme et d'ouverture lancée par Deng Xiaoping dans les années 1980 et qui métamorphosé la Chine de Mao en deuxième puissance économique mondiale et grande rivale des États-Unis. Une biographie de Deng Xiaoping, surnommé « le petit timonier », l'homme fort de la Chine de 1978 au milieu des années 1990, vient justement de sortir aux éditions Tallandier. Elle est signée du sinologue Jean-Pierre Cabestan, professeur à la Hong Kong Baptist University et chercheur au CNRS et à Asia Centre. Dans quelle mesure Xi Jinping veut être l'anti-Deng Xiaoping ? Jean-Pierre-Cabestan répond aux questions de Joris Zylberman.

    «Un espoir ordinaire» d'Ernesto Saade, une BD sur l'émigration des Salvadoriens

    Play Episode Listen Later Dec 7, 2024 4:19


    La situation économique précaire pousse de nombreuses personnes à quitter le Salvador. Elles rêvent de tenter leur chance aux États-Unis et sont prêtes à tout pour y arriver, jusqu'au péril de leur vie. L'auteur salvadorien Ernesto Sade, architecte de formation, a choisi de raconter l'une de ces nombreuses histoires d'émigration dans une bande dessinée intitulée Un espoir ordinaire. Ernesto Sade s'appuie sur des faits réels, car ce jeune Carlos qui émigre aux États-Unis est un proche. À travers ce personnage, l'auteur rend hommage à tous ces migrants nourris par l'espoir d'une vie meilleure. RFI : Comment cette histoire vous est venue à l'esprit ?  Ernesto Sade : C'était un choix très personnel. C'est l'histoire de mon cousin qui est le protagoniste de cette bande dessinée. En 2017, lui et ma tante ont voulu rejoindre les États-Unis. Ils sont partis « mojados », comme on dit, ils se sont « mouillés » pour partir aux États-Unis. Pour moi, c'était aussi un événement très traumatisant parce que mon cousin est comme mon frère, c'est quelque chose qui a eu un grand impact sur moi, n'est-ce pas ? Mon cousin est finalement arrivé sain et sauf aux États-Unis. Quelques années plus tard, j'ai pu le revoir, lorsque je me suis rendu là-bas. Il m'a raconté son histoire, comment il a traversé, la frontière et tout. Et je trouvais ce qu'il a vécu tellement impressionnant que je me suis dit qu'il fallait faire quelque chose avec cette histoire.Quel est le message que vous souhaitez transmettre à travers cette bande dessinée  ? Beaucoup de gens me disent qu'il s'agit peut-être d'une tentative pour sensibiliser les gens, afin qu'ils ne partent pas parce que c'est trop dangereux. Mais très honnêtement, je ne vois pas les choses de cette manière, car la migration ne va pas s'arrêter. Le Salvador se trouve dans une situation qui ne va pas s'arranger de si tôt. Ce que je voulais faire avec ce livre, c'est défendre les histoires de chaque personne, parce qu'il y en a tellement et qu'il est si courant que les gens, après avoir traversé toute cette épreuve de la fuite, ils enterrent leurs histoires. Ils commencent une nouvelle vie, mais ils ne réalisent pas à quel point c'est important ce qu'ils ont vécu.Les gens sont-ils conscients des risques que représente le voyage ? Est-ce qu'ils savent qu'ils mettent en danger non seulement leur propre vie, mais aussi celle de leurs enfants s'ils sont du voyage ? Vous savez, ici au Salvador, personne n'a vraiment envie de partir. Mais il arrive un moment où ça devient si difficile de vivre ici que les gens préfèrent risquer leur vie, et même celle de leurs enfants pour trouver une vie meilleure.  Et la perspective d'une vie aux États-Unis est généralement très, très prometteuse pour beaucoup de gens ici. Il ne faut pas oublier qu'on entend souvent ici qu'aux États-Unis, on peut gagner beaucoup d'argent et qu'on peut mener une vie formidable. Et que cela vaut la peine de prendre des risques. C'est ce que disent aussi les passeurs : ils assurent les migrants que le voyage se passera sans heurts. Les gens savent très bien que ça ne se passera pas comme ça, mais ils décident quand même de partir en se disant : « Mais non, ça va bien se passer, il ne m'arrivera peut-être rien ».Et pour votre cousin Carlos, qui est, je le rappelle, le personnage principal de votre BD, mène-t-il la vie dont il a rêvé aux États-Unis ?Actuellement, il a une situation stable, il s'est marié. Il travaille comme entrepreneur dans la construction. Il travaille dur pour gagner sa vie qui n'est pas facile, mais certainement beaucoup mieux que ce qu'il aurait ici au Salvador. Mais il me dit toujours qu'il aimerait rentrer. Je pense donc qu'il économise maintenant. Il gagne autant d'argent qu'il le peut et lorsqu'il estimera que le moment est venu, il rentrera au Salvador parce qu'il a du mal à s'habituer à la culture de ce pays. Les Salvadoriens pensent toujours à partir aux États-Unis, même si la politique d'immigration se durcit. Le rêve américain est donc toujours d'actualité ?Oui, c'est vrai, les gens veulent toujours tenter leurs chances aux États-Unis. Mais c'est normal, la plupart d'entre eux vivent dans la pauvreté. En fait, j'ai travaillé récemment dans les bidonvilles du centre de la capitale, San Salvador. Les gens sont en situation de grande pauvreté. Vous savez, des personnes comme moi, issues de la classe moyenne, nous sommes une minorité dans ce pays.  Face à une telle situation de précarité, comment ne pas penser à partir ? Au moins, ils voient un avenir aux États-Unis. Même s'il est minime, il est plus grand qu'ici au Salvador. Au moins, là-bas, ils ont une chance de progresser.

    «Ces Russes qui s'opposent à la guerre», un ouvrage collectif sur quinze opposants russes

    Play Episode Listen Later Nov 30, 2024 7:26


    Ils sont journalistes, militants, intellectuels : tous ont dit non à la guerre contre l'Ukraine. Quinze opposants russes ont accepté de témoigner dans un ouvrage collectif — certains sous le sceau de l'anonymat —, quinze récits pour comprendre leur parcours, leurs luttes, et le courage qui leur a fallu pour dire non à la guerre, dans un pays où le simple usage de ce mot peut conduire en prison. Ces Russes qui s'opposent à la guerre est paru cet automne aux éditions Les Petits matins et l'un de ses auteurs, Olga Prokopieva, présidente de l'association Russie-Libertés, répond aux questions de RFI. À écouter dans Pourquoi RFI dit ça ?Comment RFI parle-t-elle de la Russie et de Vladimir Poutine : la guerre des récits ?

    Voyage dans l'histoire du Liban contemporain avec la BD «Beyrouth malgré tout»

    Play Episode Listen Later Nov 23, 2024 4:19


    Il y a deux mois, Israël lançait une intense campagne de bombardements sur le Liban voisin, accompagnée d'une offensive terrestre. 900 000 personnes ont été poussées sur les routes et des centaines sont mortes selon les Nations unies. Dans ce contexte, deux correspondantes françaises, Sophie Guignon et Chloé Domat, et le dessinateur libanais Kamal Hakim nous invitent à voyager à Beyrouth pour découvrir l'histoire du Liban contemporain.  RFI: Sophie Guignon, vous êtes journaliste correspondante au Liban. Comment vous est venue cette idée de bande dessinée ?Sophie Guignon : C'est un projet qui est né après l'explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020. L'idée s'est assez vite imposée, en tant que journaliste, de suivre des médecins dont les hôpitaux ont été détruits à cause de l'explosion. Et c'est comme ça qu'on a rencontré le docteur Sacy dans les ruines de son hôpital. Il avait construit quelques années auparavant le premier service de pédiatrie d'urgence de pointe dans un hôpital public. Et donc ça permettait d'accueillir tout le monde, les réfugiés syriens, les Palestiniens, les travailleurs migrants et, de plus en plus, récemment, avec la crise économique aussi, des Libanais de la classe moyenneÀ travers l'histoire du docteur Sacy, vous relevez le défi de raconter la complexe histoire contemporaine du Liban en bande dessinée.C'est vrai que raconter le Liban en tant que journaliste et à travers le format d'une bande dessinée, c'est toujours un challenge, parce que le Liban est un pays assez complexe. La figure du docteur Sacy, c'est une figure intéressante parce que c'est une figure qui a aussi évolué avec le pays au fil des années. C'est quelqu'un qui, quand il a commencé sa carrière, notamment pendant la guerre civile, s'est engagé aux côtés des milices chrétiennes. Il était ambulancier, ce n'était pas un combattant. Mais voilà, c'était quand même un engagement à une époque où les Libanais étaient très divisés, on était en plein conflit de guerre civile, conflit interconfessionnel. C'est quelqu'un qui était un homme de son temps, mais qui au fur et à mesure de la reconstruction a aussi évolué jusqu'à devenir le pédiatre de nombreux Libanais, mais aussi des réfugiés syriens, des réfugiés palestiniens et des plus pauvres au Liban. Donc, c'est quelqu'un qui, au fur et à mesure du temps, s'est aussi engagé pour les plus déshérités.Dans cette BD, on vous voit aussi évoluer, vous et votre collègue Chloé Domat. Vous êtes toutes les deux correspondantes pour des médias francophones. Quel regard portez-vous sur cette expérience ?C'est vrai que c'est une actualité très difficile. On vit au Liban, donc toutes les catastrophes qui arrivent, on les vit aussi avec les Libanais. C'est quand même un pays où il y a aussi une grande solidarité qui se manifeste. Aujourd'hui, avec la guerre, il y a énormément de gens qui sont engagés pour préparer des repas pour les déplacés, qui ont ouvert des écoles, qui ont ouvert aussi leur maison pour accueillir plus de 1 400 000 déplacés au Liban. C'est plus d'un habitant sur quatre. Donc, c'est évidemment une actualité difficile. Mais je dirais aussi qu'en tant que journaliste, on essaye de montrer ce qu'il peut y avoir de positif, ou en tout cas un message d'espoir pour l'avenir. Et le docteur Sacy, c'était quelqu'un qui avait un message de solidarité et d'espoir pour l'avenir du Liban. Et à travers cette BD, on essaye de faire aussi perdurer son message.L'un des personnages de votre BD revient justement sur l'emploi fréquent du mot résilient pour décrire les Libanais. C'est une erreur, d'après vous ?C'est quelque chose qui peut aussi finir par être agaçant, de considérer que les Libanais sont résilients face aux guerres, à la crise économique, qui a quand même fait plonger plus de 80 % de la population sous le seuil de pauvreté. On ne peut pas effectivement rester intact après toutes ces crises, c'est aussi ça qu'on voulait raconter et un peu démystifier cette tendance qu'effectivement beaucoup de gens ont à décrire le Liban et les Libanais comme des gens résilients. En fait, non, les gens, la population, les Libanais ne sont pas résilients. Ils font ce qu'ils peuvent au milieu des crises, avec le plus de dignité possible. Mais ceux qui sont réellement les plus résilients, c'est en fait la classe politique. Parce que c'est eux qui n'ont pas bougé depuis la guerre civile, depuis 40 ans, 50 ans même.À écouter dans Grand reportageLiban : les civils pris au piège de l'offensive israélienne

    «Fantômes rouges: Chine, la mémoire hantée de la révolution culturelle» de la journaliste Tania Branigan

    Play Episode Listen Later Nov 16, 2024 4:34


    Plusieurs millions de morts, des enseignants tués par leurs propres élèves, un dirigeant qui incite la jeunesse à la révolte afin de reprendre le pouvoir, des cadres de l'État forcés à l'exil : la révolution culturelle a été un moment unique de l'histoire chinoise entre 1966 et 1976, qui a profondément marqué le monde entier, mais aussi la Chine actuelle. Un moment de bascule d'une violence inouïe, insufflé par Mao Zedong, et son bras armé, les gardes rouges. Tania Branigan, ancienne correspondante pour le journal britannique The Guardian s'est plongée dans cette décennie de « révolution idéologique ». Dans son livre Fantômes rouges traduit en français chez Stock (2024), elle retrace les vies brisées par cette décennie et interroge l'héritage ambivalent de cette « révolution » dans la Chine de Xi Jinping.  RFI : Bonjour Tania Branigan. Merci d'avoir accepté l'invitation de RFI.    Tania Branigan : Merci beaucoup de m'avoir invité dans l'émission.    Pourquoi avez-vous choisi d'écrire sur ce sujet, la révolution culturelle ?   Je ne pense vraiment pas que j'ai choisi le sujet, je pense plutôt que le sujet m'a choisi. Et cela s'explique par le fait que la révolution culturelle est partout et nulle part en Chine. Ce n'est pas aussi tabou que par exemple la répression contre les mouvements pro-démocratiques place Tiananmen, mais c'est toujours resté un sujet sensible, de plus en plus surveillé. C'est là juste sous la surface, donc on y est forcément confronté.   Dans mon cas, je déjeunais avec une personne que je connaissais et au moment du café, elle a juste commencé à me dire qu'elle allait chercher le corps de son beau-père, abattu durant la révolution culturelle par des gardes rouges. Et ils ont dit que même s'ils avaient réussi à trouver le village où il avait été détenu, des gens qui le connaissaient à l'époque, quand ils ont demandé où ils pouvaient trouver son corps, les villageois étaient complètement déconcertés. Ils ont dit, « vous savez, il y avait tellement de cadavres à cette époque, comment peut-on savoir lequel est le sien ». Et durant mon travail de correspondante en Chine pour The Guardian, j'ai constaté à plusieurs reprises que les histoires sur lesquelles je travaillais n'avaient du sens que si on les plaçait dans le contexte des années 1960, car c'est une période tellement cruciale.  Vous avez rencontré aussi bien des victimes que des gardes rouges. Comment est-ce que vous avez réagi en rencontrant ces personnes âgées, mais qui étaient adolescents quand ils ont commis ou subi ces crimes ?   Je pense que deux éléments sont vraiment essentiels. Tout d'abord, c'est qu'il est très difficile de penser la révolution culturelle en termes de victimes et de coupables. C'est l'une des choses qui rend ce moment aussi inhabituel. De nombreuses personnes étaient à la fois victimes et coupables. Parfois, certains persécutaient les autres, parce qu'ils avaient peur de ce qui pouvait leur arriver à eux-mêmes ou à leur famille. Ou bien, pour les derniers moments de la révolution culturelle, se vengeaient de la façon dont ils avaient été traités. Et du fait de toutes les campagnes politiques, des évolutions, les gens pouvaient vite se retrouver du mauvais côté de l'histoire.Votre récit se construit avec des personnages clé, notamment celui d'un compositeur, M. Wang. Sa vie montre comment les lignes rouges ne cessent d'évoluer. Parfois, ses prises de position lui valent une forte répression, à d'autres moments, elles sont tolérées. Où sont les lignes rouges dans la Chine d'aujourd'hui ?   Dans les années qui ont suivi la révolution culturelle, au fur et à mesure que les choses s'ouvraient, il y avait un bouillonnement intellectuel et créatif extraordinaire. Évidemment, il n'y a jamais eu de liberté totale : le Parti a toujours cherché à contrôler la culture, la pensée intellectuelle. Et c'est de plus en plus le cas ces dernières années, même avant l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping, mais très clairement aux alentours de 2011, 2012, quand il a pris la direction du pays, nous avons vu ces sujets être de plus en plus contrôlés.   L'espace pour discuter des idées, pas seulement politiques, mais aussi les idéaux sociaux, la façon dont les gens interagissent, de la culture, est devenu nettement plus restreint en Chine dans la dernière décennie.Certains cadres actuels du parti, dont la famille de Xi Jinping, ont été victimes de la révolution culturelle, ont vu leurs parents être purgés, ont été eux-mêmes envoyés à la campagne. Pourtant, ils continuent à jouer avec le souvenir de ce moment, font allusion à des slogans de l'époque et parlent de cet imaginaire. Qu'est-ce que ce moment évoque pour les jeunes générations ?Je pense que beaucoup de jeunes n'y connaissent pas grand-chose. Mais comme vous le dites, ce qui est intéressant, c'est que les gens au sein du parti, et certainement Xi Jinping, ont été en mesure de s'emparer de cette expérience de la révolution culturelle et d'une partie de la nostalgie qui l'entoure. Et ils ont utilisé ce récit de façon très efficace politiquement. Comme ils ne parlent pas des raisons qui ont entraîné la révolution culturelle ou des victimes, ce qui reste dans le récit collectif, c'est l'histoire de Xi Jinping qui est envoyé à la campagne travailler aux côtés des gens ordinaires, des fermiers, capable de survivre à une période difficile. Et il parle de cela comme le moment où il est devenu un adulte et un homme.   Le récit dominant pour la majorité des Chinois, qui est en partie vrai et assez fondamental, c'est que contrairement à la plupart des dirigeants occidentaux, ici, vous avez un dirigeant qui a travaillé la terre avec des gens ordinaires. Il sait que la vie est dure. Et c'est aussi quelqu'un qui a la puissance d'affronter les moments difficiles. C'est une histoire évidemment très policée, mais qui, je pense, reste tout de même convaincante pour certains.

    Éric Meyer retrace le parcours du président chinois dans la BD «Xi Jinping, l'empereur du silence»

    Play Episode Listen Later Nov 9, 2024 6:54


    Il est le maître absolu et redouté de son pays, la Chine : Xi Jinping, secrétaire général du Parti communiste et « président à vie ». Mais qui est-il vraiment ? Un dictateur en quête de diriger le monde ? Un homme avide de pouvoir qui a éliminé un par un ses rivaux pour régner sans partage sur le Parti et les 1,4 milliards de Chinois ? Quelles sont ses convictions ? Quels sont ses succès et ses échecs ? Dans la bande dessinée « Xi Jinping, l'empereur du silence », l'auteur Eric Meyer et le dessinateur Gianluca Costantini déroulent le film de sa vie, allant de son enfance dorée et puis la disgrâce de sa famille jusqu'en 2022, l'année du couronnement à un troisième mandat reconductible. Heike Schmidt a rencontré le journaliste et écrivain Eric Meyer, qui a passé plus d'une trentaine d'années en Chine, à Paris.  À lire aussiChine: une série télévisée à la gloire de Xi Zhongxun, le père de Xi Jinping

    «Kamala Harris, la biographie» d'Alexis Buisson

    Play Episode Listen Later Nov 2, 2024 10:09


    À la veille de l'élection présidentielle aux États-Unis, jamais un scrutin n'a été aussi serré entre les deux prétendants au poste. Si les Américains et le monde connaissent bien le parcours (et les affaires judiciaires) de Donald Trump, la trajectoire de la candidate démocrate, propulsée sur le devant de la scène après le retrait de Joe Biden, reste bien plus méconnue. Le journaliste français indépendant Alexis Buisson a rencontré des dizaines de proches, amis et collaborateurs de celle qui espère s'installer dans le Bureau ovale. Il signe Kamala Harris, la biographie, rééditée dans une version augmentée au mois de septembre 2024, aux éditions de l'Archipel. Depuis New York où il vit, il répond à RFI. À lire aussiPrésidentielle américaine: face à Donald Trump, Kamala Harris promet d'écrire un «nouveau chapitre»

    «Les oubliées de l'Arkansas», de la journaliste américaine Monica Potts

    Play Episode Listen Later Oct 26, 2024 8:32


    À 10 jours de la présidentielle américaine, c'est une plongée dans l'Amérique dont on parle peu qui est au cœur de notre Livre international : les zones rurales des États-Unis, où les femmes meurent désormais en moyenne cinq ans plus tôt que les générations précédentes. Monica Potts a tenté de comprendre pourquoi. Écrivaine et journaliste politique pour le média FiveThirtyEight, elle est retournée dans sa ville d'origine, Clinton, dans l'Arkansas, pour explorer sa propre histoire et celle de son amie d'enfance. Pourquoi certaines femmes s'en sortent et d'autres non dans l'Amérique de 2024 ? Pourquoi meurt-on ici plus jeune qu'ailleurs ? Monica Potts explore ces questions dans son ouvrage Les oubliées de l'Arkansas, publié aux éditions Globe. Retrouvez tous nos contenus sur les élections de 2024 aux États-Unis ici.À lire aussiCrise des opioïdes aux États-Unis: la campagne se focalise sur l'immigration, au détriment des malades

    «L'Amérique face à ses fractures» d'Amy Greene

    Play Episode Listen Later Oct 19, 2024 15:13


    Dans 16 jours, à compter de ce dimanche 20 octobre 2024, les Américains se rendent aux urnes. Comme en 2016 et en 2020, le scrutin s'annonce serré. Seuls les « swings states », ces « États pivots », devraient départager Kamala Harris et Donald Trump. Cette élection présidentielle se déroule, à nouveau, dans une Amérique fracturée, fragilisée, polarisée. « Qui croit encore en une Amérique multiculturelle, jeune et optimiste ? » écrit Amy Greene dans son essai, L'Amérique face à ses fractures, publié aux Éditions Tallandier. Amy Greene est Franco-Américaine, spécialiste de la politique des États-Unis et enseignante à Sciences Po Paris. À lire ou à écouter aussiTous nos articles, reportages et émissions sur les élections du 5 novembre 2024 aux États-Unis.

    Guerre au Proche-Orient: «Sans réconciliation sans partage, le conflit sera éternel»

    Play Episode Listen Later Oct 12, 2024 4:42


    État puissant, mais souvent détesté et pas universellement reconnu comme tel, l'État hébreu est pourtant en quête de normalité. C'est le sujet du livre Israël, L'impossible État normal de Denis Charbit, chercheur franco-israélien et professeur de sciences politiques à l'Open University of Israel près de Tel Aviv. Depuis les massacres du 7 octobre et malgré l'immense faille sécuritaire des autorités israéliennes ce jour-là, l'État hébreu paraît plus puissant que jamais par rapport à ses voisins. Il mène des représailles à Gaza, dans un bain de sang pour les civils, décapite la direction du Hamas puis celle du Hezbollah, avant d'entamer une nouvelle opération au Sud Liban. Et cela sans véritable obstacle, dans la mesure où les États-Unis maintiennent un soutien militaire dissuasif pour l'Iran. À suivre aussi[EN DIRECT] Guerre au Proche-Orient: 280 cibles visées par Israël au Liban et à Gaza en 24 heures

    «Les Portes de Gaza» d'Amir Tibon

    Play Episode Listen Later Oct 5, 2024 4:31


    « Les Portes de Gaza, une histoire de trahison, de survie et d'espoir aux frontières d'Israël » d'Amir Tibon – éd. Christian Bourgois. En tant qu'habitant du Kibboutz de Nahal Oz, Amir Tibon est un survivant de l'attaque terroriste du Hamas sur Israël le 7 octobre dernier. Mais il est aussi correspondant diplomatique pour le quotidien israélien Haaretz. À travers les récits de la terrible journée du 7 octobre, il offre également son analyse du conflit israélo-palestinien à travers les années. RFI : Votre livre alterne entre de cette journée d'horreur vécue le 7 octobre et analyse du conflit israélo-palestinien avec un élément pivot, le kibboutz. Pourquoi est-ce une notion aussi centrale ? Amir Tibon : Les kibboutz ont été construits dans les années 1920-30, avant même la fondation d'Israël en tant que pays. Ils ont joué un rôle important pour déterminer les frontières d'Israël. C'est d'ailleurs ce qui les distingue des colonies construites par Israël après la guerre des Six-Jours en 1967. Les kibboutz avaient pour but de renforcer la présence d'Israël le long des frontières alors que les colonies ont été créées pour effacer les frontières originales et tenter de créer autre chose. Et c'est une chose importante qui distingue les deux.Vous expliquez donc votre détermination à venir avec votre femme élever vos enfants dans ce kibboutz, pourtant dans le livre, vous exprimez également vos doutes nés le jour du 7 octobre. Oui, à un moment donné, j'ai dit à ma femme Miri : « Tout cela est de ma faute ». Vous savez, nous étions dans une petite pièce, dans l'obscurité, sans électricité, sans nourriture. Avec nos deux très jeunes filles, de 3 ans et demi et 2 ans, entourés de terroristes qui essayaient d'entrer et de nous tuer. Et je lui ai dit que tout était de ma faute, car l'idée de venir à Nahal Oz, dans ce kibboutz à la frontière de Gaza, était la mienne. Mais en même temps, il y a une voix en moi, même aujourd'hui, qui me dit que nous devons y retourner. Sinon, les terroristes auront gagné. Ils ont assassiné quinze de nos amis et voisins, kidnappé sept de nos amis et voisins à Gaza, deux d'entre eux sont toujours détenus. Si nous ne retournons pas vivre dans notre Kibboutz, quel genre de message est-ce que cela envoie ? Mais pour revenir, il faut que certaines choses changent en Israël, car le 7 octobre, pour les gens qui vivent le long de la frontière avec Gaza, c'est d'abord et avant tout un jour de profonde déception envers notre propre pays qui n'était pas là pour nous protéger.C'est vrai que vous revenez à plusieurs reprises sur ce sentiment de trahison.Le Hamas est en fin de compte la seule entité qui porte toute la responsabilité du massacre. En vivant à côté de Gaza, nous avons toujours su ce qu'est le Hamas et ce qu'il veut faire. Mais nous savions aussi qu'Israël était un pays fort avec une armée forte qui serait en mesure de les empêcher de nous nuire. Et c'est ce qui a volé en éclats le 7 octobre.Comme pour tout traumatisme, il est nécessaire de comprendre. Avez-vous compris pourquoi l'armée, les autorités n'ont pas réagi comme vous vous attendiez qu'elles le fassent ? Ce dont nous avons vraiment besoin en Israël, c'est de mettre en place une commission d'enquête officielle qui examinera toutes les décisions que le gouvernement a prises au fil des années qui ont précédé le 7 octobre. Pourquoi notre gouvernement a permis que de l'argent tombe entre les mains du Hamas ? Pourquoi a-t-il pensé que le Hamas était préférable à l'Autorité palestinienne en Cisjordanie ? Pourquoi a-t-il retiré ses forces de la zone frontalière de Gaza pour les envoyer dans d'autres missions ?Le 7 octobre prochain marquera les un an de l'attaque du Hamas, mais aussi les un an de la guerre à Gaza. Comment parler de ces deux drames ?Il est important de dire que le 7 octobre était une attaque terroriste totalement injustifiée d'une ampleur énorme. Je pense qu'il est aussi important pour nous, Israéliens, de critiquer le gouvernement et ses politiques qui ont mené au 7 octobre. Et puis nous devons avoir une conversation séparée sur la guerre à Gaza, qui est une conversation très difficile. En tant que citoyen israélien qui a failli être assassiné ce jour-là avec mes jeunes enfants, je pense qu'Israël n'avait pas d'autre choix que d'entrer en guerre après le 7 octobre. Nous avons été attaqués d'une manière vicieuse et inhumaine, et nous sommes entourés d'autres ennemis qui nous regardent de près. Si nous n'étions pas entrés en guerre en représailles, je ne suis pas sûr qu'Israël existerait encore. Et pourtant, en même temps, cela ne signifie pas que tout ce que nous avons fait pendant la guerre est justifiée. Cela ne signifie pas que les décisions prises pendant la guerre doivent être protégées de la critique, et cela ne signifie pas que la guerre doit durer éternellement. Je crois qu'à ce stade, nous devons faire tout ce que nous pouvons pour parvenir à un accord, ramener les otages en vie, mettre fin à cette guerre et entamer la tâche très difficile de la reconstruction de nos maisons et de la réparation de notre pays.

    Mexique: de AMLO à Sheinbaum, ou l'incroyable mobilisation de la gauche

    Play Episode Listen Later Sep 28, 2024 11:44


    Le 1ᵉʳ octobre, la première présidente élue dans l'histoire du Mexique, Claudia Sheinbaum, accédera au pouvoir. Elle prend la succession du très populaire Andrés Manuel López Obrador (AMLO). Claudia Sheinbaum est le personnage clé du nouveau livre d'Hélène Combes, directrice de recherche au CNRS. Dans son ouvrage De la rue à la présidence. Foyers contestataires à Mexico, publié aux éditions du CNRS, la spécialiste du Mexique étudie la naissance du mouvement de gauche Morena, de la première grande mobilisation jusqu'à la victoire du président AMLO en 2018.  RFI : Dans votre livre, vous vous penchez sur la mobilisation des militants de gauche à Mexico. Une mobilisation qui débouche en 2018 sur l'élection de Andrés Manuel López Obrador (AMLO) à la présidence mexicaine. Vous étiez en immersion au sein du mouvement qui a porté AMLO au pouvoir. Quelle est la clé de son succès ?Hélène Combes : Ce que je montre dans mon livre, c'est l'histoire d'une victoire. Mais une victoire qui a pris du temps, en fait, douze ans.Dans mon ouvrage, je suis huit personnages, quatre cadres politiques, dont une écrivaine et quatre militants de quartiers populaires sur toute cette période. Et je montre comment c'est un long travail d'organisation qui a été fait à l'échelle de quartiers populaires, la création d'un journal qui va devenir un organe d'éducation populaire et qui va permettre de réactiver des réseaux militants qui étaient parfois anciens, qui étaient liés notamment aux mobilisations urbaines en particulier, qui ont été très intenses après le tremblement de terre de 1985 et entre 2006 et 2018. López Obrador, mais aussi les gens qui l'entourent, notamment ces cadres politiques que je suis, vont faire tout un travail territorial dans les quartiers de Mexico.Ce que je montre aussi, c'est que ce travail est variable en fonction des quartiers de cette ville, Mexico, qui est une ville immense, une des plus grandes villes du monde, où il y a des histoires urbaines très contrastées. Et donc on ne peut comprendre finalement le succès de ces mobilisations, puis de la transformation en parti, puis de la victoire à l'élection présidentielle — qui s'appuie en grande partie sur Mexico, qui concentre une partie de l'électorat — sans revenir à une histoire très spécifique et différente des quartiers. Il y a des quartiers du centre historique de Mexico, plutôt coloniaux, ou des quartiers d'autoconstruction à flanc de volcan, des terrains qui ont été occupés par des migrants ruraux dans les années 1970 autour de réseaux amicaux, familiaux, villageois et qui ont impliqué des formes de sociabilités populaires très spécifiques, qui sont reprises dans les mobilisations.À écouter aussiLe Chiapas, un État mexicain qui s'enfonce dans la violenceEst-ce que cette mobilisation est un phénomène urbain ou est-ce qu'on observe cette même ferveur un peu partout dans le pays ?Ce qui est très intéressant dans le contexte du Mexique, c'est qu'il y a des poches de très fortes politisations, aussi bien en milieu urbain qu'en milieu rural. J'avais travaillé sur ces questions-là précédemment dans un autre ouvrage intitulé Trajectoires de gauche au Mexique et où je montrais que des dirigeants de mouvements sociaux, dans des zones rurales notamment, par exemple dans l'État du Guerrero, avaient aussi très fortement contribué à la création d'un parti de gauche, sous une forme qui est assez classique en Amérique latine. Cette forme de parti, j'ai commencé à l'étudier à la fin des années 1990, elle est maintenant considérée comme classique, c'est celle du « parti-mouvement », donc avec une très forte articulation entre le tissu associatif, des mobilisations, des mouvements sociaux et des appareils partisans. Et donc là, dans cet ouvrage De la rue à la présidence. Foyers contestataires à Mexico, je me centre plus particulièrement sur le contexte urbain.Vous avez commencé votre enquête en 2006. Dix-huit ans plus tard, est-ce que vous diriez que la ferveur de la mobilisation pro-Morena (le parti d'AMLO et de Claudia Sheinbaum) reste intacte ou il y a quelque chose qui a changé ?Déjà, [le parti] Morena a remporté l'élection présidentielle du 2 juin avec presque 60 % des voix et a vu accéder au poste suprême au Mexique une femme, Claudia Sheinbaum, qui est l'un de mes personnages. J'ai commencé à suivre Claudia Sheinbaum dès 2006. Je l'ai rencontrée à plusieurs reprises. J'ai suivi des mobilisations dont elle a été la principale artisane, notamment ce qu'on appelait la « mobilisation des adelitas », qui est une mobilisation qui a été organisée contre la privatisation de la compagnie Pemex et dont elle était à la tête. C'étaient des brigades de femmes qui ont d'abord empêché le vote de la loi vue comme une privatisation. Ensuite, elles ont réalisé tout un travail territorial. Et donc Claudia Sheinbaum était la figure de proue de cette mobilisation. Donc, il y a quand même une très forte continuité de mon point de vue.Cette mobilisation tient beaucoup au charisme, en tout cas au début, mais peut-être encore aujourd'hui, du président sortant AMLO, qui reste donc très populaire à la fin de son mandat qui s'achève dans quelques jours. Comment peut-on expliquer ce charisme ?Alors moi, justement, je prends complètement le contrepied de ça dans mon ouvrage.Vous dites que ce n'est pas que le charisme.C'est quelque chose qui est construit — ce qui est complètement invisibilisé, parce que les médias ne regardent que les conférences de López Obrador. J'ai suivi pendant des années le travail d'organisation qui a été fait par López Obrador de manière extrêmement incertaine. Il y a des moments où ce n'était plus du tout couvert par les médias. Je suis partie en tournée avec lui, il n'y avait quasiment plus de journalistes qui suivaient son action. Et moi, ce que je voyais, c'était quelque chose de très différent du charisme, c'était un travail très systématique, un travail de quadrillage territorial. Il a sillonné plusieurs fois le pays en allant dans chacune des municipalités du pays, il a construit des bases de soutien... Et donc, ce que j'essaye de montrer, c'est qu'on ne peut pas comprendre la construction d'un nouveau parti, Morena, la place qu'a occupée López Obrador, sans ce travail qui était en fait très besogneux. Il a été très présent dans des médias alternatifs. Ce sont ses conférences, tous les matins, qui ont contribué à ce qu'il donne le ton sur l'agenda politique. Et il a été suivi en ça d'une certaine manière par les journalistes, même ceux qui étaient ses détracteurs. C'est lui qui a toujours dicté l'agenda et donc ça a aussi sans doute joué dans le maintien de sa popularité. Mais surtout, pendant son mandat, la pauvreté a diminué de 8 %. Je pense qu'il faut plutôt regarder de ce côté-là que de son soi-disant charisme qui, de mon point de vue, est vraiment à relativiser.Alors un charisme à relativiser et un dévouement quand même des militants, un certain culte de sa personne, de ce que j'ai pu voir moi-même en ayant couvert les élections au Mexique en juin dernier. Ça fait un peu penser à Lula au Brésil. Est-ce qu'il y a des parallèles entre le succès de Morena et celui du Parti des travailleurs au Brésil ?C'est en partie une histoire parallèle. C'est la même génération de militants, ce sont ces militants qui se sont formés dans les années 1970 pour beaucoup. Il y a eu d'autres générations qui sont venues renforcer les rangs de la gauche. Donc, ça, c'est un premier point de parallèle. Ce sont des histoires partisanes aussi qui ont des points de similitude. Le Parti des travailleurs s'est beaucoup appuyé également sur les réseaux associatifs et sur les mouvements sociaux. Donc, là, il y a aussi un parallèle important. Et malgré l'histoire houleuse de Lula ces dernières années, il y a cette image aussi de figure morale, on va dire, de la gauche, de probité, de présidents qui sont proches des milieux populaires. Dans la pratique, Lula en est issu. López Obrador est plutôt issu des classes moyennes de province, mais il a un parler qui est très populaire, il n'a jamais gommé son accent régional. Il y a des parallèles, en effet.À lire aussi Claudia Sheinbaum, une scientifique de gauche à la tête du MexiqueVous avez parlé de Claudia Sheinbaum, que vous avez suivie pendant des années. C'est effectivement une personne clé de votre livre. Elle succédera à AMLO dans quelques jours, le 1ᵉʳ octobre. Est-ce que vous pourriez nous décrire un peu sa personnalité ?Dans les moments où je l'ai fréquentée — j'imagine que les derniers événements l'ont sans doute transformée —, c'était quelqu'un d'extrêmement concis, précis. Elle est docteure, spécialisée dans les questions d'énergie. Et puis elle a beaucoup travaillé sur le climat. C'est une universitaire, donc qui est plutôt issue, elle, des classes moyennes intellectuelles de Mexico. Et ce qui est intéressant, c'est qu'elle a été beaucoup, de mon point de vue, transformée par ces mobilisations auxquelles elle a participé depuis 2006. Elle avait déjà participé à des mobilisations antérieures. Elle avait participé à une mobilisation très importante en 1988 de l'Université nationale autonome comme étudiante. Mais en fait, toutes les mobilisations qui ont succédé après 2006 lui ont donné un ancrage dans les quartiers populaires et lui ont appris aussi finalement à créer ce lien plus personnalisé. Donc, par exemple, en avril 2023, je l'ai suivie dans la visite de centres communautaires qu'elle a créés, 300 centres communautaires à l'échelle de Mexico et où elle allait rencontrer les usagers, donc très à l'écoute. Le responsable du programme me disait : c'est très intéressant parce qu'elle ne vient pas pour faire des discours, ce qui est un peu le style de López Obrador, elle vient pour écouter les gens. J'ai passé l'après-midi avec elle, et durant cet après-midi, elle a parlé avec des jeunes qui avaient été déscolarisés, des mères de famille, des jeunes enfants, avec cette attitude finalement d'écoute, de comprendre la situation de ses administrés. Donc, un style quand même très différent de López Obrador.Et à l'époque, aviez-vous pensé que, éventuellement, elle pourrait devenir un jour présidente ?À l'époque de la « mobilisation des adelitas », pas du tout, et d'ailleurs, les journalistes non plus. Parce que quand j'ai cherché une photo pour la couverture de mon ouvrage, j'ai voulu une photo d'elle dans la « mobilisation des adelitas » et il n'y en avait aucune. Donc, elle était complètement invisible aussi pour la presse, même pour la presse mexicaine.

    «L'agence: histoires secrètes de la CIA», d'Antoine Mariotti

    Play Episode Listen Later Sep 21, 2024 4:29


    Plongée ce matin dans les coulisses de l'agence de renseignements la plus puissante au monde. L'agence : histoires secrètes de la CIA, c'est l'ouvrage que le journaliste de France 24 Antoine Mariotti publie aux éditions Taillandier. Un livre-enquête pour lequel il a recueilli les confessions de dizaines d'agents secrets, d'anciens cadres de la CIA et d'espions appartenant à des services étrangers, qui racontent leur version des attentats du 11-Septembre, de la traque de Ben Laden au fin fond du Pakistan, de l'invasion de l'Irak, de la lutte contre le groupe État islamique ou du soutien à l'opposition syrienne... À écouter aussi«La honte de l'Occident, les coulisses du fiasco syrien» par Antoine Mariotti

    Comment expliquer l'extrême polarisation des États-Unis?

    Play Episode Listen Later Sep 14, 2024 13:36


    À un peu moins de deux mois de la présidentielle américaine, les Américains semblent plus divisés que jamais. Cela n'a pas toujours été le cas, rappelle Mathieu Gallard, directeur d'études chez Ipsos. Dans Les Etats-Unis au bord de la guerre civile ?, à paraitre le 4 octobre, il décrit le lent processus qui a mené à cette transformation du pays et évoque les options qui s'offrent aux Américains. À lire aussiÉtats-Unis: Donald Trump moqué après ses déclarations sur les Haïtiens

    «Avec le retour de la guerre en Europe, les États-Unis doivent jouer sur deux zones de crise»

    Play Episode Listen Later Sep 7, 2024 4:29


    Qu'est devenue la puissance des États-Unis ? Se réduit-elle à ses échecs récents ? Bousculée depuis le 11-Septembre, discréditée par l'aventure irakienne puis par l'isolationnisme des années Trump à la Maison-Blanche ou encore par le retrait désastreux d'Afghanistan ? Dans son ouvrage, Géopolitique de la puissance américaine, Laurence Nardon, spécialiste des États-Unis et chercheuse à l'Institut français des relations internationales (Ifri), passe en revue tous les attributs de cette puissance aujourd'hui alors qu'à deux mois de l'élection présidentielle, le monde se demande quelle direction prendra Washington. Géopolitique de la puissance américaine, de Laurence Nardon, publié aux Presses Universitaires de France (PUF) en 28 août 2024.À écouter aussiGéopolitique : les USA, puissance sur le déclin ?

    «Les acteurs internationaux et l'élite locale qui contrôlent Haïti craignent de perdre le contrôle»

    Play Episode Listen Later Aug 31, 2024 7:25


    En Haïti, cela fait deux mois que les policiers kényans ont été déployés - soit le premier contingent d'une force multinationale pour libérer le pays de l'emprise des gangs. Ce n'est pas la première fois que la communauté internationale intervient en Haïti, pour aider le pays, mais aussi avoir un poids sur place. L'Américain Jake Johnston est chercheur associé au Centre pour la recherche politique et économique de Washington. Dans son livre Aid State : Elite Panic, Disaster Capitalism and the Battle to Control Haiti, il s'est intéressé à tout le système d'aide mis en place après le tremblement de terre de 2010, par les États-Unis et la communauté internationale.   RFI : Au début de votre livre, vous racontez que, juste après le tremblement de terre, le président haïtien n'a même pas encore contacté tous ses ministres que les États-Unis ont déjà mis en place une cellule de crise. Selon vous, cela a beaucoup à voir avec la peur ?Jake Johnston : Je pense que de bien des manières, la réponse internationale au tremblement de terre était motivée par une certaine peur qui existe depuis le début de l'histoire d'Haïti : la peur d'une République noire indépendante. Et même aujourd'hui, bien que le contexte soit différent, après le tremblement de terre, il y avait encore cette peur que dans l'effondrement de l'autorité, les pouvoirs en place — ces acteurs internationaux et cette élite locale qui contrôlent Haïti depuis si longtemps — soient en train de perdre le contrôle. C'est une peur qui a eu aussi des conséquences fatales. Parce que définir comme priorité la sécurité et les ressources militaires dans une situation qui exigeait une réponse humanitaire a ralenti la délivrance de cette aide.Et quand l'aide alimentaire d'urgence est arrivée, ce fut un problème pour les agriculteurs haïtiens ?Ce qui détermine le niveau d'aide alimentaire des États-Unis, ce ne sont pas les besoins sur le terrain, mais plutôt les cultures américaines dont les productions sont excédentaires : c'est un programme de subvention pour les fermiers américains. On prend ces excédents et on les lâche sur les pays en développement. Et après le tremblement de terre, quand il y a eu cette arrivée massive de nourriture importée et distribuée gratuitement, les fermiers haïtiens ne pouvaient tout simplement pas lutter.À écouter dans GéopolitiqueAide internationale, vecteur d'émancipation ou de contrôle ?Énormément d'argent a été récolté après le tremblement de terre, mais les Haïtiens n'ont pratiquement rien vu passer. Comment vous l'expliquez ?Le système d'aide que nous avons créé, et que les pays riches soutiennent, est en grande partie fait pour bénéficier aux pays qui développent cette aide, et pas à ceux qui en ont besoin. Je ne veux pas dire que pas un dollar n'est arrivé en Haïti, mais il y a beaucoup de coûts additionnels : déjà, il y a 20 % de frais généraux pour tous les contrats signés avec les États-Unis, qui reviennent au siège des entreprises. Il faut aussi engager des étrangers, payer pour leur sécurité, leur voyage, et les installer en Haïti — au lieu d'employer des locaux.Il y a aussi des « dysfonctionnements », le plus évident étant la construction promise par les États-Unis de 10 000 maisons destinées aux rescapés du tremblement de terre dans la région de Port-au-Prince.D'abord, l'entreprise qui a eu le financement pour établir les plans et faire les études était dirigée par un ami d'enfance du président haïtien de l'époque. Ensuite, les contrats ne sont pas allés à des locaux, mais à de grandes entreprises internationales — qui ont importé une grande partie des matériaux. Les coûts ont explosé, les retards se sont accumulés. Et le département d'État américain a déplacé le projet à des heures de trajet vers le Nord, pour construire des maisons pour les employés d'un parc industriel que le gouvernement des États-Unis soutenait — au lieu d'en faire bénéficier les déplacés. Pire, il s'est avéré que les entrepreneurs ont utilisé un ciment de qualité inférieure. Le mécanisme bureaucratique qui a occulté tout cela a permis d'assurer une impunité qui dure encore. Cette histoire montre vraiment comment tout cela fonctionne et pourquoi cela continue. Vous écrivez aussi que certaines compagnies ont vu le tremblement de terre comme une opportunité pour relancer les entreprises textiles à bas salaires, qui avaient été très nombreuses dans les années 1970 et 1980 en Haïti.C'est un modèle de développement en place depuis très longtemps en Haïti. On peut remonter à l'esclavage et à la colonisation — la population utilisée comme main-d'œuvre pour exporter des biens pour les riches habitants de capitales étrangères. Pendant la dictature de François Duvalier [1957-1971], Haïti était présenté avec le modèle des entreprises textiles à bas salaires, comme le Taïwan des Caraïbes. C'est vrai que cela créait des emplois, mais pas de développement économique, car c'était tourné vers l'étranger. Et même si, clairement, cela n'avait pas fonctionné, le tremblement de terre a été vu comme l'occasion d'essayer d'aller, une fois de plus, vers ces politiques économiques.Le plus choquant, ce n'est pas que des entreprises veuillent le faire. C'est que les États-Unis et d'autres agences d'aides multilatérales aient utilisé des milliards de dollars de fonds levés après le tremblement de terre pour financer les efforts de ces entreprises.À écouterGarry Conille : « Avec cet accompagnement de la communauté internationale, nous allons réussir »Vous écrivez que la politique haïtienne, y compris le choix du président, est très influencée depuis le tremblement de terre par les États-Unis et la communauté internationale. C'est le cas depuis longtemps. Mais ce qu'on a vu après le tremblement de terre était particulièrement osé. Il y a eu une élection. La communauté internationale avait en quelque sorte décidé de mettre sur le dos du gouvernement l'échec de l'effort de reconstruction — un échec pourtant en grande partie causé par leur propre système d'aide et leurs politiques. Il leur était donc essentiel de trouver un nouveau partenaire.Il y a eu un conflit autour de cette élection, la communauté internationale a envoyé une équipe de l'Organisation des États américains. Ce qu'ils ont fait était vraiment inédit dans l'histoire des observations d'élections : sans recompter aucun vote, ils ont recommandé de remplacer le candidat arrivé second — et soutenu par le gouvernement — par celui qui était arrivé troisième, le populiste et ancien musicien Michel Martelly. Ce qui a facilité son arrivée au pouvoir. Michel Martelly qui, pour en revenir à la violence et l'instabilité que nous voyons aujourd'hui en Haïti, a été accusé par les Nations unies d'avoir financé, armé et dirigé ces groupes armés.Et vous dites que ce que la communauté internationale recherche avant tout, c'est la stabilité.Quand la communauté internationale parle de stabilité en Haïti, habituellement, elle veut dire « stabilité pour les investissements étrangers et pour les élites locales ». La réalité, c'est que cette stabilité, c'est très exactement ce qui génère l'instabilité dans le pays. Car ce n'est pas soutenable pour la majorité de la population. Et une très grande partie des tensions aujourd'hui en Haïti viennent de là : cette question de « la stabilité pour qui, et qui au final bénéficie de ces politiques ».Vous pensez que les États-Unis et la communauté internationale ont une responsabilité dans la situation actuelle ?Sans aucun doute ! Ce qui ne veut pas dire qu'ils soient les seuls responsables. On parle là de la manière dont Haïti interagit avec la communauté internationale – les États-Unis surtout, probablement, mais aussi la France, le Canada et d'autres. Ces politiques n'ont pu être mises en place en Haïti qu'avec l'accord ou l'implication d'acteurs politiques et économiques locaux, qui depuis de très nombreuses années sont l'allié durable de la communauté internationale. Et c'est ce nexus, cette connexion qui a vraiment dominé les politiques en Haïti, et qui finalement porte la responsabilité de la situation actuelle.C'est pour cela que je pense que parler d'Haïti comme d'un État défaillant, c'est absolument faux : ce ne sont pas les Haïtiens qui ont été en charge de leur pays ou capables d'en choisir la trajectoire. Elle l'a été par une petite élite locale, en concertation directe avec des acteurs internationaux. C'est pour cela qu'à l'expression « Failed State », État défaillant, je préfère l'expression « Aid State », l'État de l'aide.

    «Shubeik Lubeik»: le roman-manga qui dépeint la «stratification sociale» égyptienne

    Play Episode Listen Later Aug 24, 2024 4:45


    Deena Mohamed fait partie de la nouvelle garde de la bande dessinée égyptienne. Installée au Caire, elle dessine depuis son enfance. En 2013, à 18 ans, elle publie son premier ouvrage, Qahera, dans le sillage de la révolution égyptienne. Elle y mettait en scène une super-héroïne musulmane qui combat les codes, les traditions, les propos intégristes et misogynes. Cette année, la dessinatrice égyptienne revient avec une nouvelle bande dessinée, Shubeik Lubeik, littéralement « Vos désirs sont des ordres », qui vient d'être traduite en français. L'autrice est au micro de RFI. ► Les trois tomes de Shubeik Lubeik, compilés en un exemplaire et traduit en langue française, sont à retrouver en libraire aux éditions Steinkis, 2024.

    Richard Nixon, un prince des ténèbres tout en nuance

    Play Episode Listen Later Aug 17, 2024 11:19


    Il y a 50 ans, le 9 août 1974, le président Nixon démissionnait en plein scandale du Watergate. Dans la biographie Richard Nixon, Antoine Coppolani décrit un prince des ténèbres qui se voulait homme de paix et qui a passé 50 ans au cœur de la scène politique américaine. Antoine Coppolani est vice-président délégué aux relations internationales et à la francophonie à l'Université Paul Valéry-Montpellier III. À lire aussiLe scandale du Watergate: l'enquête qui fit tomber le président Richard Nixon

    «Amnyé Machen, Amnyé Machen», le témoignage émouvant d'une Tibétaine

    Play Episode Listen Later Aug 10, 2024 4:40


    Rares sont les livres critiques en provenance du Tibet. La Chine gouverne les hauts plateaux himalayens d'une main de fer depuis 1959, et rien n'échappe à la censure. Rien ou presque. Dans son livre Amnyé Machen, Amnyé Machen, la poétesse tibétaine Tsering Woeser raconte son pèlerinage autour de cette montagne sacrée du nord-est du Tibet. Témoignage émouvant, mais aussi révoltant, car il nous donne à voir la fin d'un monde. Heike Schmidt a rencontré la tibétologue Katia Buffetrille, sa compagne de pèlerinage. Amnyé Machen, Amnyé Machen de Tsering Woeser, publié aux éditions Jentayu, 2024.À écouter aussiLittérature sans frontière: Tsering Yangzom Lama, son chant d'amour pour le Tibet

    «Pour la Chine, l'Afrique est un grand laboratoire»

    Play Episode Listen Later Aug 3, 2024 11:32


    Après les années Covid et malgré un ralentissement du financement des infrastructures en Afrique, la Chine recommence à investir sur le Continent et à signer des contrats de construction et d'extraction de minerais critiques. Plus que jamais, Pékin poursuit sa stratégie de puissance de Dakar à Johannesburg. C'est tout l'intérêt du livre Chine, puissance africaine, de Xavier Aurégan, chercheur à l'Université catholique de Lille, qui propose une géopolitique des relations sino-africaines. En quoi l'Afrique est-elle un laboratoire pour la Chine ? Comment décrire les présences chinoises dans les pays africains ? Décryptage. À lire aussiEn Afrique, l'Inde tente de rattraper son retard face à la Chine

    L'Union européenne peut-elle être autre chose qu'un régulateur de marché?

    Play Episode Listen Later Jul 27, 2024 12:22


    C'est dans les crises que l'Europe se révèle. On l'a vu ces dernières années avec la guerre en Ukraine et la pandémie de Covid-19, deux moments clés qui ont poussé l'Union à penser stratégie de défense et emprunt général. Ce tournant idéologique et historique annonce-t-il l'avènement d'une Union européenne devenue une véritable puissance publique et non le simple régulateur du grand marché économique et monétaire ? C'est la question que posent Antoine Vauchez et Eric Monnet dans L'Europe : du marché à la puissance publique ? Explications avec Antoine Vauchez, directeur de recherche au CNRS et directeur du centre européen de sociologie et science politique (EHESS - Université Paris 1).

    Géopolitique: «Les petites puissances jouent un rôle d'État pivot» dans le monde contemporain

    Play Episode Listen Later Jul 20, 2024 4:42


    Elles sont les grandes oubliées dans l'analyse des relations internationales : les petites puissances. Qu'elles rayonnent économiquement comme Singapour ou qu'elles jouent un rôle stratégique militaire comme l'Ukraine, l'histoire récente des « petites puissances » nous prouve que celles-ci, pourtant au cœur des crises actuelles et en devenir, ont été bien trop sous-estimées. Au point de biaiser l'analyse des enjeux du monde ? C'est la thèse défendue par Thibaut Fouillet, directeur scientifique de l'Institut d'études de stratégie et de défense (IESD) de l'Université Jean Moulin Lyon 3, dans son dernier ouvrage Géopolitique des petites puissances. Géopolitiques des petites puissances de Thibaut Fouillet, aux éditions La Découverte, 2024. À écouter aussi«Les voies de la puissance»: un essai sur l'évolution de l'état du monde 

    Égypte: «Le salafisme s'est donné pour mission de redessiner ce qu'est la norme en islam»

    Play Episode Listen Later Jul 13, 2024 9:16


    Le chercheur Stéphane Lacroix publie aux éditions du CNRS Le crépuscule des Saints, consacré au salafisme en Égypte, ce « mouvement puritain ultraconservateur de l'islam sunnite ». Il décrypte entre autres, dans ce livre, les liens du salafisme avec les Frères musulmans ainsi qu'avec le pouvoir politique égyptien.

    Israël/Palestine: «La guerre à Gaza est un deuxième traumatisme, qui s'ajoute à celui de la Nakba»

    Play Episode Listen Later Jul 6, 2024 4:52


    Neuf mois de guerre à Gaza, 7-Octobre en Israël, autant de nouveaux chapitres dans l'interminable conflit israélo-palestinien. Sous la plume de trois anciens correspondants du journal Le Monde dans la région, Benjamin Barthe, Gilles Paris et Piotr Smolar, le livre La guerre sans fin, publié aux éditions de l'Aube, revient sur les origines du conflit : « De la naissance du sionisme, sur fond de persécutions antijuives, à la fin du XIXe siècle, au raidissement identitaire d'Israël et à l'impasse politique palestinienne qui menacent, d'enterrer la solution à deux États ».  Entretien avec l'un des auteurs, Benjamin Barthe. RFI : Vous avez choisi d'éclairer le conflit actuel à Gaza en mettant en exergue cinq chapitres de l'histoire de la Palestine et d'Israël. Parmi ces chapitres, la création de l'État israélien en 1948, au lendemain de la Shoah. La naissance de cet État s'est faite dans la douleur pour la population arabe, majoritaire dans la Palestine mandataire. C'est la fameuse Nakba, qui fait écho à ce qui se passe aujourd'hui à Gaza.Benjamin Barthe : Oui, effectivement, c'est un peu le traumatisme fondateur qui, aujourd'hui, est peut-être dépassé en matière de tragique par ce qui se passe à Gaza. Il faut bien comprendre que Gaza, en termes de tueries, en termes de déplacements de population, c'est beaucoup plus massif que ce à quoi on a assisté en 1948 lors de la Nakba. Donc, il y a un deuxième traumatisme qui est en train de se surajouter à celui de 1948, qui est celui de Gaza, qui est vécu de manière extrêmement violente par toute la population palestinienne, en Cisjordanie, à Gaza évidemment, et puis également en Israël, au sein de la population palestinienne d'Israël.Donc la Nakba, qu'est-ce que c'est ? C'est le naufrage, c'est l'engloutissement de la Palestine. Il y avait un pays et en l'espace de quelques semaines, l'essentiel de la population est expulsée de ses foyers. Et à la place de cette population s'installe une population juive qui va très très vite croître parce que, à partir de la création de l'État d'Israël en mai 1948, le nouvel État va faire venir d'autres populations, notamment du monde arabe, qui vont s'installer dans les maisons, dans les domiciles désormais vacants des Palestiniens qui ont été obligés de faire place nette et qui sont partis s'installer dans des camps de réfugiés en Cisjordanie, à Gaza, au Liban, en Jordanie et en Syrie.À lire aussi75 ans de la Nakba: «Cette histoire est aussi notre histoire à nous, Israéliens»Ce conflit israélo-palestinien est marqué par une « malédiction », dites-vous dans la préface de votre livre. C'est une succession d'occasions manquées de créer un État palestinien, de faire la paix. Les Israéliens et les Palestiniens se renvoient les responsabilités depuis des dizaines d'années. À qui la faute, finalement ? Je me garderai de conclure afin de répondre de manière tranchée et catégorique à cette question. Ce qui est évident, c'est qu'il y a eu à un moment — au début du processus de paix, alors que tous les paramètres incitaient au pessimisme — une espèce d'alchimie qui s'est mise en place entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, mais qui très vite va avorter avec l'assassinat de Yitzhak Rabin en 1995. Donc, on ne sait pas, en définitive, si ces deux hommes auraient eu la possibilité de faire le chemin jusqu'au bout. Il y a eu des négociations, il y a eu des ébauches d'accords de paix qui ont été rédigées des deux côtés. Mais il n'y a jamais eu ce frémissement qu'on a senti à l'époque d'Oslo et qui aurait pu, dans un autre contexte, sans l'assassinat de Yitzhak Rabin, sans également les attentats suicides qui ont également contribué à crisper les positions, sans la poursuite de la colonisation — le troisième facteur extrêmement déstabilisateur. Sans tous ces paramètres-là, on aurait pu déboucher à autre chose. L'histoire aurait pu être différente.Il y a eu les attaques atroces du 7-Octobre commises par le Hamas et la réplique disproportionnée d'Israël contre les Gazaouis. Vous écrivez à la fin de votre livre : « Pour Israël comme pour le Hamas, l'heure du bilan devra venir. » Mais la solution, semblez-vous dire, ne peut venir que de pressions extérieures ?Les gouvernements israéliens successifs n'ont jamais été obligés de payer le prix du statu quo. Le maintien du statu quo a toujours été moins coûteux et moins dommageable politiquement que le risque de la paix. Autrement dit, tant qu'il n'y aura pas de pression véritable sur le gouvernement israélien, tant qu'il n'y aura pas, peut-être, des formes de sanctions, un rappel très net au droit international et à l'obligation du respect du droit international, il est assez vain d'imaginer que le gouvernement israélien se conforme à ce droit international et aux obligations qui en incombent. Donc, il y a véritablement, de ce point de vue là, une responsabilité de la communauté internationale très, très forte qui, plutôt que de répéter de manière un peu incantatoire, un peu lancinante et somme toute assez vaine, les éléments de langage du processus de paix, comme on l'a vu dans les années 1990, la condamnation de la colonisation, etc. Désormais, il faut que l'appel à la création d'un État palestinien s'accompagne de véritables leviers de pression, de quelque chose de beaucoup plus concret et de moins rhétorique que pendant les années d'Oslo.À écouter aussiGaza, un désastre humanitaire

    Défense: les drones aidés de l'IA nous obligent à «réinventer notre façon d'appréhender le champ de bataille»

    Play Episode Listen Later Jun 29, 2024 4:32


    « La guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens », et le premier de ces moyens à la disposition des États est la force armée qui dispose de tous les outils pour mener un combat décisif. En permettant à ceux-ci d'imposer leurs objectifs politiques à d'autres ou de s'en prémunir, la force militaire est donc un objet majeur de réflexion. Léo Péria-Peigné, chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri, publie Géopolitique de l'armement aux éditions Le Cavalier bleu. Il évoque l'importance et la particularité de l'industrie des armes dans nos sociétés.

    Aux États-Unis, la nomination des juges à la Cour suprême est «une fièvre américaine»

    Play Episode Listen Later Jun 21, 2024 11:39


    Il y a tout juste deux ans, la Cour suprême remettait en cause l'arrêt Roe vs Wade, qui garantissait l'accès à l'interruption volontaire de grossesse dans l'ensemble des 50 États américains. Une mise en lumière du pouvoir de cette Cour et de l'importance que revêt la sélection de ses juges. Les Neuf juges, nommés à vie à ce poste, sont désignés par le président des États-Unis, mais doivent aussi être confirmés par le Sénat. Des millions de dollars sont dépensés par des groupes de pression pour soutenir ou affaiblir une candidature.  Dans Une fièvre américaine, Julien Jeanneney, professeur de droit public à l'Université de Strasbourg, revient sur le processus de nomination à la Cour suprême qui au fil des ans est devenu un évènement.

    Valérie Niquet: «L'Indo-Pacifique, un concept stratégique pour répondre à l'offensive de la Chine»

    Play Episode Listen Later Jun 14, 2024 9:59


    Le Premier ministre chinois est en Australie ce week-end. Pékin s'inquiète des alliances formées par les États-Unis, notamment avec Canberra, pour contrecarrer son expansion et le renforcement de sa présence militaire. Dans cette optique, les Américains avec les Japonais pensent maintenant leur stratégie dans l'espace indo-pacifique et non de l'Asie-Pacifique, c'est-à-dire qu'ils incluent l'océan Indien pour mieux contrôler les ambitions chinoises. C'est l'un des thèmes de L'Indo-Pacifique, nouveau centre du monde de Marianne Péron-Doise et Valérique Niquet. À lire aussiL'Australie présente sa nouvelle stratégie de défense axée autour de la Chine

    Idées reçues sur le Royaume-Uni, les paradoxes d'un pays en crise

    Play Episode Listen Later Jun 8, 2024 11:57


    Le 4 juillet prochain, au Royaume-Uni, les Travaillistes pourraient remporter une victoire historique si l'on en croit les sondages, après 14 années de règne conservateur. À un mois de ce scrutin législatif, Keir Starmer et Rishi Sunak se sont affrontés lors d'un premier débat ce mardi 4 juin. Pouvoir d'achat, santé et immigration ont rythmé les échanges. Dans Idées reçues sur le Royaume-Uni. Les paradoxes d'un pays en crise, Clémence Fourton, maîtresse de conférence en études anglophones à Sciences Po Lille, analyse les défis auquel le Royaume-Uni post-Brexit est confronté.

    Allemagne: d'une dépendance énergétique à la Russie à une dépendance économique à la Chine?

    Play Episode Listen Later Jun 1, 2024 12:08


    C'est à 10 jours d'un scrutin à risque qu'Emmanuel Macron et Olaf Scholz se sont retrouvés pendant trois jours cette semaine, en Allemagne. Des deux côtés du Rhin, le SPD, comme la coalition macroniste, sont devancés par l'extrême droite pour le scrutin européen des 7, 8 et 9 juin. Durant la visite d'État, le président Macron a utilisé le terme de « Zeitenwende », souvent utilisé par Olaf Scholz pour décrire le changement d'ère qu'a provoqué l'invasion russe de l'Ukraine. Pour l'Allemagne, première économie européenne, ce conflit a impliqué un tournant majeur en matière de politique de défense et de géopolitique, mais aussi sa stratégie énergétique. Entretien avec Jacques-Pierre Gougeon, professeur des universités en civilisation allemande et directeur de recherche à l'IRIS, auteur de L'Allemagne, un enjeu pour l'Europe (éditions Eyrolles). À écouter aussiDémonstration d'unité franco-allemande à la veille des Européennes

    Vers une véritable force armée européenne

    Play Episode Listen Later May 25, 2024 10:17


    L'invasion de l'Ukraine par la Russie a montré que la paix en Europe n'était pas acquise et a révélé la faiblesse de l'Union européenne en matière de défense. De quels moyens l'Europe doit-elle se doter pour pouvoir assurer la protection de ses citoyens ? C'est la question que Sophie Heine, docteure en sciences politiques, explore dans « Défense européenne pour les citoyens. Souveraineté, démocratie, état de droit », publié aux éditions Couleur livres. Sophie Heine est actuellement chercheure associée à l'institut d'Egmont, l'Institut royal des relations internationales à Bruxelles. Elle analyse notamment le lien intrinsèque entre souveraineté et politique de sécurité.Les 30 et 31 mai prochains, Prague accueille une réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN, dans la perspective du sommet de l'Alliance atlantique à Washington prévu en juillet prochain. À lire aussi75 ans de l'Otan: l'Alliance atlantique à la croisée des chemins

    Le sud des États-Unis au temps de la suprématie blanche et des lynchages (1890-1960)

    Play Episode Listen Later May 17, 2024 24:29


    C'est une page sombre de l'histoire américaine quand plusieurs millions de Noirs américains se sont vu imposer dans les États du sud du pays un régime de domination raciale féroce. Ce système communément appelé « Jim Crow » a duré environ 70 ans et son obsession de la recherche de la pureté raciale était telle qu'elle a suscité l'intérêt de l'Allemagne nazie. Dans « Jim Crow. Le terrorisme de caste en Amérique », Loïc Wacquant analyse les ressorts de ce dispositif qui imposait une suprématie blanche. Ce livre puissant est une invitation à repenser les rapports entre caste, justice et démocratie en Amérique. Au cours de cet entretien, Loïc Wacquant, professeur de sociologie à l'Université de Californie à Berkeley et chercheur associé au Centre européen de sociologie et de science politique va notamment expliquer pourquoi il a choisi les termes de terrorisme et de terrorisme de caste pour décrire ce régime.Pour en savoir plus sur le travail de Loïc Waguant 

    «Une guerre made in Russia», de Sergueï Medvedev

    Play Episode Listen Later May 11, 2024 4:21


    Dans Une guerre made in Russia, l'historien russe Sergueï Medvedev analyse les racines de l'invasion par son pays de l'Ukraine en février 2022. Ce spécialiste de la période soviétique vit aujourd'hui en exil et enseigne à l'université Charles de Prague. Il porte un regard amer la Russie actuelle, où domine la violence, le ressentiment et la quête de la grandeur impériale.

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