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Paris vaut bien une Story. Elle valait bien une messe pour Henri IV et encore, pour lui, ce n'était pas un cadeau. Tandis que pour nous, qu'on ait été en voyage de tourisme ou de travail, c'est un souvenir éclairant avec ses monuments célèbres, ses musées, le jour, et ses restaurants et spectacles la nuit. Paris ne dort jamais, c'est vrai, comme si les gens se passaient le relais sur les trottoirs et les places pour ne pas trop se marcher dessus. Ce ne sont pas les mêmes gens qu'on croise non plus, comme Jacques Dutronc le chantait déjà il y a près de soixante ans.Oui, le matin, après les boulangers, les livreurs et les marchands de journaux, ce sont les écoliers qui succèdent aux gens de la nuit qui ont hanté les rues. Serge Gainsbourg essaie de ne pas réveiller ses voisins artistes du cinquième étage de la Cité des arts, dans le Marais. Il en tient une bonne et pourtant, il a une sacrée descente, probablement la plus redoutable de la rive droite. Il a une raison qui est son un problème, il n'a pas envie de retrouver son logement vide. Ce n'est pas qu'il soit grand, le piano prend presque toute la place, il y a surtout qu'il y vit seul, il n'a pas trouvé l'amour, celui qui le retient au port chaque soir. Et alors qu'il s'est enfin couché, les mômes et les ados arpentent les trottoirs sur le chemin de l'école et des lycées. Ainsi du jeune Renaud Séchan qui porte alors très bien son nom puisque les bancs du Lycée Montaigne à Montparnasse, il ne les voit plus trop souvent, séchant les cours pour traîner dans les rues et jouer de la guitare. Tout comme Jean-Louis Aubert, deux arrondissements plus loin, dans le XVI°, il est un peu plus jeune que lui, mais tout aussi passionné par la guitare et le rock'n'roll.En parlant du Lycée Montaigne, celui du sixième arrondissement, Quartier latin, accueille la bande de Paul-Alain Leclerc. Il va obtenir son bac, comme Jean-Louis d'ailleurs, et puis, voisinage de la Sorbonne oblige, s'inscrire en Sciences-Po. Son point de chute est dans son quartier, le bistrot L'Écritoire, Place de la Sorbonne, vue offerte sur un des bâtiments de l'Université, depuis la terrasse où, avec ses amis Maurice Vallet et Etienne Roda-Gil, il refait le monde. C'est d'ailleurs là que vont être écrits plusieurs des premiers tubes de celui qui ne s'appelle pas encore Julien Clerc.Et si vous désirez encore une adresse dans le coin, histoire de montrer que la légende s'écrit parfois dès le plus jeune âge, nous sommes aussi tout près du Panthéon et de sa vaste place emblématique. C'est là que dans vingt ans, Patrick Bruel imaginera les retrouvailles de copains de classe. Il s'y étaient donnés rendez-vous dix ans après s'être quittés, histoire de voir ce qu'ils étaient devenus. Mais on sait que c'est plutôt histoire de se rappeler les grands rêves qu'on avait et dont la plupart n'ont pas été réalisés : on n'en a même pas pris le chemin, sans le vouloir, sans le savoir. Julien Clerc a gardé le cap de ses rêves depuis l'époque de la place de la Sorbonne, Patrick Bruel, lui, a créé un mythe. Vous êtes-vous déjà retrouvé dix ou vingt ans plus tard ? En tout cas, les murs et les rues de Paris gardent toujours l'écho de telles histoires devenues légendaires. D'autres gens les habitent, d'autres y bâtissent leur propre histoire mais quoi de mieux pour les imprimer que d'en faire une chanson que tout le monde chante.
Si aujourd'hui les Américains débarquent par colonies à Paris, on peut pointer du doigt les responsables : ça a commencé avec Le bossu de Notre-Dame, puis Midnight in Paris et Le Da Vinci Code, et puis ça ne s'est plus arrêté, j'en veux pour preuve Ratatouille ou la série Emily in Paris, puisque ça marche !, et c'est parti en vrille. Mais bon, les touristes américains ne datent pas des années 90. Il y a en Amérique, depuis plus d'un siècle, un véritable mythe du voyage à Paris avec tous ces couples de riches que montre si bien Woody Allen dans son film mais aussi tous ces couples aux revenus modestes qui économisent toute leur vie pour s'y rendre un jour. Voir la Tour Eiffel en vrai, et la vue depuis le troisième étage. Faire les grands magasins, les premiers de l'Histoire, avec leur architecture folle et leurs boutiques de luxe. Descendre les Champs Elysées. Ah ce n'est pas un hasard si la première chose que les Beatles vont faire en 1964, c'est de les descendre en compagnie d'une horde de photographes. On est en plein hiver, il fait glacial mais on va la prendre, cette photo, à la table d'une improbable terrasse ! Bon, il faut dire aussi qu'ils logent pas loin, à l'hôtel Georges V, sur la célèbre avenue du même nom qui converge, comme les Champs Elysées, vers l'Arc de Triomphe. Est-ce un hasard si la clientèle de cet hôtel était au départ essentiellement américaine, elle débarquait en masse des paquebots arrivant de New York. Les Beatles sont les premiers rockers à y descendre et à y loger longtemps, trois semaines, ils seront suivis par les Rolling Stones et tant d'autres comme les Doors. Et c'est ainsi que leur chanteur Jim Morrison débarque seul à Paris en 1970. Il songe en finir avec les Doors mais surtout se plonger dans cette ville qui le fascine. Et donc, ce n'est pas au George V qu'il va se retrouver en immersion : au bout d'une semaine il quitte ce qu'il appelle un bordel à tapis rouge, que je vous conseille quand même de visiter, c'est une merveille, pour un petit hôtel discret en plein quartier du Marais. C'est à la terrasse du Vin des Pyrénées, dans la rue Beautreillis, entre la Place des Vosges, la Bastille et la Seine, que Jim, un verre ou une tasse de café à la main, peut observer les gens passer, parler, vivre. Peu d'entre les passants reconnaissent sa grande carcasse avec sa barbe hirsute. Et quand il n'est pas là, il déjeune un peu plus loin dans la même rue, au Dindon en laisse. Les deux établissements existent toujours mais qui parmi ces milliers de touristes, sait la présence singulière que le lieu garde encore dans sa mémoire. On voudrait être une souris, une mouche sur le mur comme disent les anglo-saxons pour avoir pu entendre ce qui s'est dit à table, ces jours-là, entre Jim, sa petite amie, et ses potes.Car ils sont des millions d'Américains et d'Anglais à y venir encore, dans cette ville qu'ils qualifient de plus romantique au monde. Ils ne connaissent pas les chanteurs français, à part peut-être Edith Piaf, et encore, Jacques Brel, qui ne l'est même pas. Mais faut-il être Français pour être Parisien de coeur, la meilleure preuve est la chanson de Gary Moore, qui en dit tellement sur le fait que Paris est une fête, une ville où l'Amour se grave dans les pierres de ses façades et le pavé de ses ruelles.
Ce n'est pas un hasard si le film Midnight in Paris a été le plus grand succès de Woody Allen. On y retrouve sa narration particulière, un zeste de Fantastique, beaucoup d'humour, évidemment, mais surtout PARIS.Car Paris n'est pas seulement une ville à visiter pour ses bâtiments, ses restaurants et bistrots et ses spectacles. C'est surtout une ville marquée par la légende. Je vous le demande, y a-t-il un quartier dans cette ville où vous ne pouvez pas vous arrêter sans y entendre l'écho d'un souvenir fabuleux ? Oh oui bien sûr, celui de l'Olympia sur le boulevard des Capucines. On les voit, les monumentales lettres rouges former le nom de Johnny Hallyday, Michel Sardou ou Michel Fugain et le Big Bazar sur la grande enseigne de la façade et y rester des mois et des mois, car la salle ne désemplit pas. On les connaît, les photos en noir et blanc des coulisses débordant de monde avec les Beatles et Sylvie Vartan, de la scène noire éclairée par un unique projecteur sur une Edith Piaf droite derrière un micro, ou Madonna sur une chaise avec les 4 lettres MDNA en fond. L'entrée des artistes en a vu passer dans la rue Caumartin … et puis quand vous revenez sur le boulevard, à droite, l'image d'un Johnny arrivant en décapotable avec une équipe de télé nous ramène dans le Paris en noir et blanc de 1961. La nouvelle idole des Copains va tourner devant l'église de la Madeleine, toute proche, un lieu qui résonne différemment dans notre mémoire désormais.Mais si l'Olympia, la Madeleine, c'est une évidence, alors filons jusqu'à cet endroit comme il y en a mille autres à Paris, une rue étroite où les bâtiments de cinq étages laissent voir peu de ciel bleu. L'immeuble du N°13 ne paie vraiment pas de mine ; une certaine Hélène Mar y vivait après-guerre, elle y a élevé son neveu Jean-Philippe. Alors on l'imagine, l'ado, futur Johnny Hallyday, faire le mur et rejoindre ses copains. Au carrefour tout proche, se dresse en effet l'église de la Trinité avec, de l'autre côté, devant le parvis, le petit square avec ses arbres.Alors qu'est-ce qui nous empêche de nous asseoir sur un banc ? Et de nous demander, qui parmi tous ces passants du Square de la Trinité, ces habitants pour prendre le temps de regarder, d'imaginer, ce qui était à l'époque le repaire de la bande des blousons noirs du quartier. Je dis du quartier car il arrive à la bande à Johnny de se promener en espérant croiser celle du Sacré-Coeur et de pouvoir se friter avec elle. Ah il est loin le bébé Jean-Phi qui s'est fait baptiser dans cette église. C'est aujourd'hui un grand gamin de la bande qui tourne à moto comme Marlon Brando dans L'équipée sauvage. Enfin bon, pas en Harley Davidson, hein, mais en Vespa qu'il emprunte sans le consentement de son propriétaire, le plus souvent. Et qui cherche la bagarre aussi, comme dans La fureur de vivre avec James Dean. Sauf que James Dean ne veut pas se battre dans ce film, ils ont pas bien capté, les titis parisiens, trop fascinés par cet univers de l'adolescence américaine qu'ils découvrent pour la première fois au cinéma. Et c'est vrai que transposé dans ce Paris toujours ancré dans le début du siècle, ça ne le fait pas. Son pote du square Claude Moine, qui ne s'appelle pas encore Eddy, est bien de cet avis. Et puis il y aussi Slip, enfin celui qu'ils ont surnommé comme ça, celui qui se trimballe avec une guitare dans le dos comme Johnny et qui se nomme Jacques Dutronc.
Michel Berger, ce bourreau de travail qui ne savait pas s'arrêter de peur d'être rattrapé par ses angoisses d'homme abandonné, oui, ce Michel Berger avait-il des rêves ? En tout cas, au début des années 80, un immense bonheur lui tombe dessus. Lui qui quinze ans plus tôt avait arrêté de chanter car, disait-il, les Français ne pouvaient pas suivre les Américains et les Anglais sur leur propre terrain, enregistre désormais à Hollywood, Los Angeles. Auteur, compositeur, producteur et mari de France Gall, Berger s'est non seulement remis à la chanson mais en est déjà à son sixième album. 1980 a d'ailleurs été l'année de France et Michel : 5 tubes à eux d'eux et leurs albums respectifs au sommet des ventes, ils ont même séduit Elton John qui souhaite travailler avec France Gall, et lui, bien sûr.Fin août, Michel est donc en studio à Hollywood avec la déjà légendaire équipe d'Elton John pour l'enregistrement des trois premiers titres d'un album à venir. Michel a écrit et composé le premier titre, et écrit le texte du second sur une musique d'Elton qui lui demande des conseils de prononciation en français. Le courant passe très bien entre les deux hommes : Michel tente de s'adapter à son style, Elton lui laisse le champ libre à la production. Précisons qu'il en profite aussi pour essayer les costumes de la prochaine tournée dans le studio juste à côté. Le troisième titre sur lequel ils travaillent ne sera jamais terminé, comme le reste de l'album du duo France Gall – Elton John. Il n'y aura pas de tournée non plus mais un nouvel album pour France Gall qui atteindra pour la première fois le million d‘exemplaires. L'adolescente star des sixties devient alors la favorite des nouvelles radios libres ouvrant le robinet des années Berger qui assoit son influence jusqu'à l'improbable mais très réussi nouvel album de Johnny Hallyday en 1985.Pourtant, la fortune et la gloire ne parviennent pas à tuer cette mélancolie qui pèse sur la vie de Michel Berger. La série noire des proches qui partent trop tôt ne semble pas vouloir cesser : Joe Dassin en 1980, Bernard Hamburger, son frère aîné deux ans plus tard, Daniel Balavoine et Coluche (le parrain de son fils) en 1986. De plus, Michel souffre de ne pas être reconnu par le vrai bizness, celui des anglophones. Son album en anglais n'a pas trouvé preneur en 1982. Quatre ans plus tard, il doit produire Diana Ross mais sa maison de disques ne veut pas d'un inconnu, ce seront finalement les Bee Gees. Enfin, affront suprême, la même année Les Misérables de son vieux copain Claude-Michel Schoenberg triomphent sans partage au box-office américain et anglais. Et puis, coup de pouce d'un fan haut placé en 1988, François Mitterrand fait jouer Starmania à l'Elysée pour Lady Di et le Prince Charles. Et neuf mois plus tard, Michel entame une production de Starmania rebaptisé Tycoon en anglais pour lequel il va réunir une brochette de stars dont le chanteur de Cock Robin qui lui offre son premier hit britannique. Malheureusement Tycoon ne sera jamais joué ni à Londres, ni à Broadway, emporté au paradis par la disparition brutale de son compositeur.
“Il n'y a pas de hasard”. Une phrase qu'on entend régulièrement aujourd'hui dans la conversation. Et qui convient admirablement à propos de l'union artistique et amoureuse de Michel Berger et Véronique Sanson. Est-ce un hasard si leurs deux pères se sont rencontrés, avant leur naissance, dans la résistance, sans pour autant nouer de liens. L'affaire aurait dû rester sans suite mais voilà que les deux mamans aussi se connaissent, et se fréquentent. Mais alors qu'on pourrait croire qu'à l'occasion des dîners qu'elles organisent ou des goûters d'anniversaire de leurs enfants, les deux jeunes ont commencé à se fréquenter, et bien, non, à nouveau pas du tout. Il ne se passe rien durant leur enfance ni adolescence.Ce n'est que, alors qu'il fréquente les bancs de l'université, Michel Berger se retrouve dans un pool de directeurs artistiques chez Pathé Marconi qui entre parenthèses deviendront tous riches et célèbres comme Gérard Manset (et oui, c'est lui), ou Claude Michel Schönberg, le compositeur de la fameuse comédie musicale Misérables, que Michel Berger est convié par Madame Colette Sanson à un goûter où elle a demandé à ses deux filles d'interpréter leur répertoire. Violaine et Véronique forment en effet avec un certain François Bernheim un trio qu'elles ont nommé les Roche Martin.Oui, il a fallu attendre ce jour-là, pour que Michel Berger accompagné de Schönberg, semble enfin voir Véronique Sanson et sa sœur pour la première fois. Il n'a d'yeux désormais que pour elles, l'affaire est entendue : Schönberg et lui vont s'occuper d'elles. La suite on la connaît. Le travail en commun débouche sur une histoire commune. Puis vient la révélation de la chanteuse Véronique Sanson mais aussi du style Berger. Ainsi quand France Gall entend pour la première fois à la radio un extrait du premier album de Michel Berger et file l'acheter chez un disquaire pour l'écouter. Elle est tellement frappée par la ressemblance avec Véronique Sanson qu'elle en vient à croire qu'il imite, et imagine même casser le 33 Tours, avant d'apprendre que Michel est à la base de sa carrière. Un Michel Berger n'est plus le garçon réservé qu'il a été. C'est un homme meurtri par un amour malheureux et le terrible choc d'un abandon brutal. Partie acheter des cigarettes et jamais revenue. Véronique s'envole pour les Etats-Unis, suivant une rockstar américaine, sans crier gare, sans une explication. Michel est dévasté, il se retrouve une fois de plus, une fois de trop dans la situation de l'abandonné, comme quand son père a déclaré ne plus le reconnaître et a coupé les ponts pour refaire sa vie ailleurs.Michel se révèle inflexible, il ne veut pas travailler avec France Gall et le lui dit sans ménagement. Mais France ne lâche rien, fait le siège de la forteresse, jusqu'à ce que l'opportunité de faire une voix sur l'album de Michel se présente. Berger est alors frappé par ce qu'il entend, loin du souvenir qu'il avait gardé de celle qu'il avait bien évidemment croisée du temps des yéyés et qui n'est plus une ado à présent, comme lui après tout, même si elle en a toujours le physique et les traits. Alors, à l'heure où Berger remet la carrière de Françoise Hardy en selle, il reprend aussi celle de France Gall, qui a dit “à corps perdu”.
Juin 1963, si les Britanniques commencent à se méconduire quand elles voient leurs nouvelles idoles, les Beatles ne sont pas encore arrivés en France. La jeunesse parisienne vit encore à l'heure américaine grâce à Johnny Hallyday, Eddy Mitchell et Dick Rivers. On les appelle les Yéyés et il en pousse quinze nouveaux par mois dont presque tous disparaissent aussitôt qu'ils sont arrivés. Il faut dire que les firmes de disques signent tout ce qui passe, enregistrent et abandonnent aussi sec si le premier single, pressé à 200 exemplaires, ne marche pas.Heureusement pour Michel Berger, 16 ans, son disque est le « Chouchou de la semaine » de l'émission Salut les Copains sur Europe 1. Michel a donc droit à un passage au début et à la fin de l'émission, écoutée par un million de paires d'oreilles, au moins, et article dans le magazine pour lequel Jean-Marie Périer fait le déplacement jusqu'à la maison de vacances de la nouvelle vedette. Pour l'occasion, la jeune Première Marlène Jobert pose avec lui sur les photos du reportage. Elle n'est pas là par hasard : Marlène est une amie de sa sœur aînée, Franka, et elle est aussi courtisée par son frère Bernard.Contrairement à Eddy, Johnny et Dick, Michel ne change rien à son quotidien qui se résume en dehors de la promotion et des galas, aux cours et aux devoirs. L'argent ne change rien puisqu'il n'en a jamais manqué à la maison. Bien sûr qu'il a le trac lors de sa première télé. Il ne remarque d'ailleurs pas une débutante comme lui qui vient y chanter son premier tube. Oui, à part quelques mauvaises expériences comme la huée du public de l'Olympia alors qu'il assure la première partie des Kinks (c'était pas vraiment une bonne idée, pas le même public), Michel Berger est un Yéyé à succès. Les sept disques qu'il publie ont plutôt bien marché, sans casser la baraque, hein, et même si pour s'en défendre, Michel dira plus tard : ça ne veut rien dire, tout marchait à l'époque. Une politesse de plus car cela est faux, bien évidemment.Et pourtant, alors que le 12 avril 1966, il pose avec tous les Copains yéyés pour ce qu'on appellera un jour la photo du siècle, devant l'objectif de Jean-Marie Périer, Michel Berger décide d'arrêter les frais. En effet, en cette année où les Américains et surtout les Anglais comme les Beatles, Rolling Stones et Bob Dylan publient chef d'œuvre sur chef d'œuvre, Michel dit qu'ils ont pris trop d'avance : les Français ne peuvent plus les suivre sur leur terrain. Michel arrête la chanson, passe son bac et rentre à la Fac. Oui, après un bac philo, il entame une maîtrise de Philosophie, dit-il, parce son voisin est un passionné, ce dont Jacques Attali, le voisin, c'était lui, a eu l'occasion depuis de démentir : Michel était modeste, il avait de solides bases en philo, et pas que. D'ailleurs les examinateurs de sa maîtrise ne sont pas près d'en oublier le thème : L'esthétique de la musique pop, dans laquelle il se lance dans l'exégèse de deux albums de Jimi Hendrix.Car si Michel a quitté le monde de la chanson en tant qu'interprète, il a accepté de sa maison de disques un rôle de directeur artistique. Alors qu'il est toujours étudiant, vous le croyez ça. Bon, on est dans les années 60, alors c'est vrai, pour tous ces gars qui gèrent la carrière d'Edith Piaf ou des Compagnons de la Chanson, qui mieux qu'un Yéyé de bonne famille pour dénicher et s'occuper d'autres yéyés.
Ce n'est un secret pour personne, il y a dans la musique de Michel Berger et les histoires qu'il raconte, une infinie mélancolie. Et tous ceux de sa génération qui l'ont vu évoluer et parler à la télé ont ressenti que malgré la réussite artistique et la vie du couple idéalisé qu'il formait avec France Gall, cet homme n'a pas été heureux. Il a connu des joies, nombreuses, mais il n'a pas réussi à se construire un monde achevé, encore moins parfait dans sa tête. Sans doute est-ce ce qui nous a touché le plus dans sa musique.Bien sûr, je vous ai parlé du drame de sa vie avec un père célèbre qui prétexte l'amnésie pour abandonner sa famille. Mais il y a bien plus encore. Regardez Michel jouer du piano : il a tout du concertiste, n'est-ce pas ? Il a sûrement fait le conservatoire. Et bien pas du tout. Non, Michel, quand il suit les cours de piano, à domicile, a bien du mal à se concentrer sur Chopin et Beethoven. Il faut dire que les professeurs ennuyeux ont du mal à rivaliser en cette fin des années cinquante avec cette musique qui vient des Etats-Unis, le rock'n'roll.Pour Michel, comme pour la plupart des jeunes de sa génération, cette musique occupe toute la place dans sa vie. Il passe ainsi des heures à écouter le single What'd I Say de Ray Charles. Et que dire du grand Jerry Lee Lewis qui, lui, a trouvé comment jouer du piano d'une manière intéressante. Mais voilà, jamais dans sa famille qui vit dans un hôtel particulier avec personnel de maison, où on doit toujours bien se tenir y compris le dimanche, il ne pourrait pas ôter sa cravate, ni monter sur son piano et encore moins, en jouer debout. Non, lui, le seul truc rythmé qu'on l'autorise à jouer, c'est du Gershwin. Mais Michel ne se révolte pas : pas assez de force ni de soutien pour briser la couche formée par les convenances de la haute société et le drame qui pèse sur le noyau familial, autant qu'il ne l'a soudé.Même quand Michel commence à jouer du rock avec deux copains de lycée, aussi guindés que lui, il demeure un Hamburger ou un Haas-Guggenheim selon qu'on lui trouve une ressemblance avec son père ou sa mère.Alors quand avec ses comparses, il se rend à l'audition des disques Pathé-Marconi annoncée par le journal France Soir, Michel a du mal de jouer à être un autre que lui-même. Difficile. Impossible, coincé dans l'uniforme de son école, de faire comme Dick Rivers des Chats Sauvages, ce Niçois de 16 ans, un an de plus que lui, devenu une star et découvert par Jacques Scingland, l'homme devant lequel Michel se tient. Et quand il entend dire cet homme à qui il faut plaire lors de cette audition des idoles de demain : C'est bien, ça, Petit, ce que vous venez de jouer. Tu t'appelles comment ?, Michel n'en croit pas ses oreilles. Comment a-t-il pu déceler dans le jeune bourge qu'il est, qui est loin d'avoir l'insolence d'Eddy Mitchell ni le charisme de Johnny Hallyday, l'attraction qu'il va exercer sur le public et le métier de la chanson ? C'est vrai, quand on vous dit ça, c'est qu'on va vous engager. Mais quelle était sa question déjà ? Ah oui, tu t'appelles comment.Et là, Michel, qui en a assez qu'on lui parle de pommes frites à cause du nom de ce père qu'il ne connaît pas, répond : Berger, Monsieur, je m'appelle Michel Berger.
On garde de Michel Berger, de très nombreuses mélodies et un son, celui du piano, son compagnon depuis la tendre enfance. Une enfance qui entre un père, héritier d'une dynastie d'antiquaires d'Amsterdam et une mère, fille de bijoutiers et amie de Francis Poulenc, l'immense compositeur du Paris de l'âge d'or, une enfance donc qui aurait dû être heureuse. Mais il n'en a rien été.Car quand est né Michel Berger ? En 1947, sous le nom de Michel-Jean Hamburger ? Ou plutôt ce terrible jour de 1954 quand il rend visite à son père qui a subi une terrible opération chirurgicale où il a failli rester. Que faites-vous là ? Qui êtes-vous ?, s'exclame-t-il depuis son lit en le désignant avec sa mère, son frère et sa sœur. Infirmière, pouvez-vous demander à ces gens de partir ? Je ne les connais pas et ils me fatiguent. Votre papa est devenu amnésique. Il ne nous reconnaît plus mais ne vous inquiétez pas, la mémoire lui reviendra.Annette, la maman, écrit donc une lettre à son mari chaque lundi pour lui donner des nouvelles, espérant l'aider à retrouver la mémoire. Elle va le faire durant près de quarante ans sans jamais obtenir de réponse. Amnésie étrange car Jean Hamburger, brillant académicien, philosophe et médecin, n'a par contre rien oublié de ses immenses connaissances et va continuer à faire progresser la médecine à l'échelle planétaire. Avec les années, il reverra son fils, lors de déjeuners occasionnels, extrêmement froids et distants. Le personnage public qu'il est, admet admirer ce que son fils est devenu lors d'interviews à la télé et la radio. Mais il se montre irrité quand on lui demande s'il est le père de Michel Berger ? Michel, comme sa sœur cadette Franka, pas dupes, ont abandonné la première syllabe du nom de cet homme qui les a, lui, abandonnés pour vivre libre entre guillemets, de la manière la plus lâche qui soit. Alors oui, la musique de Michel, d'une éternelle mélancolie, sa façon singulière de jouer du piano et de composer trouvent sûrement, aux côtés d'une passion pour le rock anglo-saxon, son origine dans ce drame de l'abandon précoce et de l'absence de réponse.Car pour le reste, Michel et sa famille ne sont heureusement pas dans le besoin. Michel a grandi dans un monde aisé marqué par la culture française de l'entre-deux-guerres, le paradis blanc du grand salon familial où brillent un Steinway et un Pleyel. Signe du destin ? Son père Jean Hamburger est parti quelques mois avant lui, en février 1992. Présents à la lecture du testament, Michel et sa sœur découvrent que leur père ne les y cite même pas : il les a déshérités sachant pertinemment que la loi le lui interdisait. Et pourtant, en vidant l'appartement paternel, découvrant enfin son univers, Franka découvre une grande valise contenant toutes les lettres que sa mère a écrites à son père. Le plus étrange est qu'elles ont toutes été ouvertes, lues et relues. Un nouveau mystère qui restera sans réponse. On ne s'étonnera donc pas que Michel se soit si jeune créé un univers dans lequel il a trouvé refuge toute sa vie : la musique. Mais écoutez bien les paroles de Quelques mots d'amour ...
Ces quelques notes de piano sur lesquelles viennent se poser un harmonica, ce n'est pas banal. C'est vrai, dans notre inconscient collectif, la guitare et l'harmonica sont inséparables pour un chanteur folk. Si le chanteur Billy Joël voulait se faire remarquer, il a mis dans le mille. Mais bon, c'est surtout de sa propre histoire dont il est question dans cette chanson, qui est en tout point singulière et rappelle que le succès est parfois, souvent, le résultat de nos échecs. Je vous raconte.En 1973, lorsque les Américains et les Européens découvrent ce qui est le premier tube de Billy Joël, qui pour se douter que ce musicien de 34 ans a déjà plusieurs vies derrière lui. Tout a commencé dans son New Jersey natal, à un saut de puce de New York où jeune pianiste et organiste surdoué, Billy, dopé par la musique des Beatles connaît dans les années 60 son premier hit local avec un groupe de bal. Et ça change tout dans leur existence : les voilà qui passent des salles de fêtes à la télé, locale aussi, mais enfin New York et le New Jersey, c'est déjà pas mal ! Ils ne gagnent pas des fortunes, alors Billy loge dans la maison du batteur du groupe qui est aussi son meilleur ami, et de sa famille. Ils en profitent pour y installer le local de répétition et l'ont surnommé logiquement The rock house. Mais voilà catastrophe, Billy tombe amoureux de la femme de son logeur et meilleur pote, une femme qui répond à ses sentiments. Vous imaginez le drame, la séparation du couple et du groupe, tout le monde finit par se retrouver seul et Billy, rongé par la culpabilité, lâche prise, fait une tentative de suicide, se retrouve SDF, avant de remonter la pente car, coup de bol, un producteur de Los Angeles a entendu ses chansons et veut le signer.Billy qui s'est finalement mis en ménage avec la femme de son pote, qui lui a entretemps pardonné, fait le grand saut avec elle jusqu'à L.A. et enregistre un album en 1971 qui ne le mène nulle part. La firme de disques ne suit pas, le groupe en tournée n'est pas payé, bref, il se retrouve à nouveau sans le sou mais avec cette fois, une famille à nourrir et une maison à payer. Alors, pour gagner sa vie, il se fait engager comme pianiste du bar d'un hôtel, sous le nom de Bill Martin, au cas où quelqu'un le reconnaîtrait. Évidemment, avec un talent pareil, pas une semaine sans qu'un gars ne lui dise, je suis agent, je suis producteur, je pourrais produire votre disque. Billy se garde bien de dire qu'il a déjà un contrat, et dont il voudrait sortir. Mais voilà, il tire de la faune qu'il fréquente dans ce bar tous les samedis soirs une histoire qui devient une chanson bouleversante, un premier tube qui lui permet de revenir dans sa ville, New York, à la Columbia, la firme qui édite déjà d'autres grandes incarnations de cette ville : Bob Dylan, Simon & Garfunkel et à présent, Bruce Springsteen.Alors, il va la raconter, la vie et la faune new yorkaise, avec ses gens simples, ses bars et restaurants italiens. Et parmi tout cet extraordinaire répertoire, une chanson montre à quel point il est fier et heureux d'être revenu dans sa ville. C'est celle qu'il a écrite dès son retour, dans un bus, le long de l'East River. A peine le temps de rentrer à la maison, la chanson était écrite, sa vie pouvait enfin commencer, à New York, de jour, comme de nuit, et où il retrouve les habitués de bars qui écoutent le pianiste pour oublier, le temps d'un morceau, tous les rêves qu'ils ont laissé s'échapper avec leur jeunesse.
New York est la ville la plus photographiée et la plus filmée au monde. La plus racontée aussi. Tellement que nous en avons tous une image. Là je suis sûr qu'en m'écoutant, vous en avez une en tête. Je ne sais plus qui a dit que c'est la seule ville à être mieux en vrai que sur les cartes postales mais que dire alors de New York, la nuit. C'est vrai qu'à l'heure où le soleil se couche, où des centaines de milliers de fenêtres et enseignes s'éclairent à l'électricité, cette ville étonnante change de visage, devient féérique. Sans doute parce que chaque lumière nous dit : hé, il y a quelqu'un, là-dedans, une histoire se déroule à l'intérieur, et peut-être, sans doute que cette histoire est passionnante.Regardez la porte de cet immeuble s'ouvrir, à deux pas de l'East River, vous voyez le type qui en sort ? Oui, il est deux heures du matin, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle ce Londonien est venu vivre ici, en 1980, dans cette ville qui ne dort jamais. Il est vrai que pour un gars qui souffre d'insomnie, Londres et l'Angleterre en général, ne sont pas réputés pour la densité de leur vie nocturne. Par contre, ici, quelle que soit l'heure, Freddie sait qu'il peut appeler un taxi pour se faire conduire en boîte et rencontrer des gens. En plus, les Américains n'ont pas encore imprimé son nouveau look cheveux courts et moustaches, on ne le reconnaît pas d'emblée. Le temps de descendre les 33 étages en ascenseur, le taxi l'attend en bas de son immeuble, le Sovereign, qui possède une vue imprenable sur Manhattan depuis l'East River. Et c'est vrai que c'est superbe depuis le balcon de son appart. Mais vu de si haut, la solitude, la nuit, n'en est que plus grande, elle vous donne autant l'impression de survoler la ville que d'en être exclu. Alors souvent, Freddie Mercury craque et sort. Un regard vers l'ombre du pont devenu célèbre depuis peu grâce à l'affiche du film de Woody Allen, Manhattan. Freddie est allé voir jusque-là, c'est tout près, mais le banc où le héros passe la fin de nuit avec sa maîtresse en attendant le moment où sa myriade de lumières s'éteint au lever du jour, n'existe pas. Il paraît qu'il a été placé juste pour le film.Freddie donne une adresse au taximan qui démarre, comme la conversation. Arrivés à un grand carrefour, le chauffeur lui demande de regarder à droite, par la vitre, un immeuble qu'il désigne. Ça ne vous dit rien ?Freddie scrute une façade franchement décrépie mais non, rien.Et ça ?Il lui tend alors une cassette préenregistrée que Freddie reconnaît, c'est l'album le plus vendu du moment, celui de Billy Joël, et de son tube, Honesty. Tout le monde l'a acheté à New York, dit-il. Et pas qu'ici. Freddie écoute le chauffeur lui raconter fièrement avoir assisté par hasard à la séance photo il y a quelques mois. Il avait ralenti en voyant un coin de façade éclairé par des parapluies de photographe au milieu de quelques badauds, et il avait reconnu Billy Joël. Il était, bien sûr, déjà fan ; comment ne pas l'être du type qui a chanté Piano Man, cette chanson qui raconte si justement l'Amérique la nuit, celle des bars. Il était descendu de son taxi mais avait été tenu à l'écart. Quelle aventure, ironise Freddie. C'est fou les rencontres qu'on peut faire quand on est à New York. Bon, chéri, on y va ? Tu m'emmènes en boîte ?
Octobre 1987, Sting publie ce qui est déjà son troisième album solo en deux ans et une fois de plus, il s'agit d'un disque radicalement différent. Si le fait d'avoir l'année précédente perdu sa mère mais aussi participé à la tournée d'Amnesty International a assombri sa vision du monde, c'est surtout son séjour à New York qui est à l'origine de cette nouvelle métamorphose qui le place désormais très loin de ce qu'il faisait avec The Police. Un séjour que l'artiste a voulu en mode terre brûlée. Il loue un appartement simplement meublé, juste un lit et un piano, avec le téléphone débranché, il ne veut aucune distraction qui puisse nuire à une inspiration nouvelle. Pas de femmes, ni enfants, ni maîtresse, dit-il en plaisantant. OK, j'irai parfois en boîte, pour me bourrer la gueule, c'est lui qui le dit, hein. Mais la cause est entendue, l'objectif clair : une vie monacale, exclusivement consacrée à la composition et l'écriture. Sting veut ouvrir de nouveaux horizons pour sa musique. C'est vrai, en 1985, lorsqu'il a sorti son premier album solo, un énorme succès, il a trop entendu, trop lu, que c'était la suite logique de Synchronicity, le dernier album de Police.Alors, pourquoi New York ? Sans doute a-t-il été justement inspiré par ce qu'a déclaré Robert de Niro : « Je vais à Paris, je vais à Londres, je vais à Rome, et je dis toujours : « il n'y a pas d'autre endroit comme New York ». C'est la ville la plus excitante au monde aujourd'hui. C'est comme ça. C'est tout. ». Et donc chaque matin, Sting se lève, prépare lui-même sa bouffe, se rend à la salle de sport, ah oui, les années 80, c'est le grand boom du culturisme avec Schwarzie et Stallone. Il prend même des cours de piano, car ne plus composer à la guitare va l'aider à tout changer. Et dès midi, il bosse jusqu'à pas d'heure. Et puis quand au milieu de la nuit, il sent la solitude le gagner, et bien il sort. New York, la nuit. Et sa faune. Ainsi quand un gars l'arrête et lui demande Quelle est la beauté de la lune ?, au lieu de passer son chemin, Sting s'arrête et lui répond avec une citation de Shakespeare : My mistress' eyes are nothing like the sun, le regard de ma maîtresse est un rayon de soleil. Et il repart avec ce qui va devenir la chanson Sister Moon, et en même temps, le titre du nouvel album.Étonnant que, Sting trouve l'inspiration d'une chanson grâce à un type bourré dans la rue, comme les Clash, sept ans plus tôt, pour une chanson de leur célèbre album Sandinista. C'est vrai qu'à Manhattan, il y a toujours quelqu'un pour vous adresser la parole dans la rue. Les Américains doivent tenir ça des Britanniques, c'est logique que les gens se parlent, mais enfin, à Londres, on dort plus la nuit qu'on ne vit, aime dire Sting. Et puis, au fil de ses promenades nocturnes, il rencontre aussi une grande figure de la contre-culture britannique, l'écrivain Quentin Crisp, qui est venu chercher dans cette ville un regard plus bienveillant, à tout le moins tolérant, vis-à-vis de son homosexualité. Mais voilà, l'accent et l'attitude font que même à New York, un Anglais reste un étranger, voire, un extraterrestre.
Certains d'entre vous ont déjà vu durant leurs vacances, New York la nuit. Comment résister à une balade qui nous met inévitablement dans les pas de tant de cinéastes, photographes, chanteurs, compositeurs, écrivains et acteurs qui ont marqué notre imagination. Et vous vous y êtes cru, hein ? Vous vous êtes revu dans votre fauteuil à regarder Breakfast at Tiffany's, Vous avez un message ou encore Mad Men. Tant de films, tant de séries, impossible de les citer tous. Et puis il y a les chansons, de Bob Dylan à Lady Gaga, en passant par Simon & Garfunkel, Bruce Springsteen et Taylor Swift.New York, la nuit. La ville qui ne dort jamais, comme dit la chanson. Tout le monde connaît New York New York. Les néons de Times Square qui éclaboussent Broadway de leurs couleurs, les sirènes de police qui déchirent l'air, les taxis jaunes qui filent vers le pont de Brooklyn, les patineurs en décembre sur Rockfeller Plaza, chaque quartier ou coin de rue a déjà été filmé, chanté, raconté, bref, a été immortalisé. Robert De Niro, en Taxi Driver, fou de solitude, Al Pacino dans la peau de Serpico, le flic désabusé, Woody Allen qui regarde l'aube se lever sur Manhattan, et John Travolta dansant dans une discothèque de Brooklyn sur un titre des Bee Gees ; la nuit new-yorkaise, c'est cette promesse de fiction qui se transforme en réalité.Car la nuit à New York, c'est le grand écart : les paillettes et la misère, les comédies musicales de Broadway et le jazz enfumé dans les clubs de Harlem, la réussite et la ruine à Wall Street et bien sûr l'Empire State Building et les façades sombres du Bronx. Les rêves s'y font et s'y brisent, mais toujours sur fond de musique et d'histoires, comme si la ville refusait le silence.Et la chanson ne dément pas. Frank Sinatra, je vous l'ai dit. Mais aussi Madonna, dansant sur un taxi, Lou Reed qui erre poétiquement dans l'underground, les bas-fonds, et à l'opposé Jay-Z et Alicia Keys érigeant New York en cathédrale pop avec Empire State of Mind. Alors chaque soir, le rideau se lève. Vous le savez, vous y avez assisté. Les projecteurs éclairent Manhattan, un réalisateur invisible crie « Action ! ». Et vous, simple passant, devenez pour quelques heures l'acteur d'un film plus grand que vous. Parce qu'à New York, la nuit, la légende ne s'arrête jamais. Comme disait Simone de Beauvoir : “Il y a quelque chose dans l'air de New York qui rend le sommeil inutile.”
On a tous en nous une image de New York, la nuit, qui nous marquée : les lumières de Manhattan qui se reflètent sur un East River tellement vaste qu'on ne sait plus si c'est encore un fleuve ou déjà la mer. Et le plus fascinant dans cette histoire, c'est que cette ville est tellement peuplée qu'elle ne dort jamais, qu'il s'y passe des choses folles, autant le jour que la nuit. Regardez cette jeune femme, très belle d'ailleurs, qui entre dans un immeuble du West Side à la fin du jour. Elle n'y habite pas, non, elle vient juste dire bonjour au concierge avec qui elle a sympathisé. Oh, elle a une idée en tête, oui, elle rêve d'y vivre. Il faut dire qu'avec son compagnon, elle déménage en moyenne une fois par an mais en cet automne 1978, même si Debbie Harry est loin d'être riche, son couple ne tire plus le diable par la queue comme cela a été le cas pendant des années. Dix ans qu'elle s'est installée à New York avec un petit boulot de secrétaire mais là, le troisième album de son groupe Blondie est bien parti pour être celui qui va faire d'eux des stars du rock. Et Debbie a eu raison de lui laisser régulièrement un pourboire pour l'avertir au cas où, elle va l'avoir son appart au dernier étage, qui était au départ, d'après le concierge, la buanderie de l'immeuble. La peinture des murs est out, il y a des fuites et des courants d'air, un toit en goudron qui va les faire cuire en été mais il y a une terrasse sur trois côtés et pour Debbie, ça veut dire tout. Imaginez la vue, de jour, comme de nuit.Enfin, la nuit, je veux dire, très tard, le point du jour quand ils rentrent de leur émission de télé. Car oui, Chris et Debbie font de la télé. Avec des artistes qui ont décidé de faire une émission barge et expérimentale tous les jeudis soirs. L'émission s'appelle TV Party et est dirigée par un réalisateur indépendant que Debbie et Chris connaissent bien, Amos Poe, sur une chaîne de télé locale qui loue son antenne à l'heure, à tous ceux qui veulent faire passer un message.Dans l'équipe, un artiste bien barré, qui compose des morceaux à l'image de ses graffitis, un certain Jean-Michel Basquiat. Jean-Michel est SDF, en galère, alors il demande à Debbie qui vient de présenter une séquence dans laquelle elle montre comment pogoter avec une béquille, de lui acheter un tableau. Et comme dans un film de Woody Allen, Chris et elle, viennent voir son œuvre monumentale et effrayante et la lui achètent pour 300 dollars. Une vraie fortune pour lui ! Le jeudi suivant, il dira aux autres de l'émission qu'il les a arnaqués. Oui, le Basquiat dont certaines toiles quittent aujourd'hui les salles de vente pour 100 millions de dollars. Quand on pense que le patron de la chaîne a refusé qu'il tague un mur du studio.Quant au type derrière la caméra, Freddy, dit Fab Five Freddy, c'est aussi un artiste hip hop. C'est quoi le Hip Hop ? Freddy emmène Debbie et Chris à leur premier concert de rap, on n'a pas encore entendu le Rapper's Delight des Sugarhill Gang que les deux artistes punks sont sous le charme, voilà pourquoi Debbie lui adressera un clin d'oeil dans le single qui fera d'elle la première rappeuse blanche.
Parlez-en à vos parents, grands-parents, en 1965, ils ne sont pas allés voir que Sean Connery alias James Bond, les Beatles, John Wayne et Omar Sharif. Non, ils sont comme un spectateur sur cinq, allés voir au moins un film avec Louis de Funès. Un acteur qui a bien changé de registre car figurez-vous que l'année précédente, l'ORTF, l'unique chaîne de télé a diffusé une quinzaine de films avec lui, dont certains où il tient, déjà, le premier rôle. Mais ce n'est pas celui qui, métamorphosé, explose à l'écran : nerveux, roublard, vaniteux, ignoble avec ses subalternes et larvaire devant les plus grands que lui. Un personnage qu'il a développé en interprétant au théâtre le rôle de Bertrand Barnier dans la pièce Oscar, et qui lui a valu une première consécration. Tout Paris, toute la France et la Belgique ont couru voir cette comédie, attendant la fameuse tirade du nez dont tout le monde parle. Il y a eu, bien sûr, des tests, des répétitions, mises au point au cinéma, comme dans Des pissenlits par la racine, Carambolages, Faites sauter la banque ou encore Pouic Pouic, qui au début des années 60 font des succès mais se noient partie du flux de films qui nourrit la programmation de milliers de salles depuis la fin de la guerre. Des cinémas de 2000 places où on entre sans savoir le film qu'on va voir, avec un premier long métrage, des actualités et un dessin animé, avant le grand film.C'est totalement incompréhensible et pourtant qui alors pour remarquer dans le jeu de Louis de Funès autre chose que des grimaces. Car on n'a jamais vu ça, un premier rôle qui utilise autant les mimiques que la parole, … et puis ses colères ! Les gens finissent d'ailleurs par y croire. Il est comme ça dans la vie. Et la rumeur court, dans les milieux du théâtre et du cinéma, comme quoi, Louis de Funès serait colérique, qu'il s'emporterait sur ses partenaires et les techniciens. De Funès s'en amuse mais ne contredit pas, il laisse la rumeur devenir sa réputation. Il se confiera un jour à une journaliste en disant : on dit que je brouiller avec tout le monde. Ça fait tellement peur à la troupe que tous jouent sans rigoler et c'est tant mieux. C'est le public qui doit rire, pas nous. Et comme je suis moi-même rieur et qu'il ne faut pas me pousser, faire régner la terreur est le seul truc que j'ai trouvé pour faire rire le public sérieusement.Et puis c'est pour cela que tout le monde s'est pressé en salles en cette année 1965, pour ces colères tellement spectaculaires qu'elles en deviennent irrésistiblement drôles. Cruchot, Saroyan et Juve, flic ou voyou, ont imprimé sur la pellicule une image tellement forte que soixante ans après, ils restent les seuls personnages du cinéma des années 60 à être toujours diffusés sur une chaîne généraliste en prime time avec la certitude que le lendemain, ils figureront en tête du box-office. Comme les Rolling Stones, finalement, pour qui l'année 1965 a aussi été celle de la révélation, du phénomène.
Si vous allez voir sur internet, pas de doute, Le gendarme de St Tropez, c'est le film qui a lancé Louis de Funès à l'automne 1964. Erreur grave. Ce n'est pas comme ça que cela se passait à l'époque. Les films sortaient d'abord, à Paris, dans certaines salles, en exclusivité. Pourquoi ? Parce que les bobines de projection coûtent cher, il n'y en a qu'un nombre limité. C'est la raison pour laquelle les comédies sont non seulement tournées très vite mais de plus, en noir et blanc.Donc c'est dans ces salles que vous devez vous rendre pour voir le film dont on parle dans les journaux, à la radio et sur l'unique chaîne de télé. Qu'ont-elles de plus que les autres ? Et bien le prix du ticket, qui est deux fois plus élevé que dans les cinémas de quartier et en province, bien sûr. Et donc, plus il marche, plus vous allez devoir attendre pour voir arriver les bobines dans le cinéma de votre quartier, de votre ville ou village. C'est parfois carrément deux ans. Ainsi ce fameux Gendarme de St Tropez, sorti à Paris le 9 septembre 1964, et ben il arrive à Bruxelles en mars 1965, soit en même temps que Le Corniaud à Paris. Vous imaginez le décalage. Y a le premier Fantômas qui est sorti à Paris, entretemps, et dont on a aussi entendu parler. Lui, il est arrivé chez nous en février 1965, donc un mois avant le Gendarme. La raison, et bien une carrière moins longue en exclusivité dans les salles parisiennes.Alors, comment faisait-on, nous, le public ? Et bien, on attendait, tout simplement. On savait qu'il faudrait des mois avant qu'on puisse voir ce qui n'est au départ, pour tout le monde, qu'un petit film. Louis de Funès n'a d'ailleurs pas plus de scènes que les autres dans ce film collectif. Mais tous ses partenaires lui renvoient si bien la balle que son jeu n'en ressort que plus étonnamment. Ils sont d'ailleurs tous arrivés, début juin 64, sans aucune ambition, avec juste la joie de passer quelques semaines cool à la Côte d'Azur, aux frais de la production. Mais voilà, ils tournent avec un réalisateur qui sait lâcher la bride à ses comédiens et leur permet d'improviser, de re-tourner une scène le lendemain, si en regardant les rushes, ils trouvent une meilleure idée.Et ce n'est pas un hasard, car en 1964, le cinéma français connaît un renouveau et une reconnaissance mondiale, surtout aux Etats-Unis, grâce à la Nouvelle Vague, cette école de jeunes réalisateurs qui font du cinéma comme dans la vraie vie. Alors bien sûr, on tourne en couleurs et surtout plus en studio. On n'a plus besoin de techniciens pour recréer la réalité, on tourne en décors naturels, avec des cadres assez larges pour donner de la liberté aux acteurs.Et non seulement, on n'a jamais vu la Côte d'Azur de cette manière, mais de plus, le burlesque qui ne s'embarrasse jamais de la crédibilité ainsi que la parodie, passent d'autant mieux qu'on se dit que, oui, le cinéma comique façon nouvelle vague, ça le fait, et que Louis de Funès, malgré ses mimiques et son interprétation physique manie le verbe, joue la comédie avec une justesse à laquelle peu peuvent prétendre.
Quelques semaines après la sortie de Fantômas, le réalisateur André Hunebelle songe à réaliser une suite. Ça se passera au Sahara et ce sera très exotique, déclare-t-il dans la presse. On sent qu'il a déjà tourné deux OSS 117 et puis il y a les James Bond au sommet du box office. Et oui, ce sera bien évidemment avec Jean Marais et Mylène Demongeot, mais Hunebelle ne mentionne pas Louis de Funès. Pas qu'il soit fâché avec lui, Louis et lui se connaissent depuis près de vingt ans et ont déjà tourné ensemble plusieurs films, mais c'est plutôt parce qu'il souhaite que son Fantômas contre Interpol soit un film d'action pure, pas une comédie.Mais voilà, le triomphe exponentiel de Louis de Funès, écrasant même les films d'action au box office, y compris Goldfinger, le dernier James Bond, fait réfléchir le producteur réalisateur. Alors, au grand dam de Jean Marais, de Funès revient au casting et les scènes comiques se multiplient au fur et à mesure de l'écriture du scénario. Bien sûr, on remarque les heures de maquillage de Jean Marais pour se transformer en Fantômas, mais aussi en professeur Lefèvre et même en commissaire Juve. Mais il va être éclipsé par les déguisements de Louis de Funès en colonel italien, valet de chambre, contrôleur de train, évêque ou encore pirate de bal masqué. Mais comment fait-il ? Car contrairement à ce qu'on pourrait penser, ou à certains témoignages qui circulent, Louis de Funès, en 1965, amuse les équipes.A table, au déjeuner, il est toujours avec Mylène Demongeot, les seconds rôles et les techniciens qu'il ne cesse de faire rire. En clair, Louis teste ce qu'il va faire devant la caméra. C'est vrai, au théâtre, on sait si ce qu'on dit ou ce qu'on fait est drôle : on entend le public rire, retour immédiat. Au cinéma, il faut que le film soit projeté pour le savoir, et là, inutile de dire que si c'est pas drôle, c'est trop tard. Et donc, en bon professionnel, éternel inquiet, Louis fait endosser aux équipes techniques et aux autres acteurs, le rôle du public dont il a besoin pour ne pas se tromper, être le meilleur.Et il y arrive. Si Fantômas se déchaîne, car Hunebelle a finalement abandonné les titres de Fantômas contre Interpol et Fantômas revient, n'arrive pas à la hauteur du score du premier. Il bat malgré tout Le gendarme à New York dont la réalisation hâtée a finalement eu raison du bouche-à-oreilles.Mais qu'on ne s'y trompe pas, c'est à coup de millions que les gens se sont déplacés pour ces deux films qui vont tenir l'affiche une éternité dans les salles les plus reculées de France et d'Europe. Vraiment, en ces fêtes de fin d'année 1965, quand Louis de Funès tient le compte depuis Pouic Pouic, deux ans plus tôt, il s'est retrouvé à l'affiche dix fois, pas un semestre sans film avec lui. Il est devenu une vedette énorme, lui, le spécialiste de la figuration dans les années 40, du petit rôle la décennie suivante, et a vécu une année 1965 comme aucun comédien n'en a vécu, même dans l'histoire d'Hollywood. Et si l'Amérique ne succombe pas à son jeu, la belle affaire !
Festival de Cannes 65, les professionnels ne parlent que d'un film français, Le gendarme de St Tropez : douze millions de recettes en France, 26 semaines qu'il est à l'affiche à Bruxelles, 23 à Montréal, il est vendu dans toute l'Europe, même en URSS, aux Etats-Unis, en Amérique latine, Hong Kong, jusqu'au Pakistan. Et le prochain est déjà prévendu partout, annonce le producteur. Le prochain ? Un gendarme 2 ? Oui, le tournage est commencé depuis quelques jours. Incroyable mais vrai, quand on sait que le film n'est sorti qu'en automne dernier, et que depuis, Louis de Funès en a tourné trois autres, dont un avec le duo Lautner-Audiard, oui celui des Tontons flingueurs. C'est le plus méconnu, je vais vous expliquer pourquoi.Si autant de pays font un triomphe au Gendarme de St Tropez, il faut qu'il s'exporte, cette fois. Mais où ? New York étant la ville la plus familière auprès du public mondial, banco, les gendarmes vont se rendre à un congrès sur le paquebot France, évidemment, où ils vont tourner quelques scènes d'anthologie. Cela dit, la réalité dépasse souvent la fiction. Ainsi, vous vous souvenez que Jean Lefèvre se casse une jambe à l'arrivée et se retrouve à l'hôpital durant tout le séjour à New York. Et bien c'est parce qu'au cours du voyage, il s'est violemment disputé avec le réalisateur et a quitté le tournage. Toutes les scènes à New York vont donc se faire sans lui. Et donc le problème résolu, tous les plans avec lui seront filmés en France, dont le taxi, l'hôpital et la chambre d'hôtel.Mais ce n'est pas le seul problème que rencontre Louis de Funès dans sa toute nouvelle carrière de star car alors que Le Corniaud, Fantômas et le premier Gendarme triomphent dans toute la France et ailleurs, ce vendredi 29 octobre 1965, on ne parle que de la sortie du Gendarme à New York. Mais voilà, la veille vient de sortir Les bons vivants, le fameux film en noir et blanc de Lautner dans lequel de Funès joue un bon et prude bourgeois de province qui va se retrouver maquereau malgré lui. Aucun des deux distributeurs n'a voulu céder sa place à l'autre, révélateur du fait que Louis de Funès est désormais le plus bankable des comédiens français, que dis-je, européens. Le Gendarme à New York est un nouveau triomphe, Louis de Funès a demandé d'éviter les invités les premiers jours de la sortie, et il a bien fait. Un spectateur pas comme les autres a ainsi payé sa place et devant la salle comble, il est rassuré. Ce spectateur se nomme André Hunebelle, vieil ami de Louis de Funès avec qui il vient de tourner un deuxième Fantômas, qui se passe à Rome, cette fois, comme Le Corniaud. Il faut dire que le public italien fait un triomphe à de Funès, et que cet été-là, en France, on danse le slow sur le nom d'une île italienne.
Il faudra attendre un jour lointain pour que les historiens qualifient notre époque de charnière. Ainsi, 60 ans après, nous pouvons dire que 1965 en a été une avec l'entrée de l'Amérique dans la Guerre du Vietnam, le mouvement des droits civiques aux Etats-Unis mais aussi le succès mondial d'artistes rock comme les Rolling Stones, Bob Dylan et bien sûr, les Beatles qui ont eu un impact considérable sur toute une génération et au-delà. Et c'est au milieu de ce bouleversement qu'un petit acteur français, présent dans le métier depuis vingt ans, spécialiste des seconds rôles, avec plus de cent films au compteur, va se hisser au sommet du box-office européen. Oui, contre toute attente, c'est ce second couteau, devenu récemment vedette du théâtre de boulevard, qui va, entre guillemets, sauver le cinéma européen de l'effondrement des fréquentations en salle : - 75% ces dix dernières années. On ne compte plus les fermetures des cinémas de village et de quartier, partout en France, Angleterre, Belgique, Allemagne. Sauf que depuis le début de l'année, le vaste public qui avait abandonné les salles obscures pour la télévision, y revient en courant pour voir deux films dont tout le monde parle : Le gendarme de St Tropez et Fantômas. Oui, même Fantômas, où il n'a que le second rôle derrière Jean Marais, c'est à peine la presse parle de lui, fait un malheur grâce à Louis de Funès.L'acteur est au courant de son soudain succès mais entre ceux qui disent que c'est un hasard, un long tournage en Italie qui l'emmène loin de Paris, et puis, comment savoir que ses films remplissent à Liège, Bordeaux, Nice, allez vous faire une certitude. Ça fait tellement longtemps que Louis est noyé dans la masse de ceux se battent pour un jour ou deux de tournage ! Mais voilà, ce 25 mars 1965, jour de la sortie du Corniaud, première grosse production où son nom figure en haut de l'affiche, va tout changer. Les critiques de presse, tout d'abord, puis les entrées en salles qui semaine après semaine augmentent. Je vous le demande, quand a-t-on vu ça ? 71.000 spectateurs à Paris, la première semaine, plus de 900.000 à la fin de l'année. Et puis il y a la province, et l'étranger, chez nous, le film ne sort qu'en octobre, sous le titre De snul en Flandre, tant et si bien que fin de l'année suivante, Le Corniaud franchit la barre des 8 millions d'entrées. Fin de l'année suivante, … Ah c'est certain, le monde a bien changé. Aujourd'hui sur les plateformes, nous sommes parfois des millions à regarder un même film ou épisode de série, le premier jour de sa diffusion. En 1965, à Bruxelles, les quatre derniers de Funès sont à l'affiche en même temps, en 25ème, voire en 50ème semaine. Car on en parle : je suis allé voir, j'ai ri du début à la fin. Il est incroyable. Alors oui, même si on évoque surtout la sortie de Thunderball, le 4ème James Bond, du Docteur Jivago, avec ses cinq Oscars, de Pierrot le fou de Godard, avec Belmondo, et du Help! des Beatles, 1965 fut bel et bien, l'année Louis de Funès, et le début du règne d'un acteur, à l'échelle de l'Europe.
La lecture des biographies de Supertramp sur internet nous inspire une réflexion immédiate : et ben ils en ont mis du temps à avoir du succès. Et c'est vrai : six années entre la formation du groupe et le premier tube cela doit paraître bien long.Et pourtant, ce n'est pas parce que la case tube est vide que les musiciens sont restés les bras croisés. Ils ont pendant ce temps composé un tas de chansons, publié quatre albums et donné un tas de concerts. Et surtout commencé à gagner leur vie correctement : un toit et de la nourriture, une maison de disques et des tournées, quand on fait de la musique rock dans les années septante c'est déjà pas si mal. C'est même très bien.Oui, leur premier album a été enregistré entre minuit et six heures du matin avec un ingénieur du son qui piquait du nez vers trois heures, raide épuisé mais ils l'ont fait ce disque … qui ne s'est pas vendu. Et comme tout était payé par un mécène hollandais, Supertramp a pu en enregistrer un second album sans se faire virer. Bon, mauvaise idée cette femme tatouée torse nu, même si le torse était plutôt pas mal, sur la pochette de leur second 33 tours qui ne s'est pas vendu non plus.Là le mécène, il jette l'éponge. Nous sommes en 1972, quelques membres du groupe ont quitté le navire et ont été remplacés. Supertamp met deux ans avant de sortir le disque de la dernière chance et … bingo. C'est le hit en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis où les musiciens ont fini par conquérir un public qui leur permet de gagner leur vie en jouant pas mal. Il n'en faut pas plus pour que plusieurs d'entre eux élisent domicile en Californie, aux Etats-Unis, où ils enregistrent leur nouvel album en 1976. Là, vous vous attendez à ce que je vous raconte un studio à Los Angeles, sous le soleil, pas loin de la plage dorée, le ciel bleu intense limite mauve et les bars en paillote … et bien non, la bande se retrouve dans les montagnes, au Caribou Ranch Studio, à Nederland, dans le Colorado. Quand on sait que leur ancien mécène était Hollandais, c'est un signe.Pas étonnant donc que l'album qui en sort se nomme Even in the quietest moments, même dans les moments les plus calmes. Hé, vous avez vu la vue ? Les montagnes enneigées derrière le piano ? C'est beau, hein ? Ben, allez voir sur Google Images. Et pas de trucage à l'époque, une équipe a dû monter le piano jusqu'au sommet de la montagne pour réaliser la photo de couverture du 33 tours. La partition sur le piano à queue est intitulée Fool's ouverture, un long titre de près de 11 minutes qui encore aujourd'hui est dans toutes les oreilles. Pour les fans, pas de doute, c'est le meilleur de leur carrière. C'est d'ailleurs celui qu'on fait écouter aux copains sur disque ou sur cassette, il n'y a ni Facebook, ni Youtube à l'époque : comment tu ne connais pas ? C'est super, il a plein de bruitages et quand le morceau démarre enfin, tu décolles avec lui. La tournée qui passe par chez nous se déroule sur 130 concerts, un vrai triomphe pour Supertramp longtemps espéré par ses membres. Ca y est, se disent-ils : on est au sommet, on n'ira pas plus haut.Et pourtant …
Il a raison Voulzy. Londres en 1966 est véritablement coupée en deux mondes qui semblent ne pas pouvoir se rejoindre. D'un côté vous avez les bobbys, les hommes en costumes noirs, les façades sombres, bref à part le rouge des cabines téléphoniques et des autobus, la capitale de l'ex-empire britannique n'a pas changé malgré la reconstruction d'après-guerre. Et puis de l'autre côté, vous avez quelques quartiers où la folie explose : ça s'appelle la pop. Elle s'écoute sur quelques nouvelles radios de la BBC et de la Mer du Nord embarquant la jeunesse anglaise dans un monde de couleurs. Les jupes sont courtes à faire peur, les cheveux longs à en rire, et puis surtout il a ces danses où les jeunes font n'importe quoi.Dans cette ville où l'industrie du disque règne grâce aux ventes mondiales des Beatles, Tom Jones, Eric Clapton, des Who et autres Rolling Stones, l'argent coule à flots. Tout est permis surtout de rêver dans sa cave, son grenier, le garage des parents, qu'on peut réussir comme eux. C'est tellement possible que même les Américains quittent New York pour Londres afin de se faire connaître chez eux. Ainsi le jeune Jimi Hendrix qui vient de recruter deux Anglais pour former son groupe : the Experience. Il a pour ce faire, dévoyé un certain Noel Redding de son groupe les Lovely Ones qui se retrouve sans claviériste. Je peux le remplacer si vous voulez ? Tu sais jouer de l'orgue ? Bien sûr. Rick Davies, 22 ans, a menti. Mais la perspective de partir enregistrer de la musique en Allemagne l'a poussé à raconter cette carbistouille. Après une solide formation musicale à la batterie, Rick a appris tout seul le piano il y a quelques années pour jouer du rock'n'roll. Mais l'orgue électrique, c'est autre chose. Sauf qu'en 1966 à Londres, tout est possible, je vous l'ai dit. Rick apprend vite. Le groupe ne fait pas d'étincelles mais lors d'une session de studio à Munich, Rick rencontre un riche Hollandais qui lui fait une proposition dingue : tu es vraiment doué. Si tu montes un groupe, je le finance. Je paie tout : matériel, enregistrement.Produire un groupe du pays des Beatles, un hobby de millionaire du continent. Et il tient parole. Rick organise un casting en 1969 en publiant une petite annonce à laquelle répondent de nombreux musiciens dont un multi-instrumentiste à la voix haut perchée nommé Rodger Hodgson. C'est le coup de foudre artistique, un nouveau duo de la trempe Lennon-McCartney vient de naître. Il faudra juste six ans pour que leurs compatriotes en entendent parler et presque dix pour qu'ils soient populaires dans le monde entier. Comment ont-ils tenus tout ce temps ? Tout simplement parce que gagner des fortunes n'était pas leur but. A l'époque, tout ce qu'ils voulaient, c'est créer de la musique et la jouer, si possible devant des salles pleines et accueillantes.
Ceux qui ont connu une star de la pop ou du cinéma sur les bancs de l'école ont tous dit la même chose : on n'aurait jamais cru. Oui, qui peut affirmer : « J'ai toujours su que Mick deviendrait une star. John ? On était tous d'accord au lycée : un jour, on le verrait passer à la télé. »Non, bien sûr. Les profs et les camarades de classe ont tous été étonnés du destin d'un Michel Polnareff ou d'un Paul McCartney. Mais alors puisqu'il n'y a pas d'école de stars où elles grandissent toutes ensemble, qu'est-ce qui fait qu'un jour Michael devient Mick Jagger ou un Farokh Boulsara, Freddie Mercury ?Et bien, le plus souvent, un drame, une fêlure, un manque, bref un gros problème non résolu qui poussent ces enfants à développer un talent dans lequel ils vont tout donner, s'engouffrer, et qui va un jour être reconnu par tous car, oui, on n'a jamais vu ou entendu un truc pareil. Et en 1962, à Windlesham, une petite ville de la campagne londonienne près du fameux champ de course hippique d'Ascot, le jeune Roger Hodgson vit un drame avec le divorce de ses parents. Avant de quitter la maison familiale, son père lui fait un incroyable cadeau : une guitare électrique. A cette époque, je peux vous dire que des guitares électriques, on n'en voit pas beaucoup. D'ailleurs pourquoi deviendrait-on guitariste ? Les membres de l'orchestre sont toujours dans l'ombre, regardez, derrière Elvis Presley ou Frank Sinatra. Ce sont les Beatles qui dans quelques mois vont devenir les premiers premiers musiciens superstars et envoyer des milliers d'adolescents britanniques dans les magasins d'instruments, créant une génération de surdoués. Voilà donc notre jeune Roger replié sur sa guitare électrique. Il est tellement attaché à ce cadeau de son père que, pour combler le vide, se protéger du complexe d'être désormais un enfant de divorcé, il se rend à l'école avec elle. Et surprise, il ne se fait pas montrer du doigt en classe, miuex, son instituteur lui apprend à jouer les trois accords principaux.Rodger fusionne alors avec sa guitare. Un an plus tard, il donne déjà un concert dans son école en duo avec un autre élève avec qui il interprète neuf chansons qu'il a lui-même composées. La musique et lui font désormais UN. Rodger apprend aussi à jouer de nombreux instruments, rien ne lui résiste.Au sortir de l'école, en 1969, Rodger Hodgson enregistre déjà un disque pour le label Island qui avant de produire Bob Marley et U2, publie alors Steve Winwood et Eric Clapton. Il faut dire que Rodger a croisé le chemin d'un autre surdoué nommé Reginald Dwight avec qui il chante sous le nom de Argosy. Malheureusement après un premier 45 tours, Reginald le quitte avec le batteur et l'autre guitariste pour faire une carrière solo sous le nom de Elton John. Se retrouvant seul, Roger Hodgson répond alors à la petite annonce d'un certain Rick Davies : cherche guitariste. Le jour de l'audition, ils sont une petite centaine à faire la file. Pourtant, immédiatement, Rick dira : C'est lui ! Quel talent ! Je n'ai jamais entendu un truc pareil.
Si on prend les exemples les plus connus de la légende du rock, les Beatles, les Rolling Stones ou encore Queen, on apprend qu'ils ont vécu des débuts très difficiles avec un métier qui ne croit pas en eux, ne leur laissant qu'une misère et la foi en leur musique pour vivre.Et bien si cela a été le cas pour les membres de Supertramp, sachez que nous n'aurions en fait jamais dû en entendre parler, ils n'auraient jamais commis les tubes et les albums que nous connaissons par cœur s'ils n'avaient pas été aidé par un homme totalement désintéressé, ou presque. Et ça, c'est une belle story.Au début des années 50, dans le sud de l'Angleterre, un défilé militaire défile à Swindon, une ville ouvrière de la taille de Liège. A son passage un petit garçon nommé Rick Davies ouvre la porte de sa maison pour les voir passer. Il ne rate jamais une fanfare, il adore ça. Particulièrement le son métallique du tambour, c'est ça qui le fait vibrer. Aussi, à l'occasion d'un anniversaire, un ami de la famille qui est bricoleur lui offre une batterie qu'il a fabriquée lui-même à l'aide de boîtes de biscuit en métal. Ca fait un boucan d'enfer, au grand dam des parents mais le petit adore ça et il se débrouille drôlement bien. En faut-il plus pour qu'il entre à l'académie ? Du tout, Rick est super motivé et il apprend le solfège, la musique, la batterie. A l'âge de douze ans, ça y est : il en possède une vraie. Un véritable événement, ses parents ne sont pas riches avec un père dans la marine marchande et une maman coiffeuse dans un petit salon.A l'âge de 15 ans, Rick découvre le rock'n'roll avec Cliff Richard et les Shadows, c'est le coup de foudre. Il s'est mis entretemps au piano et à l'orgue électrique dont il a appris tout seul à jouer. Une nouvelle fois, admiration de ses parents et de ses amis.Sûr, ce gamin ne mérite pas la vie dure de ses parents, aussi ils l'envoient dans l'enseignement supérieur où Rick rencontre d'autres musiciens avec qui il forme un groupe de rock. Le batteur se nomme Gilbert O'Sullivan. Oui, LE Gilbert O'Sullivan qui sera un jour une superstar mondiale et à qui, il le clamera haut et fort, Rick Davies a tout appris puisqu'au départ il n'est que le batteur du groupe.Mais voilà, son père tombé gravement malade et pour longtemps, Rick doit abandonner les études et son groupe pour travailler : c'est sur lui que pèse désormais la charge de faire rentrer de l'argent à la maison. La soudure à l'usine, ça n'a rien à voir avec la musique : jour après jour, mois après mois, la routine s'installe. Ce n'est plus dans la vie rêvée des Beatles dans A Hard Days Night mais plutôt Le Voyage au bout de l'enfer avec Robert de Niro et Meryl Streep.Qui pourrait croire que ce jeune type qui arrive l'usine le matin, la mine sombre avec dans son sac sa boîte et son thermos va un jour écrire et chanter des chansons que le monde entier reprendra durant des décennies ? Seul un rêveur pourrait y croire.
Premier septembre 1989, c'est toujours l'été, les années 80 se terminent sans qu'on ne fasse trop attention à la décennie de fous qu'on vient de vivre. Dix années où tout est arrivé, où la révolution du monde du cinéma, de la musique, de la télé et des jeux vidéos a donné des couleurs comme rarement à deux générations de teenagers qui s'y sont superposés en partageant la même production foisonnante de ce qu'on n'appelle pas encore la Pop Culture. Finalement, le seul moment mélancolique de ces années folles ce premier septembre, n'est-il pas la nouvelle chanson de Jean-Louis Aubert qui paraît en single. Il y a évidemment mille façons de comprendre ce texte mais il faut bien avouer qu'elle noue la gorge et l'estomac, elle nous parle ! La fin d'une époque, fin d'un amour et bien sûr, pour Jean-Louis, la fin de Téléphone.Alors on les imagine, avec son aide poétique et musicale, les quatre membres de Téléphone qui n'ont pas pu aller plus loin ensemble que le milieu des années 80. Deux par deux, ils ne s'entendent plus. Jean-Louis et Corinne n'aiment pas les nouvelles chansons mièvres de Jean-Louis, malgré les ventes astronomiques du nouveau single. Ils s'entendent sur l'insistance de Jean-Louis et Richard, et puis du manager de Téléphone enregistrer un nouvel album. Puis ils feront un break, pas de tournée. Et certainement pas Bercy, la nouvelle salle qui leur tend les bras.Mais dès le premier jour des répétitions, Corinne pose sa basse. Les titres de Jean-Louis, Juste une illusion et Plâtre et ciment, ne sont vraiment pas, dit-elle, des chansons pour Téléphone. Elle n'y arrive pas, n'y arrive plus. La répétition tourne court, on se perd dans de longues discussions stériles sur la direction musicale du groupe, et bien sûr les énormes enjeux financiers désormais autour du groupe. Où est encore le rock'n'roll dans ce qu'ils font ? C'est vrai, dit Jean-Louis, j'ai l'impression d'aller à l'usine en venant à cette répétition, ça ne va pas. C'était pas comme ça, avant.Une réunion est fixée quelques jours plus tard dans le café de la rue de Belleville qui huit ans plus tôt avait vu les débuts improbables de cette bande de jeunes fous, un peu destroy, dont la vie pulsait au rythme du rock, des copains et de la fête. On n'en est plus là. L'entrevue prend des airs de dernier verre ensemble avec au-dessus de leur tête le nom tout aussi improbable de leur projet commun : Téléphone. Aucun d'eux n'est soulagé ni joyeux, c'est dans une atmosphère de profonde tristesse qu'ils disent adieu au bistrot de quartier de leur jeunesse et à leur aventure folle. Un adieu alourdi par le courrier des fans qui leur reprochent de les abandonner, là, au milieu de cette décennie qui, décidément, n'a pas été avare de surprises, bonnes et mauvaises.
L'été 1977 n'est pas seulement celui où Star Wars triomphe dans les salles américaines et où les Bee Gees enregistrent Saturday Night Fever dans un studio de la région parisienne. Ça étonne toujours, hein, que ces chansons qui incarnent tellement les mythiques discothèques d'Amérique aient été enregistrées par des Anglais dans la campagne française. Et encore, s'il n'y avait que ça. Car en cette année 1977, il y a aussi le punk qui explose à Londres avec les Clash et les Sex Pistols, une musique pourtant au départ typiquement américaine. C'est vrai, la principale colonie se développe depuis maintenant trois bonnes années dans les squats et boîtes pourries de Manhattan. Une véritable fourmilière, une jeunesse aussi remuante et active que le furent bien avant eux des Bob Dylan, Lou Reed et autres Andy Warhol. Disons que l'actuelle est plus radicale musicalement, moins optimiste dans l'esprit mais toujours partante pour une partie de rigolade, peu importe le carburant. Ils n'ont pas un balle, vivent de rien, mangent rarement, ingèrent tout ce qui se boit et s'inhale, alors avec un pédigrée pareil, on n'aurait jamais dû entendre parler d'eux. Mais on est à New York, la ville où si on se fait connaître, on devient célèbre dans le monde entier, dit la chanson.Et c'est vrai que tous ces groupes punks sont signés les uns après les autres par de grandes firmes de disques, ils s'appellent les Talking Heads, Televison ou encore les Ramones. Les seuls de la bande qui sont à la traîne, ce sont les plus barrés mais aussi les plus actifs artistiquement : Blondie. Pourquoi pas eux ? C'est ce que se disent souvent Debbie Harry, la chanteuse, et son compagnon Chris Stein, photographe et guitariste, et leader du groupe. Et quand enfin, un label daigne enfin s'intéresser à d'eux, c'est pas le plus grand. Loin s'en faut. Tenez, on n'a même pas retenu le nom : Private Stock. Mais ils ont le mérite d'y croire. Un 45 Tours d'abord, qui ne marche pas, puis un album, intitulé Blondie qui ne marche pas terrible non plus, sauf en Australie, où un single devient N°1. Mais quand Blondie débarque en Grande-Bretagne, tout change. Le public, d'abord, punk jusqu'à l'os qui pogote du sol au plafond pendant les concerts, puis la presse. Alors que fait leur manager, il va trouver une des grandes maisons de disques britanniques, très actives dans la new wave et leur vend Blondie. Il fait le truc à l'envers ! Chrysalis, c'est son nom, rachète le contrat au petit label new yorkais, et signe avec Blondie ce premier septembre 1977. Dans les bagages de l'album qui est en cours d'enregistrement, un cover dont Blondie a la spécialité, version dynamitée d'un hit view doo wop de 1963 … Denise devient Denis pour des raisons évidentes, et je vais vous dire : tout le monde aurait aimé se prénommer comme ça, Denis, quand Debbie l'a chanté jusqu'au sommet des hits parades européens.
Je pense ne pas me tromper en disant que certains d'entre vous doivent garder un souvenir de ce mois de septembre 1965. De cet été qui semble ne pas vouloir en finir avec des bandes de jeunes qui tournent à moto sur la place en écoutant les Animals, les Beatles, et bien sûr, les copains, les yéyés. Les deux tubes de cet été, les premiers de l'Histoire de notre pop culture ne sont-ils pas Capri, c'est fini d'Hervé Vilard et Aline de Christophe ?Mais en ce mois de septembre 65, c'est une chanson d'un groupe qu'on n'a pas vu venir qui va tout changer dans le monde de l'adolescence. En effet, si les Beatles viennent par la voix de John Lennon de chanter, pour la première fois, autre chose que des histoires de garçons et filles, ce sont les Rolling Stones qui se mettent à tracer clairement une ligne de démarcation entre les deux générations parents – enfants. Un peu moins de quatre minutes, quelques riffs de guitare saturée et cinq mots chantés par Mick Jagger en feu d'artifice, et le monde bascule. Car oui les jeunes d'aujourd'hui sont blasés par le monde des aînés. Et pourtant, Mick Jagger le chante : c'est pas faute d'avoir essayé de s'y faire. Le succès prodigieux de ce titre va souder la génération des teenagers sur la piste de danse, et transformer la sortie du samedi soir en communion incantatoire. Et pourtant, il s'en est fallu de peu pour que tout cela n'arrive pas.Tout d'abord parce que ce matin-là, quand Keith Richards, le guitariste des Rolling Stones, se réveille chez lui à Londres, il porte encore dans le palais le goût d'une nuit qui a été passablement arosée. Arrivé devant son enregistreur, il est étonné de voir que la cassette qu'il avait glissée dedans la veille, ça il se le rappelle, est au bout de la bande. Alors, il la rebobine et entend ces notes qu'il a enregistrées mais dont il ne garde aucun souvenir. Rapide coup de d'œil dans l'appartement, non il n'y a personne, c'est bien lui qui a joué ces notes, d'ailleurs il s'entend ronfler sur le reste de la bande.Lorsque quelques jours plus tard, au bord d'une piscine à Miami, en pleine tournée des Stones, il fait entendre ces notes à Mick Jagger, son regard s'illumine. Et voilà qu'il écrit sur le champ le texte de la chanson qu'ils enregistrent aussitôt. Richards joue ses riffs sur sa guitare électrique mais dit au producteur et manager des Rolling Stones qu'il doit les remplacer par des cuivres genre Motown. Andrew Loog Oldham, c'est son nom, n'est pas de cet avis, alors que fait-il : il publie le 45 tours dans cette version, aux Etats-Unis uniquement, fin mai ,sans l'avoir consulté, faisant des Rolling Stones, groupe de blues anglais à succès, des stars mondiales du rock'n'roll. Mieux ! Des modèles pour une génération qui va réclamer un monde nouveau.Alors oui, on peut dire que le Summer of love, la contestation contre la guerre au Vietnam, Mai 68, tout cela a pris racine avec le premier numéro 1 américain des Stones, un 3 septembre 1965, grâce à un sillon gravé dans le rock.
En septembre, l'été n'est pas un vain mot aux Etats-Unis. Et en cette année 1984, il a été sonorisé par les nouveaux albums de Michael Jackson, Prince, Van Halen et The Police, et pour cause, on les écoute encore autant 40 ans après. Mais si ce n'était que ça car ce 1er septembre se produit un événement improbable : Tina Turner est N°1 au Billboard. Qui l'eût cru. Personne n'aurait osé miser un cent sur Tina. En effet, depuis qu'elle avait disparu de la chambre d'hôtel de Las Vegas où elle devait donner un concert avec son mari Ike Turner, si Tina avait mis un terme à sa vie de femme battue, elle avait échoué à retrouver le succès. Le public américain voulait Ike & Tina Turner pas Tina toute seule, comme le prouve l'échec de différents disques dont un carrément disco, l'énergie du désespoir, à la fin des années 70. Aussi quand en 1983, Tina qui n'a plus accès qu'à des salles de seconde zone dans son pays est trop heureuse quand le groupe New Wave anglais Heaven 17 lui propose de produire un titre sur leur label, à Londres. Tina est loin de son univers rock mais le 45 Tours fait un hit en Europe et dans les classements soul en Amérique. La firme Capitol qui a signé Tina Turner à Londres voudrait sortir un album mais voilà, Capitol US refuse. Vous imaginez le truc, c'est son pays, hein, mais non, on estime en haut lieu que la promo va coûter trop cher pour ne pas vendre grand chose. Ce n'est donc pas la joie.Mais voilà, au cours de ce printemps - été 1983, une toute nouvelle signature de Capitol America fait exploser les records de vente : David Bowie. Et quand il débarque pour la promotion de son nouvel album, Let's Dance, alors que le single démarre sur les chapeaux de roue et qu'on entend plus que lui à la radio, les pontes de la firme de disques lui ont préparé une belle soirée new yorkaise avec grand restaurant et tout le toutim. Ah non, répond Bowie, j'peux pas, je vais voir ma chanteuse préférée. Qui ? Tina Turner. Il faut dire que Tina vient de reprendre un de ses vieux titres avec les gars de Heaven 17, le cover figurant en face B, n'est pas génial mais c'est la chanson d'un album dont l'insuccès avait laissé Bowie sur sa faim dix ans auparavant. Alors que fait le staff de Capitol, il accompagne son artiste évidemment, au Ritz, et se retrouvent avec entre autres Keith Richards et le tennisman John McEnroe. Tina est à la hauteur du challenge, elle emballe le public et quand en applaudissant, Bowie se retourne vers eux en disant : vous devriez sortir son album. Mais bien sûr, David. Voilà comment en ce premier septembre 84, grâce au petit coup de pouce de David Bowie, Tina Turner se retrouve N°1 pour la première fois de sa carrière alors que tout le monde s'attendait à la voir disparaître dans l'arrière-boutique du showbiz. Avec un single qu'elle n'aimait pas, en plus ! Non, elle en aurait préféré un autre, plus rock, mais bon, elle ne va pas faire la fine bouche.
Le 7 septembre 2001, c'est toujours l'été à New York. Une température qui varie entre 25 et 30°C, de rares passages nuageux, c'est l'été indien comme on l'aime à Manhattan doit avoir lieu l'événement de l'année. En effet, ce soir à Madison Square Garden a lieu la première des deux représentations célébrant les 30 ans de carrière de Michael Jackson ? A 43 ans, c'est pas mal, hein ? Et encore ce sont les 30 ans du premier disque des Jacksons Five, avec qui il va jouer ce soir. Imaginez le truc, tous les frères Jackson seront sur scène pour un bon best of de leurs hits, c'est historique ! Mais ce n'est pas tout puisqu'une pléiade de géants de la pop, de Whitney Houston à Ray Charles en passant par Usher, Britney Spears et les Destiny's Child, seront aussi de la partie. Et puis bien sûr, Michael terminera seul avec trois titres dont son nouveau single, et oui, il s'agit aussi et surtout d'un programme télé pour CBS afin de lancer le nouvel album de Michael. Un Michael dont les ventes de disques s'éloignent de plus en plus du record de Thriller et qui, aussi, s'est plaint de ne pas avoir eu assez de temps pour répéter un tel événement télévisé.20 heures, la salle est en ébullition, avec ses plus de 20.000 sièges occupés mais voilà, Michael, qui est censé assister à la première partie aux premiers rangs, n'est toujours pas arrivé. 20.30, toujours pas de Michael et il ne répond pas au téléphone. Son assistant se fait ouvrir la porte de la chambre d'hôtel où il est descendu et constate que la star de la soirée est au lit. Il dort. T'as pris quelque chose ?Du Demorol, j'avais trop mal au dos.On se fiche de ce que tu as pris. Tu dois monter sur scène.Michael arrive très en retard et mal en point, au bras d'Elizabeth Taylor. Sous les flashes des photographes, il répond mécaniquement à une ou deux questions, comme un zombie. Ambiance Thriller. Et arrivé en coulisses, il dort debout. C'est la panique à la production, on a du mal à croire qu'il puisse assurer. Mais il y arrive malgré quelques hésitations, et bien sûr, une légère déception dans le public. Heureusement qu'il y a une seconde représentation dans trois jours, Michael a le temps de mettre au point ce qui ne fonctionne pas, et surtout d'être clair, en forme ce 10 septembre 2001 au soir.Même si l'audience cumulée des deux diffusions sur CBS de cette célébration dépassera les 70 millions de téléspectateurs en novembre, un chiffre ahurissant, ce ne seront cependant pas ces images que nous garderons imprimées de ce mois de septembre 2001 et qui vont, on le comprend, faire passer au second plan la sortie du nouvel album de Michael Jackson.
Laurent Voulzy n'a jamais été un homme pressé. Chaque chanson est un voyage, un paysage sonore où le temps semble s'arrêter ou revenir. Depuis ses débuts avec Rockollection, il a toujours su mêler nostalgie, poésie et mélodies lumineuses. En 1977, à 29 ans, il veut déjà raconter sa jeunesse avec les chansons qui l'ont fait rêver. L'idée est folle : un patchwork de hits anglais des sixties, avec ses propres mots et sa propre voix. Chaque accord, chaque refrain, est un fragment de mémoire. Il trouve même un titre : Mélancollection. Mélancolie + collection. Parce que oui, il y a une douceur triste ou une nostalgie heureuse dans ses souvenirs. Le producteur, lui, fronce les sourcils : C'est trop triste, Laurent. Le public ne suivra pas. Voulzy hésite. Il aime ce mot. Cette idée que sa chanson respire un peu de nostalgie. Après quelques discussions, ils trouvent le compromis parfait : Rockollection. Rock, pour le rythme, l'énergie. Collection, pour le côté souvenirs. Et ça fonctionne. Tout est là : la nostalgie reste, mais elle danse. À la sortie du single, c'est l'explosion. Les adolescents encore à l'âge de lire Podium découvrent une manière de revivre leurs propres souvenirs. Les adultes retrouvent les leurs, qui datent de bien avant. Cet énorme succès en poche, à travers les années et les décennies qui ont suivi, Laurent Voulzy a tissé patiemment, et lentement, une discographie où la lumière, le rêve et le temps se sont entrelacés. Et le voyage a continué, toujours. C'est d'ailleurs ce fil conducteur qui le mène au succès, encore une fois, de son Là où je vais, une chanson plus récente, du XXI° siècle, mais qui reprend tous les thèmes chers à l'artiste : le périple intérieur, la douceur, et cette capacité à nous transporter ailleurs. Dans ce titre, Voulzy regarde vers l'avenir avec la même poésie qui l'accompagne depuis le début : tendre une main au rêveur qui sommeille en chacun de nous, et rappeler que, peu importe où la vie nous mène, il y a toujours un endroit vers lequel l'âme peut s'envoler.Avec Là où je vais, le parcours de Laurent Voulzy trouve une belle conclusion pour une chanson inédite figurant sur une double compilation de hits, mais c'est aussi, en cette année 2003, un nouveau départ. Comme toujours, ses chansons ne vieillissent pas : elles voyagent avec nous, et nous rappellent que la musique est un horizon infini, un chemin qui mène vers un ailleurs.
3 février 1990, les années 80 sont finies. Viendront celles où on les pleurera mais ce n'est pas pour aujourd'hui. Ce soir à Paris, les sièges du Zénith sont occupés par tous les acteurs de la chanson française pour une nouvelle cérémonie des Victoires de la Musique avec en finale, un trophée d'honneur remis à Serge Gainsbourg pour l'ensemble de son œuvre et l'immense influence qu'il exerce. Serge est le premier à se dire que ça sent le sapin. Il est aux premières loges. Alors il va donner le meilleur de lui-même, se montrer tel qu'il est vraiment, fini les frasques et la provoc cathodique pour faire les gros titres. Pour ce faire, il a loué le plus beau des costumes avec nœud pap et reste sobre. C'est Michel Sardou qui est chargé du discours et qui entame La Javanaise, suivi par Patrick Bruel, la nouvelle star, un symbole, et Vanessa Paradis, avec qui Gainsbourg travaille actuellement. Et puis, last but not least, il y a Laurent Voulzy. Il t'aimait bien, hein ? lui dit Alain Souchon en regardant les images plus de 20 ans après. C'est vrai que sur le papier Voulzy et Gainsbourg sont deux des artistes qui ont dominé et façonné le son des années 80. On pourrait croire de prime abord qu'ils sont l'eau et le feu, sans doute la raison pour laquelle on n'a pas eu la joie de les voir collaborer.Sans doute étaient-ils trop complets musicalement pour avoir à collaborer. Mais il n'empêche, ils partageaient la même passion pour le son et les arrangements. Combien d'ingénieurs du son et d'assistants pourraient témoigner de ces nuits interminables avec un Gainsbourg qui demandait à entendre et réentendre encore chaque piste, remixer, demander à l'interprète qui le chantait de réinterpréter car le résultat ne correspondait pas tout-à-fait au morceau qu'il avait dans la tête.Alors c'est vrai que Gainsbourg souffre d'une mauvaise réputation de bâcleur et travailleur de dernière minute, à cause des anecdotes qui ont été trop racontées. Ce n'était vrai que pour les textes, pas la musique. La musique, c'était comme par Voulzy, qui est là, assis dans la salle à reprendre la Javanaise pour lui, et avec lui. Il vient, comme Gainsbourg, de sortir une compile qui casse la baraque chez les disquaires. Tous deux voient leurs singles connus et moins connus alignés sur un même CD suscitant une admiration nouvelle. Et tous deux préparent un nouvel album. Pour Gainsbourg, ce sera un disque de blues qu'il va enregistrer à la Nouvelle Orléans mais que le destin abandonnera à jamais dans les limbes. Quant à Laurent, son Caché Derrière sera son plus grand succès, un des plus grands dans l'histoire de l'industrie de la musique française, un disque aux accents mélancoliques et nostalgiques, il est vrai que Gainsbourg était pour lui une source d'inspiration et de rêve.
Il est désormais loin le temps où tous les artistes, quelle que soit leur nationalité, devaient sortir un album par an et une paire de singles pour espérer rester dans la course impitoyable au succès. Oh il y avait déjà une exception, Laurent Voulzy, qui dès ses débuts a opté pour un album de chansons originales par décennie et un single par an. Et ce n'est pas parce que c'était bon comme ça, non. Laurent a toujours été un orfèvre qui a du mal à laisser partir son bijou, le retaillant sans cesse.Et ça marche ! En 1992, Laurent Voulzy n'est plus seulement le chanteur de Rockollection ou de Belle-Île-en-Mer. Il est devenu un créateur rare et célébré grâce à son troisième et nouvel album, le CD absolu qui ne compte aucun temps mort entre les six tubes qu'il va donner dont plusieurs battent des records de diffusion radio. Cet album dénommé à juste titre Caché derrière est celui qui pousse Laurent à, enfin, monter sur scène, plus de quinze ans après son premier tube. Vous le croyez ça ? On l'a peut-être oublié mais c'est vrai. Ce qui est vrai aussi, c'est que d'emblée il a affiché un tel génie, une telle maîtrise sur scène que ces années d'absence invraisemblable ont d'office été gommées. C'est comme si Laurent avait toujours été sur le devant de la scène. Mais voilà, c'est pas pour ça qu'il va aller plus vite pour sortir de nouvelles chansons. Il va falloir attendre le siècle suivant, soit neuf ans en tout, pour entendre un nouveau single de Laurent Voulzy à la radio. Je me rappelle encore du bazar des attachés de presse de la firme de disques autour de l'arrivée de ce disque improbable, inespéré. Le texte, signé Alain Souchon, raconte l'attente, l'absence, la force d'un amour qui se vit comme une épopée intime. Le mot « héroïne » ne désigne pas une guerrière de roman, mais une femme réelle, forte et insaisissable, capable de bouleverser une vie. L'enregistrement est somptueux. Les arrangements, luxuriants, portent la voix de Voulzy comme une vague. La chanson dure plus de six minutes, un format inimaginable pour la radio. Mais c'est aussi ça, Laurent : ne pas céder à la mode, suivre son inspiration.Avec Une héroïne, Laurent Voulzy rappelle qu'il est un orfèvre : un artiste qui écrit peu, mais dont chaque chanson compte. Après ce retour triomphal, il pourra à nouveau disparaître, prendre son temps, malgré quelques surprises, mais revenir, toujours avec des mélodies qui marquent des générations entières.
Ca nous a sauté aux oreilles dès son premier tube, en 1977 : Laurent Voulzy est un fan des Beatles. Mais pas un « fan » comme on dit vite fait, non. Lui, c'est du sérieux. Les Beatles, il les a écoutés à s'en user les pavillons. À l'âge de douze ans, il a appris la guitare uniquement pour jouer leurs chansons.Et justement, un après-midi de 1978, son téléphone sonne. Voulzy décroche.— Laurent, it's Paul here.Laurent pense à une blague, un pote qui imite McCartney. Ça doit être ça. Sauf que non. C'est bien Lui au bout du fil, qui a entendu Rockollection, et qui a adoré. Il lui dit même avoir retrouvé dans cette chanson française, l'énergie et la mélancolie des débuts des Beatles. Laurent est sous le choc. Imaginez : vous avez grandi en imitant vos idoles, et un jour, c'est l'une d'elles qui vous appelle pour dire qu'elle aime ce que vous faites.Les deux hommes se rencontrent. Paul, en gentleman, demande : Tu veux qu'on joue quelque chose ? Voulzy, paralysé, n'ose pas sortir sa guitare. Il se contente d'écouter, de parler musique, de boire chaque mot comme un gosse. Il dira : Je ne pouvais pas jouer devant Paul. Moi, je suis son fan, pas son confrère.Hey Laurent, ça va ?Laurent sort du vieux rêve qu'il avait fait à la sortie de Rockollection, s'imaginant fraterniser avec McCartney. Nous sommes dix ans plus tard, et il est dans les coulisses d'un studio télé, face à Michel Drucker. Oui, Laurent Voulzy est assis face à la porte fermée d'une loge sur laquelle il est écrit Paul McCartney, avec un poster et un feutre en main. Devinant qu'il a l'air d'un gamin, lui la désormais star française aux multiples tubes, il dit d'emblée à l'animateur : J'attendrai le temps qu'il faut. T'imagine pas ce qu'il représente pour moi.Attends, dit Drucker, je vais lui dire qui tu es.Drucker entre la loge de McCartney qui a accepté de venir chanter pour le Téléthon, son dernier tube en date, qui faisait lui aussi référence, comme la chanson de Voulzy, à cette période qu'il trouve déjà très lointaine. Vingt ans ! Et aussi sept ans après la mort brutale de son ami John, Paul n'est pas encore débarrassé de sa peur du public. Il n'y en aura d'ailleurs pas, à sa demande, sur le plateau. Paul, le gars qui attend devant ta porte, c'est un chanteur très célèbre ici, et un excellent guitariste. Il a un son ! Tu n'imagines pas à quel point tu comptes pour lui.McCartney fait un signe de la main signifiant OK, OK, il n'en est pas à sa première star qui est fan de lui. Michel appelle Laurent qui entre. McCartney vient vers lui et lui serre la main sans que Voulzy n'arrive pas à sortir un mot car, comme il le dira, c'était comme si l'ex-Beatle venait de tomber d'un poster.
Vous connaissez sans doute l'histoire de ce titre de Laurent Voulzy qui à la fin des années 80 avait été élu par le public français, meilleure chanson de la décennie. En effet en 1980, Laurent cherche l'idée du prochain single quand là, dans un livre de voyage, il tombe sur une photo de Belle-Île-en-Mer. Le nom l'interpelle et le paysage le fait rêver. Pas de Google image à l'époque, mais n'empêche, c'est ça être compositeur, quelques accords lui viennent, puis des mots : Belle-Île-en-Mer, Ouessant, Marie-Galante, Saint-Vincent… Il aligne des noms comme on enfile des perles. Des lieux réels, mais pour lui, encore imaginaires et qui, sous la plume de Souchon, se transforment en une carte postale envoyée d'un endroit où il n'est jamais allé.Quelques mois plus tard, Voulzy finit par se rendre dans cette île qui est désormais célèbre grâce à lui. Et là, surprise, car les Bellilois l'attendent. Tu as chanté notre île mieux que nous, lui dit-on. Laurent, ému, avoue qu'il ne la connaissait pas, qu'il a écrit la chanson en rêvant. Son rêve a parlé juste …Et huit ans plus tard, Laurent Voulzy sort un titre qui, au premier abord, peut également faire croire à une chanson d'été mais qui est, en fait, bien plus qu'un air de plage. L'histoire commence en Guadeloupe. Laurent est en vacances, il a emporté avec lui un petit synthé, un instrument minuscule sur lequel il bidouille une suite d'accords qu'il pense d'abord utiliser pour une face B mais très vite, il sent qu'il tient quelque chose. Quelques mots lui viennent, en anglais : « In the sun down… » Et soudain, la phrase claque : Le Soleil donne. Simple, évident.De retour à Paris, il en parle à son complice Alain Souchon qui lui écrit des paroles limpides : Le soleil donne la même couleur aux gens. Tout est dit dans ce message universel car bien sûr que le soleil se fiche de nos origines, de nos différences. Il éclaire tout le monde pareil. Laurent, qui a connu le racisme dans son enfance de métis, y met beaucoup de lui-même. Et comme le message ne doit pas avoir de frontières, il reprend les paroles en plusieurs langues. En studio, l'ambiance est particulière. Voulzy veut que la chanson reste légère, mais que le fond transparaisse.À sa sortie, en 1988, Le Soleil donne devient un tube. On le chante en France, en Belgique, en Suisse, au Québec. Dans les écoles, les colonies de vacances, les veillées, tout le monde s'en empare. C'est une chanson simple, facile à fredonner, mais qui, mine de rien, porte un message profond, comme celui de Bob Marley : sous la peau coule un même sang rouge, nous sommes tous pareils.
Vous le sentez ? Ce petit parfum d'iode, de monoï et de gelati qui fondent trop vite ? Ça y est, on y est presque. On est fin juin. Le moment où dans les bureaux, les écoles, les familles, tout le monde commence à décrocher un peu. Les esprits sont ailleurs. On roule déjà vitres ouvertes, avec le coude qui dépasse de la portière, le soleil sur la nuque. Et c'est là que revient dans votre tête, comme chaque année, la bande-son de souvenirs de vos vacances. Enfin certaines. Vous connaissez ça ?Le tube de l'été qui tournait sur l'autoradio de papa, une compile gravée sur le PC à la va-vite avant le départ, la cassette qu'on retournait toutes les trente minutes sur le lecteur orange fluo, entre deux plongeons dans la piscine. Et ce CD qu'on glissait dans le changeur 6 disques de la voiture, en espérant qu'il ne saute pas sur les ralentisseurs. Ou ce slow qui était parti en vrille lors d'une soirée en boîte, en Espagne ou à la côte d'Azur, ou au bal du camping sous les lampions. Finalement, en cette époque où la pub veut nous faire croire que c'est sûr, cette fois on va ramasser 250 millions, si c'était ça, le vrai luxe : avoir 15 ans à nouveau le temps d'une chanson.Parce qu'on l'oublie trop souvent, mais les vacances, c'est pas seulement le farniente et les files sur l'autoroute du soleil. C'est la famille qui rigole, les copains qu'on revoit, les coups de soleil qu'on n'a pas vu venir et les refrains qu'on n'a jamais oubliés. Ce sont lesquels, dites-moi ?Tenez, moi, c'est un été 1973. La première fois qu'on part en Espagne. Ca s'annonce magique, on est coincé dans d'interminables bouchons au poste frontière dans les Pyrénées quand tout à coup, sur les longues ondes, on envoie la chanson d'un groupe au nom improbable, Michel Fugain et le Big Bazar. Où qu'on se trouve, ça vend déjà du rêve, mais là quand vous êtes aux portes d'un pays labellisé terre de vacances comme vous n'en avez encore jamais vu, et pour cause, à onze ans à cette époque, on n'a encore rien vu.Les vacances, c'est ça. Ce sont des lieux, des visages, des odeurs mais surtout des musiques. Parce qu'aucun souvenir d'enfance ou d'adolescence n'est complet sans un refrain qui l'accompagne. On n'a jamais embrassé quelqu'un pour la première fois sans une musique en fond sonore. On n'a jamais quitté un endroit, un été, un amour de passage, sans une chanson dans les oreilles et un petit pincement au cœur. Alors cette année, laissez les soucis au bureau, fermez les écrans, et embarquez pour un été que vous allez vivre dans l'instant présent, le seul qui vaille la peine d'être vécu, mais en laissant tourner la musique de ces instants gravés dans votre mémoire avec le volume à fond. Vous allez voir, ça marche.
Ah, l'Amérique… Pour certains, c'est le rêve d'une vie. Pour Mylène Farmer, ce fut une échappée presque définitive. Des vacances en mode aller simple pour disparaître. Je vous raconte. Nous sommes au milieu des années 90. Mylène a explosé tous les records de vente avec son album Ainsi soit je… , on chante Pourvu qu'elles soient douces et Sans contrefaçon, partout, c'est l'apothéose. Tout le monde dans les médias et le public veut sa part de Mylène. Sauf elle. Parce que derrière le succès, il y a une femme fatiguée. Vidée. Et surtout très marquée par un événement dont on parle peu : l'échec cuisant de son premier film, Giorgino, en 1994. Projet personnel du duo avec son complice Laurent Boutonnat, ce film très esthétique a fait un four monumental en salles, alors que Mylène s'est donnée corps et âme dans cette œuvre sombre. Et voilà que la critique l'enterre sans fleurs ni couronnes et qu'à l'heure des visites, pas de files. Mais où est passé son immense public ? Mylène encaisse mal. Très mal.Alors elle s'en va. Elle s'envole pour Los Angeles, seule, anonyme. Elle loue une maison sur les hauteurs de Beverly Hills, se met à la peinture, au yoga, écrit ses pensées. Elle sort le soir, parfois, flâne sur Melrose Avenue, capuche sur la tête. Personne ne la reconnaît. Elle vit comme une ombre dans la ville des anges et du soleil.À ce moment, personne en France ne sait si elle reviendra un jour. Pas même Laurent Boutonnat. Elle pense sérieusement à tout arrêter. Mais c'est là qu'elle commence à écrire ce qui deviendra son grand retour : Anamorphosée. Un peu comme Sting à New York, quelques années plus tôt. Cela donne un album très influencé par ce qui sera une parenthèse américaine, plus rock, plus brut, plus libre.La Mylène mystérieuse qu'on connaît aujourd'hui, serait-elle née là-bas, dans cette retraite californienne, entre les doutes existentiels et quelques soirées au Château Marmont. Une star européenne parmi d'autres à L.A., sauf qu'elle, va décider de renaître et qui revient, fin 1995, avec XXL. Une autre Mylène, plus forte, plus directe, mais qui se veut toujours plus insaisissable. Et depuis ? Chaque fois qu'elle disparaît, on se dit qu'elle est peut-être repartie là-bas. Sous le soleil de Californie. Parce que même les icônes ont parfois besoin de vacances, le soleil, c'est pas bon pour elles qui risquent d'en perdre leurs couleurs. Non, ce qui leur convient ce sont de longues pauses à l'ombre, très longues.
Hong Kong, été 1977. David Bowie s'ennuie. Ben oui, ça arrive, même aux stars du rock en tournée mondiale qui par définition n'ont pas le temps de voir passer le temps. Mais là, il traîne dans le hall de son hôtel, accompagné de son inséparable et impitoyable assistante Coco Schwab, et de son pote Iggy Pop probablement encore jet-lagué de leur tournée nippone. Les rues moites de la ville ne lui disent rien. Trop chaud, trop loin, trop rien.Soudain, une silhouette surgit de l'ascenseur, sourire espiègle, baskets aux pieds, c'est John Lennon. L'ex-Beatle, en vacances anonymes avec son fils Julian, et qui ouvre les bras vers Bowie.Hey Dave ! Tu t'en souviens de L.A. ?Comment David pourrait-il oublier leur rencontre à Los Angeles trois ans plus tôt lors d'une fête chez Elizabeth Taylor. Bowie est encore timide, Lennon est déjà fan. Ils se sont retrouvés en studio à New York début 75. Bowie a lancé un riff. Lennon a poussé un Fame qui a donné un N°1 mondial.Et donc, ces deux grands trentenaires reprennent leur numéro comme s'ils s'étaient quittés la veille. Lennon sort des vannes et Bowie rit. Un vacancier les reconnaît :Vous êtes John Lennon ?Non, mais j'aimerais avoir son compte en banque, répond John. Bowie adore cette vanne, il va la ressortir plus d'une fois.David et John sortent dîner, explorent les clubs douteux de Wan Chai, un verre glacé à la main. À un moment, Lennon monte sur scène dans un bar et lance au public un Vous connaissez les Beatles ? histoire de rigoler. Plus tard, dans une échoppe, David trouve un blouson The Beatles. Il insiste pour que John l'essaie, elle ne lui va pas mais on prend une photo souvenir. Malheureusement le temps passe vite, même en vacances. C'est la dernière fois que David et John se voient. Ils devaient se retrouver à New York en décembre 1980 pendant la série de représentations de la pièce Elephant Man que David jouait à Broadway, malheureusement … Six ans plus tard, Bowie est de retour à Hong Kong, pour la dernière date de sa tournée Serious Moonlight. Ce soir-là, après un triomphal Let's dance, il entonne Imagine, les larmes aux yeux. Nous sommes le 8 décembre 1983, trois ans jour pour jour après la mort de John, David ne s'en est jamais vraiment remis. Comme quoi, même les extraterrestres peuvent avoir le cœur brisé avec un souvenir d'été.
Aaah ! Vacances. J'oublie tout, dit la chanson depuis des générations. Fini le réveil, rien que le bruit de la mer, comme cette année du début de ce siècle où un jeune homme se paie des vacances à vraiment pas cher sur la Côte d'Azur. Et attention ! Pas un camping à trente kilomètres de la Méditerranée, non à Beaulieu-sur-Mer, entre Nice et Saint-Jean-Cap Ferrat. La maison est de rêve, c'est celle des parents de sa copine qui lui ont demandé de la garder. Alors ce jardin en terrasse, les cactus, la piscine et le chant des oiseaux, il s'apprête à en profiter. Les batteries sont prêtes à la recharge en mode farniente et grasse matinée. Mais voilà, à la fin de la première soirée, alors que les cigales viennent de se taire, l'ambiance vespérale prend un tournant inattendu. En effet, les deux jeunes gens entendent des éclats de voix, des rires et des accords de guitare qui semblent venir de la maison d'à côté. À travers la fenêtre, la copine aperçoit en effet deux silhouettes y allant de leurs refrains, le verre à la main. À 2 heures du matin, ras-le-bol. Direction la porte des voisins bruyants. Sonnerie. La musique s'arrête net. Un calme gêné s'installe. Qu'est-ce tu vas leur dire ? Mais leur demander de faire un peu moins de bruit, voyons. C'est bien les mecs, ça, t'as peur d'eux ? Je vais leur expliquer, moi, qu'ils ne sont pas les seuls sur terre. Et là, à travers la porte, un éclat de rire contenu, et irrésistiblement communicatif. Pas assez cependant pour la petite amie qui ne semble pas contaminée quand la porte s'ouvre. Et là ? Surprise !Face à eux, ou à vous, imaginez que ça vous arrive, enfin ça vous est peut-être arrivé, car oui, là, dans l'embrasure de la porte, se tiennent deux icônes de la chanson française : Alain Souchon et Laurent Voulzy, gais comme des pinsons, beurrés comme des tartines, dégoulinant de bonne humeur à défaut de confiture. Champagne à la main et complices, ils leur expliquent, vous expliquent : Oaaah on fête la fin de la tournée, on a un peu oublié les voisins, désolés mais bon, c'est les vacances, hein ! Excuses acceptées, finalement, aucun reproche, juste des sourires sincères, on se tape dans le dos, bonne nuit, bonnes vacances.Vous retournez, ils retournent dans leur maison de vacances, l'été commence plutôt bien avec cette rencontre improbable parce que le lendemain, c'est vous qui allez réveiller deux chanteurs célèbres, enfin eux, car cette histoire est vraiment arrivée, oui avec Souchon et Voulzy. Et pensez à ceux qui ont eu la même blague avec Johnny Hallyday, et Johnny qui a eu la même blague avec le groupe Kiss, alors, vous savez qu'ils ont eu une histoire unique, à raconter lors d'un repas, un irrésistible clin d'œil à la dolce vita estivale.
Ça y est ? Vous y êtes ? Hé, ces deux mois de vacances, ils nous semblaient à leurs débuts ne jamais devoir prendre fin, tellement le compte des semaines à venir était du haut de nos trois pommes, innombrable. Neuf semaines, c'est interminable sous un ciel bleu. Pas de classe, ni devoirs, ni leçons ni ce soir, ni ce week-end. Demain matin, on se lèvera sans ce maudit réveil ou le clairon des parents avec la voix pleine d'insistance.Et puis il y a le départ en vacances et l'excitation quand la date approche. Voilà sans doute ce qui a expliqué l'énorme succès international d'un petit film français au milieu des années 50 : Les vacances de Mr Hulot. Et aussi le fait qu'il ait traversé les décennies. Notre quotidien ne ressemble plus en rien à cette époque ni aux bonnes manières de sa société stricte mais le film marche toujours aussi efficacement, malgré le noir et blanc. Il faut dire que les personnages correspondent toujours à ceux sur qui on tombe en vacances. Les gosses qui crient et font des conneries, l'homme d'affaires très pris et très imbu de sa réussite, la belle pour qui on va en pincer et qui voit les matins se lever en se demandant quand on va se décider. J'allais oublier la bande de scouts, le gars qui s'y croit, le patron d'hôtel très sérieux et le garçon j'en foutre, le couple de vieux qui se promène tout le temps et arrive en premier à l'heure du souper, non vraiment, les temps changent mais les comportements restent les mêmes. Jacques Tati met toujours dans le mille.Et puis, il y a la mer, la plage, le soleil. Ces jeunes gens qui vivent le meilleur moment de leur vie et vont peut-être mettre le reste à s'en remettre. Sérieux, on a tous laissé un bout de nous-mêmes en vacances, avec un Monsieur Hulot ou pas. Et quel que soit l'âge où on a vécu cet été pas comme les autres, celui qui nous revient plus ou moins régulièrement avec force, au détour d'une photo, un film, une chanson.Alors je ne sais pas si vous allez vous les refaire à la télé, ces Vacances de Mr Hulot, ce moment de bonheur, que vous avez peut-être connu avec Les bronzés, Hôtel de la plage ou Camping. Le plus important est de ne pas perdre de vue que malgré ce que vous pouvez croire parfois, quand vous y repensez, non, vous n'avez rien raté. Vous avez été, vous êtes à la hauteur des rêves de cette fille, de ce gamin que vous étiez, cet été-là. Car le présent, c'est plus que le moment plus important de votre vie, c'est le seul que vous vivrez jamais. Alors, bonnes vacances !
Le rideau est encore baissé mais dans les coulisses, l'air est déjà chargé d'électricité. On entend des cordes de guitares grattées nerveusement, des pas précipités, des talkies-walkies qui crachent. Et au milieu de ce chaos organisé, debout, tranquille, presque zen… Paul McCartney. Ex-Beatle, ex-Wings, et ce soir, redevenu tout simplement rock star solo. Nous sommes dans la banlieue d'Oslo en 1989, le premier soir de la première véritable tournée mondiale de Paul depuis les années 70. Autant dire un événement. Et en coulisses, ça se sent. Il y a cette tension qu'on sent juste avant un premier baiser ou un saut dans le vide. Même les musiciens sont un peu nerveux. Il faut dire que jouer aux côtés d'un Beatle, ce n'est pas rien. Même pour des pros. Et lui ? Lui, il rigole. Il grignote une banane. Oui, une banane. Un petit rituel. Pour l'énergie, dit-il avec un clin d'œil. Puis il attrape sa basse Höfner, en forme de violon. Le public, lui, n'en peut plus. Il crie, il scande « Paul ! Paul ! ». Dans la salle, il y a des gens qui ont grandi avec les Beatles, d'autres avec Live and let die, et puis leurs enfants. Des familles entières venues voir une légende marcher sur les braises de sa propre histoire. Et là, d'un coup, blackout. Un silence qui ne dure que trois secondes mais qui semble suspendre le monde entier. Puis les lumières explosent, et McCartney entre sur scène. Et là… c'est la décharge. Il commence avec deux nouveaux titres et un tube des Wings, faut oser. Riff costaud, voix impeccable. Et tout de suite après, sans prévenir, Got to Get You Into My Life. Et là, c'est Hiroshima dans la salle. Les gens pleurent. Dansent. Hurlent. Certains sont pétrifiés. Lui, il sourit. Ce sourire qu'on connaît par cœur, mais qui, vu d'aussi près, paraît presque irréel. Sur scène, McCartney est comme un gamin qui aurait retrouvé ses jouets préférés : sa voix, sa basse, et le public. Il bouge, plaisante, balance des anecdotes. Et quand il s'assoit au piano, tout chavire. Il prend une longue respiration. Un silence se fait. Et là, tout doucement, Let it be. Le temps s'arrête, la salle entière l'accompagne, comme quand il chante seul Yesterday. 1989, c'est bien plus qu'un comeback. C'est McCartney qui reprend possession de sa légende, debout, vivant, devant des milliers de gens qui n'ont jamais cessé d'y croire. Et quand il quitte le public ce soir-là, en balançant un see you next time, on sent bien que quelque chose vient de se passer. Que l'histoire recommence, qu'il ne va plus jamais redescendre de scène. Car malgré les millions, malgré un succès complètement hors norme, jouer de la musique en public, c'est toute sa vie, à Paul McCartney, depuis ses quinze ans.
5 janvier 1980, le thermomètre est ce soir proche du zéro et pourtant le quartier de la colonne du congrès pourtant habitué à la foule des spectacles du Cirque Royal connaît une agitation inhabituelle. Ce soir Serge Gainsbourg va s'y produire à deux reprises, un truc de fou, car il s'agit de répondre à l'énorme demande qui a assailli le bureau de location dès l'annonce de sa venue. Cela fait donc deux fois plus de monde qui se croise à l'entrée et la sortie, entre les deux représentations. Et bien plus de monde encore que d'habitude puisqu'ayant ôté les sièges du parterre, c'est près de deux fois 2.500 personnes qui se croisent et se pressent dans la salle. La première explication, c'est que malgré 25 ans de carrière, personne ou presque en Belgique n'a encore vu Gainsbourg sur scène, puisqu'il l'a abandonnée en 1964, épuisé par les mauvaises réflexions à propos de sa voix et les insultes aussi au sujet de son physique. La seconde c'est que son album Aux armes etc paru au printemps dernier est un énorme succès en France et encore plus en Belgique, un disque 100% reggae, un genre musical qui est au sommet de sa popularité. Le reggae, c'est LA musique jeune. Alors les rythmes ronds et chauds joués par les potes de Bob Marley associés aux textes transgressifs, potaches ou joyeusement défoulatoires de Gainsbourg font un malheur. Le voilà d'ailleurs qui entre sur scène avec son personnage de dandy désabusé, jean, chemise légèrement ouverte et clope au bec. Pas de paras français aux premiers rangs comme la veille à Strasbourg pour l'empêcher de chanter sa version reggae de la Marseillaise. Au contraire, c'est la clameur d'un public conquis d'avance qui l'accueille et le rassure après un sérieux traumatisme. Il faut dire que ce public est une mosaïque : des étudiants, des couples fauchés, des fans de la première heure et des curieux. Tous scotchés. Ce n'est pas le Gainsbourg provoc' de la télé. Pas besoin de pyrotechnie. C'est un type en état de grâce, pas encore le gars qui susurre, il a encore sa voix claire., diablement magnétique. Gainsbourg danse à peine, balance doucement les hanches, l'œil rieur. On sent déjà pointer Gainsbarre, son double mal léché, mais ce soir, il reste à distance. Serge est encore poète. Il chante Aux armes et cætera une seconde fois pour notre plus grand plaisir. Et cette fois, les gens chantent avec lui. Une salle belge emportée par une chanson française née en Jamaïque. Faut le faire.Entre les deux concerts, à peine une pause. Le public du deuxième round est tout aussi brûlant. Moins surpris, peut-être, mais encore plus prêt. Ce soir-là, tout le monde repart avec un truc en plus. Une vibration. Une fièvre. Gilles Verlant, l'animateur de la seule émission de télé rock belge et coorganisateur de ce concert fou, est heureux. Il a le sentiment d'avoir vécu quelque chose de rare, loin de se douter que dans pas longtemps, il écrira la biographie de référence de l'artiste qui vient de sortir de scène.Gainsbourg au Cirque Royal, c'est pas juste un souvenir. C'est un parfum. Celui d'un moment suspendu, où un artiste a touché quelque chose de sacré. Et nous “avec”, comme on disait à Bruxelles, en ce temps-là.
Ceux qui ont vu Bob Marley sur scène n'ont jamais pu l'oublier.Ceux qui ont vu Bob Marley savent ce qui se passait quand il était dans la salle. Je vous raconte ?Fermez les yeux une seconde. Imaginez… la grande fosse de Forest National en 1978, le moment où on éteint les lumières, la clameur, la chaleur presque moite, et voilà le lieu devenu subitement un temple. Un projo sur scène, il est là. Bob Marley. Silhouette fine, dreadlocks dansant au rythme du groove de son discours de bienvenue et sa voix, … Ah, sa voix, elle s'élève comme un cri d'espoir, comme une prière musicale. La foule est déjà conquise. Ce n'est pas un concert. C'est une cérémonie. Une messe rasta. Les bras se lèvent, les corps ondulent doucement, comme portés par un courant invisible. Pas besoin de savoir danser, ici c'est l'âme qui bouge. Même les plus raides deviennent fluides. Et Marley, lui, il est comme toujours, habité. Yeux mi-clos, sourire discret, il prêche, en musique.Déjà en arrivant, devant Forest National il y avait cette foule immense, colorée, bigarrée, des jeans pattes d'eph et des chemises bariolées, évidemment, mais aussi des écharpes rasta, et des effluves qui chatouillaient les narines. Ça parlait français, flamand, anglais, ça rigolait, ça planait déjà un peu. Ce soir, Bob Marley est à Bruxelles. Un Bob qui, si ne parle pas beaucoup entre les chansons, rayonne. Il est le chef d'orchestre d'un truc bien plus fort que lui. Quand il entonne Punky Reggae Party, Forest devient un village. On se connaît pas, mais on se serre. On chante. Y a cette nana juste devant, les larmes aux yeux et ce gars torse nu qui bat le rythme comme s'il était en transe. C'est que Bob, il chante pas seulement pour les oreilles, il chante pour les tripes. Et puis arrive No Woman No Cry. Là, tout le monde se lève, bien sûr. Mais c'est plus que ça. C'est une clameur. Une déclaration. Comme si pendant quelques minutes, la Belgique entière se dressait contre l'injustice du monde. Dans le noir de Forest National, on voit s'allumer des centaines de petites flammes humaines et des briquets aussi. Une communion. Quand les lumières se rallument à la fin, les gens ne bougent pas. Ils restent là, hébétés, rincés, heureux. Comme si un prophète venait de passer, avec une guitare, un sourire, et une vérité simple : l'amour, la paix, la dignité. Ce soir de 1978, comme toutes les autres fois, à Bruxelles, Bob Marley n'a pas donné un concert. Il a allumé la lumière. Et ceux qui y étaient s'en souviennent encore, pas vrai, le cœur qui bat un peu plus lentement, mais toujours en rythme.
Quand la dernière note du dernier concert de Michel Polnareff retentit dans l'arène de Forest National en ce printemps 2025, sa derrière tournée comme il dit, il règne un air de nostalgie sertie de souvenirs de moments légendaires. Car depuis qu'il est monté sur la scène de l'Ancienne Belgique il y a plus d'un demi-siècle, jusqu'aux grands soirs de la salle de Forest en passant par celle du Cirque Royal, Michel Polnareff a offert des concerts d'exception au public de chanceux amoureux de musique qui sont allés l'applaudir. On repense à son piano transparent et aux tenues futuristes de ses musiciens dont certains ne sont rien moins que les plus grands de l'histoire de la pop anglo-saxonne. Qui sait que lors de ce fameux concert à Forest National retransmis en direct sur une radio périphérique pour que toute la France l'entende, se tenait derrière les claviers l'homme qui un jour écrira et produira pour Whitney Houston, Céline Dion ou Earth Wind & Fire. Tenez, ce fameux concert, oui, c'est celui où le matériel, la sono n'arrive pas. Imaginez le truc, l'ambiance dans les coulisses et la loge. La salle est pleine d'attente, comble de ces fans venus de loin car Michel est parti pour l'Amérique et ne peut plus remettre un pied en France, sous la menace d'une contrainte du fisc. Mais Michel ne se contente pas d'être le roi des studios, le plus inventif des compositeurs, arrangeur de génie, c'est aussi une bête de scène. Il n'a peur de rien, et certainement pas de son public. Il monte sur le podium, s'assied à son piano en expliquant avec humour ce qui se passe, donc, à la salle, mais aussi à la France entière, je le répète. Comment il se fait entendre ? Avec un haut parleur, un gueulophone comme disent les jeunes. Puis Michel se met à jouer pour ce public qui n'est pas venu pour rien, et chante dans le gueulophone. Imaginez la scène, ou plutôt, écoutez. Ah c'est clair que ce type est un artiste à part, rien à voir avec le monde bien encadré de la variété qui est alors au sommet de sa popularité grâce à un nombre ahurissant d'émissions de télévision que tout le monde regarde, et qui réunit toutes les générations, en famille, le soir devant le poste. Michel n'est pas là que pour l'argent et la gloire. Ainsi de ce soir ou par blague, en province, il se glisse sur scène pendant un concert de son ami Johnny Hallyday. La surprise est totale, Johnny et lui s'amusent. Au point qu'ils décident de faire le Palais des Sports ensemble en octobre 1971. Michel en pianiste de Johnny. Spectacle total mais surtout, grande prestation d'artistes fous de rock'n'roll.Les occasions ont été rares de voir Polnareff en concert et de profiter des arrangements de fous qu'il offrait de ses tubes, de ses envolées au piano et surtout de son humour car il nous parlait comme si on était dans son salon. Alors comme une chanson vaut mieux qu'un long discours, je vous propose de découvrir un enregistrement live rare, que seuls connaissent ceux qui avaient été assez vite pour l'acheter en 1981. Montez le son, c'est maintenant.
Il n'y a rien à faire, l'émotion suscitée par un disque est décuplée quand l'artiste est là devant vous à jouer son répertoire. Bien sûr, tout dépend du talent d'interprète, du niveau des musiciens et de leur authenticité. Et puis, il y a les phénomènes, ceux qui vivent leur musique comme personne, au point qu'on en reste bouche bée devant le spectacle prodigieux de leur performance, voire nous font carrément perdre les pédales. Alors, je vous emmène avec moi sur scène, au plus près de ces artistes d'exception qui ont, grâce à leur charisme et leur génie, fait du concert pop, un art. Et nous voilà à Woodstock, en plein été 1969. Trois jours de musique, de paix et d'amour libre ont promis les organisateurs de ce festival sur les affiches qui ont recouvert les murs de New York. Ils n'auraient peut-être pas dû parce que tout le monde les a crus, on dirait. Dès le premier jour, plus moyen d'avancer sur les routes. Même le matériel et les artistes sont coincés dans des bouchons invraisemblables, causant des retards considérables et des ballets d'hélicoptères improvisés. Et puis, il a beau faire chaud dans la région à ce moment de l'année, des draches orageuses transforment la plaine en bain de boue. Bref, des corps allongés sur des bâches, des tentes enroulées comme des chips, et cette odeur… mélange de terre mouillée, de patchouli et de liberté.Et nous voici au début du troisième jour. Enfin, il est quatorze heures car les têtes d'affiches terminent vers 8 - 10 heures du matin, quand un type que personne ne connaît grimpe sur scène, l'air plus déglingué qu'un vieux tracteur. Dans le public, on croit que c'est un gars sorti des premiers rangs pour faire patienter le public. Mais non, il vient de Sheffield, en Angleterre, et il chante. L'accent aussi épais que sa tignasse. Le regard flou, les bras qui dansent tout seuls, comme désarticulés face à cette marée humaine de 400 000 personnes. Le ciel, au-dessus, s'assombrit comme dans un film catastrophe mais lui, il s'en fout. Il s'avance une dernière fois et lance son arme secrète : une reprise des Beatles qu'il transfigure en version pesante, viscérale. Une messe sauvage. Joe Cocker ne chante pas, il grimace, il se tord comme s'il expulsait un démon à chaque note. Le public est hypnotisé. Un silence étrange est tombé sur la foule. Même les plus stones lèvent les yeux, les plus boueux s'arrêtent de fumer. Parce que ce qu'ils voient là, c'est pas juste un chanteur. C'est une âme en train de brûler, là, sous leurs yeux.Quand il crie le dernier "my friends", le ciel explose. L'orage se met à gronder, comme si la nature répondait à l'appel. Une douche céleste tombe sur la plaine, semant la confusion. Mais il est trop tard. Le moment est gravé. Joe Cocker vient de faire basculer Woodstock dans la légende car tout a été filmé et enregistré. Et le plus dingue ? Après le concert, il sort de scène, lessivé, comme vidé. On lui tend une serviette, il bafouille un merci. Il a mis le feu mais il ne le sait pas encore.
11 juin 1985, il y a 40 ans exactement, Madonna donne le dernier de ses cinq concerts new yorkais à Madison Square Garden. Et la voilà pour la dernière fois de cette première tournée, apparaissant au rappel en tenue de mariée enchaînant Like a Virgin et Material Girl. L'an dernier, elle en était encore à jouer quelques morceaux dans des boîtes de nuit et puis voilà qu'au printemps elle passe aux grandes salles de concerts. Quarante en tout, à travers les Etats-Unis avec un petit crochet par le Canada le temps d'une soirée. C'est une solide réussite commerciale, pas encore artistique, on est encore loin des méga shows, tout est encore nouveau aussi bien pour le métier que pour elle. Mais le plus important n'est pas là. Ca se passe en effet dans les premiers rangs, ceux que Madonna ne manque pas de voir depuis la scène malgré les nombreux ballets, elle bouge beaucoup, c'est vrai, pas question de faire des concerts avec juste un groupe qui joue derrière elle. Et ben, elles sont là, toutes, les filles habillées comme elle, sur ses disques, les photos de presse et bien sûr, le film, Recherche Susan désespérément. Oui, ce look qu'elle s'est construite, avec les sous-vêtements par-dessus, les multiples chaînes et croix qui pendent à son cou et puis les innombrables bracelets en joyeux toc, et ben, elle les retrouve sur celles qu'on va appeler les Madona Wannabe. Toutes ces filles qui veulent être des Madonna. C'est plus du star system, là. C'est sociologique. Car ça va bien au-delà du cercle des fans qui viennent au concert et épinglent ses posters dans leur chambre, non, l'industrie de la lingerie annonce cette année-là une augmentation du volume de ventes de plus de 30%. Elle qui s'habillait comme ça par anticonformisme, voilà que tout le monde s'habille comme elle. Alors oui, sociologique n'est pas un superlatif exagéré comme on en entend trop aujourd'hui, Madonna est, comme Prince, pour quelque chose dans les stéréotypes vestimentaires qu'on retient aujourd'hui des années 80.Mais ce mois de juin 1985 ne s'arrête pas là pour la Madone. Quelques jours plus tard, des photos d'elle nue, prises avant la célébrité, sont publiées sans son consentement dans Playboy et Penthouse. Premier scandale et embarras auquel elle répond par un : Je n'ai pas honte. Une réponse qui renforce encore son image de femme libre et assumée, un modèle pour les femmes, plus qu'un sex symbol pour les mecs. Car vous souvenez-vous de ce moment où, pour la première fois, vous avez entendu Into the Groove à la radio ? Ce frisson qui vous a traversé, cette envie soudaine de danser, de vivre, d'être libre. C'était ça, l'effet Madonna.
19 juin 1986, la nouvelle tombe, terrible. Coluche est mort. Un proche, pour Serge. Il se rappelle ce soir pas si éloigné où il l'avait invité à la maison, et où son pote avait dégagé toute la table sans lui demander la permission pour le dîner qu'il s'était mis en tête de préparer lui-même depuis des plombes. Serge avait piqué une colère du bazar qu'il avait mis avec les autres convives, c'est vrai, c'était pas une table pour manger. En tout cas, ce qu'il regrette, c'est le frère qu'il a perdu. Car Coluche et lui ont un point commun : ils sont la cible des têtes bien pensantes d'une société qu'ils ne manquent jamais de choquer. Désormais, Serge sait qu'il est seul dans la ligne de mire. Lui, le gros dégueulasse, le provocateur. Ce n'est pas un hasard si Coluche et lui ont tous les deux crevés les records d'audience télé lors de leur passage dans Le jeu de la vérité. Tenez, c'était il y a tout juste un an. Le 7 juin 1985, Serge n'en mène pas large juste avant l'émission. Il adore la promo mais là, il va se retrouver seul devant dix millions de gens dont certains qui vont lui poser des questions. Le mettre au pied de ses récentes provocations dont il est si fier quand il voit la visibilité que cela lui rapporte. Mais là, le coup du gros billet auquel il a foutu le feu récemment, il sait que ça ne passe vraiment pas bien. Même Charlotte est victime de railleries à l'école, et elle en souffre. Va-t-il comme Coluche deux semaines plus tôt, utiliser ses deux jokers immédiatement ? Enfin, point positif, Serge a arrêté de picoler depuis huit jours. Il aura moins les idées claires. Enfin, même à jeun, il n'est plus tout à fait fit and well après autant d'années d'excès. On va le lui reprocher d'ailleurs : lui balancer au téléphone et en direct qu'il est sale, vulgaire, cynique, qu'il a déshonoré la France avec sa Marseillaise en reggae, outragé le monde ouvrier avec son billet de 500 balles et qu'il n'est pas venu chanter pour l'Ethiopie avec son pote Renaud. Mais Serge a encore des réserves, c'est le cas de le dire. Il sort un chéquier et rédige un ordre de 100.000 nouveaux francs pour Médecins sans frontières. Applaudissements. Il a marqué un point, et pas des moindres. Bon, il ne peut s'empêcher de raconter des blagues épouvantablement mauvaises qu'il collectionne. Là, il est authentique pour une fois. L'une d'entre elles lui vaut d'ailleurs d'être accosté en boîte juste après l'émission par une jeune femme qui lui dit que sa blague du petit immigré qui va demander à Le Pen combien il lui donnerait pour qu'il quitte la France et que Le Pen lui répond 5 minutes, avait bien fait rire son père. Et qui est-ce, votre père ? Ben, Jean-Marie Le Pen. Gainsbourg ne le croit pas mais c'est bien une Marine Le Pen face à lui, bien loin de s'imaginer qu'un jour elle fera un jour de la politique. Mais pour en revenir à l'émission, l'idée de ressortir une chanson d'Aznavour de 1959 et de l'interpréter, à une époque où la grande majorité du public ne connaît pas La Javanaise, était excellente. Car bientôt, avec l'arrivée du CD, on va tous découvrir ces chansons des années 50 et 60 que presque personne n'avait achetées et qui étaient bien loin du Gainsbarre des années 80 …
Juin 1988, ce n'est pas seulement les années fameuses années insouciantes qui tirent à leur fin, ni l'époque des chemises à rayures et pull Lacoste, c'est surtout pour tous les élèves de secondaires qui tournent une cassette de Jean-Jacques Goldman dans leur baladeur d'être à Paris. Car depuis le mois dernier, l'artiste qui ne fait rien comme les autres, a entamé une tournée parisienne. Oui, au lieu de jouer au finish dans une salle, il en fait plusieurs, de la plus petite à la plus grande. Déjà, ça permet à ceux qui ont des préférences de choisir la taille du lieu. Bon, il fallait être rapide et surtout se pointer tôt devant le guichet pour les deux soirs au Bataclan et les trois à l'Olympia. Après c'était déjà la jauge de 4500 sièges du palais des Sports qui s'est également rempli très vite pour deux semaines jusqu'à la fin du mois.Et donc en ce mois de juin, direction le tout récent Zénith. Une semaine remplie en un clin d'œil, puis on ouvre une seconde semaine et rebelotte, plus un strapontin de libre. Jean-Jacques aurait pu faire Bercy, tout aussi neuf, mais il choisit la proximité, la chaleur du public, l'intimité dans la foule. Alors le public vient de toute la France. Des cars entiers arrivent de Bretagne, d'Alsace, de Lyon. Des gamins avec des t-shirts marqués Minoritaire. Des couples qui se tiennent la main pendant Il changeait la vie. Et des larmes qui coulent au coin des yeux pendant Comme toi. Le show, lui, est millimétré mais sans chichis, c'est pas du Johnny. Pas de flammes, ni de cascades. Juste Goldman, ses potes musiciens, sa guitare rouge et des mots qui vont droit au cœur. En ce mois de juin, dans un Paris encore un peu noir de la désillusion du grand rêve Mitterrand, Goldman donne treize concerts avec chaque soir, un public qui chante toujours plus fort que la veille. Et c'est peut-être ça, le vrai miracle de juin 1988. Ce n'est pas la performance, ni les ventes de disques. C'est ce moment suspendu où la France chantait en chœur, sans cynisme, avec un gars qui n'a pas besoin de costume à paillettes pour briller. Comme il le dit dans une interview qu'il donne pendant la série, ce sont les spectateurs qui m'ont appris la scène, qui me l'ont fait aimer. A priori, je suis le contraire d'un homme de scène. Gauche, lent à la répartie, introverti. Mon énergie, c'est celle qu'ils me communiquent. Mon plaisir, c'est celui de passer une soirée ensemble, autour de choses qui touchent. C'est pourquoi je ne cherche pas à jouer devant des « curieux », à racoler le plus de monde possible. Oui, je sais, on a vécu la même expérience quelques mois plus tard à Bruxelles, à Forest National. Six soirées consécutives fin novembre, début décembre et trois supplémentaires en janvier suivant qui feront dire à un journaliste : si Michael Jackson met des mois à réunir 60000 Belges pour un soir, Jean-Jacques Goldman a vendu 72000 tickets à la vitesse de la lumière. Sans doute est-ce parce que le public sent que Goldman fait ça par plaisir et pour aucune autre raison. Les gens savent qu'il est allé jouer au Congo, dans les îles, là où il n'y avait pas un franc à gagner, et parce que ses musiciens étaient OK d'y aller. Jouer, être avec les autres. Le plaisir, et rien d'autre.
Le 16 juin 1972, le disquaire, c'est un autre monde aujourd'hui disparu mais alors un point de passage obligé pour presque tout le monde. C'est là qu'on se procure ces chansons magiques qu'on a entendues à la radio, dans un juke-box, dans une émission de variétés à la télé ou chez des copains. Et puis il y a ceux, des passionnés, qui s'y rendent pour se renseigner sur ce qui vient de sortir, écouter un extrait et si ils accrochent, ils achètent et rentrent chez eux avec leur nouveau trésor. Car c'est ça la musique en 1972 : un bien précieux. Et si la pochette est belle, c'est encore mieux. Et justement, en parlant de pochette, sur ce 33 Tours qui vient d'arriver chez le disquaire, on voit un type pâle, les cheveux couleur feu, poser dans une ruelle sombre avec la guitare nonchalamment en bandoulière. Et puis gros plan à l'arrière dans une de ces fameuses cabines téléphoniques rouges, c'est sûrement Londres. Le gars, on dirait un acteur échappé d'un film de science-fiction. Le titre de l'album est à rallonge en plus, c'est pas une première mais il est intriguant quand même : The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars. Oui, tout ça. Le chanteur se nomme David Bowie. Certains le connaissent. Il a déjà sorti pas mal de disques mais bon, c'est un second couteau qui n'a pas bien choisi son camp, entre rock, folk, expérimental, cabaret, bref il est aussi flou que la photo de la pochette de ce disque. Et là, il fait le coup de l'album concept façon Sgt Pepper des Beatles. Il pousse même un peu plus loin car cela semble raconter toute une histoire, celle d'une rockstar, un messie déchu, prophète de notre décadence. Ah bon ? On est décadent ?Mais ce qu'on ignore ici c'est que David Bowie ne fait pas que raconter une histoire : il la vit de l'autre côté de la Manche, soir après soir sur scène, maquillé comme une drag-queen samouraï. Et le public britannique devient fou. En Belgique et en France, on ne va pas comprendre tout de suite. Trop bizarre, trop anglais. Mais dans les chambres d'adolescents, le disque commence à tourner, on s'en parle en classe ou à l'intercours. Car Ziggy est le premier vrai héros pop à dire : sois toi-même, même si ce “toi-même” vient d'une autre planète. Imaginez le choc pour tous ceux qui vivent à l'intérieur d'eux-mêmes, avec la peur de l'extérieur, de ce qu'on va dire. Et puis tous ceux qui, à cet âge, rêvent d'être quelqu'un d'autre, fantasment en s'endormant chaque soir dans la maison familiale remplie de silence et d'ennui.There's a starman waiting in the sky… dit la chanson qui vient de sortir en 45 Tours. Personne pour imaginer que des décennies plus tard, elle sera utilisée dans une campagne de pub pour des télécoms. Ni que David Bowie sera alors un artiste connu de tous. Et respecté. Ce qui ne va pas être le cas, ni en cette année 1972, ni les suivantes, où il y aura plus de gens pour le détester que l'apprécier. Et encore moins que cet album sera un jour considéré comme un des plus grands de l'histoire. Mais quelle histoire ? Tout cela n'est que du présent, et de l'émotion, ce 16 juin 1972. D'ailleurs, ce soir, vous l'avez vu, cet homme des étoiles, juste avant de vous endormir avec le casque sur les oreilles. Et il vous regardait.
On ne peut pas parler des Rolling Stones sans penser à leur incroyable succès aux Etats-Unis. L'histoire entre le groupe et ce pays a été et reste légendaire. Là-bas, les Stones, c'est une religion. Et pourtant, l'avez-vous remarqué, on ne parle jamais de leur première venue aux Etats-Unis. On devrait ! Regardez les Beatles, vous voyez tout de suite ces images folles de milliers de jeunes gens qui les accueillent en criant à l'aéroport, les scènes de poursuite dans les rues, les records d'audience télé au Ed Sullivan Show. Et les Stones, alors? Et bien, ils arrivent à JFK en juin 1964, quatre mois après le phénoménal déclenchement de la Beatlemania. A l'aéroport, des filles crient quand ils montent dans les limousines, quelques motards les escortent, on y est. Enfin, pas tout-à-fait car le Ed Sullivan Show n'a pas voulu d'eux et là, ils auraient dû se méfier. Car pour leur première télé, à Los Angeles, c'est un show de seconde zone, les Stones découvrent au dernier moment qu'ils vont chanter entre deux numéros de cirque. Ils sont de plus présentés par un animateur ringard et ivre qui dit aux téléspectateurs que le gars du numéro de trampoline après eux c'est leur père qui essaie désespérément de se tuer. Dans une autre émission, c'est le chanteur comédien Dean Martin, partenaire de Frank Sinatra, bourré lui aussi, qui les traite de singes. Puis commence la tournée dans des endroits du perdus du Texas, Minnesota, Nebraska, Michigan. Les Stones ne sont pas encore connus, alors leur équipe a pris les engagements qu'ils ont trouvés. Ils jouent en attraction, ici avant un groupe country, là dans un rodéo où le public qui a du mal avec les cheveux longs, leur demande s'ils sont les Beatles ou s'ils sont des gonzesses. T'as vu, y a une puce qui vient de sauter de la tête du guitariste. Ouais ils puent tellement qu'elles ne tiennent pas le coup. Et quand ils sont en vedette, les auditoires sont vides. Ou presque. 600 personnes dans une salle qui peut en accueillir 10.000. Alors les Stones font tout pour que le public ne regarde pas derrière, et ils jouent plus fort pour que le courant passe. Comme dit Keith Richards, Nous sur scène, on voit une grande grotte vide mais eux sont comme à un mariage, ils regardent les mariés.Oui, en ce mois de juin 1964, les Stones en bavent lors de leur première tournée américaine, ils en sont encore à apprendre le métier, à entrer par la petite porte. Mais en voyant le public accrocher à leur musique, lire le bonheur sur les visages, ils prennent de l'assurance. A force de jouer, leurs disques montent de la 80ème à la 60ième place pendant que les chansons des Beatles occupent les cinq premières. Ils sont un peu sauvés à New York par l'animateur radio que John Lennon a lui-même contacté pour qu'il daigne assurer leur présentation. Il a attiré du monde, la salle est pleine. L'année prochaine, la sortie de leur Satisfaction changera tout, les Stones feront au moins deux tournées par an et en 1978, ils en seront déjà à leur première tournée des stades. Mais le 22 juin 1964 quand leur avion atterrit à Londres de retour de la Terre promise, Keith Richards a dans sa valise un revolver du même calibre que celui qu'un policier lui a braqué sous le nez avant un concert car il refusait de vider dans les toilettes des loges un verre de whisky coca.
Hé les amis, vous savez quoi ? Je vous emmène passer la soirée avec les frères Gallagher. Non, sérieux ! C'est pas d'hier que je traîne dans tous les coins de la Grande-Bretagne. Bon je veux pas vous obliger, hein, faut que vous aimiez les cendriers pleins, les verres cassés, les éclats de voix avec les Beatles à fond. Allez, on vous ouvre la porte de leur QG à Londres, ou de la grande baraque de Supernova Heights, tiens. C'est celle de Noel, on dit Nole en anglais, et Noel Gallagher, c'est le cerveau, l'auteur de Oasis. Et Oasis, c'est pas juste un groupe. C'est une bande. Et surtout, impossible de l'ignorer, deux frères ennemis qui vivent entourés comme des caïds de Manchester. On n'entre pas là comme dans un moulin. Non, mais on débarque pour s'y éclater, entre mecs, avec les potes d'enfance, les roadies, les musiciens, des fans sélectionnés — ou parfois juste ramassés en fin de soirée au pub. Mais attention, pas de rendez-vous chez les Gallagher. Faut tomber au bon moment. Et une fois dedans, pas question de rester coincé dans l'entrée. On vous file une bonne ale, on s'assoit sur un canapé écrasé par cent derrières depuis 1994, et on vous passe la dernière démo de Noel ou un live pirate de leur dernier concert. Il n'est pas impossible de tomber sur Johnny Depp, parfois, ou sur Kate Moss qui cherche Liam dans la cuisine. Parce que Liam, lui, il squatte la cuisine. Il parle peu, marmonne beaucoup, toujours avec une clope en main et un regard d'enfant jaloux dans un corps d'adulte. Liam, c'est le feu. Le charisme, le front en avant. Il chante à travers les murs, des vieux trucs de Lennon, parfois même du Slade, et il fout la paix à personne. Noel, lui, c'est la salle de musique. Casque sur les oreilles, guitare sur les genoux, il compose. Il y en a toujours un qui bosse et un autre qui fout le bordel. Et vice versa.Entre les deux, ça claque. Littéralement. On a vu des verres voler, des amplis aussi. Même qu'une fois, un Brit Award a fini dans l'aquarium. Mais faut pas croire, ils s'aiment. À leur manière. Des frères, quoi. Avec des coups dans le dos et des câlins qui finissent en prise de catch. Un jour, on a trouvé une lettre d'amour de Liam à Noel. Deux lignes bourrées de cœurs et de fautes. On a cru à une blague. C'en était pas une. Ah, et les objets ? Parlons-en. Des centaines de lunettes rondes à la Lennon, pour Liam, alignées sur un meuble Ikea. Des guitares à moitié pétées que Noel refuse de jeter. Et des baskets Adidas neuves, jamais portées. Parce que faut que ça claque, même aux pieds, comme dit Liam. Et puis le jukebox qui marche une fois sur deux et où on trouve des 45 Tours de Bowie, The La's, Stone Roses et un seul disque de Blur. Rayé. Volontairement.Oui, ce soir, chez les Gallagher, ça va encore fumer, gueuler, chanter et rigoler jusqu'à pas d'heure. Demain on s'insultera dans la presse ou on se battra dans les loges. Oasis, c'est pas une success story. C'est une tragédie rock à deux voix. Et c'est p'tet pour ça qu'on les aime, ces sales gamins.
Paris, 1966. Le rideau tombe sur la scène de l'Olympia, où Jacques Brel vient de livrer une fois de plus, un récital bouleversant. Le public, encore sous le choc, applaudit à tout rompre. Brel, épuisé mais exalté, quitte les coulisses sans un mot, son regard déjà tourné vers la nuit qui s'ouvre. Il retrouve ses amis dans un bistrot discret de Montmartre, un lieu qu'il affectionne pour son ambiance chaleureuse et son absence de prétention. Autour d'une table de bois usée, les verres se remplissent et la conversation s'anime. Brel, toujours en quête d'authenticité, écoute autant qu'il ne parle, car il ne peut s'empêcher d'observer les visages et de capturer les émotions. On ferme ! Oh non ! Brel insiste pour avoir le petit dernier en forçant un accent brusseleir mais ça ne marche pas, alors rentré dans son immeuble, il va réveiller Georges Brassens, son nouveau voisin de palier. Les deux artistes et amis de longue date échangent des histoires, des nouvelles et des rires. La nuit avance, la bouteille se vide, mais l'énergie ne faiblit pas.Cette fois, il n'est plus d'heure, Brel suggère de continuer la soirée chez lui, où quelques bouteilles de Chartreuse les attendent. Brassens refuse mais Brel insiste. Chez Brel, la musique reprend, les discussions s'intensifient, Jacques en est à la philosophie, aux grands sermons, il s'emporte, refait le monde, il est vrai qu'il n'a pas besoin d'aller jusqu'au bout de la nuit pour livrer sa version définitive du sens de la vie. Ce n'est pas que l'homme soit méchant, en définitive, mais il est toujours perdant à vivre avec les autres, non ce qu'il faut c'est être libre … Mais à l'aube, il est seul, Brassens, épuisé, s'est endormi sur le canapé. Brel le raccompagne à son appartement, non sans difficulté, et alors qu'il le couche, Brassens ouvre un œil et murmure : Je prendrais bien un petit dernier ! Le lendemain soir, Jacques se rend dans son restaurant favori. Il est rentré à Bruxelles dans la journée. Assis à sa table favorite, il déguste des croquettes de crevettes, son plat préféré, tout en prenant des notes dans un carnet. Il note des idées, … Une nouvelle chanson ? Il ne sait pas encore. Il observe les clients, le personnel, en écoutant les conversations autour de lui. C'est dans ces moments de solitude et de réflexion que naissent ses plus belles histoires. Ainsi vous avez assisté à une soirée classique avec Jacques Brel : entre passion, amitié, musique et recherche incessante de vérité. Un homme loin d'être parfait mais qu'il ne revendique pas, non, il est profondément humain, toujours en mouvement, toujours en recherche, laissant derrière lui des femmes tristes mais des souvenirs impérissables.
Nous sommes à la fin des années 80 dans les rues de San Francisco. Le quartier animé du Castro, où une jeune artiste venue du Massachusetts, vit dans une petite chambre sans fenêtre. Qu'est-elle venue faire loin de sa côte est et de New York ? Elle est artiste, d'accord, mais alors pourquoi pas Los Angeles, là où tout se passe. Et en effet, le jour, elle travaille comme serveuse pour le soir, arpenter les rues avec sa guitare, jouant ses compositions originales aux passants qui sont, il faut bien le dire, beaucoup plus réceptifs aux artistes et à la musique folk dans cette ville où est né, 25 ans plus tôt, le mouvement hippie. Ce soir-là, elle se produit au Nightbreak, un club de Haight Street aujourd'hui disparu mais à l'époque réputé pour sa scène alternative, et aussi son vin californien, ses bières mexicaines et jamaïcaines, je peux en témoigner, j'y ai traîné au même moment. Elle m'a peut-être servi, cette demoiselle dont vous devinez qu'elle n'y est pas restée, dans ce bar. La salle est modeste, mais l'ambiance électrique, c'est pour ça qu'on y vient ou que d'autres nous y emmènent. Linda, j'ai oublié de vous dire que la jeune fille se prénomme Linda, monte sur scène, coiffée d'un chapeau particulier dans le Massachusetts mais ici c'est ok. Et elle entame une chanson qu'elle a écrite dans sa chambre, vous savez la petite chambre sans fenêtre dont je viens de vous parler. Dans le public, un gars qui rame assez bien pour le moment. Il s'appelle Stephan Jenkins, et il est dans le désordre le futur leader de Third Eye Blind, un groupe pré grunge qui va vendre des millions d'albums, et qui sera par après le compagnon de Charlize Theron et de Vanessa Carlton. Mais pour le moment, il est juste rien, enfin il est lui, ce qui est déjà pas mal avec ce que je viens de vous dire et il est captivé, le gars. À la fin de la prestation, il l'aborde, et les voilà à discuter de leur vie qui commençait, comme disait la chanson de Michel Fugain. Elle lui rejoue son What's Up?, car vous avez deviné qu'il s'agit de Linda Perry des 4 Non Blondes, et lui son Semi-Charmed Life. Ils ignorent évidemment que ces chansons deviendront immortelles, ce qui ne rend l'instant présent que plus beau.Après ça, Linda et quelques amis se dirigent vers le Paradise Lounge, un autre endroit emblématique de la scène musicale de San Francisco. Là, elle improvise un mini-set acoustique, captivant l'audience évidemment, avec sa voix et puis ses textes. La nuit se termine dans un café du Mission District, où artistes et musiciens se rassemblent pour discuter, partager des idées et rêver de succès. Linda, bien que fatiguée, est inspirée. Elle griffonne des paroles sur une serviette en papier, peut-être les prémices d'une future chanson à succès.
Il fut un temps où, si vous vouliez passer une soirée avec Coluche, c'était possible, et sans payer votre ticket de théâtre, quand il était à l'affiche. Si vous étiez copain avec lui, ou le copain d'un copain, il suffisait de sonner à la porte de sa maison, à Paris. Ah ils sont très nombreux à connaître la façade carrée de briques rouges du numéro 11 de la rue Gazan, avec la cour jardin sur le côté gauche, derrière une grille où on gare les motos et mobylettes.Oui, il a beau être devenu une star, Coluche a gardé le plaisir, l'instinct de vivre en meute. Il est d'ailleurs interdit de prendre rendez-vous, de demander l'autorisation de passer et obligatoire de s'asseoir, boire un coup et accepter la bouffe qu'on va vous servir. L'installation parle d'elle-même : la juxtaposition des divans devant la télé, la série de chaises de bistrot et de chaises longues vous appelle quand vous entrez dans la salle de séjour, très éclairée. Il y a beaucoup de chance que ce soit Gérard Lanvin qui soit venu ouvrir la porte. Oui, le comédien qu'on a tous vu dans le terrible film, Tir groupé, et qui nous a fait rire dans Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine. Gérard habite là. Car c'est Coluche qui l'a emmené dans le métier, l'a tiré des puces de St Ouen où il vendait un tas de trucs. Au début Gérard conduisait la voiture, la camionnette, décrochait le téléphone, faisait un peu tout. Puis il a construit un café théâtre avec d'autres potes, Le Point Virgule, c'est lui qui y a fait entrer tout le bois des banquettes et du balcon. Puis Gérard a fourni des vannes à Coluche, pour le spectacle mais aussi les émissions de radio. Et même quand Véro est partie, Gérard est resté, enfin, un temps, on ne va pas s'attarder. Mais suivons-le, entrons … Le coude sur la table, une cigarette à la main et un verre de whisky devant lui, c'est Eddy Mitchell, bien sûr, le grand pote, avec Renaud, pas loin, avec un demi ou un pastagard. C'est le cercle rapproché des chanteurs, car la musique, ça le botte, Coluche, il aurait tant voulu être chanteur. Il a même monté un studio d'enregistrement dans la maison. Pour lui, oui, et que les copains utilisent pour enregistrer leurs trucs, ah ils se démerdent entre eux, dit Coluche, j'loue pas, j'suis pas dans l'commerce, moi. On ne peut pas s'empêcher de s'attarder un instant sur les casques de motos sur l'appui de fenêtre. Pourquoi il y en a tant ? Un pour chaque moto ? Non, un pour chaque usage. Enfin bref, passons, le présentoir à lunettes est beaucoup plus fun. Ça a commencé bêtement parce qu'il les paumait, ses lunettes, alors il en avait toujours plusieurs paires. Et pour rigoler, un copain lui a un jour offert un présentoir qu'il s'est mis en peine de garnir complètement. Ah oui, tous ses potes lui apportent un tas de trucs quand ils viennent. Alors, il ne les jette pas, du moins tant qu'y viennent, comme il dit. Et comme il faut les distraire, tous ces camarades, il y a deux flippers sur lesquels Mick Jagger et même Jack Nicholson ont joué, oui monsieur, et puis la table de ping pong qui remplace la piscine dans laquelle on s'est bien marrés mais au bout d'un temps, on a fini par ne plus y aller. C'est comme tout, hein, on se lasse.Oui, ce soir, chez Coluche, on va encore parler, rigoler jusque tard dans la nuit. Demain n'existe pas quand on est une bande de jeunes et qu'on se fend la gueule …