Retrouvez tous les podcasts de "La Story" présentés par Brice Depasse
Vous le sentez ? Ce petit parfum d'iode, de monoï et de gelati qui fondent trop vite ? Ça y est, on y est presque. On est fin juin. Le moment où dans les bureaux, les écoles, les familles, tout le monde commence à décrocher un peu. Les esprits sont ailleurs. On roule déjà vitres ouvertes, avec le coude qui dépasse de la portière, le soleil sur la nuque. Et c'est là que revient dans votre tête, comme chaque année, la bande-son de souvenirs de vos vacances. Enfin certaines. Vous connaissez ça ?Le tube de l'été qui tournait sur l'autoradio de papa, une compile gravée sur le PC à la va-vite avant le départ, la cassette qu'on retournait toutes les trente minutes sur le lecteur orange fluo, entre deux plongeons dans la piscine. Et ce CD qu'on glissait dans le changeur 6 disques de la voiture, en espérant qu'il ne saute pas sur les ralentisseurs. Ou ce slow qui était parti en vrille lors d'une soirée en boîte, en Espagne ou à la côte d'Azur, ou au bal du camping sous les lampions. Finalement, en cette époque où la pub veut nous faire croire que c'est sûr, cette fois on va ramasser 250 millions, si c'était ça, le vrai luxe : avoir 15 ans à nouveau le temps d'une chanson.Parce qu'on l'oublie trop souvent, mais les vacances, c'est pas seulement le farniente et les files sur l'autoroute du soleil. C'est la famille qui rigole, les copains qu'on revoit, les coups de soleil qu'on n'a pas vu venir et les refrains qu'on n'a jamais oubliés. Ce sont lesquels, dites-moi ?Tenez, moi, c'est un été 1973. La première fois qu'on part en Espagne. Ca s'annonce magique, on est coincé dans d'interminables bouchons au poste frontière dans les Pyrénées quand tout à coup, sur les longues ondes, on envoie la chanson d'un groupe au nom improbable, Michel Fugain et le Big Bazar. Où qu'on se trouve, ça vend déjà du rêve, mais là quand vous êtes aux portes d'un pays labellisé terre de vacances comme vous n'en avez encore jamais vu, et pour cause, à onze ans à cette époque, on n'a encore rien vu.Les vacances, c'est ça. Ce sont des lieux, des visages, des odeurs mais surtout des musiques. Parce qu'aucun souvenir d'enfance ou d'adolescence n'est complet sans un refrain qui l'accompagne. On n'a jamais embrassé quelqu'un pour la première fois sans une musique en fond sonore. On n'a jamais quitté un endroit, un été, un amour de passage, sans une chanson dans les oreilles et un petit pincement au cœur. Alors cette année, laissez les soucis au bureau, fermez les écrans, et embarquez pour un été que vous allez vivre dans l'instant présent, le seul qui vaille la peine d'être vécu, mais en laissant tourner la musique de ces instants gravés dans votre mémoire avec le volume à fond. Vous allez voir, ça marche.
Ah, l'Amérique… Pour certains, c'est le rêve d'une vie. Pour Mylène Farmer, ce fut une échappée presque définitive. Des vacances en mode aller simple pour disparaître. Je vous raconte. Nous sommes au milieu des années 90. Mylène a explosé tous les records de vente avec son album Ainsi soit je… , on chante Pourvu qu'elles soient douces et Sans contrefaçon, partout, c'est l'apothéose. Tout le monde dans les médias et le public veut sa part de Mylène. Sauf elle. Parce que derrière le succès, il y a une femme fatiguée. Vidée. Et surtout très marquée par un événement dont on parle peu : l'échec cuisant de son premier film, Giorgino, en 1994. Projet personnel du duo avec son complice Laurent Boutonnat, ce film très esthétique a fait un four monumental en salles, alors que Mylène s'est donnée corps et âme dans cette œuvre sombre. Et voilà que la critique l'enterre sans fleurs ni couronnes et qu'à l'heure des visites, pas de files. Mais où est passé son immense public ? Mylène encaisse mal. Très mal.Alors elle s'en va. Elle s'envole pour Los Angeles, seule, anonyme. Elle loue une maison sur les hauteurs de Beverly Hills, se met à la peinture, au yoga, écrit ses pensées. Elle sort le soir, parfois, flâne sur Melrose Avenue, capuche sur la tête. Personne ne la reconnaît. Elle vit comme une ombre dans la ville des anges et du soleil.À ce moment, personne en France ne sait si elle reviendra un jour. Pas même Laurent Boutonnat. Elle pense sérieusement à tout arrêter. Mais c'est là qu'elle commence à écrire ce qui deviendra son grand retour : Anamorphosée. Un peu comme Sting à New York, quelques années plus tôt. Cela donne un album très influencé par ce qui sera une parenthèse américaine, plus rock, plus brut, plus libre.La Mylène mystérieuse qu'on connaît aujourd'hui, serait-elle née là-bas, dans cette retraite californienne, entre les doutes existentiels et quelques soirées au Château Marmont. Une star européenne parmi d'autres à L.A., sauf qu'elle, va décider de renaître et qui revient, fin 1995, avec XXL. Une autre Mylène, plus forte, plus directe, mais qui se veut toujours plus insaisissable. Et depuis ? Chaque fois qu'elle disparaît, on se dit qu'elle est peut-être repartie là-bas. Sous le soleil de Californie. Parce que même les icônes ont parfois besoin de vacances, le soleil, c'est pas bon pour elles qui risquent d'en perdre leurs couleurs. Non, ce qui leur convient ce sont de longues pauses à l'ombre, très longues.
Hong Kong, été 1977. David Bowie s'ennuie. Ben oui, ça arrive, même aux stars du rock en tournée mondiale qui par définition n'ont pas le temps de voir passer le temps. Mais là, il traîne dans le hall de son hôtel, accompagné de son inséparable et impitoyable assistante Coco Schwab, et de son pote Iggy Pop probablement encore jet-lagué de leur tournée nippone. Les rues moites de la ville ne lui disent rien. Trop chaud, trop loin, trop rien.Soudain, une silhouette surgit de l'ascenseur, sourire espiègle, baskets aux pieds, c'est John Lennon. L'ex-Beatle, en vacances anonymes avec son fils Julian, et qui ouvre les bras vers Bowie.Hey Dave ! Tu t'en souviens de L.A. ?Comment David pourrait-il oublier leur rencontre à Los Angeles trois ans plus tôt lors d'une fête chez Elizabeth Taylor. Bowie est encore timide, Lennon est déjà fan. Ils se sont retrouvés en studio à New York début 75. Bowie a lancé un riff. Lennon a poussé un Fame qui a donné un N°1 mondial.Et donc, ces deux grands trentenaires reprennent leur numéro comme s'ils s'étaient quittés la veille. Lennon sort des vannes et Bowie rit. Un vacancier les reconnaît :Vous êtes John Lennon ?Non, mais j'aimerais avoir son compte en banque, répond John. Bowie adore cette vanne, il va la ressortir plus d'une fois.David et John sortent dîner, explorent les clubs douteux de Wan Chai, un verre glacé à la main. À un moment, Lennon monte sur scène dans un bar et lance au public un Vous connaissez les Beatles ? histoire de rigoler. Plus tard, dans une échoppe, David trouve un blouson The Beatles. Il insiste pour que John l'essaie, elle ne lui va pas mais on prend une photo souvenir. Malheureusement le temps passe vite, même en vacances. C'est la dernière fois que David et John se voient. Ils devaient se retrouver à New York en décembre 1980 pendant la série de représentations de la pièce Elephant Man que David jouait à Broadway, malheureusement … Six ans plus tard, Bowie est de retour à Hong Kong, pour la dernière date de sa tournée Serious Moonlight. Ce soir-là, après un triomphal Let's dance, il entonne Imagine, les larmes aux yeux. Nous sommes le 8 décembre 1983, trois ans jour pour jour après la mort de John, David ne s'en est jamais vraiment remis. Comme quoi, même les extraterrestres peuvent avoir le cœur brisé avec un souvenir d'été.
Aaah ! Vacances. J'oublie tout, dit la chanson depuis des générations. Fini le réveil, rien que le bruit de la mer, comme cette année du début de ce siècle où un jeune homme se paie des vacances à vraiment pas cher sur la Côte d'Azur. Et attention ! Pas un camping à trente kilomètres de la Méditerranée, non à Beaulieu-sur-Mer, entre Nice et Saint-Jean-Cap Ferrat. La maison est de rêve, c'est celle des parents de sa copine qui lui ont demandé de la garder. Alors ce jardin en terrasse, les cactus, la piscine et le chant des oiseaux, il s'apprête à en profiter. Les batteries sont prêtes à la recharge en mode farniente et grasse matinée. Mais voilà, à la fin de la première soirée, alors que les cigales viennent de se taire, l'ambiance vespérale prend un tournant inattendu. En effet, les deux jeunes gens entendent des éclats de voix, des rires et des accords de guitare qui semblent venir de la maison d'à côté. À travers la fenêtre, la copine aperçoit en effet deux silhouettes y allant de leurs refrains, le verre à la main. À 2 heures du matin, ras-le-bol. Direction la porte des voisins bruyants. Sonnerie. La musique s'arrête net. Un calme gêné s'installe. Qu'est-ce tu vas leur dire ? Mais leur demander de faire un peu moins de bruit, voyons. C'est bien les mecs, ça, t'as peur d'eux ? Je vais leur expliquer, moi, qu'ils ne sont pas les seuls sur terre. Et là, à travers la porte, un éclat de rire contenu, et irrésistiblement communicatif. Pas assez cependant pour la petite amie qui ne semble pas contaminée quand la porte s'ouvre. Et là ? Surprise !Face à eux, ou à vous, imaginez que ça vous arrive, enfin ça vous est peut-être arrivé, car oui, là, dans l'embrasure de la porte, se tiennent deux icônes de la chanson française : Alain Souchon et Laurent Voulzy, gais comme des pinsons, beurrés comme des tartines, dégoulinant de bonne humeur à défaut de confiture. Champagne à la main et complices, ils leur expliquent, vous expliquent : Oaaah on fête la fin de la tournée, on a un peu oublié les voisins, désolés mais bon, c'est les vacances, hein ! Excuses acceptées, finalement, aucun reproche, juste des sourires sincères, on se tape dans le dos, bonne nuit, bonnes vacances.Vous retournez, ils retournent dans leur maison de vacances, l'été commence plutôt bien avec cette rencontre improbable parce que le lendemain, c'est vous qui allez réveiller deux chanteurs célèbres, enfin eux, car cette histoire est vraiment arrivée, oui avec Souchon et Voulzy. Et pensez à ceux qui ont eu la même blague avec Johnny Hallyday, et Johnny qui a eu la même blague avec le groupe Kiss, alors, vous savez qu'ils ont eu une histoire unique, à raconter lors d'un repas, un irrésistible clin d'œil à la dolce vita estivale.
Ça y est ? Vous y êtes ? Hé, ces deux mois de vacances, ils nous semblaient à leurs débuts ne jamais devoir prendre fin, tellement le compte des semaines à venir était du haut de nos trois pommes, innombrable. Neuf semaines, c'est interminable sous un ciel bleu. Pas de classe, ni devoirs, ni leçons ni ce soir, ni ce week-end. Demain matin, on se lèvera sans ce maudit réveil ou le clairon des parents avec la voix pleine d'insistance.Et puis il y a le départ en vacances et l'excitation quand la date approche. Voilà sans doute ce qui a expliqué l'énorme succès international d'un petit film français au milieu des années 50 : Les vacances de Mr Hulot. Et aussi le fait qu'il ait traversé les décennies. Notre quotidien ne ressemble plus en rien à cette époque ni aux bonnes manières de sa société stricte mais le film marche toujours aussi efficacement, malgré le noir et blanc. Il faut dire que les personnages correspondent toujours à ceux sur qui on tombe en vacances. Les gosses qui crient et font des conneries, l'homme d'affaires très pris et très imbu de sa réussite, la belle pour qui on va en pincer et qui voit les matins se lever en se demandant quand on va se décider. J'allais oublier la bande de scouts, le gars qui s'y croit, le patron d'hôtel très sérieux et le garçon j'en foutre, le couple de vieux qui se promène tout le temps et arrive en premier à l'heure du souper, non vraiment, les temps changent mais les comportements restent les mêmes. Jacques Tati met toujours dans le mille.Et puis, il y a la mer, la plage, le soleil. Ces jeunes gens qui vivent le meilleur moment de leur vie et vont peut-être mettre le reste à s'en remettre. Sérieux, on a tous laissé un bout de nous-mêmes en vacances, avec un Monsieur Hulot ou pas. Et quel que soit l'âge où on a vécu cet été pas comme les autres, celui qui nous revient plus ou moins régulièrement avec force, au détour d'une photo, un film, une chanson.Alors je ne sais pas si vous allez vous les refaire à la télé, ces Vacances de Mr Hulot, ce moment de bonheur, que vous avez peut-être connu avec Les bronzés, Hôtel de la plage ou Camping. Le plus important est de ne pas perdre de vue que malgré ce que vous pouvez croire parfois, quand vous y repensez, non, vous n'avez rien raté. Vous avez été, vous êtes à la hauteur des rêves de cette fille, de ce gamin que vous étiez, cet été-là. Car le présent, c'est plus que le moment plus important de votre vie, c'est le seul que vous vivrez jamais. Alors, bonnes vacances !
Le rideau est encore baissé mais dans les coulisses, l'air est déjà chargé d'électricité. On entend des cordes de guitares grattées nerveusement, des pas précipités, des talkies-walkies qui crachent. Et au milieu de ce chaos organisé, debout, tranquille, presque zen… Paul McCartney. Ex-Beatle, ex-Wings, et ce soir, redevenu tout simplement rock star solo. Nous sommes dans la banlieue d'Oslo en 1989, le premier soir de la première véritable tournée mondiale de Paul depuis les années 70. Autant dire un événement. Et en coulisses, ça se sent. Il y a cette tension qu'on sent juste avant un premier baiser ou un saut dans le vide. Même les musiciens sont un peu nerveux. Il faut dire que jouer aux côtés d'un Beatle, ce n'est pas rien. Même pour des pros. Et lui ? Lui, il rigole. Il grignote une banane. Oui, une banane. Un petit rituel. Pour l'énergie, dit-il avec un clin d'œil. Puis il attrape sa basse Höfner, en forme de violon. Le public, lui, n'en peut plus. Il crie, il scande « Paul ! Paul ! ». Dans la salle, il y a des gens qui ont grandi avec les Beatles, d'autres avec Live and let die, et puis leurs enfants. Des familles entières venues voir une légende marcher sur les braises de sa propre histoire. Et là, d'un coup, blackout. Un silence qui ne dure que trois secondes mais qui semble suspendre le monde entier. Puis les lumières explosent, et McCartney entre sur scène. Et là… c'est la décharge. Il commence avec deux nouveaux titres et un tube des Wings, faut oser. Riff costaud, voix impeccable. Et tout de suite après, sans prévenir, Got to Get You Into My Life. Et là, c'est Hiroshima dans la salle. Les gens pleurent. Dansent. Hurlent. Certains sont pétrifiés. Lui, il sourit. Ce sourire qu'on connaît par cœur, mais qui, vu d'aussi près, paraît presque irréel. Sur scène, McCartney est comme un gamin qui aurait retrouvé ses jouets préférés : sa voix, sa basse, et le public. Il bouge, plaisante, balance des anecdotes. Et quand il s'assoit au piano, tout chavire. Il prend une longue respiration. Un silence se fait. Et là, tout doucement, Let it be. Le temps s'arrête, la salle entière l'accompagne, comme quand il chante seul Yesterday. 1989, c'est bien plus qu'un comeback. C'est McCartney qui reprend possession de sa légende, debout, vivant, devant des milliers de gens qui n'ont jamais cessé d'y croire. Et quand il quitte le public ce soir-là, en balançant un see you next time, on sent bien que quelque chose vient de se passer. Que l'histoire recommence, qu'il ne va plus jamais redescendre de scène. Car malgré les millions, malgré un succès complètement hors norme, jouer de la musique en public, c'est toute sa vie, à Paul McCartney, depuis ses quinze ans.
5 janvier 1980, le thermomètre est ce soir proche du zéro et pourtant le quartier de la colonne du congrès pourtant habitué à la foule des spectacles du Cirque Royal connaît une agitation inhabituelle. Ce soir Serge Gainsbourg va s'y produire à deux reprises, un truc de fou, car il s'agit de répondre à l'énorme demande qui a assailli le bureau de location dès l'annonce de sa venue. Cela fait donc deux fois plus de monde qui se croise à l'entrée et la sortie, entre les deux représentations. Et bien plus de monde encore que d'habitude puisqu'ayant ôté les sièges du parterre, c'est près de deux fois 2.500 personnes qui se croisent et se pressent dans la salle. La première explication, c'est que malgré 25 ans de carrière, personne ou presque en Belgique n'a encore vu Gainsbourg sur scène, puisqu'il l'a abandonnée en 1964, épuisé par les mauvaises réflexions à propos de sa voix et les insultes aussi au sujet de son physique. La seconde c'est que son album Aux armes etc paru au printemps dernier est un énorme succès en France et encore plus en Belgique, un disque 100% reggae, un genre musical qui est au sommet de sa popularité. Le reggae, c'est LA musique jeune. Alors les rythmes ronds et chauds joués par les potes de Bob Marley associés aux textes transgressifs, potaches ou joyeusement défoulatoires de Gainsbourg font un malheur. Le voilà d'ailleurs qui entre sur scène avec son personnage de dandy désabusé, jean, chemise légèrement ouverte et clope au bec. Pas de paras français aux premiers rangs comme la veille à Strasbourg pour l'empêcher de chanter sa version reggae de la Marseillaise. Au contraire, c'est la clameur d'un public conquis d'avance qui l'accueille et le rassure après un sérieux traumatisme. Il faut dire que ce public est une mosaïque : des étudiants, des couples fauchés, des fans de la première heure et des curieux. Tous scotchés. Ce n'est pas le Gainsbourg provoc' de la télé. Pas besoin de pyrotechnie. C'est un type en état de grâce, pas encore le gars qui susurre, il a encore sa voix claire., diablement magnétique. Gainsbourg danse à peine, balance doucement les hanches, l'œil rieur. On sent déjà pointer Gainsbarre, son double mal léché, mais ce soir, il reste à distance. Serge est encore poète. Il chante Aux armes et cætera une seconde fois pour notre plus grand plaisir. Et cette fois, les gens chantent avec lui. Une salle belge emportée par une chanson française née en Jamaïque. Faut le faire.Entre les deux concerts, à peine une pause. Le public du deuxième round est tout aussi brûlant. Moins surpris, peut-être, mais encore plus prêt. Ce soir-là, tout le monde repart avec un truc en plus. Une vibration. Une fièvre. Gilles Verlant, l'animateur de la seule émission de télé rock belge et coorganisateur de ce concert fou, est heureux. Il a le sentiment d'avoir vécu quelque chose de rare, loin de se douter que dans pas longtemps, il écrira la biographie de référence de l'artiste qui vient de sortir de scène.Gainsbourg au Cirque Royal, c'est pas juste un souvenir. C'est un parfum. Celui d'un moment suspendu, où un artiste a touché quelque chose de sacré. Et nous “avec”, comme on disait à Bruxelles, en ce temps-là.
Ceux qui ont vu Bob Marley sur scène n'ont jamais pu l'oublier.Ceux qui ont vu Bob Marley savent ce qui se passait quand il était dans la salle. Je vous raconte ?Fermez les yeux une seconde. Imaginez… la grande fosse de Forest National en 1978, le moment où on éteint les lumières, la clameur, la chaleur presque moite, et voilà le lieu devenu subitement un temple. Un projo sur scène, il est là. Bob Marley. Silhouette fine, dreadlocks dansant au rythme du groove de son discours de bienvenue et sa voix, … Ah, sa voix, elle s'élève comme un cri d'espoir, comme une prière musicale. La foule est déjà conquise. Ce n'est pas un concert. C'est une cérémonie. Une messe rasta. Les bras se lèvent, les corps ondulent doucement, comme portés par un courant invisible. Pas besoin de savoir danser, ici c'est l'âme qui bouge. Même les plus raides deviennent fluides. Et Marley, lui, il est comme toujours, habité. Yeux mi-clos, sourire discret, il prêche, en musique.Déjà en arrivant, devant Forest National il y avait cette foule immense, colorée, bigarrée, des jeans pattes d'eph et des chemises bariolées, évidemment, mais aussi des écharpes rasta, et des effluves qui chatouillaient les narines. Ça parlait français, flamand, anglais, ça rigolait, ça planait déjà un peu. Ce soir, Bob Marley est à Bruxelles. Un Bob qui, si ne parle pas beaucoup entre les chansons, rayonne. Il est le chef d'orchestre d'un truc bien plus fort que lui. Quand il entonne Punky Reggae Party, Forest devient un village. On se connaît pas, mais on se serre. On chante. Y a cette nana juste devant, les larmes aux yeux et ce gars torse nu qui bat le rythme comme s'il était en transe. C'est que Bob, il chante pas seulement pour les oreilles, il chante pour les tripes. Et puis arrive No Woman No Cry. Là, tout le monde se lève, bien sûr. Mais c'est plus que ça. C'est une clameur. Une déclaration. Comme si pendant quelques minutes, la Belgique entière se dressait contre l'injustice du monde. Dans le noir de Forest National, on voit s'allumer des centaines de petites flammes humaines et des briquets aussi. Une communion. Quand les lumières se rallument à la fin, les gens ne bougent pas. Ils restent là, hébétés, rincés, heureux. Comme si un prophète venait de passer, avec une guitare, un sourire, et une vérité simple : l'amour, la paix, la dignité. Ce soir de 1978, comme toutes les autres fois, à Bruxelles, Bob Marley n'a pas donné un concert. Il a allumé la lumière. Et ceux qui y étaient s'en souviennent encore, pas vrai, le cœur qui bat un peu plus lentement, mais toujours en rythme.
Quand la dernière note du dernier concert de Michel Polnareff retentit dans l'arène de Forest National en ce printemps 2025, sa derrière tournée comme il dit, il règne un air de nostalgie sertie de souvenirs de moments légendaires. Car depuis qu'il est monté sur la scène de l'Ancienne Belgique il y a plus d'un demi-siècle, jusqu'aux grands soirs de la salle de Forest en passant par celle du Cirque Royal, Michel Polnareff a offert des concerts d'exception au public de chanceux amoureux de musique qui sont allés l'applaudir. On repense à son piano transparent et aux tenues futuristes de ses musiciens dont certains ne sont rien moins que les plus grands de l'histoire de la pop anglo-saxonne. Qui sait que lors de ce fameux concert à Forest National retransmis en direct sur une radio périphérique pour que toute la France l'entende, se tenait derrière les claviers l'homme qui un jour écrira et produira pour Whitney Houston, Céline Dion ou Earth Wind & Fire. Tenez, ce fameux concert, oui, c'est celui où le matériel, la sono n'arrive pas. Imaginez le truc, l'ambiance dans les coulisses et la loge. La salle est pleine d'attente, comble de ces fans venus de loin car Michel est parti pour l'Amérique et ne peut plus remettre un pied en France, sous la menace d'une contrainte du fisc. Mais Michel ne se contente pas d'être le roi des studios, le plus inventif des compositeurs, arrangeur de génie, c'est aussi une bête de scène. Il n'a peur de rien, et certainement pas de son public. Il monte sur le podium, s'assied à son piano en expliquant avec humour ce qui se passe, donc, à la salle, mais aussi à la France entière, je le répète. Comment il se fait entendre ? Avec un haut parleur, un gueulophone comme disent les jeunes. Puis Michel se met à jouer pour ce public qui n'est pas venu pour rien, et chante dans le gueulophone. Imaginez la scène, ou plutôt, écoutez. Ah c'est clair que ce type est un artiste à part, rien à voir avec le monde bien encadré de la variété qui est alors au sommet de sa popularité grâce à un nombre ahurissant d'émissions de télévision que tout le monde regarde, et qui réunit toutes les générations, en famille, le soir devant le poste. Michel n'est pas là que pour l'argent et la gloire. Ainsi de ce soir ou par blague, en province, il se glisse sur scène pendant un concert de son ami Johnny Hallyday. La surprise est totale, Johnny et lui s'amusent. Au point qu'ils décident de faire le Palais des Sports ensemble en octobre 1971. Michel en pianiste de Johnny. Spectacle total mais surtout, grande prestation d'artistes fous de rock'n'roll.Les occasions ont été rares de voir Polnareff en concert et de profiter des arrangements de fous qu'il offrait de ses tubes, de ses envolées au piano et surtout de son humour car il nous parlait comme si on était dans son salon. Alors comme une chanson vaut mieux qu'un long discours, je vous propose de découvrir un enregistrement live rare, que seuls connaissent ceux qui avaient été assez vite pour l'acheter en 1981. Montez le son, c'est maintenant.
Il n'y a rien à faire, l'émotion suscitée par un disque est décuplée quand l'artiste est là devant vous à jouer son répertoire. Bien sûr, tout dépend du talent d'interprète, du niveau des musiciens et de leur authenticité. Et puis, il y a les phénomènes, ceux qui vivent leur musique comme personne, au point qu'on en reste bouche bée devant le spectacle prodigieux de leur performance, voire nous font carrément perdre les pédales. Alors, je vous emmène avec moi sur scène, au plus près de ces artistes d'exception qui ont, grâce à leur charisme et leur génie, fait du concert pop, un art. Et nous voilà à Woodstock, en plein été 1969. Trois jours de musique, de paix et d'amour libre ont promis les organisateurs de ce festival sur les affiches qui ont recouvert les murs de New York. Ils n'auraient peut-être pas dû parce que tout le monde les a crus, on dirait. Dès le premier jour, plus moyen d'avancer sur les routes. Même le matériel et les artistes sont coincés dans des bouchons invraisemblables, causant des retards considérables et des ballets d'hélicoptères improvisés. Et puis, il a beau faire chaud dans la région à ce moment de l'année, des draches orageuses transforment la plaine en bain de boue. Bref, des corps allongés sur des bâches, des tentes enroulées comme des chips, et cette odeur… mélange de terre mouillée, de patchouli et de liberté.Et nous voici au début du troisième jour. Enfin, il est quatorze heures car les têtes d'affiches terminent vers 8 - 10 heures du matin, quand un type que personne ne connaît grimpe sur scène, l'air plus déglingué qu'un vieux tracteur. Dans le public, on croit que c'est un gars sorti des premiers rangs pour faire patienter le public. Mais non, il vient de Sheffield, en Angleterre, et il chante. L'accent aussi épais que sa tignasse. Le regard flou, les bras qui dansent tout seuls, comme désarticulés face à cette marée humaine de 400 000 personnes. Le ciel, au-dessus, s'assombrit comme dans un film catastrophe mais lui, il s'en fout. Il s'avance une dernière fois et lance son arme secrète : une reprise des Beatles qu'il transfigure en version pesante, viscérale. Une messe sauvage. Joe Cocker ne chante pas, il grimace, il se tord comme s'il expulsait un démon à chaque note. Le public est hypnotisé. Un silence étrange est tombé sur la foule. Même les plus stones lèvent les yeux, les plus boueux s'arrêtent de fumer. Parce que ce qu'ils voient là, c'est pas juste un chanteur. C'est une âme en train de brûler, là, sous leurs yeux.Quand il crie le dernier "my friends", le ciel explose. L'orage se met à gronder, comme si la nature répondait à l'appel. Une douche céleste tombe sur la plaine, semant la confusion. Mais il est trop tard. Le moment est gravé. Joe Cocker vient de faire basculer Woodstock dans la légende car tout a été filmé et enregistré. Et le plus dingue ? Après le concert, il sort de scène, lessivé, comme vidé. On lui tend une serviette, il bafouille un merci. Il a mis le feu mais il ne le sait pas encore.
11 juin 1985, il y a 40 ans exactement, Madonna donne le dernier de ses cinq concerts new yorkais à Madison Square Garden. Et la voilà pour la dernière fois de cette première tournée, apparaissant au rappel en tenue de mariée enchaînant Like a Virgin et Material Girl. L'an dernier, elle en était encore à jouer quelques morceaux dans des boîtes de nuit et puis voilà qu'au printemps elle passe aux grandes salles de concerts. Quarante en tout, à travers les Etats-Unis avec un petit crochet par le Canada le temps d'une soirée. C'est une solide réussite commerciale, pas encore artistique, on est encore loin des méga shows, tout est encore nouveau aussi bien pour le métier que pour elle. Mais le plus important n'est pas là. Ca se passe en effet dans les premiers rangs, ceux que Madonna ne manque pas de voir depuis la scène malgré les nombreux ballets, elle bouge beaucoup, c'est vrai, pas question de faire des concerts avec juste un groupe qui joue derrière elle. Et ben, elles sont là, toutes, les filles habillées comme elle, sur ses disques, les photos de presse et bien sûr, le film, Recherche Susan désespérément. Oui, ce look qu'elle s'est construite, avec les sous-vêtements par-dessus, les multiples chaînes et croix qui pendent à son cou et puis les innombrables bracelets en joyeux toc, et ben, elle les retrouve sur celles qu'on va appeler les Madona Wannabe. Toutes ces filles qui veulent être des Madonna. C'est plus du star system, là. C'est sociologique. Car ça va bien au-delà du cercle des fans qui viennent au concert et épinglent ses posters dans leur chambre, non, l'industrie de la lingerie annonce cette année-là une augmentation du volume de ventes de plus de 30%. Elle qui s'habillait comme ça par anticonformisme, voilà que tout le monde s'habille comme elle. Alors oui, sociologique n'est pas un superlatif exagéré comme on en entend trop aujourd'hui, Madonna est, comme Prince, pour quelque chose dans les stéréotypes vestimentaires qu'on retient aujourd'hui des années 80.Mais ce mois de juin 1985 ne s'arrête pas là pour la Madone. Quelques jours plus tard, des photos d'elle nue, prises avant la célébrité, sont publiées sans son consentement dans Playboy et Penthouse. Premier scandale et embarras auquel elle répond par un : Je n'ai pas honte. Une réponse qui renforce encore son image de femme libre et assumée, un modèle pour les femmes, plus qu'un sex symbol pour les mecs. Car vous souvenez-vous de ce moment où, pour la première fois, vous avez entendu Into the Groove à la radio ? Ce frisson qui vous a traversé, cette envie soudaine de danser, de vivre, d'être libre. C'était ça, l'effet Madonna.
19 juin 1986, la nouvelle tombe, terrible. Coluche est mort. Un proche, pour Serge. Il se rappelle ce soir pas si éloigné où il l'avait invité à la maison, et où son pote avait dégagé toute la table sans lui demander la permission pour le dîner qu'il s'était mis en tête de préparer lui-même depuis des plombes. Serge avait piqué une colère du bazar qu'il avait mis avec les autres convives, c'est vrai, c'était pas une table pour manger. En tout cas, ce qu'il regrette, c'est le frère qu'il a perdu. Car Coluche et lui ont un point commun : ils sont la cible des têtes bien pensantes d'une société qu'ils ne manquent jamais de choquer. Désormais, Serge sait qu'il est seul dans la ligne de mire. Lui, le gros dégueulasse, le provocateur. Ce n'est pas un hasard si Coluche et lui ont tous les deux crevés les records d'audience télé lors de leur passage dans Le jeu de la vérité. Tenez, c'était il y a tout juste un an. Le 7 juin 1985, Serge n'en mène pas large juste avant l'émission. Il adore la promo mais là, il va se retrouver seul devant dix millions de gens dont certains qui vont lui poser des questions. Le mettre au pied de ses récentes provocations dont il est si fier quand il voit la visibilité que cela lui rapporte. Mais là, le coup du gros billet auquel il a foutu le feu récemment, il sait que ça ne passe vraiment pas bien. Même Charlotte est victime de railleries à l'école, et elle en souffre. Va-t-il comme Coluche deux semaines plus tôt, utiliser ses deux jokers immédiatement ? Enfin, point positif, Serge a arrêté de picoler depuis huit jours. Il aura moins les idées claires. Enfin, même à jeun, il n'est plus tout à fait fit and well après autant d'années d'excès. On va le lui reprocher d'ailleurs : lui balancer au téléphone et en direct qu'il est sale, vulgaire, cynique, qu'il a déshonoré la France avec sa Marseillaise en reggae, outragé le monde ouvrier avec son billet de 500 balles et qu'il n'est pas venu chanter pour l'Ethiopie avec son pote Renaud. Mais Serge a encore des réserves, c'est le cas de le dire. Il sort un chéquier et rédige un ordre de 100.000 nouveaux francs pour Médecins sans frontières. Applaudissements. Il a marqué un point, et pas des moindres. Bon, il ne peut s'empêcher de raconter des blagues épouvantablement mauvaises qu'il collectionne. Là, il est authentique pour une fois. L'une d'entre elles lui vaut d'ailleurs d'être accosté en boîte juste après l'émission par une jeune femme qui lui dit que sa blague du petit immigré qui va demander à Le Pen combien il lui donnerait pour qu'il quitte la France et que Le Pen lui répond 5 minutes, avait bien fait rire son père. Et qui est-ce, votre père ? Ben, Jean-Marie Le Pen. Gainsbourg ne le croit pas mais c'est bien une Marine Le Pen face à lui, bien loin de s'imaginer qu'un jour elle fera un jour de la politique. Mais pour en revenir à l'émission, l'idée de ressortir une chanson d'Aznavour de 1959 et de l'interpréter, à une époque où la grande majorité du public ne connaît pas La Javanaise, était excellente. Car bientôt, avec l'arrivée du CD, on va tous découvrir ces chansons des années 50 et 60 que presque personne n'avait achetées et qui étaient bien loin du Gainsbarre des années 80 …
Juin 1988, ce n'est pas seulement les années fameuses années insouciantes qui tirent à leur fin, ni l'époque des chemises à rayures et pull Lacoste, c'est surtout pour tous les élèves de secondaires qui tournent une cassette de Jean-Jacques Goldman dans leur baladeur d'être à Paris. Car depuis le mois dernier, l'artiste qui ne fait rien comme les autres, a entamé une tournée parisienne. Oui, au lieu de jouer au finish dans une salle, il en fait plusieurs, de la plus petite à la plus grande. Déjà, ça permet à ceux qui ont des préférences de choisir la taille du lieu. Bon, il fallait être rapide et surtout se pointer tôt devant le guichet pour les deux soirs au Bataclan et les trois à l'Olympia. Après c'était déjà la jauge de 4500 sièges du palais des Sports qui s'est également rempli très vite pour deux semaines jusqu'à la fin du mois.Et donc en ce mois de juin, direction le tout récent Zénith. Une semaine remplie en un clin d'œil, puis on ouvre une seconde semaine et rebelotte, plus un strapontin de libre. Jean-Jacques aurait pu faire Bercy, tout aussi neuf, mais il choisit la proximité, la chaleur du public, l'intimité dans la foule. Alors le public vient de toute la France. Des cars entiers arrivent de Bretagne, d'Alsace, de Lyon. Des gamins avec des t-shirts marqués Minoritaire. Des couples qui se tiennent la main pendant Il changeait la vie. Et des larmes qui coulent au coin des yeux pendant Comme toi. Le show, lui, est millimétré mais sans chichis, c'est pas du Johnny. Pas de flammes, ni de cascades. Juste Goldman, ses potes musiciens, sa guitare rouge et des mots qui vont droit au cœur. En ce mois de juin, dans un Paris encore un peu noir de la désillusion du grand rêve Mitterrand, Goldman donne treize concerts avec chaque soir, un public qui chante toujours plus fort que la veille. Et c'est peut-être ça, le vrai miracle de juin 1988. Ce n'est pas la performance, ni les ventes de disques. C'est ce moment suspendu où la France chantait en chœur, sans cynisme, avec un gars qui n'a pas besoin de costume à paillettes pour briller. Comme il le dit dans une interview qu'il donne pendant la série, ce sont les spectateurs qui m'ont appris la scène, qui me l'ont fait aimer. A priori, je suis le contraire d'un homme de scène. Gauche, lent à la répartie, introverti. Mon énergie, c'est celle qu'ils me communiquent. Mon plaisir, c'est celui de passer une soirée ensemble, autour de choses qui touchent. C'est pourquoi je ne cherche pas à jouer devant des « curieux », à racoler le plus de monde possible. Oui, je sais, on a vécu la même expérience quelques mois plus tard à Bruxelles, à Forest National. Six soirées consécutives fin novembre, début décembre et trois supplémentaires en janvier suivant qui feront dire à un journaliste : si Michael Jackson met des mois à réunir 60000 Belges pour un soir, Jean-Jacques Goldman a vendu 72000 tickets à la vitesse de la lumière. Sans doute est-ce parce que le public sent que Goldman fait ça par plaisir et pour aucune autre raison. Les gens savent qu'il est allé jouer au Congo, dans les îles, là où il n'y avait pas un franc à gagner, et parce que ses musiciens étaient OK d'y aller. Jouer, être avec les autres. Le plaisir, et rien d'autre.
Le 16 juin 1972, le disquaire, c'est un autre monde aujourd'hui disparu mais alors un point de passage obligé pour presque tout le monde. C'est là qu'on se procure ces chansons magiques qu'on a entendues à la radio, dans un juke-box, dans une émission de variétés à la télé ou chez des copains. Et puis il y a ceux, des passionnés, qui s'y rendent pour se renseigner sur ce qui vient de sortir, écouter un extrait et si ils accrochent, ils achètent et rentrent chez eux avec leur nouveau trésor. Car c'est ça la musique en 1972 : un bien précieux. Et si la pochette est belle, c'est encore mieux. Et justement, en parlant de pochette, sur ce 33 Tours qui vient d'arriver chez le disquaire, on voit un type pâle, les cheveux couleur feu, poser dans une ruelle sombre avec la guitare nonchalamment en bandoulière. Et puis gros plan à l'arrière dans une de ces fameuses cabines téléphoniques rouges, c'est sûrement Londres. Le gars, on dirait un acteur échappé d'un film de science-fiction. Le titre de l'album est à rallonge en plus, c'est pas une première mais il est intriguant quand même : The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars. Oui, tout ça. Le chanteur se nomme David Bowie. Certains le connaissent. Il a déjà sorti pas mal de disques mais bon, c'est un second couteau qui n'a pas bien choisi son camp, entre rock, folk, expérimental, cabaret, bref il est aussi flou que la photo de la pochette de ce disque. Et là, il fait le coup de l'album concept façon Sgt Pepper des Beatles. Il pousse même un peu plus loin car cela semble raconter toute une histoire, celle d'une rockstar, un messie déchu, prophète de notre décadence. Ah bon ? On est décadent ?Mais ce qu'on ignore ici c'est que David Bowie ne fait pas que raconter une histoire : il la vit de l'autre côté de la Manche, soir après soir sur scène, maquillé comme une drag-queen samouraï. Et le public britannique devient fou. En Belgique et en France, on ne va pas comprendre tout de suite. Trop bizarre, trop anglais. Mais dans les chambres d'adolescents, le disque commence à tourner, on s'en parle en classe ou à l'intercours. Car Ziggy est le premier vrai héros pop à dire : sois toi-même, même si ce “toi-même” vient d'une autre planète. Imaginez le choc pour tous ceux qui vivent à l'intérieur d'eux-mêmes, avec la peur de l'extérieur, de ce qu'on va dire. Et puis tous ceux qui, à cet âge, rêvent d'être quelqu'un d'autre, fantasment en s'endormant chaque soir dans la maison familiale remplie de silence et d'ennui.There's a starman waiting in the sky… dit la chanson qui vient de sortir en 45 Tours. Personne pour imaginer que des décennies plus tard, elle sera utilisée dans une campagne de pub pour des télécoms. Ni que David Bowie sera alors un artiste connu de tous. Et respecté. Ce qui ne va pas être le cas, ni en cette année 1972, ni les suivantes, où il y aura plus de gens pour le détester que l'apprécier. Et encore moins que cet album sera un jour considéré comme un des plus grands de l'histoire. Mais quelle histoire ? Tout cela n'est que du présent, et de l'émotion, ce 16 juin 1972. D'ailleurs, ce soir, vous l'avez vu, cet homme des étoiles, juste avant de vous endormir avec le casque sur les oreilles. Et il vous regardait.
On ne peut pas parler des Rolling Stones sans penser à leur incroyable succès aux Etats-Unis. L'histoire entre le groupe et ce pays a été et reste légendaire. Là-bas, les Stones, c'est une religion. Et pourtant, l'avez-vous remarqué, on ne parle jamais de leur première venue aux Etats-Unis. On devrait ! Regardez les Beatles, vous voyez tout de suite ces images folles de milliers de jeunes gens qui les accueillent en criant à l'aéroport, les scènes de poursuite dans les rues, les records d'audience télé au Ed Sullivan Show. Et les Stones, alors? Et bien, ils arrivent à JFK en juin 1964, quatre mois après le phénoménal déclenchement de la Beatlemania. A l'aéroport, des filles crient quand ils montent dans les limousines, quelques motards les escortent, on y est. Enfin, pas tout-à-fait car le Ed Sullivan Show n'a pas voulu d'eux et là, ils auraient dû se méfier. Car pour leur première télé, à Los Angeles, c'est un show de seconde zone, les Stones découvrent au dernier moment qu'ils vont chanter entre deux numéros de cirque. Ils sont de plus présentés par un animateur ringard et ivre qui dit aux téléspectateurs que le gars du numéro de trampoline après eux c'est leur père qui essaie désespérément de se tuer. Dans une autre émission, c'est le chanteur comédien Dean Martin, partenaire de Frank Sinatra, bourré lui aussi, qui les traite de singes. Puis commence la tournée dans des endroits du perdus du Texas, Minnesota, Nebraska, Michigan. Les Stones ne sont pas encore connus, alors leur équipe a pris les engagements qu'ils ont trouvés. Ils jouent en attraction, ici avant un groupe country, là dans un rodéo où le public qui a du mal avec les cheveux longs, leur demande s'ils sont les Beatles ou s'ils sont des gonzesses. T'as vu, y a une puce qui vient de sauter de la tête du guitariste. Ouais ils puent tellement qu'elles ne tiennent pas le coup. Et quand ils sont en vedette, les auditoires sont vides. Ou presque. 600 personnes dans une salle qui peut en accueillir 10.000. Alors les Stones font tout pour que le public ne regarde pas derrière, et ils jouent plus fort pour que le courant passe. Comme dit Keith Richards, Nous sur scène, on voit une grande grotte vide mais eux sont comme à un mariage, ils regardent les mariés.Oui, en ce mois de juin 1964, les Stones en bavent lors de leur première tournée américaine, ils en sont encore à apprendre le métier, à entrer par la petite porte. Mais en voyant le public accrocher à leur musique, lire le bonheur sur les visages, ils prennent de l'assurance. A force de jouer, leurs disques montent de la 80ème à la 60ième place pendant que les chansons des Beatles occupent les cinq premières. Ils sont un peu sauvés à New York par l'animateur radio que John Lennon a lui-même contacté pour qu'il daigne assurer leur présentation. Il a attiré du monde, la salle est pleine. L'année prochaine, la sortie de leur Satisfaction changera tout, les Stones feront au moins deux tournées par an et en 1978, ils en seront déjà à leur première tournée des stades. Mais le 22 juin 1964 quand leur avion atterrit à Londres de retour de la Terre promise, Keith Richards a dans sa valise un revolver du même calibre que celui qu'un policier lui a braqué sous le nez avant un concert car il refusait de vider dans les toilettes des loges un verre de whisky coca.
Hé les amis, vous savez quoi ? Je vous emmène passer la soirée avec les frères Gallagher. Non, sérieux ! C'est pas d'hier que je traîne dans tous les coins de la Grande-Bretagne. Bon je veux pas vous obliger, hein, faut que vous aimiez les cendriers pleins, les verres cassés, les éclats de voix avec les Beatles à fond. Allez, on vous ouvre la porte de leur QG à Londres, ou de la grande baraque de Supernova Heights, tiens. C'est celle de Noel, on dit Nole en anglais, et Noel Gallagher, c'est le cerveau, l'auteur de Oasis. Et Oasis, c'est pas juste un groupe. C'est une bande. Et surtout, impossible de l'ignorer, deux frères ennemis qui vivent entourés comme des caïds de Manchester. On n'entre pas là comme dans un moulin. Non, mais on débarque pour s'y éclater, entre mecs, avec les potes d'enfance, les roadies, les musiciens, des fans sélectionnés — ou parfois juste ramassés en fin de soirée au pub. Mais attention, pas de rendez-vous chez les Gallagher. Faut tomber au bon moment. Et une fois dedans, pas question de rester coincé dans l'entrée. On vous file une bonne ale, on s'assoit sur un canapé écrasé par cent derrières depuis 1994, et on vous passe la dernière démo de Noel ou un live pirate de leur dernier concert. Il n'est pas impossible de tomber sur Johnny Depp, parfois, ou sur Kate Moss qui cherche Liam dans la cuisine. Parce que Liam, lui, il squatte la cuisine. Il parle peu, marmonne beaucoup, toujours avec une clope en main et un regard d'enfant jaloux dans un corps d'adulte. Liam, c'est le feu. Le charisme, le front en avant. Il chante à travers les murs, des vieux trucs de Lennon, parfois même du Slade, et il fout la paix à personne. Noel, lui, c'est la salle de musique. Casque sur les oreilles, guitare sur les genoux, il compose. Il y en a toujours un qui bosse et un autre qui fout le bordel. Et vice versa.Entre les deux, ça claque. Littéralement. On a vu des verres voler, des amplis aussi. Même qu'une fois, un Brit Award a fini dans l'aquarium. Mais faut pas croire, ils s'aiment. À leur manière. Des frères, quoi. Avec des coups dans le dos et des câlins qui finissent en prise de catch. Un jour, on a trouvé une lettre d'amour de Liam à Noel. Deux lignes bourrées de cœurs et de fautes. On a cru à une blague. C'en était pas une. Ah, et les objets ? Parlons-en. Des centaines de lunettes rondes à la Lennon, pour Liam, alignées sur un meuble Ikea. Des guitares à moitié pétées que Noel refuse de jeter. Et des baskets Adidas neuves, jamais portées. Parce que faut que ça claque, même aux pieds, comme dit Liam. Et puis le jukebox qui marche une fois sur deux et où on trouve des 45 Tours de Bowie, The La's, Stone Roses et un seul disque de Blur. Rayé. Volontairement.Oui, ce soir, chez les Gallagher, ça va encore fumer, gueuler, chanter et rigoler jusqu'à pas d'heure. Demain on s'insultera dans la presse ou on se battra dans les loges. Oasis, c'est pas une success story. C'est une tragédie rock à deux voix. Et c'est p'tet pour ça qu'on les aime, ces sales gamins.
Paris, 1966. Le rideau tombe sur la scène de l'Olympia, où Jacques Brel vient de livrer une fois de plus, un récital bouleversant. Le public, encore sous le choc, applaudit à tout rompre. Brel, épuisé mais exalté, quitte les coulisses sans un mot, son regard déjà tourné vers la nuit qui s'ouvre. Il retrouve ses amis dans un bistrot discret de Montmartre, un lieu qu'il affectionne pour son ambiance chaleureuse et son absence de prétention. Autour d'une table de bois usée, les verres se remplissent et la conversation s'anime. Brel, toujours en quête d'authenticité, écoute autant qu'il ne parle, car il ne peut s'empêcher d'observer les visages et de capturer les émotions. On ferme ! Oh non ! Brel insiste pour avoir le petit dernier en forçant un accent brusseleir mais ça ne marche pas, alors rentré dans son immeuble, il va réveiller Georges Brassens, son nouveau voisin de palier. Les deux artistes et amis de longue date échangent des histoires, des nouvelles et des rires. La nuit avance, la bouteille se vide, mais l'énergie ne faiblit pas.Cette fois, il n'est plus d'heure, Brel suggère de continuer la soirée chez lui, où quelques bouteilles de Chartreuse les attendent. Brassens refuse mais Brel insiste. Chez Brel, la musique reprend, les discussions s'intensifient, Jacques en est à la philosophie, aux grands sermons, il s'emporte, refait le monde, il est vrai qu'il n'a pas besoin d'aller jusqu'au bout de la nuit pour livrer sa version définitive du sens de la vie. Ce n'est pas que l'homme soit méchant, en définitive, mais il est toujours perdant à vivre avec les autres, non ce qu'il faut c'est être libre … Mais à l'aube, il est seul, Brassens, épuisé, s'est endormi sur le canapé. Brel le raccompagne à son appartement, non sans difficulté, et alors qu'il le couche, Brassens ouvre un œil et murmure : Je prendrais bien un petit dernier ! Le lendemain soir, Jacques se rend dans son restaurant favori. Il est rentré à Bruxelles dans la journée. Assis à sa table favorite, il déguste des croquettes de crevettes, son plat préféré, tout en prenant des notes dans un carnet. Il note des idées, … Une nouvelle chanson ? Il ne sait pas encore. Il observe les clients, le personnel, en écoutant les conversations autour de lui. C'est dans ces moments de solitude et de réflexion que naissent ses plus belles histoires. Ainsi vous avez assisté à une soirée classique avec Jacques Brel : entre passion, amitié, musique et recherche incessante de vérité. Un homme loin d'être parfait mais qu'il ne revendique pas, non, il est profondément humain, toujours en mouvement, toujours en recherche, laissant derrière lui des femmes tristes mais des souvenirs impérissables.
Nous sommes à la fin des années 80 dans les rues de San Francisco. Le quartier animé du Castro, où une jeune artiste venue du Massachusetts, vit dans une petite chambre sans fenêtre. Qu'est-elle venue faire loin de sa côte est et de New York ? Elle est artiste, d'accord, mais alors pourquoi pas Los Angeles, là où tout se passe. Et en effet, le jour, elle travaille comme serveuse pour le soir, arpenter les rues avec sa guitare, jouant ses compositions originales aux passants qui sont, il faut bien le dire, beaucoup plus réceptifs aux artistes et à la musique folk dans cette ville où est né, 25 ans plus tôt, le mouvement hippie. Ce soir-là, elle se produit au Nightbreak, un club de Haight Street aujourd'hui disparu mais à l'époque réputé pour sa scène alternative, et aussi son vin californien, ses bières mexicaines et jamaïcaines, je peux en témoigner, j'y ai traîné au même moment. Elle m'a peut-être servi, cette demoiselle dont vous devinez qu'elle n'y est pas restée, dans ce bar. La salle est modeste, mais l'ambiance électrique, c'est pour ça qu'on y vient ou que d'autres nous y emmènent. Linda, j'ai oublié de vous dire que la jeune fille se prénomme Linda, monte sur scène, coiffée d'un chapeau particulier dans le Massachusetts mais ici c'est ok. Et elle entame une chanson qu'elle a écrite dans sa chambre, vous savez la petite chambre sans fenêtre dont je viens de vous parler. Dans le public, un gars qui rame assez bien pour le moment. Il s'appelle Stephan Jenkins, et il est dans le désordre le futur leader de Third Eye Blind, un groupe pré grunge qui va vendre des millions d'albums, et qui sera par après le compagnon de Charlize Theron et de Vanessa Carlton. Mais pour le moment, il est juste rien, enfin il est lui, ce qui est déjà pas mal avec ce que je viens de vous dire et il est captivé, le gars. À la fin de la prestation, il l'aborde, et les voilà à discuter de leur vie qui commençait, comme disait la chanson de Michel Fugain. Elle lui rejoue son What's Up?, car vous avez deviné qu'il s'agit de Linda Perry des 4 Non Blondes, et lui son Semi-Charmed Life. Ils ignorent évidemment que ces chansons deviendront immortelles, ce qui ne rend l'instant présent que plus beau.Après ça, Linda et quelques amis se dirigent vers le Paradise Lounge, un autre endroit emblématique de la scène musicale de San Francisco. Là, elle improvise un mini-set acoustique, captivant l'audience évidemment, avec sa voix et puis ses textes. La nuit se termine dans un café du Mission District, où artistes et musiciens se rassemblent pour discuter, partager des idées et rêver de succès. Linda, bien que fatiguée, est inspirée. Elle griffonne des paroles sur une serviette en papier, peut-être les prémices d'une future chanson à succès.
Il fut un temps où, si vous vouliez passer une soirée avec Coluche, c'était possible, et sans payer votre ticket de théâtre, quand il était à l'affiche. Si vous étiez copain avec lui, ou le copain d'un copain, il suffisait de sonner à la porte de sa maison, à Paris. Ah ils sont très nombreux à connaître la façade carrée de briques rouges du numéro 11 de la rue Gazan, avec la cour jardin sur le côté gauche, derrière une grille où on gare les motos et mobylettes.Oui, il a beau être devenu une star, Coluche a gardé le plaisir, l'instinct de vivre en meute. Il est d'ailleurs interdit de prendre rendez-vous, de demander l'autorisation de passer et obligatoire de s'asseoir, boire un coup et accepter la bouffe qu'on va vous servir. L'installation parle d'elle-même : la juxtaposition des divans devant la télé, la série de chaises de bistrot et de chaises longues vous appelle quand vous entrez dans la salle de séjour, très éclairée. Il y a beaucoup de chance que ce soit Gérard Lanvin qui soit venu ouvrir la porte. Oui, le comédien qu'on a tous vu dans le terrible film, Tir groupé, et qui nous a fait rire dans Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine. Gérard habite là. Car c'est Coluche qui l'a emmené dans le métier, l'a tiré des puces de St Ouen où il vendait un tas de trucs. Au début Gérard conduisait la voiture, la camionnette, décrochait le téléphone, faisait un peu tout. Puis il a construit un café théâtre avec d'autres potes, Le Point Virgule, c'est lui qui y a fait entrer tout le bois des banquettes et du balcon. Puis Gérard a fourni des vannes à Coluche, pour le spectacle mais aussi les émissions de radio. Et même quand Véro est partie, Gérard est resté, enfin, un temps, on ne va pas s'attarder. Mais suivons-le, entrons … Le coude sur la table, une cigarette à la main et un verre de whisky devant lui, c'est Eddy Mitchell, bien sûr, le grand pote, avec Renaud, pas loin, avec un demi ou un pastagard. C'est le cercle rapproché des chanteurs, car la musique, ça le botte, Coluche, il aurait tant voulu être chanteur. Il a même monté un studio d'enregistrement dans la maison. Pour lui, oui, et que les copains utilisent pour enregistrer leurs trucs, ah ils se démerdent entre eux, dit Coluche, j'loue pas, j'suis pas dans l'commerce, moi. On ne peut pas s'empêcher de s'attarder un instant sur les casques de motos sur l'appui de fenêtre. Pourquoi il y en a tant ? Un pour chaque moto ? Non, un pour chaque usage. Enfin bref, passons, le présentoir à lunettes est beaucoup plus fun. Ça a commencé bêtement parce qu'il les paumait, ses lunettes, alors il en avait toujours plusieurs paires. Et pour rigoler, un copain lui a un jour offert un présentoir qu'il s'est mis en peine de garnir complètement. Ah oui, tous ses potes lui apportent un tas de trucs quand ils viennent. Alors, il ne les jette pas, du moins tant qu'y viennent, comme il dit. Et comme il faut les distraire, tous ces camarades, il y a deux flippers sur lesquels Mick Jagger et même Jack Nicholson ont joué, oui monsieur, et puis la table de ping pong qui remplace la piscine dans laquelle on s'est bien marrés mais au bout d'un temps, on a fini par ne plus y aller. C'est comme tout, hein, on se lasse.Oui, ce soir, chez Coluche, on va encore parler, rigoler jusque tard dans la nuit. Demain n'existe pas quand on est une bande de jeunes et qu'on se fend la gueule …
Munich, début des années 80. Freddie Mercury y séjourne régulièrement dans un petit appartement meublé que lui a dégoté son amie Barbara Valentin, star allemande du cinéma, égérie du réalisateur Rainer Fassbinder. Barbara adore faire la fête, comme Freddie qui adore Munich. Il aurait pu, comme David Bowie, aller à Berlin où on connaît le chemin qui mène au bout de la nuit mais voilà, Freddie a atterri dans la capitale bavaroise pour des raisons professionnelles : pour travailler avec le producteur Reinhold Mack qui s'est notamment illustré sur tous les albums à succès d'Electric Light Orchestra. Et donc c'est en découvrant le studio de cet ingénieur du son qui va renouveler le son de Queen en 1980 que Freddie constate à sa grande satisfaction qu'en plus des soirées sans fin, on le laisse tranquille quand il marche dans la rue, s'assoit dans un café. Pas de chasseurs d'autographes comme à Londres, et surtout, pas de photographes d'impitoyables tabloïds britanniques.Et donc ce soir, tout commence dans un grand restaurant. Ambiance chic, couverts en argent, Freddie est invité par des gens qui veulent lui parler affaires. Freddie s'ennuie rapidement. Il soupire. Et quand l'un des convives ose faire une blague sur son look, Freddie se lève, balance sa serviette et sort. Rideau. Le voilà dans la rue sous les lampadaires, habillé en rock star, perfecto noir, lunettes fumées et bottes de cuir, quand au coin de la rue, il entend de la musique. Des rires. C'est une fête, étudiante, on dirait. Freddie sonne à la porte. On ouvre. Le reconnaît-on ? Il n'en sait rien. Son nouveau look cheveux courts et surtout moustache n'est pas encore vraiment connu de tous. Et puis des moustaches comme la sienne, en Allemagne, à cette époque, il y en a à tous les coins de rue. Alors Freddie entre, prend une bière, s'assoit avec les autres, discute, rigole. Puis, il entend quelqu'un jouer sur un piano droit, s'approche, demande si il peut, s'installe et joue Bohemian Rhapsody. La salle se fige, murmure. Puis explose. Tout le monde chante. Freddie monte sur une table, improvisant un récital improbable devant une trentaine de jeunes gens ébahis. Et vers quatre heures du matin, c'est lui qui sert les bières derrière le bar, blaguant, hilare, avant de filer au petit matin en lançant un : Thanks for the party, darlings! C'est ça, Freddie Mercury. Chanter devant dix mille spectateurs ou trente convives, ça reste le même plaisir. Et si cette histoire qui circule et que j'ai enjolivée n'est pas tout-à-fait exacte, quelle importance. Elle a forcément eu lieu. J'ai assez assisté à des scènes de ce genre pour savoir que c'est arrivé et que ça se produit encore, enfin peut-être plus parce qu'aujourd'hui des gens sortent aussitôt leur portable pour filmer. Freddie n'aurait pas aimé car ce qu'il appréciait par-dessus tout, c'était de vivre, faire la fête, pas la regarder. La vraie vie, quoi.
Quand on milieu des années 90, une chanson intitulée One of Us, se met à tourner en radio et qu'on découvre la jeune femme qui l'interprète dans un clip, on se dit qu'on va faire connaissance avec l'artiste, que ce n'est que le début de son histoire avec nous. Et pourtant ce n'est pas ce qui va se passer car, vous le savez, que sait-on de Joan Osborne dont on n'a retenu, finalement, que cette chanson. Et bien déjà, sachez qu'elle n'aurait jamais dû être une star de la musique. Car quand à la fin des années 80, Joan quitte son Kentucky natal pour étudier le cinéma à New York, rien, absolument rien, ne la prédestine à se retrouver un jour au sommet des charts, aux côtés de Madonna et Michael Jackson.Mais voilà, un soir, dans un club de Manhattan, ses amis la poussent à prendre le micro. La voix sort. Râpeuse, chaude, habitée. Le public est scotché. Joan vient de trouver sa voie et sa voix. Et là, c'est le coup de théâtre. Un musicien de Philadelphie, Eric Bazilian, écrit une petite chanson, presque pour rire, pour séduire une fille. Il n'y croit pas une seconde. Mais son producteur, Rick Chertoff, entend le truc et se dit : Et si Joan la chantait ?La suite est fulgurante. En 1995. L'Amérique, puis nous, découvrons son One of Us. Une guitare qui traîne, une voix pleine de spleen, avec cette question insolite : Et si Dieu était l'un de nous ? Juste un paumé comme nous… Dans un monde qui court après le progrès, Joan Osborne lâche une bombe douce : un morceau spirituel, presque naïf, qui fait le tour du monde, plantant le doute dans la tête des croyants comme des sceptiques. Le clip passe sur MTV, on l'entend dans les cafés, les pubs, les voitures. Joan est partout. Elle est tout en haut de l'échelle de Jacob. Mais jamais elle ne fera mieux.Et c'est peut-être ça, le plus beau. Joan Osborne n'a jamais couru après le tube suivant. Elle a préféré suivre sa route : jouer du blues, reprendre du Dylan, chanter du gospel, être sur scène. Une carrière à contre-courant, à hauteur d'âme. One hit wonder ? Comme disent les Américains. Peut-être. One of a kind ? Comme disent les Anglais. Sans aucun doute.
On a peu d'images des shows de Claude François, ce qui est bien dommage entre parenthèses car il est de loin, la plus grande bête de scène que le métier français ait connu. Mais, vous le savez sans doute, la tension était les jours de concert aussi élevée que le niveau d'énergie dépensé, alors cette image de Claude François sermonnant rudement son éclairagiste n'est pas passée inaperçue depuis cette année 1977 où elle a été captée par une équipe de télé. Et bien, figurez-vous que cet éclairagiste qu'on ne voit pas à l'image, se nomme Philippe Timsit. Et que, quelques mois plus tard, ce jour fatal du 11 mars 1978, il se retrouve sans boulot car il tournait énormément avec Cloclo. Alors, puisque dans le domaine de la variété, on a déjà tout vu en France, comme un laveur de voitures qui devient vedette de la chanson, alors pourquoi pas lui ? Philippe en parle à Paul Lederman, l'agent de Claude François qui lui dit, OK ! C'est vrai, il écrit de chouettes chansons, Timsit, voyons ce que ça va donner. C'est ainsi que paraît en 1979 le premier 45 Tours de Philippe Timsit qui n'a aucun succès, tout comme le suivant. Il faut dire que les textes sont un peu légers, c'est du déjà entendu. Mais le chanteur a un style et une voix différente. Il vend bien son texte. Faut juste qu'il ponde celui qui va vraiment émouvoir. Et puis il a un son, aussi. Grand bien lui prend, à son producteur, de persévérer car en 1981, c'est la bonne pioche avec cette chanson mélancolique qui parle d'un temps révolu, celui des yéyés au Golfe Drouot où beaucoup de stars sont nées mais où d'autres musiciens n'ont pas réussi à trouver la lumière, ou la garder sur eux. Et c'est le cas d'Henri, qui habitait Porte des Lilas et qui se rappelle au bon souvenir de quelqu'un, à vous de l'imaginer, de cette époque lointaine où il a été sous les feux de la rampe et dont les souvenirs se sont figés. C'est la même inspiration musicale, la même façon de chanter mais cette fois, le disque interpelle, accroche dès la première écoute et paradoxalement, cette histoire de loser vaut un immense succès à Philippe Timsit.Un succès sans lendemain, les disques suivants ne fonctionnent pas, alors, comme il connaît très bien ce métier de l'intérieur, Philippe retourne à son métier de régisseur pour les plus grands, de Michel Sardou à Claude Nougaro en passant par Michel Fugain. Combien de fois s'est-il repassé cette histoire dans sa tête à l'ombre de ceux à qui il donnait la lumière ? On ne le saura jamais, mais il nous a laissé un sacré testament avec cette histoire que combien d'artistes ont vécu avant de disparaître du showbiz.
Si je vous dis, Spin Doctors, vous allez probablement répondre Quoi ? Mais si je vous mets le disque … j'entends déjà les ah oui, ça ! Quel énorme tube au début des années 90 pour ce groupe sorti de nulle part, et pour cause, il fait partie du mouvement qu'on a appelé le rock alternatif. Peu importe finalement le nom qu'on lui donne, ce qui compte, au début des années 90, c'est le succès fulgurant des groupes Nirvana et Pearl Jam, tous deux sortis de la même ville du fin fond des Etats-Unis qui réveille subitement les géants de l'industrie du disque. Et oui, elles n'en avaient plus que pour le Hip hop et le Rap, d'un côté, et le métal de l'autre. Et au milieu ? Et ben, il y a une foule de groupes rock qui se font éditer par des labels indépendants, locaux, à cause de leur manque d'intérêt. C'est d'ailleurs de là que sort Nirvana.Alors quoi ? Qu'est-ce que vous attendez ? disent les boss des grandes boîtes à leurs chercheurs de talents qui déjà découvrent qu'ils ont plein de groupes dans leurs écuries et que ça serait bien de mettre des sous sur leur nouvel album, genre Faith No More … et bien sûr ils signent tout ce qui bouge, ou presque.Dans le cas des Spin Doctors, ils n'ont pas dû aller bien loin, ils sont de New York. Et leur musique est un mélange de musique rock, funk, punk, on ne sait pas bien mais c'est ce qui est à la mode, la fusion, alors, on les pousse ? Et voilà que leur album sorti l'année précédente décolle au son d'un single qui, il faut bien ce qui est, est d'une efficacité redoutable. Mais si vous ne faites rien pour le faire entendre, évidemment, il ne se passera rien pour eux ou pas grand chose. Y a pas encore internet en 1992.Et ainsi du jour au lendemain, on voit les Spin Doctors, notamment sur MTV qui est en demande de clips depuis que tous les mômes sont en pâmoison devant les vidéos de Nirvana et Pearl Jam. On glisse le titre sur les compiles aussi, même si c'est une compile grunge, hein, allons-y, ils ne verront pas la différence. Ben si, justement, il y a une différence, les Spin Doctors, c'est un groupe rock tranquille comme les Soul Asylum et les Counting Crows, tiens, qui vont être poussés de la même façon. Ca vous dit quelque chose ? Je vous fais entendre … Et c'est vrai qu'on les entendus partout et qu'on n'a pas fait l'effort promo avec l'album suivant évidemment, on avait fait entrer trop de monde dans la maison pour les pouponner tous, ces bébés. Alors on n'a plus entendu parler des Spin Doctors, Chris Barron, le chanteur, a aussi eu un problème aux cordes vocales, ce qui n'a pas aidé. On aura eu le temps de les voir à Werchter, sur la grande scène bien sûr, et de pogoter comme des malades sur leur titre, Two Princes. Je dois rappeler des souvenirs à certains, on était quand même nombreux cet été-là, y avait Rage Against the Machin, Peter Gabriel et Aerosmith qui jouaient juste après. Alors on se le refait ce Two princes des Spin Doctors ? Ça veut dire quoi ? C'est des gars qu'on appelle au secours quand il faut rectifier la mauvaise posture d'un homme politique, façon de dire que ces gars font de la musique comme un discours.
Avec sa voix et ses intonations soul retro qu'on dirait tout droit sorties d'un enregistrement de la Motown des sixties, Duffy a illuminé la fin des années 2000. Vrai, d'où sortait cette fille pour se hisser à la hauteur de l'inimitable Amy Winehouse ? Quels débuts fracassants avec cet album vendu à plus de six millions de copies et je ne vous parle pas de son propre pays où elle est un véritable phénomène avec son premier single écoulé à 500.000 exemplaires. Un demi-million de CD singles en 2008, vous vous rendez compte ?Duffy, c'est son vrai nom, son nom de famille, se prénomme Aimée. Un patronyme bien français mais on ne s'en étonne au Royaume-Uni, même au Pays de Galles, une région en retrait mais qui a quand même donné son lot de stars. Si je vous dis Tom Jones, les Stereophonics ou Bonnie Tyler, on y est. Et finalement, n'est-ce pas de ces embruns venus de l'Atlantique et des hautes plaines du pays gallois que vient ce grain dans la voix et ce souffle particuliers qu'ont ses habitants quand ils chantent. Et qui vous fait dresser les poils, venir la larme à l'oeil quand ils poussent en plein refrain. Duffy est de cette race d'interprètes. Comme beaucoup de Britanniques, elle a grandi avec une maman dingue de soul américaine. Vous n'imaginez pas à quel point cette musique est populaire en Grande-Bretagne, c'est comme la génération yéyé en France, c'est pareil. Et puis brusquement, un traumatisme pas banal à l'adolescence. Comment, à 14 ans, gérer son stress, le sentiment d'insécurité particulièrement quand la police vous exfiltre de chez vous pour vous cacher car elle a découvert que l'ex-femme de votre beau-père a engagé un tueur à gage pour l'assassiner ? Duffy part vivre chez son père, sa mère et ses soeurs coupent les ponts avec elle, elle devient une adolescente rebelle qui s'adonne au binge drinking comme beaucoup de filles de son âge d'ailleurs, un fléau qui s'abat sur les îles britanniques au début du siècle et que le pays va avoir du mal à gérer. Heureusement qu'il y a la musique, qu'elle a dans le sang, et qui la suit durant toutes ses années d'études. C'est ainsi que revenue dans son Pays de Galles après des années d'études supérieures, Duffy participe à une émission de télé locale à la recherche de nouveaux talents. Aimée Duffy termine deuxième et sort un EP qui lui sert de carte de visite.C'est ainsi que naît le fameux album Rockferry. Bye Bye le job de serveuse et d'employée dans une poissonnerie, la voilà propulsée révélation mondiale, multipliant les singles et établissant son nom. Un feu de paille malheureusement. Que se passe-t-il ? L'album suivant ne tient pas les promesses du premier. Suivi par un début de carrière au cinéma et puis plus rien. Duffy disparaît. Elle dira bien plus tard avoir été séquestrée dans un pays à l'étranger, on n'en sait pas plus mais toujours est-il qu'il n'y a pas eu de suite à ce début de carrière éblouissant. On attendait d'elle de prendre la place d'une Amy Winehouse dont le parcours dramatique ne lui a pas non plus permis de dépasser le cap du deuxième album. Reste ce tube gigantesque et tous les autres de l'album Rockferry, indispensable, et cette merveilleuse chanteuse au look de Brigitte Bardot des années 60. Elle s'appelait Duffy, elle avait un talent fou.
L'autre jour, je fouillais dans les 45 tours que j'ai achetés dans les années 80 et dont une bonne partie tourne sur Nostalgie depuis 25 ans et je me disais qu'on sait finalement peu de choses, sinon rien, sur la majorité des artistes dont les chansons, du moins certains, sont devenues des classiques. Regardez Elegance, le groupe dont le tube ressort inévitablement chaque été avec le même bonheur. Parce que c'est clair qu'on s'y voit ou qu'on s'y revoit sur le chemin des vacances dès le premier couplet. C'est d'ailleurs une des forces imparables de ce titre qui fait partie de la légende des années 80. Mais finalement qui est-ce ? Vous pourriez ne fut-ce que dire combien ils étaient ces gars-là ? Je vous raconte.En 1981, grâce à Chagrin d'amour, la preuve est faite qu'on peut faire du funk et même du rap en français avec bonheur. Est-ce cela qui motive trois jeunes gens qui oeuvrent dans la musique à se mettre ensemble pour tenter de faire le même coup ? Allez savoir. Toujours est-il que Marc Ricci, Pierre Zito et Patrick Bourges décident de former Elegance pour nous emmener dans un univers nettement moins borderline. Ils ont respectivement 22, 26 et 18 ans et chacun apporte son expérience. Marc est DJ au Palace à Paris et au Papagayo à St Tropez, c'est la grande époque des platines, du funk et du hip hop mais aussi les remarquables débuts des rythmes automatiques de la new wave. Marc a tout entendu de Prince, Earth Wind & Fire et Orchestral Manoeuvres, alors pourquoi ne pas marier les deux en faisant un truc très groovy avec des synthés ? Pierre est musicien, claviériste, c'est sur lui que va reposer la composition des mélodies. Patrick, lui, est chanteur, il va assurer les refrains car les couplets vont être slammés par le DJ, Marc, qui connaît la musique, c'est le cas de le dire. Inutile de vous dire que le mariage de ces trois talents fait de cette chanson sans prétention, hein, un truc définitif, tellement qu'aucun d'eux n'imagine alors qu'elle fera encore du bien à tout le monde, plus de 40 ans après.Et en parlant d'après, je sais ce que vous pensez, ils n'ont plus rien fait. Ben si, justement, pas mal de 45 Tours avec Élégance, déjà. Au moins un par an. Mais aucun ne rentre dans le Top 50. Est-ce le manque d'envie, d'inspiration, du vite fait, de la paresse, on n'en sait rien mais force est de constater si tous sont bien réalisés et balancés, ça ne fonctionne pas, du moins pas de la même façon que ces vacances qui leur ont valu de vendre un million de singles en 1982. Oui, je sais, j'en entends certains qui disent : il va oublier de dire que la chanson a été arrangée par François Feldman qui était alors inconnu. C'est vrai mais il a aussi travaillé sur d'autres titres d'Élégance, donc. Marc est retourné à ses platines, et avec quel succès car quand l'ère des DJ est venue, ben, il a cartonné avec les fameux Hotel Costes et les compiles du même nom, et puis des chansons pour beaucoup d'interprètes de Marc Lavoine à Yannick Noah en passant par Alain Chamfort et Chimène Badi. Quant à Patrick, il a aussi écrit, avec Pierre, pour d'autres, comme le fameux Un enfant de toi de Phil Barney. Élégance s'est séparé en 1986 mais on ne les a pas oubliés, en tout cas pas le nom de leur groupe.
Pourquoi aller au Festival de Cannes quand on est artiste mais qu'on n'a rien à y vendre ? C'est ce que doit se dire Serge Gainsbourg en ce mois de mai 1974 où malgré vingt années de métier et un unique immense tube international en 1969, il n'est toujours pas une star. Ses récents albums Histoire de Melody Nelson et Vu de l'extérieur n'ont pas marché du tout et ça lui a fait mal. Il était pourtant sûr d'avoir fait œuvre de nouveauté, de culot. On a beaucoup entendu Je venu te dire que je m'en vais à la radio, mais c'est tout. Aucune reconnaissance du public si ce n'est ceux qui élèvent la voix pour dire qu'ils n'aiment pas Gainsbourg, ce gros dégueulasse. Par contre, pour Jane, tout va bien. C'est un peu elle qui fait bouillir la marmite à leur domicile, rue de Verneuil. Les disques qu'il lui écrit marchent bien et surtout, Jane est devenue une star du cinéma : trois films l'an dernier et cinq cette année dont un actuellement en tournage, pas loin de Cannes, avec Pierre Richard (et qui entre parenthèses va connaître un succès considérable). Alors Cannes, c'est plutôt une évidence pour Monsieur Birkin, comme certains commencent à dire pour se moquer de lui. En ce mois de mai, un petit tour lui fera du bien pour se regonfler le moral. Il faut dire que l'émission de télé que les Carpentier lui ont, enfin, proposée a été un fiasco d'audience. Ce soir du Top à Serge Gainsbourg, il avait beau avoir convié Françoise Hardy et Jacques Dutronc, et puis Jane aussi, les gens ont regardé l'autre chaîne. Et pour cette majorité qui n'a pas regardé, la presse donne le coup de grâce : Pourquoi invite-t-on Serge Gainsbourg ? Il n'a aucun talent, il est sale et mal rasé.Et donc, ce photographe qui reconnaît le couple Gainsbourg Birkin et lui demande de poser devant le Carlton aux couleurs du nouveau James Bond avec Roger Moore, ça lui fait du bien, à Serge. Son sourire radieux et spontané fait plaisir à voir. Et qu'est-ce qu'elle est belle, Jane, comme ça, nature, avec son jean et son panier de courses en osier qu'elle vient de rendre à la mode. Et si on faisait d'autres photos sur la plage ?Gainsbourg ne se fait pas prier. D'autres photographes se joignent à la séance improvisée, des vacanciers s'attroupent autour d'eux, tu as vu, c'est Jane Birkin, c'est Gainsbourg. Serge s'en trouve un peu requinqué, et ça tombe bien, en buvant un café dix minutes plus tôt, il est tombé sur un article de Nice-Matin qui disait : Personne de sensé n'aime Serge Gainsbourg. Il est dépravé, méprisant et chante comme un drogué, régurgitant des chansons que personne ne comprend.Alors, invité à un déjeuner au restaurant, Gainsbourg a enfilé son fameux veston sombre à fines lignes. Assis en bout de table avec devant lui un pot de langues de belles-mères, ces fameuses plantes à la mode en forme de couteau dressé vers le ciel, un producteur vient s'asseoir à côté de lui : Dites, j'ai vu votre émission. J'ai senti que la réalisation venait de vous. Le jour où vous voulez réaliser un film, venez me voir. Gainsbourg remercie dans un souffle, en écrasant sa Gitane, il sait ce que vaut une promesse de festival. Mais bon, Jane va repartir tourner ce fameux film La moutarde me monte au nez, alors, pourquoi pas, écrire et réaliser un film. Ainsi va le Festival de Cannes …
Mai 1971, le Festival de Cannes s'apprête à vivre ce qui est, rétrospectivement, un événement de taille, et pourtant, sur le coup, on dirait que tout le monde passe à côté. Oui si vous aviez cette année-là arpenté la Croisette, où la foule ne se pressait pas encore en masse comme aujourd'hui, vous auriez croisé John Lennon. Nous sommes juste un an après l'annonce officielle de la fin des Beatles, l'histoire est encore du présent, tout le monde pense qu'ils vont se remettre ensemble et John Lennon est là, tranquille, sans se faire harceler par des fans des Beatles qui soit, ne sont pas au courant de sa présence, soit sont passés à autre chose. Il faut dire que depuis quelques années, Lennon a tout fait pour casser le mythe de l'idole : des albums solos expérimentaux pour ne pas dire ridicules, des appels à la fin de la guerre rendus inaudibles, eux aussi, par une faune dont il s'entoure ou qui profite de lui, et bien sûr ses errements dans des événements artistiques d'avant-garde comme les deux films qu'il a réalisés avec sa femme Yoko et qui vont être projetés au cours du festival.N'empêche, quel moment privilégié, loin de la folie des années écoulées et quelle occasion que ce Festival de Cannes où on le voit répondre à des interviews de journalistes avec le même humour et le même décalage qu'à l'époque de la Beatlemania. Il n'a en fait pas changé. Il a en vérité, toujours été le même, malgré la pression, malgré la fureur hystérique qui régnait autour de lui. Ça lui faisait plaisir, ce succès, mais jamais cela ne lui est pas monté à la tête. Alors on le voit ce soir, à table avec des amis dont Louis Malle et Jeanne Moreau, John est allé assister avec eux à la projection de leur film. On fait peu de photos à l'époque, qui a un appareil sur lui, mais on est à Cannes et les photographes accrédités sont déjà nombreux, à la pêche aux clichés à vendre à des rédactions.Mais John Lennon avec ses lunettes rondes fumées et sa veste en jeans ne vaut plus les colonnes à la Une désormais réservées aux Rolling Stones, Led Zeppelin et les Doors. C'est à peine si on entendra parler du public de la salle qui a hué la projection de son film, il faut dire qu'on y voit une mouche se promener durant 25 minutes sur le corps nu d'une actrice. Ah il n'y avait pas que ça, ils ont aussi projeté un autre de ses films nommé Apotheosis, une grosse production, là, puisqu'il s'agit d'un ballon dont il a filmé avec Yoko l'ascension jusqu'aux nuages durant 17 minutes.Comme quoi, si vous pensiez qu'on a tout vu à Cannes, c'était déjà plié en 1971 dont on ne doit retenir que la présence de l'ex-Beatle, charmant, tranquille et plein d'humour. Mais avec les idées bien en place quand on lui parle musique. Tenez, comme à ce journaliste de la télévision norvégienne, à qui il explique qu'il n'est pas heureux quand on le réduit aux Beatles. La musique des Beatles, c'est l'œuvre d'un groupe ; lui, en tant qu'artiste, ce qu'il veut à présent, c'est savoir ce qu'on pense de la musique qu'il fait seul, aujourd'hui, car c'est de lui qu'il parle, ce qu'il ressent. Et cette musique en 1971, c'est par exemple cette chanson …
Autant on parle des années 80 aujourd'hui, autant dans les années 80 on rêvait des années 60. Ah c'est vrai que c'était pas du pipeau, non plus, les sixties. Tenez imaginez-vous en ce mois de mai 1962, sous le soleil du Festival de Cannes, car c'est encore une de ces éditions qui bénéficie d'une météo splendide. Vous la voyez cette affiche de film devant l'hôtel Carlton ? On ne peut pas la louper avec Alain Delon en grand, aux côtés de Monica Vitti. Le film se nomme L'éclipse, signé Michelangelo Antonioni, un film oublié aujourd'hui mais il va remporter le prix spécial du jury et c'est mérité. Une Jaguar cabriolet décapotée passe sous l'affiche, pas de quoi étonner les passants à Cannes, sauf qu'au volant, c'est Johnny Hallyday tout juste débarqué d'avion pour un passage éclair. Mais que fait-il là ? On ne va pas tarder à le savoir, y a sûrement de la promo dans l'air pour le jeune sauvage de la chanson française qu'on va cette année surnommer Yéyé et qui est aussi désormais acteur.Et de fait, il rejoint sur la plage, à deux pas du Carlton, l'actrice allemande Elke Sommer, l'héroïne du film De quoi tu te mêles Daniela, qu'on a vu l'an dernier et pour lequel son ami Eddy Mitchell et ses Chaussettes noires ont interprété une chanson signée Charles Aznavour … La pose des deux jeunes gens devant les caméras et les objectifs n'est pas innocente, on annonce en effet que Johnny et Elke joueront bientôt ensemble. Et le voilà assis sur le porte bagage d'un vélomoteur conduit par celle qui partage sa vie, Patricia Viterbo, et qui n'est pas encore actrice. Ils vont prendre un bateau pour voir Cannes depuis le large, puis il y aura une partie de pétanque, c'est un vrai Français, notre Johnny. Allez, on ne pointe pas sans boire un ballon de blanc sorti d'un pichet bien frais.Mais le Festival reprend déjà le dessus, Johnny est à présent attablé avec des professionnels du cinéma, on le retrouve assis à une terrasse aux côtés de Ludmila Tcherina, une des rares danseuses étoiles à avoir réussi une carrière d'actrice. On lui demande un autographe, Johnny s'exécute aimablement, il va déjà repartir, ce garçon a décidément un V8 sous la chemise. Il faut dire que le Twist l'appelle, cette danse rock venue d'Amérique dont il a ravi la vedette à Richard Anthony et qui lui vaut une mauvaise réputation auprès d'une bonne partie de la belle société, horrifiée de le voir “remuer comme un singe et se traîner par terre”, disent-ils. Mais ce n'est pas à cela que nous assistons, un orchestre mexicain, en tout cas en tenue mariachi, joue un twist exécuté par des enfants habillés aussi en tenue mexicaine, Johnny se joint au groupe pour son fameux pas de danse, il est tout sourire, aimable, loin de la mauvaise réputation qu'on lui fait.Ce soir, Johnny enfilera un smoking qui convient si bien à cette époque dont nous n'avons gardé le souvenir qu'en noir et blanc, il montera et descendra les marches de l'escalier de l'ancien Palais Croisette, il va soutenir Claude Chabrol, un des rois de la Nouvelle Vague, et puis, il finira la nuit au Whisky à Gogo, évidemment, en dansant et chantant. Le lendemain, Johnny s'envolera pour New York, un peu à la manière de ces acteurs américains venus se montrer au monde entier, comme chaque printemps, sur cette Côte d'Azur où il se passe tant de choses. Tenez, un peu plus loin vers Marseille, à St Tropez, un gars nommé Claude François donne des cours de danse.
Je vous l'ai dit, et vous le devinez sans peine, il vaut mieux voir le Festival de Cannes à la télé que sur place. Sur place, on ne voit rien, et quand il se passe quelque chose, c'est la cohue, ça dure deux secondes et c'est terminé. Ou alors il faut avoir un rendez-vous et ça, c'est autre chose. Et puis, il y a des jours plus calmes que d'autres, ça dépend en fait de qui va monter les marches le soir, car à un moment où l'autre, ce “qui” va se déplacer en ville, se pointer dans un restau ou une fête au milieu de la nuit. Ainsi de ce 8 mai 1997, où l'hôtel Carlton est en ébullition. Oh on a l'habitude de voir des stars au Carlton, 14 ans plus tôt Elton John y a même tourné un clip mythique … les murs de sa suite se souviennent encore de la fiesta qu'il y a faite avec les musiciens de Duran Duran. Mais revenons à ce 8 mai 1997 où il n'y a non seulement pas moyen de passer sur le trottoir devant, ni de déambuler dans le hall car Michael Jackson arrive. Que vient-il y faire ? Et bien, présenter en avant-première son film Ghosts ? Un moyen métrage d'une demi-heure, il refait le coup du clip grand format de Thriller en 1983. Mais ici, c'est plus grand, plus long, plus fort. La projection a lieu à minuit, évidemment, il fallait y penser. C'est donc sur une Croisette nocturne que sa limousine s'engage après qu'il ait, tout sourire, réussi à s'extirper non pas de la foule mais de la cohue des cameramen et photographes qui l'attendent dans le hall. Ah oui, plus de 200 chaînes de télé et titres de presse de 70 pays sont accrédités pour cette soirée.Sur le trajet, relativement court, entre l'hôtel et le palais des festivals, quelques jeunes fans courent à côté de la voiture, l'ambiance est bon enfant, sans stress, m'enfin, on est un peu étonnés d'en voir une courir très vite en tenant ses béquilles dans la main gauche. A l'arrivée, pas moyen de sortir, trop de monde, la foule déborde, il y a même des gens perchés dans les palmiers, le chauffeur s'arrête donc avant l'espace du photocall pour permettre au service d'ordre et aux gardes du corps persos de se frayer un chemin. Grosses bousculades dans le public, des photographes râlent car ils n'ont rien obtenu de valable, Michael est passé trop vite, mais finalement, ça s'est bien passé, on attaque le tapis rouge. Michael se retourne vers le public pour un salut souriant mais trop vite à nouveau pour les photographes qui pestent à nouveau. Les fans, eux, sont heureux de ces quelques secondes où ils ont vu leur idole en vrai. Ça valait bien les deux heures d'attente et les centaines de kilomètres parcourus. Et puis les plus organisés d'entre eux qui ont fait le pied de grue la veille sous le soleil de la croisette, l'ont vu sortir sur le balcon de sa suite au Carlton. Ils ont crié après lui, Michael s'est penché au balcon et a répondu en faisant signe de la main. Il était bien plus cool que ce soir où malgré les sourires, on voit bien que les apparitions mondaines, ce n'est pas son truc.Ce n'est pas la première fois qu'un chanteur fait une apparition remarquée à Cannes pour une raison autre que le cinéma, John Lennon l'avait déjà précédé, George Harrison aussi, et encore, du temps des Beatles, il s'agit ce soir d'un vidéoclip mais la télé n'est-elle pas, après tout, la fiancée du Festival de Cannes. En tout cas le film Ghosts, ben, il tient ses promesses. Michael y joue plusieurs rôles dont certains sont inattendus, c'est un clip qu'il faut voir au moins une fois dans sa vie, surtout qu'un budget pareil, vu l'état du marché aujourd'hui, on n'est plus près d'en voir un.
On en a beaucoup parlé les jours qui ont suivi, les images resteront sans doute dans l'histoire du cinéma, Robert de Niro recevant de Leonardo Dicaprio une palme d'or d'honneur en ouverture du 78ème festival de Cannes, c'est historique. Et tous les journalistes de mentionner sa toute première célébration à Cannes en 1976 qui avait lancé sa carrière et imprimé son nom dans le monde entier. On la voit encore cette affiche où De Niro se tient debout devant son taxi jaune. Près de 50 ans plus tard, Taxi Driver reste un film fascinant, qui nous montre un personnage que sa solitude a rendu inquiétant et qui, pourtant, est convaincu d'être du bon côté. Mais c'est là qu'il faut sortir des sentiers battus, des raccourcis : l'image que nous offrent les médias et surtout la télévision, car finalement c'est surtout ça, le festival de Cannes, une émission de télévision qui nous vend du rêve avec ces grands acteurs et réalisateurs, américains surtout, dans le cadre idyllique de la Côte d'azur. Car quand on s'y trouve, dans cette ville qui finalement n'est pas bien grande, au milieu de la foule agitée de gens de cinéma, de médias, de Cannois, de touristes, d'invités, c'est pas du tout la même chose. On est soit perdu, on ne sait pas où ça se passe, même si on a le badge, hein, tellement il y a des accrédités qui courent partout, soit on ne voit rien, à part la foule. Ah ben oui, je me suis une nuit, retrouvé obligé à quatre heures du matin de rentrer d'une soirée à pied, des kilomètres, car toute la croisette était à l'arrêt, coincée à mort.Alors imaginez-le, Robert de Niro, en 1976. Déjà il a pas du tout la même image que celle qui s'imprime dans votre tête actuellement. Son compère Martin Scorsese non plus, mince avec sa barbe noire, d'ailleurs essayez de le reconnaître dans le film, en client cocu dans le taxi, et fou furieux. Et bien, ils n'en mènent pas large, ces deux jeunes cinéastes. Oh Cannes, ils connaissent, enfin un peu, car ils y sont venus deux ans plus tôt, totalement inconnus, pour présenter un premier film à la Quinzaine des réalisateurs, ça s'appelait Mean streets, et leur avait valu de se faire un peu remarquer.Mais depuis, De Niro a joué Vito Corleone jeune dans Le Parrain 2, sa cote a monté et pourtant, il a refusé un blockbuster pour un tout petit cachet sur un second film avec Scorsese, Taxi Driver. Il y croit. Mais à la projection en compétition, ça ne se passe pas bien. En fait, le public, comme le jury, est terriblement divisé. Trop violent. Mais New York est comme ça ! D'accord mais vous justifiez la violence du héros ! Bref, quand il apprend que le grand Tennessee Williams, membre du jury, a détesté le film, Scorsese repart pour New York sans attendre le verdict, bientôt suivi par De Niro. Mais le jour de la délibération, deux autres membres du jury nommés Ennio Morricone et Costa Gavras bataillent ferme, alors, c'est à la surprise générale qu'on annonce que la Palme d'or va à Taxi Driver. Il n'y a plus que le producteur pour recevoir le prix, avec la moitié de la salle debout et une partie de l'autre qui siffle en guise de protestation. La carrière de Taxi Driver est lancée, on va courir dans les salles comme rarement après une Palme, et souvent on ne sera pas d'accord, après, au bistro. Robert De Niro deviendra la légende du cinéma américain qu'on connaît et du cinéma tout court, d'ailleurs. Et c'est à Cannes que ça a commencé.
1984, c'est non seulement une grande année musicalement parlant mais aussi le titre d'un album de Van Halen qui est alors l'incarnation du groupe de heavy metal. Oui, Van Halen, c'est un son … Un son à part dans la musique rock des années 70 qu'ils imposent grâce à un hit mondial, une reprise étonnante des années 60. Et c'est vrai qu'en 1984, beaucoup de ces messieurs mais aussi demoiselles croient que ce fameux Van Halen est logiquement le chanteur mais en fait il n'en est rien, Van Halen, c'est le nom de famille d'Eddie, le guitariste, et Alex, le batteur. Tous autant que nous sommes ignorons qu'ils ne sont pas Américains mais sont nés pas loin de chez nous , à Amsterdam, en Hollande. Ce n'est que 7 ans plus tard qu'ils émigrent avec leurs parents vers les Etats-Unis et s'établissent dans la ville de Pasadena. C'est là que plus tard, les frères Alex et Edward, devenu Eddie, forment leur premier groupe qu'ils baptisent Mammoth. Pourquoi ? Vous avez deviné.Entretemps, Papa Jan Van Halen, excellent clarinettiste et saxophoniste, a mis ses deux rejetons au cours de piano classique. Mais bon, au début des années septante, tous les jeunes gars ont plus envie de jouer le répertoire de Led Zeppelin et des Stones que celui de Chopin et Schubert. Eddie se met donc à la batterie et Alex à la guitare. Vous vous rendez compte à côté de quoi on a failli passer ? Pour ne prendre qu'un exemple parmi d'autres, le solo de guitare de Beat it n'aurait jamais été aussi génial. Car c'est en constatant qu'Alex est bien meilleur que lui à la batterie, que Eddie abandonne les tambours au profit des cordes de guitare. Son jeu devient rapidement révolutionnaire ; les guitaristes rock ayant une formation de pianiste classique sont en effet très rares. Et après avoir maîtrisé son instrument, Eddie comprend qu'il peut comme sur un piano jouer des notes différentes avec chaque main sur sa guitare. Personne n'y avait jamais pensé avant lui et pourtant le résultat est hallucinant et inédit. Conscient de sa trouvaille, Eddie va réussir à la cacher aux éventuels imitateurs et concurrents en jouant durant plusieurs années en tournant le dos au public. C'est l'arrivée de David Lee Roth au chant qui va changer la donne. En effet, quand celui qui n'est que le loueur de matériel, prend le micro et fait son show, le groupe devient tout simplement explosif. Fini Mammoth, bonjour Van Halen ! Mais Van Halen est surtout un groupe d'albums, entendez par là qu'à chaque disque qui sort, les nouveaux fans achètent tous les précédents. Ainsi leur premier album se vend-il aux Etats-Unis à 10 millions d'exemplaires. Van Halen, c'est une machine colossale au son tout aussi énorme qui lorsqu'il propose en 1984, déjà son sixième album, va découvrir les joies d'être N°1 au hit parade des singles. Cela fait en effet quelques années qu'Eddie Van Halen a découvert les synthés dont il s'est servi jusque-là pour encore alourdir le son du groupe. Est-ce le passage par le studio de Michael Jackson et la joie d'entendre son solo cinq fois par jour à la radio mais ici, pour la première fois, il se sert des claviers pour le rendre plus aérien, plus mélodique. Le résultat est étonnant, Jump figure aujourd'hui, avec Beat it, au panthéon des plus grandes chansons des années 80.
Parmi les figures qui ont forgé la légende des années 80, la plus foisonnante des décennies de l'histoire de la musique populaire, la présence de David Bowie est inévitable, incontournable et pourtant la plus étonnante. Inattendue je devrais dire. En tout cas en 1983. Pourquoi ? Ben il faudrait qu'on y retourne, je vous emmène ?En ce printemps 83 où on en a plus que pour Michael Jackson, U2 et Simple Minds, bref une nouvelle aube sonore et musicale, David Bowie a tout de l'artiste des années 70 où il a brillé partout. Au point qu'il est le modèle de toute cette nouvelle génération nommée New Wave qui lui a tout piqué ou presque. Est-ce pour cela qu'il a disparu depuis trois ans ? Non. Ou en tout cas pas uniquement. C'est vrai que David a un problème avec tous ces clones de lui. Il a l'impression de se voir et de s'entendre partout. Mais bon, il y a aussi eu l'assassinat de son pote John Lennon à New York alors qu'il était lui-même sur scène à deux pas de là et qui a engendré une peur bleue de se montrer en public. Et puis enfin un gros problème de relation avec sa maison de disques qu'il a dû régler. Et malgré cette longue absence, qui pourrait imaginer que de tous les albums de David Bowie, ce fameux Let's dance est de tous, celui qui a été le moins préparé et le plus vite exécuté. David n'a écrit que cinq nouvelles chansons en trois ans quand il approche des portes du studio d'enregistrement. L'option de tout écrire en une nuit en absorbant des substances illicites appartenant au passé, il lui reste celle des fonds de tiroir, ce qu'il fait en reprenant une chanson qu'il a enregistrée quelques mois plus tôt avec Giorgio Moroder pour un film d'horreur esthétique mais de série B passé plus ou moins inaperçu en dehors des couloirs du BIFF à Bruxelles et des vidéoclubs. C'est ainsi qu'il ressort également un titre dont il a coécrit la musique avec son ami Iggy Pop pour le premier album solo qu'il a produit pour lui … en 1977, encore les 70's. Ah c'est qu'il s'amuse toujours avec Iggy qui est probablement son seul ami ; il l'avait d'ailleurs emmené dans ses valises quand il avait quitté Los Angeles au milieu de la décennie, pour Paris, puis Berlin. C'est là qu'ils avaient écrit cette chanson qui, au départ, n'a rien d'une bluette puisqu'elle fait référence à la coke et à l'héroïne. C'est d'ailleurs cela qui amuse beaucoup Nile Rodgers, le producteur de Let's Dance : faire de cette China Girl un titre pop à prendre au premier degré comme le prouvera le vidéoclip. Et il fait bien vu l'incroyable succès qu'elle va rencontrer en cette année 1983.Comme Nile le dira plus tard : il m'est souvent arrivé de savoir que la chanson que j'enregistrais allait faire un tube. Comme cette fois où on a fait écouter “Le Freak” à notre maison de disques. Ils n'y ont pas cru et pourtant c'est le single le plus vendu de leur histoire. C'était le cas aussi pour le “We are family” de Sister Sledge mais pas pour “China Girl”. Nile a ainsi poussé Bowie à sortir Let's dance en premier. Bowie n'y croyait pas, il avait tort. Lui, il voulait sortir China Girl en premier. Les deux ont eu raison et ont eu tort, mais heureusement pas au même moment. Résultat, deux tubes successifs et un Bowie au sommet, qui marque la décennie de son empreinte, imposant une nouveau look et regagnant en cette année 1983 tout l'argent qu'il avait perdu dans les années 70.
On n'a parlé que de ça en 2022, Kate Bush, 63 ans, était N°1 dans le monde entier avec une chanson qu'elle avait pourtant sortie en 1985. Et ce n'est pas tellement le fait que cette chanson ait connu un succès prodigieux à cause de Stranger Things qui étonne, c'est plutôt que l'une des héroïnes de la série l'écoute sur son baladeur et que ça lui sauve la vie. Alors Ca a beau se passer il y a 45 ans, tous les ados d'aujourd'hui se sont identifiés à elle car non seulement ils font tous pareil sauf que c'est du streaming, plus une cassette, mais surtout la musique des années 80 est une évidence pour eux, elle fait partie de leur présent au même titre que les nouveautés. On ne s'étonne donc pas que les jeunes Américains et leurs parents aient découvert un titre qui à l'époque avait échappé à leur pays tout entier. Il faut dire que Kate Bush est une artiste authentiquement et profondément anglaise, un pays dont elle n'aime pas sortir. Comme autrefois le professeur d'Oxford Tolkien dont elle a donné vie à l'univers avec ses Elfes et ses magiciens, dans le monde de la pop et du rock. Avec son visage d'ange, la grâce d'un corps qui semble plus voler que marcher, un talent de compositeur qu'on n'a plus entendu depuis Purcel, une voix de fée haut perchée, Kate Bush nous emmène dans la pénombre des greniers des manoirs britanniques à la recherche d'une adolescence égarée.Plus de quarante ans après ses premiers succès, il ne s'est trouvé personne pour prendre sa place. Comment un tel génie, de la première touche de piano au dernier pas de danse d'un de ses vidéoclips, a-t-il pu éclore dans l'esprit et le corps d'une jeune fille de 19 ans, quand elle a commis son premier tube ? Plus fort, elle n'avait que 16 ans lorsqu'elle a enregistré cette perle sous la direction d'un certain David Gilmour, un des deux leaders de Pink Floyd, totalement subjugué par la musique et la poésie de ce petit prodige qui a déjà écrit une cinquantaine de chansons et dont pourtant, aucun label de disques ne s'était dit intéressé. Après avoir prêté une oreille aux enregistrements recommandés par Gilmour, le patron d'EMI se dit qu'en cette époque où la musique change, cette fille pourrait être « The next big thing », le prochain gros truc. De fait, en 1978, son premier disque allait déchirer les charts de toute l'Europe de haut en bas. On y avait mis les moyens : Geoff Emerick, l'ingénieur du son des Beatles, et une partie de l'entourage de son copain Alan Parsons, un ancien collaborateur de Pink Floyd qui lui aussi s'était mis à vendre des camions de disques. Quatre albums plus tard, en 1985, Kate Bush n'a que 26 ans et pourtant, elle joue jeu égal avec un Peter Gabriel en proposant des disques ambitieux au son révolutionnaire mais authentique, ce qui lui permet d'accomplir le miracle d'en faire des hits. Les Américains ont attendu 2022 pour l'adopter mais au vu des compteurs de streaming de l'ensemble de son répertoire, ils ne sont pas limités à cet unique titre découvert grâce à la série. Avec une voix et une musique surgie d'un passé lointain, Kate Bush séduit les ados d'aujourd'hui mais est-ce si étonnant, quand on sait que le temps n'a pas de prise sur les fées.
Les années 80. Quel bonheur d'avoir vécu ça. La musique bougeait de partout et nous bousculait de ses trouvailles enthousiasmantes. Et ne vous avisez pas de piquer ce qu'un autre a fait, non, que du contraire, si vous voulez que ça marche pour vous, il faut que vous surpreniez tout le monde. Et c'est ce qu'a fait Michael Jackson, avec son pote Quincy Jones et une sacrée brochette de musiciens. Oui, c'est vrai qu'il faut avoir vécu la sortie à quelques semaines d'intervalle de Billie Jean et de Beat it pour comprendre pourquoi le succès de Michael Jackson parti en vrille comme jamais ce n'était arrivé.Beat it, c'était en février 1983, en pleine folie Billie Jean, alors N°1. Il s'agissait déjà du troisième single issu de l'album Thriller. Un truc de fou, n'est-ce pas ? Ben oui, justement, c'est ça la grande idée de Michael ; faire le même coup que les Beatles près de 20 ans plus tôt. Je vous raconte … Hé oui, l'année précédente, le timide Michael ne s'en était pas caché à Quincy : il voulait réaliser le plus grand disque de tous les temps. Ce qui avait fait sourire son producteur. Mais Quincy respecte, alors on va tout faire pour, en ne lâchant rien. Michael, si tu veux toucher le public blanc, tu devrais faire un titre très rock.Super, j'adore ça. Alors, fais-moi un titre dans le genre My Sharona.Gigantesque tube mondial par le groupe The Knack deux ans plus tôt, même un jazzman comme Quincy Jones le connaît, c'est dire. Alors Michael tape, cogne dans sa tête. Ça doit déménager grave, vrombir, et bien sûr chanter. Et pour bien expliquer ce qu'il veut aux musiciens du groupe Toto qui travaillent avec lui, Michael enregistre tout avec sa voix et ses mains. Alors ça cogne, ça frappe, ça gratte dur ; Michael n'est jamais content, tout est tellement poussé à fond qu'à un moment un baffle se met à brûler. Ce son de ouf de l'intro qui nous a tous marqués d'emblée, c'est Michael qui l'a trouvé. Enfin, il a sauté sur le compositeur Tom Bahler quand il l'a joué sur son Synclavier, le premier synthé numérique. C'est quoi ça, je le veux ; et à nouveau, il le pousse à fond. Quant au gros coup de tom comme un coup de poing de cinéma qui nous a aussi tous interpellés à l'époque, c'est encore Michael qui le trouve quand un objet tombe sur l'étui d'un instrument. Michael bondit aussitôt sur l'objet et le fait retomber dessus. Mais c'est génial, ça ! Bruce, tu peux enregistrer ce bruit ? Alors le fidèle et génial ingénieur du son l'enregistre, on le pousse à bloc, lui aussi, et d'ailleurs vous allez faire pareil pour réécouter le titre, en faisant cette fois à attention à ces fameux sons qui nous sont, avec les décennies, devenus si familiers mais qui à l'époque, étaient inédits. Vous allez voir que vous n'allez plus entendre que ça cette fois, et comprendre pourquoi ces années 80 ont été si incroyables.
Qui aurait dit que les paroles de cette chanson, pardon ce rap, seraient encore chantées toutes générations confondues plus de 40 ans après. En effet, quand le 45 Tours sort chez les disquaires en 1982, dans les salles de cinéma, on projette un film qui s'appelle Blade Runner et qui nous raconte à quoi ressemblera le monde de 2019. Alors en 2025, six ans plus tard, vous pensez bien que plus personne n'aura gardé le souvenir ni de l'air ni de l'histoire de ce mec et de cette fille, en voyage au bout de la nuit. Et pourtant, vous le savez, il y a beau ne plus avoir de disquaires pour mettre la pochette du single de Chagrin d'amour dans leur vitrine, même les jeunes du Millenium la chantent encore. Il est facile aujourd'hui d'en donner les raisons. Chacun fait c'qu'il lui plaît, c'est d'abord le premier rap en français, un titre qui colle aux années 80 qu'on en finit plus de célébrer au XXI° siècle. Et puis il y a le thème universel de la vie solitaire dans les grandes villes, jouant sur le mythe de la décadence urbaine : l'alcool, le sexe, la solitude, le sordide, l'insomnie, les bars interlopes et les petits matins chargés de nicotine. L'auteur de la chanson se nomme Philippe Bourgoin. Dans les années 70, il était parti à New York vivre son rêve de devenir un réalisateur renommé. C'est là qu'il rencontre une Américaine francophile comme on en trouve beaucoup dans les milieux branchés à l'époque. Elle se nomme Valli Kligerman et l'admire, Philippe est un surdoué. Bien qu'il soit en train de terminer ses études, il a déjà signé le scénario d'un film dans lequel jouent Jean Yanne et Jodie Foster. Phil et Valli se plaisent, sortent ensemble et se marient, en cachette. Mais une fois son diplôme obtenu, il rentre en France laissant Valli à New York. Philippe est revenu au pays avec dans la tête une chanson qu'il a écrite plusieurs années auparavant avec son pote Gérard Presgurvic. Ils avaient en vain essayé de vendre à tout le monde cette histoire d'insomnie et de fille de bar, sans succès. Mais lorsqu'il entend la chanson Magnificent Seven des Clash, un rap qui commence par un réveil qui sonne à 7 heures du matin, Philippe se souvient du hip hop de Sugarhill Gang qu'il a découvert quand il était à New York. Il écrit alors Cinq heures du mat, j'ai des frissons et revoit tout le texte en le scandant comme un rappeur. Ce n'est plus du tout la même chanson. Gérard Presgurvic ne compte donc plus l'interpréter, Bourgoin contacte alors Gregory Ken, un gars qui a déjà pas mal bourlingué puisque de guitariste de groupe yéyé dans les sixties, il est devenu un chanteur emblématique des comédies musicales parisiennes dans les années 70. On l'a vu dans Hair, Jesus Christ superstar, Mayflower et Starmania où il interprète Ziggy, à sa création, avec France Gall. Sa femme Valli ayant décidé de le rejoindre à Paris, Bourgoin réécrit la chanson et lui donne le rôle de la fille de bar : le duo Chagrin d'Amour est né et convainc Eddie Barclay.Cette chanson pourtant étonnamment noire et désespérée est un tube énorme notamment grâce à la nouvelle radio jeune NRJ et d'autres radios libres qui diffusent le disque vingt fois par jour. Tout le monde en est dingue, qu'on se reconnaisse ou pas dans la déshérence de l'anti héros. Trois millions de 45 tours vendus plus tard, ce n'est plus un tube, c'est un hymne à notre sombre humanité qui refuse de le prendre avec gravité.
Benjamin Biolay, un nom qu'on commence à entendre par çi, par là en cette année 2000 qu'on a tant attendue au cours du XX° siècle, année surprise où Henri Salvador, l'ancien chanteur comique, vend un million de singles et autant d'albums. Il faut dire que parmi les quatre chansons de sa plume, trois vont sortir en single … Benjamin a travaillé en duo avec Keren Ann, l'artiste dont il a produit le premier album sur lequel il a composé 11 des 13 titres. On a compris que dans le duo, c'est plutôt lui qui tire la partition et pourtant bizarrement, c'est elle que Salvador pousse partout en interview sans le mentionner. Il revient même à Biolay que Salvador le traite de p'tit con. Benjamin ne comprend pas. Alors quand, quelques mois plus tard, vient son tour de sortir son premier (et entre parenthèses extraordinaire) album, il ne se prive pas de dire dans les médias que s'il est un p'tit con, Salvador, c'est un gros connard.Le ton est donné car Benjamin sait qu'il aura le mauvais rôle, lui le bleu, l'inconnu, face à l'ancienne star, l'homme qui a fait rire toute la France et bien au-delà. Et pourtant, ce sont bien ses trouvailles sonores et ses mélodies qui permettent à Salvador d'opérer le retour le plus fracassant et improbable que le show bizness français ait jamais vu. Avec un disque d'or et une victoire de la musique, révélation de l'année, Benjamin succède quelque part au Johnny Hallyday que le même Salvador avait hué sur scène en 1960, criant “sortez-le !” devant un public hilare. Ce n'est pas cela qui va empêcher Biolay de collaborer avec des dizaines d'artistes dont les plus grands. Tous, ou presque. Mais bizarrement son succès personnel va mettre très longtemps avant d'atteindre le rivage du grand public. Il joue devant des demi-salles, nous sommes peu nombreux, début des années 2000 à l'AB et pourtant c'est magique. Ce n'est pas la faute au public, c'est plutôt que Biolay brouille les pistes, ne fait aucune concession aux radios ni à sa maison de disques qui après six ans, finit par ne plus avoir envie de sortir un prochain album. Il faut dire que comme Gainsbourg dans les années 70, son dernier CD, encore une fois centré sur son chagrin d'amour, sa rupture, s'est vendu à moins de 18.000 exemplaires. Alors Benjamin quitte le monde des multinationales, il paye les heures de studio de sa poche pour enregistrer un album qui va lui rapporter deux Victoires de la Musique, Meilleur interprète, Meilleur album, un disque de platine et ses premiers grands classiques. Des titres qui s'aggripent à votre âme et vous tirent des larmes d'émotion. Comme ces Cerfs volants qui en 2001 lui avaient valu la Victoire de la Musique de la révélation musicale de l'année. Tout y était déjà, la mélancolie précoce à la vingtaine, ambiance Perfect Day de Lou Reed, et surtout, déjà, une musique qui n'est pas celle de tout le monde.
Je me demande quand viendra le temps où on dira "les années 20", comme on l'a tant entendu au XX° siècle. Et qu'en dira-t-on ? Ah c'est vrai qu'on parle déjà pas mal des années des années 2000. Elles commencent à dater, mine de rien, non ? Et on en garde de bons souvenirs. Tenez si je vous demande celui que vous gardez de ce clip où un jeune chanteur anglais se déshabillait puis plongeait dans la mer depuis une falaise ? Oui, You're beautiful, par James Blunt. L'idée est géniale. Un sol immaculé et un chanteur qui vous regarde dans les yeux. Il est vachement beau, hein. Mais nous les garçons, bizarrement, on ne le jalouse pas ; c'est pas un Bruel mais plutôt une version romantique de Jim Morrison. On a envie d'être son pote pendant qu'on le voit ôter le haut, ses baskets et ranger toutes ses affaires soigneusement devant lui. Tout ça sous une belle averse et un ciel bien couvert avec quelques oiseaux de mer qui tournent au-dessus de lui. Ah il est bien bâti ce James Blunt, il faut dire que c'est un ancien officier qui a quitté les rangs après avoir fait la guerre des Balkans. Et puis, il y a la musique, ça nous change de la pop dance avec tous ces artistes qui font à peu près la même chose. James Blunt, lui, il joue de la pop à l'ancienne qui n'est pas sans évoquer des Cat Stevens, les Doors avec, il faut bien le dire, une voix en or et un sacré physique. Et donc, on a tous avec le menton qui tombe sur le le sol quand à la fin du clip, ce bon James Blunt se jette dans la mer car voilà, astuce du réalisateur, on ne pouvait pas se rendre compte qu'elle est aussi loin, il n'en finit pas de tomber. On a le clip que le clip aavit été tourné sous la neige d'Ecosse par Jean-Pierre Jeunet, le réalisateur d'Amélie Poulain et de Alien, la résurrection mais il n'en est rien. Non, la vidéo a en réalité été tournée sur l'île de Majorque aux Baléares et s'il ne faisait pas aussi froid, c'était par contre, vachement haut. C'est ce que se dit James Blunt en voyant d'où il va devoir sauter. Non, je ne peux pas faire ça. Mais au vu de l'équipe réunie autour de lui et celle des plongeurs qui l'attend sous l'eau au cas où, il ne se dégonfle pas. Mais voilà, mauvaise nouvelle. La prise est ratée. James est obligé de remettre ça, il ose à nouveau mais s'ouvre la lèvre en touchant l'eau. La prise est bonne cette fois, le chanteur ne regrettera pas son acte héroïque car, comme il a eu l'occasion de le dire, sans cette vidéo, la tournée mondiale se serait résumée à celle du nord de Londres.
Beaucoup aujourd'hui regrettent les années 2000. C'est drôle quand on sait qu'on en rêvait depuis les années 50 mais pas pour les mêmes raisons. La preuve ? Les années 2020, c'est nettement moins bien. Car vous savez ce qu'il y avait de bien dans les années 2000 et qu'il n'y a plus maintenant ? Déjà on pouvait envoyer un Bzzz sur MSN pour réveiller celui ou celle avec qui on discutait mais qu'on sentait distrait, parce qu'il répondait pas. Alors on faisait trembler son ordi. Vous vous souvenez ? Essayez avec Whatsapp, y a pas !Mais bon, plus sérieusement, à cette époque où Star Wars n'avait pas encore été acheté par Disney, franchement on nous l'aurait dit, c'était un truc à mettre dans un sketch, mais bref, dans les années 2000, on a eu Astérix Mission Cléopâtre, Gladiator, Les Seigneur des anneaux, Harry Potter, Pirates des Caraïbes, Love Actually et autres Batman de Christopher Nolan. Et Daniel Craig qui ressuscite James Bond. Bref, de très bonnes raisons d'aller au cinéma. Et puis, qu'on ait 15 ou 30 ans, le lendemain au boulot ou dans la cour de récré, tout le monde avait vu les nouveaux épisodes de Charmed ou de Desperate Housewives. Pourquoi ? Parce que tout le monde regardait les mêmes trois, quatre chaînes de télé. Allez-y aujourd'hui. Vous avez déjà fait le test de vous écrier “Et vous avez vu la nouvelle série ?” et de ne recevoir en retour que des yeux en forme de points d'interrogation, avant de comprendre que vous le ou la seule abonnée à ce site. Et que même ça vous vaut des regards méprisants d'envie. Si, parfois.Et puis, y avait Brice de Nice à la télé. Et la StarAc. Là, c'était sûr que tout le monde avait regardé. Bien sûr, il y avait les pour et les contre. Ceux qui trouvaient ça chouette de retrouver de grandes communions populaires autour de la chanson, alors la disparition des émissions de variétés. Et ceux qui se lamentaient ou se fâchaient sur cette télévision réalité qui sortaient des artistes de nulle part, sans expérience, et les transformaient en stars du jour au lendemain. Mais bon, on allait quand même y chanter car il faut bien vendre le nouveau disque. Enfin, c'est l'occasion que ces années 2000 ont porté de solides nouveaux noms. Dont des étranges. Tenez ce gars qui avait une coiffure reconnaissable de loin comme Jamiroquaï. Ben oui, M. Comme Mathieu Chédid mais M c'est un personnage qu'il s'invente pour se donner en spectacle sur scène, un art qu'il maîtrise avec une vraie musique organique, du funk et du rock, en français. C'est le Ziggy Stardust de David Bowie version Millenium et francophone, évidemment, et une occasion, si pas un espoir, la musique et la création font encore et toujours bon ménage.
Quand on parle des années 2000 aujourd'hui, on entend souvent dire que c'est à cette époque que la musique populaire est arrivée au bout de ce parcours étonnant qu'elle avait fait depuis les années 50. C'est vrai que c'est l'époque où on commence à réécouter ce qui s'est fait avant, que les rappeurs font d'énormes succès en samplant des sons, des gimmicks ou carrément des refrains de vieux morceaux. L'ère du recyclage aurait commencé au moment du 2.0 avec les machines qui rendent tout tellement plus simple, tellement moins cher aussi. Alors, le duo français formé par Thomas et Guy-Manuel qui se sont lancés dans la dance la décennie précédente serait-elle venue ? Ces deux gars qui bricolent chez eux des grooves mixés avec des sons très seventies dont le célèbre (mais oublié) Vocorder sont-ils destinés à dominer le marché mondial de la musique. C'est qu'ils viennent de loin, ces deux lascars mais avec un sacré bagage. Ils sont potes depuis l'adolescence, le lycée quand ils forment un groupe nommé Darlin' et qui sonne grunge comme la plupart des jeunes formations dans le sillage de Nirvana. Un label anglais indépendant sort leur single qui ne se vend guère. Darlin' ne trouvant pas sa place sur la scène française, Laurent, le troisième larron du trio, quitte l'aventure et formera bientôt Phoenix, le groupe de rock français le plus célèbre dans le monde que vous n'avez pas pu rater lors de la cérémonie de clôture des JO de Paris. C'est dire le concentré de destins et de génie qu'il y a dans ce trio qui n'a pourtant pas giclé bien loin. Franchement, ce serait arrivé à des Anglais ou des Américains, tout le monde aurait entendu parler de cette histoire et considérerait aujourd'hui le 45 Tours de Darlin' comme culte. Mais bref !Voilà donc le duo de copains à la recherche d'un nouveau projet. Mais pourquoi aller chercher ce qu'ils ont déjà et ne pas rester à deux ? Compliqué de faire du rock à deux mais justement, la musique est à cette époque encore en pleine explosion et surtout en mutation. On parle maintenant de techno, de house, bref des trucs qu'on peut faire à la maison sur des synthés et des ordinateurs. Comme nom, ils se sont choisis une expression créée par un journaliste anglais du magazine spécialisé Melody Maker pour qualifier la musique de l'ancien groupe dans lequel ils avaient joué : Daft Punk Thrash, punk idiot pourri. On enlève le thrash et le tour est joué : voilà un nom qui sonne dans toutes les langues. La réussite de leur premier album est étonnante mais annonciatrice de ce nouveau monde, 2 millions d'exemplaires vendus grâce au clip de Around the world réalisé par Michel Gondry, futur réalisateur du film culte Eternal sunshine of the spotless mind avec Jim Carrey. On entend aussi des choses étonnantes comme Dee-Lite qui jouent énormément sur le vintage et remettent des vieux sons à la mode d'aujourd'hui. Et ça, mettre l'ambiance, c'est un truc qu'on connaît bien dans la famille de Thomas puisque son père, Daniel Bangalter a dans les années septante sous le pseudo de Daniel Vangarde travaillé avec Ottawan, Sheila ou encore les Gibson Brothers. La voie est donc toute trouvée, le disco façon années 2000, pourquoi pas, Daft Punk va mettre la recette de cette musique oubliée en orbite dans le monde connecté.
Le Millenium ! Il y a 25 ans tout rond, nous venions de le passer, ce fameux réveillon de l'an 2000 qui allait être le truc le plus extraordinaire jamais vu et que finalement … bon vous savez. Du moins pour ceux qui étaient déjà en âge de faire réveillon, de rester éveillé jusqu'au 31 décembre 1999 à 23 heures 59.Et franchement, combien ont dit : J'ai bien réfléchi, partez sans moi, je reste au XX° siècle ! Je vous rejoindrai p't'être. Ils auraient eu tort, hein ? Ils auraient raté les smartphones et la révolution du numérique qui s'est installée dans nos vies quotidiennes à coup de réseaux sociaux, d'infos et d'images en tout genre. Non, pas sûr que beaucoup d'auteurs de science-fiction des années 50 à 70 qui nous ont fait rêver avec leurs mondes futurs aient vu venir cette génération perpétuellement collée à une petit planche électronique qui tient dans la poche. Je n'exagère pas. De 2001, où on était censé partir en odyssée dans l'espace à 2010, on est passé de 500 millions de personnes possédant un GSM à 4 milliards six cents millions. Voilà qui a changé nos sociétés et notre vie. Connectée qu'ils disent. Aux autres, au monde, disent les optimistes, à un monde virtuel, en d'autres mots “pas la vraie vie” disent les autres.C'est vrai qu'on ne regarde plus les disques tourner en écoutant la musique qui est devenue un fond sonore et non plus une occupation. C'est vrai aussi qu'on ne doit plus attendre le journal télé du soir pour connaître les infos du jour. Et c'est vrai qu'on peut même regarder des films et écouter de la musique sans avoir à payer (et entre parenthèses en toute illégalité). On peut même parler à certains d'entre eux sur un site nommé MySpace. C'est étonnant mais ils y ont ouvert chacun leur compte pour y déposer des sons, des photos, des images, des infos et parfois, ils répondent à vos messages. Ca fait tout drôle d'être dans son espace, un contact direct avec un musicien ou une chanteuse. Le nombre des chaînes télés explose sur nos téléviseurs, les jeux vidéos passent en haute définition, l'internet en haut débit (vous vous souvenez des 4 lettres ADSL?), les films deviennent des séries de Harry Potter aux Super Héros Marvel, DC Comics et autres. Un besoin de super héros sans doute rassurant avec la montée de super méchants, bien ancrés dans le monde réel, eux. Et donc, un nouveau monde baptisé 2.0 s'éveille comme en témoigne ces nouveaux leaders héros entrepreneurs, comme Bill Gates et Steve Jobs. Des nouveaux leaders et des nouvelles stars, nées à la fin des années 80, et qui ont grandi dans ce nouveau monde digital avec Toy Story comme la jeune Taylor Swift, 18 ans et déjà un deuxième album. Les lendemains qui chantent toujours dans cette nouvelle ère, avec cette nouvelle version de Roméo et Juliette qui vont finalement se marier et qui vont hisser son interprète à un niveau jamais atteint par une chanteuse dans le coeur du public.
L'histoire d'amour la plus emblématique des années 90 est loin d'être fleur bleue puisque c'est celle de Kurt Cobain, chanteur et éminence grise de Nirvana, et de Courtney Love. A côté d'eux, les exactions de Tommy Lee et de Pamela Anderson, c'est du sirop pour contes de fées. Inutile de vous rappeler tout ce qui a noirci les colonnes des journaux et magazines people à coups de beuveries, bagarres, consommations d'héroïne, dope et autres tentatives de désintoxication. Ceux qui ont parlé d'autodestruction et d'autoroute vers l'enfer n'étaient pas loin du compte.Est-ce l'époque assombrie par les mouvements grunge et électro du début de la décennie, gigantesque gueule de bois de l'après années 80 ou est-ce tout simplement la région d'où ils venaient tous les deux, désespérante pour la jeunesse. Cet état de Washington dans le nord-ouest de l'Amérique, coincé sous la frontière avec le Canada, qu'on imagine gelé tout l'hiver mais non, il y fait très rarement froid. Entre les vastes forêts et le courant chaud charrié par l'océan, il y pleut quasiment toute l'année. On dirait que tout pourrit sur place dès l'adolescence. Alors on pense à la légende de Kurt Cobain, qui aurait vécu SDF sous un pont, mais qui en fait a trouvé une petite amie qui travaille pour eux deux. C'est elle qui paie toutes les factures alors qu'il zone dans son plumard, puis quand elle rentre, part répéter avec ses potes musiciens. Et enfin quand la sauce rock commence à prendre, il lui dit que c'est terminé, n'osant pas lui avouer qu'il est tombé amoureux d'une punkette nommée Tobi Vail. Mais avec qui il ne réussit pas à construire une histoire, il y a juste un flirt, pas plus, mais il va en souffrir, baliser, obsédé par l'image de cette fille qui est pour lui la rockeuse absolue, l'idéal féminin.Et donc ce soir de 1990 où Kurt se trouve à Portland dans une boîte de nuit, après la sortie du premier album de Nirvana et qu'il s'apprête à monter sur scène, cette fille-là, plus grande et plus forte que lui, lui fait diablement penser à Tobi. Mais voilà qu'elle se fout de sa balle et puis ta petite amie est grosse. Alors Kurt lui saute dessus, ils s'empoignent, jusqu'à tomber par terre, là, devant le juke box qui joue la chanson préférée de cette sublime apparition. Et puis ils s'embrassent, baignant dans une flaque de bière. Kurt voudrait aller plus loin après le concert mais cette sacrée nana prénommée Courtney, musicienne, elle aussi, disparaît comme elle est apparue. Et voilà Kurt avec un visage en tête, perdu dans une nouvelle passion à sens unique, mais dans l'ignorance que Courtney suit toute son ascension dans la presse. Tout va alors très vite pour Nirvana. Surtout que Dave Grohl, le batteur, sort avec la meilleure amie de Courtney et qu'il lui apprend qu'elle a un crush pour lui. Ouais mon vieux, le soir où tu l'as rencontrée, cela faisait des mois qu'elle avait eu un flash en nous voyant jouer. Mais elle est comme ça, elle ne sait pas comment faire avec les mecs qui lui plaisent. La prochaine fois qu'il la croise, c'est sûr, Kurt ne ratera pas le train.
Ce 9 octobre 1966 au soir, nous allons assister à un de ces moments qui ont compté énormément dans la légende de notre pop culture mais dont bien évidemment aucun des acteurs n'a alors conscience. En effet, Marianne Faithfull, 19 ans mais déjà un mariage raté, un enfant et quelques disques à son actif, est venue à Bristol voir jouer les Rolling Stones. Mais que fait-elle là, en coulisses, alors qu'elle s'approche de Mick Jagger en plein cours de danse avec Tina Turner qui le traite de nul en le rabrouant. Marianne se demande pourquoi elle s'est tapée la route jusque-là, Jagger n'est pas son type. Deux ans plus tôt, quand le manager et producteur des Stones l'a découverte et lui a proposé une chanson signée Jagger-Richards, le contact avec Mick avait été peu probant lors de leur unique rencontre. Elle se revoit monter dans le taxi en sortant du studio et Mick lui proposer de s'asseoir sur ses genoux. Elle a 17 ans, une éducation aristocratique héritée de sa mère, c'est hors de question. Et Mick de ne rien trouver de mieux que de renverser exprès du champagne sur sa robe. Heureusement que Marianne ignore que son producteur l'a convaincu d'écrire une chanson pour elle avec ces mots : Tu vas voir mon vieux, c'est un ange avec une grosse paire de nichons.Il est vrai que les Stones ne sont pas réputés pour leur poésie. C'est une sacrée bande de gamins attardés arrivés de nulle part dans un monde qui leur offre tout au milieu de cette décennie de dingues. Ah il y a bien Keith Richard, le taiseux, pour plaire à Marianne. Il lui plaît vachement, en fait. Bref, après le concert, tout le monde rentre à l'hôtel, Marianne assiste au bazar de toute la bande dans la chambre de Mick. Ça s'agite beaucoup au début puis ça se calme. Brian Jones et sa copine Anita Pallenberg finissent par partir, suivis par Keith qui en fait se meurt d'amour pour Anita, c'est foutu pour Marianne. Quatre du mat, il ne reste plus dans la chambre que Mick, évidemment, Marianne et une danseuse-choriste de Ike et Tina Turner qui se verrait bien finir la nuit avec Mick Jagger. Mais au bout d'un moment, comprenant qu'elle est de trop, elle s'en va, elle aussi. Alors quand Mick se met à la regarder avec les yeux du Grosminet qui va dévorer Titi, Marianne lui propose d'aller faire un tour dans le parc de l'hôtel. Il est joli, non ? Et puis, Bristol, c'est beau, la nuit. Marianne a capté dans les discussions que Mick allait rompre avec Chrissie, son officielle, car il avait l'actrice Julie Christie dans le viseur. Julie Christie, c'est Lara, l'amour de Omar Sharif dans Le docteur Jivago, l'immense succès du moment aux six Oscars. Non, Marianne ne fera pas office de biscuit cette nuit, pas question. Mais voilà, au fil de la conversation, celui qu'elle prenait pour un sale gamin, la charme en répondant à ses questions sur la légende du Roi Arthur, pilier de la littérature anglo-saxonne. Et tel Lancelot pour sa Guenièvre, de retour dans la chambre, Mick se montre prévenant en mettant ses petites chaussures percées par la rosée, à sécher sur le radiateur. On est loin de la brutalité des Stones, là. Mick va appeler Marianne et lui rendre visite de plus en plus régulièrement dans son appartement londonien. Pas de Julie Christie, Mick et Marianne vont devenir le couple emblématique du Swinging London. On ne parlera pas de la fin, on va en rester à “ils furent heureux”, c'est mieux non ?
Il fut un temps où on considérait que les histoires d'amour compliquées, qu'on jugeait sordides, ne pouvaient se produire que dans le monde de la musique et du cinéma. Il n'en était rien, évidemment, juste le fait, non négligeable que le scandale faisant vendre, ces histoires étaient médiatisées à l'extrême. Et au milieu des années 70, où le divorce se porte encore en société comme une bosse sur le dos, c'est un drame quand un coup de foudre tombe sur une personne publique. Surtout quand elle vient de se marier. Je devrais dire quand ils viennent de se marier. Comment Charlotte Rampling et Jean-Michel Jarre pourraient-ils se douter que ce soir de mai 1976, ils vont tomber amoureux. Charlotte est l'actrice fascinante en vue, connue pour des rôles marquants au cinéma dans des films qui ont fait parler d'eux comme le dernier, le sulfureux Portier de nuit. Mariée depuis quatre ans au comédien Bryan Southcombe, elle vit désormais à la Côte d'Azur pour échapper au fisc britannique, comme les Rolling Stones. C'est ainsi qu'elle se trouve invitée ce soir dans un restaurant de St Tropez par l'agent artistique de Patrick Juvet qui vient de terminer un nouvel album prometteur au casting cinq étoiles. L'actrice fait donc la rencontre ce soir-là du parolier de Patrick Juvet qui est aussi celui de Christophe et dont tout le monde a en tête la chanson parue il y a peu … Le jeune musicien de 27 ans, car il est musicien aussi, il est d'ailleurs le fils du célébrissime compositeur oscarisé, se montre très loquace, drôle, en fait, Charlotte le trouve magnétique et rentre chez elle ce soir-là, très troublée. Mais pas autant que Jean-Michel car lui, est bouleversé. Il confie d'ailleurs son désespoir à Patrick Juvet car il est marié, lui aussi, et depuis un an. Et même si son mariage ne fonctionne pas, ça ne se fait pas. Mais de retour chez lui, quelques jours plus tard, Jean-Michel apprend la présence de Charlotte Rampling à Paris pour la promotion d'un film où elle donne la réplique à Robert Mitchum dont c'est le retour en force. Jean-Michel craque, l'appelle et la retrouve à son hôtel où ils restent cachés durant tout le week-end. A son retour, son mari ayant deviné qu'il s'était passé quelque chose, se fâche, Charlotte s'enfuit à Paris, Jean-Michel quitte le domicile conjugal et ils s'installent tous deux chez sa mère.Charlotte et Jean-Michel ne se cachent plus, l'affaire fait grand bruit jusqu'au divorce puisqu'ils n'hésitent pas à s'afficher ensemble lors du Festival de Cannes. Jean-Michel est alors occupé à enregistrer un disque instrumental qui de l'avis de son entourage est bien barré. Mais Charlotte l'écoute fascinée et lui annonce que ce ne sera pas facile : ce sera soit un échec retentissant, soit un triomphe sans précédent. L'histoire de cet amour naissant semble liée à celle de ce disque dont au départ personne ne veut et puis que tout le monde va prendre pour modèle, une bouffée d'oxygène.
Je ne sais plus qui a écrit : il n'y a que deux types d'histoires, un homme tombe amoureux d'une femme et un type arrive en ville. Et c'est vrai que des deux, celle qui émeut le plus, c'est la Love Story. Et qu'il y en a eu des légendaires dans l'histoire du showbizness, voulues et entretenues dans les médias, ou pas. Regardez John Lennon, rien que prononcer son nom, vous pensez déjà à Yoko Ono. Et pourtant, il a connu une sacrée histoire d'amour avant, et une belle. Je vous raconte ?Nous sommes à Liverpool en 1957. Quinze ans après avoir été ravagée par les bombardements, il y règne enfin une nouvelle joie de vivre avec la fin de la reconstruction. Surtout pour les adolescents. Bien que le quotidien soit difficile pour le monde ouvrier, c'est le règne de la débrouille comme chez les Powell. Cynthia, 17 ans, orpheline de père depuis peu, ne doit d'être inscrite à la grande école d'art de Liverpool qu'au fait que sa mère loue une partie de leur petite maison à quatre ouvriers.Les mois passent, Cynthia change, se laisse pousser les cheveux et ne porte ses lunettes à grosses montures que pour lire au tableau. Bon, elle ne descend pas toujours au bon arrêt de bus mais elle est plus avenante comme ça. D'ailleurs ce matin, le cours va débuter quand un jeune gars coiffé comme Elvis Presley déboule dans la classe, les mains dans les poches et le regard animal. Il se dirige vers le banc libre, juste derrière Cynthia et, après l'avoir frôlée, il s'effondre sur la chaise, puis lui tape sur l'épaule en disant, Salut, moi, c'est John ! Auquel elle répond par un Cynthia, en souriant, mais très vite car le prof qui a commencé son cours lui jette un regard en sourcillant.John emprunte du matériel de Cynthia dont il se sert à peine, il fait plus marrer la classe que travailler. En clair, il a atterri dans cette classe car les autres profs ne veulent plus de lui. Il est en fait tout ce qu'elle n'est pas, il se fout des cours, est effronté comme pas permis et ne pense qu'à attirer l'attention sur lui. Mais quand il vient avec sa guitare et chante entre les cours, ce n'est plus le même gars, il a une lueur dans le regard quand elle le croise qui la fait craquer. Ce n'est vraiment pas un type pour toi, lui dit sa meilleure amie. Et c'est vrai qu'il ne la calcule pas, il faut dire que leurs univers sont si différents. M'enfin, elle apprend qu'il est aussi orphelin depuis peu, comme elle, et qu'ils sont myopes tous les deux, et le cachent !Alors quand Cynthia se rend à une fête de fin d'année, devenue blonde et coiffée comme Brigitte Bardot, car elle a entendu John dire qu'il en était sot, toute de noire vêtue, comme lui, la jeune fille timide n'en revient pas de le voir arriver au pub. Mais la soirée se passe sans qu'il ne vienne vers elle, très occupé à amuser la galerie. Tu viens, Cynthia, on y va, on va rater le 72. Et alors que Cynthia met la main sur la poignée de porte, on la retient. C'est John qui lui demande de rester. Cynthia regarde son amie qui lui dit non du regard, mais elle reste, esquissant un sourire en guise d'excuse. Deux verres passent, de nombreuses phrases s'échangent puis John propose d'y aller. Où ? La chambre d'étudiant d'un copain. En sortant, la tranquillité de la rue tranche avec la cohue dans le pub, John en profite pour donner un long, passionné et irrésistible baiser à celle qui dans six ans sera connue dans le monde entier sous le nom de Cynthia Lennon, la maman de Julian.
Il était une fois la Motown, probablement la plus belle légende à raconter pour une firme de disques, familiale, avec un patriarche au milieu, démarrant dans une ville improbable, Détroit, la cité de l'automobile. Succès gigantesque dès le début des années 60, on ne compte plus les noms des stars qui en sortent : Marvin Gaye, Stevie Wonder, les Temptations, Four Tops, Supremes, Diana Ross, les Jackson Five, les Commodores. Mais voilà, au début des années 80, la musique noire explose sur la scène mondiale avec la fin du disco. Le monde s'est mis à danser et la Motown, portée par le retour inespéré de Diana Ross et de Stevie Wonder qui avaient été en retrait durant la mode disco, ne voit pas venir l'essoufflement de ses troupes. C'est vrai qu'ils sont tous là depuis les sixties. C'est aussi le cas pour les Commodores, alors Berry leur conseille de prendre une année sabbatique. Ca ne pouvait pas mieux tomber pour Lionel qui multiplie alors les collaborations et bascule du côté blanc du métier. En 1982 son premier album solo qui ne doit n'être qu'une parenthèse, sort chez A&M, une firme de Los Angeles, celle qui édite, entre autres, The Police, LE groupe du moment. Lionel ne reviendra pas dans le giron des Commodores et de la Motown, ils vont devoir continuer sans lui.Oui, le métier du disque a changé. Terminée la toute puissance des firmes du nord-est New York, Chicago, Detroit, tout se joue désormais à Los Angeles. Et c'est là que se trouve Lionel, avec son ami Michael Jackson. On comprend qu'il ait été vite question quand il a été demandé au duo de copains Lionel Richie et Kenny Rogers de faire une chanson pour l'Ethiopie en 1985, d'aller chercher Michael et Quincy Jones. Et quarante ans après, on a du mal à imaginer combien Lionel Richie, associé à Michael Jackson et Kenny Rogers, pesait lourd sur le marché mondial du disque. Ils cumulent à eux trois 800 millions de disques vendus. Aux JO de Los Angeles, qui invite les athlètes et le monde entier à faire la fête toute la nuit, c'est Lionel, qui aura récolté 15 hits mondiaux en solo sans compter les collaborations ni le fameux We are the world.C'est là qu'on va comprendre pourquoi Lionel Richie reste un des artistes phare des années 80, il marque une pause pour profiter de la vie et aussi pour d'autres raisons matrimoniales. Mais comme souvent, s'arrêter, c'est laisser le monde changer sans vous et donc, vous oublier. C'est ce qui est arrivé. Revenu en 1996, Lionel Richie ne retrouvera pas le chemin des sommets, ni avec cet album, ni avec les suivants. N'empêche l'histoire est belle, elle a été longue, et aujourd'hui, Lionel Richie fait à nouveau recette avec un public qui prend en compte la carrière d'un artiste plus que le succès du moment, conscient de la futilité d'un tube qui bien souvent, est sans lendemain.
Une guitare légère au son très large, un groove rond, le son des Commodores est à nul autre pareil, il colle aux années 70 comme un film de l'Inspecteur Harry. Et quand vient le basculement dans les années 80 et que le disco disparaît, l'Europe alors totalement conquise par la soul music découvre les trois plus grands groupes américains d'un genre jusque-là confidentiel, le funk : ils se nomment Earth Wind & Fire, les Jacksons et bien sûr les Commodores. Mais étonnamment, aussi énorme que soit le son de ce qui est déjà leur dixième album et la qualité des chansons, les Commodores sont à la traîne, complètement éclipsés derrière les deux autres. Et doit-on parler du succès de Michael Jackson en solo !Alors en 1982, le groupe décide d'une pause, après quinze années de tournées et de disques non stop. Pour la première fois, il va y avoir une année sans album des Commodores. Est-ce un hasard si c'est celle où paraît le Thriller de Michael Jackson, qui est l'ami et le cadet de Lionel Richie, il a neuf ans de moins que lui, ce qui, quand on a 24 ans, compte quand même ! On dit toujours qu'il n'y a pas de hasard. Un plus tôt, était sorti un single du chanteur country Kenny Rogers, un concept qui semble fou au départ puisqu'il s'agit de métisser ce genre 100% blanc avec la musique soul. Et qui a été le plus grand crooner côté black dans les années 70 ? Lionel Richie des Commodores. Ecrire pour un autre ne lui pose pas de problème, il le fait pour Walter Orange l'autre chanteur des Commodores et a déjà eu un N°1 avec une chanson écrite pour les Temptations. Et puis c'est dans ce registre que les deux hommes peuvent se rencontrer le plus facilement. Et c'est vrai que cette année-là, quand on a entendu Lady pour la première fois à la radio, on a eu une hésitation. C'est Lionel Richie, ah non, si, non. C'est le jackpot, pour la première fois, une chanson est N°1 dans les quatre catégories du Billboard américain : Adult, R&B, Country et bien sûr, le Hot 100, celui qui cumule tout. De là à inspirer Michael Jackson dans sa quête de conquérir le public blanc, il n'y a qu'un pas.Mais Lionel Richie n'en reste pas là car il se fend aussi d'un duo avec la meilleure amie de Michael, Diana Ross, dont la carrière a été reboostée par la pléiade de tubes offerts par le groupe chic, nouveau et dernier groupe noir américain à avoir conquis le public blanc. En plus, c'est la chanson d'un film avec Brooke Shields, tiens, tiens. Oui, il y a une voie royale qui vient de s'ouvrir au discret Lionel Richie. Son heure est venue. Il vient d'ailleurs d'être pris en charge par le manager de Kenny Rogers, un blanc qui tient le métier du disque à Los Angeles dans les mains. Un gars sympa qui n'a pas la grosse tête car elle est bien faite et qui lui a tenu ces propos : “Tu vois, Lionel, ton problème, c'est que les gens connaissent tes chansons mais pas ton nom. Je vais régler ça.” Lionel ne retournera jamais chez les Commodores.
Si quand il a crevé les écrans de télé dans les années 80, on vous avait dit comme ça d'un bloc que la carrière de Lionel Richie avait débuté dans les années 60, vous ne l'auriez pas cru. C'est vrai, il semblait être tellement de notre époque, comme Prince. Et pourtant c'est vrai que cette histoire avait commencé au milieu des années 60 avec son groupe les Commodores formé sur le campus d'une université de l'Alabama. Les choses avaient été assez vite puisque le groupe signe en 1968 sur le légendaire label R'N'B, Atlantic, celui qui avait révélé Ray Charles. La voie royale. Les Commodores sont alors déjà une fameuse bande avec un chanteur batteur du nom de Walter Orange. Si on entend la voix de Lionel Richie sur le premier album des Commodores, ce n'est que dans les chœurs puisqu'on le retrouve alors principalement aux claviers et au saxophone, il compose d'ailleurs les partitions de cuivres. Sans doute la raison pour laquelle Lionel se trouve au centre des six musiciens sur la pochette en noir et blanc de ce 33 Tours qui commence comme ceci ... on dirait un générique, n'est-ce pas ? Et justement, on va entendre ce morceau instrumental des Commodores un peu partout à la radio et la télé en générique d'émission et bingo, le voilà qui monte dans les charts. Et l'album qui porte d'ailleurs le nom de ce titre se termine par deux chansons signées Lionel Richie. C'est alors que Walter lui-même, convainc Lionel de se lancer en chantant ses propres compositions sur l'album suivant car dit-il, si tu as aussi un excellent sens du swing, tu es un bien meilleur crooner que moi. Et en 1975, les Commodores connaissent un premier grand hit américain, cette fois chez la Motown, et avec la voix de Lionel Richie. Il s'intitule Slippery when wet, … sympa hein ? Et quel groove ! On se croirait dans un film de Tarantino, c'est pas un hasard, c'est un fan, … En tout cas ce titre écrit et interprété par Lionel Richie propulse les Commodores au niveau de leurs compatriotes d'Earth, Wind & Fire. N°1 des charts R&B, une nouvelle étoile est née, en tout cas aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, la France, la Belgique demeurent encore hermétique à cette musique qui n'a pas encore conquis Paris. Mais cela ne va pas tarder car au fil des ans, les morceaux pops côtoient de plus en plus les titres funks sur les albums des Commodores imposant Lionel Richie comme le nouveau crooner, quelque part entre Elvis Presley et Frank Sinatra. Ce type a tout pour plaire, les hits qui s'accumulent le prouvent. Seul ombre au tableau, comme c'est le cas pour Earth Wind & Fire ou Kool & the Gang, les gens ne connaissent pas le nom des musiciens des Commodores. C'est pas le même star system que pour les rockers. Il va falloir changer ça et justement, c'est ce qui va arriver à Lionel Richie au début des années 80.
On connaît tous la voix et le nom de Lionel Richie. Star des années 80, comme Phil Collins, il est issu d'un groupe et voilà qu'au début de la décennie, ils alignent tous deux les disques solos, les duos et écrivent, produisent pour d'autres artistes. Et pourtant, il s'en est fallu de peu pour que nous n'entendions jamais parler de lui dans notre Europe, si lointaine de son Etat d'Alabama, où il est né Lionel Brockman Richie Jr. Alabama, rien que le nom, on imagine les plaines, les déserts, les grands troupeaux de vaches et les cowboys. Mais en Alabama, il y a de grandes villes et des universités où Lionel a grandi dans les années 50. Chaque communauté vit de son côté mais ça n'empêche pas sa grand-mère d'être une pianiste classique renommée et sa maman d'être enseignante, principale d'une école et puis son père aussi, IT dans l'US Army. Non, Lionel ne vient pas d'un milieu défavorisé. Il entame d'ailleurs au milieu des années 60 des études de sciences économiques et obtient un diplôme de bachelier. Et après ça ? Ben il y pense depuis un certain temps, il se voit bien devenir prêtre dans la puissante église protestante épiscopale. Ah, il pourra utiliser les talents de chanteur et de musicien qu'il a développés grâce à sa grand-mère, le dimanche lors des offices ! Mais bon, je ne vais pas tirer l'affaire en longueur puisque vous connaissez la suite, la vie sur le campus et son appartenance à la plus grande fraternité estudiantine ont fait découvrir à Lionel d'autres horizons. A tel point qu'il finit par se dire qu'il n'est pas taillé dans le bois dont on fait un prêtre. Alors ? Ben alors il se verrait bien continuer dans la musique car à l'université, les gars qui font de la musique et les occasions de jouer ne manquent pas le samedi soir. Le groupe de Lionel se nomme les Commodores, ils sont six, et Lionel n'en est pas le chanteur, non, le chanteur c'est un certain James Ingram, non rien n'à voir, c'est un homonyme, de toute façon, il ne reste pas car en 1968, il est appelé sous les drapeaux au Vietnam. Aussitôt remplacé par un certain Walter Orange, batteur, mais qui devient la voix principale des Commodores. Un Walter Orange qui après quelque temps convainc Lionel qu'il a un fameux talent, il est donc convenu que les Commodores auront deux chanteurs, ce qui n'a rien d'exceptionnel, regardez les Beatles. Le premier hit des Commodres, en 1974, est signé Lionel Richie, un instrumental repris en générique d'émissions de télé, en B.O. de film, de séries. Mais au fil des albums qui se succèdent à une vitesse ahurissante, le moment attendu sur le nouveau 33 Tours est toujours la ou les ballades signées et chantées par Lionel Richie. Tant et si bien qu'en 1980 lorsque paraît l'album X, et oui, dix en six ans ou presque, Lionel a déjà à son répertoire une solide liste de succès et de classiques. D'ailleurs qui n'a pas été étonné d'apprendre au début des années 90 que l'énorme tube du groupe rock Faith No More était un simple cover des Commodores signé Lionel Richie. Et qui est depuis, devenu familier à tout un chacun. Et ben non, ça n'avait pas charté chez nous à l'époque.
Lionel Richie est une des grandes figures de la musique populaire. Une évidence. Le crooner noir qui sait aussi bien écrire des chansons qu'il les chante, et qu'on a tous immédiatement en tête. Des chansons des années 80, une étiquette qu'il doit au succès gigantesque qu'il a remporté durant cette décennie qu'il a marquée d'or et de diamant avec Michael Jackson, Prince et Whitney Houston. Et pourtant, comme Michael Jackson, Lionel Richie est au départ un artiste des années 70. Un de ces musiciens qui a marqué la soul à une époque où le marché du disque est encore séparé, où les Afro Américains possèdent leurs propres charts, leurs propres émissions de télé et radio. Il y a certes un public blanc pour acheter leurs disques mais la grande majorité ne semble pas concernée avant l'arrivée d'un Barry White qui reste longtemps une exception dans le paysage. Oui, la soul music reste quelque part dans l'ombre des grands jazzmen comme Miles Davis qui ont réussi dans le passé à briser le mur mais à la fin des années 70, avec la folie du disco, les choses semblent changer, le mur est en train de se fissurer, chose dont le jeune Michael Jackson, vingt ans mais déjà plus de dix années de métier, compte bien profiter. Michael veut devenir N°1 en conquérant le public blanc car oui, c'est possible. Ainsi le chanteur country, Kenny Rogers, immense star américaine, ne vient-il pas en 1980 de faire un immense tube avec une chanson écrite et produite par Lionel Richie.Lionel Richie, c'est le type que personne n'a vu venir. A la fin des années 60, s'il forme un groupe avec des copains, c'est parce que ça le fait auprès des filles de jouer de la musique dans un band. Lionel n'est pas le chanteur, non, c'est Walter, la voix groove des Commodores. Car le truc de Lionel, c'est sa voix suave pour chanter les slows, le reste du temps, il souffle dans son saxophone. Et ça marche. Enfin, ça marche, … gentiment. Pas comme les Jackson Five qui sont les stars de la Motown, le label de disques soul sur lequel ils ont signé eux aussi. Les cinq premiers singles des Jackson Five sont N°1, du jamais vu depuis les Beatles, alors en concert, ce sont les Commodores qui ouvrent les spectacles avant les frères Jackson. Mais avec le temps ils deviennent un sacré groupe de scène et ô surprise, en 1974, ça y est, ils tiennent leur premier tube, dans les charts R'N'B mais quand même, c'est un sacré marché et un sacré groove ce Machine Gun. Lionel aligne alors chaque année un ou deux succès par album des Commodores dont un inévitable slow qu'on se surprend à espérer à chaque sortie comme cet extraordinaire Still, en 1977, sur ce qui est déjà leur cinquième album.
Au milieu des années 90, tout le monde regarde la télé le soir, l'après-midi, et même le matin car ça y est, les programmes tournent 24 heures sur 24. On va oublier progressivement ce qu'est la mire avec ce son si poétique … et puis aussi les génériques de début et de fin des programmes dont l'un a rendu célèbre un artiste … Et puis comment oublier celui de la télé américaine dans Poltergeist, le film de Spielberg et Tobe Hopper … Alors qu'est-ce qu'ils regardent, tous ces gens ? Ben s'ils sont mômes, les émissions de Dorothée, et s'ils sont adolescents aussi, des sitcoms, pas de Dorothée, hein, mais c'est la même équipe de production derrière. De toute façon, dans les années 90, tout le monde regarde TF1, c'est là que ça brille le plus. Enfin, pas tout le monde. Il y a Nulle Part ailleurs le soir sur Canal avec une bande de grands malades comme Les Nuls, Les Guignols et le duo Antoine de Caunes et José Garcia … et le week-end sur M6, la petite chaîne qui monte, dirigée par le frère de Michel Drucker, il y a Thierry Ardisson qui sévit déjà. Je devrais dire qui sévit toujours. Il produit notamment La nuit la plus Love : la 1ère coupe du monde de la séduction. Pourquoi ça ne vous étonne pas ? C'est dans cette émission qu'une directrice de la chaîne remarque une jeune femme qui a ce quelque chose que la majorité n'a pas. Elle a tout ce qui faut pour faire tourner une émission de télé et surtout amener du monde. Les deux femmes se parlent et quelques semaines plus tard, Ophélie Winter commence à animer une émission de M6 au départ essentiellement musicale : Hit Machine. Et autant on va très vite parler d'Ophélie Winter dans tous les magazines télé etsurtout dans toutes les écoles, autant on ignore qu'elle n'est pas une nouvelle venue. Car non, ce n'est pas un pseudonyme. Ou plutôt si, mais c'était celui de son père, un Hollandais qui a roulé sa bosse dans le monde, puis venu à Paris, avait commis un ou deux succès à l'époque des Yéyés, est même allé à l'Eurovision au début des années 70, avant de disparaître définitivement aux Etats-Unis. Mais voilà, comme beaucoup d'artistes venus de l'étranger, ils se reconnaîtront, David Alexandre Winter a laissé un petit garçon nommé Mickaël et une petite fille nommée Ophélie dont la maman est une ex-Miss française. Les chiens ne font pas de chats, Ophélie est très belle, devient mannequin, s'essaie à la chanson une paire de fois avec divers producteurs mais sans succès avant ce jour où elle participe à l'émission de Thierry Ardisson, elle n'a alors pourtant que 20 ans. Si on se souvient que Ophélie va présenter l'émission Dance Machine avec son frère Mickaël, on a surtout retenu les singles qu'elle va sortir à cette époque et qui vont faire d'elle la personnalité la plus en vue de ce milieu de décennie. Back to 1995, avec Ophélie Winter, c'était quand même vachement bien balancé, non ?
Retour en 1995. S'il y a un film de cette année qui réunit tout le monde cette année-là, c'est bien Le Roi Lion. Qu'on l'ait vu avec des yeux d'enfant, d'adolescent ou de parent, on y est tous passé ou presque. Et je ne parle pas de la cassette vidéo qui a suivi et tourné, tourné, tourné mille fois. Chouette invention, hein, pour les mômes, mais pour les parents, dix fois, la même scène, c'est un sacerdoce. Mais bref, N°1 au Box Office mondial, Disney n'avait plus connu ça depuis les années 70. La traversée du désert a été longue, mais les aventures de Simba, Timon et Pumbaa sur fond de tragédie shakespearienne, c'est une trouvaille. Et qui a un effet collatéral puisqu'il marque aussi le retour d'Elton John sous unepluie des disques d'or et de platine. Ah ça faisait longtemps aussi, une petite dizaine d'années malgré une production toujours aussi dense, quasiment un album par an. Oui, avec les années, ça y était, Elton John n'était plus acheté par les jeunes mais par une partie seulement de ceux qui en avaient été les fans du début des années 70 jusqu'au milieu des années 80. Ce qui était déjà pas mal, qui peut se vanter d'une carrière pareille. C'est vrai qu'au fil des albums, il avait fini, si pas par décevoir, en tout cas par user notre émerveillement, Elton John. Il composait toujours de belles chansons mais elles avaient perdu l'attrait de la nouveauté, de leur folie et aussi de l'impétuosité de l'artiste sur scène. Vingt-cinq ans de carrière, même un peu plus, disons de succès, et donc, quand le film sort, un Elton John qui sert la soupe à Disney, c'est un peu l'antichambre de la maison de retraite, une pension pour un homme qui n'en a pas besoin, en plus. Vous le savez, ce doublé de succès va être énorme, gigantesque replaçant Elton John sur le podium du business mondial. Pour la première fois, on parle de record de longévité pour un artiste qui aligne les N°1 et les disques de platine sur trois décennies. Mais c'est bien peu de choses par rapport à ce qui va sortir quatre ans plus tard, la comédie musicale du roi lion, qui plus d'un quart de siècle après attire toujours autant de monde dans les théâtres, on ne compte plus le nombre de troupes qui ne jouent que ça à travers le monde. On n'ose même pas imaginer ce que ça doit représenter en droits d'auteur !Reste bien sûr le principal : l'émotion à l'écoute de cette chanson d'Elton John, qui se marie diablement bien avec ce film qui a tiré des larmes à plus d'un, la première fois sans doute chez Disney, dans de telles proportions, depuis Bambi, cinquante ans plus tôt. Alors, pas besoin de mettre le calendrier de la DeLorean sur 1995, ça marche toujours, il suffit d'écouter la chanson.