L'Arche de Nova

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Utopies poétiques pour futurs désirables. Et si c'était toujours l’heure de tout réinventer ? L’Arche de Nova embarque tout un bestiaire d’artistes pour un déluge de bonnes idées dans un monde déconfiné, via des hypothèses grandioses, des scénarios farfelus, des raisonnements magiques, des logiques insensées, de noirs vertiges... à contre-courant du pessimisme apocalyptique. Musiciens, écrivaines, cinéastes, dessinatrices, humoristes, plasticiennes : chaque jour, en trois minutes, l’un.e des membres de l'équipage monte sur le pont et imagine la société de demain, le temps d’une note vocale très sérieuse ou complètement délirante. Il était un joli navire… en voyage vers l’avenir.   Un podcast imaginé et coordonné par Richard Gaitet, réalisé par Mathieu Boudon et Benoît Thuault.

Radio Nova


    • Jul 1, 2021 LATEST EPISODE
    • weekdays NEW EPISODES
    • 4m AVG DURATION
    • 236 EPISODES


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    Judith Duportail : « Demain, nous vivrons de grandes fêtes sans smartphone »

    Play Episode Listen Later Jul 1, 2021 6:51


    Comment draguer dans le futur ? Convaincue que « le swipe est un geste de droite », cette autrice et journaliste parisienne, spécialiste des applis de rencontres, rêve de flirts en mode avion et d'amour sans algorithme.« La simple idée de me connecter à une application me glaçait le sang. Draguer un mec me collait de l'hypertension. J'étais clouée sur le banc de touche des grands brûlés de l'amour. » Dans Dating fatigue, son dernier essai publié ce printemps aux éditions de l'Observatoire, Judith Duportail, 34 ans, livre une enquête introspective sur cette forme « d'épuisement mélancolique » consécutif à « l'errance entre relations floues » nées des rencontres en ligne. Ce qui fatigue, c'est le fait de devoir « dérouler ce qu'on fait dans la vie à une table de café avec des mots déjà tant répétés qu'ils semblent caoutchouteux », slalomer parmi les nouveaux comportements numériques tels que le ghosting (« quitter quelqu'un en cessant brusquement de répondre à ses messages ») ou l'orbiting (« l'art d'ignorer une personne tout en continuant de suivre assidûment sa vie sur les réseaux et en réagissant strictement avec des émojis »), tout en espérant « construire des relations égalitaires entre hommes et femmes dans un monde qui ne l'est pas », « faire respecter son consentement, concrètement » et envisager, dans son cas, de se transformer en « hétéra : une hétéro qui veut kiffer les hommes hors des structures de domination et des enjeux de pouvoir, une hétéro qui baisse les armes ».À l'avenir, au nom de cet ultra-libéralisme amoureux passablement dégoûtant, froid et déshumanisé en passe de devenir la norme, devra-t-on apprendre à se contenter de « miettes » sentimentales – avant de finir avec l'âme en mille morceaux ? Pour le savoir, Judith voyage, interroge. L'autrice de l'enquête de référence sur les coulisses de Tinder (L'amour sous algorithme, éditions de La Goutte d'Or, 2019) discute « d'anarchisme relationnel » avec un.e militant.e trans non binaire, sent l'électricité reparcourir son corps dans le recoin d'un immense résidence d'artistes à Berlin, mais s'inquiète que quelqu'un puisse poster une photo d'une soirée où elle tient la main de son ex.Grimpant à bord de notre navire utopique, Judith Duportail se demande justement comment draguer dans le futur en rêvant de grandes fêtes réussies où le smartphone serait interdit, pour « tromper les apparences », « écrire sa propre histoire sans stories » et conjurer toute tentation de mise en scène de soi et se désintoxiquer de notre dépendance à la dopamine générée par les likes et les coeurs synthétiques. Convaincue que « le swipe est un geste de droite », la journaliste rêve ici de flirts en mode avion et d'amour sans algorithme. P.-S. : Pour le tout dernier épisode de ce podcast né une semaine après le premier confinement en mars 2020, miroir de nos espoirs et de nos angoisses durant quinze mois de crise sanitaire, terminer cette aventure sur l'image d'une fête pleine d'amour est un présent – un cadeau – hautement désirable que les deux pilotes de L'Arche de Nova accueillent à bras ouverts.Réalisation : Mathieu Boudon.Image : Les Rencontres d'après minuit, de Yann Gonzalez (2013). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Iris Kooyman : « Demain, nous détournerons les pigeons-robots de la République »

    Play Episode Listen Later Jun 28, 2021 7:00


    Sensible à la théorie du complot selon laquelle TOUS LES OISEAUX seraient en réalité des drones de surveillance gouvernementaux, cette étudiante du master de création littéraire du Havre a mené l'enquête dans les volières secrètes de l'Hexagone, en remontant… jusqu'au Général de Gaulle.Elle déclare, non sans panache, aimer « les bus de banlieue et les documentaires animaliers de la BBC ». Elle aurait dédié ses trois dernières années à enseigner le français dans une classe d'accueil pour adolescents non-francophones de La Courneuve (Seine-Saint-Denis). Étudiante du master de création littéraire du Havre, elle écrit désormais un roman sur quatre spécimens de copines présentant la particularité de savoir lever le coude en milieu bistrologique, dont l'une est « une assistante sociale au bord du burn-out ». Spoiler : c'est pas triste.Voici l'essentiel, à ce jour, des pièces que nous pouvons verser au dossier concernant notre invitée du soir répondant au nom d'Iris Kooyman. Nouvel élément, peut-être décisif : ces derniers mois, l'intéressée a compulsé les discussions ornithologiques du forum américain Reddit, notamment à propos de cette vertigineuse théorie du complot, Birds Aren't Real, selon laquelle les oiseaux « n'existent pas » et seraient en réalité des drones de surveillance gouvernementaux.Sensible à cette hypothèse, Iris Kooyman a donc mené l'enquête dans les volières secrètes de l'Hexagone, en remontant jusqu'au Général de Gaulle et le prototype d'un « pigeon robotique de surveillance des frontières » baptisé Lucien, expérimenté dès 1945. Une technologie que tous les Présidents de la Ve République ont utilisée par la suite en contrevenant à toutes nos libertés fondamentales : observer « la calvitie de la population, afin d'évaluer le nombre et les turpitudes du stock national de chauves » (Giscard), assurer le soutien logistique de la FrançAfrique, notamment au Rwanda (Mitterrand), muscler nos « basses barbouzeries » (Chirac, Sarkozy), « traquer les chômeurs récalcitrants » (Hollande) ou enfin – les pigeons ayant été dotés de la précision des drones développée depuis une sinistre « birdcave » cachée dans les îles du Frioul – « filmer les banlieues, les piquets de grèves et l'intégralité des manifestations des Gilets Jaunes, voire certains concerts en plein air » (Macron).Mais le gouvernement n'a pas su anticiper la sagacité d'un groupuscule de hackers, Les Oiseaux Rares, qui ont réussi tôt ou tard à « cracker les codes » de ces cyber-piafs… pour une belle révolte anticapitaliste, qui ne ménagera pas non plus les nervis et porte-paroles du crypto-fascisme contemporain, non sans un ultime scoop. Comme le déclamait Benoît Poelvoorde dans C'est arrivé près de chez vous : « Pigeon / Oiseau à la grise robe / dans l'enfer des villes / à mon regard, tu te dérobes. »Réalisation : Mathieu Boudon.Pour écouter la précédente utopie d'Iris Kooyman, c'est ici : https://www.nova.fr/news/iris-kooyman-demain-les-francais-deviendront-peu-a-peu-des-opossums-141627-12-05-2021/Image : campagne d'affichage contre les oiseaux-drones, vue sur Reddit (2020). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Delphine Bretesché : « Demain, nous relâcherons les mâchoires »

    Play Episode Listen Later Jun 24, 2021 4:32


    À Nantes, cette plasticienne, poétesse et dessinatrice se jette dans les bras « immenses et chaleureux » de l'avenir, après une expiration « dé-sidérante » inspirée par la « puissance de la douceur » chère à la psychanalyste Anne Dufourmantelle.« La chute / Lente / Le décordé / Le corps / Lentement / Le qui monte plus / Plus dure sera l'ascension / Qui prend fin / La tension / La corde molle / La corde dure / La corde au cou / À la taille / à la taille de qui… » C'était en octobre 2019, aux cafés littéraires de Montélimar. Une randonnée immobile de dix minutes avec la plasticienne, poétesse et dessinatrice nantaise Delphine Bretesché, étirant les motifs escarpés de la triste formule d'Emmanuel Macron, lors de sa première interview télévisuelle post-élection, cimentant son image de président des riches : « Je crois à la cordée, il y a des hommes et des femmes qui réussissent parce qu'ils ont des talents, je veux qu'on les célèbre (…) Si l'on commence à jeter des cailloux sur les premiers de cordée, c'est toute la cordée qui dégringole. »Formée aux Beaux-Arts de Nantes, l'artiste posait pas à pas, parfois mot à mot, son contre-poème sur le culte de l'ascension. « Corps et corde / Tirée d'où / Tirée vers / Où / L'haut / L'en haut / Que t'auras jamais / Jamais / Autrement / Qu'au-dessous / À voir les culs / Du dessus / Ceux qui grimpent / Les mains / Arrachées / Grimpe / Grimpe / Grimpe / Avec tes dents / Celles qui te restent / Grimpe / Grimpe / Grimpe / T'auras marché sur / Suffisamment / Grimpe / Grimpe / Grimpe / De têtes / Peut-être / Pour imaginer… » Dans les crevasses de ce texte vivifiant paru aux éditions Apocope accompagné des dessins de Clara Djian et Nicolas Leto, il est aussi question de « léchage des culs du dessus », des « miettes aux petits chiens », mais également, ça alors, en contrebas, de « ceux qui s'allient », qui ont quitté l'ascension « depuis longtemps » et qui apprennent à « marcher ensemble ».Depuis, Delphine a poursuivi son éloge du collectif avec Marseille festin ! (éditions Laskine, 2020), témoignage de cinq semaines de résidence dans la cité phocéenne dans cinq quartiers différents, avec le repas cuisiné puis dévoré en commun comme motif éternel de compréhension, de fraternité et d'harmonie. « Qu'est-ce qui se déplace quand on se déplace ? Qu'est-ce qu'on offre ? Qu'est-ce qu'on reçoit ? Qu'est-ce qui résiste ? Et si la rencontre est une nourriture ? » Ce principe appétissant sera renouvelé dans un ouvrage à paraître, Québec festin !Grimpant pour la seconde fois à bord de notre Arche, Delphine Bretesché, qui anime aussi depuis deux ans des ateliers d'écriture à la faculté de médecine de Nantes, se jette dans les bras « immenses et chaleureux » de l'avenir après une expiration « dé-sidérante », inspirée par la « puissance de la douceur » chère à la psychanalyste Anne Dufourmantelle, titre d'une « courte méditation » publiée en 2013. Cette dernière écrivait : « La douceur allège la peau, disparaît dans la texture même des choses, de la lumière, du toucher, de l'eau. Elle règne en nous par de minuscules brisures de temps, donne de l'espace, enlève leur poids aux ombres. » Et que ne durent que les moments doux.Réalisation : Mathieu Boudon.Pour écouter une autre utopie de Delphine Bretesché, c'est ici : https://www.nova.fr/news/delphine-bretesche-demain-eliminera-le-pourri-la-hache-38963-15-05-2020/Pour voir Delphine Bresteché performer Premiers de cordée en solo intégral, c'est là : http://tapin2.org/premiers-de-cordee?fbclid=IwAR3ZyjGMCr3LNU83ZlD9DJcaQPl19LmFKcUaa5dBUuWwvnmdPxT63Th5HDQImage : Maps To... See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp : « Demain, des Amérindiens vont déconquérir l'Europe »

    Play Episode Listen Later Jun 23, 2021 5:30


    À Genève, ces douze musiciens anticonformistes se font l'écho du possible voyage, cet été, d'une centaine de zapatistes mexicain.e.s pour des rencontres entre mouvements de résistance, de l'Espagne à la Russie, visant à obtenir « la destruction du capitalisme ».« We're OK, but we're lost anyway. » Le titre du cinquième album de L'Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, à paraître le 2 juillet sur le label Bongo Joe, mériterait d'apparaître sur des milliers d'affiches aux quatre cents coins du globe, tant la formule résume notre sentiment après quinze mois de crise sanitaire. Pas de grandes remises en question pour le très attendu « monde d'après », juste un retour à l'anormal et le durcissement des discours politiques. De quoi rester, en effet, « perdus, quoi qu'il arrive », comme le chante en 2021 les douze membres de cette fanfare exploratoire à géométrie variable formée quinze ans plus tôt par le contrebassiste Vincent Bertholet, qui confie parfois : « À la base, le but était de faire un groupe de rock avec de la marimba. » Divers instruments se sont greffés pour repeindre notre monde de couleurs funk, soul, jazz, pop, dub, post-punk, highlife ou samba.Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp : le nom, déjà, ne laisse guère indifférent les amateurs de curiosités hybrides, brassant la fièvre de légendaires combos africains (OK Jazz au Congo, Poly Rythmo au Bénin) et l'héritage anticonformiste de « l'anti-artiste » autodidacte, peintre et plasticien pataphysic-oulipien, qui demanda un matin : « Faut-il réagir contre la paresse des voies ferrées entre deux passages de trains ? » Sur son morceau Flux, l'OTPMD, lui, vocalise d'un ton monotone, équipé d'une cadence afro-beat striée de riffs à la Tortoise : « Des containers européens remplis de pommes pour la Chine croisent dans l'océan Indien des containers chinois remplis de pommes pour l'Europe. Ah ? Ah ? De jeunes paysans africains partent ruinés vers l'Europe, pour cueillir des tomates qui sont envoyées en Afrique. Ah ? Ah ? Oui, oui, oui, oui. »Grimpant sur L'Arche de Nova, Vincent Bertholet se fait l'écho du possible voyage, cet été puis cet automne, de zapatistes mexicain.e.s à travers l'Europe, de l'Espagne à la Russie. En janvier dernier, des insurgé.e.s du Chiapas publiaient une « déclaration pour la vie », appelant à des rencontres entre des mouvements de résistance avec, pour but, « la destruction du capitalisme ». Le 2 mai, le voilier « La Montagne » a quitté le Mexique avec à son bord « quatre femmes, deux hommes et une personne transgenre » en direction de Madrid, pour une arrivée prévue le 13 août, cinq cents ans après « la prétendue conquête du Mexique » ; cette aventure est d'ores et déjà racontée en bande dessinée par Lisa Lugrin, à lire sur le site de Mediapart. De nombreux collectifs, présents par exemple sur la ZAD de Notre-Dame des Landes, sont impatients de les accueillir.Comme l'explique le magazine radical Basta !, ces sept dé-conquistadors devraient être rejoints par plus de cent militant.e.s, « aux trois quarts des femmes », puis par des membres du Congrès national indien et du Front des villages en défense de la terre et de l'eau. Le fondateur de l'Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp imagine alors les conséquences inespérées de « l'escadron 4-2-1 » : sanglots des dirigeants européens et « démantèlement des grands empires commerciaux au profit d'initiatives paysannes locales ». Soon, we'll be OK !Réalisation : Mathieu Boudon.Pour lire la BD de Lisa Lugrin, c'est là : https://blogs.mediapart.fr/le-voyage-pour-la-viePour écouter une utopie d'Iroquois anarchistes, contée par... See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Laureline Mattiussi : « Demain, des chiens érudits nous apprendront la beauté et la camaraderie »

    Play Episode Listen Later Jun 22, 2021 5:28


    À Bordeaux, cette autrice de bande dessinée lève la patte pour une imminente civilisation de toutous philosophes, sagement inspirée par « Demain les chiens » de l'Américain Clifford D. Simak.« Jean Cocteau. On vous accuse d'être un touche-à-tout, un dilettante mondain, un séducteur opportuniste, un poète superficiel et un fantaisiste. Votre œuvre ne suit aucune logique. Vos métamorphoses agacent. » Dans Cocteau l'enfant terrible, magnifique biographie dessinée parue aux éditions Casterman en septembre dernier, Laureline Mattiussi et François Rivière imaginent le jeune et le vieux Cocteau conjointement convoqués au tribunal de leur existence. « On vous manque souvent de respect. Peut-être parce que vous manquez de sérieux. A-t-on jugé votre œuvre avec trop de désinvolture, ou êtes-vous un imposteur, un être éparpillé, pris en défaut de profondeur ? » Dans un subtil entrelac de tableaux noirs et blancs tracés à la plume et au pinceau, la vie tumultueuse du poète se déploie sous nos yeux captivés, en empruntant autant à la réalité qu'à ses œuvres sulfureuses. « Si votre maison brûle, qu'emportez-vous ? », demanda-t-on un jour au réalisateur du Sang d'un poète (1930), son premier film, considéré comme scandaleux pour sa « curiosité érotique, plastique et suicidaire ». Cocteau répondit : « Le feu. »Seize ans plus tard, en 1946, Jean Cocteau a besoin du corps d'un chevreuil pour le tournage de La Belle et la Bête. Deux assistants lui apportent deux chiens morts, pullulant de mouches ; « en les amenant chez l'équarisseur et en leur fabriquant des bois… » C'est le genre de choses qui n'arriverait pas dans le futur canin prédit, depuis Bordeaux, par Laureline Mattiussi. Grimpant à bord de L'Arche de Nova, le dessinatrice et scénariste a rouvert l'une des huit nouvelles qui composent le recueil Demain les chiens de l'Américain Clifford D. Simak. Dans ce classique S.-F. de 1952 – l'un des livres de chevet de Michel Houellebecq –, une société de toutous érudits, doués de parole, étudient et commentent les quelques « douze mille ans » du règne humain sur la Terre, jusqu'à douter de l'existence de ceux auxquels ils ont succédé. Chiennes et chiens élaborent alors, « avec une clarté d'esprit inédite », leur propre utopie basée sur « la beauté, la compréhension de cette beauté – et plus important encore, la camaraderie, comme nul n'en a encore jamais connue, ni homme ni chien ». Belles bêtes. Les métamorphoses peuvent reprendre.Réalisation : Tristan Guérin.Pour écouter une autre utopie de chiens savants, contée par Eva Bester, c'est ici : https://www.nova.fr/news/eva-bester-demain-nous-serons-gouvernes-par-des-chiens-42171-19-11-2020/Image : Mr. Peabody & Sherman : les voyages dans le temps, de Rob Minkoff (2014). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Rocé : « Demain, nous allons fédérer les forces de résistance »

    Play Episode Listen Later Jun 21, 2021 5:34


    La plume la plus politique du rap francophone nous engage à tisser des « lianes solides » entre les mouvements « écologistes, féministes, anticapitalistes et panafricains », pour faire briller les énergies « cachées sous la brume des systèmes d'oppression ».« J'suis pas un ouf, je suis en colère. Vous êtes des oufs de ne pas l'être. » C'était fin mai, près des platines de Sims sur Nova : le retour époustouflant de la plume la mieux renseignée du rap francophone, vingt minutes de live avec Rocé « l'intrépide » – dont le flow posé navigua entre quelques-uns de ses titres exemplaires (On s'habitue, En apnée) et des tranches de son nouvel EP, Poings serrés, à paraître vendredi sur le label Hors Cadres. « Les MCs appellent punchlines ce que j'appelle écrire. ». Un tel échantillon de rimes « simples, intenses » rappela, si nécessaire, que le hip hop hexagonal peut évoquer autre chose que la virilité toxique de machos matamores, une bien pauvre obsession pour l'argent et la réussite individuelle, ou de pseudos exploits criminels.Sur le récent Cxpitxlistes, celui qui se nomme à l'état-civil José Youcef Lamine Kaminsky écrit par exemple : « J'aimerais transformer le malheur en fleur / pour voir qui ferme le poing sur les épines / Tout ce qui y est bon dans cette vie se fait descendre / Mais on ne fera pas du feu avec des cendres / Ils ont cassé humanité et jambes / de l'Afrique à la cordillère des Andes (…) On est mangé par du capitalisme, alors on meurt sur du capitalisme (…) Ce monde nous vend le dépassement de soi / Pas pour le sport mais pour un poste en stage / Comme ça tu t'exploiteras toi-même / Pas pour l'oseille mais pour pas être en marge. »Sur Tenir debout, ce « Russo-Algérien panafricain » né en 1977 à Bab-el-Oued, catapulté sept ans plus tard dans le 9-4, se demande : « On laissera quoi aux gosses à part une vie de start-up ? Des cagnottes, des hold-ups, des ragots et des carottes ? Aucune bonne intention, pas de projet de société, ils ne cherchent pas à protéger, ne cherchent pas à s'auto-gérer. » Puis Rocé égrène à toute vitesse la liste de ses principales références politiques et littéraires – Frantz Fanon, Miriam Makeba, Rosa Luxembourg, Aimé Césaire, Che Guevara… –, en passant par son père, Adolfo Kaminsky, résistant et spécialiste dans la fabrication de faux-papiers pour peuples en révolte aux quatre coins du globe.Toujours disposé, depuis 2001, à « changer le monde », Rocé grimpe avec panache à bord de L'Arche de Nova et nous engage à « tisser des lianes solides » entre les mouvements « écologistes, féministes, anticapitalistes et panafricains », ainsi que d'inclure « l'Histoire des vaincus à l'école », pour faire briller les énergies collectives « cachées sous la brume des systèmes d'oppression ». Tandis que les gauches rament à s'unir face à l'effarante montée de l'extrême-droite aux multiples visages, le rappeur nous incite, si, on peut le faire, à « briser l'inertie ». Pour réécouter Rocé chez Sims, c'est là, à partir de 41'00 : https://www.nova.fr/news/sims-sur-nova-30-avec-roce-142902-24-05-2021/En concert le 9 juillet à Roubaix (La Condition publique).Image : Rocé photographié par Ousmane Diaby, tous droits réservés. See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Christophe Siébert : « Demain comme aujourd'hui, les diamants brillent mieux dans la merde »

    Play Episode Listen Later Jun 17, 2021 6:01


    À Clermont-Ferrand, ce romancier de l'apocalypse, qui flippe à mort dès qu'il entend parler d'utopies, nous offre une visite guidée de sa Gotham City post-soviétique : la « République indépendante de Mertvecgorod », dégueulasse et corrompue, où les kebabs ont enfin ce goût d'hydrocarbure dont il rêve la nuit.Ce sera, probablement, le bouquin le plus poisseux de la rentrée. Son titre, déjà : Feminicid, en librairies le 16 septembre, deuxième tome des chroniques de la « République indépendante de Mertvecgorod », un an et demi après Images de la fin du monde, tous deux publiés aux éditions Au Diable Vauvert. Dédié aux victimes de l'authentique féminicide perpétré dans la ville-frontière de Ciudad Juárez au Mexique depuis 1993 (quatre cents femmes assassinées, six cents disparues), le nouveau roman de Christophe Siébert est une sorte de Millenium craspec, à la sauce ruskoff. Son héros, Timur Maximovitch Domachev, est un fouille-merde, un résidu de journaliste spécialisé dans « les égouts et le caniveau », sans « aucune conscience sociale ni politique, aucune culture ». Son destin bascule le jour où il est contacté par des « aktivisti » énervées représentées par la mystérieuse Lily (ses loisirs : la techno hardcore, le chamanisme, la sexualité sacrée, les drogues synthétiques artisanales). Au prix d'une balle dans la tête, Timur enquêtera avec elle sur les milliers de meurtres atroces qui frappent les dames de Mertvecgorod.Mertvec-go-quoi ? L'auteur décrit sa Gotham City comme « une mégapole déliquescente de sept millions d'habitants, post-soviétique et pré-apocalyptique, dévorée par la pollution, perdue dans la toundra, pourrie jusqu'à la moelle, criblée de surnaturel. La version russe du Los Angeles de Blade Runner. Le Londres de Jack l'éventreur déplacé à la frontière ukrainienne. » Depuis sa (vraie) ville de Clermont-Ferrand, ce prince des ténèbres de l'underground littéraire, qui depuis plus de vingt piges propose via sa prose macabre un « réalisme critique et une forme de naturalisme social qui mêle horreur, pornographie et gore », très justement récompensé du prix Sade pour sa Métaphysique de la viande (2019), nous offre une visite guidée de sa contrée « où ça grouille, ça pue et ça braille », « purement, totalement soumise aux passions humaines : orgueil, avidité, narcissisme, impulsivité, égoïsme, libido ». Quelque part, oui : un futur désirable.Réalisation : Mathieu Boudon.Pour en savoir plus sur le parcours de Siébert et la « fabrication » de cet écrivain, c'est ici : https://audiable.com/boutique/cat_document/fabrication-dun-ecrivain/Image : Joker, de Todd Philipps (2019). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Maya McCallum : « Demain, chaque jour, une heure à ne rien faire, rideaux tirés »

    Play Episode Listen Later Jun 16, 2021 7:21


    À Paris, cette dessinatrice franco-écossaise esquisse le « service civique d'inactivité », un rendez-vous quotidien obligatoire avec l'ennui et « l'immobilité inefficace », sans écrans ni yoga. Zéro injonction à être zen. Une heure pour que dalle, nada, walou. Waou !Un arbre lui pousse dans le cœur. Pour Faune et flore, l'un de ses autoportraits à l'encre noire sur fond blanc rassemblés dans l'exposition Double Trouble visible à la galerie parisienne Arts Factory jusqu'au 26 juin, Maya McCallum se représente assise, le sein gauche à l'air libre, entourée d'angelots chérubins qui peignent ou croquent des fruits défendus, dans un ardent buisson de mains élastiques et de fleurs vaginales. Pour Sacré-cœur, son alter ego s'accroche à un myocarde en flammes, que trois cosmonautes en apesanteur semblent analyser ; les anges se sont démultipliés et cette forêt de symboles ésotériques devient de plus en plus inquiétante. Enfin, sur Printemps 2020, elle apparaît via trois versions d'elle-même masquées et ligotées sur une chaise, tenant un crayon, un sablier ou la planète Terre, avec es œufs sous cloche et un pangolin dont on ne voit que la queue ; tout autour, sept anges dansent en regardant tourner des horloges.Mais qui est Maya ? Selon ses propres mots, cette dessinatrice franco-écossaise de 43 ans est une « enfant de la Goutte d'Or », qui vit et travaille à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), après avoir « écumé dès 1995 la scène rock indépendante avec de nombreux projets à l'esprit Do It Yourself largement assumé ». Très tôt « fascinée par le surréalisme, le psychédélisme ou la dimension médiumnique de certains artistes issus de l'art brut », elle pose ses guitares début 2014 pour reprendre le dessin, via des « fresques érotico-baroques réalisées à la limite de l'état de transe » ou de « foisonnantes frises aux motifs hérités de la Renaissance », entre esthétique punk-rock, iconographie judéo-chrétienne et décorum fétichiste.Pour Double Trouble, expo qui l'associe au dessinateur Jean-Luc Navette, elle revisite donc l'art de l'autoportrait, via des dessins qui saisissent par la luxuriance minutieuse de leurs détails. « Ma technique me demande des heures (des jours, des mois) pour finir un dessin. Cet appel impératif et obsessionnel des détails, des petits traits noirs, m'apporte une qualité de concentration proche de la méditation. Ce temps long et suspendu est devenu le refuge évident de ma pensée, une accalmie salvatrice, à contre-courant d'un monde qui me semble souvent trop peuplé, trop bruyant, trop rapide pour ma nature plutôt contemplative. »Ces accalmies, un soir, lui ont donné une idée, qu'elle esquisse ici : le « service civique d'inactivité », un rendez-vous quotidien obligatoire avec l'ennui et « l'immobilité inefficace », sans écrans ni yoga. Zéro injonction à être zen. Une heure pour que dalle, nada, walou. Waou !Réalisation : Mathieu Boudon.Galerie Arts Factory, 27 rue de Charonne, Paris 11e.Pour écouter une autre utopie improductive signée du musicien Floyd Shakim, c'est ici : https://www.nova.fr/news/floyd-shakim-demain-on-applaudira-tout-ce-qui-est-rate-foireux-mal-prepare-130414-25-02-2021/Dessin : Maya McCallum, fragment de Vanité (2019). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Camille Brunel : « Demain, plein les villes, des chênes centenaires »

    Play Episode Listen Later Jun 15, 2021 5:57


    Lauréat 2020 du Prix de la Page 111, cet écrivain de Châlons-en-Champagne nous branche sur un plan de reforestation de l'Europe, pour planter des cèdres ou des saules à la place des champs de monocultures qui servent, majoritairement, à nourrir le bétail. « Il nous faudra des millénaires pour démanteler les anciens dieux, et le démantèlement virera au culte. Mais pour la Terre, ça s'achèvera comme ça. Les cerfs croisant à nouveau les belettes au milieu des forêts ; des renards leur filant entre les pattes à l'affût des poussins protégés par leur mère, aux plumes rousses – sans personne pour les broyer, les abattre ni les enfumer. » Paru en septembre aux éditions Alma, récompensé sur Nova du très convoité Prix de la Page 111, Les Métamorphoses, le second roman de Camille Brunel, se déroule dans un avenir proche où une pandémie transforme soudain les humains en bestioles, au hasard. En hyène, en écrevisse, en brebis, en taon. La société toute entière s'en trouve assez naturellement bouleversée. « Et dans l'Amazonie, dont on n'arrivera pas à croire qu'on ait pu l'incendier sciemment, il n'y aura plus personne pour épier les lamantins croisant les dauphins croisant les piranhas(…) J'ai rien compris, mais je t'aime. »Pour sa septième utopie à bord de L'Arche de Nova, ce drôle d'oiseau de Châlons-en-Champagne (Marne), qui publiera bientôt un Éloge de la baleine aux éditions Rivages, nous branche sur un plan de reforestation de l'Europe, pour planter des cèdres ou des saules à la place des champs de monocultures qui servent, majoritairement, à nourrir le bétail. « Il y aura plus de forêts en France qu'on en a vues depuis la Préhistoire. Ce qu'on prenait pour des édens arboricoles – la Colombie-Britannique, Yellowstone, ce genre de spots de rêve – ce sera chez nous. La Chine regardera l'Europe comme Manhattan regarde le Yukon. L'Europe sera le far-west ré-ensauvagé de l'Asie, et non cette espèce de plaque de béton pullulant de promoteurs immobiliers et de pilotes de bulldozers. Elle ne sera plus tartinée de monocultures comme aujourd'hui, qui font parfois ressembler la Champagne au Sahara… la poésie des champs de blé à perte de vue, c'est mignon deux minutes, mais quand on pense aux forêts dont ils ont pris la place, on réalise qu'on a raté de peu l'époque où les paysages français étaient autrement plus touffus que ces dunes de céréales qui lissent l'horizon. Mais un jour, on pourra arrêter de se dire qu'on est arrivés après la désertification… puisqu'on sera nés après la reforestation.»Autre idée de l'écrivain, qu'on aimerait bien aussi voir prendre racine, pour calmer tout le monde : « Quant aux éoliennes qui fonthurler les réacs, on ne les voit même plus. Cachées par la canopée. »Réalisation : Mathieu Boudon.Pour écouter la précédente utopie de Camille Brunel, c'est là : https://www.nova.fr/news/camille-brunel-demain-la-variete-de-lespece-humaine-explosera-143223-25-05-2021/Image : Le domaine des dieux, de René Goscinny & Albert Uderzo (1971). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Romain Dutter : « Demain, les murs seront remplacés par des ponts »

    Play Episode Listen Later Jun 14, 2021 5:42


    Ce travailleur social organisa pendant dix ans des concerts à la prison de Fresnes, en invitant Gaël Faye, Vaudou Game, Youssoupha ou Sofiane Saidi. Co-auteur d'une BD sur cette expérience électrique, il aimerait maintenant, d'un geste, faire sauter les barrières de béton.« Dix ans que je suis derrière les barreaux. Enfin, je me lève chaque matin pour aller en prison. J'en sors en fin de journée, rassurez-vous. » Dans Symphonie carcérale, sa première BD dessinée par son ami Bouqé paru en 2018 aux éditions Steinkis, Romain Dutter raconte son travail de coordinateur culturel au sein du Centre Pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne), l'une des plus vieilles zonzons françaises en activité, la deuxième en termes de taille et de capacité : 3000 personnes y sont incarcérées. Au quotidien, sa mission consiste à mettre en place des ateliers (théâtre, écriture, musique) et, pour ce mélomane compulsif également batteur d'un groupe de cumbia, d'organiser des concerts. Parmi les invités de ses « Journées Zébrées » de barreaux, notons le nombre éclatant d'artistes joués sur Nova : Youssoupha, Vaudou Game, Gaël Faye, Sofiane Saidi, Arat Kilo, le Congolais Jupiter Bokondji et son orchestre Okwess, leurs compatriotes du Staff Benda Bilili, Scred Connexion ou David Neerman.« Au fil des années, la prison est un peu devenue la deuxième MJC de la ville », écrit Romain surnommé « Romano », à qui la direction fit entièrement confiance en termes de programmation. Dans ce « monde béton, inhumain, rétréci, sans aucun lendemain » chanté par Trust dans sa chanson Le mitard, le trentenaire a bien conscience que ces lives, difficiles à monter, ne sont « qu'un infime pansement sur toutes les plaies carcérales ou sociétales », tout en sachant que cette « goutte d'eau est vitale » pour certains détenu.e.s. À la fin du livre, ce travailleur social s'avoue cependant « usé ». « Tous ceux qui s'intéressent un tant soit peu à la prison partagent le même constat depuis des décennies : la prison ne réinsère pas (ou peu), elle détruit les personnes qui y séjournent, la peine de prison reste trop souvent sans contenu et l'oisiveté y règne en maître, conduisant notamment à des phénomènes de violence et/ou de radicalisation », écrit encore Dutter, en citant, par le biais d'une étude de l'Observatoire international des prisons, le modèle suédois, qui maintient un minimum de quatre à cinq heures d'activités culturelles par jour aux personnes incarcérées, dont près de la moitié participe aux ateliers.Préparant avec Bouqé la sortie de Good bye Ceausescu, leur seconde BD sur la « révolution » roumaine de 1989 (à paraître en septembre 2021, toujours chez Steinkis), attelé à l'adaptation du roman Le jour d'avant de Sorj Chalandon (avec le dessinateur Simon Géliot), en pleine écriture d'un quatrième scénario (sur sa passion pour l'Amérique latine), Romain Dutter grimpe à bord de L'Arche de Nova pour faire péter les murs et les transformer, selon les vœux d'Isaac Newton, en ponts.Souvenons-nous alors, dans un murmure – pardon, dans un pont-pont – des vers de l'Haïtien James Noël, dans son long poème en prose La Migration des murs en 2016 : « Devant les murs, les pans de murs, les murs pour rien, les murs en masse, les murs en pente élevés comme pour rire, le monde s'embrouille, roule sa barque dans la farine, s'enfonce gravement dans la théorie du mortier et la pratique du gravier strict. La Terre se défonce, s'ensable platement dans l'asphalte (…) Il faudrait un peu méditer sur les murs des maisons qui parfois sont sans fenêtre, ni porte de secours. Nulle vue qui ne donne sur l'humain (…) Solide absence de liens, solide absence de ciment social des espèces et des espaces. Fortement critique, le cas clinique du monde au pied du mur (…) Viendra un jour un peuple de maçons de dernière heure qui se retournera d'un seul bond, en... See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Balaphonics : « Demain, toute philosophie de distinction entre les races sera pour toujours discréditée »

    Play Episode Listen Later Jun 10, 2021 3:56


    Tandis que les thèses d'extrême-droite n'ont jamais eu tant d'écho dans l'Hexagone, cette fanfare afro-groove francilienne relit les mots du dernier empereur d'Ethiopie, Haïlé Sélassié, prononcés à la tribune des Nations-Unies en 1963.« La musique guérit nos âmes égarées depuis la nuit des temps. » Dix ans déjà que Balaphonics, réunion en fanfare de neuf musiciens franciliens sous le signe de l'afro-groove, soigne nos corps et nos esprits. Leur dernière ordonnance est épicée : Spicy Boom Boom, second album sorti ce printemps, nous prescrit des prises quotidiennes de highlife, d'éthio-jazz ou de rumba congolaise, antidotes possibles aux thèses d'extrême-droite qui salissent de plus en plus souvent le débat public hexagonal. Enregistré à Bamako et à Pantin (Seine-Saint-Denis), le disque séduit par son idée du métissage et la joie contagieuse de ses arrangements, amplifiées par la présence de nombreux invités : le griot malien Moriba Diabaté, le rappeur jamaïcain Franz Von, la chanteuse burkinabé Kandy Guira ou les Congolais menés par Jupiter Bokondji (présents cette semaine dans notre Chambre noire).« Faire écho pour nous rassembler, échanger », entend-t-on sur le morceau Onalala. Par la voix du batteur Florent Berteau, ces ambassadeurs du balafon baladeur prolongent cette pensée pacifiste en relisant pour L'Arche de Nova les célèbres paroles prononcées par le dernier empereur d'Ethiopie, Haïlé Sélassié, à la tribune des Nations-Unies en 1963, qui seront littéralement reprises et adaptées par Bob Marley sur sa chanson War (1976). « Tant que la philosophie qui considère qu'une race est supérieure et une autre inférieure ne sera pas finalement et en permanence discréditée et abandonnée ; tant qu'il y aura des citoyens de première et de seconde classe dans une nation ; tant que la couleur de la peau d'un homme aura plus de signification que celle de ses yeux… » À se remettre en tête avant d'aller voir Balaphonics en concert, le 26 juin à Oignies (Pas-de-Calais), le 16 juillet à Massy (Essonne) ou le 24 juillet à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines).Réalisation : Mathieu Boudon.Pour voir le magnifique clip animé de Demain, dès l'aube réalisé par Mathieu Choinet, c'est ici : https://www.youtube.com/watch?v=d7Kg8t3uMO0&ab_channel=BALAPHONICS-afrobrassbandImage : drapeau levé pour Haïlé Sélassié lors d'un concert de reggae à Saint-Elizabeth, Jamaïque (2012). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Sarah Biasini : « Demain, la vérité nous sautera aux yeux »

    Play Episode Listen Later Jun 9, 2021 6:35


    Avant de reprendre le rôle de « Mademoiselle Julie » au festival d'Avignon, la fille de Romy Schneider nous incite à porter des lunettes extra-sensorielles, les « Véri-Verres », qui révéleront instantanément les émotions de notre entourage, telle une « réalité augmentée adaptée aux relations sociales ». Vu ?Elle a joué Feydeau, Sweig, Shakespeare. Du 7 au 30 juillet au festival d'Avignon, Sarah Biasini reprendra le rôle de Mademoiselle Julie, tragédie en cuisine du Suédois August Strinberg (1889) sur la lutte des classes et les jeux de pouvoir et de séduction entre trois personnages à la veille de la nuit de la Saint-Jean, mise en scène par Christophe Lidon avec Déborah Grall et Yannis Baraban. À 42 ans, cette native de Ramatuelle a fait ses preuves en tant que comédienne, mais les gens ne lui parlent que de sa mère (y compris à la maternité, en devenant mère à son tour, pendant l'accouchement, entre deux contractions), à laquelle elle ressemble certes beaucoup et qu'elle évoqua, en tout début d'année, dans un livre : La Beauté du ciel, aux éditions Stock. « Si j'écrivais ici le nom de ma mère, j'aurais l'impression de parler de quelqu'un d'autre, d'une étrangère. Son nom d'actrice, de travail, ne lui appartient presque plus et j'ai l'impression qu'à moi, il n'a jamais appartenu (…) L'appeler ma mère, il n'y rien de plus beau. Personne à part moi ne peut le faire. Je ne vais pas m'en priver (…) Personne ne veut oublier ma mère, à part moi. Tout le monde veut y penser, sauf moi. Personne ne pleurera autant que moi si je me mets à y penser. »Dans l'impressionnante filmographie de Romy Schneider, Sarah Biasini voit et revoit, « entre peur, gêne et fascination », La Piscine (Jacques Deray, 1969), César et Rosalie (Sautet, 1972), Le vieux fusil (Robert Enrico, 1975) ou Une histoire simple (Sautet, 1978). Elle adore aussi son sens du tempo dans la comédie d'espionnage What's New Pussycat ? (Clive Donner, 1965). Et dans Les Choses de la vie (Claude Sautet, 1970), une scène apparemment anodine retient son attention. Romy interprète Hélène qui, devant sa machine à écrire, au petit matin, ne sait plus comment traduire de l'allemand le mot « mentir ou, non, pas mentir ; tu sais, quand on invente des histoires ? » Et Michel Piccoli, en peignoir, clope au bec, répond : « Affabuler. »C'est peut-être de là, de ce bref moment d'intimité de l'Histoire du cinéma, qu'est venue à Sarah l'idée des « Véri-Verres », des lunettes spéciales, « bioniques, extra-sensorielles », qui révèlent instantanément les émotions authentiques de notre entourage. « Une petite machine sensible, intelligente, qui nous aiderait à VOIR les gens AUTREMENT. La réalité augmentée adaptée aux relations sociales. Pour que la vérité nous saute aux yeux. »Réalisation : Mathieu Boudon.Mademoiselle Julie, du 7 au 30 juillet au Théâtre des Halles, chaque jour à 16h30, 4 rue Noël Biret, Avignon.Image : Invasion Los Angeles, de John Carpenter (1988). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Blandine Rinkel : « Demain, se couper la parole sera gage de bêtise »

    Play Episode Listen Later Jun 8, 2021 5:48


    Dans un livre d'entretien baptisé « Tout tremble », cette écrivaine parisienne, chanteuse et danseuse du groupe Catastrophe, aligne des idées pour un monde « plus sensible, sans se laisser aliéner par le pouvoir, l'argent, la technique ».« Dans un monde qu'on dit sans espoir, nous essayons de rester malicieux (…) De ne pas laisser la sidération gagner la partie. De déjouer la fatalité, mais avant tout celle qu'on éprouve en soi-même. C'est en ce sens, mathématique, que nous sommes positifs. » Dans un livre d'entretien baptisé Tout tremble, co-écrit avec le journaliste Jean-Marie Durand et publié ce printemps par les Presses Universitaires de France, Blandine Rinkel confie sa peur d'une « massification » de la bêtise, « celle qui consiste à répéter mécaniquement des choses qu'on n'a pas comprises ». L'autrice parisienne de 30 ans admet bien entendu qu'il lui arrive –comme nous tous – de tirer des conclusions de la simple lecture du titre d'un article, de répéter des opinions toutes faites, « des insultes ou des indignations », « d'imiter, de jouer à, de mentir parfois », comme la narratrice de son dernier roman en date, Le Nom secret des choses (Fayard, 2019).À moins d'un an des élections présidentielles, la parolière, chanteuse et danseuse du groupe Catastrophe s'effraie de cette attitude (« qui gagne du terrain ») consistant à « abdiquer toute personnalité » en se ralliant « à une même formule, à un même cliché ». Ces comportements moutonniers lui rappellent aussi le brillant film d'animation de l'Américain Charlie Kaufman, Anomalisa, dans lequel, dit-elle, « un homme est si sclérosé par l'aspect mécanique de sa vie que pour lui tous les humains ont exactement le même timbre de voix. Jusqu'à ce qu'il rencontre quelqu'un – une autre voix – pour la première fois. » Dans ses lectures adolescentes, Blandine Rinkel a entendu « des aveux d'imperfection, des refus de n'engager que des relations de pouvoir » et la leçon fut la suivante : savoir dire je ne sais pas, assumer sa vulnérabilité, développer une pensée propre.« La jeunesse n'a d'autre choix que la responsabilité. » Tandis que Catastrophe repart enfin en tournée à l'affiche notable ce jeudi 10 juin du festival des Inrocks à l'Olympia avec La Femme et les Hollandais turcophiles d'Altin Gün, sa meneuse de revue énumère à bord de L'Arche de Nova des propositions pour un monde « plus sensible, sans se laisser aliéner par le pouvoir, l'argent, la technique (…) où cultiver sa conscience, son imagination, serait considéré comme souhaitable. » C'est sur ces mots, quasiment, que se conclut Tout tremble.Réalisation : Mathieu Boudon.Catastrophe jouera Gong ! et autres surprises ce mercredi 9 juin à Rennes, le 15 à Saint-Brieuc, le 18 à Marseille, le 26 à Mayenne ainsi qu'un peu partout en France jusqu'à mi-novembre.Image : Anomalisa, de Charlie Kaufman (2015). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Yves Pagès : « Demain, grêveuses, grêveurs, le système va imploser en douceur »

    Play Episode Listen Later Jun 7, 2021 6:44


    À Paris, cet écrivain et éditeur fomente la révolte « horizontale » de « l'an zéro virgule un », lors d'une « panne d'oreiller interactive » des Français.es, épuisé.e.s par « les excréments de langage » et « la guérilla psychique du capital-risque ». Son livre est délicatement dédié « aux quantités négligeables ». Dans Il était une fois sur cent, drôle de recueil de « rêveries fragmentaires sur l'empire statistique » publié ce printemps aux éditions La Découverte, Yves Pagès rassemble des centaines de pourcentages glanés pendant des années sur un carnet, l'oreille tendue, l'œil alerte, en lisant les journaux, en écoutant la radio. « Vertigineux inventaire », qu'il se hasarde à interpréter pour insuffler du vivant et des « utopies discordantes » et « traquer les failles implicites » au pays des chiffres. « Il était une fois – entendez une fois sur cent – un seul aristocrate au sang bleu parmi cent Français de toutes extractions sous l'Ancien régime ou, pour revenir à notre immédiat contemporain, un rare mec développant un cancer du sein pour quatre-vingt-dix neuf femmes atteintes d'une tumeur mammaire. De même, il n'est qu'un rouquin de naissance pour chaque centaine de têtes blondes, brunes, auburn, châtaines, qu'un seul mâle repenti à s'être fait retirer son tatouage ou qu'une adulte sur cent sondées de sexe féminin à se déclarer bisexuelle. Pareil pour l'infime proportion d'ados sachant siffler au moyen de 2 fois 2 doigts calés à la commissure des lèvres, sans négliger que, sur les millions de courriers publicitaires envoyés dans nos boîtes aux lettres, 1% d'entre eux reviennent à l'envoyeur avec la mention N'habite plus à l'adresse indiquée. »Et que faire du 1% de diagnostiqués schizophrènes, de bouddhistes pratiquants, de citoyens gardés à vue dans un commissariat, « de petiots non encore scolarisés en maternelle », de « kleptomanes aux deux tiers plutôt woman », d'« automobilistes sans permis d'ainsi se conduire », de femmes « encartées dans une société de chasse », ou de « profils Facebook s'affichant à titre posthume » ? Peut-être sont-ils liés, allez, par un sentiment commun d'aliénation qui commence sérieusement à leur courir sur le haricot (bio à 66,66%). Celui d'être épuisé.es par « le grand bla-bla managemental » qu'Yves Pagès décrit avec humour dans cette vision d'anticipation en hommage à L'An 01, cette merveilleuse bande dessinée signée Gébé en 1970, où la société dans son ensemble se met à l'arrêt pour réfléchir – influence première de L'Arche de Nova.Co-directeur des éditions Verticales, auteur d'une quinzaine de livres (romans, essais, photos), l'écrivain parisien fomente la révolte « horizontale » de « l'an zéro virgule un », lors d'une « panne d'oreiller interactive » des Français.es devenu.e.s « grêveuses et grêveurs » en quête d'« anonymaginaires en libre partage ». Suivons-le à 100% !Réalisation : Mathieu Boudon.Yves Pagès sera statistiquement présent ce jeudi 10 juin à 19h à la Maison de la Poésie de Paris lors d'une rencontre animée par Sophie Joubert, ainsi que samedi 12 juin à 17h pour un goûter-lecture à la librairie L'Atelier, 2 bis rue de Jourdain, métro Jourdain, Paris.Image : L'An 01, de Jacques Doillon, Alain Resnais et Jean Rouch (1973). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    JoeyStarr : « Le monde de demain, on attend toujours »

    Play Episode Listen Later Jun 3, 2021 4:41


    Pour les trente piges du premier album « authentik et radical » du Suprême NTM, le Jaguar Gorgone déclame a cappella les paroles de leur hit emblématique initial, qui incitait l'élite à « regarder sa jeunesse dans les yeux ».« Je suis le haut-parleur d'une génération révoltée prête à tout ébranler / même le système qui nous pousse à l'extrême / Mais NTM Suprême ne lâchera pas les rênes. » 3 juin 1991 : date-clé pour le hip hop francophone via la sortie d'Authentik, premier album d'un posse de Seine-Saint-Denis appelé à devenir légendaire. Déjà familiers des studios de Radio Nova via leurs passages dans l'émission Deenastyle de Lionel D et Dee Nasty, les deux principaux MCs nommés JoeyStarr et Kool Shen, 23 et 24 ans à l'époque, affirment « combattre pour la jeunesse, pour faire valoir leurs droits » face au « pouvoir institutionnel », « armés » de leurs textes urgents et portés par la production plaquée or de DJ S.Quelques mois plus tôt, le 9 octobre 1990, le groupe a publié un 45-tours à succès intitulé Le monde de demain qui, tout en samplant T stands for Trouble de Marvin Gaye, évoque le « point critique » des tensions en banlieue suite à des décennies de mépris de la part des élites politiques. « La délinquance avance », la violence aussi, clament les rappeurs du 9-3 dans cet « appel » à ceux « qui commandent en haut-lieu » ; un vrai morceau de « lanceurs d'alerte » comme on dirait aujourd'hui, pour dire le risque de guerre civile nourrie par l'exclusion, le racisme systémique et le désir consécutif de « tout foutre en l'air ».Trente ans plus tard, c'est avec ce hit emblématique initial que JoeyStarr conclue cette journée anniversaire sur Nova, au cours de laquelle il joua les programmateurs très spéciaux. Grimpant à bord de L'Arche de Nova, l'expert de la maison-mère relit pour nous, a cappella, les paroles du monde de demain – tandis que vient de s'achever à Paris le tournage de la série du même nom sur l'épopée Nique Ta Mère, réalisée par Katel Quillévéré et Hélié Cisterne, à découvrir prochainement sur Arte en 6 épisodes de 52mn. Le film Suprêmes, mis en scène par Audrey Estrougo, sortira en salles, lui, le 24 novembre 2021. « Le monde de demain, quoi qu'il advienne, nous appartient… on attend toujours », lâche le Jaguar à notre micro, sans illusion.Propos recueillis par Reza Pounewatchy. Réalisation : Mathieu Boudon.Pour écouter les quatre saisons du podcast Gang Stories raconté par JoeyStarr, c'est ici : https://www.deezer.com/fr/show/901962Image : extrait du clip du Monde de demain, réalisé par Stéphane Sednaoui (1991). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Lo'Jo : « Demain, du haut de l'âge, nous lancerons des pétales sur les ruines »

    Play Episode Listen Later Jun 2, 2021 6:12


    Du côté d'Angers, le généreux chanteur et « poète-à-chapeau » de cette caravane de fieffés bourlingueurs-funambules cherche le « perfect timing du mouvement de nos existences » à l'écoute des dernières splendeurs du pianiste sud-africain Abdullah Ibrahim.« Tout est si minuscule. Ce vieux piano bancal qui parle d'océan. Et le reste, il s'en moque. » La voix grave pose en quelques mots un décor de « rafiots rouillés », soutenue par des chœurs angéliques. Plus tard, « un matelot naufragé construit une voile de plumes. Tout est majestueux. » Sur Transe de papier, seizième album des nomades angevins de Lo'Jo paru en décembre sur le label Yotanka, une chanson peut tout à fait « flâner dans le jardin », en sentant « le lys et le jasmin », tout en « prenant le pouls des solitudes, car… », dit Denis Péan, « … je suis l'incertain qui dérobe le parfum au deuil de quelques roses ». Ces tendres vers seront repris à la fin du disque, en français s'il lui plaît, par l'immense ami anglais Robert Wyatt, tandis que le batteur légendaire de l'afro-beat, le regretté Nigérian Tony Allen, secoue ses fûts sur deux titres qui compteront parmi ses ultimes enregistrements. Oh, mais qui est Lo'Jo ? Depuis trente ans et selon leurs propres termes : « Un grand souk acoustique qui proposerait au chaland esbaudi arômes de guinguette et effluves tziganes, valse apache et bamboche rasta, blues berbère et swing africain, rock et danse du ventre, groove et vaudou. Un sacré Bazar Savant avec henné et barbe à papa, muezzins et camelots ». « Une caravane de fieffés bourlingueurs-funambules-globe-trotters » dont le « charme aventureux » reposerait sur « ces violons aux coups de reins voluptueux, ces cascades de kora agile, ces chœurs féminins virevoltants et ces percussions acrobatiques, arômes polyrythmiques, petites fleurs pentatoniques ». Sans oublier, donc, les textes d'un chanteur et « poète-à-chapeau », le père Péan, « mélange de sabir guttural et de poésie à la Desnos, entre fables de griots et aphorismes humanistes, mêlant français, espagnol, arabe, créole ou anglais » ; un lecteur sûr, bluffé pour toujours par la prose d'Henri Michaux ou plus récemment par le « néo-langage » du roman S.-F. Les Furtifs d'Alain Damasio.Pour L'Arche de Nova, Denis Péan s'accorde une nouvelle pause à L'hôtel du souvenir, cette chanson méditative où ce tout jeune sexagénaire paraissait « hypnotisé » par sa « vie de bohème ». Il revient sur l'utopie de Lo'Jo, cette maison communautaire des environs d'Angers qui accueillit dix-sept ans durant des artistes des lointains, « havre de paix, quartier général des fantaisies, bouée pour quelques humains en rupture de ban, école quotidienne pour le partage ». Puis s'interroge avec sagesse sur le « perfect timing du mouvement de nos existences » à l'écoute des dernières splendeurs du pianiste sud-africain Abdullah Ibrahim, en solo sur Dream Time (2019). Avant de laisser un ami musicien, Scott Taylor, chanter « l'oubli » et le passage de « trois anges » en s'accompagnant au sanza. Tout est majestueux.Réalisation : Mathieu Boudon.Lo'Jo sera en concert le 18 juin à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), le 9 juillet à Miramas (Bouches-du-Rhône) ou le 28 août à Pézénas (Hérault).Image : Lo'Jo, tous droits réservés (2017). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Marcelle Gaitet : « Demain, travaillez raisonnablement pour vivre raisonnablement »

    Play Episode Listen Later Jun 1, 2021 6:01


    Dans l'Ain, cette bouchère à la retraite – qui vient de fêter ses 90 ans et se trouve être, ça alors, la grand-mère du créateur de ce podcast – découpe des conseils sur-mesure pour les générations futures.La scène rappelle un peu Un dimanche à la campagne, de feu Bertrand Tavernier. Passage express ce week-end à Miribel (Ain), près de Lyon, pour célébrer comme il se doit les quatre-vingt dix printemps de ma grand-mère paternelle, Marcelle Marchand, benjamine (sur cinq enfants) d'un tourneur-ajusteur et d'une femme de ménage. Dans sa prime jeunesse, Marcelle est l'employée d'une usine de tissage, tout en participant pour ses loisirs à des ballets, aux ateliers de gymnastique rythmique, au groupe théâtral – elle joue Feydeau – et surtout à la chorale de l'union laïque, où elle chante Étoile des neiges et rencontre un garçon « toujours dans les bagarres », René Gaitet.Une fois marié, le couple reprend puis tient de 1952 à 1974 la boucherie-charcuterie des parents de René. Tranches de confidences : « Je n'y connaissais strictement rien, pas capable de différencier le veau du bœuf ! J'ai débarqué comme ça. Pendant que René faisait ses tournées en camion à la campagne, moi je tenais le magasin. Au début, les clientes en profitaient un peu, je coupais pas comme il faut, j'abimais la viande, mais c'est rentré, à force. Fallait se lever à 4h du matin, tout préparer pour l'ouverture, jusqu'à 20h, du mardi matin au dimanche midi – avec quand même une fermeture en milieu de journée, pour nettoyer la machine à jambon. Le lundi, le grand-père allait chercher ses bêtes à la ferme et il les tuait dans notre abattoir. Puis fallait faire la tripe, détailler, tirer parti de tous les organes commercialisables. Aujourd'hui, c'est moins difficile : les bouchers se font livrer. On a travaillé bien deux ans sans personnel. Après, on a pris un employé, qui désossait. Mais après, on arrivait à trop travailler, donc j'ai proposé à René d'abandonner ses tournées, qu'on travaille que tous les deux, sans personnel, sans femme de ménage. J'aimais le contact. J'achetais des kilos de bonbons pour les gosses qui passaient dire bonjour. Et chaque premier de l'an, les clients arrivaient de leur réveillon pour boire le café. C'était dur, mais tellement sympa. »Désormais aussi âgée que William Shatner, l'inoubliable interprète du Capitaine Kirk dans Star Trek, Mémé grimpe à bord de L'Arche de Nova et découpe des conseils sur-mesure pour les générations futures. « Faut pas demander l'impossible, hein ! Je rêvais pas d'aller sur une autre planète, par exemple. On a bien assez de la Terre. Et j'ai jamais eu de vélo ! »Réalisation : Mathieu Boudon.Image : Jacqueline Bouvier, mère de Marge Simpson, dans Les Simpsons de Matt Groening (1989). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Grödash : « Demain, la République Démocratique du Congo sera le socle de la cohésion planétaire »

    Play Episode Listen Later May 31, 2021 5:25


    Entre Paris et Kinshasa, ce rappeur-producteur prêche avec ferveur son désir d'unité mondiale inter-espèces « win-win, spirituelle et égalitaire », via un texte coécrit avec sa mère, la scientifique et militante féministe congolaise Georgette Biebie Songo.« À chaque nouvelle rime, j'écris mon futur NostraDashmus / Certains ont pris ça comme un don / D'autres m'appelaient l'rêveur », rappait-il à la rentrée 2020 sur son morceau Casablanca. Branchons-nous sur les visions de Freddy Biebie dit Grödash, « artiste humaniste et producteur engagé ». Né en 1981 (comme Radio Nova), ce fils d'intellectuels congolais opposés à Mobutu grandit au Congo Brazzaville et arrive en France à 14 ans, direction Les Ulis (Essonne). « Au lycée, j'étais en cours avec Diam's et c'est un petit peu elle qui m'a boosté en premier. Elle écrivait déjà, elle me faisait écouter ses trucs. On a commencé à gratter avec Fik's, Bobby, Sinik… » Ce qui donna, depuis son premier enregistrement au « mental de mercenaire » en 1999, depuisson passage en solo en 2008 après l'aventure collective Ul'Team Atom, « des poignées de punchlines » parfois devenues des classiques, comme l'inoxydable et si puissant Charme du ghetto.Invité récent d'une session de freestyle aux côtés des platines de Sims sur Nova, Grödash y présentait des éclats de son dernier EP sorti en avril dernier, Ghetto littérature, porté par les samples de son compère Coazart, où son flow est irrigué à plusieurs reprises par sa relation complexe au continent africain. Sur Jeux pervers, qui détourne et « fait chialer » la guitare mélancolique du Wicked games de Chris Isaak, le tout jeune quadragénaire écrit : « Africa je t'ai détesté de toutes mes forces, depuis que t'as baissé la garde, que t'as traité de sorciers tes gosses. T'as préféré viser le Nord, délaissé nos cités d'or. Tu t'es trompé de Léopold, fallait enseigner du Senghor. » Grödash lui fera « un doigt d'honneur » pour avoir « bafoué les droits de l'homme », avant d'avouer à l'Afrique qu'il « l'aime depuis le placenta » et rêve de se « blottir dans ses courbes » tandis qu'à Paris, il « crève de froid ».Pour L'Arche de Nova, Grödash signe un beau prêche utopique d'unité mondiale inter-espèces… avec sa mère, la Congolaise Georgette Biebie Songo, professeure de toxicologie ayant œuvré dans la recherche du vaccin contre le virus Ebola, « aînée d'une famille de vingt-et-un enfants dont quatorze filles » devenue militante acharnée pour la promotion des droits humains et des droits de la femme en particulier, lauréate en 2016 d'un prix décerné par l'ONU pour son combat en faveur de l'égalité des sexes et de l'autonomie des femmes africaines. En 2008, afin de lutter contre « la pauvreté excessive » de celles-ci, ce « diamant brut » a fondé à Kinshasa une mutuelle d'épargne et de crédit d'appuis au développement, prolongée depuis 2017 avec la GBS Fondation, qui promeut l'entrepreneuriat féminin, le micro-crédit et l'accès pour toutes à la téléphonie connectée. Sa lutte a également permis d'inscrire la parité et la condamnation des violences sexuelles en tant que crimes contre l'humanité dans la constitution de la République Démocratique du Congo. Changer le monde, en mieux, avec verve et panache : une mission poursuivie de mère en fils.Pour en savoir plus sur les actions de Georgette Biebie Songo, c'est ici : https://www.gbs.foundation/Pour écouter Ghetto littérature, c'est là : https://music.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_khv-lxzOo_QvUETMSHInwRqTBFcLTl1IARéalisation : Mathieu Boudon.Image : Kinshasa, de Guillaume Jan (2009). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Morgan Navarro : « Demain, le monde ira-t-il mieux sans les différences sexuelles ? »

    Play Episode Listen Later May 27, 2021 3:21


    À Grenoble, cet auteur de BD prolonge avec sa langue les aventures coquines de son célèbre ourson érotomane, pour interroger les frontières du genre et les limites de la fluidité.Trouble des sens sur la planète bleue. À Brooklyne, ce bon vieux Teddy Beat, l'ourson baiseur au grand cœur dont la peau est de la même couleur que les Schtroumpfs, a sacrifié son corps sur l'autel de la science « afin de percer le mystère de la jouissance féminine ». Par la magie d'une opération de chirurgie esthétique aux bons soins du Docteur Ragoût, ce Casanova a casquette est devenu « Jamie-Lee », sculpturale bimbo aux longs cheveux roses en mini-jupe jaune. Et inévitablement, « ça dérape ». Sa recherche insouciante du plaisir se transforme en expérience du sexisme ordinaire, du harcèlement de rue, avant un viol sinistre – et le « vol de sa bite » chapardée par un chanteur cafardeux, que Teddy cherche à récupérer par tous les moyens. Mais comme l'apprendra ce nounours « femâle » lors d'une scène splendide d'épiphanie psychédélique : « La route de l'excès mène au palais de la sagesse. »Ecrit et dessiné par Morgan Navarro, Sex Change, troisième tome des aventures sexuelles de son érotomane favori (qui lui valut en 2012 le prix de l'audace au festival d'Angoulême), est sorti en mars aux éditions Les Requins Marteaux au sein de leur coquinette collection « BD cul ». Pour L'Arche de Nova, ce Grenoblois de 45 ans livre avec la langue une sorte d'épisode-bonus, où Teddy rencontre une femme-oiseau, en interrogeant les frontières du genre et les limites de la fluidité. Si vous n'êtes pas d'accord, sachez que Morgan Navarro sera en dédicace ce vendredi de 17h à 19h à la librairie BD Net Bastille, 26 rue de Charonne dans le 11e arrondissement.Réalisation : Mathieu Boudon.Illustration : Sex Change, de Morgan Navarro (éditions Les Requins Marteaux, 2021). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Salvador Dali « L'architecture du futur sera comestible, molle et poilue »

    Play Episode Listen Later May 26, 2021 3:17


    [Archive.] Toute sa vie, le surréaliste peintre catalan tressa des lauriers aux « beautés terrifiantes » de son compatriote Antoni Gaudí, créateur de la Sagrada Família ou de structures « aussi visqueuses qu'un foie de veau ».« Dresser des tours de chair et d'os à vif dans le ciel vivant par excellence de notre Méditerranée, telle a été l'architecture de Gaudí. » En 1933, Salvador Dalí érige un cryptique et mystérieux palace de mots et de louanges à son compatriote catalan, Antoni Gaudí, créateur de la mythique Sagrada Família de Barcelone, disparu sept ans plus tôt. Publié dans la revue Minotaure avec des photographies de Man Ray, son article, intitulé De la beauté terrifiante et comestible de l'architecture modern style, exprime le désir d'une architecture « phénoménale » qui reposerait essentiellement sur une « dépression très accentuée de l'activité raisonnante, allant jusqu'aux confins de la débilité mentale », une « imbécilité lyrique positive », « échappement, liberté, développement des mécanismes inconscients », « grande névrose d'enfance, refuge dans un monde idéal, haine de la réalité », « folie des grandeurs, mégalomanie perverse », « besoin et sentiment du merveilleux et originalité hyper-esthétique », « impudeur absolue de l'orgueil, exhibitionnisme frénétique du caprice », « aucune notion de mesure », « réalisation de désirs solidifiés », « éclosion majestueuse aux tendances érotiques ».Où sont aujourd'hui les « maisons pour les fous vivants » réclamées par le peintre surréaliste à moustache qui rebique ? Ces « tartes et gâteaux ornementaux » ? Ces « grottes aux tendres portes en foie de veau » ? La « dynamique-asymétrique » de ce style « gothique méditerranéen » capable de se « métamorphoser », « par une certaine fantaisie involontaire », « en hellénique, en extrême-oriental, en Renaissance » ? L'édifice de mes connaissances en architecture contemporaine est bien trop fragile pour répondre à la question. Réécoutons alors Dalí, via ce montage de deux interviews télévisées de 1958 et 1964, tresser des lauriers à Gaudí.(P.-S. : Une exposition « immersive » baptisée Gaudí, architecte de l'imaginaire, créée par le studio Cutback et visible jusqu'en janvier 2022 vient de s'ouvrir aux Ateliers de Paris, 38 rue Saint-Maur dans le 11e arrondissement. Le prospectus annonce : « Par un jeu de matières et de lumières, l'Atelier prend les formes de voûtes hyperboliques, de piliers obliques, de façades ondulées et s'ornent de motifs organiques et de mosaïques de verre et céramique. En une dizaine de minutes, au rythme des courbes musicales de Gershwin, le matin se lève sur le parc Güell, éclairant le visiteur au milieu des moulures ou chapiteaux mais surtout de la texture des rochers, du parfum des plantes, de la couleur des fleurs, du chant des oiseaux. » Et les foies de veau, caramba ?)Réalisation : Mathieu Boudon.Pour écouter la précédente archive du futur, avec Marguerite Duras, c'est là : https://www.nova.fr/news/marguerite-duras-demain-tout-recommencera-par-une-indiscipline-140475-04-05-2021/Tableau : Réminiscence archéologique de l'Angelus de Millet, de Salvador Dalí (1934). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Camille Brunel : « Demain, la variété de l'espèce humaine explosera »

    Play Episode Listen Later May 25, 2021 5:39


    Lauréat 2020 du Prix de la Page 111, cet écrivain de Châlons-en-Champagne a lu les travaux de l'éthologue new-yorkais Carl Safina et attend d'arrache-patte notre mutation façon X-Men, quand nous aurons des plumes ou des nageoires.« Si mutation il y a, elle vient de l'esprit. Du cerveau, naissance du désir. Ce sont les micro-événements électrochimiques qui nous donnent l'impression de penser plus et mieux que les animaux (…) C'est la vanité qui a fait les premières victimes (…) Le retour des animaux a nettoyé le monde comme les arbres absorbent le carbone (…) Pourquoi pensez-vous que Greta Thunberg a fini cachalot au milieu de l'Atlantique ? (…) La honte nous élève, elles nous rend meilleur.e.s (…) Nous nous transformons, aléatoirement (…) Je peux changer de corps, d'espèce, de sexe (…) Si je deviens lionne, vous pourrez vous moquer de moi, car alors je devrais égorger pour vivre (…) Femme ou lionne, je n'apporte rien de plus à l'univers que mouvement et chaleur. »Paru en septembre aux éditions Alma, récompensé sur Nova du très convoité Prix de la Page 111, Les Métamorphoses, le second roman de Camille Brunel, se déroule dans un avenir assez proche où une pandémie transforme soudain les humains en bestioles, au hasard. En hyène, en écrevisse, en brebis, en taon. La société toute entière s'en trouve assez naturellement bouleversée. « Des dizaines de milliers de grues regagnaient le Sud. Isis n'en avait jamais vu autant, ne pensait même pas qu'une telle concentration d'oiseaux si grands fût possible (…)- C'est mes oiseaux préférés, s'enthousiasma Augustine. Est-ce que c'est des humains ?- Oh, probablement, lui répondit sa marraine. »Pour sa sixième utopie à bord de L'Arche de Nova, ce drôle d'oiseau de Châlons-en-Champagne (Bourgogne), qui publiera bientôt un Éloge de la baleine aux éditions Rivages, a lu les travaux de l'éthologue new-yorkais Carl Safina et attend d'arrache-patte notre mutation façon X-Men. Suite à l'observation des aras rouges du Pérou par ce dernier, Camille Brunel rappelle que « la beauté des humains tient sur un spectre de variations très restreint : la couleur de peau varie, la forme des yeux et du nez, allez, les cheveux, mais ce sont des détails. Du côté des oiseaux, en revanche… la distance sera toujours plus grande d'un albatros à une autruche – ou même d'une tourterelle à un faucon – que d'un Marseillais à un Ouïghour. »L'auteur des Métamorphoses projette ici son roman dans le réel et rêve pour demain d'hominidés dotés « d'ailes de peau multicolores entre le coude et le bassin », quand d'autres, « capables de modifier la couleur de leur peau en fonction de la lumière, survivront aux canicules », quand d'autres « auront développé des plumes, des yeux immenses, vifs comme des joyaux », ou « douze doigts, qu'ils emploieront pour jouer leurs sérénades au piano », ou développeront encore la capacité « de se boucher les oreilles comme on ferme les yeux – les manchots ont fini par apprendre, pourquoi pas nous ? »Réalisation : Mathieu Boudon.Pour écouter la précédente utopie de Camille Brunel, c'est là : https://www.nova.fr/news/camille-brunel-demain-leuthanasie-sera-la-seule-facon-de-mourir-heureux-137806-15-04-2021/Image : X-Men Apocalypse, de Bryan Singer (2016). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Niteroy : « Demain, internet va crasher »

    Play Episode Listen Later May 24, 2021 5:20


    À Rennes, ce jeune musicien d'origine brésiliano-portugaise court-circuite les réseaux pour imaginer un tissu social planétairement déconnecté, où nous essaierons de retrouver dans le réel les habitudes prises avec Facebook, Twitter ou Tik Tok.La jumelle de Rio de Janeiro. C'est ainsi que l'on surnomme parfois la ville de Niterói, située à quinze kilomètres à peine de la mégalopole carte-postalesque du Brésil. Plages, collines, lagunes, possible douceur de vivre : tout pareil en plus calme, avec quelques-unes des prouesses architecturales signées Oscar Niemeyer, dont un célèbre Musée d'art contemporain en forme d'énorme soucoupe volante posée au bord de l'Atlantique. Ce printemps pluvieux, Niterói inspire aussi le pseudonyme d'un musicien français d'origine brésiliano-portugaise, Tiago Ribeiro, rebaptisé Niteroy, qui depuis Rennes s'apprête à publier, à 24 ans, son premier mini-album solo, Dia de chuva, à paraître cette semaine via le label Yotanka.« Cette ville est le symbole de mon enfance. C'est là que vit ma grand-mère, c'est là que ma mère a grandi, je m'y rends tous les ans », confie l'artiste. Né d'un père portugais et d'une mère brésilienne, Tiago Ribeiro s'émancipe ici de la pop anglophone de son groupe Born Idiot (toujours en activité) pour des chansons plus personnelles qui racontent « l'angoisse du passage à l'âge adulte », certains fantasmes féminins ou l'éloignement propre à ceux qui vivent coupés de leurs proches. Dans la vidéo d'Amores Nostalgia, constituée d'images tournées au caméscope, on le voit petit garçon, en vacances en famille à Niterói, baignant dans la lumière carioca avec une insouciance irrésistible. Sensations qui lui permirent de glisser un parasol de groove dans le mojito de sa bossa-nova lusophone aux chœurs enchanteurs – à boire sans modération, surtout les jours de pluie.Pour L'Arche de Nova, ce chanteur, guitariste, bassiste et claviériste breton provoque le crash de tous les serveurs Internet à cause d'un frappuccino renversé par un agent d'entretien de la Silicon Valley, auquel il rend hommage en esquissant une chanson inédite – sans oublier au préalable d'imaginer la panique générale puis les détails d'une nouvelle société planétairement déconnectée, où nous essaierons de retrouver dans le réel les habitudes prises avec Facebook, Twitter ou Tik Tok. Tudo bem.Réalisation : Mathieu Boudon.Pour voir le clip d'Amores Nostalgia, c'est là : https://www.youtube.com/watch?v=rjFt6H6uOQU&ab_channel=NiteroyNiteroyImage : Effacer l'historique, de Gustave Kervern et Benoît Delépine (2020). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Félix Jousserand : « Demain, peut-être, le cri du paon »

    Play Episode Listen Later May 20, 2021 3:32


    « En direct » de Rome et d'une Villa Médicis peuplée de volatiles impromptus, ce poète nous propose un pitch possible pour le monde de demain matin.« Est-ce que le tamanoir déterre lui-même dix mille fourmis par jour derrière sa cage ? * Le seul journaliste qui m'interviewe a l'air plus fou que moi. » Pour Les Plaies d'Occident, son dernier livre publié ce printemps aux éditions Au Diable Vauvert, Félix Jousserand a noté, chaque jour de l'étrange année 2020, ses pensées, par bribes, réduites à l'essentiel, à l'os comme on dit – à l'écoute de son monologue intérieur, de l'actualité géopolitique, économique ou sanitaire, de ses amis, de son éditrice, de la radio. Florilège : « Nouvel an chinois annulé, l'année ne commencera jamais. » « Le week-end pose problème. » « Jouer au con m'a bien aidé mais c'est fini. » « Tempête. Vents violents. Guyotat meurt. » « Si j'étais médecin je tuerais les hypocondriaques. » « La mendiante n'a plus de clients, aux rares passants elle dit que sa carte bleue vient de "se faire avaler". »Pionnier de la scène slam française des années 2000 (à propos de laquelle il écrivit une anthologie, intitulée Blah) avec le collectif Spoke Orkestra, auteur de nombreux recueils de poésie, de pièces de théâtre ou d'albums musicaux, ce Parisien de 43 ans, qui vit désormais à Montpellier, nous appelle de Rome. Pensionnaire de la prestigieuse Villa Médicis pour la saison 2020-2021, Félix Jousserand y écrit en ce moment « un oratorio découpé en cinq pièces de poésie, de cinq actes chacune, en vers mesurés, retraçant les grandes heures de la dynastie des Antonins, suivant le règne des cinq empereurs qui conduisirent l'Empire romain à son apogée avant d'accompagner sa chute : Trajan, Hadrien, Antonin, Marc-Aurèle et Commode ». Entre deux séances de travail, il nous propose un pitch possible pour le monde de demain matin, en compagnie d'oiseaux.Réalisation : Mathieu Boudon.Image : Junon et le paon, d'Alfred Hitchcock (1930). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    La P'tite Roberte : « Demain, l'Académie française sera saupoudrée de paillettes linguistiques »

    Play Episode Listen Later May 19, 2021 5:48


    À Paris, les deux créatrices de ce dictionnaire téléphonique aux accents féministes revitalisent notre passion des mots rares et des néologismes, tout en blâmant le charabia libéral de la start-up nation. Fantasmagorique !« Bonsoir. Merci pour votre appel. Savez-vous ce qu'est une belladone ? » Nous sommes lundi, il est 18H39 et je viens de composer le 07 58 25 10 43, la hotline de La P'tite Roberte, ce dictionnaire téléphonique aux accents féministes créé en 2020 par deux mystérieuses justicières du langage, Nadiam's et Louise Aloupic. Ces derniers mois, leurs autocollants fleurissent un peu partout en ville, clamant que la centrale d'appel est joignable du lundi au vendredi de 18h à 20h. Timide, je me hasarde à répondre que la belladone est peut-être un opéra italien au sujet d'une jolie dame. Perdu. Il s'agit d'une plante parfois surnommée « la cerise du diable », qui a pour effet immédiat, une fois consommée, de « dilater la pupille » ; elle peut provoquer « des transes et des hallucinations » et les sorcières du Moyen-Âge l'utilisaient pour des rituels de magie noire avant que la Renaissance n'en fasse un onguent susceptible de soigner le système digestif. Par extension, la dilatation du regard chez certaines Italiennes et leur capacité à « susciter le trouble auprès de la gent masculine » aboutira à la naissance de l'expression « avoir une coquetterie dans l'œil ». Je raccroche, pas déçu du voyage. Florian, l'un des assistants de la rédaction de Radio Nova, découvrira quant à lui l'existence de la « sitophilie », qui désigne l'excitation sexuelle produite par la nourriture. Miam. Merci La P'tite Roberte !À bord de L'Arche de Nova, Louise Aloupic et Nadiam's remplacent l'Académie française (« et ses dix trains de retard ») par une nouvelle institution collective inclusive intitulée « Hop-hop-hop, t'as dit quoi, là ? », pour revitaliser notre passion des mots rares et des néologismes, tout en blâmant le charabia libéral de la start-up nation, sans oublier de citer Chloé Delaume, Virginie Despentes ou la poétesse et essayiste queer afroféministe américaine Audre Lorde (1934-1992), pour « virer les galimatias qui mentent, détruisent, uniformisent » et « remettre au centre de nos interactions les tchatches qui unissent, éduquent et partagent ».Enregistrement : Benjamin Macé. Réalisation : Mathieu Boudon.Pour écouter une autre utopie langagière, c'est ici : https://www.nova.fr/news/mattia-filice-demain-tous-les-mots-seront-payants-79150-16-12-2020/Image : Girl 6, de Spike Lee (1996). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Jean d'Amérique : « Demain, la poésie sortira de l'usine »

    Play Episode Listen Later May 17, 2021 5:30


    Entre Paris et Bruxelles, ce poète et dramaturge haïtien jette les bases d'une « politique de poétique publique », où des ouvriers du verbe fabriqueront à la chaîne des sandwichs composés « d'un morceau de cœur, d'une tranche d'âme et quelques pincées de rêves ».« Ma mère me raconte qu'à une époque, prendre la plume pour donner des ailes à un cœur était élégance, que longtemps on a écrit des lettres à l'autre, on a déclaré sa flamme sur le papier, et c'était si beau, incandescent. Je suis depuis deux ans face à une feuille que je voudrais remplir de tendresse. Je ne quitterai pas le chantier. J'écrirai à ma lune avant la tombée de la nuit. Je lui écrirai car je ne sais quoi faire d'autre. Il y a longtemps que je cherche un chemin vers mon cœur-miroir, la fille appelée Silence, mais son père fait écran, il la garde sous son aile à l'école ou l'enferme dans une maison luxueuse protégée par un mur immense et une cohorte de barbelés. Que faire ? Lui écrire ? Je m'y mets. »Dans Soleil à coudre, son premier roman publié ce printemps aux éditions Actes Sud, le poète et dramaturge haïtien Jean d'Amérique, 26 ans, décrit les turpitudes de Tête Fêlée, habitante d'un quartier « enveloppé d'une odeur de charogne et d'un cortège de mouches », qui brûle de désir pour l'une de ses camarades de lycée, mystérieusement surnommée Silence ; alors l'amoureuse rature, déchire et reprend sans cesse sa lettre, en espérant parallèlement que l'école saura « la tirer de ce bidonville crasseux ». À bord de L'Arche de Nova, Tête Fêlée trouvera peut-être la solution à ses problèmes d'inspiration. Entre Paris, Bruxelles et « un peu » Port-au-Prince, l'auteur de Cathédrale de cochons ou de Nul chemin dans la peau que saignante étreinte jette ici les bases d'une « politique de poétique publique », où des ouvriers du verbe fabriqueront à la chaîne des sandwichs composés « d'un morceau de cœur, d'une tranche d'âme et quelques pincées de rêves », en se figurant lui-même employé de ses futures manufactures parnassiennes dirigées par un certain… Karl Marx. Au passage, Jean d'Amérique rend hommage à ses maîtres, en particulier René Depestre et son « état de poésie », tout en déclamant pour Nova son Discours du champ brûlé, semé dans le recueil Atelier du silence (Cheyne, 2020) et tranché dans le bois de sa « pensée-forêt ». Timber ! Réalisation : Mathieu Boudon. Image : Factotum de Bent Hamer, adapté du roman de Charles Bukowski (2005). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Iris Kooyman : « Demain, les Français deviendront peu à peu des opossums »

    Play Episode Listen Later May 12, 2021 7:51


    Faire le mort en cas de danger, manger n'importe quoi et dormir énormément : tirons des leçons de ce marsupial ami qui n'a jamais le seum, conté par une étudiante du master de création littéraire du Havre.Elle déclare, non sans panache, aimer « les bus de banlieue et les documentaires animaliers de la BBC ». Elle aurait dédié ses trois dernières années à enseigner le français dans une classe d'accueil pour adolescents non-francophones de La Courneuve (Seine-Saint-Denis). Étudiante du master de création littéraire du Havre, elle écrit désormais un roman sur quatre spécimens de copines présentant la particularité de savoir lever le coude en milieu bistrologique (bref : elles se retrouvent au bar, et c'est pas triste), dont l'une est « une assistante sociale au bord du burn-out ».Voici l'essentiel, à ce jour, des pièces que nous pouvons verser au dossier concernant notre invitée du soir répondant au nom d'Iris Kooyman. Dernier élément, peut-être décisif : enfant, l'intéressée lisait La Rubrique-à-brac de Marcel Gotlib, avec une attention accrue pour les fiches zoologiques du Professeur Burp. Souvenons-nous de l'épisode poignant consacré à la hyène, qui sut défaire la sombre réputation de ce charognard rigolard, car il est faux de dire : « là où y a de la hyène, y a pas de plaisir ».Que savons-nous des opossums ? Que veut dire, en anglais, « playing possum » ? Collectionnant les photos insolites de cet animal « omnivore et opportuniste », fréquentant assidûment les groupes Facebook à propos de cette bestiole pour qui l'expression « un certain manque de motivation » semble avoir été inventée, Iris Kooyman nous conte une parabole relatant l'invasion imminente de la France – et ses conséquences socio-culturelles inévitables – par un posse de marsupiaux amis qui n'ont jamais, ô grand jamais, le seum. Merci.Réalisation : Mathieu Boudon.Pour écouter la précédente utopie d'Iris Kooyman, c'est ici : https://www.nova.fr/news/iris-kooyman-demain-peter-les-plombs-au-guichet-permettra-de-chauffer-tout-un-quartier-137690-14-04-2021/Image : L'Âge de glace 2, de Carlos Saldanha (2006). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Hadrien Klent : « Demain, nous travaillerons moins sans gagner moins »

    Play Episode Listen Later May 10, 2021 5:27


    Trois heures de taf quotidien, au max ? Des salaires compris entre 1500 et 6000 euros, pour tous ? Un candidat à la présidentielle qui s'engage pour revitaliser notre droit à la paresse ? C'est le programme de cet écrivain marseillais, auteur d'un roman énergiquement utopique.« Nous ne laisserons plus le travail nous imposer sa loi. Nous ne serons plus des fourmis laborieuses, pressées, empressées, compressées. » Dans Paresse pour tous, son troisième roman publié la semaine dernière aux éditions Le Tripode, Hadrien Klent conte la campagne présidentielle d'un économiste marseillais, Emilien Long, qui pourrait bien de devenir le nouveau maître des horloges de l'Elysée en 2022 – sans bouger le petit doigt, ou presque. Depuis son hamac avec vue sur la Méditerranée, ce prix Nobel crée l'événement avec un essai qui réactive les thèses de Paul Lafargue et son célèbre Droit à la paresse ; en 1883, ce journaliste français dénonçait déjà « cette folie de l'amour du travail, la passion morbide du travail, poussée jusqu'à l'épuisement ». Emilien Long appelle les Français.es à « construire leur propre rapport au temps, ne plus le subir », en les incitant par la suite à devenir « tous candidat.es » à ses côtés.Trois heures de taf par jour, quinze maximum chaque semaine. Dans le bouquin, l'idée fait son chemin en passant par les travaux de grands hostiles au labeur imposé : Sénèque, Breton, Aragon, Debord, jusqu'au Comité invisible de Tarnac. « L'utopie est là : devant lui. » Des « ateliers du temps libre » essaiment partout en France, le samedi après-midi, pour réfléchir « à une société plus mûre, dégagée de l'esclavage salarial ou autoentrepris ». L'emporteront-ils ?De Klent, nous savons peu de choses : cet homme vit à Marseille, écrit sous pseudonyme et aime « la mousse au chocolat, l'humour subtil, les îles bretonnes ou l'écrivain chilien Roberto Bolaño ». C'est à bord de L'Arche de Nova qu'Emilien Long a choisi d'officialiser sa candidature à l'élection présidentielle. Très énergique (pour un paresseux professionnel), le personnage évoque, par la voix tonitruante de son créateur, le bouleversement du code du travail, des salaires mensuels encadrés et son prodigieux slogan : « Travailler moins pour gagner moins. »Réalisation : Mathieu Boudon.Pour écouter notre précédent plaidoyer en faveur de la paresse, signé Luc-Michel Fouassier, c'est là : https://www.nova.fr/news/luc-michel-fouassier-demain-les-feignasses-simposeront-mollement-42229-23-11-2020/Image : Gaz de France, de Benoît Forgeard (2015). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Claire Richard : « Demain, nous interdirons la reconnaissance faciale »

    Play Episode Listen Later May 5, 2021 7:30


    Contre la banalisation d'une technologie liberticide, cette autrice et journaliste parisienne en appelle à la mobilisation générale pour crever l'œil de Big Brother. Ne souriez plus, vous êtes filmé.e. « Qu'est-ce qui fait qu'une image qu'on a rencontrée par hasard vous suit pendant toute une vie ? » Claire Richard, l'autrice des Chemins de désirs, ce podcast d'Arte Radio doublé d'un splendide petit essai sur son rapport aux images pornographiques et la manière dont celles-ci ont formé et orienté ses fantasmes et sa sexualité (éditions du Seuil, 2019), a deux mots à nous dire sur la reconnaissance faciale. Figurez-vous que cette journaliste parisienne a également dirigé à mi-temps le site Digital Society Forum, consacré aux cultures et usages numériques. Sensible aux combats de l'association La Quadrature du Net, elle en appelle à la mobilisation générale pour crever l'œil de Big Brother, contre la banalisation d'une technologie liberticide. Souvenons-nous au passage des « tours panoptiques », terrible invention tirée du premier roman d'Alain Damasio, La Zone du dehors (1999), où chacun.e peut venir, à sa guise, espionner son prochain. « Ces salles étaient surtout pleines la nuit. S'y installaient sans honte une pléthore de voyeurs, hommes et femmes, d'épouses soupçonneuses et de maris trompés, de pères qui surveillaient leur fille et de filles qui surveillaient leur père, de curieux. S'y complaisaient surtout des pervers, des vicieux, des flics dans l'âme, des délateurs payés à l'hôtesse dénoncée et des honnêtes hommes faisant leur devoir de citoyen en enregistrant tout scène leur paraissant suspecte ou de nature à porter atteinte aux bonnes mœurs… Une fiche tactile (facultative) trônait sur la table. Pouvaient y être reportés les faits observés avec le lieu de l'action et les références du timecode. Chose remarquable, aucune case n'était prévue pour le nom de l'observateur. Ça n'avait pas d'importance : seul ce qui avait été observé comptait. À moins que l'observateur se trouvât déjà lui-même observé, enregistré et noté… si bien que son nom importait peu. » Réalisation : Mathieu Boudon. Pour écouter la solution de Philippe Garnier contre la reconnaissance faciale, lors d'un épisode précédent de L'Arche de Nova, c'est là : https://www.nova.fr/news/philippe-garnier-demain-nous-porterons-deux-masques-38791-04-05-2020/ Image : Black Mirror S1E3 – Retour sur image, de Jesse Armstrong (2011). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Élodie Milo : « Demain, les voies migratoires aériennes seront sacrées »

    Play Episode Listen Later May 5, 2021 8:03


    Tout juste rentrée au nid après sa participation au tournage, en Mauritanie, d'un documentaire sur les oiseaux migrateurs, cette musicienne mystique posée en Normandie nous offre une chanson inédite.« On court, on coule / on croule, sous nos poids. » Sur son dernier album, Sous la lune, sorti en octobre 2019, Élodie Milo invitait à écouter « les louves qui hurlent en nous » via six incantations fort sabbatiques teintées de guitares surf, de pop songeuse ou de rythmiques sud-américaines, écrites et composées pour « explorer de puissants archétypes féminins » : la vierge, la sorcière, la maman ou la putain. Le disque s'accompagne d'un spectacle, Lunas, mélange de théâtre et de chansons, d'humour et de féminisme, cabaret barré élaboré au diapason des quatre phases du cycle menstruel, conçu avec la danseuse Delphine Dartus et mis en scène par Loïc Deschamps.« Elle a le serpent qui change de peau, l'aigle qui plane là-haut / Chant de la terre, de l'air, de l'eau. » Ce printemps, cette musicienne et comédienne a quitté son nid forestier de Basse-Normandie pour voler vers Iwik, en Mauritanie, les pieds dans la vase « riche en mollusques » du parc national du Banc d'Arguin, où elle fut invitée à « jouer les couteaux-suisses » sur le tournage de Flyways, ce documentaire de l'Australien Randall Wood sur les multiples pièges tendus par la modernité sur la route d'oiseaux migrateurs menacés d'extinction, produit par Arte et Zed Productions. L'ornithologue néerlandais Jan Van Gils y suivra notamment, grâce à « de touts petits satellites », le trajet intégral d'un piaf en danger, de l'Arctique à l'Afrique.Tout juste rentrée au bercail, Élodie Milo nous incite à « prendre soin de tout ce qui migre », forte de son désir de « faire inscrire au patrimoine mondial de l'humanité les neuf voies aériennes naturelles » – tout en nous livrant une chanson inédite, Les Rives de l'oubli, accompagnée au clavier par Rodrigo Gonzalez-Miqueles.Réalisation : Mathieu Boudon.Pour voir la bande-annonce de Flyways : www.flywaysfilm.com et www.globalstory.tvPour écouter la précédente utopie d'Elodie Milo, c'est là : https://www.nova.fr/news/elodie-milo-demain-nos-paroles-nous-apparaitront-comme-le-fil-de-laraignee-39219-29-05-2020/Pour écouter Sous la lune, c'est ici : https://elodiemilo.bandcamp.com/album/sous-la-luneImage : Le peuple migrateur, de Jacques Perrin, Jacques Cluzaud et Michel Desbats (2001). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Marguerite Duras : « Demain, tout recommencera… par une indiscipline »

    Play Episode Listen Later May 4, 2021 3:56


    [Archive.] En 1985, l'autrice d'« India Song » souffle à Michel Drucker son cauchemar pour l'an 2000 : écrans partout, surinformation, « tout sera bouché, investi », mais… « il restera la mer et la lecture », puis des « héros » qui prendront « un risque ».« Dans cent ans peut-être, ou moins, ou plus, après qu'un continent civilisé aura sauté sur lui-même, dans un désert retrouvé, deux femmes se rencontrent. L'une d'elles trimballe avec elle un objet qu'elle veut jeter : le dernier guerrier. Elles se parlent. Elles ont perdu la mémoire des événements mais il leur reste celle de presque tous les mots. » En 1968, à 54 ans, Marguerite Duras signe un curieux texte d'anticipation : une pièce de théâtre intitulée Yes, peut-être, conte philosophique post-apocalyptique pour dire ce temps où l'être humain aura, peut-être, tout perdu : « sa colère, sa douceur, sa faculté de haine, sa faculté d'aimer ». Dans un bunker entouré par les océans, les deux femmes explorent ce qui reste avec la curiosité des enfants ; l'homme, lui, « l'œil fixe comme un œuf au plat », veut encore se battre.Dix-sept ans plus tard, le 29 septembre 1985, alors que la bombe n'a pas encore tout irradié, Marguerite Duras répond sur Antenne 2 à une question posée par Michel Drucker – sacré Michel, toujours dans les bons coups –, qui l'interroge sur l'an 2000. Et Marguerite songe soudain à nos algorithmes. « L'homme sera noyé dans l'information. Elle sera constante : sur son corps, sa santé, sa vie familiale, son salaire, son loisir. Pas loin du cauchemar. » (…) « Il y aura des postes de télévision partout. Dans la cuisine. Dans les water-closets. Dans les rues. (…) Tout sera bouché, investi. » Mais… « Il restera la mer et la lecture (…) Un homme, un jour, lira. Tout recommencera. On repassera par la gratuité. Les réponses seront moins écoutées. Ça commencera par une indiscipline. Un risque. L'homme sera seul avec son bonheur et son malheur, qui lui viendront de lui-même. Ceux qui se tireront de ce pas seront les héros de l'avenir. » Merci Maggie. Tous à la plage !Réalisation : Mathieu Boudon.Pour écouter notre précédente archive du futur avec Isaac Asimov, c'est là : https://www.nova.fr/news/isaac-asimov-demain-nous-voterons-mieux-en-connaissant-les-problemes-et-leurs-solutions-138820-22-04-2021/?fbclid=IwAR07-Ep32Mvt5YtC_O7H0Z5yTHb5pjObjMNwr_A3sfu-mGC1ophFFsckaeQImage : India Song, de Marguerite Duras (1975). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Carl Agité : « Demain, tu tueras toi-même, toujours, l'animal que tu veux manger »

    Play Episode Listen Later May 3, 2021 6:14


    Retranché dans son chalet alpin situé « en 2081 », cet énigmatique ermite se souvient de la petite mort du désir carnivore, le jour où les Etats obligèrent les viandards à se rendre eux-mêmes à l'abattoir. #MeatHook !L'enregistrement que vous allez entendre nous est parvenu par la grâce liquide d'une bouteille de génépi, déposée en évidence à l'entrée des studios, fin août 2020. L'étiquette indiquait : « Pour votre Arche. » À travers le verre, un petit coffre en plastique flottait dans l'alcool de plantes. Le soir même, il fallut trois heures à notre équipe pour boire avec bravoure la boutanche entière, qui tomba en même temps que l'un de nos animateurs, et se brisa. Le coffre roula, s'ouvrit, révélant une pochette étanche, abritant elle-même une clé USB, contenant enfin plusieurs messages audios d'un certain « Carl Agité ».Après débat au sein de la rédaction, il a été décidé de partager avec nos auditeurs ces « témoignages du futur », situés « en 2081 », cent ans exactement après la création de Radio Nova. L'auteur s'y présente sous les traits d'un ermite, « vieux sage et vieux singe », habitant un modeste chalet au pied du mont Blanc. Surprise, agréable : à « son » époque, le monde ne s'est pas encore écroulé.Dans ce nouveau message, notre mystérieux moine des montagnes se souvient de la petite mort du désir carnivore, le jour où les Etats obligèrent les viandards à se rendre eux-mêmes à l'abattoir. « En 2022, un slogan devint viral. Si tu veux vraiment de la viande, tue l'animal toi-même. Au départ, on parlait d'un canular, d'un happening antispéciste de bobos énervés. Mais les rayons des supermarchés, les étals des bouchers, des charcutiers, des poissonniers, se vidèrent aussi vite qu'une balle de fusil. » Dévalisés, mais pas réapprovisionnés ; sauf en steaks de soja, en boulettes végétales ; des imitations, pas forcément insipides, mais plus de vrai jambon, plus de vrai poulet, plus de vrai saumon, « si tant est que le mot vrai, dans la grande distribution, signifie encore quelque chose », précise l'ermite.Agité raconte : « En périphérie des villes, les abattoirs étaient ouverts à tous, les machines et les outils mis à disposition, les bêtes en liberté. Les employés n'avaient d'autres responsabilités que de veiller à leur sécurité des bestiaux, les nourrir, les soigner. N'importe quel citoyen-consommateur pouvait venir – sans arme, néanmoins – tuer à sa guise, avec le matériel habituel, un veau, un porc, un canard, et repartir avec sa cargaison de viande (dans des limites fixées à l'avance, pour éviter les abus). »Détail : aucune aide n'était fournie pour “réussir” ces assassinats. « Chaque personne devait abattre, elle-même, les yeux dans les yeux, le bœuf tant désiré et lui arracher les côtelettes à la main. Aucun professionnel ne venait vous expliquer comment buter puis déplumer soi-même le poulet du dimanche. Il y eut des carnages, un gâchis effroyable, des scènes horriblement violentes et honteuses relayées sur les réseaux. » Mais cela ne dura guère. Viandard ordinaire, Carl évoque l'abandon de son propre régime carnivore rien qu'à l'idée de se « rendre en banlieue pour griller le cerveau d'un cochon, pour ensuite le découper en tranches, pendant des heures, avec du sang et des boyaux partout, juste histoire d'avoir trois saucisses » pour accompagner sa purée.Le déni de la souffrance animale, qui nous permet depuis des millénaires d'engloutir trois tonnes de bidoche à chaque raclette, à chaque méchoui, à chaque barbecue, mua en évidence. On nomma ça la révolution #MeatHook, du nom d'une chanson de The Cure. « Le hashtag #MeatHook se répandit comme une traînée de poudre : 92% des humains se montrèrent incapables de faire clamser un animal si leur survie n'en dépendait pas. Bien sûr, aux quatre coins du globe, les mouvements pro-chasse et... See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Martine Guillaud : « Demain, la parole aura valeur de contrat »

    Play Episode Listen Later Apr 29, 2021 5:03


    À Paris, cette comédienne et coach en oralité articule un futur « 100% éloquent » où chacun(e) connaîtrait, dès la naissance, tous les mots du dico, tout en maniant l'art de la rhétorique à la perfection. Si bon bla-bla, zéro tracas ?Vous allez adorer prendre la parole ! C'est le titre d'un recueil d'« astuces » pour apprendre à parler en public, signé Martine Guillaud et publié ce mois-ci aux éditions Robert Laffont. « Enfant de la balle », fille des créateurs du Centre culturel du Marais, cette Parisienne pratique très tôt les claquettes, la comédie musicale ou le piano, puis monte avec sa sœur une compagnie, qui accouche d'une quinzaine de pièces de « théâtre visuel, avec peu de paroles ». Les spectacles deviennent sa « thérapie ».Au cinéma, on l'aperçoit dans de petits rôles chez Alain Resnais (La vie est un roman) ou Bertrand Tavernier (Autour de minuit), elle joue sur scène sous la direction de Pascal Rambert ou Bob Wilson, puis sa voix devient sa voie : Martine Guillaud contribue à des pièces diffusées sur France Culture et sera pendant dix-sept ans l'identité vocale de la chaîne France Ô. Mais celle qui « enchaîna de nombreuses séances d'orthophonie » pour venir à bout d'une « sérieuse dyslexie » tombe hélas gravement malade suite à une « détonation accidentelle dans le cerveau », et doit « réapprendre à parler » pendant de longs mois.Cette « cassure », ce brutal « reset », l'amène à mieux « apprivoiser ses doutes, son stress, ses émotions ». Elle met alors en place un « Lab'Oratoire » à l'université de Paris-Sarclay, des « ateliers d'éloquence » destinés aux étudiants scientifiques. Aujourd'hui, Coach Martine forme à la tchatche et à la respiration aussi bien du côté d'HEC qu'à l'Assemblée nationale. Ses conseils : « Pensez à écouter votre deuxième cerveau, le ventre. » « Ancrez-vous dans l'instant présent, la tête droite et la poitrine bombée. » « Soyez sincère, authentique. » Ou encore : « N'oubliez pas de tenir compte de votre interlocuteur. »Grimpant à bord de L'Arche de Nova, Martine Guillaud articule un futur « 100% éloquent » où chacun(e) connaîtrait, dès la naissance, tous les mots du dico, tout en maniant l'art de la rhétorique à la perfection. Si bon bla-bla, zéro tracas ? Réalisation : Mathieu Boudon.Image : Astérix et Obélix : mission Cléopâtre, d'Alain Chabat (2002). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Blumi : « Demain, on ne sera ni femme ni homme, mais les deux »

    Play Episode Listen Later Apr 26, 2021 7:14


    Pour en finir avec le genre, cette musicienne parisienne déménage chez les « Getheniens », un peuple hermaphrodite imaginé en 1969 par la romancière américaine Ursula K. Le Guin.« I see people change. » Elle voit les gens se métamorphoser. Sur I know about you, l'une des quatre chansons de son premier mini-album de folk sombre à paraître le 30 avril, Blumi observe des personnes qu'elle croit connaître, mais qui s'avèrent « aveugles » et manifestement paumées dans leurs désirs. Le beau vibrato de sa voix nous avertit d'un « froid » qui envahit tout, comme la marée qui monte, porté par d'étranges notes de claviers distordues – avant l'envolée des chœurs, vaguement psychédéliques, réclamant davantage de vérité dans les relations, « en attendant plus ». À la fin, le morceau The Dream nous conte, lui, le rêve d'une rencontre dans l'obscurité, lors d'un « anniversaire effrayant » où tout arrive « à l'intérieur, sous la peau ».Parlons d'identité, tiens. Dans la brume de Blumi, une femme. Introducing Emma Broughton, trentenaire parisienne ayant étudié le jazz vocal ainsi que la flûte traversière au conservatoire, entendue aux côtés de Bon Iver, Mina Tindle ou Melissa Laveaux, poly-membre de trois groupes : Thousand, Orouni et O (mené par Olivier Marguerit). La musicienne s'affirme aujourd'hui en solo via cet EP délicat, qui paraît explorer – sans se lamenter – des chagrins enfouis.Pour L'Arche de Nova, Emma Broughton rêve d'en finir avec le genre et déménage chez les « Getheniens », un peuple hermaphrodite imaginé en 1969 par Ursula K. Le Guin. Dans La main gauche de la nuit, la romancière américaine téléporte un Terrien sur la planète Nivôse, pour convaincre ses habitants d'adhérer à une organisation commerciale intersidérale. Ce voyageur découvre une nation asexuée et pacifique, cédant chaque mois à des « poussées hormonales » très libres, dont les mœurs firent du livre, dès sa sortie, un classique de la science-fiction. Les hommes peuvent tomber enceints, « l'abstinence est volontaire et le plaisir toujours licite, traumatismes et frustrations sont l'un et l'autre exceptionnels » et la société s'organise « devant les tourments et les joies de la passion ». C'est l'utopie sans blues et mi-mi, mi-homme mi-femme, de Blumi.Réalisation : Mathieu Boudon.Pour voir la vidéo de I know about you, c'est ici : https://www.youtube.com/watch?v=io20Iy2TeZ8&ab_channel=BlumiImage : Laurence Anyways, de Xavier Dolan (2012). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Nicolas Ker : « Demain, nous vivrons 500 ans »

    Play Episode Listen Later Apr 26, 2021 4:22


    Crooner gothique, le chanteur et parolier parisien de Poni Hoax nous a laissé un message d'avenir, dans lequel il est question de nanotechnologies, d'un « contrat social mondial » et d'apocalypse ordinaire.« Entre dans la lumière noire. » Enter The Black Light. C'était l'un des meilleurs moments d'Empire, second album né du mariage musical improbable entre Arielle Dombasle et Nicolas Ker, sorti en juin 2020. Une ballade lugubre, totale Doors, où la voix profonde et légèrement cassée du chanteur de Poni Hoax se demandait, sous la lune, en duo avec l'extravagante diva rohmerienne, si « l'information a une fonction ». Peut-être faut-il entendre, dans ces paroles cryptiques, la perplexité du genre humain à tirer des leçons de ses erreurs innombrables. La lumière noire serait alors la couleur du futur : flippante. Dans le clip de la dernière chanson du disque, We bleed for the ocean, des sirènes crèvent étouffées par les détritus plastiques, prisonnières de filets de pêche abandonnés. Mais Nicolas Ker, sous ses lunettes fumées, n'a-t-il pas répété plus tôt, lors d'une autre complainte goth-rock marquée par les Murder Ballads romantiques de l'Australien Nick Cave, que nous ne sommes « pas obligés de nous noyer, pas obligés de mourir » ?Optimiste ? Kerrement. Né à Phnom-Penh en 1970 d'un père français et d'une mère cambodgienne ayant fui les Khmers rouges, le crooner cuir, qui vécut au Caire, à Istanbul, à La Réunion ou à La Courneuve, le dit franchement : « Je ne suis pas inquiet. » À bord de L'Arche de Nova, ce Roi-Lézard des désarrois sentimentaux, qu'on dit passionné par la physique quantique ou la théorie des cordes, confie sa fascination pour la nano-médecine qui pourrait nous permettre de vivre cinq siècles. Il esquisse aussi un modèle pour une plus juste répartition des richesses, un « revenu minimum humain, pour se loger et se nourrir, en vivant raisonnablement, voire comme des rois – si on était un peu moins stupides ». « Sinon, ce sera sanglant. »Réalisation : Mathieu Boudon.Pour voir la vidéo de Deconstruction of the Bride, réalisée par Arielle Dombasle, c'est ici : https://www.youtube.com/watch?v=6skv7vRPy_Y&ab_channel=arielledombasleVEVOImage : L'étrange histoire de Benjamin Button, de David Fincher (2008). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Isaac Asimov : « Demain, nous voterons mieux, en connaissant les problèmes et leurs solutions »

    Play Episode Listen Later Apr 22, 2021 10:32


    [Archive.] En 1974, l'écrivain russo-américain des « Robots » posait les bases d'une démocratie participative planétaire, renforcée « grâce à un surplus de technologie et une « meilleure éducation », tout en privilégiant « la liberté et le danger » plutôt que « le contrôle et la sécurité ».Durant l'été 1964, Isaac Asimov visite l'exposition universelle de New York. Déjà considéré comme l'une des voix majeures de la science-fiction avec son cycle des Robots ou la saga Fondation, l'écrivain russo-américain constate que l'expo « écarte du monde de demain l'hypothèse d'une guerre nucléaire ». Rassuré, il imagine alors à quoi pourrait ressembler notre planète un demi-siècle plus tard, en 2014. Ses prédictions sont tantôt effrayantes, tantôt enthousiasmantes. « Les communications se feront par visioconférence et vous pourrez à la fois voir et entendre votre interlocuteur. L'écran vous permettra également d'accéder à des documents, de voir des photographies ou de lire des passages de livres. Une constellation de satellites rendra possible les appels directs vers n'importe quel point de la Terre, même en Antarctique. »Hélas, « Les hommes continueront à fuir la nature pour créer un environnement plus à leur convenance ». Cependant, « il y aura des cités souterraines pleines de potagers sous lumière artificielle. La surface gagnée sera dédiée à l'agriculture à grande échelle, aux pâturages et aux parcs. » Nous découvrirons les premiers « modèles de centrales énergétiques dans l'espace, collectant les rayons du soleil à l'aide d'immenses paraboles, puis renvoyant l'énergie sur Terre ».Mais « le monde aura encore rétréci », avec « des autoroutes surchargées », des « transports de plus en plus aériens » et un usage courant de « l'hydroptère », un appareil qui glisse sur l'eau via quatre jets d'air comprimé (les voitures pourront aussi surfer sur l'eau de cette façon, « bien que les arrêtés locaux décourageront cette pratique ».) En outre, les véhicules seront munis de « cerveaux-robots » configurés pour atteindre une destination « sans l'interférence des lents réflexes d'un conducteur humain » (hello, Super-GPS). « Pour les voyages de courte distance, des trottoirs mobiles surélevés (avec des bancs de chaque côté) feront leur apparition. » Et n'oublions pas que « des tubes à air comprimé transporteront biens et matériaux ; les aiguillages qui achemineront ces cargaisons seront une des merveilles de la ville. »« Tout n'est pas rose », prévenait Asimov dans ce texte précieusement traduit par le site Framablog. « La population mondiale sera de 6,5 milliards. » (Elle était de 3 milliards en 1964, nous sommes plus de 7,5 milliards aujourd'hui.) « Toute la Terre ne sera qu'une unique ville comme Manhattan d'ici 2450 et la société s'écroulera bien avant. La pression démographique va forcer l'urbanisation des déserts, des régions polaires » et des fonds marins. « L'agriculture traditionnelle aura beaucoup de difficultés à s'adapter. » Nous fréquenterons des « bars à algues, dans lesquels seront servis des imitations de dinde et des pseudo-steaks. Ce ne sera pas mauvais du tout (si vous pouvez supporter leur prix élevé) ».Et les robots alors, Isaac ? « La situation empirera du fait des progrès de l'automatisation. Seuls persisteront quelques emplois de routine, pour lesquels les machines ne remplaceront pas l'être humain. L'humanité leur sera asservie. Les écoles devront être réorientées dans cette direction. » Conclusion : « L'humanité souffrira sévèrement d'ennui, un mal se propageant chaque année davantage et gagnant en intensité. Cela aura de sérieuses conséquences aux niveau mental, émotionnel et social. La psychiatrie sera de loin la spécialité médicale la plus importante, en 2014. Les rares chanceux qui auront un travail créatif seront la vraie... See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Carl Agité : « Demain, la gauche l'emportera avec ce slogan : Méditation, Massage, Masturbation »

    Play Episode Listen Later Apr 21, 2021 6:13


    Retranché dans son chalet alpin situé « en 2081 », cet énigmatique ermite nous rappelle les grands axes de la campagne des 3-M, qui permit à l'union de la gauche de gagner les présidentielles de 2022.L'enregistrement que vous allez entendre nous est parvenu par la grâce liquide d'une bouteille de génépi, déposée en évidence à l'entrée des studios, fin août 2020.L'étiquette indiquait : « Pour votre Arche. » À travers le verre, un petit coffre en plastique flottait dans l'alcool de plantes.Le soir même, il fallut trois heures à notre équipe pour boire avec bravoure la boutanche entière, qui tomba en même temps que l'un de nos animateurs, et se brisa. Le coffre roula, s'ouvrit, révélant une pochette étanche, abritant elle-même une clé USB, contenant enfin plusieurs messages audios d'un dénommé « Carl Agité ».Après débat au sein de la rédaction, il a été décidé de partager avec nos auditeurs ces « témoignages du futur », situés « en 2081 », cent ans exactement après la création de Radio Nova. L'auteur s'y présente sous les traits d'un ermite, « vieux sage et vieux singe », habitant un modeste chalet au pied du mont Blanc. Surprise, agréable : à « son » époque, le monde ne s'est pas encore écroulé.Dans ce nouveau message, notre mystérieux moine des montagnes nous présente l'étonnante idée d'une certaine Célestine Briochin, 49 ans, massothérapeute à Nantes et sympathisante du Parti Socialiste, « qui décida, le 21 avril 2021, de parcourir la France en train, au mépris des amendes, pour réveiller les réunions du PS, des verts, des communistes ou des insoumis », jusqu'ici incapables de s'entendre pour contrer l'inévitable duel Macron-Le Pen, « avec trois mots, trois lettres, trois M : Méditation, Massage, Masturbation ».Le programme de Briochin était limpide : « L'union de la gauche s'engagera à assurer chaque jour, à tou.te.s les Français.es et sans exception, même aux SDF, l'accès encadré aux 3-M. » « Chaque mâtinée comprendra 45 minutes de méditation, par groupe de trente, dans toutes les entreprises, toutes les écoles, toutes les facs, au sein de tous les corps de métier, avec un.e professeur.e agré.é.e et rémunéré.e par l'Etat, pour plonger en soi, lâcher prise, chasser les pensées négatives, apprendre à vivre ensemble en silence. » Puis, vers 17h, « chaque Français.e bénéficiera aussi d'un massage individuel de 30 minutes avant de quitter son lieu de travail ou dans des espaces dédiés ; ceci n'aura absolument rien de sexuel, toute forme d'indécence de la part du massé envers le masseur sera signalée et, si le comportement perdure, il sera puni. Ce soin sera gratuit, mais obligatoire ; car le simple fait d'être touché.e en profondeur fera retomber les tensions de soixante-trois millions de personnes tous les jours.»Enfin, « le ministère de la santé organisera de grandes campagnes médiatiques (spots, affiches, happenings) sur les bienfaits d'une masturbation quotidienne juste avant de s'endormir », à tous les âges de la vie, pour encore un apaisement des tensions, une meilleure connexion avec soi-même – dans l'idée évidente de meilleures relations avec les autres, Célestine Briochin ne manquant jamais de souligner « les milliers d'emplois » qui résulteraient d'une telle « révolution de la conscience corporelle ».Or, poursuit Carl Agité, « quand l'union de la gauche réalisa que les seules idées qui les rassemblaient, celles sur lesquelles ses membres ne s'écharpaient jamais et dont ils/elles avaient puissamment envie, étaient celles de Briochin… », celle-ci fut vite mise en avant. On cita aussi ses vingt ans dans l'humanitaire au Bénin, son éloquence sur les plateaux télé, son élégance vestimentaire, ses six recueils de poésie dédiés à Léopold Sédar Senghor, ses trois enfants issus de trois unions, son histoire d'amour naissante avec Pierre Niney et son amitié de... See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Iván Repila : « Demain, nous devons détruire le capitalisme »

    Play Episode Listen Later Apr 20, 2021 6:09


    L'auteur espagnol du « Puits » nous incite à anéantir au plus vite la matrice économique de toutes les inégalités, en déboulonnant au passage les partis d'extrême-droite et les écoles religieuses.« Impossible de sortir, on dirait. Mais on sortira. » Deux jeunes frères coincés au fond d'un trou. Comment sont-ils arrivés là ? Réussiront-ils à s'en tirer vivants ? De quoi ces enfants piégés sous terre sont-ils la métaphore ? D'où vient cette écriture poétique, que la romancière cubaine Zoé Valdès compare à celle Saint-Exupéry ? En 2014, Le Puits, premier roman espagnol de cent vingt pages, agit comme un classique immédiat à offrir à la pelle (pour creuser notre imagination). Son auteur, Iván Repila, est un parfait inconnu en nos contrées ; né à Bilbao en 1978, il serait éditeur, graphiste et administrateur culturel. Quatre ans plus tard, les éditions Jacqueline Chambon publient Prélude à la guerre, à propos d'un architecte ambitieux dont le monde s'effondre, préfacé par Éric Chevillard qui voit là « le récit d'une lente apocalypse, le naufrage d'une utopie » en soulignant que « l'homme occidental » y apparaît comme un « être famélique abusant d'une civilisation fertilisée dans la gangrène ».« Et pourquoi les femmes s'entêtent à lutter pacifiquement contre le patriarcat ? », demande l'antihéros de son dernier roman, ironiquement intitulé Un bon féministe, publié en janvier chez la même éditrice. « Avec cette tactique, d'après mes calculs, vous allez bien mettre trois ou quatre cents ans. Je ne comprends pas. Vous avez fait vœu de modération pendant vos sabbats ? Conduis lentement, mais sûrement ? Serre, mais sans étouffer ? La révolution sera féministe ou ne sera pas. Vous comptez détruire le système en demandant l'autorisation ? » L'homme qui parle ira trop loin. Déboussolé par l'avancée des combats post-MeToo pour l'égalité totale entre les sexes, qui bouleverse sa conception du monde et son éducation de macho ordinaire accro au porno, ce journaliste trentenaire sans envergure devient plus royaliste que le roi et fomente dans l'ombre un groupuscule « phallique » pour créer les conditions d'une vraie guerre des sexes, en vue du changement. On croirait une excroissance tordue du « Projet Chaos » de Fight Club, de l'Américain Chuck Palahniuk, auquel Repila semble répondre vingt ans plus tard – l'écriture est d'une nervosité palpable, méchante et sans répit, remarquablement traduite par Margot Nguyen Béraud, déjà à l'œuvre sur les deux romans précédents.Mais quelle peut bien être la vision du futur d'un si « sombre prophète », selon la formule de Chevillard ? Pour le savoir, L'Arche de Nova a envoyé un télégramme en direction de la province de Burgos, au nord du pays, dans l'Espagne « vide ». Sans surprise, Iván Repila voit le monde qui arrive comme « obscur, difficile et mortel », en citant les classiques de la dystopie : 1984 de George Orwell, Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley ou La Servante écarlate de Margaret Atwood. Il considère que nous vivons déjà une dystopie, avec le coronavirus et la « catastrophe politique et humanitaire » en cours. Mais l'écrivain incite ici chaque citoyen.ne. à s'attaquer à la racine du problème : le capitalisme, matrice de toutes les inégalités. Et se prête au passage à un exercice d'imagination, en concevant pour l'Espagne la fin des écoles religieuses, « qui disparaîtront lentement, comme certains insectes », en laissant l'enseignement de la foi aux espaces prévus pour cela.Réalisation : Mathieu Boudon.Traduction : Amélie de Castellan.Voix : Judah Roger.Image : Fight Club, de David Fincher (1999). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Rim Battal : « Demain, nous élèverons nos enfants à quatre, six, huit, douze »

    Play Episode Listen Later Apr 19, 2021 6:24


    Marocaine et Parisienne, cette poétesse de l'intime suggère aux parents de davantage « daroner en post-tribu », par mutualisation des compétences et des attentions, dans de grandes colocations. Ainsi, « fini l'enfant-roi, la mère poule et le père démissionnaire ! »« Quand j'étais enceinte de ma fille, j'avais envie de lire des textes qui poseraient des mots crus, directs et précis sur l'expérience existentielle de la maternité. Je n'en ai pas trouvé. J'ai commencé à prendre des notes, c'est devenu L'eau du bain. » En 2019, Rim Battal publie aux éditions Supernova (promis, nous n'y sommes pour rien) le journal poétique de sa grossesse, de son accouchement et de ses premiers mois en tant que mère, en évoquant frontalement, par exemple, la douleur de l'épisiotomie. Elle raconte aussi d'autres pressions. « Vas-y Maman, avale-moi. Je reviens vers toi, molle, cuite à point. Sors les couverts, je vais te faire les petits-enfants dont tu rêves tant. Je te les léguerai dès la naissance. Ils t'appartiennent déjà. »Née à Casablanca en 1987, diplômée de l'Ecole Supérieure de Journalisme de Paris où elle vit depuis huit ans, Rim Battal a laissé tomber l'information et les médias traditionnels en 2012 pour tenter de faire entendre, pleinement, son regard de « féministe inconditionnelle » à travers ses textes, poèmes et photographies – tout en co-dirigeant le « Bordel de la Poésie », une série de rendez-vous feutrés dans des endroits élégants (du monde d'avant-la-pandémie) où, « habillée en putain d'un autre temps », il lui arrive de murmurer sa prose rose à l'oreille de spectateur.ice.s troublé.e.s ; cette pratique, dit-elle, a depuis « recouvert son travail d'une fine couche d'érotisme ».En février dernier aux éditions du Castor Astral, Rim Battal a publié Les quatrains de l'all inclusive, composés dans un hôtel pour touristes « de masse » de Sardaigne, en vacances avec ses filles. Du bord de la piscine (qu'elle envisage de dynamiter : on y subit Despacito trois fois par jour), elle se pose parfois des questions vertigineuses : « Qui du maître ou de l'esclave / vit plus longtemps / vit plus heureux / vit plus vaillant / L'esclave connaît mieux le repos, le soleil et le contentement / Le maître est un mystère. » Avant de recommencer à interroger la parentalité : « Le parent a l'avantage d'être né avant / Il a ce coup d'avance des dieux / et comme les dieux essuiera tôt ou tard / la merde sur les murs de la foi qui détale. »Grimpant à bord de L'Arche de Nova, Rim Battal suggère aux parents de davantage « daroner en post-tribu » par mutualisation des compétences et des attentions, dans de grandes colocations qui accueilleront aussi, outre des amis savamment choisis, des aîné.e.s ou des personnes dénuées de la moindre progéniture. Ainsi, « fini l'enfant-roi, la mère poule et le père démissionnaire ! » « Pour éviter que ne pèse sur deux personnes – et souvent sur une seule – la charge de maintenir en vie, soigner, éduquer, divertir un enfant ou deux ou trois », l'autrice marocaine conseille de partager les tâches au sens large et de mettre en commun « meubles et mètres carrés, jouets et vêtements » pour que les marmots puissent « courir, cuisiner, jardiner, apprendre une langue ou à coder », entourés d'autres adultes qui leur fourniront « d'autres modèles et une diversité de points de vue ». Conclusion savoureuse : « Pendant ce temps-là, les parents se réfugieront dans des boudoirs pour vaquer à des occupations plus personnelles. »Réalisation : Mathieu Boudon.Pour voir Rim Battal lire un extrait de L'eau du bain, c'est là : https://vimeo.com/388248675Image : Le grand appartement, de Pascal Thomas (2006). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Camille Brunel : « Demain, l'euthanasie sera la seule façon de mourir heureux »

    Play Episode Listen Later Apr 15, 2021 5:16


    Lauréat 2020 du Prix de la Page 111, cet écrivain de Châlons-en-Champagne décuple notre espérance de vie, le temps d'une utopie où l'on pourra « guérir de tout » en choisissant le jour de son décès après cent, cinq cents ou mille ans d'existence.« "Tobias est mort hier." Augustine et Margot ne réagirent pas. Elles n'avaient jamais été proches de leur arrière-grand-père, dont le grand âge les avait toujours intimidées, aussi gentil fût-il envers elles. Isis, leur marraine, se sentit terriblement vieille, moribonde et seule (…) "Qu'est-ce qu'il est devenu ?", demanda Isis, écrasée de lassitude. "Rien", répondit Timothée. "Il est resté humain, il est juste mort" (…) Timothée avait fini rongé par ses mauvaises décisions, toujours prises malgré lui. La dernière en date concernait la dépouille de son père, qu'il avait donnée aux vautours, comme cela se faisait encore dans certains coins du Tibet. »Paru en septembre aux éditions Alma, récompensé sur Nova du très convoité Prix de la Page 111, Les Métamorphoses, le second roman de Camille Brunel, se déroule dans un avenir assez proche où une « pandémie de métamorphoses » transforme soudain les humains en bestioles, au hasard. En hyène, en écrevisse, en brebis, en taon. La société toute entière s'en trouve assez naturellement bouleversée.Mais si les copains et les copines devenaient de glorieux éléphants, hériteraient-ils de leur longévité ? Prendraient-ils le chemin de leur légendaire cimetière pour s'y laisser mourir, comme ces élégants pachydermes ? Pour sa cinquième hypothèse futuriste, cet écrivain de Châlons-en-Champagne, honorant avec panache sa carte blanche d'une durée de 11 mois et 1 semaine sur notre antenne, dit merde à la mort. Admirateur de Lautréamont, auteur d'un Eloge de la baleine à paraître aux éditions Rivages, Camille Brunel, 35 ans, décuple notre espérance de vie le temps d'une utopie où l'on pourra « guérir de tout », en choisissant le jour de sa mort après cent, cinq cents ou mille ans d'existence. « L'euthanasie sera la seule façon de mourir heureux. Les suicides seront extrêmement marginaux – qui préfèrerait s'ouvrir les veines ou se jeter sous un train plutôt que de contacter l'hôpital pour en finir en douceur ? Mais si un gosse ou une ado contacte l'hosto pour en finir, on ne lui refilera pas sa dose de curare comme ça ; on en parlera d'abord, longtemps, beaucoup et bien. Est-ce que tu es sûr de ne pas vouloir rester en vie ? Regarde, tu n'es pas obligé de faire cinq siècles comme tes parents. Essaie au moins d'en faire un seul comme tu le veux toi. »Réalisation : Mathieu Boudon.Pour écouter la précédente utopie de Camille Brunel, c'est là : https://www.nova.fr/news/camille-brunel-demain-on-aura-mange-toute-la-viande-133330-16-03-2021/Image : Cocoon, de Ron Howard (1985). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Iris Kooyman : « Demain, péter les plombs au guichet permettra de chauffer tout un quartier »

    Play Episode Listen Later Apr 14, 2021 7:50


    Et si l'administration publique était équipée de « pompes » réglées sur l'énervement de ses usagers ? C'est l'invention brillante de cette étudiante du master de création littéraire du Havre, qui entend « recycler » nos colères face aux délais d'attente délicieusement longs.Elle déclare, non sans panache, aimer « les bus de banlieue et les opossums ». Elle aurait dédié ses trois dernières années à enseigner le français dans une classe d'accueil pour adolescents non-francophones de La Courneuve (Seine-Saint-Denis). Étudiante du master de création littéraire du Havre, elle écrit désormais un roman dont l'un des personnages est « une assistante sociale au bord du burn-out ». Voici l'essentiel, à ce jour, des pièces que nous pouvons verser au dossier concernant notre invitée du soir répondant au nom d'Iris Kooyman. Dernier élément, peut-être décisif : l'intéressée aurait visionné dans son enfance, à de très nombreuses reprises, Les douze travaux d'Astérix. Rappelons que ce long-métrage d'animation des années 70, qui catapulte nos Gaulois dans un pastiche sous LSD de la mythologie grecque, possède l'une des plus jouissives allégories des tortures labyrinthiques de l'administration que la culture francophone, sous toutes ses coutures, ait pu engendrer à ce jour ; nous pensons bien entendu à la huitième épreuve, celle de « la maison des fous », à la recherche du fameux laisser-passer A-38.Est-ce en souvenir des sévères pétages de plomb d'Astérix et Obélix aux différents guichets de cet établissement romain qu'Iris Kooyman a eu l'idée révolutionnaire qui fera chauffer, à plus d'un titre, les neurones du futur ? Ou cela provient-il, comme le veut la rumeur, d'une fréquentation excessive de la préfecture de Bobigny (Seine-Saint-Denis) ? Difficile de statuer. Toujours est-il qu'on lui doit la création d'une start-up en énergies renouvelables, « Tech-Heat », délivrant un système breveté de pompes « réglées sur l'énervement » généré par des délais d'attente délicieusement longs, des agents du service public remarquablement inattentifs ou des pièces à fournir savoureusement indisponibles. Pompes qui permettent « de chauffer les bâtiments d'un quartier grâce aux particules dégagées par la colère ». Le succès semble inévitable.Notons qu'Iris Kooyman est aussi à l'origine, au cours de cet épisode, de plusieurs autres inventions brillantes : « le méthaniseur à crises conjugales, qui absorbe toutes les rancœurs, les non-dits et les exaspérations du quotidien afin de produire du gaz naturel », « la turbine managériale, afin de subir injonctions contradictoires de votre n+1, mais pour la bonne cause », ou encore « l'embrouillegorithme, qui enferme des personnes choisies au hasard dans une pièce, où une intelligence artificielle leur fournit des sujets de disputes – le végétarisme, l'avortement, "pas tous les hommes", les vaccins ou le travail du sexe –, au cas où la production énergétique s'effondrerait ». Le prochain concours Lépine promet d'être chaud-chaud.Réalisation : Mathieu Boudon.Pour réécouter les travaux de la Professeure Postérieur évoqués dans cet épisode, c'est ici : https://www.nova.fr/news/professeure-posterieur-demain-la-danse-fera-tourner-le-monde-41032-30-09-2020/Image : Les douze travaux d'Astérix, de René Goscinny & Albert Uderzo (1976). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Louise Browaeys : « Demain, on saura mieux dire non, je t'aime, je me suis trompée, je perds ma culture »

    Play Episode Listen Later Apr 13, 2021 4:34


    Cette écrivaine, agronome et permacultrice parisienne sème des graines comportementales (et de la roquette) pour un avenir où notre empreinte carbone sera « divisée par quatre », et où « l'oppression des femmes et l'oppression des sols auront concomitamment cessé ».Au tout début de son premier roman, La Dislocation, paru en septembre dernier aux éditions Harper Collins, Louise Browaeys cite douze types de dislocation, parmi lesquelles : celle de la banquise, celle des amitiés adolescentes ou celle de l'adversaire militaire, avant de s'arrêter sur la dislocation psychique, qui peut provoquer « des hallucinations, un langage délirant, hermétique ou chaotique », une pensée désorganisée, des affects perturbés. Son héroïne se réveille après trois mois – ou trois ans ? – de traitements par électrochocs à l'hôpital, la mémoire en gruyère, épuisée par un « vide » qui demeure à l'intérieur d'elle. Reste un mois au lit, sans ouvrir la bouche. Retrouve peu à peu l'usage de la parole, soulage son « cœur oppressé » en fréquentant des libertins, en vivant une agréable bisexualité, jusqu'à ce que les souvenirs lui reviennent. Il sera question – SPOILERS, NE LISEZ PLUS, DANGER DE MORT – d'une « pyramide » antiatomique de verre et de métal, « imperméable à toutes les pollutions », bâtie dans la jungle guyanaise, propriété autosuffisante d'une secte écoféministe new age des années 80 « confinée » à perpétuité, abritant pléthore d'écosystèmes à protéger et baptisée… « L'Arche II » ; la première étant celle de Noé, et non celle de Nova.(VOUS POUVEZ REPRENDRE LA LECTURE DE CET ARTICLE. TOUT RISQUE DE RUPTURE DU PACTE NARRATIF EST DÉSORMAIS ÉCARTÉ.) Née à Nantes, fille de pépiniériste devenue ingénieure agronome et permacultrice, la Parisienne Louise Browaeys, 35 ans, est l'autrice d'essais sur l'agriculture et de nombreux livres de cuisine écolo. À bord de notre navire utopique, elle sème des graines comportementales (et de la roquette) pour un avenir qui sera « aussi merveilleux, aussi irrespirable, aussi tragique qu'aujourd'hui ». Mais où notre empreinte carbone sera quand même « divisée par quatre ». Où « l'oppression des femmes et l'oppression des sols auront concomitamment cessé ». Où nous écrirons de nouveau des lettres, tout en pratiquant la broderie. Après la dislocation, le temps du tissage.Réalisation : Mathieu Boudon.Image : La Belle Verte, de Coline Serreau (1996). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Benjamin Fogel : « Demain, nous attendrons une heure pour faire le moindre commentaire sur Internet »

    Play Episode Listen Later Apr 12, 2021 6:25


    Auteur d'un roman sur le cyberharcèlement et la misogynie « incel », cet écrivain et éditeur parisien rêve de remodeler les réseaux via une éthique de patience et de transparence, pour mieux libérer les paroles et faire circuler les savoirs.« Mei avait imaginé qu'Internet deviendrait la plus grande place de discussion jamais créée, une université gigantesque où circulerait librement l'information et où se régleraient les problèmes du monde. Adolescente, elle avait pour héros les hackers des années 2000, Aaron Swartz et Edward Snowden en tête. Aujourd'hui, la cacophonie, les sophismes et les guerres de chapelle qui règnent sur Internet la répugnent. Même l'anonymat lui apparaît comme un agent phare de la confusion générale. »Dans Le silence selon Manon, son second roman publié début avril aux éditions Rivages, Benjamin Fogel décrit, dans un futur très proche, une vague d'attentats misogynes perpétrés par des « raclures » du mouvement incel – contraction de cette expression anglo-saxonne qui désigne les « célibataires involontaires », soit des « personnes incapables de trouver des partenaires amoureux, malgré leur désir de vivre en couple », « persuadés que la libération de la femme est à l'origine de leur célibat forcé », en « haïssant les personnes sentimentalement et sexuellement épanouies ». Fogel aborde la question du cyberharcèlement pratiqué en masse par cette meute de dangereux frustrés, poussant souvent leurs victimes à la dépression et au suicide, en imaginant qu'« à partir de 2022, les attentats misogynes se sont généralisés aux Etats-Unis et au Canada ».La Manon qui donne son titre au roman est une militante féministe, sourde, fondatrice d'une association d'« Insurgés de l'Espace Sonore », qui constate que « les réseaux sociaux ont ouvert un nouveau monde aux sourds, les mettant sur un pied d'égalité avec les entendants », et songeant parfois à ne vivre « que dans le monde virtuel, cachée derrière son ordinateur ». Lors d'un apéro dans un bar, où son interlocuteur communique avec elle par des messages écrits dans un carnet, ce dernier s'étonne que l'anonymat soit toléré sur Internet « comme s'il s'agissait d'un monde parallèle », en considérant qu'y apparaître sous son propre nom, si cela devenait la norme, « n'empêchera pas de mal se comporter, mais au moins on saura tracer les connards ».Grimpant à bord de L'Arche de Nova, Benjamin Fogel prolonge ici sa réflexion en rêvant de remodeler les réseaux via une éthique de patience et de transparence, pour mieux libérer les paroles et faire circuler les savoirs. Cofondateur et directeur des éditions Playlist Society (qui publient des essais réjouissants sur Kanye West, les sœurs Wachowski, le studio Ghibli ou Terrence Malick), ce Parisien studieux s'inspire ici du regretté Aaron Swartz (1986-2013), génie de l'informatique et hacktiviste new-yorkais, en lui donnant le nom d'un réseau idéal, le réseau Aaron.« Pour faire renaître les ambitions originelles d'Internet, il faut ajouter du contrôle : de la modération, des contraintes d'identifications, telles que l'interdiction de posséder plusieurs profils, la nécessité de recourir à des comptes préalablement vérifiés, voire à sa véritable identité, le tout avec toutes les précautions à apporter sur le droit à l'oubli, en pouvant notamment déterminer quand chacune des traces que nous laissons disparaîtra automatiquement. Il faut savoir qui parle et depuis quel bord politique. » Autre piste esquissée par Benjamin Fogel : « Il faut ralentir le flux. Diminuer le bruit. Interdire les réponses spontanées. Faire de l'expression tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler une obligation : si les internautes sont obligés d'attendre une heure pour répondre, cela les poussera à digérer les échanges, à laisser la tension retomber, à travailler leurs réponses, à ne conserver que... See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Chris Vuklisevic : « Demain, septembre sera pour tous un mois de solitude »

    Play Episode Listen Later Apr 8, 2021 5:49


    Autrice d'un stimulant premier roman d'heroic fantasy, cette écrivaine parisienne supprime pour toujours la rentrée au profit de quatre semaines d'ermitage individuel obligatoire à dimension « salvatrice », pour apprendre à « voir en nous-mêmes la réalité crue ».« En plein jour, les ténèbres emplirent la terre. Les vagues de l'océan engloutirent les oiseaux du ciel. Il n'y eut plus de voix humaine pendant douze jours et douze nuits. Le tonnerre couvrait les cris de terreur. Au matin du treizième jour, la lumière vint éclairer à nouveau la mer. » Dans son premier roman, Derniers jours d'un monde oublié, qui vient de paraître aux éditions Gallimard à l'occasion d'un concours lancé pour les vingt ans de la collection Folio SF, la lauréate Chris Vuklisevic imagine qu'une île, comme une poignée de chanceux, a miraculeusement survécu à ce déluge mondial. Mais « des étrangers » surgissent à l'horizon. À bord du navire, deux femmes tout à fait primordiales : une capitaine pirate, Judith Kreed, « recherchée par les autorités de trois continents pour traitrise, pillages, torture, esclavage, meurtre et cannibalisme », et sa fille Erika, née sur le bateau, qui égorgea son premier homme, euh, à 8 ans.Dans ce chouette roman d'heroic fantasy placé sous l'influence naturelle de George R. R. Martin (le récit peut éventuellement se lire, en délirant un brin, comme celui des origines des îles de Fer de Westeros, dans Game of Thrones), chaque chapitre est précédé d'un document qui nous renseigne sur les mœurs insulaires : coupures de journaux, comptine enfantine, fable animalière, communiqués associatifs. Y figure une déclaration des droits et des devoirs des habitants, qui nous révèle l'existence d'un « juge des talents » chargé d'évaluer les capacités de chaque citoyen. « Sont sujettes à examen les facultés suivantes : perception des pensées, changement d'apparence, invisibilité, dédoublement. » Ou encore… « vision du passé ou du futur ».Née en 1992 sur la Côte d'Azur, Chris Vuklisevic a grandi à Antibes, « près des montagnes rouges de l'Estérel ». Depuis 2011, elle vit à Paris où elle a mené des études en sciences du langage et en édition à la Sorbonne. Chroniqueuse littéraire pour Radio Campus, elle est aussi la cofondatrice de l'association Heptalone, qui offre aux écrivains des retours gratuits sur leur manuscrit. Grimpant à la corsaire sur le pont de L'Arche de Nova, cette écrivaine joue à son tour de son talent à lire l'avenir. En… supprimant pour toujours la rentrée de septembre au profit de quatre semaines d'ermitage individuel à dimension « salvatrice », imposé par décret par la présidente de la République. Toutes les dépenses seront couvertes par l'Etat, qui entendra nous apprendre les vertus du silence ainsi qu'à nous ennuyer, à dire non aux repas de famille, à « vivre dans la pénombre » ou à « voir en nous-mêmes la réalité crue ». Le tout, après ce stage annuel « mi-ours mi-belle au bois dormant », pour « retrouver le sens de l'utile et de l'inutile ». Réalisation : Mathieu Boudon.Image : Palais du Tout-Puissant et, au loin, salle de l'Esprit et du Temps dans Dragon Ball Z d'Akira Toriyama (1989-1996). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Sandrine Goma Naouri : « Demain, nous pourrons revivre nos joies passées »

    Play Episode Listen Later Apr 7, 2021 4:49


    Cette étudiante du master de création littéraire du Havre imagine une grande distribution municipale de « kits de souvenirs heureux », qui dégénère hélas en « épidémie » de « soirées clandestines » entre « ahuris ».« La remémoration authentique des grands événements de la vie démontre qu'une foule de détails s'évanouit très rapidement. Et définitivement. Dans le contrat global que nous offrons, les souvenirs sont si profondément implantés que rien n'est oublié. » Peut-être vous souvenez-vous de Total Recall, ce classique S.-F. adapté de la nouvelle Souvenirs à vendre de Philip K. Dick (1966), adaptée au cinéma par Paul Verhoeven (1990) ; le chêne autrichien Arnold Schwarzenegger y jouait Douglas, un homme ordinaire qui rêve très souvent qu'il se rend sur Mars, au point d'acheter à une société la mémoire d'un séjour fictif de deux semaines sur la planète rouge (où il est déjà allé, mais j'ai oublié pourquoi).Peut-être vous souvenez-nous aussi de Strange Days (1995), ce thriller cyberpunk mis en scène par Kathryn Bigelow sur un scénario de James Cameron, dans lequel Ralph Fiennes incarne, deux jours avant l'an 2000, un ex-flic devenu « dealer de souvenirs », qui trafique moments heureux ou malheureux mais toujours vrais, numérisés sur minidisc, que l'on s'injecte par le biais d'un casque poulpesque baptisé « squid » ; pas très en forme, son personnage passe ses soirées seul à revoir encore et encore des images de son ex, interprétée par Juliette Lewis, qui manifestait là une flagrante maîtrise du patin à roulettes.Si votre mémoire de spectateur/spectatrice a enregistré ces données, il est plus que probable, en revanche, que vous ne vous rappelez pas de la dystopie technologique conçue et brevetée par Sandrine Goma Nouari, 27 ans, étudiante du master de création littéraire du Havre. En pleine écriture d'un récit d'autofiction dont l'héroïne est « hantée par son passé », elle imagine pour L'Arche de Nova des distributions municipales de « kits de souvenirs heureux », qui dégénèrent en « épidémie » de « soirées clandestines » entre « ahuris » accrocs à la nostalgie. Mais que fait le gouvernement ? Y aura-t-il des ministres présents lors de ces futures réunions allongées ? Une enquête est (déjà) en cours.Réalisation : Mathieu Boudon.Image : Total Recall, de Paul Verhoeven (1990). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Lodewijk Allaert : « Demain, le haut-débit serait celui des torrents, la fibre celle des roseaux »

    Play Episode Listen Later Apr 6, 2021 4:26


    Alerte ! Perché dans les Landes, cet écrivain-voyageur, qui traversa l'Europe de l'Est à pied ou en kayak, règle nos antennes sur un avenir beaucoup plus connecté à la nature, où les amendes seraient payées « avec des cacahuètes ».« Je crois en l'esprit de la montagne. Je ne parle pas d'un fantôme muni d'un piolet ou d'un génie qui apparaîtrait en frottant sur un caillou. J'imagine plutôt un champ de force, d'émotions, généré par les grains de conscience que nous projetons à la surface du monde ; sorte de nappe pensante semblable à ce que [le prêtre, philosophe et paléontologue français] Teilhard de Chardin appelait la Noosphère. Ça peut paraître étrange, mais je crois que ce qui émerge en nous ne meurt jamais vraiment. Des traces invisibles de ce que nous avons partagé existent quelque part lorsque nous n'existons plus. Nos pensées nous transcendent, s'accumulent au-dessus des villes, des forêts, des océans, des montagnes, propageant au-delà des interprétations ce supplément insaisissable qui nous parvient lorsque nous évoquons l'atmosphère d'un lieu. »En 2013, pendant quatre mois, Lodewijk Allaert et sa compagne Kristel ont parcouru à pattes l'arc des Carpates : deux mille kilomètres de montagnes, de la Slovaquie à la Roumanie. C'est l'épique itinéraire d'un sympathique ouvrage, Carpates, la traversée de l'Europe sauvage, paru aux éditions Transboréal en 2019, qui vient de recevoir le grand prix du festival des « Rendez-vous de l'aventure » de Lons-le-Saunier (Jura). Dédié « aux montagnards minuscules, sans élan de conquête, humbles et émerveillés », le récit de sa balade à l'Est collectionne les sensations : d'abord, son périple s'effectue souvent sous une pluie battante, mais peut aussi, comme en Pologne, lui offrir le vertige de la déshydratation. Il s'y sent également « insignifiant » sous « d'immenses auges glaciaires », plus tard « hypnotisé » par un moissonneur ukrainien aux yeux d'acier ou terrorisé par des molosses roumains (« La confrontation avec les chiens devient une hantise, au point que même les moutons commencent à me faire peur. »)Heureusement, le sombre seigneur sanguinaire des Carpates, Dracula, ne s'en mêla pas ; passant en coup de vent au village de Bran pour visiter la forteresse de Vlad l'empaleur, qui inspira son vampire à Bram Stoker, Lodewijk Allaert en décrit l'intérieur comme un « manoir mignonnet » rempli d'instruments de torture ajoutés « pour l'occasion », dans cette demeure où le prince sulfureux et « pas si cruel » du XVe siècle roumain n'a, en fait, « jamais séjourné ».Né en 1980 à Dunkerque, cet écrivain-voyageur avait, toujours avec sa compagne, déjà rallié Budapest à Istanbul en kayak, en 110 jours (une histoire coule contée dans Rivages de l'Est, 2012), avant d'aller surfer au Mexique (L'instinct de la glisse, 2011), parmi d'autres tribulations internationales.Nous appelant ce printemps depuis le village de Linxe (dans les Landes, où paraît-il chacun des 1490 habitants possède une excellente vue), Lodewijk Allaert règle nos antennes sur un avenir beaucoup plus connecté à la nature. Pour L'Arche de Nova, celui qui dans Carpates confie qu'il lui arrive de « partager des utopies bruyantes dans des volutes de fumée épicée » rêve de payer ses amendes avec « des cacahuètes », de battles de (vrais) noms d'oiseaux ou de courses de lenteur récompensée « en escargots ».Réalisation : Mathieu Boudon.Image : Et au milieu coule une rivière, de Robert Redford (1992). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    David Meulemans : « Demain, nous écrirons tout le temps et de mieux en mieux »

    Play Episode Listen Later Mar 25, 2021 4:01


    Fidèle aux conseils de la romancière américaine Ursula K. Le Guin, cet éditeur parisien nous encourage à rédiger chaque mail, chaque texto, jusqu'au moindre petit mot placardé dans l'ascenseur, avec « art, justesse et élégance ».« Écrire un roman ressemble à conduire une voiture la nuit. Vous n'y voyez pas grand-chose mais vous pouvez faire toute la route ainsi. » La phrase est de l'écrivain new-yorkais E. L. Doctorow et on la retrouve depuis cet hiver dans un manuel qui entend, à sa manière, éclairer la nuit. Dans Écrire son premier roman en dix minutes par jour, David Meulemans, rigoureux patron des éditions Aux Forges de Vulcain (qui abritent et couvent les œuvres de Luke Rhinekart, Charles Yu, Rivers Solomon ou Gilles Marchand), nous rappelle qu'écrire, « c'est aussi rêver, construire, explorer, essayer, couper, décider » et qu'il convient d'abord d'organiser le temps de l'écriture, avant de laisser libre cours à une forme « d'improvisation » – qui n'est cependant que le début du boulot. L'auteur rappelle ainsi que le premier jet de Sur la route de Kerouac fut écrit en trois semaines, puis retravaillé pendant six ans. Il conseille encore de « partir de sa propre singularité », d'un matériau qui n'appartient qu'à soi, pour ensuite tirer vers l'universel. D'apprendre à « creuser les écarts » entre ce que les personnages disent et ce que les personnages font, entre leur nature profonde et leur attitude quotidienne. De distinguer archétype et stéréotype. De nous interroger, aussi, sur notre rapport au genre : par exemple, suis-je « fidèle, ironique, critique ou comique » avec les codes du roman policier, dans celui que je suis en train de bâtir ?David Meulemans sait de quoi il parle : non content de recevoir des dizaines et des dizaines de manuscrits chaque mois, cet animateur d'ateliers d'écriture depuis déjà deux décennies, auteur d'une thèse de philosophie sur la créativité artistique, a dû, pour ce livre, traverser lui-même « un long tunnel de procrastination », doutant de sa propre légitimité à mener à bien cet exercice. Grimpant à bord de L'Arche de Nova, il nous offre un tuyau d'écriture supplémentaire, très utile pour muscler sa prose. En suivant les conseils de la romancière américaine Ursula K. Le Guin (1929-2018), l'éditeur nous encourage – depuis Boissy, en Seine-et-Marne – à rédiger chaque mail, chaque texto, jusqu'au moindre petit mot placardé dans l'ascenseur, avec « art, justesse et élégance ». À trouver les paroles qui conviennent en toutes circonstances, à chérir et à soigner notre rapport à l'autre dans n'importe quelle situation textuelle, par le recours à « la beauté », en s'efforçant d'inventer des calligrammes à destination de nos voisins ou des rimes embrassées pour notre banquier. Cap' ou pas cap' ?Réalisation : Mathieu Boudon.Image : Barton Fink, de Joel & Ethan Coen (1991). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Tiffany Le Dévoré : « Demain, nous allons militer en dormant »

    Play Episode Listen Later Mar 24, 2021 6:31


    Contre les cadences infernales, cette étudiante du master de création littéraire du Havre rêve d'un groupuscule international de « narcolepsie politique » qui manifeste en roupillant, en public ou sans bouger du lit.Bizarre. Télétravailleurs, télétravailleuses, ne vous sentez-vous pas dominé.e.s par cette impression curieuse, celle de n'avoir jamais autant tafé, bossé, turbiné qu'en 2020, alors qu'une partie du pays, pendant quelques mois au moins, était à l'arrêt ? Accomplissons-nous sans le savoir le fantasme définitif du libéralisme : des milliers d'employé.e.s sans horaires fixes, corvéables à merci, prêt.e.s à recevoir des mails et des ordres de missions à toute heure du jour et de la nuit ? Plus productifs que jamais ? Ne « perdant » désormais plus de « temps » dans les transports, dans les couloirs, à la cantine ? Jusqu'où cela peut-il nous mener ?Heureusement, pour protester, quelqu'un a décidé de se lever ; ou plutôt, non, de rester couchée. Diplômée des Beaux-Arts d'Angers, étudiante du master de création littéraire du Havre, Tiffany Le Dévoré rêve d'un groupuscule international de « narcolepsie politique » qui manifeste en roupillant, en public ou sans bouger du lit. Comme l'a écrit Georges Perec en 1967, dans son roman Un homme qui dort : « Tu n'as guère vécu, et pourtant, tout est déjà dit, déjà fini. Tu n'as que vingt-cinq ans, mais ta route est toute tracée. Les rôles sont prêts, les étiquettes : du pot de ta première enfance au fauteuil roulant de tes vieux jours, tous les sièges sont là et attendent leur tour. Tes aventures sont si bien décrites que la révolte la plus violente ne ferait sourciller personne. Tu auras beau descendre dans la rue et envoyer dinguer les chapeaux des gens, couvrir ta tête d'immondices, aller nu-pieds, publier des manifestes, tirer des coups de revolver au passage d'un quelconque usurpateur, rien n'y fera : ton lit est déjà fait dans le dortoir de l'asile, ton couvert est mis à la table des poètes maudits. »Alors à quoi bon ? Mieux vaut apprendre à… « ne plus rien vouloir. Attendre, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à attendre. Traîner, dormir. Sortir de tout projet, de toute impatience. » Et si c'était ça, la grande révolte ? Au dodo, citoyens.Réalisation : Mathieu Boudon.Image : Railway Sleepers, de Sompot Chidgasornpongse (2017). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Odette Picaud & Chapi Chapo : « Demain, les tempêtes auront des noms de chanteurs de reggae »

    Play Episode Listen Later Mar 23, 2021 4:13


    Dans le Finistère, cette plasticienne réparatrice de poupées abandonnées et ce collectionneur de jouets musicaux nous tricotent un patchwork de désirs pataphysiques « pour un monde meilleur ». Faya !Dans son studio, il y a de petits mégaphones, un « tableau d'éveil » Fisher-Price, une « dictée magique », des xylophones de toutes les couleurs, une double mini-guitare rayée comme un tigre. Mais le défi est de composer « de la musique sérieuse ». Depuis près de vingt ans, le Breton Patrice Elégoët collectionne les jouets musicaux : il en possède plus de six cents, en bois, en tôle, flûtes, appeaux, mélodicas, ainsi que des dizaines de synthétiseurs qui lui ont permis de composer Collector, quatrième album de son projet de toy music Chapi Chapo, publié en novembre dernier sur le label Music From The Masses.On y découvre alors, un peu éberlués, cette réalité alternative : s'ils ou elles avaient voulu s'en donner la peine dès leur plus jeune âge, les enfants des années 80 auraient pu fabriquer, à partir des claviers innocents reçus pour leur anniversaire, de longues plages électroniques, de la synth-pop, ou encore une house primitive qui n'est pas sans rappeler les épopées vidéo-ludiques sur consoles 8 bits. Art brut que Pat' Chapi tire de son chapeau, en ouvrant sa salle de jeux à quelques invités, comme Laëtitia Shériff, Tiny Feet ou Troy Von Balthazar (Chokebore), présents sur le disque.Embarquant tout son matériel à bord de L'Arche de Nova, Chapi Chapo n'est pas venu seul : depuis leur grand hangar de la campagne des Monts d'Arrée (Finistère), le musicien s'adjoint pour l'occasion la voix et les espoirs de sa compagne Fanny Crenn. Une plasticienne qui, un jour, « dans une décharge », est tombée « sur une boîte à chaussures éventrée qui appartenait à une dénommée Odette Picaud, boîte autour de laquelle gisaient de vieilles photos, du courrier, des gants ». Depuis, Fanny-Odette « accumule des poupées en tous genres et de toutes les époques, qui sont délaissées, jetées », qu'elle « démonte, découpe, coud, panse, noue, recouvre d'étoffes et de dentelles » avant de les « parer d'objets amoureusement glanés ». « Par un long travail de couture à la main, ces poupées abandonnées renaissent en fétiches chargés de bonnes intentions, en personnages hybrides et étranges. »Inspiré, le tandem nous tricote ici un patchwork de désirs pataphysiques « pour un monde meilleur ». Au programme : un duo entre Greta Thunberg et Rebeka Warrior « qui enverra du pâté », « la tour Eiffel qui arrêtera de clignoter bêtement », Michel Drucker qui sera mystérieusement toujours aux commandes de Vivement dimanche, sans oublier cette invasion de hérissons, qui nécessitera le port « de tongs spéciales ».Musique : Chapi Chapo.Réalisation : Mathieu Boudon.Pour écouter l'album Collector de Chapi Chapo, c'est là : https://musicfromthemasses.bandcamp.com/album/collectorPour voir les poupées d'Odette Picaud, c'est ici : http://www.odettepicaud.com/lespoupees.htmCollage : Mathilde de Capèle. See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Alice Zeniter : « Demain, on fera le tri de toutes nos peurs »

    Play Episode Listen Later Mar 22, 2021 5:15


    Dans les Côtes d'Armor, l'autrice de « L'Art de perdre » nous incite à mettre au compost nos trouilles et nos angoisses en remontant jusqu'aux plus « sédimentées », pour pouvoir se poser la seule question qui tienne : « Qu'est-ce qu'on veut, c'est quoi qui nous brûle ? »Quelles sont les peurs d'Alice Zeniter ? À la lecture de son bref essai féministe de « narratologie » intitulé Je suis une fille sans histoire publié en mars aux éditions de L'Arche (oui), on peut en citer au moins une. Celle de ne pas être sûre « de savoir quoi raconter » après avoir constaté, dans le sillon tracé par la géante écrivaine américaine de science-fiction Ursula K. Le Guin (1929-2018), qu'on n'en peut plus, non, stop, alerte générale, des « récits de chasseurs, des récits d'hommes remarquables qui font des trucs, des récits répétés en boucle des dominants, des récits qui invisibilisent… »« … Mais je ne sais pas bien ce qui reste à écrire », s'inquiète soudain l'autrice de L'Art de perdre (Goncourt des lycéens, 2017), roman pour lequel elle sut précisément conter une histoire mal connue, vraie, partiellement inspirée de celle de sa famille, en sortant du silence les harkis de la guerre d'Algérie. Faut-il alors, pour tordre le cou à l'omniprésence de l'homme et de la violence dans nos imaginaires, se mettre à imaginer des histoires de « cohabitation diplomatique » avec les animaux, tel que le préconise le philosophe Baptiste Morizot ? « Raconter la vie d'une meute de loups » avec les outils de Shakespeare quand il déployait celle de Richard I, II, III ? Peut-être. « Plus j'y pense et moins les récits me viennent. Tout ce qui arrive, c'est un sentiment d'angoisse qui menace de dégénérer en panique. » Puis l'écrivaine, traductrice et metteure en scène, qui adapta elle-même ces saines réflexions sur la scène de la Comédie de Valence, commence à se rassurer, en actionnant les rouages de « l'autre Histoire », inspirée par les travaux de Maya Angelou, Monique Wittig, Sarah Kane ou Chimamanda Ngozie Adichie.Depuis son village des côtes d'Armor, pour fêter le premier anniversaire de L'Arche de Nova, Alice Zeniter nous incite à faire « le tri de nos peurs, en ne gardant que celles qui nous permettent de survivre ». Les autres seront mises au compost ou « crachées dans un hoquet », en remontant jusqu'aux plus « sédimentées », pour pouvoir se poser la seule question qui tienne, et qui anime aussi ce podcast depuis sa création : « Qu'est-ce qu'on veut, c'est quoi qui nous brûle ? »Pour voir la bande-annonce du spectacle Je suis une fille sans histoire, c'est là : https://www.theatre-contemporain.net/video/tmpurl_kbG854jPPour écouter Alice Zeniter évoquer sur Nova le spleen de ceux qui ont marché sur la lune, c'est ici : https://www.nova.fr/news/vous-ne-comprenez-rien-la-lune-par-alice-zeniter-32244-25-06-2019/Image : Portrait de la jeune fille en feu, de Céline Sciamma (2019). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Audrey Vernon : « Demain, faisons barrage en masse à ceux qui empoisonnent les sols »

    Play Episode Listen Later Mar 18, 2021 6:30


    Militante acharnée de la décroissance, cette actrice et autrice parisienne partage l'appel des « Soulèvements de la Terre », un mouvement écocitoyen national qui entend ce printemps « bloquer et démanteler les industries du béton, des pesticides et des engrais de synthèse ».« Avant, l'eau courante, c'était l'eau libre, celle qui coulait, qui circulait… On a bidouillé le mot : l'eau courante, c'est devenu l'eau du robinet, celle qu'on peut couper, mesurer, taxer. C'est devenu notre eau. Tu sais que l'Inde, l'Afrique, tous ces continents-là sont pas encore passés à une gestion privée de l'eau. Et qui est-ce qui a décroché le marché ? C'est bibi, c'est les Français. On a fait adopter à l'ONU les objectifs du développement durable : fini le droit de récolter l'eau de pluie, de boire l'eau des rivières. Il faut passer par nous. Tu vas pouvoir en acheter des p'tits bodys ma chérie, tu vas arrêter de culpabiliser. Ça va être une princesse ma fille – si c'est une fille. D'ailleurs, si c'est une fille, on peut l'appeler TINA, c'est joli, Tina. There Is No Alternative. »C'était l'un des shows les plus prometteurs de 2020, présenté juste avant le coma prolongé du spectacle vivant : Billion Dollar Baby, écrit et interprété par Audrey Vernon, vu à la Nouvelle Seine (Paris), dans lequel l'autrice anticapitaliste de Comment épouser un milliardaire adresse une lettre à son enfant à naître, dans l'espoir de lui expliquer, en une heure, notre Histoire par le prisme des ravages de la civilisation industrielle, « les inégalités, l'argent, l'État, la guerre, les voitures, les avions, l'énergie, les déchets… ».Ce texte réjouissant est depuis devenu un livre, publié aux éditions Libre. Et tandis que les occupations de théâtre se multiplient partout dans l'Hexagone, Audrey Vernon a décidé d'entamer une « tournée des ZAD », qui démarre le 27 mars aux Vaîtes, trente-quatre hectares de jardins populaires et de terres maraîchères, un écosystème autogéré, menacé depuis 2005 par un projet porté par la ville de Besançon. Ce sera aussi et surtout la première date des « Soulèvements de la Terre », un mouvement écocitoyen national né de l'union de centaines de collectifs, associations et personnalités à partir de ce constat malheureusement lucide : l'État et la politique ne nous sauveront pas du désastre écologique et humain en cours. Il s'agit donc pour elles et pour eux de « faire barrage en masse à l'artificialisation des terres et de s'opposer aux institutions et industries qui perpétuent l'empoisonnement des sols ».Grimpant à bord de notre Arche, Audrey Vernon a choisi de partager plusieurs passages du manifeste des « Soulèvements de la Terre », qui entendent « bloquer et démanteler les industries du béton, des pesticides et des engrais de synthèse ». Avec cet autre rappel : « Dans les dix ans à venir, la moitié des exploitant·es agricoles de France va partir à la retraite. Concrètement, près d'un tiers de la surface du territoire national va changer de main. C'est le moment ou jamais de se battre pour un accès populaire à la terre, pour restaurer partout les usages et les égards à même d'en prendre soin. » En voici, donc, des alternatives, pour la petite Tina.Pour lire l'appel intégral des « Soulèvements de la Terre » et connaître le calendrier des actions prévues ce printemps dans plusieurs villes de France, c'est ici : https://lundi.am/Les-Soulevements-de-la-Terre-3871Pour voir un extrait énergétique de Billion Dollar Baby, c'est ici : https://www.youtube.com/watch?v=MdFQFiuAuhAPour écouter la précédente utopie d'Audrey Vernon pour L'Arche de Nova, c'est toujours là :... See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

    Carl Agité : « Demain, nous paierons tous un peu pour nourrir les misérables »

    Play Episode Listen Later Mar 17, 2021 5:35


    Retranché dans son chalet alpin situé « en 2081 », cet énigmatique ermite nous souffle l'hypothèse d'une taxe de solidarité de proximité, « le coup de pouce sur le pouce », également nommée « coup de Bernou ».L'enregistrement que vous allez entendre nous est parvenu par la grâce liquide d'une bouteille de génépi, déposée en évidence à l'entrée des studios, fin août 2020. L'étiquette indiquait : « Pour votre Arche. » À travers le verre, un petit coffre en plastique flottait dans l'alcool de plantes. Le soir même, il fallut trois heures à notre équipe pour boire avec bravoure la boutanche entière, qui tomba en même temps que l'un de nos animateurs, et se brisa. Le coffre roula, s'ouvrit, révélant une pochette étanche, abritant elle-même une clé USB, contenant enfin plusieurs messages audios d'un certain « Carl Agité ».Après débat au sein de la rédaction, il a été décidé de partager avec nos auditeurs ces « témoignages du futur », situés « en 2081 », cent ans exactement après la création de Radio Nova. L'auteur s'y présente sous les traits d'un ermite, « vieux sage et vieux singe », habitant un modeste chalet au pied du mont Blanc. Surprise, agréable : à « son » époque, le monde ne s'est pas encore écroulé.Dans ce nouveau message, notre mystérieux moine des montagnes nous souffle l'hypothèse d'une taxe de solidarité de proximité, « le coup de pouce sur le pouce », également nommée « coup de Bernou », susceptible d'endiguer la mendicité et surtout de calmer la fringale des plus démuni.e.s. Une initiative qui naîtra à Marseille, dans moins de six ans. Comme l'a écrit le Norvégien Knut Hamsun dans son célèbre et foudroyant roman La faim (1890) : « Pas de soleil aujourd'hui non plus, et je grelottais comme un chien. Mes jambes étaient mortes et mes yeux pleuraient comme s'ils ne pouvaient supporter la lumière. Il était trois heures. La faim commençait à devenir un peu terrible. J'étais exténué, et j'avais des nausées. Tout en marchant je vomissais de temps à autre à la dérobée. Je descendis au restaurant populaire, lus le menu et haussai ostensiblement les épaules, comme si le petit salé et le lard fumé n'étaient pas du manger pour moi (…) Ma poitrine surtout était en feu, j'y ressentais une cuisson tout particulièrement pénible. Mâcher des copeaux ne servirait plus à rien ; mes mâchoires étaient lasses de ce travail stérile. » Pitié, que cela cesse !Réalisation : Mathieu Boudon.Pour écouter la précédente utopie de Carl Agité, c'est là : https://www.nova.fr/news/carl-agite-demain-nous-suivrons-la-lettre-les-preceptes-de-marvin-gaye-40707-16-09-2020/Image : Sans toit ni loi, d'Agnès Varda (1985). See acast.com/privacy for privacy and opt-out information.

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