Nos correspondants et envoyés spéciaux sur le continent africain vous proposent chaque jour en deux minutes une photographie sonore d'un événement d'actualité ou de la vie de tous les jours. Ils vous emmènent dans les quartiers ou dans les campagnes pour vous faire découvrir l'Afrique au jour le jo…

La COP30 à Belém, au Brésil, entre dans sa deuxième semaine ce 17 novembre. Parmi les sujets abordés de ce grand sommet mondial sur le climat, il y a celui de la sécurité alimentaire. En Afrique, elle est menacée notamment par la croissance des villes. Selon Africapolis, le continent connaît un des taux d'urbanisation les plus rapides au monde. D'ici à 2050, les villes africaines accueilleront 950 millions d'habitants supplémentaires. Alors, comment nourrir ces populations urbaines ? À Nairobi, au Kenya, dans le bidonville de Kawangware, on fait le pari de l'agriculture urbaine. Reportage de notre correspondant au Kenya, Jane Changawa habite un petit immeuble délabré de Kawangware. C'est sur le toit qu'elle a lancé, il y a trois ans, ce qu'elle appelle « sa ferme » : 50m² de plantations. « Là, on a des haricots verts, des tomates, des patates douces. On a aussi des épinards et du chou kale. Ma ferme est 100% bio. J'ai mes petits tuyaux. Vous voyez, par exemple, les oignons nouveaux sont plantés au milieu du chou kale. Quand ils sentent les oignons, les insectes s'enfuient. L'urine de lapin est aussi très efficace contre les insectes. Et si je mélange une tasse d'urine et cinq d'eau, ça me fait aussi de l'engrais », raconte Jane Changawa. Jane et sa famille consomment la plupart de sa production. Le reste, elle le vend pour environ 6 000 shillings par mois, soit une quarantaine d'euros. C'est la moitié du salaire minimum légal au Kenya. Lilian Nyariki, elle, vend des légumes dans la rue. Et c'est chez Jane qu'elle s'approvisionne. « C'est beaucoup plus intéressant pour moi que d'aller au marché de gros » « Ici, j'achète en général du chou kale, des épinards et des oignons. C'est beaucoup plus intéressant pour moi que d'aller au marché de gros. Quand je vais au marché, je dois prendre un bus. C'est assez loin. Ça me coûte 200 shillings (environ 1,30 euro, NDLR). Alors qu'ici, je n'en ai pas besoin. Jane vend aussi moins cher. Sept choux kales me coûtent 20 shillings (0,13 euro, NDLR), contre 500 à 1 000 shillings (3,30 à 6,60 euros, NDLR) au marché de gros. Avec Jane, je fais de bons profits », explique Lilian Nyariki C'est l'Association kényane pour les femmes en agriculture (Awak) qui a formé Jane. Ce jour-là, dans une petite église de Kawangware, Julius Mundia, membre de l'organisation, enseigne à une quarantaine de femmes. L'idée du projet lui est venue pendant la pandémie de Covid-19, alors que le confinement a provoqué une grave pénurie de nourriture dans la capitale. « Il est tout à fait possible de produire de la nourriture à Nairobi, dans des endroits exigus. C'est comme ça qu'on a inventé les jardins verticaux. On utilise n'importe quel contenant disponible : des sacs, des vieux vêtements, n'importe quoi dans lequel on peut mettre du terreau. Après, on plante des graines. Un sac peut parfois contenir une centaine de graines. On peut utiliser les toits des immeubles. Avec un simple balcon, on peut faire quelques jardins. Et pour l'eau, on utilise les eaux usées de la cuisine », explique Julius Mundia. Awak a déjà formé plus de 15 000 femmes. À lire aussiComment promouvoir l'agriculture urbaine pour nourrir les villes africaines ?

À Nouadhibou, deuxième ville de Mauritanie, de nombreux Africains partent en pirogues vers les îles Canaries, en Espagne, au péril de leur vie. Dans cette ville portuaire devenue carrefour migratoire, de plus en plus de familles font le choix de rester sur place et tentent d'envoyer leurs enfants à l'école malgré la précarité. Une école, fondée par des migrants pour des migrants, leur ouvre aujourd'hui une chance d'avenir, dans un contexte où l'Europe renforce ses contrôles, et où la Mauritanie devient un partenaire clé de la gestion des flux migratoires. De notre correspondante en Mauritanie, À l'étage d'une petite maison de Nouadhibou, plusieurs pièces ont été transformées en salles de classe. Particularité : ces classes sont réservées aux enfants de migrants. Yama Fama Ndiaye, Sénégalaise de 12 ans, est à Nouadhibou depuis deux ans avec son père. Elle vient s'inscrire à l'école. « Mon papa travaille dans le poisson. Je veux apprendre le français et l'arabe », explique-t-elle. Les enfants viennent d'une dizaine de pays d'Afrique de l'Ouest et centrale. Les professeurs, eux, sont membres de l'Organisation de soutien aux migrants et aux réfugiés, qui a créé l'école en 2018. « Les enfants apprennent généralement le français. Ici, il y a plusieurs cultures : les Maliens, les Sénégalais... Ils apprennent les mathématiques arabes. Cela leur permet de s'intégrer dans le pays », précise Blanche, Camerounaise. Un enseignement adapté aux enfants en situation de migration Nouadhibou est un lieu de passage prisé des Africains qui cherchent à rejoindre l'Europe : frontalière du Maroc, à quelques jours seulement des Canaries par la mer. L'école adapte son enseignement aux besoins spécifiques de ces enfants venus parfois de très loin. « Ce sont des enfants qui ont traversé des pays et des moments très difficiles. On a aussi des enfants qui sont des réfugiés de guerre. Quand ils arrivent ici, ils ont un traitement quand même à part, surtout dans leur éducation. On a formé nos enseignants de sorte qu'ils puissent détecter ça, et puis améliorer leur éducation », précise Sahid Moluh, directeur de l'école. Baisse du nombre de migrants Sous pression des partenaires européens, la Mauritanie multiplie les contrôles et les rafles contre les migrants sans titre de séjour. Beaucoup de parents n'ont pas obtenu la carte de résidence et ne peuvent donc ni travailler librement ni se déplacer. « On rafle parfois les hommes. On laisse les femmes avec les enfants, raconte Amsatou Vepouyoum, présidente de l'Organisation. Ici, nous sommes en location. Il y a quand même l'apport des parents d'élèves. Ils apportent pour la contribution du loyer et pour donner aux encadreurs, qui sont des bénévoles. » L'école fait payer une petite participation : 600 ouguiyas, soit environ 13 euros par mois. Mais en cette rentrée, le portefeuille des familles est au plus bas, et les inscriptions se font timides. « Ça, c'est un centre qui accueille parfois 250 personnes. Mais depuis lundi, jusqu'à présent, nous n'avons pas encore 80 élèves, cela veut dire que l'impact est visible », poursuit Amsatou Vepouyoum. La tendance aux départs reste forte, même si les chiffres ont reculé. Entre janvier et août 2025, un peu plus de 12 000 migrants ont atteint les îles Canaries, soit une baisse de plus de 50% par rapport à la même période en 2024, selon Frontex et le ministère espagnol de l'Intérieur. À lire aussiGuinée: une nouvelle route dangereuse pour la migration vers les Canaries au départ de Kamsar

Ils parcourent des kilomètres dans le Sahara, avec leurs troupeaux. Et les yeux rivés au sol, à la recherche de météorites. En Mauritanie, ces chasseurs de pierres venues de l'espace sont de plus en plus nombreux, espérant décrocher le gros lot en vendant un fragment tombé de la Lune ou de Mars. Mais faute d'un encadrement officiel et d'un système d'authentification, ces trésors sont difficiles à écouler. De notre envoyée spéciale de retour de Nouakchott, Des jours et des jours à marcher derrière les bêtes dans le Sahara. Et peu à peu, l'œil s'exerce à reconnaître les pierres pas comme les autres. À Nouakchott, Hame Ould sidi Othmen, longue barbe et lunettes vissées sur le nez, montre fièrement sur une natte les météorites qu'il a dénichées dans le désert : « Je pars chercher des météorites dans toute la Mauritanie. » Il y a une dizaine d'années, après la découverte au Maroc de la grande météorite martienne de Tissint, la fièvre des pierres venues du ciel a gagné tout le Sahara. Ces passionnés sont devenus des experts pour les distinguer : « Ça, c'est une chondrite. On la reconnaît grâce à la couche qui l'enveloppe quand elle tombe du ciel, poursuit Hame Ould sidi Othmenn. On la distingue avec les yeux, mais parfois, on utilise des loupes. » « Les prix peuvent aller jusqu'à 1 000 euros » Tous se retrouvent au centre de la capitale pour vendre leurs trouvailles sous un grand arbre. L'activité est calme : « J'ai des météorites, mais je ne veux pas vendre pour le moment, explique notre « chasseur ». J'aimerais les vendre à 100 dollars le gramme. Le prix peut aller jusqu'à 1 000 dollars. Mais ici les gens ne payent pas, il te propose 10 dollars, c'est insignifiant, [alors] je ne vends pas. » Beaucoup de ventes se font désormais en ligne, via WhatsApp ou sur les réseaux sociaux comme TikTok. Certains intermédiaires, dans le nord du pays, autour de Bir Moghrein, inspectent les pierres avant de les revendre à l'étranger. Mais il n'existe pour l'instant aucun centre d'évaluation des pierres en Mauritanie. Les nomades se fient à leur œil, ou envoient leurs échantillons à l'étranger. « Ils ont des comptes de certains chercheurs internationaux à qui ils envoient les photos de leurs trouvailles ou par voie postale un échantillon de la roche », détaille le Dr Ely Cheikh Mouhamed Navee, premier planétologue mauritanien. Un secteur encore très informel, pas encore réglementé, regrette le chercheur : « Les météorites représentent pour chaque pays un patrimoine. Malheureusement, en Mauritanie, il n'y a aucun règlement dans ce secteur. » Une réglementation existe déjà dans des pays voisins, comme le Maroc. Le Dr. Navee voudrait aussi faire installer des caméras pour surveiller les chutes de météorites dans le désert, et créer un musée pour exposer ces pierres venues de l'espace.

Troisième et dernier volet de notre série de reportages chez le peuple Akuak au Soudan du Sud, cette communauté de pêcheurs qui vit sur des îles dans les marécages de la plaine du Nil. Situées à une vingtaine de kilomètres de la ville de Bor, la capitale du Jonglei, leurs terres ancestrales sont aujourd'hui entièrement recouvertes d'eau. Des inondations catastrophiques provoquées par le changement climatique sévissent depuis cinq ans, une montée des eaux qui a démarré il y a des décennies et qui s'accélère, bouleversant le mode de vie des habitants, tiraillés entre s'adapter et partir. Reportage de notre correspondante dans la région. De notre correspondante à Juba, de retour des îles Akuak, Serrés sous un tukul, une demi-douzaine de voisins jouent aux dominos. Ils sont venus en canoë pour se retrouver chez l'un d'entre eux. Le chef de la communauté Akuak, Makech Kuol Kuany, veut espérer qu'ils ne sont pas condamnés à vivre éternellement confinés sur ces îles minuscules. Mais les changements climatiques ont déjà eu un impact dramatique. « La vie de notre communauté a beaucoup changé, affirme-t-il. Par le passé, nous avions des vaches, des champs agricoles, et aussi du poisson. La seule chose qui nous manquait, c'étaient des acheteurs pour notre poisson. Aujourd'hui, la situation s'est inversée. Nous n'avons plus ni champ ni bétail, mais par contre nous pouvons vendre notre poisson, c'est le seul changement positif actuel. Mais ces inondations nous ont forcés à tous devenir pêcheurs. Prenez mon cas : moi et mes six fils pratiquons la pêche. Car sans ça, comment allons-nous nous nourrir ? Et comment acheter des vaches pour la dot lors des mariages ? Nous nous sommes appauvris car, avant les inondations, nous avions ces trois ressources : l'agriculture, le bétail et la pêche. Mais maintenant il ne nous reste plus que le poisson ». À lire aussiSoudan du Sud: les Akuak, une société transformée par le changement climatique [1/3] La vie éreintante dans les îles, loin de tout service, et la persistance des inondations, ont poussé de nombreux Akuak à partir, confie le chef. « Avant ces inondations, la vie était meilleure » Pour Machiek Machar Riak, un pêcheur de 25 ans, il ne faut pas baisser les bras, car le mode de vie traditionnel reste à ses yeux meilleur pour les enfants que la vie urbaine, même s'il a bien changé : « Il y a des difficultés maintenant qu'il y a de l'eau de partout, ce n'est pas comme au temps de mon enfance. Nous étions très libres, nous avions des terrains de jeu, nous pouvions aller d'un village à l'autre à pied, nous pouvions facilement jouer avec les enfants des autres familles. Et nous cultivions du maïs, le maïs nous manque beaucoup aujourd'hui. » Comme tous les pêcheurs Akuak, Angui Kuol Kuany, 45 ans, fait l'aller-retour régulièrement entre les îles et Bor. Lui s'est spécialisé dans le commerce de poisson. Il voit pourtant la généralisation de la pêche d'un mauvais œil : « Dans le passé, avant ces inondations, la vie était meilleure, car toutes ces activités liées à la pêche étaient réservées à ceux qui avaient des filets et des canoës. Mais de nos jours, tout le monde a ces équipements et donc le commerce et la vie en général sont devenus très compétitifs. Beaucoup de gens sont partis des îles, et ceux qui y restent ont une vie misérable. » Des inondations d'ampleur similaire avaient frappé la région dans les années 1960, et la communauté avait réussi à résister pendant près de dix ans. Certains espèrent donc que la crue actuelle s'arrêtera un jour. À lire aussiSoudan du Sud: les Akuak, la pêche comme unique source de subsistance [2/3]

La suite de notre série de reportages dans les îles où vit la communauté Akuak, dans les marais de la plaine du Nil, au nord de Bor, au Soudan du Sud. Une région ravagée par le changement climatique, qui a provoqué ces cinq dernières années des inondations bien plus importantes que les crues saisonnières du fleuve. Mais les Akuak résistent face à l'eau, construisant des îles artificielles pour maintenir leurs maisons hors de l'eau, sans soutien extérieur, et avec comme unique source de subsistance, la pêche. De notre correspondante de retour des îles Akuak, Dans les marais au bord du Nil, derrière les hautes herbes et les papyrus, on entrevoit un abri d'où s'élève de la fumée. C'est là que des pêcheurs Akuak ont installé leur base, une petite île couverte d'une bâche en plastique, où une casserole est sur le feu. Trois canoës sont amarrés. Debout dans l'eau, les hommes démêlent et mettent leurs filets en ordre avant de repartir pêcher. Ajith Nyangeth Riak a 40 ans et dit avoir appris à pêcher dès l'âge de cinq ans : « J'ai appris à naviguer en canoë avec mon grand-père, puis avec mon père, donc je suis très à l'aise, car ça fait partie de notre quotidien de piloter ces pirogues. Nous avons deux méthodes de pêche, selon que nous pêchons dans les marais ou dans le Nil. Lorsque nous pêchons dans les marécages, après avoir préparé nos filets, nous devons chercher des endroits où personne n'est encore allé. Nous coupons l'herbe pour nous frayer un chemin avec nos canoës et installer nos filets là où nous pourrons capturer beaucoup de poissons, en les laissant en place jusqu'au lendemain matin. Et l'autre méthode, c'est sur le Nil. Là aussi, il faut chercher un endroit calme pour tendre nos filets afin d'attraper le plus de poissons possible. » « Chez les Akuak, tout tourne autour de la pêche » À l'église de la paroisse Akuak, bâtie sur une grande île artificielle, il y a toujours une marmite de poisson sur le feu pour offrir à manger aux visiteurs. Ici, chez les Akuak, tout tourne autour de la pêche, explique Nyalueth Abuoi Ngor, une ancienne de la communauté, qui fume la pipe à l'ombre du mur en bambou de l'église : « Toute notre vie dépend du fait d'avoir des filets de pêche. Car quand nous parvenons à attraper du poisson, nous en vendons une partie, ce qui nous permet d'acheter de la farine et d'autres aliments, ainsi que des médicaments lorsque quelqu'un est malade. Sans ces filets de pêche, nous serions complètement désœuvrés. » Un panneau métallique rouillé traîne devant l'église, sur la berge que l'eau commence à recouvrir. C'est l'enseigne de la toute première école de la communauté Akuak, qui avait ouvert en 2018 et a fermé à cause des inondations en 2020. Si Philip Jok Thon, 18 ans, pêche et construit des îles comme tout un chacun ici, il ne cache pas sa frustration : « Les inondations ont chassé notre école, et donc nous n'étudions pas. Mais nous souhaitons que notre école revienne. Parce que nous voulons faire des études et apprendre des choses sur le reste du monde. » Philip Thon Jok aimerait partir, aller étudier à Bor, mais sans personne chez qui aller vivre là-bas en ville, il reste comme prisonnier de ces îles et du mode de vie ancestral des Akuak. À lire aussiSoudan du Sud: les Akuak, une société transformée par le changement climatique [1/3]

Au Soudan du Sud, une communauté de pêcheurs Dinka, les Akuak, se bat contre la montée des eaux. Alors que le pays est très durement frappé par le changement climatique et connaît, depuis 2019, des inondations catastrophiques, qui ont fait des centaines de milliers de déplacés climatiques, les Akuak, eux, refusent de partir. Ils vivent au milieu des marécages qui ont recouvert leurs terres ancestrales, sur la rive est du Nil, dans l'État du Jonglei. Leurs habitations sont érigées sur des îles, qu'ils construisent à mains nues, avec de la boue et des végétaux. Des plateformes qu'ils renforcent et rehaussent au quotidien. Reportage de notre correspondante dans la région. De notre correspondante, de retour des îles Akuak De l'eau jusqu'à la taille, Anyeth Manyang, la quarantaine, prend une grande inspiration avant de plonger au fond du marais. Quelques secondes plus tard, il émerge les bras chargés d'un gros amas de glaise qu'il jette sur la berge. Comme chaque habitant des îles Akuak, il maîtrise parfaitement cette technique de construction d'îles artificielles, qui permet aux familles de maintenir des espaces de vie hors de l'eau malgré les inondations : « Je suis né, j'ai grandi et je me suis marié ici. Cela fait donc de nombreuses années que je fais ce travail. Ce sont mes parents qui me l'ont appris, ils m'ont montré comment construire ces îles. Mon père et ma mère m'ont aussi tous les deux appris à pêcher. Construire et entretenir ces îles est un travail très difficile, car nous le faisons avec nos seules mains. D'abord, il faut récupérer des herbes et des papyrus dans le marais, puis les couper et les étaler à la surface. Ensuite, il faut aller sous l'eau pour ramasser de la boue et la mettre par-dessus. Et ainsi de suite. Nous devons faire ça tous les jours, c'est très fatigant. » Anyeth Manyang souhaite accroître la superficie de son île, qui ne mesure pas plus de 30 mètres carrés. Mais l'eau menace sans cesse de la recouvrir. Une flaque s'est d'ailleurs formée en quelques minutes près de la berge, à quelques mètres de là. Matuor Mabior Ajith, un voisin, explique qu'il faut une intervention rapide : « La raison pour laquelle l'eau s'infiltre ici, c'est que le sol n'a pas été bien compacté, il y a donc des espaces par où l'eau remonte, puisque tout ça est totalement artisanal. Nous allons donc colmater cette fuite de la même façon : en ajoutant du papyrus, de l'herbe, puis en ajoutant de la boue par-dessus. » L'île sur laquelle vit Ayen Deng Duot avec ses six enfants est, elle aussi, en cours de maintenance. Avec d'autres membres de la famille, Ayen se tient dans l'eau et découpe à la machette des tiges de papyrus qu'elle amasse sur la berge en formation, une matière encore toute molle et gorgée d'eau : « Bien sûr, c'est très dur pour nous de vivre ici, mais nous n'avons aucune alternative. En ville, à Bor, nous n'avons rien alors qu'ici, nous avons le poisson, même si nous n'avons pas d'autre nourriture, car les inondations nous empêchent de cultiver. Nos enfants n'ont aucun avenir en ville, où ils risqueraient de devenir des criminels, donc nous ne partirons jamais d'ici. » La ville de Bor se trouvant à cinq heures de canoë, Ayen aimerait que la communauté puisse être dotée d'un bateau à moteur en cas d'urgence médicale. À lire aussiSoudan du Sud: à Bor, des victimes des inondations s'adaptent avec le commerce du poisson

Alors que la COP30 a démarré lundi 10 novembre, cap sur le sud-ouest de la République centrafricaine. Niché dans l'immense bassin du Congo, le parc de Dzanga-Sangha incarne l'espoir et la réussite d'une conservation harmonieuse entre la nature et l'humanité. Véritable sanctuaire de biodiversité, cette réserve abrite des espèces emblématiques et menacées : éléphants de forêt, gorilles, léopards, girafes, lions et beaucoup d'autres. Grâce à un modèle de gestion partagée entre le gouvernement centrafricain, l'ONG WWF et les populations locales, le parc prouve qu'il est possible d'allier conservation, développement durable et valorisation des savoirs autochtones. Une vingtaine d'éléphants de forêt s'avancent lentement vers la saline de Zangaba, vaste espace dégagé où la terre, gorgée de minéraux, attire chaque jour des centaines d'animaux. À quelques mètres, un jeune mâle joue avec sa trompe dans l'eau. Puis, les femelles forment un cercle protecteur autour des éléphanteaux, tout en arrachant de longues herbes humides qu'elles mâchent lentement. Yoann Galleran, le directeur de l'aire protégée de Dzanga Sangha, nous sert de guide. « Tous les jours, une centaine d'éléphants se rassemblent régulièrement dans cette saline. Les éléphants de forêt, le pangolin et les gorilles sont les espèces emblématiques de notre parc. Le bassin du Congo regorge d'espèces de poissons, d'insectes, de champignons, de végétaux, de produits forestiers non ligneux. La gestion de ces ressources est très importante et elle doit être directement opérée par les communautés locales elles-mêmes. La gestion de la chasse durable, de la cueillette durable sont des questions clés pour le futur des aires protégées de Dzanga Sangha », nous apprend Yoann Galleran. Le parc de Dzanga-Sangha, en Centrafrique, n'est pas seulement un refuge pour les animaux. C'est aussi le berceau d'un peuple autochtone : les Ba'Aka, gardiens de la forêt. Leur connaissance intime des plantes et des pistes invisibles fait d'eux les véritables maîtres des lieux. Firmin est l'un d'eux. « Depuis toujours, nous vivons en lien étroit avec la terre, l'eau et les forêts. Pour nous, la nature n'est pas une ressource à exploiter, mais une partie de notre famille. Quand la Terre souffre, nous souffrons aussi. Les anciens nous enseignent que chaque décision doit être prise en pensant aux sept prochaines générations », explique-t-il. Grâce à son modèle de conservation participative, où la protection de la faune et la flore rime avec le développement des communautés locales, Dzanga Sangha est en phase d'atteindre tous ses objectifs, selon Firmin : « La gestion se déroule de façon participative, avec une implication totale de notre part en tant qu'autochtones. Il existe une véritable prise de conscience collective quant aux méthodes de gestion durable des ressources naturelles. Des formations régulières nous sont dispensées sur l'importance de la préservation des ressources. Nous avons mis en place une zone de chasse communautaire que nous respectons scrupuleusement. » Plusieurs projets sont également conçus pour garantir une conservation durable, selon Yoann Galleran : « L'important, c'est de continuer à faire de Dzanga Sangha une destination d'écotourisme qui va bénéficier aux communautés locales. C'est également de promouvoir les nouvelles techniques d'agriculture responsable. C'est de maintenir un équilibre entre conservation et développement sans que l'un prenne le dessus sur l'autre, tout en s'assurant que les communautés locales puissent continuer de bénéficier d'opportunités économiques qui sont liées directement à la préservation de l'environnement. » Cependant, les responsables du parc ont identifié plusieurs menaces potentielles pour la faune et la flore, telles que l'exploitation illégale des ressources forestières, le trafic d'armes et surtout le braconnage visant les éléphants, les gorilles et les pangolins. Ces risques doivent être pris au sérieux, disent-ils, pour assurer la protection du bassin du Congo. À lire aussiCentrafrique: comment les pygmées Ba'Akas préservent et valorisent leur mode de vie traditionnel

Comment sensibiliser à l'agriculture durable ? En Côte d'Ivoire, où le secteur agricole occupe plus de la moitié de la population active, Stéphane Kobena est un pionnier du domaine. Avec sa société, le Potager du Futur, il forme les enfants et les plus grands aux bonnes pratiques. Et ça commence dès le plus jeune âge. Avec notre correspondante à Abidjan, Marine Jeannin La Pépinière porte bien son nom. Aux fenêtres de ses salles de classes, sont alignés des pots en plastique remplis de jeunes pousses d'épinards, de roquette ou de laitue. Dans cette école primaire de Cocody, les tout petits apprennent à cultiver leur propre potager. « Donc on avait des graines au départ, explique une maîtresse devant les enfants enthousiastes. Avec de l'eau. On a mis des graines en terre, et après, qu'est-ce qui s'est passé ? Elles ont poussé ! Mais elles n'ont plus d'espace, donc on va les repiquer. Et elles vont grandir, comme vous ! » Les ateliers, animés par Stéphane Kobena, visent à sensibiliser à l'agriculture durable et à l'économie circulaire. En complément, explique-t-il, un compost a même été installé à côté de la cantine : « L'objectif est de transformer en compost tous les déchets organiques de la cuisine de la cantine, les feuilles sèches tondues par le jardinier et la sciure de bois du menuisier, pour pouvoir ensuite le réutiliser dans les potagers de l'école. Donc l'objectif est d'apprendre aux enfants à avoir les mains dans la terre, à faire du compostage, à aimer la plante, et aussi leur montrer que c'est possible de s'occuper des plantes sans utiliser de pesticides. » Et ça marche, se félicite la directrice pédagogique de l'école, Hélène Denis. « Ils sont très demandeurs ! Ils nous demandent même de créer de petits composts-poubelles dans la cour de récréation, pour jeter les restes de leurs goûters. Pour ne pas mettre ça à la poubelle, parce qu'ils disent : ''Mais c'est pas la même poubelle !'' Et ils ont raison. » Stéphane Kobena poursuit sa journée dans la banlieue est d'Abidjan, à Bingerville, où il anime cette fois un atelier pour les futurs agriculteurs qui souhaitent se former aux pratiques durables. Une nécessité, explique l'un d'eux, Marc-Olivier Kouamé, face à l'appauvrissement des sols induit par les pesticides. « [À l'origine], on était plus dans l'agriculture [intensive] où on utilisait beaucoup de pesticides et autres produits… On a épuisé toutes les ressources des sols. Donc on était obligé de quitter ces sols pour aller chercher d'autres parcelles. Alors qu'avec l'agriculture durable, tu peux continuer d'utiliser la même parcelle. On a fait le constat que maintenant, nos terres sont devenues arides. Donc on est obligés de chercher d'autres méthodes. » L'agriculture durable est encore embryonnaire en Côte d'Ivoire, en particulier dans le secteur vivrier. Mais les professionnels espèrent mettre en place un label, SPG, à horizon 2028.

En RDC, direction Kinshasa, pour aller à la rencontre de l'orchestre de la Crèche. Attention, nostalgie ! Ce sont les derniers pionniers de la rumba encore en vie. Tous les week-ends depuis plus de 30 ans, ils font revivre les plus grands classiques de la musique congolaise. Et pour la première fois de leur carrière, ils vont partir en tournée européenne en 2026. De notre correspondante à Kinshasa Au rond-point victoire, à Kinshasa, c'est sur le toit d'un immeuble défraîchi que joue l'orchestre de rumba. La moyenne d'âge des musiciens et chanteurs est de 70 ans. Ils se produisent tous les week-ends à la Crèche depuis 1984. Une longévité inédite qui a fait de cette adresse une institution de la vraie rumba à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo. « Quand nous parlons de vraie rumba, nous nous référons aux origines de la rumba. La musique congolaise a connu des étapes. Quand on parle de musique de jeunes, de musique moderne, de musique ceci, cela ... Ici, à la Crèche, quand nous jouons, ce n'est pas avec autant de variantes au fil du temps. On danse sur le même temps », nous explique le bassiste Dassi Mbelani. Tous ont évolué aux côtés des grands noms comme Franco et Grand Kallé. Et malgré le temps qui passe, ils n'ont jamais lâché micros et guitares pour continuer à jouer les plus grands classiques. À l'écoute du titre Mundi, il nous raconte : « Mundi, c'est toujours Tabu Ley. C'était vers 1956, 1957. Dans cette chanson, Tabu Ley s'en prend aux gens qui faisaient des yeux doux à sa femme, qui s'appelait Mundi. » Ces concerts sont un véritable retour dans le passé pour les plus nostalgiques comme Marcel, un habitué du lieu. « C'est la musique qui nous intéresse. C'est la musique de nos aïeux. On en profite », s'exclame le passionné de rumba. L'orchestre de la Crèche, c'est plus que de la nostalgie. C'est aussi une passion pour la musique, comme le clame Selidja, leader du groupe : « Je serai musicien jusqu'à ma mort. C'est dans le sang. Nous avons hérité de notre ascendance et nous ferons hériter à notre descendance. » L'orchestre respecte aussi l'une des règles d'or d'un bon concert de rumba : jouer jusqu'au petit matin. À lire aussiLa rumba congolaise, indémodable?

En Tunisie, de jeunes autrices se réapproprient la littérature jeunesse avec des héros africains et/ou musulmans. Une manière d'enseigner aux enfants des récits auxquels ils peuvent s'identifier, avec des personnages issus de leur culture et parfois méconnus du grand public. Ces femmes, également mères, se sont souvent retrouvées confrontées à un vide lorsqu'elles tentaient de trouver des livres pour enfants qui racontent leur culture. De notre correspondante à Tunis À la librairie Arthepage, en banlieue de Tunis, Emna Ennaifer présente le nouveau-né de sa collection Manarat, un livre jeunesse consacré au célèbre journaliste palestinien Wael al-Dahdouh, qui a perdu sa femme et ses enfants dans les bombardements sur Gaza. « Le livre ne parle pas de la guerre en tant que telle. L'événement, ce n'est pas la guerre, c'est Wael al-Dahdouh, c'est son parcours, c'est sa persévérance, sa patience face à l'épreuve, et c'est vraiment une lettre d'espoir. Dans le langage utilisé, les images, on a essayé de ne pas heurter la sensibilité de l'enfant tout en essayant de trouver un équilibre pour que l'enfant soit sensibilisé à ce qu'il se passe à Gaza », décrit-elle. Emna a aussi écrit un ouvrage sur Hawa Abdi première gynécologue somalienne, et Fatima Al Fihriya, une femme tunisienne qui a fondé la plus ancienne université au monde, il y a plus de 1 000 ans. Son but : valoriser des héros du monde africain et musulman, peu représentés dans les histoires pour enfants. « Que ce soient aussi des héros auxquels nos enfants pourraient s'identifier au niveau de la culture, de la religion, de l'histoire. Que tout cet héritage-là soit mis en valeur », explique-t-elle. Une démarche similaire chez Bochra Fourti, créatrice du podcast Heya, consacré aux récits de femmes arabes et amazighes. Son premier livre jeunesse s'intéresse à la première femme médecin arabe, la Tunisienne Tawhida Ben Cheikh. Un livre traduit en français et dialecte tunisien. « L'idée, avec cette collection, est de mettre en avant des héroïnes, des femmes qui ont marqué l'histoire du monde arabe et amazigh, et de faire voyager ces enfants entre ces pays. Donc la première, c'est une femme tunisienne, la deuxième sera algérienne, la troisième marocaine, ensuite une femme palestinienne, une femme égyptienne », raconte-t-elle. Bochra Fourti a créé des versions audio des livres qui vont être traduits dans plusieurs dialectes africains. « Il y a le souvenir de ma grand-mère qui nous racontait ces histoires, en tunisien, en dialecte, et c'était important pour moi de mettre cette touche de transmission et d'oralité qui est très importante dans notre culture. Nos récits, nos histoires se transmettent beaucoup par l'oralité », poursuit-elle. Trouvant de la réticence dans les maisons d'édition française sur la question de la langue arabe, et même le mot arabe dans ses titres, Bochra Fourti a entièrement autofinancé l'édition ses livres via des précommandes.

Il y a 50 ans, le 6 novembre 1975, des milliers de Marocains entrent sur le territoire du Sahara occidental. Des civils traversent alors la frontière à l'appel du roi Hassan II : c'est la Marche verte. Le chef d'État revendique ce territoire encore sous domination espagnole, estimant qu'il fait historiquement partie du Maroc et qu'il lui a été injustement spolié lors de la colonisation. Cette démonstration de force patriotique et populaire aboutit à la signature des accords de Madrid en 1975 et au retrait des Espagnols. Matthias Raynal a rencontré d'anciens marcheurs. De notre correspondant à Casablanca C'est un reportage radio, mais Ali, 72 ans, tient à répondre à l'interview, entouré de ses reliques. « Ça, c'est le Coran d'époque, c'est avec lui qu'on a récupéré le Sahara. C'était ça notre seule arme, avec ça, le drapeau du Maroc », expose le marcheur de l'époque. Les participants étaient des civils, la marche pacifique. Ali exhibe fièrement son wissam, la médaille qu'il a reçue pour cette marche. Il l'a accrochée au col de sa tunique sahraouie. Le 16 octobre 1975, le roi Hassan II s'adresse à la nation. Il appelle les Marocains à marcher vers le Sahara occidental. Il souhaite que 350 000 personnes s'y rendent pour montrer au monde que son pays n'abandonnera pas ses revendications sur ce territoire. « Au moment du discours, j'étais à la maison, avec ma famille. Il y avait un tel enthousiasme que quand je l'ai entendu, je me suis levé et je leur ai dit : ''je vais partir, notre roi nous demande de récupérer notre terre''. On est parti pour combattre la colonisation, pour poursuivre l'indépendance de notre pays », raconte Ali. Le 6 novembre 1975, l'ordre est donné de traverser la frontière. « On a mis des matelas sur les barbelés pour les mettre à terre. Le drapeau espagnol a été enlevé, on a hissé le drapeau marocain », continue-t-il. Saadia avait seulement 16 ans. Elle se souvient de l'atmosphère qui régnait entre les participants. « On s'est retrouvées entre femmes de tout le Maroc. On était toutes contentes. On n'avait peur de rien. C'était comme si on faisait le pèlerinage ! », explique-t-elle. Elle traversait son pays et rencontrait des Sahraouis pour la première fois. « À Tarfaya, les femmes Sahraouies venaient nous voir, elles venaient passer la journée avec nous dans les tentes, elles étaient contentes qu'on soit là. On s'est liées d'amitié, on passait notre temps ensemble à rigoler, à discuter », poursuit-Saadia. À son retour à Casablanca, elle prit conscience de ce qui venait de se passer. Saadia, Ali et les autres furent accueillis en héros. Tout le monde les attendait. Et partout, se répétaient les mêmes scènes de liesse. À lire aussiSahara occidental : 50 ans après la Marche verte, l'ONU fait évoluer sa position au profit du Maroc

Dans le sud-ouest du pays, au cœur du bassin du Congo. Une région verdoyante, considérée comme le deuxième plus grand massif forestier tropical au monde, véritable poumon vert du continent africain. Cette forêt joue un rôle essentiel : elle régule le climat, abrite une biodiversité exceptionnelle, et fait vivre des millions de personnes. Mais aujourd'hui, cet écosystème unique est en danger. Exploitation forestière, agriculture extensive, braconnage. Faute d'activités génératrices de revenus, de nombreuses communautés se tournent vers l'exploitation intensive de la forêt. Résultat : la déforestation s'accélère, le climat se dérègle, les saisons changent, et les produits de cueillette disparaissent peu à peu À lire aussiRDC : au coeur de la déforestation

Le salon Acces organisé par la plateforme «Music in Africa» rassemble, chaque année, les acteurs continentaux du monde de la musique. Et la semaine dernière, c'est à Pretoria, en Afrique du Sud, qu'ils ont pu échanger, pendant trois jours, pour analyser les modèles économiques possibles et les solutions pour que les artistes africains bénéficient davantage de leur musique. De notre correspondante de retour de Pretoria, Bien qu'il reste encore de taille modeste par rapport au reste du monde, le secteur musical africain connaît une forte progression : selon la dernière étude de la Fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI), les revenus de la musique enregistrée en Afrique subsaharienne se sont accrus de plus de 22% en 2024, dépassant pour la première fois les 100 millions de dollars. Mais pour le chanteur et producteur sud-africain, Zakes Bantwini, les artistes n'obtiennent pas forcément de retombées financières : « C'est magnifique de voir que, dans différentes régions du monde, les gens apprécient désormais la musique africaine. Mais il faut que cela se reflète dans nos comptes bancaires. Pour l'instant, ça ne se traduit pas vraiment comme ça, mais comme je le dis souvent, c'est à nous d'essayer de changer les choses. » Le manque d'infrastructures Sur place, le secteur est encore trop peu structuré et développé, et les artistes africains doivent continuer à dépendre des marchés mondiaux, comme l'explique Dolapo Amusat, créateur et directeur de la plateforme nigériane We Talk Sound : « Même si on observe un véritable boom, le manque d'infrastructures sur le continent empêche cette croissance de bénéficier pleinement aux artistes. Prenons l'exemple du Nigeria : comment voulez-vous organiser une tournée ? Il n'y a pas toujours d'infrastructures adéquates, les problèmes de sécurité persistent. De plus, du côté des plateformes de streaming, beaucoup de gens continuent à consommer la musique illégalement ou n'ont pas les moyens de payer les abonnements. Résultat : les artistes gagnent très peu d'argent sur leur marché local, et finissent donc par privilégier l'Europe ou les États-Unis, là où se trouvent les revenus — ce qui affaiblit l'écosystème africain. » Et pour la chanteuse Solange Cesarovna, co-fondatrice de la Société cap-verdienne de musique (SCM), il est aussi primordial que les artistes s'informent sur leurs droits : « Je pense que la chose la plus importante qu'il faut viser, pour devenir professionnel, c'est d'acquérir les connaissances. Et bien souvent, nous, les créateurs, nous sommes fascinés par notre processus créatif, et tout le travail autour de la musique en elle-même. Sauf que pour être professionnel, il faut aussi comprendre l'autre versant, la façon dont les affaires fonctionnent, même si on n'a pas l'âme d'un entrepreneur : c'est vital afin de conclure des contrats. » Solange Cesarovna soutient d'ailleurs la plateforme CLIP qui veut justement aider les créateurs à mieux comprendre les droits de propriété intellectuelle, pour réclamer leur dû. À lire aussiÀ Pretoria, le continent cherche à récolter les fruits de sa révolution musicale

C'est un fléau sanitaire et environnemental auquel les habitants d'Antananarivo sont habitués : chaque année, peu avant la saison des pluies, l'air de la capitale malgache se charge de particules fines. Une épaisse fumée envahit le ciel en fin de journée. La faute aux feux de brousse environnants qui, en octobre et novembre, viennent s'ajouter au trafic automobile notamment. En plus des enfants et des personnes âgées, les travailleurs informels qui exercent leur activité en extérieur toute la journée sont parmi les plus exposés. À lire aussiMadagascar: Antananarivo sous un brouillard de pollution à cause des feux de brousse

Afrobeat Rebellion, c'est le titre de l'exposition consacrée à Fela Anikulapo Kuti. Ouverte jusqu'à fin décembre 2025 à Lagos au Nigeria, cette exposition, avec une offre enrichie, est la suite de celle qui a eu lieu à la Philharmonie de Paris en octobre 2022, au musée de la Musique à Paris. Afrobeat Rebellion qui a lieu en plein cœur de la capitale nigériane, présente une multitude de documents d'archives, allant de photographies et d'effets personnels à des enregistrements audio originaux. Avec plus de 350 objets rares, des installations immersives et un riche programme de spectacles, de conférences et de films, ce projet historique retrace l'héritage et le parcours de Fela, de musicien à icône politique. Chapeau feutre sombre et tenue en lin dégradé bleu indigo, Ade Bantu affiche un sourire solaire. Son oncle Tola Odukoya est l'auteur d'une des attractions d'Afrobeat Rebellion : une série de photos en noir et blanc de Fela prises dans les années 60. Des clichés découverts par Ade, il y a 10 ans, chez Tola, son oncle, et par hasard... « On y voit Fela tenant la trompette, son tout premier instrument. Mon oncle a également des photos de Felo posant à côté de sa voiture personnelle. On y voit les difficultés d'un musicien en devenir dans son petit véhicule, où il doit ranger ses instruments et sans compter ses musiciens en passager. Ce sont les débuts d'une carrière emblématique », explique-t-il. Un peu plus loin, Kola Onosoya se tient loin des regards. Il est pourtant le dernier percussionniste de Fela. Toujours membre du groupe Egypt 80, Kola reste marqué par la pensée et l'engagement du roi de l'Afrobeat. Pour Kola, une exposition internationale consacrée à son leader spirituel est une douce revanche. « De son vivant, beaucoup de gens ne croyaient pas en Fela. Mais après sa mort, beaucoup de parents qui n'avaient jamais autorisé leurs enfants à aller voir Fela en concert viennent maintenant aux expositions consacrées à Fela... Et comprennent enfin ce que Fela voulait dire », estime-t-il. Amplifier la voix et la musique non conformistes de Fela, c'est l'objectif d'Abba Makama. Curateurs des films et vidéos projetés dans cette exposition, Abba estime que l'influence de Fela est universelle. Comme celle de l'écrivain Ernest Hemingway ou encore du dramaturge William Shakespeare. « Les Américains vénèrent Hemingway. Les Britanniques vouent un culte à Shakespeare. Nous devons porter Fela Kuti au même niveau, voire plus haut. Parce qu'Hemingway et Shakespeare ont créé des œuvres d'art intemporelles. Fela a créé une musique unique, l'Afrobeat. Mais il était aussi politique. Il était révolutionnaire Le Nigeria célèbre les politiciens comme des rock stars. Les jeunes n'ont pas suffisamment de figures emblématiques vers lesquelles se tourner », regrette-t-il. Et Abba Makama espère ainsi qu'un maximum d'enfants et d'adolescents de Lagos découvriront Fela grâce aux installations immersives d'Afrobeat Rebellion. À lire aussiLe Jazz de Joe : «Fela Kuti, Rébellion Afrobeat»

Sur le continent africain, où les zones de conflit et les poches terroristes se multiplient, les journalistes sont aux premières loges, et sous pression. Ce vendredi 31 octobre 2025 à Dakar, la conférence annuelle du Réseau Dupont-Verlon pour le journalisme d'investigation (REJI) a braqué les projecteurs sur ces défis : antennes détruites, radio-communautaires réduites au silence, journalistes obligés de quitter leur zone. De notre correspondante à Dakar, Reporters sans frontières tire la sonnette d'alarme : certaines régions deviennent des trous noirs d'information, où les antennes sont détruites et les relais locaux coupés, comme dans les Kivu (Nord-Kivu et Sud-Kivu) en République démocratique du Congo, ou dans certaines zones du Sahel. Et ce sont les journalistes de terrain, locaux, qui paient le prix fort, explique Sadibou Marong, directeur régional de RSF : « Si vous êtes menacé, vous ne pouvez pas rester. Et quand vous vous déplacez dans des "zones beaucoup plus sécurisées", vous trouvez dans ces zones, des journalistes et autres acteurs des médias déjà installés. » Ces journalistes doivent à la fois faire face à la pression des groupes armés et à celle des États, qui exigent un fort patriotisme. Diane Amoussou, étudiante béninoise qui a travaillé sur cette question pour son mémoire : « Les gouvernants parlent de plus en plus de contre-discours et on se demande si les journalistes, en tant que garants de l'information et de l'intégrité de l'information, doivent se mêler à cette lutte contre le terrorisme. Ce patriotisme soudain, c'est-à-dire manipuler l'information pour que cela soit indirectement de la lutte antiterroriste. » Créer des réseaux de solidarité Pour tenir et continuer à informer, des réseaux de solidarité sont en train de se constituer. L'Alliance africaine de vérification des faits, par exemple, anime un maillage de journalistes sur le continent. Bilal Tahirou coordonne l'organisation : « Il y a des défis d'électricité, il y a des défis de connectivité. Donc, lorsque le journaliste n'arrive pas à faire son travail, par exemple, l'autre membre du réseau peut venir le soutenir pour aider à collecter certaines informations. Et si une fois prête à publier, l'information risque de déranger ou risque de mettre en danger la vie du vérificateur de faits ou du journaliste d'investigation, le réseau peut intervenir pour aider à la publication. » Du côté de la formation, les écoles de journalisme comme le CESTI à Dakar s'adaptent pour que les jeunes journalistes soient prêts à travailler dans des contextes violents ou sous forte pression. Mouminy Camara, directeur des études : « On adapte le contenu en fonction de l'évolution des phénomènes. Et là, on a intégré le terrorisme. Et dans ce module qui traite du terrorisme en Afrique, on sensibilise en amont les étudiants parce qu'ils sont formés - on ne sait pas si demain, ils peuvent se trouver sur le théâtre des opérations - sur deux aspects : leur intégrité physique, mais également l'intérêt de l'information. » En 2024, plus de la moitié des pays africains sont classés par RSF en situation « difficile » ou « très grave » pour la liberté de la presse. À lire aussiSénégal: la presse mobilisée après l'interpellation de plusieurs journalistes

En Haute-Guinée, région frontalière du Mali, l'exploitation artisanale de l'or est la principale activité économique, et emploie une grande part de la population. Mais cette activité n'est pas sans risques. De notre correspondant à Conakry, Dimanche 26 octobre, deux éboulements se sont produits sur deux sites miniers de la sous-préfecture de Kintinian, dans la préfecture de Siguiri, faisant huit morts. M'Bemba Baye est le président de la Croix-Rouge dans la préfecture de Siguiri. Il s'est rendu sur place dès qu'il a appris la nouvelle. « Il y a eu l'effondrement d'une partie, qui a glissé sur les travailleurs, sur le premier site. Sous les décombres, six personnes sur place ont perdu la vie. Les six personnes ont été évacuées à l'hôpital préfectoral de Siguiri. Le lendemain, un a succombé à ses blessures. Le total fait sept morts, le même jour. Sur le deuxième site, il y a eu un autre d'éboulement, un glissement, il y a eu un cas de mort aussi. Ce corps a été extrait des décombres par les volontaires de la Croix-Rouge de la place », raconte-t-il. Ce ne sont pas des galeries qui se sont écroulées, mais, sur le premier site, une excavation, ce gros trou creusé par les orpailleurs avec l'aide de pelles mécaniques. Sur le deuxième site, c'est un terril qui s'est écroulé : une petite montagne de déchets miniers d'une entreprise industrielle dans lequel des orpailleurs cherchent de la poussière d'or. Depuis une dizaine d'années, les mineurs artisanaux utilisent de plus en plus de machines, mais leur usage mal maîtrisé les met en danger, comme l'explique Anna Dessertine de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) : « Les pratiques sont très diverses puisque certains creusent à la pioche, d'autres utilisent des engins comme des concasseurs ou des pelles hydrauliques. Un des éboulements de dimanche, ce serait produit sur un site déjà fragilisé par les pelles hydrauliques, avant que des orpailleurs ne viennent à la pioche. La mécanisation pose question. Elle investit les sols différemment, elle crée des instabilités qui n'existaient pas forcément quand l'exploitation était seulement artisanale, bien que l'exploitation artisanale de toute façon comporte aussi des risques. Peu de gardes fous sont mis en place pour assurer la sécurité des orpailleurs qui travaillent de façon très rudimentaire. » Pour Oumar Totiya Barry, directeur de l'Observatoire guinéen des mines et des métaux (OGMM), il faut mieux réglementer l'orpaillage artisanal. Le chercheur plaide pour que l'État s'implique davantage : « L'État doit faire un travail d'identification de toutes les zones qui portent des risques d'éboulement. Donc délimiter les sites et mettre les orpailleurs sur des zones qui portent moins de risques. Et les zones à risques, les surveiller et les protéger contre toute intrusion de personnes non autorisées. » En attendant, les orpailleurs continuent de creuser partout dans la préfecture de Siguiri, parfois au péril de leur vie, donc, pour nourrir leurs familles. Une grande partie de la population de la Haute-Guinée vit directement ou indirectement des revenus de l'orpaillage artisanal. À lire aussiGuinée: 60 personnes inculpées après une émeute meurtrière sur un site minier

Dans un an tout juste, Dakar accueillera les Jeux olympiques de la jeunesse. La dernière édition, à Buenos Aires en 2018, avait attiré plus d'un million de visiteurs et plus de 4 000 athlètes. À un an de l'ouverture, les chantiers s'accélèrent. Deux sites emblématiques sont entièrement réhabilités pour hisser le Sénégal au niveau des standards olympiques. De notre correspondante à Dakar, Sur le chantier, le rythme est soutenu. Les travaux ont débuté en octobre 2024. Livraison prévue fin mars prochain, avant les tests techniques du CIO. Philosophie du projet : réhabiliter l'existant. Mais il a fallu tout reprendre à zéro, comme au célèbre stade Iba Mar Diop, où un complexe flambant neuf sort aujourd'hui de terre. « On a totalement démoli l'ensemble des ouvrages qui existaient et on a augmenté la capacité d'accueil du site en termes d'accueil des spectateurs, mais aussi en termes de disciplines, parce qu'aujourd'hui, il n'existe pas de halle multisports. On a construit une halle multisports avec quatre aires de combat, 200 places de gradins et tous les locaux annexes. Et on construit un centre médical et sportif, qui lui est adossé », raconte Salim Sène, coordonnateur adjoint du projet pour l'Ageroute, le maître d'œuvre. Un complexe moderne, accessible et économe en énergie : ventilation naturelle, matériaux locaux, revêtements en terre cuite, comme dans la nouvelle salle de gym. « Ça permet de faire une très bonne isolation thermique du bâtiment et de garantir un très bon confort thermique à l'ensemble des salles qu'on a ici, et de minimiser aussi l'utilisation de la climatisation », ajoute Salim Sène. « On est allé chercher le meilleur de ce qui se fait aujourd'hui au monde » À ce stade, 65% des travaux sont achevés. Deuxième grand site en chantier : la piscine olympique de Dakar, vieillissante, transformée en un complexe aquatique aux standards internationaux : plusieurs bassins, une fosse de plongée, et des terrains de tennis, volley et basket. Un défi technique, car l'ancienne piscine perdait beaucoup d'eau. « On est allé chercher le meilleur de ce qui se fait aujourd'hui au monde, avec une filtration à perlite, pour pallier l'ensemble des difficultés qu'on avait par le passé, affirme Salim Sène. La filtration traditionnelle était basée sur du sable. C'était un système qui nécessitait beaucoup, beaucoup, beaucoup d'eau pour le lavage des filtres. » Le projet est financé en partie par l'Agence française de développement, pour un budget d'environ 80 millions d'euros. Et la pérennité de ces infrastructures reste au cœur des priorités. « On a essayé d'anticiper pour appuyer les futurs gestionnaires à, au moins, avoir des sources de revenus. D'une part avec le centre d'hébergement, qu'on a démoli. Et d'autre part, avec les terrains de football qu'on a dédoublés et qu'on aménage, pour que les gestionnaires futurs puissent les mettre en location et les exploiter », explique Babacar Senghor, coordonnateur du projet. Onze sites secondaires à Dakar, Saly et Diamniadio sont également en cours de réfection. À lire aussiJOJ de Dakar J-1 an: pour les infrastructures, la course contre-la-montre est bien lancée

« La souveraineté culturelle et intellectuelle à laquelle nous aspirons passe aussi par la reconquête de notre parole propre », a expliqué le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye lors du premier grand rendez-vous organisé entre l'État et les acteurs du livre, à Dakar, le 16 octobre. Des initiatives émergent pour donner toute sa place à la lecture en wolof, en pulaar, en sérère et dans les autres langues nationales. À l'embarcadère direction Gorée, une bibliothèque éphémère intrigue. Plusieurs installations du même genre ont été aperçues pendant quelques jours à Dakar, le temps pour l'État de rapprocher les livres de la population. Khalil, un habitué de la liaison maritime, feuillette des ouvrages en wolof. « Si tu me donnes un livre en wolof, je prends beaucoup de temps pour le lire. C'est parce qu'à l'école, on nous apprend en français ! », explique-t-il. Pas de quoi le décourager pour autant. « À partir d'aujourd'hui, je commence à étudier le wolof, je le jure. Je ne suis pas français, je suis wolof ! Il faut juste s'entraîner un peu », s'amuse-t-il. Le wolof résonne partout au quotidien : à la radio, dans la rue, et dans les foyers. Pourtant peu de Sénégalais le lisent. Ndèye Codou Fall, directrice de EJO, l'une des rares maisons d'édition en langues nationales, se bat pour inverser la tendance : « Il n'y a pas de magie, en ce qui concerne les langues nationales, nous les maîtrisons à l'oral, mais pour pouvoir les lire, il faut les apprendre, il faut alphabétiser les gens dans les langues nationales. Entendons-nous bien, je suis pour le plurilinguisme, mais je suis pour nous réapproprier ce qui nous appartient d'abord, et ensuite aller à la rencontre de l'autre. » Pour Ndèye Codou Fall, le Sénégal a besoin d'un retour à ses langues propres pour avancer. « Le rapport en général que les Sénégalais ont avec le français, c'est un rapport douloureux qui rappelle la honte que le colonisateur a voulu instituer aux Sénégalais en les obligeant à rendre les langues nationales muettes. Je pense que c'est ce rapport que l'on veut effacer aujourd'hui », explique-t-elle. À lire aussiLa Wolof Académie, nouvelle tendance pour l'apprentissage des langues via des applications Encourager les jeunes à lire dans leurs langues, mais aussi à prendre la plume, c'est une des missions que se donne Adramé Diakhaté, président de l'Union des écrivains sénégalais en langues nationales. Lui-même auteur de romans publiés en wolof, il parle d'un processus de création plus intime. « Quand on écrit en wolof, effectivement, le personnage que vous mettez en scène devient un complice et il fait corps avec nous. Nous vivons sa vie comme s'il pouvait interagir avec notre propre existence. Je ne ressens pas la même chose quand j'écris en français. La différence est là : [en wolof], je me parle à moi-même et je vis ce que je suis en train d'écrire », raconte-t-il. Rappelant qu'ils travaillent « pour la nation », les éditeurs spécialisés en langues sénégalaises réclament plus de moyens issus du Fonds d'aide à l'édition. Un fonds géré par le ministère de la Culture pour soutenir la production littéraire. L'État leur a promis un soutien sans en préciser la forme à ce stade. À lire aussiFrancophonie en Afrique: au Sénégal, le wolof monte en puissance face au français [4/5]

Au Ghana, les conséquences environnementales du « galamsey », nom local donné à l'orpaillage illégal, sont de plus en plus sérieuses : forêts détruites, risque de pénurie d'eau potable, agriculture en danger. C'est le constat d'un nouveau rapport publié le mois dernier par l'antenne ghanéenne de l'organisation environnementale américaine Pure Earth. L'étude identifie notamment onze localités, où la pollution liée au secteur aurifère sont particulièrement perceptibles, et impacte directement la vie des populations riveraines des exploitations. Notre correspondant au Ghana s'est rendu dans l'une d'entre elles. Reportage dans la commune de Asiakwa, dans la région orientale, à deux heures de la capitale Accra, où les habitants ont dû renoncer à utiliser l'eau de leur rivière. De notre correspondant au Ghana, Midi approchant, Joyce Obngwaa, commerçante, s'apprête à manger dans sa boutique. Au menu ce midi, un ragoût de kontomire, dont elle sort quelques feuilles de son sac. Pour les rincer cependant, pas question d'utiliser l'eau courante. « C'est parce que les orpailleurs illégaux polluent notre eau naturelle, on ne peut pas utiliser cette eau pour laver les légumes, se laver ou toute autre tâche ménagère. On est donc obligé d'utiliser de l'eau propre qu'on achète en sachet. Ça me rend triste », regrette-t-elle. Voilà près de deux ans que les quelque 3 000 habitants de la commune d'Asiakwa ont dû se détourner de leur rivière. Pour avoir de l'eau propre, il faut maintenant l'acheter, ou creuser des puits, ce qui engendre des coûts importants pour les finances de la commune, selon les autorités locales. À lire aussiAu Ghana, comment rendre le secteur minier plus respectueux de l'environnement ? En cause, une eau de rivière surchargée en plomb et en mercure, des métaux lourds toxiques que l'on retrouve fréquemment à proximité des sites d'orpaillage illégal opérant tout autour de la commune, parfois à même la rivière. Des dégâts qu'Ebenezer Aborakwa, ancien élu communal, constate tous les jours en se rendant près des cours d'eau : « Je me souviens de la couleur de l'eau, avant, elle était très propre. Aujourd'hui, vous le voyez, elle a la couleur de la terre du sol. Les mineurs ne couvrent pas leurs exploitations, donc quand il pleut, la pluie emporte toute la saleté, qui finit dans la rivière. » À ses côtés, plusieurs hommes acquiescent, l'air grave. Armés de fusils, ils font partie d'une équipe anti-orpaillage illégal mise en place par le chef traditionnel local. Francis Tetteh fait partie de cette équipe. Il raconte : « Quand on voit des gens qui minent illégalement, on les arrête. Mais il faut que le gouvernement nous aide, nous donne des moyens, sinon on n'y arrivera pas dans la durée. » À lire aussi«Arrêtez le galamsey»: au Ghana, des manifestants dénoncent l'inaction du gouvernement face à l'orpaillage illégal L'inspection presque terminée, un quad déboule des fourrés. À son bord, trois jeunes, des orpailleurs illégaux, qui reviennent tout juste de la mine. Après quelques échanges tendus, la situation se calme. Joseph, 21 ans, accepte de témoigner. « Ils nous disent d'arrêter, qu'on pollue l'eau, mais moi, je ne suis pas d'accord. La situation économique n'est pas bonne, la jeunesse souffre. C'est pour ça que je mine, pour aider ma mère, mes frères », explique-t-il. Joseph et ses deux amis repartent finalement, sous le regard désapprobateur, mais aussi impuissant, des hommes armés. Ils le savent : tant qu'il n'y aura pas de réelles opportunités d'embauches pour la jeunesse locale, la rivière, elle, restera teintée par l'orpaillage illégal.

En Centrafrique, la capitale Bangui voit renaître un de ses lieux emblématiques : le marché de Combattant. Longtemps en état de dégradation, ce marché historique vient d'être rénové, apportant avec lui un souffle nouveau pour les commerçants et les habitants de la ville. Situé dans le huitième arrondissement, le marché de Combattant est un carrefour commercial important où se croisent quotidiennement des centaines de vendeurs et d'acheteurs. Pendant plusieurs années, l'état dégradé des infrastructures avait rendu difficile le commerce et détérioré l'image du site. Grâce à un programme de rénovation lancé par les autorités, le marché a bénéficié de travaux de réhabilitation importants et devient aujourd'hui un symbole de renouveau urbain. De notre correspondant à Bangui, Le jour se lève à peine sur le marché, et déjà les allées s'animent d'un va-et-vient familier. Au centre, Micheline, commerçante bien connue des habitués, installe son étal. Une à une, elle sort des paniers des bottes de carottes encore perlées de rosée, des tomates et une variété de légumes colorés : « Le marché nous offre maintenant un cadre confortable. L'espace est suffisant et l'hygiène est irréprochable. Ce qui me permet de bien présenter mes légumes fraîchement récoltés du jardin. Il n'y a plus de boue, d'asticots et de moustiques. Les conditions sanitaires ont nettement changé. » Autour d'elle, le marché prend vie... Des allées bien tracées, des hangars réhabilités et une meilleure circulation de l'air. Priscille est venue pour ses courses : « Je suis fière de constater que le marché est désormais bien organisé. L'aération est bien faite. Chaque produit a son espace : je sais où trouver les légumes, les produits de première nécessité et les articles manufacturés. Les étals de viande et de volaille sont bien séparés. Avant, pendant la saison des pluies, les gens évitaient de venir ici. Mais maintenant ce marché attire tout le monde. » Une gestion durable en ligne de mire En plus de l'aménagement physique, un système de sécurité a été mis en place : présence accrue de la police municipale, éclairage renforcé la nuit et des règles strictes de gestion des déchets. Une amélioration défendue par Alain Konamna, président de l'Association des commerçants du marché Combattant : « Il n'y a plus de boue dans le marché. Même le sol est en ciment. Nous allons maintenant travailler à la loupe avec le règlement intérieur qui régit le fonctionnement du marché. Nous allons lutter efficacement contre les ordures et l'insalubrité. Il y a des agents balayeurs qui sont là. Très tôt le matin, ils nettoient les saletés. Mais nous avons besoin de moyens logistiques nécessaires pour enlever les dépôts d'ordures à temps pour préserver la salubrité du marché. » Lors de la coupure du ruban blanc marquant l'inauguration du marché, le président Faustin-Archange Touadéra a appelé les commerçants et les usagers à adopter une gestion durable du site : « Je demande à la population de Combattant, de comprendre que ce que nous faisons ici, c'est pour leur bien. C'est pour leur permettre d'acheter des produits sains dans de meilleures conditions. Je demande tout simplement que la discipline soit respectée. Tout le monde doit rester dans le marché, c'est important d'éviter d'aller vendre sur la voie publique. » Le marché Combattant a aujourd'hui une capacité d'accueil d'environ 2 000 personnes.

La ville de Johannesburg est aussi appelée « la ville de l'or », parce qu'elle a été fondée à la fin du XIXe siècle quand de l'or y est découvert. Rapidement, la ville se développe autour de cette précieuse ressource. Plus de cent ans plus tard, la plupart des mines ont fermé, mais il reste des milliers de puits encore ouverts, et surtout des matières toxiques qui continuent de toucher les communautés voisines, et aujourd'hui, les habitants sont de plus en plus malades. De notre correspondant à Johannesburg, L'image est frappante : dans une impasse de Soweto, une immense dune de sable dépasse derrière le toit de modestes maisons en pierre. Quand il y a du vent, la poussière se soulève. Et toutes ces substances toxiques arrivent chez nous. Nous sommes dans le quartier de Snake Park, dans une maison familiale à deux étages où plusieurs générations vivent ensemble. Novulawu Sitshaluza, bob sur la tête pour se protéger du soleil, a grandi ici : « Au départ, on pensait que cette montagne était naturelle, mais nous avons découvert plus tard que c'était en fait une création humaine, issue de la ruée vers l'or. » Des générations marquées par la maladie À la fin du XIXe siècle, la ville de Johannesburg se construit sur l'or. Et pendant l'apartheid, le pouvoir blanc déporte les populations noires dans d'immenses townships, souvent à proximité de mines, et donc de déchets toxiques. « Vous savez, nos ancêtres sont partis travailler dans les mines. Ils ne sont jamais revenus avec de l'or ou de l'argent. Ils sont revenus avec des maladies. Et encore aujourd'hui, nous, leurs arrière-petits-enfants, on tombe malade à notre tour. C'est l'éternelle souffrance des Noirs en Afrique du Sud. ». Thokozile Mntambo est activiste, figure de la lutte des communautés locales face aux géants du secteur minier : « Comme vous pouvez le voir, il n'y a aucune clôture pour sécuriser les lieux… Vous pouvez vous garer ici, on va s'approcher un peu ». Donc là, on va monter sur une petite butte, pour vraiment avoir une vue sur toute la mine. On monte sur du sable très clair, presque blanc. Ce sont tous les résidus ; à l'époque où on cherchait encore de l'or. « Ils continuent de trouver de nouvelles technologies pour extraire les restes d'or. Alors, nous, on meurt encore à cause de cet or ! », ajoute Thokozile Mntambo. Recenser les victimes Et Thokozile Mntambo ne veut plus voir sa communauté mourir. En 2023, avec la Bench-Marks Foundation, elle démarre un porte-à-porte pour recenser tous les cas de maladies. Résultat : la moitié des répondants déclarent avoir des problèmes respiratoires : « On est venu me voir pour me dire que je devais arrêter de parler aux médias, car cela perturbe les investissements. Mais j'ai commencé ce combat, je ne vais pas m'arrêter là ! » Parce que de nombreuses vies sont en jeu. À cause de ces longues années d'expositions à l'uranium ou à l'arsenic, de plus en plus d'enfants naissent malades. Nous retournons chez Novulawu, qui vit juste en face de la mine : « Ma fille était handicapée, elle est malheureusement décédée en 2022, à 12 ans… Je ne peux pas être certaine que ce soit à cause de ces résidus toxiques, mais cette dune a peut-être joué un rôle, oui. » Selon les activistes de Snake Park, ce combat, c'est un combat entre le profit des grandes entreprises et la santé des communautés locales appauvries ; plus de cent ans après la ruée vers l'or.

En Tanzanie, la santé est l'un des secteurs le plus en difficulté. Problèmes d'accès aux soins, d'infrastructures ou manque de personnels qualifiés, les défis sont nombreux. Mais grâce à la Fondation Vodafone et l'implication du gouvernement tanzanien, un programme nommé M-Mama a permis de réduire la mortalité maternelle de près de 40%. De notre correspondante à Dar es Salaam, Cette sonnerie, Sophia Miraji l'entend jusqu'à 40 fois par jour dans son bureau de l'hôpital Mwananyamala à Dar es Salaam. Au bout du fil en général, un dispensaire ou une structure de santé ayant une urgence obstétrique. « On a une urgence, on a besoin d'un véhicule. » Francesca Konyani est infirmière. Avec sa collègue, elle traite cet appel aujourd'hui : « La mère est en plein travail, mais sa tension est élevée, c'est de la pré-éclampsie, donc on doit la transporter du centre de santé de Kigogo à l'hôpital de Mwananyamala. » Un trajet d'environ 10-20 minutes s'il n'y a pas de trafic et qui sera effectué ce jour-là par une ambulance. Si aucune n'est disponible, c'est un chauffeur privé qui fera le trajet. Grâce au numéro gratuit 115 de M-Mama, depuis 2023, toutes les femmes enceintes ou nouveau-nés en état d'urgence en Tanzanie peuvent être pris en charge et transportés dans un établissement pouvant leur fournir les soins appropriés. Rahma est la responsable du projet M-Mama en Tanzanie : « Nous avons déjà transporté plus de 170 000 personnes dans le pays, c'est énorme. Nous avons des chauffeurs issus des communautés de presque tous les villages dans ce pays. C'est surtout grâce à la volonté politique. » Élargir le programme à d'autres urgences médicales La présidente Samia Suluhu Hassan a fait de la santé des femmes et des nouveau-nés une priorité. Mais avec quasiment 60% du système de santé national financé par des dons extérieurs ou le paiement des particuliers, l'efficacité de M-Mama est loin de refléter la réalité du pays. Faraji Bakari est l'un des chauffeurs du programme : « On espère que ça ne va pas s'arrêter aux femmes enceintes, mais que le gouvernement va étendre ça à ceux qui ont d'autres besoins médicaux dans la communauté. » La Tanzanie ne dispose pas de service de transport d'urgence, c'est donc pour ça que la fondation Vodafone s'est focalisée sur ce problème. Le programme est financé par l'État et désormais aussi géré par différents ministères. Juwairia Hamad tient son bébé de quatre mois en pleine forme dans ses bras : « Sans eux, je ne serais pas là. Quand une mère est en situation d'urgence et qu'il n'y a pas de services, c'est très difficile. C'est une super initiative et je suis très heureuse. » Si le gouvernement tanzanien a augmenté son budget lié aux infrastructures de santé ces dernières années, le manque de personnel qualifié et le coût des soins restent un véritable problème dans le pays. À lire aussiNeoNest, un couffin pour sauver les bébés prématurés en Ouganda rural

Style de musique iconique de la Tanzanie, le Bongo Flava se fait de plus en plus connaître à l'international. Avec ses notes de hip hop, rap, zouk, le tout en swahili, le style est né dans les années 1990 et continue de faire danser les Tanzaniens. Même si quelques décennies plus tard, les messages de revendications se sont estompés. De notre correspondante en Dar es Salaam, C'était « le » tube l'an dernier en Tanzanie, Diamond PlatnumZ, star du Bongo Flava lançait sa chanson Komasava pour « comment ça va ? ». Le titre a tourné à travers le monde. À coup de voitures clinquantes, femmes légèrement vêtues et de Masai réalisant la chorégraphie de la chanson, le tube parle vaguement de romance… Des thèmes pourtant bien loin des origines du style Bongo Flava, selon Kwame Eli, en charge de la communication pour l'Association de la musique urbaine tanzanienne : « Ça a beaucoup changé, à l'origine c'était quelque chose qui aidait les jeunes à s'exprimer sur différents problèmes dans le voisinage, dans la communauté, mais maintenant c'est juste du divertissement. » À lire aussiLa « success story » du Tanzanien Diamond Platnumz Une musique autrefois engagée Né dans les années 1990, le Bongo Flava est un mélange de genres pour, à l'époque, parler de politique, d'économie et parfois même critiquer le gouvernement. Le titre Ndio Mzee, traduisez « oui chef », de l'artiste Professor Jay, fait partie des classiques. « Nous t'avons donné nos voix ; Tu nous as fait tant de promesses ; Mais aujourd'hui, nous restons affamés », chantait Professor Jay à l'époque. Aujourd'hui, il a préféré ne pas répondre à nos questions. À quelques jours à peine des élections présidentielles, exprimer quelconque critique est très risqué en Tanzanie. Pour Kwame Eli, « Les choses ne vont pas bien. La plupart des musiciens maintenant ne soutiennent qu'une partie. "Parce qu'ils ont peur, vous pensez ?" 100% ! Ils ont peur ! [rires] » Alors, certains chantent les louanges de la présidente au pouvoir Samia Suluhu Hassan. C'était le cas en 2021 de Frida Amani : « J'utilise la musique pour parler des femmes, c'est pour ça que j'ai une chanson comme Madam President. Ça n'était pas du tout politique, c'était pour inspirer les filles. » La chanteuse estime qu'aujourd'hui le public ne veut plus entendre parler des problèmes du quotidien : « Ils pensent : "C'est notre vie, c'est ce qu'il se passe maintenant, s'il vous plaît, laissez-nous avoir du bon temps". ». Une querelle des anciens et des modernes. Quelles qu'en soient les paroles, une chose est certaine, le rythme du Bongo Flava continue de faire danser la Tanzanie.

La Tanzanie fait partie des dix pays africains où la population augmente le plus vite. Parmi les défis que cela implique : l'éducation. Un secteur encore sous-financé et aux nombreux problèmes. Illustration à Dar es Salaam à l'école islamique d'Ubungo. De notre correspondante à Dar es Salam, « Ici, ce sont certaines des classes et des laboratoires. » Ramadhan Mbwana est le directeur de l'école privée islamique d'Ubungo, à l'ouest de Dar es Salaam. Sous son aile, ils sont 250 élèves âgés de 13 ans et plus. Et depuis l'an dernier, il doit s'adapter au nouveau programme scolaire mis en place par le gouvernement. « Parmi les défis qu'on rencontre, c'est le manque d'outils pour la formation professionnelle, par exemple, notre gouvernement a fait imprimer des livres, mais il n'y en a pas assez pour tous les étudiants. Il y a aussi le problème de la formation, ajoute Ramadhan Mbwana, notre gouvernement a essayé de former les enseignants, mais ils ne l'ont pas tous été. » À l'école islamique d'Ubungo, sur 29 professeurs, seuls douze ont été formés au nouveau programme. Malgré ces manquements, l'établissement est privé et donc plutôt privilégié. Financé uniquement par les frais de scolarité qui s'élève à environ 900€ par an pour les internes, il dispose d'équipement informatique notamment et l'éducation s'y fait en anglais. Hemedi est élève ici depuis deux ans, il étudiait auparavant dans une école publique et note la différence : « L'école d'Ubungo est mieux parce que les infrastructures sont bonnes et les professeurs aussi. » Des classes surchargées dans les écoles publiques Le nombre d'élèves par exemple va du simple à plus du double, comme l'explique Said Sumuni, 29 ans, professeur d'anglais : « Dans les écoles publiques, il y a beaucoup, trop d'élèves. Par exemple, dans une classe, vous pouvez avoir pas moins de 100 élèves. » L'école publique, c'est pourtant là où étudie la majorité des enfants tanzaniens. Si l'éducation est obligatoire à partir de sept ans, beaucoup abandonnent après le primaire. En cause, des longs trajets, un manque de moyens pour payer l'uniforme par exemple ou parce que certaines jeunes filles tombent enceintes très tôt. L'autre problème, c'est l'apprentissage par cœur avec très peu de pratique, selon Rajabu James, volontaire à l'association IBET qui vise à améliorer l'éducation en Tanzanie : « Ils ne font pas de lien entre l'apprentissage et la situation dans la vraie vie. On est trop basé sur la théorie au lieu de la pratique. » Un défaut que le nouveau programme tente de palier. L'an dernier, 12,5% du budget du gouvernement était alloué à l'éducation. Dans un monde idéal, le chiffre devrait se rapprocher des 20%. À lire aussiLa bataille contre l'absentéisme des adolescentes à l'école en Tanzanie

En Tunisie, les femmes ont toujours été majoritaires dans le domaine de la pâtisserie traditionnelle. Mais depuis quelques années, de jeunes pâtissières bouleversent les codes, optant pour une pâtisserie à la française, allégée en sucre et diversifiée. Une manière de revendiquer une créativité et une originalité tout en s'inspirant des recettes des pâtisseries ancestrales. À la pâtisserie Boulevard des Capucines, en banlieue nord de Tunis, Salma Langar, 36 ans, donne ses instructions de la journée pour la conception de ses gâteaux. Depuis onze ans, cette passionnée s'adonne à la pâtisserie haut de gamme. « Je voulais faire ça depuis toute petite, j'ai grandi dans une famille de cuisiniers. Mon père avait un restaurant, donc j'ai ouvert les yeux dans le restaurant de mon père et aussi dans la cuisine de ma grand-mère qui est une grande cuisinière. J'ai grandi en cuisinant les gâteaux traditionnels, avec elle et avec mes tantes. Vraiment chaque Ramadan, chaque Aïd », raconte-t-elle. Et pourtant, dans les vitrines de sa pâtisserie, les douceurs traditionnelles tunisiennes sont absentes. Salma a misé sur la différence. On trouve des opéras revisités, des tartes aux fruits, des trompe-l'œil, dont le best-seller, un saucisson chocolat noisette... « J'aime bien qu'on s'amuse avec la pâtisserie. Puisque ici les gens ne peuvent pas manger de la charcuterie de porc, on s'est dit ''on va leur faire une charcuterie en chocolat''. Et les gens adorent », s'amuse-t-elle. Pour cette cheffe, formée entre la Tunisie et la France, notamment chez le chef pâtissier Cyril Lignac, le terrain de la pâtisserie en Tunisie est un tremplin pour les femmes et laisse place à la créativité. « On voit beaucoup de femmes qui sont en train de se lancer, même qui sont en train de faire des reconversions professionnelles, c'est ça qui est beau », s'enthousiasme-t-elle. À lire aussiLes délices du continent: en Tunisie, le mleoui est une institution de la street food [4/10] Une reconversion qui a fait le succès de sa collègue, Kawther Hattab, à la tête d'une autre pâtisserie, Madeleine et Proust. Dans son enseigne, la précision et le dosage sont les maîtres mots. Kawther, 40 ans, ancienne ingénieure, s'est amourachée de la pâtisserie à travers le jeu sur la matière. « Je me suis inspirée de ce que j'aimais manger : la fleur d'oranger, l'eau de rose, etc. Mais à ma façon et en l'intégrant dans des mousses, des recettes françaises. C'est aussi comme ça que j'ai des combinaisons entre les saveurs tunisiennes, la Méditerranée et la France », détaille-t-elle. Dans un pays qui compte 16% de diabétiques, Kawther a voulu aussi innover en diminuant le sucre. « Je n'ai pas travaillé uniquement sur le sucre, j'ai travaillé également sur le gras, parce que c'est un ratio. Si on diminue seulement le sucre, le taux de gras augmente, donc on n'est pas sur une recette qui est forcément saine ou avec moins de calories », explique-t-elle. La recette fonctionne car la pâtisserie vient d'ouvrir un café dédié au brunch. Salma, elle, a inauguré une boutique de glaces artisanales, nommée Lou, inspirée des recettes italiennes. À lire aussiTunisie: la richesse du patrimoine culinaire encore méconnue

Dans les rues de Bangui et des provinces de Centrafrique, ils sont partout. On les appelle les « docta » ou encore « les docteurs de quartier ». Ce sont ces vendeurs de médicaments à la sauvette, installés à même les trottoirs ou dans de petites cabanes en bois, au bord de la route et dans les marchés. Pour beaucoup, ils sont devenus une solution de santé de proximité, accessible, rapide, sans ordonnance, et surtout sans frais élevés. Mais derrière cette facilité d'accès se cache une réalité bien plus inquiétante : automédication, médicaments de qualité douteuse, erreurs de traitement… La pharmacie de rue, bien qu'elle réponde à une détresse sanitaire réelle, pose aujourd'hui un grave problème de santé publique. Alors que la situation prend de l'ampleur, le gouvernement centrafricain a pris des mesures. De notre correspondant à Bangui, Au coin d'une rue animée, entre les cabines de transfert de crédits et les boutiques de commerce général, une cabane en bois attire les passants. À l'intérieur : des flacons sans étiquettes, des cartons de médicaments aux couleurs vives, des pommades et des seringues… Bintou Dayonko, une femme d'une quarantaine d'années, chemise fleurie et regard alerte, accueille ses clients avec un mince sourire : « Je suis diplômée en médecine, mais après l'obtention de mon diplôme, je me suis retrouvée sans emploi. J'ai donc décidé d'ouvrir cette pharmacie afin d'avoir une activité professionnelle, mais aussi et surtout pour venir en aide aux familles démunies et vulnérables de mon quartier. » Dans les quartiers populaires de Bangui, ces vendeurs répondent à un besoin de certains habitants. Le phénomène s'est amplifié depuis 30 ans à cause de la pauvreté généralisée, de l'absence des pharmacies de proximité et surtout, de l'accès inégal aux soins. « Ces petites pharmacies sont très importantes, considère Elvire Ndiba, une mère de famille. En cas de fièvre, de paludisme ou de maladies moins graves, elles nous soignent efficacement. Même avec seulement 100 ou 500 FCFA, on peut se faire soigner. Le personnel est très accueillant et attentionné. » Danger sanitaire Mais ce marché parallèle n'est pas sans conséquences. Selon Elvire Ndiba, les malades font également face à des mauvaises qualités de médicaments, le surdosage avec des effets secondaires graves : « L'inconvénient est que la majorité de ces pharmaciens de rue ne maîtrisent pas réellement leur métier. Dans ces kiosques, les médicaments sont souvent mal conservés, exposés à la chaleur et à l'humidité, voire périmés. Ces pratiques peuvent entraîner des complications graves, mais les cas de décès sont rares. » Selon certains professionnels de santé, la plupart des médicaments de rue sont des poisons pour le corps humain. « Ça dépend des malades, mais ces produits font plus de mal que de bien, prévient un médecin sous couvert d'anonymat. Le vrai problème, c'est l'accès aux soins de qualité qui est difficile dans notre pays. Tant que les pharmacies officielles resteront hors de portée financière pour les plus pauvres, ce marché existera. L'État peut toutefois former ces vendeurs, contrôler leurs produits, créer des structures de santé de proximité à bas coût : ce serait déjà un pas. » La vente de médicaments de rue est interdite par le ministère de la Santé depuis 2020. Et le gouvernement mène régulièrement des opérations de sensibilisation.

En Ouganda, une jeune ingénieure s'attaque à un fléau silencieux : la mort de nouveau-nés faute d'équipements adaptés dans les zones rurales. Vivian Arinaitwe a mis au point un couffin chauffant, fabriqué à partir de matériaux recyclés, pour transporter les bébés prématurés en toute sécurité vers les hôpitaux. Son invention, baptisée NeoNest, vient d'être distinguée par l'Académie royale d'ingénierie au Royaume-Uni. Vivian Arinaitwe a 24 ans. Diplômée en ingénierie biomédicale, elle a grandi dans un village à l'ouest de l'Ouganda, loin de tout hôpital. C'est là qu'est née l'idée de NeoNest : « Quand on était enfant, on entendait ces histoires, nos parents disaient : "Oh le bébé de cette femme est mort parce qu'il était bleu"… » Dans de nombreux centres de santé du pays, il n'existe pas d'équipement pour stabiliser les bébés prématurés. Ils doivent être transférés vers des hôpitaux mieux équipés, parfois à plusieurs heures de route. « La plupart de ces bébés sont prématurés ou ont besoin de soins urgents, donc il faut les amener rapidement vers une unité de soins intensifs, parfois à six, huit ou dix heures du village. Actuellement, il n'y a pas de moyen de les transporter en sécurité, on les emmaillote juste dans des draps. » Un nid chauffant pour un transport en toute sécurité C'est pour ces trajets souvent périlleux que Vivian a imaginé NeoNest : un petit nid de transport chauffant, simple d'usage et pensé pour les zones rurales. La priorité : maintenir le nouveau-né à la bonne température, autour de 37 degrés, pendant tout le trajet. Sa batterie tient plus de six heures, et le système envoie une alerte en cas de baisse de chaleur. « Ça, vous voyez, c'est le capteur de température sur le bébé qui nous donne sa température en temps réel », explique-t-elle. À l'intérieur, le couffin est ajusté pour absorber les secousses des routes en terre et protéger les bébés. « Le bébé doit être transporté de manière à ce qu'il ne remue pas, donc on peut vraiment ajuster le nid à la taille du bébé, et on a aussi des lanières, parce que NeoNest n'est pas conçu seulement pour les ambulances, mais aussi pour les motos, les vélos, ou même à pied », détaille Vivian Arinaitwe. Une invention saluée par la Royal Academy of Engineering Un dispositif fabriqué localement, à partir de plastique recyclé de bidons d'eau. Cette année, NeoNest a valu à Vivian d'être finaliste du Prix africain d'ingénierie décerné par la Royal Academy of Engineering. Le jury, présidé par l'entrepreneure camerounaise Rebecca Enonchong, a salué le potentiel de ce projet pour sauver des milliers de vies : « Il y a d'autres zones, on peut parler d'Asie, on peut parler d'autres zones en voie de développement qui pourraient bénéficier de cette technologie. Non seulement ça, mais l'innovation créée peut être appliquée différemment, c'est-à-dire comment utiliser moins de ressources. » Au-delà de l'invention, Vivian veut un modèle durable : chaque unité revient à environ 115 euros, pour un prix de vente d'un peu plus de 280. Son objectif : qu'au moins un NeoNest soit disponible dans chaque centre de santé du pays.

En cette fin de saison des pluies au Tchad, un clan de la tribu M'Bororo, une branche nomade de l'ethnie peul, s'est établi dans la brousse autour de la ville de Dourbali, à une centaine de kilomètres au sud de Ndjamena. Ils sont éleveurs de bétail et avant de commencer leur voyage vers le sud, ils fêtent le Guéréwol. De notre correspondante de retour de Dourbali, En ce mois d'octobre, la terre est gorgée d'eau et la transhumance débute avec la fin de la saison des pluies. C'est à quelques dizaines de kilomètres de Dourbali qu'un clan M'Bororo a choisi de s'établir. Gouda en est le chef : « Nous allons vers le Chari, certains vont au Cameroun, d'autres jusqu'en Centrafrique. Nous nous déplaçons derrière les pluies qui tombent et derrière les premières herbes qui poussent. Quand la saison des pluies se termine, ça devient rude par ici et le climat est trop sec, donc nous repartons vers le sud. » Avant de quitter la brousse pour aller vers le sud, le clan organise un Guéréwol, une célébration annuelle et un concours de beauté et de danse masculine qui doivent permettre d'attirer les femmes éligibles au mariage ou à l'amour. « Je m'appelle Ali, je suis éleveur de vaches et j'ai 31 ans, se présente l'un des candidats. On achète cette teinture dans le village et on la met sur le visage pour la danse. » Beauté, danse et choix amoureux Ali et les autres jeunes hommes du clan se maquillent le visage avec des pigments naturels couleur ocre. Cela permet de mettre en avant la finesse de leurs traits, mais surtout la blancheur de leurs dents et de leurs yeux, symboles de bonne santé. Bijoux, étoffes et coiffes colorés, les hommes se font beaux pour danser et chanter. Pendant plusieurs heures, ils se tiennent en ligne ou en cercle, et dansent au rythme de leurs chants. Ils claquent des dents, bougent les yeux de gauche à droite frénétiquement. Certains entrent en transe sous les yeux des juges, les femmes, qui, à la tombée de la nuit, vont choisir un époux ou un amant. Difficile de parler aux femmes, elles préfèrent rester discrètes. Alors, c'est Mokhtar, un proche du clan qui nous explique : « Les filles, depuis qu'elles sont petites, ont des amis garçons dont elles sont proches avec lesquels elles dansent et chantent. La cérémonie sert à choisir le futur partenaire. Une fois la cérémonie terminée et le choix arrêté, l'homme élu doit donner un bœuf et un franc symbolique pour la dot. C'est cet homme qui deviendra son mari. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'ils deviennent époux et que la fidélité commence. Si la femme n'est pas satisfaite, elle peut aller en chercher un autre lors d'une prochaine cérémonie. » Impossible d'assister au choix fait par les femmes ou même de savoir lequel des danseurs a été élu. Dès le lendemain matin, le clan et leur bétail prennent la route vers le sud.

Ils sont une dizaine de demandeurs d'asile regroupés au sein du collectif des Agriculteurs migrants de Rennes. Ils se sont rencontrés dans les centres de distributions alimentaires et dans des hébergements de fortune avant de se retrouver autour d'un projet agricole commun à Melesse à une quinzaine de kilomètres de Rennes dans le nord-ouest de la France. Une habitante leur a prêté un hectare de parcelle pour leur projet. Ces migrants originaires d'Afrique subsaharienne, notamment de la Côte d'Ivoire et du Cameroun, cultivent des fruits et des légumes qu'ils donnent à des associations comme les Restos du Cœur et le Secours populaire. De notre envoyée spéciale de retour de Rennes, Eddy-Valère Djonang Ngandjeu, originaire du Cameroun, est sans-papiers et n'a pas le droit de travailler. Pour s'occuper et ayant des connaissances dans l'agriculture, il a créé le collectif des Agriculteurs migrants de Rennes et lancé un projet avec d'autres personnes dans la même situation que lui. Ce matin, ils récoltent des poireaux, des poivrons et des potirons. Des légumes qui seront distribués aux bénéficiaires d'associations aidant les personnes en situation de précarité. « Lorsqu'on partait chercher à manger aux Restos du Cœur, on voyait que les Restos du Cœur et le Secours populaire partaient prendre les invendus dans les marchés pour nous les donner, se souvient Eddy-Valère Djonang Ngandjeu. On s'est demandés si on ne pouvait pas également travailler pour accompagner ces établissements alimentaires. Donc, voilà comment on s'est lancé. » Le collectif des Agriculteurs migrants de Rennes a donné gratuitement près d'une tonne de légumes au Secours populaire. Malgré le succès de cet essai, Eddy a parfois du mal à convaincre d'autres demandeurs d'asile de se joindre à eux : « Il y en a certains qui, en venant ici, pensaient que la France était un eldorado où tout se donne, où tout se ramasse. Ils ne cessent de nous dire qu'on ne peut pas laisser la terre pour venir la travailler ici. Mais si tout le monde faisaient comme eux, qui travaillerait la terre pour que les autres mangent ? » « Je veux continuer, c'est mon projet » Kassiri Gbeuli Ellogne travaille avec Eddy. Il souhaite continuer dans l'agriculture : « En Côte d'Ivoire, j'étais planteur, éleveur. Je n'ai pas changé, je veux continuer parce que je sais ce que la terre produit. Donc, j'ai eu de la chance d'avoir de la terre ici. Je veux continuer, c'est mon projet. » Pour que ce projet puisse être une réalité, le collectif Campagnes ouvertes et solidaires avait lancé un appel à la solidarité qui a fait effet selon Maxime, membre de ce mouvement citoyen : « Dans notre collectif, beaucoup sont à la Confédération paysanne, syndicat agricole. On a donc relayé le message. C'est comme ça qu'un paysan a répondu qu'il était prêt à prêter des terres à leur collectif. On a récolté du matériel dans une ferme pas très loin et on leur a amené. Et puis après, le bouche-à-oreille a fait qu'ils ont reçu des trucs au fur et à mesure. » Eddy Valère et ses camarades ont ouvert une cagnotte pour leur permettre de poursuivre ce projet agricole. À écouter aussiÀ la rencontre des agriculteurs migrants de Rennes

Rendez-vous incontournable de l'art contemporain en Tunisie, la biennale Dream City tient sa 10ᵉ édition à Tunis jusqu'au 19 octobre. Sa particularité ? Les artistes investissent des lieux de la Médina, une trentaine sont mis à leur disposition, une aubaine pour les habitants, mais aussi les visiteurs qui redécouvrent leur patrimoine. Cette édition consacre une grande place à l'art engagé dans l'actualité au Moyen-Orient et à l'artisanat tunisien. À Dar Mallouli, une bâtisse vieille de plusieurs siècles, le bourdonnement d'un bruit de drone envahit les lieux. In search of justice among the rubble, présenté par un collectif d'artistes libanais, retranscrit le quotidien du Liban bombardé par Israël entre octobre 2023 et novembre 2024. Un travail d'archivage et de cartographie qui a ému Aymen, jeune bénévole du festival Dream City. Cet étudiant en audiovisuel explique l'œuvre aux visiteurs : « La maison est en cours de rénovation pour illustrer les effets de la guerre. Le bruit du drone témoigne des attaques psychologiques qu'a menées Israël contre le Liban pendant un an, avec ce bourdonnement permanent des drones. Donc, on est complètement immergé dans le quotidien de la guerre à travers l'œuvre et le lieu. » Un lieu privé, objet de patrimoine et ouvert spécialement pour le Festival Dream City, une découverte pour Aymen : « C'est vraiment l'occasion pour moi de découvrir pleins d'endroits dans la Médina, cette maison n'était pas du tout accessible avant. D'ailleurs, je vois beaucoup d'étudiants en architecture qui viennent au festival juste pour visiter des lieux inédits de la Médina. » L'artisanat mis à l'honneur Alors qu'une averse frappe la Médina en plein milieu de la journée, la plupart des visiteurs se réfugient à la caserne El Attarine, autre lieu emblématique du festival où sont exposés plusieurs travaux d'artistes palestiniens et tunisiens. Fathi, 21 ans, un habitant de la Médina, arpente les lieux : « Pour moi, c'est un festival important pour la Médina, mais aussi parce qu'il présente des œuvres engagées. En tant que jeune, on suit tous les jours ce qu'il se passe à Gaza sur les réseaux sociaux, donc voir un regard à travers l'art, développer un regard critique, cela permet aussi d'avoir un autre point de vue. » Dans les salles du rez-de-chaussée, l'artisanat des potières de Sejnane a été mis à l'honneur. La gestuelle de ce savoir-faire ancestral inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco a été érigé au rang d'œuvre d'art par deux artistes tunisiens, une reconnaissance pour Lamia Saïdani, une potière de 34 ans qui a hérité cet art de sa grand-mère : « On a trouvé notre place dans ce festival, car ce n'est pas comme quand on va vendre les poteries à une foire. Ici, on vend à un prix fixe et les gens nous voient travailler vu qu'on anime un atelier et ils voient aussi l'œuvre artistique, donc on se sent valorisés. » Le festival qui expose des artistes africains et aborde aussi les luttes décoloniales ou encore le rapport à l'identité et mise sur un public jeune et de plus en plus diversifié à chaque édition. À lire aussiTunisie: la culture sur sable, une pratique ancienne qui tente de résister

C'est un chanteur traditionnel originaire de Bor, la capitale de l'État du Jonglei, à l'est du Nil. Thiong Lual Thiong, de son nom de scène Nyan Paleu est l'auteur de véritables tubes de la musique sud-soudanaise. Des morceaux qui ont accompagné l'accession à l'indépendance en 2011 et, avant, l'Accord de paix global de 2005 qui avait mis fin à 21 ans de guerre avec le régime de Khartoum. Artiste engagé en politique, le musicien ne renonce pas pour autant à sa carrière, il continue d'œuvrer à l'unité du Soudan du Sud. À lire aussiSoudan du Sud: à Juba, un gangster repenti crée une Académie de foot pour sortir les jeunes de la rue

La seconde édition du Forum Création Africa débute ce 16 octobre à Lagos. Porté désormais par MansA (la Maison des mondes africains), ce forum aspire à devenir le carrefour des nouvelles industries culturelles et créatives. De la création immersive - XR, jeux vidéo, réalité augmentée, innovation dans la mode - à l'édition trans-média (webtoons), en passant par la création audiovisuelle, les entreprises émergentes africaines de ces secteurs à fort potentiel vont croiser une multitude d'investisseurs, producteurs et créateurs dans la capitale économique du Nigeria. Car depuis une quinzaine d'années, Lagos se révèle être l'une des mégapoles africaines où se concentre le plus grand nombre d'entreprises culturelles, créatives et numériques au km². Pour aller plus loin : Forum Création Africa

Au Soudan du Sud, pays englué dans une grave crise politique et économique, la pauvreté progresse. Et presque mécaniquement, la criminalité des jeunes explose. À Juba, la capitale, les gangs de jeunes se multiplient. Source de subsistance pour des adolescents livrés à eux-mêmes, parfois même enfants des rues, ces gangs rendent la vie des habitants de plus en plus pénible, les vols et les agressions proliférants. Face à ce fléau, de rares initiatives se mettent en place. C'est notamment le cas dans le quartier de Sherikat, à l'est de la capitale sud-soudanaise, où un ancien gangster a créé une académie de foot, un précieux espace de bienveillance pour une jeunesse en dérive. De notre correspondante à Juba, Sur la grande esplanade du quartier de Sherikat, dans l'épaisse poussière soulevée par le vent, des centaines d'enfants et d'adolescents s'entraînent. Ils driblent, slaloment entre des cônes, disputent des mini-matchs. Les différentes équipes sont reconnaissables à la couleur de leur maillot. « Voici la Young Dream Football Academy. Nous travaillons avec les jeunes, la plupart viennent de la rue, et certains sont dans les gangs. » Alaak Akuei, 24 ans, que tout le monde appelle « Kuku », a créé cette académie de foot en 2018. C'était après avoir réussi à se sortir du gang qu'il avait rejoint en 2013, à son arrivée à Juba : « Les jeunes sont désœuvrés. C'est pour cela que beaucoup traînent dans la rue et finissent dans les gangs. Ce qu'il faut, c'est leur proposer des activités, pour qu'ils soient occupés et qu'ils ne décrochent pas de l'école. Le foot peut être très puissant pour lutter contre les gangs. » Sakaya Peter, travailleur social de l'ONG Gredo, qui travaille avec Kuku, pense aussi que le sport peut détourner les jeunes des gangs : « Ces jeunes recherchent un sentiment d'appartenance, le fait d'être aimés. C'est la principale raison pour laquelle ils rejoignent les gangs. Dans ces groupes, ils ne se contentent pas de s'amuser, de se battre ou de voler. Ils s'aiment profondément et se soucient les uns des autres. En les réunissant régulièrement autour d'activités sportives, on peut leur offrir ce même sentiment d'avoir des personnes auprès desquelles ils peuvent trouver du soutien. » Ces jeunes, « ils sont le futur de cette nation » Lorsque Kuku a décidé de créer cette académie, il a convaincu six autres amis gangsters de le suivre. Ils sont maintenant entraîneurs pour plus de 900 apprentis footballeurs. Emmanuel Aman Malual, 21 ans, est l'un de ces gangsters devenus coaches : « Les gangs ne nous apportent rien, on peut même mourir. À l'époque, quand on était dans le gang, on dormait à la rue, on buvait et on fumait. On a fait beaucoup de choses qui sont mal. Mais c'est possible de changer. Je suis désormais une personne différente, et je ne peux pas imaginer y retourner. Tout ce que je veux, c'est aider ces enfants, car ils sont le futur de cette nation. » Sur le côté du terrain, à l'ombre d'une véranda en tôle, une vingtaine de très jeunes garçons se chamaillent, ce sont des enfants des rues que Kuku tente d'aider. Parmi eux, John, 17 ans, est à la rue depuis 2017. Il a fui la violence de sa mère alcoolique : « Je veux jouer au foot et aller à l'école, et être hébergé dans un endroit agréable, où je puisse dormir, me changer, vivre normalement. » Kuku leur a déjà créé une équipe au sein de la Young Dream Football Academy, mais il tente aussi de rétablir le contact avec leurs familles.

C'est un haut lieu de l'âge d'or de la musique guinéenne. Son nom : La Paillote. Cet ancien centre culturel est situé sous le pont du 8-novembre, à l'entrée de Kaloum, en plein cœur de Conakry. Ce repaire des vétérans de la musique guinéenne, idéal pour se produire et répéter, est en piteux état depuis plus d'un an et menacé de disparition, même si rien n'est fait. À l'ombre d'un grand manguier, ils sont neufs, assis sur des chaises en plastique, à débattre d'un standard de la musique guinéenne. Chanteurs, guitaristes, joueurs de balafon... Tous sont des musiciens réputés. Et ils sont privés depuis un peu plus d'un an de leur salle de concert. « On ne voulait pas que vous le voyez comme ça, ce n'est pas notre volonté. C'est ici que la musique guinéenne a commencé », explique Ousmane Hervé Camara. Le chanteur du groupe mythique Keletigui et ses tambourounis nous guide dans ce qu'il reste de La Paillote, une structure en béton à ciel ouvert : « La Paillote, c'est notre nid, c'est notre bled. Il y a pleins de musiciens tout le temps qui sont là. On n'a pas d'autres endroits que celui-ci pour les anciens, les grands musiciens guinéens, c'est notre repaire. » Un repaire bien amoché. Sauvé in extremis des pelleteuses en août 2025, le bâtiment, désossé et sans toit, est inutilisable. Depuis un an, les musiciens ont donc dû se rapatrier dans un grand container de chantier mis à disposition par le ministère de la Culture de Guinée. Ce jour-là, c'est le groupe Émergence culturelle en Guinée forestière qui répète, comme tous les vendredis. Joseph Faranimino, surnommé Petit Jo, en est le chanteur. « Nous sommes dans des mauvaises conditions. Nous étions là, nous faisions nos répétitions au sein de la salle de La Paillotte. Tout se passait très bien. Mais actuellement, vous voyez comme c'est cassé. Aujourd'hui même, des gens sont venus mesurer, réparer », confie-t-il, inquiet. En août, c'est un autre monument de la nuit de Conakry qui a été rasé : le Bar-Dancing, voisin de La Paillote. Il y a deux ans, en janvier 2023, c'étaient les habitations des musiciens des orchestres nationaux guinéens qui ont été détruites. Lamine, doyen du groupe et percussionniste titulaire du mythique Bembeya Jazz, est dépité, mais veut croire à leur salut : « C'est dégueulasse, on n'a pas la force de s'opposer au gouvernement. On a toujours travaillé avec l'État. Nous tendons la main à notre gouvernement. La Paillote fait partie de ces choses qui nous permettent de travailler. » Il y a un an, l'espoir est venu du ministre de la Culture, Moussa Moïse Sylla, avec sa promesse de restaurer La Paillotte. Annoncés pour octobre, les travaux de restauration devraient commencer dans les prochains jours, espèrent les artistes, ce que confirme le ministère de la Culture. À lire aussiLe Guinéen Kaabi Kouyaté présente «Tribute to Kandia» en hommage à son père Sory Kandia Kouyaté

Au Congo-Brazzaville, le mariage coutumier n'est plus tout à fait ce qu'il était. Jadis célébré au domicile du père de la mariée, il se déroule désormais à Brazzaville, dans des salles louées spécialement ou dans les cours de certaines mairies. Une transformation qui n'est pas bien vue par tout le monde. Les parents de la mariée sont assis sur la droite et ceux du mari à gauche. La famille a loué cet espace situé derrière le CEG de la Liberté, dans le sixième arrondissement de Brazzaville, spécialement pour le mariage. L'ambiance a atteint son plus haut niveau quand la future épouse a fait son entrée en compagnie de jeunes danseuses, habillées en pagnes. William est loin d'apprécier cette tendance à la location de salles pour les mariages traditionnels au Congo-Brazzaville : « Les raisons sont très négatives, parce que là, nous perdons nos repères habituels, selon nos traditions, nos coutumes. Il y a beaucoup d'influence au niveau de la religion. Du coup, les coutumes commencent à perdre leur valeur. Nous déplorons ce comportement. Nous sommes des Bantous. » L'exiguïté des parcelles parentales et les difficultés liées aux voies d'accès sont d'autres raisons avancées. Mais elles sont loin de convaincre Julia, jeune femme de 29 ans. Pour elle, aucun lieu ne bénit plus le mariage que la maison des parents. « Personnellement, je ne soutiens pas trop cet avis d'aller se faire doter dans une salle louée, parce qu'aller se marier chez son père est une grande bénédiction. Donc, aller dans une salle de fête, peut-être pour le m'as-tu-vu, ça ne fait pas beau, selon moi », argumente-t-elle. La location d'une salle, un « surcoût important pour les mariés » Animateur de cérémonies coutumières, Sylver Bourangon, estime, lui, que la location de ces lieux se fait à des prix excessifs et représente un surcoût trop important pour les mariés : « Ces espaces ne sont pas nos villages, nos maisons, nos adresses personnelles. Ce sont des endroits en location. Étant des endroits en location, cela donne un coût de surplus sur la gibecière ou la bourse qu'a préparée le futur marié. L'espace que vous louez peut atteindre 300 000 francs CFA, soit 450 euros. Il peut y en avoir à 250 000 francs CFA, soit 381 euros par jour. On vous limite parfois des heures, parce qu'après vous, il y aurait d'autres activités qui vont s'y dérouler. » Selon le code la famille congolaise, le coût de la dot est fixé à 50 000 francs CFA, soit l'équivalent de 76 euros. Mais, d'après plusieurs témoignages concordants, les beaux-parents demandent largement plus que ce montant. À lire aussiCongo-Brazzaville: l'explosion du prix de la dot

En Côte d'Ivoire, 80 % des cours d'eaux, des lacs et des lagunes du pays seraient contaminées, en raison, entre autres, des déchets plastiques, de l'agriculture incontrôlée, ou encore de l'orpaillage. Reportage à Dimbokro, où l'état du N'Zi, l'une des plus importantes rivières du pays, suscite l'inquiétude depuis plusieurs années. De notre envoyé spécial à Dimbokro, Le soleil se lève sur le N'Zi. Une demi-douzaine de pêcheurs vident les nasses installées dans le méandre de la rivière. Matthieu sort de sa pirogue, la prise est décevante. Quelques silures frétillent dans le sac plastique au fond de son embarcation. « C'est devenu trop sale, ces temps-ci, il n'y a pas de poisson », regrette-t-il. Autrefois jugé limpide par les villageois alentours, le N'Zi a désormais la couleur de l'argile, surtout pendant la saison sèche. Et le poisson se fait plus rare. « C'est ce qu'on prend pour nourrir notre famille, quand c'est comme ça, ça ne nous arrange pas », ajoute Matthieu. Pour les pêcheurs comme Richard, les responsables sont connus. « C'est à cause des orpailleurs, les gens qui extraient de l'or, donc quand on vient, on ne trouve rien », affirme-t-il. D'après les riverains, les chercheurs d'or ratissent le lit du N'Zi à l'aide de dragues. Des monticules de graviers témoignent de leur passage. En contrebas du village de Kongossou, la berge est creusée. Loya ne veut plus nager dans la rivière. « Avant ici, on appelait ici la plage, mais aujourd'hui c'est plus la peine. Les gens des dragues ont gâté le N'Zi, ils ont fait leurs forages ici, se désole-t-il. C'est le gravier qu'ils ont sorti qui est là, c'est pour forer l'or. » Il y a la dégradation visible. L'eau boueuse est 200 fois plus trouble que la norme de limpidité. La société Sodeci la nettoie avec un floculant avant de pouvoir la distribuer vers Dimbokro. Mais il y a aussi une pollution invisible. Ces dernières années, des études scientifiques ont décelé entre autres des restes de cadmium et de mercure dans l'eau tout au long du N'Zi. Le mercure est un métal notamment utilisé pour l'amalgamation de l'or. La concentration de ces métaux lourds fluctue en fonction de la saison et du niveau de la rivière. Les dernières études en date montrent des niveaux inférieurs aux seuils de dangerosité établis par l'Organisation mondiale de la santé, mais leurs auteurs appellent à la vigilance. À lire aussiLa Côte d'Ivoire adhère à la convention des Nations unies sur l'eau Face à la pollution, les agents du ministère des Eaux et Forêts déguerpissent fréquemment les orpailleurs proches du N'Zi. Mais ce n'est pas suffisant pour le professeur Bernard Yapo, le patron du Ciapol, le centre ivoirien antipollution : « On arrête certains mais pas tout le monde, et le phénomène continue de s'amplifier. Mais il faut savoir que les populations elles-mêmes participent à ces activités d'orpaillage. Il faut vraiment impliquer les populations qui sont sur les cours d'eaux, c'est à elles de s'impliquer véritablement et de refuser que ce genre d'activités illégales s'implantent dans leur zone. » Pour Bernard Yapo, l'utilisation mal contrôlée d'engrais et de pesticides, les déchets et les rejets d'eaux usées dégradent également les rivières comme le N'Zi. Outre les conséquences sanitaires et environnementales, le directeur du Ciapol s'inquiète aussi de l'impact économique de la pollution des cours d'eau sur l'industrie. Une préoccupation qui contraste avec l'insouciance des écoliers de Dimbokro. Chaque après-midi, ils continuent de plonger tête la première malgré l'état notoirement connu de la rivière.« L'eau, elle est très sale. Très, très sale même ! », s'exclament-ils. Et quand on leur demande pourquoi ils continuent à se baigner dedans, ils répondent : « On est habitués à ça en fait, on est habitués à ça quoi. » À lire aussiCôte d'Ivoire: près de 185 cas de contamination liés à la pollution d'une mine d'or

Elle est l'une des priorités du gouvernement de Côte d'Ivoire : l'éducation. Dans un pays où plus de 40% de la population a moins de 18 ans, elle est en tout cas un enjeu de développement. Dans leur bilan des 15 dernières années, les autorités ivoiriennes mettent par exemple en avant la construction de plus de 600 nouveaux lycées et collèges publics, ainsi que des collèges de proximité. Les défis restent nombreux dans l'intérieur du pays, hors d'Abidjan, où les statistiques révèlent un taux de réussite au bac inférieur à 35% des inscrits à l'examen. Illustration au lycée moderne de Bocanda, dans une zone rurale du centre-est de la Côte d'Ivoire. De notre envoyé spécial à Bocanda, Chaque matin, une marée humaine déferle sur la route. Uniformes kakis, robes bleues et blanches, des centaines d'ados marchent jusqu'au lycée de Bocanda. Mais pour cette rentrée scolaire, cet élève de terminale ne traîne plus les pieds : « L'année passée, les bâtiments étaient endommagés, mais cette année, on constate un nouveau changement au niveau des bâtiments, des salles de classe, la cour du lycée même, ça nous plaît. » Car pendant les vacances, le lycée a été réhabilité, une première depuis sa création en 1978. Les classes sentent la peinture fraîche, les tables-bancs sont neuves, tout comme les tableaux. « Quand c'est beau, les enfants sont heureux de venir à l'école, ils sont heureux d'être là ! », se réjouit le proviseur, Doulaye Silué. Il supervise près de 3 500 élèves. Des chantiers, ce chef d'établissement en a d'autres dans le deuxième plus grand lycée de la région du N'Zi. Des défis persistants Il y a les classes très chargées : « Les sixièmes sont les plus nombreux, en moyenne, on peut avoir 60 à 65 élèves. » Il y a la pauvreté des familles : « La plupart de nos enfants viennent des villages environnants. Les parents n'ont pas les moyens comme ailleurs. » Et le manque de profs : « Les matières scientifiques, y a eu un manque. On ne peut pas laisser les enfants sans enseignants. » Célestin Koffi préside le Comité de gestion du lycée. Le Coges a pu recruter des vacataires cette année, mais ce parent d'élève assure avoir toujours connu des pénuries d'enseignants depuis 20 ans à Bocanda : « Quand vous passez trois ans sans avoir de professeur dans des matières spécifiques comme les mathématiques, l'anglais, même souvent le français, il va sans dire que c'est une formation au rabais qui a des conséquences à la fin du cycle : il y a beaucoup d'échec. » Un espoir fragile En 2025, le taux de réussite au baccalauréat était de 24% des inscrits – deux points de moins que la moyenne de la région du N'Zi. Des résultats en progrès relatifs. La direction régionale de l'éducation nationale entend « renforcer la pédagogie » pour améliorer les taux de réussite. Le problème est plus large pour le proviseur Doulaye Silué : « Il y a la pédagogie, et il y a l'environnement. Un enfant quand il vient à l'école, quant à midi il n'a pas eu à manger, imaginez un peu demain matin… C'est un tout pour que les enfants réussissent, qu'ils aient de bons résultats. »

Dans le nord du pays les femmes peinent encore à imposer leurs opinions et sont souvent reléguées au second plan, une injustice pour ces petites mains qui permettent à la société de fonctionner. En marge de cette élection présidentielle, quelques voix de femmes s'élèvent... Elles sont commerçantes, mères célibataires ou sont à la tête des associations qui militent pour l'épanouissement de la femme. Sous son hangar au marché palar Maman Didi vend les mets locaux, le lalo, folere, gubdo... Il y a quelques mois, les autorités de la ville de Maroua l'ont contraint de quitter son premier stand, pour l'installer dans ce secteur de la ville, où l'eau se fait rare. « Depuis qu'on nous a déplacé ici, au carrefour Para au marché du dimanche, nous manquons d'eau. Notamment en saison sèche où les difficultés d'accès à l'eau se multiplient, il y a qu'un seul puits ici et un particulier est en train de construire autour, si jamais il finit l'élévation, on aura plus d'eau ici, il n'y aura aucun point d'eau dans la zone. Il faut que les autorités regarde cette affaire d'eau et nous viennent en aide. Si on installe ne serait ce qu'une seule pompe, ça va nous aider », dit-elle. « Personne ne pense qu'il y a une mère célibataire quelque part qui souffre » À l'autre bout de la ville, au quartier Domayo une autre femme s'affaire à servir des clients. Longtemps au chômage, C'est grâce à une association que Nafi, à décroché ce travail de serveuse. En cette période de campagne, des militants s'arrêtent ici pour manger. La mère célibataire les écoute d'une oreille, car il n'y a pas place pour les femmes dans leur programme selon elle. « Je ne vois pas de candidat qui parle de questions de femmes. Chacun ne pense pas qu'à son intérêt personnel, surtout les hommes. Personne ne pense qu'il y a une femme quelque part qui souffre avec les enfants. Personne ne pense qu'il y a une mère célibataire quelque part qui souffre pour l'éducation des enfants, pour l'inscription des enfants à l'école, pour la nutrition des enfants. Personne ne pense à ça ». Esther, 28 ans, dirige l'association Perles du Sahel, qui aide les femmes à trouver du travail auprès des particuliers. Son combat : rendre les femmes et les jeunes filles du nord du pays autonomes. « On aimerait outiller vraiment la jeune fille, la femme. On aimerait que peut-être notre "woman weeks" où on fait la promotion de la femme, de ses œuvres, de son bien-être et de son leadership, qu'on puisse être en mesure de mobiliser encore plus qu'on ne le fait déjà » explique-t-elle. Esther en est consciente, le combat pour l'autonomisation de la jeune fille est encore long. Il faut entre autre lutter contre la sous scolarisation, les mariages précoces et plusieurs stéréotypes culturels qui limite grandement le potentiel des jeunes fille et femmes du septentrion.

La biennale Euro-Africa bat son plein du 6 au 12 octobre dans tous les recoins de Montpellier, ville dans le sud de la France, avec 130 événements dans de grandes institutions aux lieux les plus cachés de la ville. Restanque, nouveau tiers lieu culturel et artistique, accueille l'exposition de Bella Bah, artiste guinéen qui est arrivé en France par la route migratoire alors qu'il n'était pas majeur. Huit ans plus tard, il expose ses peintures et sérigraphies colorées toute la semaine. À lire aussiBiennale Euro-Africa: l'exposition «Mix and Match», quand le textile devient langage [1/2]

La biennale Euro-Africa de Montpellier, ce sont 130 événements : danse, musique, spectacles vivants, conférences littéraires, cinéma, sport, rendez-vous d'entreprises, mais ce sont aussi dix expositions. À la Halle Tropisme, c'est la Fondation béninoise Zinsou qui présente 25 artistes et une soixantaine d'œuvres de tout le continent africain dans l'exposition « Mix and Match ». Le fil directeur : le textile sous toutes ses formes. Reportage lors des derniers réglages avant le vernissage de l'exposition. Pour aller plus loin : L'exposition «Mix and match par Fondation Zinsou À lire aussiMarie-Cécile Zinsou, pionnière de l'art contemporain au Bénin

Retour sur un pan assez peu connu de l'histoire de la lutte contre l'apartheid : le combat pour développer le sport non ségrégué. Un mouvement de boycott sportif avait vu le jour, afin d'isoler Pretoria au niveau international et la faire exclure des organisations mondiales, mais à l'intérieur du pays, des clubs et des fédérations se sont aussi battus pour créer tout un écosystème sportif non racial parallèle, et un fonds tente de préserver cette histoire. De notre correspondante à Johannesburg, Les archives au sous-sol de l'université de Wits sont un vrai dédale, mais Ajit Gandabhai sait exactement où il se dirige : « Il y a une multitude de catégories, mais nous, on va vers la section sportive ». Ici se trouvent de précieuses ressources pour les historiens et les passionnés de sport. Une collection d'objets et de documents qui montrent que bien avant la fin de l'apartheid, les communautés noires, indiennes et métisses jouaient déjà au cricket, au rugby ou encore au tennis : « Là, ce sont des rapports financiers de clubs qui datent de 1973. Et ça, c'est le trophée de la compétition de cricket, seulement pour les fédérations non raciales, le vainqueur l'emportait avec lui », détaille Ajit Gandabhai. En 1964, l'Afrique du Sud est exclue des Jeux olympiques, puis six ans plus tard, de la Coupe du monde de foot. Le gouvernement prend alors des mesures cosmétiques pour présenter au monde une façade plus acceptable. Refusant toute compromission avec le régime, une organisation militante voit ainsi le jour ; la SACOS (South African Council of Sport). En plus d'orchestrer un boycott des équipes sud-africaines sur la scène internationale, des clubs et des fédérations parallèles ont été créés afin de promouvoir le sport non racial :« Le sport est devenu un terrain de choix pour combattre l'état ségrégationniste de façon non violente. Et nous avions le slogan suivant : " Pas de sport normal dans une société anormale ". C'est encore vrai aujourd'hui ». À lire aussiAfrique du Sud: Saha, des archives militantes pour comprendre la résistance quotidienne au régime d'apartheid [1/3] Ne pas oublier C'est pour que cette histoire ne s'oublie pas qu'un fonds d'archives a été créé, en 2014, par d'anciens militants et représentants d'organismes sportifs, dont Ajit Gandabhai : « Nous ne pouvons pas perdre la mémoire de ces gens qui ont sacrifié leur vie, qui ont été détenus par la police. Cette histoire doit être racontée, et pas seulement à partir de 1995 ». Comme les médias officiels, sous l'apartheid, ne couvraient pas ces compétitions, il a fallu se tourner vers des sources alternatives, des documents conservés par d'anciens joueurs ou passionnés. Et selon le secrétaire général du projet, Michael Kahn, il y a encore du travail : « Plusieurs sections ne sont pas encore bien documentées. Et en particulier en ce qui concerne le sport féminin, il y a des manques. Les femmes noires pratiquaient aussi du sport ! Dans des conditions vraiment difficiles ». Les responsables du fonds continuent leurs recherches, pour conserver ce pan d'histoire dans une société où l'accès au sport est encore loin d'être égalitaire entre les communautés. À lire aussi30 ans plus tard, l'ombre des crimes de l'apartheid continue de planer sur l'Afrique du Sud

En Centrafricaine, le cancer du sein reste largement méconnu. Pourtant, de nombreuses femmes en souffrent sans en avoir conscience, ne découvrant la maladie qu'à un stade critique, souvent trop tard pour une prise en charge efficace. Ces dernières années, le cancer du sein a causé de nombreux décès parmi les femmes du pays. C'est dans ce contexte alarmant que Mylène Limbio, elle-même ancienne patiente atteinte de cette maladie, a décidé de fonder l'association Ô Fil des Femmes. Son objectif pour lutter concrètement contre cette maladie : sensibiliser la population, informer les femmes sur les risques, les symptômes et l'importance du dépistage précoce. La chambre 12 de l'hôpital général de Bangui est baignée d'une lumière douce. Docteur Clémence Sylvie Djabanga, cheffe du service de cancérologie, s'approche du lit où repose une patiente récemment diagnostiquée. Tout comme les autres malades, son état est critique. « Tout revient à la consultation tardive. Quand elles viennent, la maladie est déjà avancée. Le cancer envahit les poumons, envahit le foie et les os. Donc, il y a déjà des complications. Quand c'est comme ça, ce n'est plus la guérison qu'on recherche, mais un meilleur mode de vie pour améliorer le confort de vie de la patiente, pour attendre son dernier jour. C'est rare que je suive une femme pendant deux, trois ans. Elles succombent toujours avant », commente le docteur. Assise dans un fauteuil en rotin, à l'intérieur de son restaurant, Mylène Limbio a eu la vie sauve grâce à une auto-palpation. Elle explique : « J'ai ressenti des boules et j'ai commencé à avoir des doutes. J'ai aussitôt fait des examens et on m'a diagnostiqué un cancer du sein. J'ai eu ma première opération le 20 juillet 2020. Quand on subit une ablation, oui, c'est un choc, mais c'était nécessaire. Quand on a un moral d'acier, on se bat pour avancer, être accompagnée, avoir un but. C'est ce qui m'a permis d'être là aujourd'hui devant vous. » Chaque semaine, l'hôpital général de Bangui reçoit au moins deux à trois cas diagnostiqués positifs au cancer du sein, parmi lesquels des hommes. Pour prévenir cette maladie qui gagne du terrain, Mylène Limbio a créé en 2021 une association baptisée : Ô fil des femmes. À lire aussiEn Centrafrique, une association tente de sensibiliser sur le cancer du sein « Le cancer du sein est un sujet assez tabou en Centrafrique. On n'en parlait pas beaucoup. Le cancer, c'est une maladie qui peut se soigner si elle est prise en charge à temps. Il faut en parler. Continuer à sensibiliser. Cette année, nous avons travaillé avec beaucoup de bénévoles, de femmes dynamiques et disponibles. Nous allons nous battre pour offrir des chimiothérapies et aider le plus possible nos sœurs », affirme Mylène Limbio. Diagnostiquée positive en 2022, Raymonde Sadetoua, continue les traitements avec beaucoup de difficultés. « Le médecin m'a dit que je dois suivre le traitement jusqu'à cinq ans. C'est difficile par rapport au coût des médicaments. Les médicaments sont très chers. À l'hôpital, la chimiothérapie coûte 154 000 francs CFA tous les 21 jours. C'est avec les efforts de mes parents et par la grâce de Dieu que je m'en sors petit à petit. » En Centrafrique, les médicaments contre le cancer du sein sont rares. En raison de l'absence d'infrastructures adaptées, certains malades vont suivre un traitement à l'étranger, sur fonds propres. Restés au pays, de nombreux patients en meurent, faute de moyens suffisants. À lire aussiOctobre rose : prise en charge du cancer du sein

La Guinée a fêté cette semaine l'anniversaire de son indépendance. L'occasion pour nous d'un gros plan sur l'un des joyaux de la Première République de Guinée, l'imprimerie nationale Patrice Lumumba. Cette imprimerie, créée fin 1961, était située à Coléah dans la commune de Matam, à Conakry. Nommée en hommage à Patrice Emery Lumumba, le Premier ministre congolais assassiné en 1961, et figure emblématique du panafricanisme, elle était sans équivalent dans la sous-région et représentait pour la Guinée, un symbole de souveraineté nationale. Mais ce géant est aujourd'hui tombé. De notre correspondant à Conakry, C'est avec l'assistance technique d'experts est-allemands que l'Imprimerie a été construite. Elle a permis à la Guinée d'imprimer de nombreuses revues, des livres, mais aussi de produire des cahiers et des documents administratifs officiels. Alpha Cissoko, un ingénieur en imprimerie passionné par l'histoire de ce lieu, est nostalgique : « Cette imprimerie a représenté la fierté de la Guinée. Le souci majeur des dirigeants d'alors, c'était de sortir la Guinée de l'obscurantisme et de donner la possibilité à tout Guinéen, de se former. Il y a eu une campagne d'alphabétisation. Au cours de cette campagne, certains manuels ont été rédigés dans toutes les langues nationales parlées en Guinée. Ces brochures-là et ces livres ont été distribués dans tout le pays et les jeunes élèves apprenaient ça à l'école primaire et commençaient avec le français, surement au collège ». L'Imprimerie Patrice Lumumba était un véritable lieu de vie, avec notamment un réfectoire qui pouvait devenir salle de répétition ou de spectacle. Antoine Sylla, employé de l'imprimerie, se souvient : « C'était la grande salle de spectacle de la commune de Matam, où l'ensemble instrumental faisait ses répétitions et le spectacle de la commune ». Production emblématique de l'imprimerie : les tomes regroupant les discours et les conférences du premier président, Ahmed Sékou Touré. La fabrication de certains tomes a été soumise à une discipline particulière, notamment le « Livre blanc » qui rassemblait les « confessions » enregistrées après l'attaque du 22 novembre 1970. Antoine Sylla raconte : « Pendant l'impression de ce tome, personne ne sortait jusqu'à la fin de cette impression, pour ne pas qu'il y ait de fuites du "Livre blanc". Le président Ahmed Sékou Touré, lui-même, venait à partir de minuit pour les corrections et restait jusqu'à cinq heures du matin. » Le site de cette imprimerie à Coléah a d'abord été privatisé au milieu des années 1990, puis a réintégré en 2022 le patrimoine de l'État. Il est fermé et désormais à l'abandon. À lire aussiGuinée: l'imprimerie «Patrice Lumumba», trésor oublié de la Première République

Du 27 septembre au 9 octobre se déroule la quatrième édition du Festival Pianos de Kinshasa. Il met en lumière des compositeurs congolais et internationaux et se donne surtout un objectif : rendre accessibles les concerts de piano à tous les Kinois. Reportage de notre correspondante à Kinshasa, Dans ce bar du centre de Kinshasa, les notes de piano se mélangent au brouhaha de la ville et aux klaxons des voitures. Un concert est organisé dans la rue. Divin Kaskayenga, producteur, confie : « Nous sommes sur la route 24. La 24, c'est une artère animée. Nous avons l'habitude d'être remplis de chaises et de tables pour boire, mais là, au milieu de toutes ces tables et chaises, il y a un piano, et c'est une chose à laquelle les gens n'ont pas habitué de voir. » Au clavier, il y a David Clément, pianiste professionnel. Son répertoire va au-delà de la musique classique pour proposer des rythmes rumba : « Le piano a la capacité de faire tout. C'est un instrument de musique qui n'est pas limité, il peut faire toutes sortes de musique. Ici, la concentration, c'est très difficile parce qu'il y a toute l'ambiance de Kinshasa. Tu joues et puis, tu entends les gens siffler, tu entends les gens crier, tu entends les gens parler... C'est pas du tout facile pour être vraiment concentré. » Casser les codes Quand viennent les premières compositions congolaises, Cherubin ne peut s'empêcher de bondir de sa chaise : « Ça, c'est du mutuashi, c'est ''Mamu nationale''. Tshala Muana, une grande dame, ça nous plaît ! Voilà ! » Il poursuit : « C'est ma toute première fois, de voir un piano comme ça, parce que, d'habitude, nous voyons des jeunes avec la guitare. Mais avec cette initiative, nous avons vu les gens en train de jouer avec les pianos. » Faire découvrir un instrument perçu comme élitiste, c'est l'objectif du Festival Pianos Kinshasa. Olga Piton, l'une des organisatrices de l'événement, explique : « Ça reste un instrument que peut-être on a l'habitude de voir dans des situations plus formelles. Mais ici, ça devient informel. Et pour nous, c'était très important de démystifier un petit peu l'instrument en soi. L'intérêt, c'est aussi de mettre tout le monde ensemble et voir comment, à Kinshasa, tout peut se fusionner. Des ambassadeurs qui viennent à côté des enfants qui vendent des cigarettes... Ça réfléchit aussi complètement l'âme de Kinshasa. » Une fusion réussie pour ce festival qui déborde d'énergie.

Ce mercredi 1er octobre, c'est la rentrée scolaire pour les écoliers, collégiens, lycéens et étudiants au Tchad. Mais certains n'ont pas eu droit aux vacances : ce sont les élèves des écoles coraniques, appelés Mouhadjirines dans le pays. Souvent, ils viennent de très loin, quittent leur famille et rejoignent une école coranique. La plupart ont recours à la mendicité pour payer l'accès à cette école. Pour offrir un meilleur encadrement et une meilleure intégration à ces Mouhadjirines, ainsi que des perspectives, le Secours islamique France (SIF) a lancé le programme pilote « Tawde ». Il est présent dans l'ouest du pays, dans la région du lac, mais aussi à Ndjamena, dans sept écoles coraniques. C'est l'heure de la pause pour Yacoub et ses camarades. Il n'a que 15 ans, mais il étudie dans cette école coranique depuis ses deux ans : « Tôt le matin, on a le cours coranique, et vers 8 heures, on passe au cours séculier. Mais je suis encore obligé de mendier. Ça me permet de me nourrir, sinon je ne trouve pas toujours de quoi manger. Et tous les vendredis, je verse 100 FCFA à l'école coranique. » Plus tard, Yacoub rêve de trouver un travail. Il aimerait intégrer un bureau de l'administration tchadienne. Pour les accompagner dans leurs projets, plusieurs professeurs du SIF enseignent le français, par exemple, mais des activités créatives et ludiques sont aussi prévues. Elles sont assurées par Djibril Hissène Mouhammad, l'animateur communautaire : « Les enfants aussi ont besoin de temps pour s'amuser. On a tous été à l'école. Et on a été à l'école coranique. Moi, j'ai fait la mendicité pendant trois ans, avant de regagner l'école. Et aujourd'hui, je travaille. Et il y a tant de milliers d'exemples dans le pays. » À écouter aussiTchad: comment améliorer la prise en charge des enfants des écoles coraniques? Tous les jours, au moment des cours séculiers, des repas et des encas sont distribués : « On a mis des intrants alimentaires à leur disposition pour qu'ils aient de quoi se nourrir. Au lieu de mendier, ils apprennent ici et, en même temps, ils ont de quoi à manger. » Impliquer la communauté pour mieux intégrer les enfants Autre élément pris en compte par le SIF : l'intégration au sein de la communauté du quartier. Lassine Doumbia, coordinateur programme au sein du SIF : « Le programme a mis en place pas mal de petits comités communautaires. Ouvrir la gestion de l'école à la communauté d'accueil facilite l'acceptation de l'école et l'acceptation des enfants. Dans la majeure partie des cas, l'exclusion de ces enfants est liée au fait que les gens ne comprennent pas trop leur mode de vie pour se nourrir – généralement, la mendicité. Tout ceci, on y travaille par des sensibilisations qu'on donne au prorata à des personnes qui sont de la communauté. » Le programme « Tawde » est encore un projet pilote, mais déjà plus 2 000 enfants en bénéficient. Objectif : réussir à intégrer les écoles coraniques dans le système éducatif formel. À écouter aussiLe Tchad face au fléau des enfants mendiants

En RDC, à la frontière avec la Zambie, environ 700 femmes de Kasumbalesa assurent le transport manuel des marchandises des petits commerçants. On les appelle les femmes « wowo ». Si leur travail est vital pour l'économie locale, il se fait dans la précarité et sous la menace permanente de violences. De notre correspondante de retour de Kasumbalesa, Dès le matin, les femmes « wowo », chargées de sacs de farine, de packs de biscuits, de lots de boissons sucrées pesant parfois de plus de 30 kilos, sont dans le couloir piétonnier de Kasumbalesa et dans la zone neutre. Un sac sur sa tête, Anto vient de braver les différentes barrières du couloir : « Il y a trois barrières. À la sortie de la Zambie, je paye 500 francs congolais. Au couloir, je donne 1 000 francs congolais et un peu plus loin, je débourse encore 1 000 francs congolais. Une fois en dehors du couloir, d'autres agents des services publics nous attendent. Des fois, je négocie avec eux et ils me laissent passer. » Des attouchements et des humiliations Au-delà de ces tracasseries, certaines femmes subissent des violences verbales de la part des agents publics. Jacquie, jeune femme veuve, rencontrée à la sortie du couloir piétonnier, témoigne : « On m'insulte souvent. Ces agents me disent. Pourquoi es-tu ici ? Où est ton mari ? Est-il incapable de te nourrir ? Bon, je n'en ai rien à faire, on supporte parce qu'ils ne connaissent pas ma situation. » D'autres subissent même des agressions sexuelles, déclare Régine Mbuyi, une autre femme « wowo » : « Lorsqu'un agent m'interpelle parfois, il me demande des faveurs sexuelles pour laisser passer la marchandise. Il arrive également que pendant la fouille, ces agents se permettent des attouchements jusque sur les parties intimes. C'est humiliant… » Les femmes « wowo » de Kasumbalesa n'ont aucune protection sociale ni de recours légal. L'Association des femmes actives dans le commerce transfrontalier (AFACT) dénonce une situation alarmante. Solange Masengo est la présidente : « Dans la zone de la Comesa, le Marché commun de l'Afrique orientale et australe, nous voyons les femmes assurer le transport transfrontalier sans problème. Mais ici, chez nous, ces femmes discriminées, elles sont chassées. Il y a des filles qui ont été humiliées et déshabillées, et nous avons des preuves. On a aussi des femmes qui ont été fouettées publiquement. Lorsque l'association veut intervenir, on nous demande de laisser la situation comme ça. Pourquoi la femme ne peut pas faire un travail de son choix ? » Pour l'heure, nous n'avons pas réussi à avoir la réaction du maire de Kasumbalesa et même du sous-directeur de la douane. Les femmes « wowo » quant à elles, continuent de porter le commerce frontalier sur leurs épaules malgré la fatigue et les humiliations. À lire aussiFemmes «wowo», ces forces invisibles du commerce transfrontalier entre la RDC et la Zambie [1/2]

À Kasumbalesa, à la frontière entre la Zambie et la RDC, se vit un trafic parallèle, loin des grands camions et des formalités douanières. Chaque jour, plusieurs centaines de femmes congolaises transportent sur leur tête, ou leur dos, des marchandises pour traverser la frontière Zambienne. On appelle ces femmes « wowo », en référence aux camions chinois de la même marque. Notre correspondante a suivi quelques-unes de ces femmes. De notre correspondante de retour de Kasumbalesa, À Kasumbalesa, deuxième poste frontalier plus important de la RDC, elles sont là, à quelques mètres des files interminables de camions : des femmes portant de lourdes charges sur la tête et le dos, qui franchissent le couloir piétonnier. Ce sont les femmes « wowo » raconte avec sourire Alphonsine, l'une d'elles : « Je suis en mesure de faire passer la charge de tout un camion. Nous sommes les mamans "wowo", c'est l'image des camions qui transportent des charges importantes. Nous travaillons en équipe. S'il faut décharger le camion, nous le faisons et puis nous transportons la cargaison jusqu'à la destination au Congo, selon les instructions du propriétaire. » Selon l'association des femmes actives dans le commerce transfrontalier, elles sont près de sept cents, tous âges confondus, qui exercent ce métier. Les petits commerçants, eux, ne s'affichent pas dès qu'ils confient la marchandise aux femmes « wowo ». Témoignage de Régine Mbuyi, une autre transporteuse : « Le petit commerçant vient acheter toute sorte d'articles, du jus, de la farine de froment, de l'huile végétale… Il me sollicite pour faire traverser ces produits. S'il est de bonne foi, il me donne aussi l'argent pour payer la douane et d'autres services publics. Mais s'il n'a rien, je dois me débrouiller. » À la sortie de la frontière côté congolais, quatre femmes arrivent chacune avec cinq packs de boisson sucrée d'environ 30 kg sur sa tête. Coût de transport, 1 500 francs congolais par course, soit moins d'un dollar. La recette journalière de chacune est de près de 5 dollars. Ces femmes doivent transporter environ une tonne. Pour y arriver, c'est la course contre-la-montre, explique Keren pendant qu'elle range les packs : « Chacune de nous a une quantité qu'elle doit transporter. Moi, j'ai 25 packs. Le commerçant a acheté 100, ce n'est pas beaucoup. Bon, on y va pour la dernière course. » Les services de douanes, quant à eux, ne voient pas d'un bon œil cette activité des femmes, car elle favoriserait un manque à gagner quotidien de près de 3 000 dollars. Pour Malaxe Luhanga, président des petits transporteurs transfrontaliers, il faut formaliser cette activité : « On peut appliquer le système de groupage selon la catégorie des marchandises et qu'elles soient taxées officiellement. On peut adopter ce système qui est admis par les pays membres du Comesa pour faciliter les transactions et la taxation par les services publics. » En attendant, des centaines des femmes « wowo » de Kasumbalesa poursuivent leur activité de manière informelle. À lire aussiLa frontière entre la Zambie et la RDC rouvre après plusieurs jours de fermetures

En Guinée, plus d'un an après le procès des accusés du massacre du 28 septembre 2009, et ce verdict historique qui a vu la condamnation de huit personnes, dont l'ex-président Moussa Dadis Camara à vingt ans de prison pour crimes contre l'humanité, les familles de victimes réclament d'urgence l'ouverture du procès en appel. Pour l'heure, seuls 334 sur plus de 700 victimes recensées ont été indemnisés, tandis que le principal accusé Dadis Camara a bénéficié d'une grâce et a quitté le pays. Notre correspondante s'est rendue dans les locaux de l'association des Victimes Parents et Amis du massacre du 28 septembre 2009, à Conakry. De notre correspondante en Guinée, Plongée dans le jugement du 31 juillet 2024, un document de près de trois cents pages. Asmaou Diallo, qui dirige l'Association des Victimes Parents et Amis du massacre du 28 septembre 2009, est perplexe. Sur les près de 800 victimes recensées, et qui se sont portées partie civile au procès, moins de la moitié a obtenu un droit à réparation.« Je vois les victimes qui ne sont pas prises en compte m'appeler à longueur de journée, me dire : "Qu'est-ce qu'on va faire ?". Je réponds d'abord, moi-même, mon fils n'a pas été pris en compte dans le processus. On se demande : est-ce que maintenant, après les 334, est-ce qu'il y aura une continuité pour les victimes qui ne sont pas prises en compte ? », réagit Asmaou Diallo. Asmaou, qui a perdu son fils en ce jour terrible du 28 septembre 2009, comme les autres familles de victimes, a donc interjeté appel, pour que la justice réexamine les cas des victimes oubliées. Mais plus d'un an après, rien, elle s'inquiète, d'autant plus depuis la grâce accordée en mars 2025 au principal coupable, l'ex-président Moussa Dadis Camara. À lire aussiGuinée: deux mois après la grâce de Moussa Dadis Camara, une mission de la CPI à Conakry « J'ai été dévastée par la nouvelle de sa grâce au point de tomber malade » Aïcha qui fait partie des 109 femmes reconnues victimes de viol, et qui a obtenu réparation de la part de la justice guinéenne, se souvient exactement de ce qu'elle a ressenti le 28 mars 2025, jour de la libération de Dadis : « J'ai été dévastée par la nouvelle de sa grâce au point de tomber malade, et depuis je ne me sens plus en sécurité, car une personne m'a appelée de Kankan et m'a dit qu'elle m'avait reconnue sur une photo. Elle m'a menacée, depuis je suis terrifiée par la libération de Dadis Camara. » Souleyman, blessé le 28 septembre 2009, est également membre de l'association qui vient en aide aux victimes, confirme ce sentiment d'une justice restée à mi-chemin : « La justice avait commencé d'une bonne manière, jusqu'à la condamnation, tout le monde était content. La libération de Dadis Camara, a été un coup de massue qui est tombée comme un couperet sur la tête des victimes. Cela a vraiment changé le visage de la justice. Les autres victimes, qui attendent l'appel pour être indemnisées, maintenant, on ne sait pas s'il y aura même cet appel avec la libération du principal auteur. » Du côté du ministère de la Justice, on se veut rassurant. Un procès connexe après l'inculpation de quatre nouveaux accusés l'année dernière doit s'ouvrir prochainement. Aucune date n'a pour l'heure été rendue publique. À lire aussiProcès du massacre du 28 septembre 2009 en Guinée: vérités judiciaires et zones d'ombres

Depuis le 18 septembre, de jeunes auteurs de bande dessinée, illustrateurs et animateurs présentent leurs œuvres à l'Institut français d'Abidjan. Une initiative du collectif nouveau-né, Lumia, l'Union des Métiers de l'Illustration et de l'Animation. Et une vitrine nécessaire, dans un secteur encore balbutiant, où les opportunités d'édition manquent. Reportage de notre correspondante à Abidjan, Les expositions ne sont pas rares à Abidjan. Mais celles consacrées à la bande dessinée, beaucoup plus. Pendant un mois, une vingtaine de jeunes artistes présentent des illustrations grand format, des planches de BD et même de courts films d'animation diffusés sur des écrans. À l'initiative du projet, l'illustrateur Nandy D. Diabaté, auteur de BD et directeur artistique des studios d'animation Bouya : « Le but est de faire voir leur talent, puisqu'ils sont hyper-talentueux, et de montrer ce que les jeunes font aujourd'hui : quelles sont les tendances, quels sont les styles graphiques qui dominent ? Créer une connexion entre eux, des éditeurs, des studios d'animation, pour qu'ils comprennent que c'est ce qu'il faut là, maintenant, à la Côte d'Ivoire, ce type de création. Il ne faudrait pas qu'on soit en retard sur notre temps, parce qu'on a déjà beaucoup de retard dans ces métiers-là. En vrai, en Côte d'Ivoire, on n'en vit pas. » La Côte d'Ivoire ne compte aucune maison d'édition de bande dessinée à proprement parler, regrette l'un des exposants, Stéphane Guy Lago, illustrateur et graphiste : « Il n'y a pas une industrie de la bande dessinée ici, donc il y a beaucoup à faire. Il y a beaucoup d'appréhension à imprimer de la bande dessinée ici, à éditer de la bande dessinée. Les maisons d'édition ne maîtrisent pas assez le marché ivoirien, en fait. On a vu plusieurs œuvres éditées, sans citer de nom, qui n'ont pas eu le succès qu'elles méritaient, parce qu'il n'y avait pas la bonne stratégie. » « On veut vraiment avoir des histoires qui nous ressemblent » Pourtant, la demande locale est là, insiste Polver, un autre exposant, illustrateur et auteur de BD : « Les gens se sont mis à consommer des produits qui venaient de l'étranger, parce que si tu es fan de bande dessinée en Côte d'Ivoire, et que tu n'as pas de bandes dessinées ivoiriennes, tu vas acheter peut-être des mangas, ou des webtoons, ou des comics. Ce qu'on a compris, c'est qu'il y a bien un marché qui existe. C'est juste qu'il n'y avait pas encore de produit adapté. On aime ça, mais on n'en a pas assez. Donc c'est l'occasion d'en faire ! » Le collectif Lumia prépare justement le lancement d'un magazine en auto-édition, Case 225. Un bimensuel, qui où seront publiées uniquement des BD écrites par et pour les Ivoiriens. Bilhal Ouattara, responsable marketing aux studios Bouya, et auteur de BD lui aussi : « On veut vraiment avoir des histoires qui nous ressemblent. Je travaille beaucoup sur des histoires traditionnelles, ou des histoires qui s'inspirent du folklore ivoirien. Parce que je trouve que sur le plan culturel, on n'a pas assez de représentation. Moi, ma BD dans Case 225 va parler des Gouros et de leurs alliés. Donc, on va faire de notre mieux pour montrer aux gens qu'il y a de l'intérêt, c'est juste que les histoires et les dessins n'étaient pas adaptés. » Lumia ambitionne de publier le premier numéro de Case 225 début 2026. En attendant, l'exposition Impact Frame restera visible à l'Institut français jusqu'au 18 octobre. À lire aussiCôte d'Ivoire: le dessin de presse face aux fake news, lors du Festival Cocobulles

Au Congo-Brazzaville, la mode revient à une peau sans éclaircissant. Il y a plusieurs années, les jeunes étaient tentés de se faire blanchir l'épiderme à l'aide de produits. La pratique a largement reculé ces derniers temps, à cause, notamment, des conséquences de ces produits, mais aussi parce que la tendance est à la beauté naturelle aujourd'hui. Reportage de notre correspondant à Brazzaville, Il est midi. Nous sommes devant l'école des beaux-arts de Moukoundzi Ngouaka, dans le premier arrondissement de Brazzaville. Son sac accroché au dos, Alioty, la quarantaine révolue, marche, en pensant à ce phénomène de blanchiment de la peau. Il se rappelle de ses origines. « Ce phénomène, on le constatait davantage avec les gens de la diaspora. C'est surtout ceux de la diaspora, quand ils revenaient, ils se blanchissaient la peau », témoigne-t-il. Les jeunes filles et les garçons restés au pays, à Brazzaville et dans l'intérieur du pays, ont pris le relais, en enduisant leurs visages de différents produits. Pour le sociologue Éric Aimé Kouizoulou, la pratique d'éclaircissement de la peau vient de loin : « Ce sont les effets psychologiques qu'a eus la colonisation sur les colonisés que nous sommes. On nous a poussés à penser que la peau blanche était la meilleure », affirme-t-il. Au fil du temps, les produits et autres pommades utilisés ont pourtant eu des effets néfastes : certains hommes ou certaines femmes ont déclenché des cancers de la peau ou ont vu apparaître des taches indélébiles sur leur visage. Jadis habitué de ces produits, Didier Clotaire, fonctionnaire, a préféré renoncer par précaution : « Parce que j'ai vu les conséquences. Tu peux être malade facilement. Tu peux attraper une sale maladie de la peau. Ça détruit la peau et ça pousse quelqu'un à vieillir, avec le soleil. Il y a beaucoup de conséquences. Ça n'est pas bien de faire cela. On doit rester tel qu'on est », argumente-t-il. Chimène, 25 ans, prodigue conseils et met en garde les uns et les autres : « Je leur conseille de ne pas se décaper [la peau]. Mais, s'ils se décapent, quand ils vont devenir "bizarres", ça leur regarde » lance-t-elle. Du bio pur, du mixa ou du coco pur sont autant de laits mis par les jeunes congolais, pour maintenir leur teint. Observateur de l'évolution de la beauté congolaise, Bazin Mboungou parle d'un retour à l'authenticité : « Cette fois-ci, nous remarquons que les jeunes filles et les jeunes garçons reviennent à leur peau d'origine, de naissance. La peau de leur race. C'est encourageant, le retour à l'originalité. Il n'y a pas de race au-dessus d'une autre », analyse-t-il. Cela fait au moins une dizaine d'années que l'usage des produits éclaircissants a diminué à Brazzaville. À lire aussiDépigmentation volontaire, une mode dangereuse