Nos correspondants et envoyés spéciaux sur le continent africain vous proposent chaque jour en deux minutes une photographie sonore d'un événement d'actualité ou de la vie de tous les jours. Ils vous emmènent dans les quartiers ou dans les campagnes pour vous faire découvrir l'Afrique au jour le jo…
En République démocratique du Congo, dans le territoire de Mahagi, à l'est du pays, le paludisme est endémique. C'est pourquoi l'ONG Médecins sans frontières étudie les moustiques depuis 2020 dans la zone de santé d'Angumu. L'objectif ? Mieux les connaître pour adapter les mesures pour lutter contre la maladie. Une maladie qui reste l'une des premières causes de mortalité dans la région, notamment infantile. De notre envoyée spéciale de retour de Angumu. À lire aussiRDC: à Angumu, l'unique service de la région qui soigne les troubles mentaux
Dans cette zone montagneuse et enclavée, sur les rives du Lac Albert qui fait frontière entre la RDC et l'Ouganda, un seul hôpital soutenu par l'ONG Médecins sans frontières, à Angumu, prend en charge les patients qui souffrent de troubles mentaux. Dans cette région, les besoins sont pourtant colossaux. La région, où aucun groupe armé n'a jamais attaqué grâce à la rivière Kakoye que les habitants disent magique, accueille des dizaines de milliers de déplacés. De notre envoyée spéciale de retour de Angumu, « Moi, je suis Emmanuel Umerambe Watum, je suis superviseur des activités santé mentale. » Ce psychologue clinicien de formation nous fait faire le tour du service de psychiatrie : « Cette salle, c'est pour observer les malades. Il y a un malade que nous avons récupéré pour l'amener l'hôpital, car il était enchaîné. Ça fait aujourd'hui trois semaines qu'il est chez nous et nous avons pu le déchaîner. » Si la famille de ce malade l'a enchaîné pendant 16 ans, c'est parce qu'aucun centre spécialisé n'existait dans la région avant 2022, date de l'ouverture de ce service. Roseline amène son frère pour la troisième fois. « Tout a commencé par des troubles de la parole. Mon frère a commencé à dire "il y a des gens qui me poursuivent". Après, il a voulu tuer sa fille aînée, il a voulu l'égorger. Les gens qui étaient là ont réussi à sauver cet enfant. Et après, il s'en est pris à une chèvre et il l'a découpée en morceaux avant de la jeter dans la brousse. » Tous les cas ne sont pas aussi sévères. Certains souffrent de dépressions ou de troubles chroniques, liés notamment à des traumatismes. L'hôpital se situe à proximité de zones en conflit et la région accueille de nombreux déplacés, rappelle-le docteur Françoise Bema, directrice de l'hôpital : « Nous avons suivi des formations dans ce domaine, et nous avons des capacités. Il n'y a pas moins de 200 malades actuellement et c'est MSF qui nous aide pour les médicaments. Et après le départ de MSF, comment se fera l'approvisionnement des médicaments ? Parce qu'il y a encore la guerre et la population n'est pas encore en mesure de se prendre en charge. Alors leur demander d'acheter les médicaments, ce sera difficile. On craint que beaucoup de patients arrêtent leur traitement. » Selon le ministère de la Santé, au moins 20 millions de Congolais souffraient en 2023 de problèmes de santé mentale. À lire aussiEn Ituri, les fantômes du passé resurgissent
Focus sur la lutte contre le trafic de drogue. En Côte d'Ivoire, le trafic et la consommation de cannabis restent le fléau le plus important. Sur le terrain, les agents de police mènent des actions de sensibilisation, mais aussi de contrôle : ils détruisent régulièrement des fumoirs et saisissent de la drogue dans les principaux points de passage : aux frontières, à l'aéroport ou encore dans les gares routières. Bineta Diagne a suivi une descente dans la nouvelle gare d'Adjamé, à Abidjan. Reportage. De notre correspondante à Abidjan, Il est 19h, les allées de la gare routière grouillent de monde. Au milieu de cette foule de voyageurs, un suspect a abandonné un sac à dos noir sur un banc. Un indic alerte la police. Rapidement, une équipe de la DPSD, la Direction de la police des stupéfiants et des drogues, procède à l'ouverture du sac. Le commissaire divisionnaire Maxime Gogoua examine l'un des cinq blocs de cannabis : « Vous voyez, c'est le THC. Et c'est vraiment élevé. C'est sec. Ce bloc pèse 1 kg : il fait 40 000 francs CFA à Abidjan sur le marché noir. Mais, à Bouaké ou à Man, cela vaut 100 000 francs CFA le kg. Et quand ça va au-delà de nos frontières, au nord, ça va à 300 000 francs CFA/kg ». Ce soir-là, un revendeur a été interpellé. Mais le principal suspect, qui a acheminé la drogue, a pu s'échapper. Une enquête va être ouverte. Elle s'appuie notamment sur les enregistrements vidéo d'Issa Koné, le chef de gare, visiblement sous le choc des découvertes de la soirée : « Ça, c'est grave, supposons qu'on attrape ça là, dans le car. Le chauffeur a un problème. Il ne s'en sort pas. On dit qu'il est complice. Or souvent, il n'est pas au courant ». À lire aussiCôte d'Ivoire: 5 ans de prison pour l'ancien patron de la police anti-drogue du port d'Abidjan Un échantillon de la drogue saisie est envoyé dans un laboratoire. Cela servira à l'enquête. Le commissaire Mabonga Touré, directrice de la police des stupéfiants et des drogues : « Sur les blocs de cannabis, il y a des initiales. Il y a des numéros de téléphone. C'est ce que nous appelons la signature. Nous allons l'exploiter pour voir si déjà, cette signature est déjà apparue dans d'autres enquêtes. Et voir si on peut lier d'où c'est venu, et à qui c'est destiné ». Selon le Comité interministériel de lutte anti-drogue, le cannabis est la drogue la plus consommée dans le pays. Professeur Ronsard Yao Kouma, le secrétaire général du CILAD : « Le cannabis le plus prisé, c'est celui qui vient de chez nos voisins, le Ghana. On a des grandes saisies à la frontière ». D'après ce responsable, les saisies de cannabis oscillent entre dix et vingt tonnes chaque année. À lire aussi«Le kush a probablement causé la mort de milliers de personnes en Afrique de l'Ouest»
Denier épisode de cette série consacrée à la Coupe du monde de rugby 1995, un événement historique pour l'Afrique du Sud qui sortait tout juste de l'apartheid ; et la naissance d'une nation arc-en-ciel portée par Nelson Mandela. Trente ans plus tard, le pays est l'un des plus inégalitaires du monde, en plus du chômage de masse et d'une très forte criminalité. Cet été, un dialogue national aura d'ailleurs lieu dans le pays pour ouvrir un nouveau chapitre de la démocratie. Dans ce contexte, que reste-t-il de la mentalité arc-en-ciel de juin 1995 dans le rugby ? Quel est son héritage chez les plus jeunes ? RFI s'est rendu au nord de Johannesburg, dans l'un des plus anciens clubs de rugby de la ville. De notre correspondant à Johannesburg, Un soir chez les Diggers, un club de rugby de la ville de Johannesburg, en Afrique du Sud, nous rencontrons Daniel, salarié du club, il avait 20 ans en 1995. « J'étais au stade, on scandait tous ‘Nelson, Nelson, Nelson'. Et j'ai compris pourquoi, parce que cette poignée de main avec notre capitaine, c'était plus qu'une simple formalité. C'était le symbole de l'union », se remémore-t-il. Une poignée de main qui change le pays et les clubs de rugby. « C'était l'un des plus grands changements pour ce club aussi, car notre club a été fondé avant l'apartheid. Et aujourd'hui, nous sommes un club arc-en-ciel. Comme un grand tableau coloré », explique Ricky, vice-président des Diggers. Parmi les joueurs présents ce soir-là, Dubz, maillot sur le dos et bonnet sur la tête pour affronter le froid, il s'intéresse particulièrement à l'héritage de 1995. « Il y a encore un fossé entre les gens, notamment sur le plan économique. On doit alors trouver un moyen de combler ce fossé et d'une certaine manière le sport parvient à le faire. Moi, par exemple, j'ai débarqué comme ça chez les Diggers. J'ai garé ma voiture là-bas. Les entraîneurs étaient au bord du terrain. Je les ai salués en parlant afrikaans – c'est aussi ça, la diversité que Madiba nous a enseignée. Et maintenant, je fais partie du groupe. Parce qu'ici – et dans le rugby en général – il n'y a aucun profil type. Nous avons toujours eu cette mentalité de 1995 et je l'aurai toujours. J'arrêterai d'y penser seulement quand je serai six pieds sous terre ! Un jour, mon fils me demandera, "papa, c'est qui ce Mandela ?" Je lui répondrai que c'était notre premier président, celui qui nous a tous réunis grâce au sport », raconte-t-il avec enthousiasme. Au bord du terrain, deux jeunes de 19 ans. Dont Josh, qui n'a pas connu la première Coupe du monde sud-africaine, mais celle-ci lui a été maintes fois racontée : « 1995, c'était important pour le sport, mais aussi pour que le monde entier voie que l'Afrique du Sud était en train de changer. Mon grand-père jouait au rugby à l'époque de l'Apartheid, mais il n'a jamais pu jouer à haut niveau, parce que c'était plutôt réservé aux Blancs. En Afrique du Sud, il y avait des barrières solides entre les gens et le rugby a trouvé le moyen de les faire tomber. » Trente ans plus tard, la société sud-africaine est toujours confrontée à de nombreux défis. « Si la société fonctionnait comme notre club de rugby, le monde irait mieux », nous confie Dubz avant d'entrer sur le terrain. À lire aussiMorné du Plessis: «Mandela disait qu'il y a peu de choses capables d'unir les gens comme le sport»
C'était un 24 juin, il y a 30 ans tout pile. C'était jour de finale à Johannesburg, où l'Afrique du Sud gagnait sa première Coupe du monde de rugby. Un tournant dans l'histoire du pays, avec l'implication directe du nouveau président élu, Nelson Mandela, et son projet de nation arc-en-ciel, après l'apartheid. Ce 24 juin 1995 voit les Springboks soulever la coupe Webb Ellis et le pays entier vibrer. C'est l'éclosion de cette fierté d'une nation unie par le sport, prête à se réconcilier. RFI est retourné sur les lieux de cette finale historique, au stade Ellis Park, accompagné d'un de ceux qui ont foulé la pelouse le 24 juin 1995. De notre correspondant à Johannesburg, Nous avançons dans un long couloir chargé d'histoire. Il relie les vestiaires à la pelouse. Trente ans plus tôt, le 24 juin 1995, le jour de la finale du Mondial de rugby, Rudolf Streauli l'empruntait en tant que joueur : « J'étais impatient d'arriver au bout de ce couloir. » À l'époque, il entre sur le terrain avec le numéro 19 dans le dos. « Le président était assis là. Nous, on sentait le stade vibrer », se souvient-il. Devenu un temps entraîneur des Springboks, l'ancien joueur de près de 2 mètres dirige aujourd'hui le club de Johannesburg, les Lions, basé à Ellis Park. Le stade de la finale de 1995 est donc devenu son bureau : « Après avoir soulevé la coupe, je voulais jouer un plus grand rôle. Je suis fier de m'occuper du stade et de vous montrer notre musée aujourd'hui. » Un musée qui retrace l'histoire du rugby sud-africain. Avec, évidemment, des photos de Nelson Mandela, l'ancien président qui a fait de cette première victoire en Coupe du monde un tournant pour l'Afrique du Sud. « Quand il est arrivé avec le maillot numéro 6, c'était une surprise. On était tous nerveux, mais positivement », se remémore-t-il. Sam Nyaniso est salarié du club et nous accompagne le temps de la visite. Et même si ce fan de rugby travaille avec le champion du monde depuis des années, il n'est jamais à court de questions. « Rudolf, sans Mandela, tu penses que vous auriez gagné ? », interroge-t-il. Et le joueur de lui répondre que Madiba avait « joué un rôle central. Son projet pour le pays nous a évidemment motivé ». « Moi, j'avais 11 ans, j'ai regardé la finale sur une petite télévision. Les gens sont sortis dans la rue, ils klaxonnaient. Blancs et Noirs se prenaient dans les bras, témoigne Sam Nyaniso. Et quelques années plus tard, quand Rudolf est devenu coach, mon père a été recruté pour travailler avec lui. C'est lui sur cette photo. » « Le rugby, c'est un sport qui peut changer une société », estime Rudolf Streauli. Quant à Sam Nyaniso, il mesure la force et l'impact du rugby sur sa propre trajectoire : « Pour un gars comme moi, cela a ouvert tellement de portes. Je n'oublierai jamais cette finale ! » Trente plus tard, l'Afrique du Sud reste un pays fracturé et particulièrement inégal. Rudolf Streauli, fidèle à la mentalité de 1995, continue donc d'utiliser le rugby comme un vecteur d'unité et d'espoir pour les Sud-Africains. À lire aussiAfrique du Sud: avant l'apartheid, l'histoire étroite entre le rugby et la communauté noire [1/3]
Cette semaine, RFI consacre une série de Reportage Afrique aux 30 ans de la Coupe du monde de rugby de 1995 en Afrique du Sud. Un événement sportif, mais surtout politique, puisque Nelson Mandela s'en est servi comme d'un outil pour prôner la réconciliation dans le pays. Auparavant, le régime d'apartheid tenait à ce que la ségrégation soit aussi appliquée dans le sport, et les joueurs noirs étaient exclus de l'équipe nationale des Springboks, alors symbole de la culture afrikaner et cible de boycott à l'international. Cependant, les communautés noires et métisses ont une histoire avec le rugby qui remonte bien avant 1995. Les chercheurs s'emploient à la documenter. De notre correspondante à Johannesburg, Dans ce labyrinthe de rayonnages, tout au bout d'une allée, se trouve une section consacrée à l'histoire des formes de résistances face à la ségrégation dans le sport. Parmi les trésors rassemblés, Ajit Gandabhai exhume d'anciens documents sur de vieux clubs de rugby qui existaient dans les communautés noires et métisses. « Ici, on a une brochure commémorative du club de rugby des Newtonians, qui a été formé en 1948. Il y a également des compte-rendus de réunions qui se sont tenues », montre-t-il. Ajit Gandabhai et son équipe ont récolté des archives auprès d'anciens joueurs ou directeurs de clubs. Car afin de sauver cette histoire de l'oubli, il a fallu aller au-delà des sources traditionnelles, qui passaient volontairement sous silence les pratiques sportives multiraciales. « La presse officielle ne couvrait pas le sport non ségrégué. Mais cette histoire doit être racontée, et plus uniquement à partir de 1995 », clame-t-il. Arrivé en Afrique du Sud par le port du Cap, avec les colons britanniques, le rugby s'est propagé au sein des communautés noires via les missionnaires et leurs écoles au XIXe siècle. La passion de la balle ovale s'est particulièrement emparée de la province du Cap-Oriental, au sud du pays. Un mot, en langue xhosa, a donné son titre à l'un des ouvrages co-écrits par le chercheur Buntu Siwisa. « Le terme "umbhoxo" signifie la forme hexagone, pour désigner le ballon qui n'est pas rond. Le fait qu'on ait décrit cette forme en xhosa permet une déconstruction décoloniale de qui peut s'approprier le rugby. C'est aussi notre sport », explique le chercheur. Ces clubs de rugby jouaient aussi un rôle dans le mouvement de résistance contre l'apartheid, selon l'enseignant de l'université de Johannesburg : « Déjà à l'époque, c'était beaucoup plus que du sport. C'était un outil de mobilisation politique. Par exemple, les militants frappés d'interdictions, qui ne pouvaient pas être vus dans des rassemblements, se servaient des clubs comme de lieux où ils pouvaient se retrouver, planifier des actions. Et les stades dans lesquels on jouait au rugby pouvaient être utilisés pour d'immenses funérailles politiques. » Quant aux spectateurs noirs et métis qui suivaient les matchs internationaux, ils supportaient bien souvent d'autres équipes ennemies des Springboks, et notamment les Néo-Zélandais, qui avaient un effectif plus mixte. Ce qui fait qu'encore aujourd'hui, on peut trouver nombre de fans des All Blacks dans les stades sud-africains. À lire aussiRugby: en Afrique du Sud, au coeur de la fabrique à Springboks des lycées
Au milieu des montagnes du territoire de Mahagi, sur les rives du lac Albert, coule la rivière Kakoye. Ce cours d'eau sépare la chefferie de Mokombo en deux : la rive ouest, perturbée par la présence de groupes armés, et la paisible rive est, n'ayant jamais connu d'attaque de groupe armé. Aucun milicien n'ose traverser la rivière que les habitants disent magique. Conséquence : cette zone sécurisée accueille des dizaines de milliers de déplacés qui continuent d'arriver en provenance des rives du Lac Albert. De notre envoyée spéciale, En ce milieu d'après-midi, Martine revient du champ le dos courbé. Son grand âge lui a fait oublier sa date d'arrivée dans le camp de déplacé de Guenguere 3, elle qui a toujours vécu sur les rives ouest de la rivière Kakoye. « Je me suis déplacée jusqu'ici parce que mon village a été attaqué. Mon beau-frère a été tué à la machette, certains enfants de la famille aussi. Nos maisons ont été incendiées et nos biens ont été volés. Alors, je suis venue ici », se souvient-elle. Martine accuse la Codeco, une milice qui dit défendre la communauté Lendu. « Je n'avais connu un tel conflit avant. Même quand j'étais petite. Depuis, c'est très difficile. On n'a rien à manger. Si je ne travaille pas comme journalière dans le champ qui appartiennent à d'autres, comment je vais manger ? Et comment nourrir mes enfants ? », s'interroge-t-elle, désespérée. Malgré cette extrême précarité, les huttes continuent de se construire. Les déplacés sont attirés par la sécurité qui règne dans la zone, en majorité habitée par les Alur. Cette communauté n'a formé aucun groupe armé d'autodéfense et n'est engagée ni dans le conflit communautaire qui oppose les Lendu et les Hema, ni dans les récents affrontements dans la zone littorale à proximité du lac Albert qui opposent les militaires congolais et un nouveau groupe politico-militaire, la CRP. Des affrontements que Silver a fuis il y a trois mois. « Il y a eu un combat acharné. C'était vers une heure du matin, se souvient-il. On a d'abord entendu des coups de feu. On a entendu des bombes. Nous avons pris la fuite d'abord une première fois en septembre dernier. En février, il y a eu de nouveaux affrontements entre les militaires congolais et la CRP. » Ces nouvelles arrivées entraînent des difficultés supplémentaires, déplore Justin Twambe Urumgwa le président du site de Guenguere 3. « Nous manquons de latrines, nous n'avons pas de douches et pourtant, il y a de nouvelles personnes qui arrivent et qui augmentent encore le problème. Pire encore, il n'y a pas de l'eau potable ici. Parfois, les gens se bagarrent à cause des quantités insuffisantes d'eau potable », déplore-t-il. Ces trois derniers mois, 1 880 personnes se sont ajoutées aux 8 000 déjà installées. À lire aussiManenji Mangundu, directeur d'OXFAM en RDC: «La situation humanitaire est très précaire à Goma»
L'Afrique du Sud a signé en 2014 un accord avec le Mozambique, pour s'accorder sur la stratégie de conservation du parc Kruger qui chevauche la frontière, et fait partie, avec le Zimbabwe, du nouveau parc transfrontalier du Grand Limpopo. Ce genre d'accord permet notamment de s'accorder sur les standards de sécurité face au braconnage. Une collaboration qui permet aussi le déplacement d'animaux sauvages d'un pays à un autre, pour repeupler des parcs dans le besoin, et rééquilibrer l'écosystème. C'est dans ce contexte que l'Afrique du Sud vient ce mois de juin de donner dix rhinocéros noirs au Mozambique qui en manque cruellement. Billie est un rhinocéros sud-africain. Une femelle d'environ une tonne placée dans un box en métal, direction le Mozambique. « Normalement, on ne donne pas de noms à nos animaux, mais ils en auront un pour le transport. Si quelque chose se passe mal sur la route, on doit pouvoir les identifier », explique Vuyiswa Radebe, qui travaille pour Ezemvelo KZN Wildlife, l'organisation qui gère les parcs publics de la région. Elle est venue assister à cette opération hors norme. « Le déplacement en lui-même est très éprouvant, mais on sait pourquoi on le fait, c'est pour leur survie. Nous avons besoin d'avoir plein de petites Billie partout dans le monde, et j'ai hâte d'entendre leurs histoires », confie-t-elle. Et c'est tout l'objectif. L'Afrique du Sud, et particulièrement ce parc Hluhluwe, est le berceau des rhinocéros africains. Antony Alexander et la fondation Peace Park coordonnent donc des relocalisations d'animaux sauvages. « Peace Parks n'a commencé à soutenir le gouvernement mozambicain qu'il y a dix ans. On devait d'abord prendre le temps de rétablir des bons systèmes de sécurité là-bas. Et de s'assurer que l'environnement était adapté pour faire venir des animaux sauvages », raconte-t-il. Des transferts qui se multiplient ces dernières années, notamment grâce à des techniques qui évoluent, explique Kester Vickery, de la fondation Conservation Solution. Il rentre à peine du Rwanda, où il a déplacé 70 rhinocéros sud-africains en avion. « Nous pouvons maintenant déplacer des animaux en gros groupes sur une durée de 48 heures, en toute sécurité. C'est plus ou moins le temps qu'il faudra pour déplacer ces rhinos jusqu'à Zinave », détaille-t-il. Zinave, c'est le parc mozambicain qui s'apprête à recevoir Billie et les autres. Pendant près de 40 ans, ce parc n'avait plus aucun rhinocéros. Ils sont de retour depuis peu grâce à une autre opération de ce genre. Drapeau mozambicain brodé sur sa veste, le vétérinaire Hagnasio Chiponde s'apprête à prendre la route : « Je représente la Wildlife Mozambique Alliance, et le pays en général. Nous cherchons à développer notre population de rhinos. Je suis fier de faire partie de l'équipe. » Les dix rhinocéros sont arrivés sains et saufs à Zinave. L'objectif, c'est donc de faire grandir cette population, pour ensuite en envoyer dans d'autres parcs du Mozambique, et ainsi repeupler le pays entier. À lire aussiRéintroduction de dix rhinocéros au Mozambique: une opération à haut risque [2/3]
Aujourd'hui, premier épisode de notre série tournée dans le territoire de Mahagi, une région rurale dans l'est de la RDC, à la frontière avec l'Ouganda. Au milieu de ces montagnes, sur les rives du lac Albert, coule la rivière Kakoye. Ce cours d'eau sépare la chefferie de Mokombo en deux : la rive ouest, perturbée par la présence de groupes armés, et la paisible rive est, n'ayant jamais connu d'attaque de groupe armé. De notre envoyée spéciale dans la chefferie de Mokambo, Devant la rivière Kakoye qui est une rivière qui se jette dans le lac Albert en contrebas. Aujourd'hui, c'est jour de marché, il y a de l'agitation. Les motos traversent très lourdement, chargés de produits vivriers comme des boissons, des légumes, du poisson. « Je suis en train de livrer le chargement, ce sont des boissons sucrées. Je n'ai pas l'habitude de traverser parce qu'il y a de mauvaises nouvelles qui nous arrivent de l'autre côté », raconte Uiroto Mongwi Jacquesan, conducteur de taxi-moto. En amont de la rivière, côté est, se trouve une multitude de villages densément peuplés. Ici, pas de groupes armés. Même les rares policiers n'ont pas d'armes. Les habitants se sentent protégés grâce, disent-ils, à Kakoye. Des pouvoirs attribués à cette rivière que les habitants préfèrent garder secret et que l'un des chefs de groupement de la zone, Louis Le Kodjo, détaille brièvement : « La rivière est infranchissable. Ces groupes armés, ils ont peur. S'ils songent à venir avec la guerre, la rivière devient infranchissable. Cela gonfle ou cela peut changer la couleur aussi. De ce côté de cette rivière, il n'y a jamais eu d'attaque. Nous sommes tranquilles depuis 2019. » Beaucoup fuient les attaques de la Codeco qui sévit du côté ouest de la rivière, rappelle Grégoire Tumi, le coordinateur local de la société civile de la chefferie de Mocambo, séparée en deux par la rivière Kakwa : « On constate, vers l'ouest de la chefferie, l'absence de l'autorité de l'État. Parce qu'on constate que les autorités locales, comme les chefs de villages, les chefs des groupements, ne vivent pas dans leur milieu. Même la police s'est aussi déplacée. Compte tenu des attaques répétitives, la population s'est déplacée pour vivre à l'est. » Au total, 19 camps officiels et six informels sont dans la zone, habités par des dizaines de milliers déplacés. À lire aussiConflit dans l'est de la RDC: les experts congolais et rwandais s'entendent sur un accord préliminaire de paix
Pour sauver les rhinocéros, il faut aussi les déplacer, pour rééquilibrer l'écosystème, repeupler le continent et assurer leur conservation. La région du Kwazulu Natal, connue pour être le berceau des rhinocéros, a ainsi envoyé dix rhinocéros noirs chez le voisin mozambicain. Une opération à haut risque organisée par de nombreux acteurs, comme la fondation Peace Park ou Conservation Solution, en partenariat avec les équipes du parc Hluhluwe. Des dizaines de personnes pour endormir les animaux, les placer dans un box de transport où ils sont ensuite réveillés, puis chargés sur deux grands camions, direction le Mozambique. Une opération spectaculaire et millimétrée. De notre envoyé spécial en Afrique du Sud Le rendez-vous est donné à l'aube. Il fait à peine jour, et tout le monde est déjà sur le pont. « Je crois que tout le monde est là. Bonjour à tous, je m'appelle Dumi. Petit rappel : seules les personnes autorisées peuvent entrer dans l'enclos. Les animaux sont en captivité depuis un certain temps, mais ils sont encore très sauvages. Et là, ils sont déjà stressés. » Parce que ces rhinocéros ont été placés en quarantaine pendant plusieurs mois, pour les calmer et les préparer au trajet. Mais cette opération reste tout de même très risquée. Nous sommes avec Jenny Lawrence. Fusil à fléchettes entre les mains, la vétérinaire est chargée de les endormir un par un : « Les mélanges ont déjà été faits. Là, on prépare juste les fléchettes. On manipule des drogues très dangereuses, alors on essaye toujours d'avoir le moins de personne possible autour de nous. » La fléchette rose est plantée. Le porte du box ouverte, l'équipe peut entrer en scène. Tout va très vite. Nous demandons à Emma Fearnhead, de l'organisation Conservation Solution de commenter cette chorégraphie millimétrée : « Ils lui ont mis un bandeau sur les yeux, et l'ont accroché à une corde. Dès que la vétérinaire injecte le produit pour redonner un peu d'énergie au rhino, l'équipe va le relever, et tous ces gars, ici, vont tirer sur la corde pour forcer l'animal à marcher vers son box de transport. C'est un moment très dangereux, il faut faire très attention. C'est pour ça qu'il y a au moins dix personnes qui tiennent cette corde. Regardez, maintenant la vétérinaire s'allonge sur le dos de l'animal, elle injecte le produit final. Il reste sédaté, mais éveillé. C'est donc un moment critique, parce qu'à partir de maintenant, on a à faire à un rhino complètement réveillé. » Ces rhinocéros sont des animaux sauvages, en temps normal le parc ne leur donne pas de prénom. Mais pour le trajet, ils en auront un. Dans cette grande caisse en métal beige, cette femelle d'une tonne s'appellera donc Billie. « Je m'appelle Linden. Je suis très enthousiaste, tout va bien se passer. Pendant le trajet, on sera escortés, pour notre sécurité et celle des animaux. » Un long trajet presque sans arrêt, seulement de très courtes pauses pour nourrir les rhinocéros. Au menu : des patates douces. Deux jours plus tard, on nous informe que Billie et ses neuf camarades sont arrivés sains et saufs. L'équipe mozambicaine prend le relais. À lire aussiRéintroduire les rhinocéros en Afrique du Sud: Amos, le protecteur de rhinos [1/3]
Le braconnage est un problème majeur en Afrique du Sud. Et il touche particulièrement les rhinocéros, qui, selon le mythe bien répandu en Asie, ont des cornes aux propriétés aphrodisiaques. Résultat : des centaines de rhinocéros sont tués chaque année. Le célèbre parc Kruger a ouvert la voie récemment en décidant de couper préventivement les cornes, une stratégie payante, puisque le braconnage a chuté. Un autre parc fait régulièrement les frais de cette chasse illégale, le parc Hluhluwe dans le KwaZulu Natal. Là-bas aussi, on écorne depuis peu, en plus de se doter de nouveaux équipements ultra-modernes. Portrait du responsable sécurité du parc avec notre journaliste Valentin Hugues. À notre droite, dans la voiture, le volant entre les mains, Amos Tembe : « Vous voyez ces arbres ici ? On a de grandes chances de trouver un rhinocéros noir pas loin ». Lunettes noires, une voix qui porte et une énergie débordante, c'est un spécialiste des rhinocéros : « Regardez sur la route, vous voyez cet amas de terre ? C'est le signe de leur passage. Ils ont marqué leur territoire. Je peux vous assurer qu'ils vont revenir ici aujourd'hui ». Chez lui, à la maison, il a deux enfants, et à Hluhluwe parc… des milliers d'autres : « Quand un rhinocéros se fait braconner, j'ai l'impression de perdre un membre de ma famille. Parce qu'avec le temps, je me sens connecté à eux. Vous savez, j'ai commencé ici avec l'unité anti-braconnage. Je me souviens d'un jour où on était tombé sur six braconniers. Et on n'était que deux. Il n'y avait aucun signal ! Aucun moyen d'appeler des renforts… On a pu en arrêter deux. Les quatre autres ont été neutralisés. Ce n'était pas notre objectif, mais ces gars-là veulent vous tuer ! ». Quinze ans plus tard, Amos a rangé son fusil pour rejoindre l'équipe de direction. Il est monsieur sécurité. Et pour mettre fin aux affrontements dangereux avec les braconniers, le parc a une nouvelle stratégie : « On met en place une clôture connectée autour du parc. On a aussi des drones et des caméras. Comme celles-ci, regardez, vous pouvez à peine la voir, elle est entièrement camouflée ». Sifiso, assis dans la salle de contrôle : « Si vous cliquez sur “léopard”, vous avez les photos de tous les léopards détectés par les caméras. Et vous pouvez aussi sélectionner “humain”. Là par exemple, c'est un braconnier repéré hier ». Mais face à l'urgence, le parc a aussi pris une décision drastique : couper les cornes des rhinocéros, pour prévenir le braconnage. « Regardez celui-ci. On lui a coupé la corne, mais elle va repousser. On s'assure de couper au bon endroit. On espère qu'après trois ou quatre ans, on n'aura plus à faire ça. C'est simplement le temps de stabiliser notre stratégie de défense ». Pour l'instant, grâce à l'écornage, le parc n'a perdu qu'un seul rhinocéros au mois de juin. « Quand on fera un mois sans braconnage. Ce jour-là, croyez-moi, je ferai un gros barbecue, et je boirai un bon coup ! ». Une trentaine ont été braconnés depuis janvier, c'est trois fois moins que l'année dernière à la même période. À lire aussiAfrique du Sud: l'écornage des rhinocéros contribue à réduire fortement le braconnage, selon une étude
Depuis ce lundi 16 juin, la chaîne A+, filiale de Canal+, diffuse une nouvelle série adaptée d'une pièce de théâtre ivoirienne : « Les 220 logements ». Saga historique dans un quartier populaire d'Abidjan, où se mélange l'humour, l'amour, les péripéties de la vie quotidienne, les événements sociaux et politiques qui ont fait l'histoire de la Côte d'Ivoire depuis le début des années 1990. C'est l'histoire d'une pièce de théâtre, « 220 logements », qui a eu son petit succès à Abidjan et devient une série télévisée. 220 logements, quartier emblématique d'Abidjan, où ont vu le jour les premiers grands ensembles d'habitation. Des immeubles où se mélangeaient histoire politique, histoire d'amour et plaisanterie de maquis. C'est sur les lieux mêmes des 220 logements, à Adjamé, que la production de Plan A a posé ses caméras pour mieux s'imprégner de l'ambiance de l'époque, et raconter une saga débutant en 1990. L'acteur Jean-Brice Traore incarne « Joli garçon », un étudiant amoureux de la jolie Léo et leader du syndicat Fesci, sur le campus Houphouët-Boigny : « J'ai 33 ans, je suis né en 1992. J'étais petit quand tout ça s'est passé. Quand nous sommes venus tourner ici, nous avons découvert des gens accueillants. Beaucoup de personnes viennent nous raconter ce qu'ils ont vécu à cette période-là. Franchement, c'est génial ». Gaston habite les 220 logements depuis 1968. Il observe les équipes de tournage filmer un bout d'une vie qu'il a bien connue : « C'est un honneur pour nous que ça se passe dans notre quartier. Tout ça, c'était la brousse avant. Et on assiste petit à petit à l'évolution d'Abidjan ». Sous la direction du metteur en scène Souleymane Sow, les comédiens répètent le texte adapté pour la chaîne A+, par son auteur Chantal Djédjé : « Dans la série, on va retrouver des éléments qui ont composé la Côte d'Ivoire des années 1990 à 1995, donc les mouvements estudiantins qui clament des changements politiques, mais il y a toujours la vie de quartier et l'amour qui peuvent support la bonne humeur à l'ivoirienne ». La vie et les péripéties d'un pays à travers celle d'un quartier ancien, mais toujours debout à Adjamé. « Les 220 logements », ce sont 105 épisodes d'une histoire pas comme les autres, celle de la Côte d'Ivoire. À lire aussiAudiovisuel en Côte d'Ivoire: des initiatives privées pour pallier le manque de main-d'œuvre
En Tunisie, la marche pour Gaza initiée par un collectif de Tunisiens depuis lundi 9 juin est bloquée en Libye suite à la décision des autorités libyennes de l'Est. Alors que beaucoup ne souhaitent pas faire marche arrière, cette initiative a montré la force d'une mobilisation maghrébine en faveur des Palestiniens. Retour sur cette odyssée avec notre correspondante à Tunis. Samedi 14 juin, alors que la caravane Soumoud était encore bloquée à Syrte dans l'Est libyen, des centaines de Tunisiens se sont réunis au centre-ville de Tunis pour soutenir le convoi. Haykel Mahfoudhi, un journaliste indépendant, a fait la route avec la caravane jusqu'à Ras Jedir, le poste frontalier tuniso-libyen. « C'était vraiment incroyable le soutien que nous avons eu, la solidarité, tout au long des villes tunisiennes que nous avons parcourues. On sent que le mouvement de la marche pour Gaza a beaucoup fédéré. » Après les refoulements et expulsions au Caire de participants à la marche internationale, Raouf Farrah chercheur algérien basé en Tunisie, a dû renoncer à rejoindre la marche par voie aérienne. Présent lundi au lancement du convoi, il relève son importance sur le plan maghrébin, près de 700 Algériens se sont joints à l'initiative tunisienne : « Je pense qu'en tant que Maghrébin, nous sentons cette responsabilité à la fois morale et politique de dire "Assez au génocide, assez aux violences génocidaires contre les Palestiniens, au silence et à la complicité des autorités et des gouvernements, des institutions internationales face à un crime qui devrait être arrêté" ». À lire aussiLa caravane et la marche en solidarité avec Gaza stoppées en Libye et en Égypte Après avoir été accueilli à bras ouverts à Zawiya et Misrata en Libye, la caravane, dont la page Facebook cumule plus de 200 000 abonnés, s'est retrouvée bloquée à Syrte, côté Est libyen, depuis jeudi. Sans réseau et avec très peu de connexion, les participants n'ont pu poster que de rares informations et mises à jour sporadiques, disant être en négociations avec les autorités libyennes, selon Haykel Mahfoudhi : « On a eu vent de plusieurs personnes du convoi qui ont été arrêtées. On est encore en train de mettre à jour les informations que nous avons eues au fur et à mesure. C'est très difficile de joindre la caravane actuellement et on ne sait pas trop ce qu'ils vont pouvoir faire. » Dimanche 15 juin, les porte-paroles du convoi insistaient encore dans une vidéo pour rester en Libye et ne pas faire marche arrière. L'objectif final : passer en Égypte pour ensuite rejoindre la marche et aller à Rafah, mais avec les restrictions égyptiennes imposées aux autres participants, l'espoir d'arriver à bon port, reste fragile. À lire aussiMarche de solidarité avec Gaza: de nombreux militants pro-palestiniens interpellés au Caire en Égypte
À Moroni, la pêche artisanale reste une activité essentielle pour des milliers de Comoriens. Mais face à la raréfaction des poissons, à la concurrence de grands chalutiers et aux restrictions locales, les pêcheurs se battent pour survivre. Certains évoquent un métier de plus en plus dur, d'autres tentent de s'adapter malgré les obstacles. Reportage à Moroni, dans un lieu appelé Café du port, où le poisson, autrefois abondant, devient une denrée fragile. De notre correspondant à Moroni, Près du port de Moroni, entre deux parties de dominos, les pêcheurs discutent d'un métier qu'ils aiment, mais qui ne les fait plus vraiment vivre. Commandant Loketo, pêcheur depuis 1999 : « Avant, il y avait moins de bateaux, plus d'opportunités, et surtout plus de poissons. Depuis 2010, les choses ont changé. Il y a les gros bateaux de pêche étrangers qui opèrent dans nos eaux et prélèvent énormément de poissons. Parfois, ils nous menacent avec des armes. On est obligés de fuir. Parfois, ils nous donnent des poissons ». Ces dernières semaines, certains notent une amélioration. Les grands navires se font plus rares, et les prises augmentent. Commandant Loketo : « Dieu merci, les poissons sont revenus. Vous le voyez bien sûr, les prix : la bonite est entre 2 et 2,50 euros ». À lire aussiConférence sur l'océan: des pêcheurs africains pointent l'impact destructeur de la pêche industrielle Mais il y a d'autres batailles pour les pêcheurs. Ibrahim Hassani vend son poisson près du Café du port, un point de vente situé en bordure de route. Les clients y stationnent souvent leurs véhicules, ce qui encombre la circulation et agace la mairie. « On nous empêche de vendre ici. C'est une décision de la mairie. J'ai 750 000 francs de poisson bloqué au congélateur, que je n'arrive pas à écouler ». Il regrette surtout d'avoir dû renoncer à la fraîcheur, son meilleur argument face aux clients. « Ici, il n'y a que du poisson frais. C'est maintenant que la situation a changé que nous avons des poissons congelés. Nous n'arrivons pas à les écouler, mais en période normale, nous n'avons jamais de poissons congelés ». La pression n'est pas que locale. Les pêcheurs dénoncent aussi un manque de soutien face aux enjeux géopolitiques de la mer. Andhum Abdallah, pêcheur depuis 2006 : « Nous avons une vie difficile. On souffre autant en allant à la pêche qu'en revenant. On souffre quand on veut vendre. Et certaines autorités viennent ici, pas pour nous aider, mais pour nous compliquer encore plus la vie ». Rester à flot, malgré les vagues, les décisions politiques, et les poissons qui se font rares. Pour ces pêcheurs, l'espoir, lui, est toujours bien ancré.
La Sierra Leone est l'un des pays les plus exposés à l'érosion côtière au monde. Près de 2 millions de personnes établies le long des côtes encourent aujourd'hui le risque de perdre leur habitation et leurs moyens de subsistance. De nombreuses familles ont par exemple déjà dû quitter l'île Plantain, située à plusieurs heures de bateau de la capitale, Freetown. L'île, qui comptait autrefois 5 000 habitants, s'est dépeuplée face à la montée rapide du niveau de la mer. Les plus pauvres n'ont de toute façon nulle part où aller. L'histoire de l'île Plantain, en Sierra Leone, semble sur le point d'être effacée. Une partie des vestiges de cet ancien comptoir commercial portugais a déjà été engloutie par l'océan. « Je dirais qu'à peu près deux tiers de l'île ont disparu. Dans les années 1970, les gens cultivaient la terre ici, mais ces champs n'existent plus. À l'époque, ils pouvaient aussi chasser les gros rongeurs, mais ces animaux ont, eux aussi, disparus », se souvient Charles Barlay, officier de la marine sierra-leonaise. Il vit à Shengue, la bourgade qui fait face à l'île de plantain, sur la côte. « Je dirais que presque 200 maisons ont disparu dans la mer. Il y avait trois mosquées ici, mais il n'en reste qu'une seule. La FAO avait fait construire des bandas pour sécher le poisson. Ça aussi, c'est parti », se remémore-t-il. Difficile de dire combien d'habitants vivent encore ici. Quelques milliers, peut-être même seulement quelques centaines. À la pointe de l'île Plantain, une fine langue de sable permet de rejoindre les grandes huttes dans lesquelles le poisson est fumé. Hafsatu dort dans l'un de ces bandas depuis qu'elle a perdu sa maison. « Il était minuit, toute la famille dormait, quinze personnes en tout, quand une grosse vague est entrée d'un coup dans notre maison et a tout emporté. Nous aimerions partir d'ici, car la terre rétrécit et nous avons peur. Si j'avais de l'argent, je le ferais, mais je n'ai aucune économie. Sinon j'aimerais m'installer à Tombo, le gros port de pêche sur le continent », raconte-t-elle. Malgré le déclin de l'île, la plupart des jeunes continuent à devenir pêcheurs comme leurs pères, faute d'alternative. C'est le cas de Mohammed Dangoa : « J'ai étudié jusqu'au lycée, mais maintenant, je vais en mer. Pourtant, il y a moins de poissons, car certains pêcheurs ont raclé les fonds avec leurs filets jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien. Donc, nous sommes obligés d'aller très loin pour trouver du poisson ! Certains de mes amis qui le pouvaient sont partis, pour essayer de trouver un meilleur travail ailleurs dans le pays, parce qu'ici, il n'y a rien. » Et les effets du changement climatique sur la vie quotidienne des pêcheurs ne sont pas toujours visibles à l'œil nu, rappelle Henry David Bayo, qui travaille pour l'Agence de protection de l'environnement. « Avec l'érosion, l'eau salée s'est infiltrée et s'est mélangée à l'eau des nappes phréatiques. Même trouver de l'eau potable sur l'île est devenu difficile. Ce qui a des implications sur la santé des habitants. On observe aussi des changements dans les courants marins, ce qui a des conséquences sur la pêche. Et puis le plancton par exemple ne survit pas à la hausse de la température de l'eau », explique-t-il. Un projet de restauration des mangroves est notamment à l'étude pour tenter de sauver ce qui reste de l'île plantain, avant que l'océan ne l'avale entièrement. À lire aussiSierra Leone: le désarroi des habitants de l'île Plantain, menacée par la montée des eaux [1/2]
La Sierra Leone est l'un des pays au monde les plus exposés à l'érosion côtière. Près de deux millions de personnes établies le long des côtes encourraient le risque de perdre leur habitation et leurs moyens de subsistance. La montée des eaux est particulièrement inquiétante pour ceux qui vivent sur les îles au large des côtes sierra-leonaises. Ainsi, sur l'île Plantain, située au sud de la capitale Freetown, des dizaines de bâtiments ont déjà disparu, la terre se réduisant chaque jour un peu plus. La terre sablonneuse semble avoir fondu à force d'être léchée par les vagues. Le rivage s'enfonce maintenant à pic dans l'océan. L'érosion de la côte a déjà emporté une partie de l'école de Plantain Island, en Sierra Leone. L'extrémité du bâtiment est détruite et frôle le vide. Le professeur Ibrahim Tarawally se remémore son arrivée sur place, il y a presque vingt ans : « Beaucoup d'entre nous sont venus ici depuis le nord, pendant la guerre civile. Maintenant, cette île est en train de disparaître, à cause de l'érosion et des intempéries. Oui, j'ai peur ! Regardez cette école... une salle de classe et le bureau du principal sont tombés dans la mer. Graduellement, l'île rétrécit de plus en plus. Et quand elle disparaîtra, il faudra bien partir. » La population était initialement de plus de 5 000 personnes, il n'en resterait que quelques centaines. En contrebas, les vagues turquoises viennent se briser à quelques mètres seulement d'une petite mosquée bleue. Autrefois, ce bâtiment se trouvait au centre du village. « Une partie des murs s'est déjà effondrée, donc les gens viennent encore prier, mais ils ont peur. Alors quand la marée est haute, les fidèles prient vite, vite, le plus vite possible avant de repartir », témoigne l'imam Djibril Alhaji Kamara, qui continue d'y diriger la prière. Une voisine s'approche. Kadiatou Diallo porte un long voile noir qui recouvre son corps sec. La vieille femme originaire de Côte d'Ivoire pointe la surface lisse qui a fait disparaître de nombreuses maisons. « Avant, on pouvait marcher jusqu'à la petite île, tout là-bas. Il y avait une route, des maisons et une autre mosquée, mais tout a disparu. Juste là, c'était ma maison. Nous vivions de manière très confortable. En fait, on ne pouvait même pas entendre les vagues quand on dormait. Il y a des années, on ne pouvait même pas deviner qu'on vivait sur une île quand on se tenait ici ! On ne voyait même pas la mer », se souvient-elle. L'agence pour la protection de l'environnement en Sierra Leone et l'Organisation internationale pour les migrations ont mené récemment une étude pour voir comment améliorer la vie des habitants sur place. « Pour ceux qui veulent rester sur l'île, il y a un besoin de prendre des mesures de protection. Par exemple, on réfléchit à la manière dont on pourrait restaurer les mangroves qui entourent l'île, car cette végétation permet de ralentir l'érosion et de protéger la côte », explique Henry David Bayo, consultant pour l'agence gouvernementale. Une bonne partie des habitants de l'île Plantain n'ont tout simple nulle part d'autre où aller, ni même les moyens de quitter leur habitat en plein déclin. À écouter aussi8 milliards de voisins: les villes côtières du continent face à l'érosion
Le Sénégal est un pays maritime, dont plus de 700 km de côte sont largement tournés vers l'océan. Plus qu'un paysage ou une ressource dont on vit, la mer est aussi l'objet de croyances, et source de foi. De notre correspondante à Dakar, De l'eau jusqu'aux cuisses, brosse et savon à la main, Moustapha lave soigneusement un mouton dans l'eau turquoise de l'océan sur les plages du Sénégal. Un rituel tout ce qu'il y a de plus banal pour ce pêcheur de 23 ans. « On est en train de préparer la tabaski, on lave les moutons pour la fête. La mer, ça les protège des bactéries », explique-t-il. Moustapha, qui est né et a grandi dans le village de Ngor, a toujours eu la plage pour jardin, la mer pour horizon et l'océan systématiquement présent pour accompagner les grandes fêtes. « C'est une forme de tradition. Depuis qu'on est tout petit, notre père et notre grand-père faisaient cela avant nous. On met du lait concentré sur la mer pour nos ancêtres », témoigne-t-il. Parmi ces actes sacrés : laver les moutons, verser du lait ou sacrifier un animal dans la mer pour demander la bénédiction de l'océan, entité sacrée, source de vie et de subsistance pour la communauté Lebou qui peuple les côtes sénégalaises. C'est aussi ce qui explique que la confrérie soufie des Layènes, tournée vers les flots, est née ici, sur la péninsule dans laquelle se trouve Dakar. « Même en prière, si on vous dit si vous êtes en prière quelque part et que vous avez la mer devant vous, tournez-vous vers la mer, c'est l'origine de tout ! », selon Serigne Abo, le conservateur d'un des sites où les Layènes viennent se recueillir. Une grotte, véritable fente dans la falaise, ouverte sur l'océan et dans laquelle on peut descendre : « La grotte fait face à la mer. Le puits où on s'altère se trouve au bord de la mer. » Il confirme ce lien spirituel fort entre le fondateur de la confrérie, Seydina Limamou Laye et la mer. « L'océan est indéniablement le compagnon de notre communauté. Seydina Limamou Laye est né dans un village complètement entouré par l'océan Atlantique, au nord, à l'ouest et au sud. Il fait partie d'un peuple qu'on nomme le peuple Lébou. On les appelle les gens de la mer, car leur tout c'est la mer. À part les champs à cultiver, la mer occupe 60 à 70% de leurs besoins », raconte-t-il. Aujourd'hui, les fidèles Layènes continuent de croire et d'espérer que leur mausolée et leurs lieux saints qui bordent l'océan sont protégées de la montée des eaux du fait de ce lien fort qui existe entre leur spiritualité et la mer. À lire aussiTabaski en Afrique de l'Ouest: entre traditions, préparatifs et partage familial
Dans l'océan Indien, des scientifiques essaient de connaître le risque microbiologique pour l'homme et pour l'environnement marin de toutes ces bactéries pathogènes qui arrivent à se coller sur les plastiques flottants en mer et à survivre. Une recherche menée par une équipe franco-malgache, dans le cadre du projet ExPLOI, développé par la Commission de l'océan Indien, l'une des rares recherches de ce type en cours dans le monde. De notre envoyée spéciale à La Digue, Dans le lagon de l'île de La Digue, aux Seychelles, dans l'océan Indien, une partie de l'équipe scientifique collecte les macroplastiques à l'aide d'épuisettes, d'autres prélèvent des échantillons, à terre, dans le sable. Thierry Bouvier, écologiste microbien marin et chercheur au CNRS et à l'Institut de recherche pour le développement, au laboratoire MARBEC, assiste Rakotovao Raherimino, doctorant à l'Institut halieutique et des sciences marines de Tuléar. Le premier gratte un morceau de plastique avec un écouvillon, tandis que le second découpe avec précaution un morceau de la bouteille plastique jaunie par le soleil. « Cela se voit que ce plastique a séjourné dans l'eau, montre Thierry Bouvier. Il est colonisé par un certain nombre de choses. On voit des biofilms, on voit des petites tâches qui sont dues au développement pendant son séjour en mer. Après ce séjour à dériver en mer, il s'est échoué et là, on l'échantillonne désormais. On va conserver cet échantillon pour des analyses génétiques et estimer la diversité de ces bactéries qui sont associées au plastique. » De retour au laboratoire embarqué à bord du navire Plastic Odyssey, les deux chercheurs extraient aux ultrasons les bactéries réfugiées sur les plastiques collectés à la plage et en mer, puis les mettent en culture. Objectif : Savoir quelles sont celles qui peuvent affecter les humains et qui ont survécu au soleil et à la salinité. Et les premiers résultats obtenus par Rakotovao Raherimino sont pour le moins préoccupants. « J'ai découvert qu'il y a environ 300 fois plus de bactéries potentiellement pathogènes, c'est-à-dire qui peuvent entraîner des infections pour l'homme, sur les macroplastiques que dans l'eau de mer. On a trouvé des bactéries d'origine fécale, qui sont majoritairement des bactéries pathogènes comme l'Escherichia coli qui provoque des infections intestinales ou la Klebsiella pneumoniae qui provoque des infections pulmonaires. L'objet de ma thèse, c'est de savoir la durée de vie de ces bactéries lorsqu'elles sont hébergées dans les plastiques lors de leur “séjour” en mer », explique-t-il. Le tapis microbien, cette espèce de « film gluant » qui se développe à la surface des plastiques en mer, offre-t-il un écosystème refuge pour les bactéries d'origine humaine, contrairement à l'eau de mer qui ne permet pas à ces bactéries de survivre très longtemps ? Les premiers résultats montrent que ces bactéries sont véritablement plus nombreuses sur les plastiques que dans l'eau de mer environnante et surtout encore vivantes. Certaines d'entre elles ont même été observées dans l'intestin des animaux qui consomment ces plastiques. Les études en cours devraient permettre de dresser différentes conclusions sur les risques pour la santé humaine. À lire aussiAnalyse: à quoi doit servir la Conférence de l'ONU sur l'océan à Nice ?
Il y a des océans dont la pollution est mieux documentée qu'ailleurs. Le Pacifique et son fameux continent de plastique ont bénéficié, ces dernières années, de beaucoup d'études. L'océan Indien, particulièrement le sud-ouest de l'océan Indien, a été jusqu'à présent assez peu observé. Cette année, plusieurs recherches ont été lancées dans la zone grâce au programme ExPLOI. L'une de ces études consiste à produire un inventaire inédit sur la quantité et le type de plastiques que l'on retrouve dans les eaux côtières. De notre envoyée spéciale de retour de Mahé, Nous sommes dans le lagon de Baie Lazare, sur l'île de Mahé, à bord du Zodiac, aux côtés des matelots, Chettun Bhonul, doctorant à l'Université de Maurice. Ce matin, comme tant d'autres, il procède à ce que l'on appelle la collecte de microplastiques : « Prêt pour les mettre à l'eau ? ». Le capitaine du Zodiac répond : « Filet manta à l'eau ! » Ce que le chercheur vient de lancer, ce sont en fait des petits filets harnachés à des flotteurs qui vont capter toutes les particules en suspension, à la surface de l'eau. Durant deux heures, le bateau va tracter ces filets en lignes droites pour collecter un maximum d'échantillons. Une expérience répliquée dans 15 lagons de l'Océan Indien, à Madagascar, à Maurice et bientôt aux Comores. « L'objectif, c'est déjà pour avoir un aperçu sur le nombre de microplastiques qu'on a sur les lagons, mais aussi en dehors du lagon, pour les quantifier. Du coup, quand je prends les microplastiques, je vais les classifier en taille, en type et aussi en couleur pour savoir quel est le plus commun des microplastiques ? Mon étude est inédite parce qu'on a très peu de données sur la pollution plastique dans le sud-ouest de l'Océan Indien, surtout sur les micro plastiques. Dans le Pacifique, dans les autres océans, on a plus de données sur le plastique, sur la situation. Mais ici, dans cette zone comme Maurice, Seychelles et Madagascar, c'est vraiment novateur. » De retour au laboratoire, Chettun Bhonul passe les résidus dans trois tamis différents : un de deux millimètres, un autre d'un millimètre et un troisième de 315 micromètres, pour compter les micro-plastiques et les identifier. Des résultats attendus Pour le comptage des particules les plus fines, le chercheur a besoin du microscope. « Ça, c'est un microplastique. Ça, c'est une fibre, qu'on ne peut pas voir à l'œil nu, mais au microscope, on peut voir. Et ça, c'est un fragment de couleur bleue. On peut voir qu'il y a beaucoup de micro-plastiques qui ne sont pas visibles à l'œil nu. » Le chercheur se met à compter : « Un, deux, trois, neuf… douze. Vous voyez ça, ce sont des fibres. » « Notre première observation, ça dit que "oui, il y a des microplastiques dans les lagons" et l'objectif de ma thèse est de savoir si le lagon joue un rôle de concentrateur de microplastiques ou au contraire, si les eaux calmes du lagon favorisent la sédimentation, c'est-à-dire la chute des microplastiques vers le fond du lagon. » Autrement dit, une fois dans la mer, jamais, les micro-plastiques ne disparaissent tout à fait. Les premiers résultats de cette grande étude sont attendus pour septembre 2025. À lire aussiOcéans: état des lieux autour du continent africain [1/3]
La pollution plastique dans les eaux africaines n'a jamais été aussi élevée. Chaque année, des millions de tonnes de déchets se déversent dans les océans bordant le continent, menaçant les écosystèmes marins et les populations côtières qui en dépendent. Mais contrairement au Pacifique, les données aujourd'hui disponibles sur la pollution plastique autour de l'Afrique demeurent très limitées, freinant de facto la compréhension de ce phénomène. Pour combler ces lacunes, plusieurs études scientifiques essentielles ont été récemment lancées dans le sud-ouest de l'océan Indien, zone particulièrement complexe. Reportage de notre envoyée spéciale de retour des Seychelles, Sarah Tétaud Aussi idylliques soient-elles, les plages des Seychelles ne sont pas épargnées par les détritus qui viennent s'y échouer. « À chaque nouvelle marée, explique un plagiste, on retrouve des petits bouts de plastiques, des sachets... On nettoie deux fois par jour. Même les touristes ramassent les saletés et nous les apportent pour qu'on les mette à la poubelle ». Cette pollution, visible à différents degrés sur les côtes africaines, ainsi que ses effets, restent cependant assez mal connus à l'échelle du continent. Yashvin Neehaul, scientifique, spécialiste de la chimie des océans, basé à Maurice, est co-auteur du livre The African Marine Litter Outlook : « Pour comprendre la pollution plastique marine, il est essentiel de commencer par identifier les sources ainsi que les voies de dispersion des déchets plastiques. Dans les pays continentaux, les rivières et autres cours d'eau constituent les principaux vecteurs de transport des plastiques vers les océans. En fonction des courants marins et de la topographie côtière, ces déchets s'accumulent dans certaines zones spécifiques, le long des côtes africaines ». Les chercheurs ont défini deux zones qui concentreraient des milliers de kilomètres carrés de ce qu'ils appellent des « soupes de microplastiques ». L'une dans l'océan Atlantique, au sud de l'Afrique du Sud ; l'autre dans l'océan Indien, au sud de Madagascar. Néanmoins, rappelle Yashvin Neehaul : « Il est difficile de se prononcer sur les sites exacts où s'accumule le plastique. Pourquoi ? Parce qu'il y a un manque de données sur l'étude des courants autour du continent africain ». Et c'est particulièrement le cas pour la façade est de l'Afrique, comme l'explique Christophe Maes, océanographe et physicien à l'IRD, du Laboratoire d'océanographie physique et spatiale, à Brest, en France : « L'océan Indien souffre d'un manque d'observation in situ et a un gros retard par rapport aux autres océans, tout simplement parce que ce n'est pas forcément le lieu de passage des principaux rails de navigation océanique ... ». Pour y remédier, un programme de collecte de données a lieu en ce moment-même dans le sud-ouest de l'océan Indien, grâce au largage, à partir du navire Plastic Odyssey, de bouées dérivantes, qui émettent un signal GPS.« Quand on lâche des bouées, explique Christophe Maes, ça nous permet d'avoir une description au moins à l'échelle de la bouée, des principaux mouvements de l'océan pour valider nos modèles, et à partir de ces modèles, essayer de mieux comprendre la dynamique que peuvent subir les plastiques dans l'océan Indien. Et le second intérêt de ces largages et d'études sur leur dispersion, c'est qu'en utilisant nos modèles “dans l'autre sens”, on va pouvoir remonter à l'origine de ces plastiques qui viennent polluer l'ensemble de la région. Ça va permettre de comprendre leur dispersion depuis leur zone d'origine à l'échelle de l'océan Indien, et peut-être même plus loin ». Des programmes novateurs et surtout d'intérêt international. La pollution plastique dans les eaux africaines n'a jamais été aussi élevée. Si la majorité des déchets en mer provient de la terre ferme, les chercheurs estiment toutefois que l'abandon et la perte d'équipement de pêche dans les océans seraient responsables jusqu'à 30 % de la diminution des ressources halieutiques. À lire aussiUne mission scientifique inédite dans l'océan Indien À lire aussiEn Afrique, une pollution plastique due surtout aux emballages à usage unique
Au Sénégal, c'était une première, les architectes de tout le continent s'étaient donné rendez-vous à Dakar pour le premier symposium des architectes africains. Pendant trois jours, du 22 au 24 mai, une centaine d'architectes ont buché sur le thème « Repenser les villes africaines pour une perspective durable ». À la clef, une déclaration commune, une série de recommandations aux États du continent pour améliorer la qualité des villes. De notre correspondante à Dakar, Spéculations foncières, croissance galopante des villes et avec quelles solutions architecturales y faire face ? Une centaine d'architectes se sont succédé de table ronde en table ronde. Une rencontre inédite, comme le rappelle Angela Mingas, architecte, venue d'Angola : « C'est la première fois, c'est wow, ça fait plus de 10 ans qu'on ne s'est pas vu et c'est la première fois en Afrique, c'est très important. » Pour elle, c'est une rencontre cruciale : « Parce que les villes ont les mêmes problèmes à travers le continent, nous avons tous cette dualité d'un centre-ville hérité de la colonisation et d'une périphérie, même si nous sommes différents, nous partageons les mêmes défis, c'est donc une opportunité inédite pour échanger des connaissances. »Et pour Baba Seck Bali, un entrepreneur dans l'immobilier venu spécialement du Mali, il y a urgence à trouver des solutions communes : « Vous imaginez comment on va vivre à Dakar dans 20 ans, ça va être très compliqué. Trop de monde, trop d'embouteillages, trop de CO2. Le gros problème, c'est la spéculation. Malheureusement, les spéculateurs sont toujours en avance sur les planificateurs, ce qui fait que nos villes s'agrandissent dans un désordre total. »À lire aussiL'Afrique est le continent avec la «tendance d'urbanisation la plus rapide au monde»Face à ce désordre et pour rattraper les erreurs de l'urbanisation anarchique les architectes ont produit un mémorandum commun, une déclaration de Dakar qui veut - entre autres – corriger la ségrégation spatiale, héritée de la colonisation, réaffirmer l'importance d'utiliser les solutions et connaissances architecturales du continent adapté au continent, mais aussi encourager les États à adopter des normes de constructions plus durables.Exemple avec les briques de typha, du nom de cette plante qui pousse partout au Sénégal. Une brique bien moins polluante que le ciment. Encore faut-il en connaître l'existence comme l'explique Ernest Dione. Il codirige le bureau d'étude bio Build Africa « C'est une innovation qui demande une reconnaissance technique qui permette un recours plus systématique à ce type de brique durable comme pour la terre crue. »Pour cela, il faut aussi augmenter les capacités de production des entreprises qui la fabrique. D'énormes chantiers qui ne réussiront que si les États africains s'emparent de ces recommandations formulées par les architectes africains.
Au Gabon, dans la perspective de One Forest Vision, un sommet sur les forêts tropicales qui se tiendra en France l'année prochaine, des chercheurs sillonnent les forêts du bassin du Congo pour collecter les espèces de plantes et de fleurs encore mal connues ou non encore étudiées. Ces espèces sont photographiées, nommées et stockées dans une application appelée PlantNet. Il y a quelques jours, une vingtaine d'étudiants gabonais ont bénéficié d'une formation théorique suivie d'une expédition dans la forêt que notre correspondant a accompagnée. De notre correspondant à LibrevilleArboretum de Sibang, une forêt située dans le nord de Libreville. Le botaniste Daniel Barthélémy et ses étudiants sont lancés à la recherche d'espèces à documenter après des cours théoriques dans une salle climatisée. Brusquement, le chercheur français basé à Montpellier s'arrête devant une plante. « Alors là, c'est intéressant parce que c'est une euphorbiacée qu'on a vu ce matin avec tous les gens de la formation. On ne sait pas exactement quelle espèce c'est, mais on a une idée du genre parce que l'on a fini par trouver les fleurs, on a trouvé les fruits. Donc, ça, ça nous indique à quel genre peut appartenir cette espèce. »Daniel Barthélémy parcourt les forêts du bassin du Congo depuis 2023 après sa participation à Libreville au One Forest Summit, un sommet sur les forêts tropicales dont les très nombreuses espèces sont encore très mal connues par rapport aux forêts européennes. « Beaucoup, beaucoup d'espèces et finalement peu de monde en comparaison qui les étudie. Et donc on connaît les espèces, bien sûr, mais la quantité d'espèces qui doit être documentée, prise en photo, etc. est considérable. »Une application participativeÀ chaque étape, les chercheurs prennent des photos qui vont enrichir l'application Pl@ntnet créée pour documenter les espèces végétales des forêts tropicales. Dady Ngueba Ikapi, doctorant à l'Université des sciences et techniques de Masuku, fait partie de l'expédition. « On est en train d'enrichir la base de données pour nous permettre de collecter plus d'images et pour pouvoir actualiser au fur et à mesure dans le temps. Lorsque la plante est bien filmée sur le terrain, elle nous permet tout de suite de pouvoir l'identifier à partir de l'application Pl@ntnet. »Pl@ntnet rêve de devenir l'encyclopédie des plantes des forêts tropicales. Il est fondé sur le principe du partage et de la gratuité, explique le docteur Murielle Simo-Droissart de l'IRD Montpellier. « La licence de partage des photos de la planète, c'est une licence libre. Ça veut dire que toutes les photos que vous partagez, vous les partagez librement. Mais chaque fois que les gens utiliseront les photos que vous avez faites, on saura qu'elles sont de vous parce qu'il y aura toujours votre nom en dessous des photos. »Loin d'un simple stockage, les photos fournies par les chercheurs doivent participer grâce à l'intelligence artificielle à mieux protéger les forêts, étudier leur capacité de stockage du carbone, mais aussi à quantifier les crédits carbones.À lire aussiLe parc de la Lopé, sauvegarder le patrimoine naturel et humain du Gabon
Ces dernières années, dans le rap centrafricain, de plus en plus de jeunes talents féminins s'imposent dans le game, RFI vous fait découvrir l'une d'entre elles. Il s'agit de Princia Plisson, une artiste rappeuse et auteure-compositrice, Cool Fawa. Dans un pays où la musique a peu de moyens, elle a aussi dû affronter les préjugés pour se hisser au sommet de son art. Considérée comme un symbole de résilience, Princia Plisson est une inspiration pour les autres filles de sa génération. Assise dans son salon, aux côtés d'un piano et de nombreuses guitares accrochées aux murs, Cool Fawa griffonne des mots dans son bloc note en chantant. Princia Plisson, de son vrai nom, s'est lancée dans la musique avec le groupe de rap MC Fonctionnaire : « En 2010, j'ai commencé par la danse, dans des compétitions inter-lycées et interclasses. Ensuite, j'ai commencé à interpréter des chansons à l'Alliance française de Bangui en 2012. À l'époque, je constatais qu'il y avait des rappeuses dans tous les pays qui nous entourent, mais pourquoi pas chez nous en Centrafrique ? C'est comme ça que je me suis lancée pour défendre les couleurs de mon pays. »En plus de la musique, Cool Fawa fait du sport et poursuit ses études : « C'est une question d'organisation. Je me suis organisée parce qu'il y a de l'amour dans tout ce que je fais. Que ce soit les études, le basketball ou la musique, j'ai de l'amour pour les trois. »Aujourd'hui, la rappeuse utilise sa voix et son micro pour faire passer les messages qui lui tiennent à cœur : « Je me focalise beaucoup plus sur l'amour. Ensuite, je défends la cause des femmes. Je véhicule des messages de paix. Des morceaux pour pousser les centrafricains à s'aimer, à pratiquer la cohésion sociale et le vivre ensemble. »« Sa musique dépasse les frontières »Sur la scène, Cool Fawa met toujours le feu, pour le bonheur de ses fans. Crépin Azouka, promoteur culturel, est impressionné par son parcours. « Je me rappelle la chanson qui l'a propulsée : 'Jennifer'. Elle a brisé la peur pour être dans un groupe de rap masculin, purement engagé. Elle fonctionne avec une équipe solide. Elle travaille son image, elle a une équipe de danseuse. Grâce à son organisation, sa musique arrive à dépasser les frontières. »Mais dans ce milieu dominé par les hommes, Princia Plisson a dû faire face à de nombreux obstacles « Quand j'ai commencé ma carrière de rappeuse, on m'a beaucoup insultée, injuriée, j'ai eu beaucoup de problèmes et ça fait mal. »Grâce à sa ténacité, elle est devenue l'une des artistes les plus suivies en Centrafrique. Princia Plisson a lancé en 2022 son label baptisé Cool Fawa Music pour trouver, encadrer et produire des jeunes talents.À lire aussiLey Kartel fait danser toute la République centrafricaine
Au Sénégal, derniers jours pour l'achat du mouton avant la fête de la Tabaski qui sera célébrée samedi 7 juin par la majorité des musulmans du pays. Les vendeurs sont positionnés en bord de route et sur les ronds-points de la capitale en espérant écouler leur cheptel. Les vendeurs optent eux pour différentes stratégies, entre ceux qui s'y sont pris bien à l'avance et ceux qui attendent la dernière minute. De notre correspondante à Dakar,En passant devant les moutons, Abdoulaye Diatta jette un regard rapide. Lui a déjà acheté sa bête, il y a longtemps. « Je l'ai acheté plus d'un mois déjà. Il faut s'y prendre bien avant. C'est ça l'astuce. Parce que c'est moins cher et on a le temps de bien regarder ce que l'on fait », explique-t-il.Si certains de ses compatriotes cherchent le plus gros mouton ou des races prestigieuses comme le ladoum, Abdoulaye a des critères plus simples. « Ce n'est pas l'envergure qui compte, mais ce sont les principes de l'islam. C'est-à-dire qu'il doit correspondre à ce qu'il faut comme mouton pour la Tabaski. Qu'il soit en bonne santé, qu'il ne soit pas trop âgé, qu'il ait les cornes et tout. En fait, que ce soit le mouton parfait », détaille-t-il.Installés depuis plusieurs semaines déjà en bord de route, les vendeurs comme Abdouleye Diène prennent leur mal en patience. Il a une cinquantaine de moutons. « Je les ai élevés chez moi à Yoff. Il y en a d'autres que j'ai achetés pendant le ramadan et que j'ai entretenus durant trois mois pour les revendre pour la fête. Il y a aussi des moutons que j'ai achetés à l'intérieur du pays pour les revendre ici », énumère-t-il.Dans l'enclos d'à côté, Malick n'a pour l'instant vendu aucun de ses 17 moutons. « Les gens n'ont plus d'argent », estime-t-il. Beaucoup d'acheteurs attendent aussi la dernière minute pour acheter leur bête. Ousseynou fait du lèche-vitrine avec son frère, allant de vendeur en vendeur, avec une stratégie déjà bien rodée. « Je suis venu pour observer un petit peu, voir la tendance au niveau des prix. Après, c'est un premier prix. Cela ne veut absolument rien dire. Cela peut baisser parce que le marchandage, c'est dans nos gènes, c'est dans notre culture », raconte-t-il.Ousseynou regarde les moutons avec une fourchette de prix en tête, entre 200 et 225 000 francs CFA, mais il n'est pas pressé. « Je vais attendre la veille. Car je n'ai pas beaucoup d'espace à la maison. Et il me faudrait deux moutons. Cela ne sert à rien de se précipiter », se ravise-t-il. La nuit, la police assure des patrouilles et les vendeurs dormiront auprès de leurs bêtes jusqu'à samedi pour éviter les vols. Au Sénégal, chaque année, plus de 800 000 moutons sont nécessaires pour la Tabaski.À lire aussiEn Afrique, d'où viennent les moutons sacrifiés de la Tabaski?
On en parle comme d'un nouvel humoriste, pourtant Docta Kevin écume les scènes du pays depuis plus de dix ans. Le récent lauréat du prix RFI Talents du Rire a présenté son nouveau spectacle My Life au public de Douala et de Yaoundé. Docteur Kevin ne manque pas de charisme. Il se raconte avec autodérision dans un français limpide, un humour de famille sans grossièreté. « C'est éviter d'être vulgaire, dire des choses sans dire. On n'est pas obligé de prononcer des obscénités pour faire comprendre certaines choses aux gens. On peut parler de sexe sans prononcer le mot sexe. On peut parler de politique sans dire le mot politique. On peut parler de beaucoup de choses. Je pense que c'est un humour de valeur », estime le jeune humoriste.Ce soir à l'Institut français de Yaoundé, au Cameroun, son public est venu lui témoigner sa sympathie. Anita et Claudelle, qui ont vu les deux premières représentations de son spectacle, sont conquises : « Beaucoup de rires, beaucoup de joie et on se sentait vraiment impliqués. Le fait qu'il faisait participer le public, on se sentait réellement impliqué. Ce n'était pas un monologue. » « Pour moi, c'est un talent brut, pur et je pense que le meilleur reste à venir. Que du bonheur, vraiment du bonheur », témoigne cet autre spectateur admiratif.Pourtant, de l'aveu du lauréat RFI Talents du rire 2024, rien ne le prédestinait à faire carrière dans l'humour. Une aventure qu'il a cependant démarrée en 2012. Ce parcours, il le raconte aussi dans son spectacle My Life. « C'est vrai que c'est assez long à résumer, en une heure, ce n'est pas possible. C'est juste prendre quelques petites séquences marquantes de ma vie. C'est vrai qu'il y a beaucoup de choses à raconter, mais "My Life", c'est un peu mon tout petit parcours dans le milieu de l'humour », estime-t-il.Dans le milieu de l'humour, le talent de Kevin est reconnu. Pour l'humoriste Ulrich Takam, au-delà d'être drôle, c'est aussi un artiste entreprenant : « Je le trouve super intéressant comme artiste parce qu'il y a une grosse volonté de donner aux autres. Avec sa petite troupe du Gospel Comedy Club, je trouve qu'il a commencé à entreprendre bien avant la célébrité, ce qui est déjà une très bonne chose. Au-delà d'être drôle, c'est un bel artiste. » Outre l'humour, Docta Kevin travaille également dans le secteur de la communication. Il a prêté sa voix à plusieurs entreprises pour des spots publicitaires. À 40 ans, le fondateur du Gospel Comedy Club aimerait désormais vivre de son art.À écouter aussiLa relève du rire: Première demi-finale à Cotonou, Bénin
En Tunisie, un nouveau festival de Jazz, Jazz'it Festival, s'est tenu du 31 mai au 1er juin, attirant plusieurs centaines de spectateurs. Au-delà des concerts de musiciens internationaux, les organisateurs du festival ont également voulu donner une chance aux jeunes talents tunisiens d'assister à des masterclass et de commencer à produire leur musique. Dans le pays, le jazz réunit une grande communauté de passionnés depuis les années 1960. Devant un public de jeunes musiciens tunisiens, le guitariste américain Mark Whitfield présente une masterclass. Au programme, conseils et exemples de composition. Pour Malek Lakhoua, musicien de jazz et organisateur du festival avec le label Jazzit Records, il s'agit de perpétuer une tradition de culture du jazz en Tunisie qui avait commencé avec le festival de jazz à Tabarka en 1968.« J'ai grandi dans cette ambiance de masterclass, "d'aftershow". Pour moi, c'est la liberté que véhicule cette musique, l'union. C'est ce que l'on veut véhiculer à travers ce festival », explique l'organisateur, qui souhaite aider la scène jazz tunisienne à se renforcer. « Pour nous, la scène n'est pas assez structurée, il n'y a pas de label. Les circonstances, l'environnement, il est presque hostile pour la création d'un label. Économiquement, c'est difficile, la distribution est très compliquée, le manque de festivals. Il y a beaucoup de défis par rapport à cela », regrette-t-il.« Je cherche toujours des masterclass ou des sessions de jam pour apprendre et m'inspirer. Surtout que, malgré les quelques maîtres tunisiens du jazz, ce n'est pas vraiment une musique qu'on apprend au conservatoire. Il n'y a pas de formation, c'est un apprentissage un peu autodidacte », estime quant à lui Neder, 24 ans, qui improvise avec ses camarades à la guitare.Si le jazz reste confidentiel en Tunisie, une jeune génération de musiciens, espère percer dans le pays, comme Ahmed Dridi 29 ans, originaire de Zaghouan au nord de la Tunisie. « On est motivés, même si la culture du jazz n'est pas hyper répandue. Mais c'est plus par ignorance que manque d'intérêt pour cette musique. Par exemple, moi, si j'invite des amis à voir des live de musiciens jazz, au début, ils viennent sans connaître nécessairement et après, ils reviennent. Avec les jeunes, une communauté d'amateurs se crée aussi », raconte-t-il.Et pour encourager cette dynamique, le jeune musicien Aymen Dhifaoui, 27 ans et originaire de Kairouan, est monté sur scène pour échanger quelques sons de guitare avec le légendaire Mark Whitfield à la clôture du festival.À écouter aussiL'épopée des musiques noires: David «Yacouba» Jacob revitalise ses origines béninoises
L'Aïd el-Kébir ou Aïd el-Adha, la plus grande fête de l'islam, sera célébrée ces 6 et 7 juin dans les pays et les communautés musulmanes. Elle est appelée Tabaski en Afrique de l'Ouest. En Côte d'Ivoire, où plus de 40% de la population est musulmane, les foyers se préparent à des rassemblements familiaux, mais pas seulement. À Abidjan, une famille nous a ouvert ses portes. De notre correspondante à Abidjan,Tous les ans, c'est le même ballet dans la maisonnée. Madame Taofik, qui tient une boutique à Cocody, sait que son petit pavillon de Blockhaus ne suffira pas à accueillir tous ses invités. Avec la famille élargie et les conjoints, la population du foyer devrait doubler. Alors il faut anticiper. « Le matin avant la prière, ma belle-fille et son mari vont venir, explique Madame Taofik. Ma fille aussi, qui n'est pas encore mariée vient aussi, tout comme le petit frère de mon mari. Ce qui est sûr, c'est qu'on sera en famille. Tout le monde va venir à la maison pour qu'on fête ensemble. Souvent on dépasse les quinze personnes ! Quand la famille vient, on loue les sièges quand il est l'heure de manger. On sait bien s'amuser ! »Plus que les retrouvailles, les enfants sont enthousiasmés par les habits de fête et le festin. En réunissant toutes les générations, la Tabaski est aussi l'occasion de transmettre les traditions aux plus jeunes. Les pères de famille mettront à mort le mouton ou le bœuf, pour ceux qui en ont les moyens.Le petit-fils de Madame Taofik, Jimoh, veut apprendre auprès de son père, qui a promis de l'initier. « La fête va bien se passer, prédit le garçon de dix ans. On va payer un joli habit pour moi, des jolies chaussures, un chapeau, et un bœuf. On va fêter en famille, on va manger et rigoler. Je suis très pressé ! Mon papa va tuer le bœuf, il va me montrer comment, je vais regarder. Comme ça, quand je serai grand, je pourrai le faire aussi. »« J'ai des amis chrétiens et des amis musulmans, je célèbre avec tout le monde »Les femmes de la maison préparent le repas la veille, mais les traditions évoluent chez une jeunesse urbaine et moderne. Pour elle, Tabaski n'est plus seulement une célébration familiale, mais aussi un moment de fête avec les amis, toutes religions confondues. « On a programmé de faire une sortie le soir, explique Rokia Taofik, 27 ans. Le matin, je suis à la maison avec les parents. Après avoir mangé, tout le monde est à l'aise, vous vous reposez. Et puis le soir, vers 19h, vous sortez, vous partez vous amuser… Moi, j'ai des amis chrétiens et des amis musulmans, donc je fête avec tout le monde. Tout le monde a droit à la fête de la Tabaski ! Il ne faut pas dire “lui est musulman, lui est chrétien, il ne peut pas aller fêter”. La fête, c'est la fête ! »Plus de douze millions de personnes devraient célébrer la Tabaski vendredi 6 juin, qui sera un jour férié pour tous les Ivoiriens. À lire aussiAïd-al-Adha, Aïd-el-Kebir ou Tabaski : une année à l'épreuve des crises
À Bangui, l'association Dynamique Dominicaine pour l'environnement et le développement durable (DDEDD) utilise des déchets biodégradables pour produire du charbon écologique made in Centrafrique. Une source d'énergie permettant de réduire le phénomène de déforestation et du changement climatique. Reportage dans cette entreprise implantée dans la commune de Bégoua au nord de Bangui. De notre correspondant à Bangui,
Le Sahara occidental, territoire considéré comme non-autonome par l'ONU, situé au sud du Maroc et au nord de la Mauritanie, est au cœur de la route migratoire dite « de l'Atlantique ». Sa plus grande ville, Laâyoune, est situé à 90 km seulement des îles Canaries. En 2024, plus de 46 000 migrants irréguliers ont débarqué sur l'archipel espagnol, un record historique. Le nombre d'arrivées aux îles Canaries a augmenté de 17% entre 2023 et 2024. Si les autorités marocaines tentent de contrôler les flux irréguliers, la région reste une zone de départ importante pour les migrants, principalement en provenance d'Afrique subsaharienne, mais aussi de pays plus lointains comme le Pakistan ou la Syrie. Reportage à Laâyoune, de François Hume-Ferkatadji. De notre envoyé spécial à LaâyouneLe désert, puis l'océan. Dans les environs de Laâyoune, le trait de côte se résume à cette simple barrière naturelle. Il n'est pas difficile d'y faire partir un bateau pneumatique à moteur. Si le trajet pour rejoindre les îles Canaries peut durer près d'un mois au départ du Sénégal ou de la Mauritanie, il faut compter seulement 9 à 10 heures au départ de Laâyoune. « Le Maroc a installé des postes de surveillance, tous les deux kilomètres. Parfois, on tombe sur un poste de surveillance, mais malgré ces installations, les mafias arrivent à faire le passage, parce qu'elles possèdent maintenant des matériaux spécifiques », explique Taghia Abdelkebir, président de l'association Sakia El Hamra pour la Migration et le Développement.Les mafias organisent des arrivées de nuit, dans des convois chargés de candidats au départ, pour déjouer la vigilance des autorités, selon cet homme d'Afrique de l'Ouest, résident de Laâyoune, en contact régulier avec les migrants.« Quand les membres des mafias voient que la marée est basse, ils font une descente ici, et ils empruntent des camionnettes. Ils ne font ça que la nuit. Dans une Jeep, par exemple, ils peuvent mettre plus de 50 à 60 personnes. Puis, ils roulent de nuit pour entrer dans la ville », raconte-t-il. Le coût d'une traversée est estimé entre 4 000 et 6 000 euros par personne. Les migrants économisent parfois des années pour la tenter. « La plupart de ceux qui arrivent ici n'ont qu'un seul objectif, c'est de passer par les îles Canaries, traverser l'eau et rejoindre l'Europe », continue-t-il. Pourtant, la route Atlantique est extrêmement dangereuse. Selon l'ONG espagnole Caminando Fronteras, plus de 10 400 personnes ont perdu la vie en 2024, dont plus d'un millier au départ du Maroc.« Quand les gens arrivent à pouvoir traverser, ils envoient des photos, en s'exclamant "bozafri, bozafri !", ce qui signifie qu'ils sont arrivés de l'autre côté. Mais ce n'est pas toujours le cas. Les photos des morts, de ceux refoulés par la mer, sont vraiment choquantes. On peut y voir, 50, 60 personnes décédées », se désole notre témoin. Si environ 6 000 migrants ont pu trouver du travail et s'installer durablement plus au sud à Dakhla, les autorités marocaines mènent régulièrement des opérations de refoulement à Laâyoune dans le but d'endiguer les départs, en collaboration avec les autorités espagnoles.
Le Bénin a pour ambition de développer une importante offre muséale. Plusieurs sites sont actuellement en construction comme le Musée de l'épopée des Amazones et des rois du Danhomè à Abomey ou celui de la mémoire et de l'esclavage à Ouidah. Autre lieu très attendu à Porto-Novo cette fois : le Musée International du Vodun. Cet écrin qui entend notamment déconstruire les stéréotypes négatifs propagés sur la culture vodun, doit sortir de terre d'ici à la fin de l'année. Notre reporter, Pierre Firtion, a pu récemment visiter le chantier en compagnie d'Alain Godonou, chargé de mission aux Patrimoines et aux Musées auprès du président Talon. De notre envoyé spécial à Porto-NovoÀ l'entrée de Porto-Novo, juste après le pont, d'étranges bâtiments en forme d'alvéole se dressent au milieu des grues. Petit à petit, les contours du musée international du Vodun commencent à se dessiner. Ce lieu avec ses formes originales a été imaginé par le cabinet d'architecte ivoirien Koffi & Diabaté. « Ça rappelle beaucoup de choses, ça rappelle cet indice de calebasses, un élément important en culture Vodun de façon large. On met aussi en avant l'architecture Batammariba, que l'on appelle vulgairement "tata somba" », explique Alain Godonou, le chargé de mission aux Patrimoines et aux Musées du président béninois. Ce dernier fait référence à ces habitats traditionnels du nord-ouest du Bénin. Ces bâtiments et au-delà, ce lieu unique abriteront notamment plusieurs salles d'expositions où seront présentés non seulement des pièces de la collection nationale béninoise, mais également des objets venus d'ailleurs.« Ici et là, nous sommes en discussion avec des partenaires. Parfois, les discussions sont conclues pour avoir des objets significatifs de la culture Vodun, notamment de la culture Vodun venant hors du continent », raconte-t-il. Des pièces venant notamment du Brésil, de Cuba, des États-Unis seront ainsi exposées ici avec pour objectif de montrer le Vodun dans toutes ses composantes. Pour Alain Godonou, « l'objectif étant d'arriver à dépouiller le Vodun des idées négatives qui lui sont prêtées. Et que le public découvre que le Vodun est tout à fait respectable ». En ce mois de mai, le chantier bat son plein. Ce jour-là, des ouvriers posent de grandes plaques de terre ocre sur l'un des bâtiments, d'autres travaillent sur les fondations de la future déambulation entre les différentes espaces.« Il y a une circulation qui va se faire. Ce sera protégé, on construira une canopée. Là, les ouvriers sont en train de faire les soubassements des éléments de la canopée, pour que la promenade à l'intérieur du musée soit protégée », décrit Alain Godonou.Outre la construction de cette canopée, il reste encore beaucoup à faire pour emménager les 16 000 m² du site. Le calendrier pourra-t-il être tenu ? Alain Godonou se veut confiant, puisque, comme il dit, « les gros travaux sont finis. Les travaux de finition ont commencé. La muséologie, la muséographie avancent très bien. On n'est jamais à l'abri d'une surprise, mais je crois fermement que d'ici à la fin de l'année 2025, il pourra ouvrir ». Le musée doit être inauguré en même temps que la statue du roi Toffa 1er, qui trône sur la place située devant l'entrée du musée. Une statue, qui est elle déjà terminée.
La Finlande a restitué le 13 mai dernier au Bénin un siège royal tripode nommé Kataklè. Un moment marquant que vous avez pu suivre sur les antennes de RFI. Ce que l'on sait moins, c'est que ce pays nordique dispose dans le pays d'un institut culturel, le seul sur le continent. Villa Karo, c'est son nom, est située en bord d'océan à Grand-Popo, à deux heures de route de Cotonou, juste à côté de la frontière togolaise. Cet institut fête en ce mois de mai 2025 ses 25 ans. Le lieu a su se faire une place. Il est aujourd'hui très apprécié des habitants. C'est un lieu à part que nous fait visiter en ce mercredi de mai, Kristiina Utriainen, une jeune finlandaise en stage ici depuis janvier : « On accueille des résidents du secteur de la culture et aussi des chercheurs. »Villa Karo, c'est d'abord une résidence pour artistes en recherche d'inspiration. Le projet est né il y a 25 ans, porté par un écrivain finlandais passionné par le voyage, Juha Vakkuri. Julia Ojanen est la directrice exécutive de l'institut : « Il est vraiment tombé amoureux de ce lieu. La paix, les cultures vaudoues qui sont très inspirantes. Il s'est dit "c'est ici que je vais rester pour le reste de mes jours et je vais emmener les autres écrivains ici à Grand-Popo et on va rester ensemble et on va faire notre travail". »La résidence est baptisée Karo en mémoire du fils du fondateur, disparu tragiquement. Au fil du temps, le lieu évolue pour se transformer en un grand centre culturel, financé aujourd'hui à 55 % par l'état finlandais : « On fait beaucoup de services, par exemple des ateliers aux enfants, une dizaine de concerts par an, on a deux musées, un ethnographique et un second d'art contemporain. On a 14 000 visiteurs par an, à peu près. »Des visiteurs qui viennent également assister à la projection de films ou participer à la création de spectacles. Des ateliers de lecture sont également proposés aux enfants et aux adolescents. Georgette Singbé est manager culturelle à la Villa : « Beaucoup n'ont pas accès aux manuels et au programme. La Villa Karo les achète et invite les encadrants de lecture à venir les aider à mieux comprendre les livres au programme. »Les enfants sont également initiés à la création : « À chaque fois que je viens ici, il y a toujours une répétition avec les enfants de Grand-Popo. Je suis sûre que beaucoup d'artistes vont émerger d'ici. »Sika da Silveira a noué un lien particulier avec ce lieu. Cette artiste plasticienne béninoise expose en ce moment dans un des musées : « Quand je suis là, je n'ai pas envie de partir parce que c'est inspirant. Il y a tout ce qu'il faut pour travailler sur place. La nature, le calme pour se ressourcer. »La résidence, elle, existe toujours. Elle s'ouvre désormais aux artistes ouest-africains. Objectif à terme, selon la directrice : accueillir autant d'artistes de Finlande qu'en provenance d'Afrique de l'Ouest.À lire aussiBénin : le «kataklè», 27e pièce du trésor royal d'Abomey, de retour 133 ans après avoir été pillé
Il y a exactement 50 ans, le 28 mai 1975, quinze pays ouest-africains s'accordent pour établir la Cédéao, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest. Il aura fallu pas loin de dix ans pour concrétiser l'idée d'union économique, d'abord portée à l'origine par le président du Liberia, William Tubman. Puis c'est bien grâce à la détermination du Nigérian Yakubu Gowon et du Togolais Gnassingbé Eyadéma que ces quinze États signent le Traité de Lagos. Retour sur le contexte de création de l'organisation. De notre correspondant à Abuja, Le général Yakubu Gowon savoure l'instant, ce 28 mai 1975 à Lagos. Le président Léopold Sédar Senghor a délégué son Premier ministre Abdou Diouf. Mais l'Ivoirien Félix Houphouët-Boigny et neuf autres chefs d'État écoutent religieusement le discours de leur pair nigérian habillé en uniforme militaire d'apparat. Yakubu Gowon : « C'est un jour mémorable, le résultat d'un effort persistant de la part des dirigeants de tous les coins de l'Afrique de l'Ouest. Un autre pas important et concret pour donner des effets pratiques aux aspirations que nous nous sommes tous efforcés depuis le début de la dernière décennie d'amener à la fusion. »De 1972 à 1975, le président nigérian et son homologue togolais, Gnassingbé Eyadéma défendaient lors d'une tournée ouest-africaine le concept de l'intégration régionale. Yaouza Ouro Sama est l'actuel greffier en chef à la cour de justice de la Cédéao. Pour lui, le Traité de Lagos a servi de colonne vertébrale à des nations dont l'indépendance était récente à l'époque. Youaza Ouro Sama : « Il y avait des États qui étaient en guerre, qui s'entredéchiraient. Il n'y avait aucun cadre dans lequel ils pouvaient discuter ou dialoguer pour mettre les choses en commun. On avait des économies fragmentées, des pays qui étaient non structurés. »La libre circulation des personnes devient l'un des acquis majeurs dès le démarrage de la Cédéao. Pourtant, jusqu'aux années 1990, traverser une frontière terrestre avec une pièce d'identité est loin d'être un réflexe pour des millions de Ouest-Africains. M. Tony Luka Elumelu est un ancien officier d'immigration : « La plupart des gens ne se déplaçaient pas avec un passeport. Ils se déplaçaient avec un document officiel. Comme au Nigeria et au Niger, à la frontière, il s'agissait simplement d'une autorisation fiscale délivrée par l'un ou l'autre pays. Et c'est ce que les gens utilisaient à l'époque pour traverser la frontière. »Cinquante ans après le Traité de Lagos, la Cédéao vit à l'ère numérique. Et son seul fondateur encore vivant, Yakubu Gowon, possède un passeport vert biométrique. Comme des millions de citoyens ouest-africains.À lire aussiGhana: la Cédéao célèbre ses 50 ans, l'organisation à la croisée des chemins►À lire dans les archives de RFI : Les illusions perdues
Ils sont les acteurs méconnus et pourtant indispensables du quai de pêche de Kayar. Les porteurs de caisses de poissons transportent plusieurs fois dans la journée des dizaines de kilos pour une paie dérisoire. De notre envoyée spéciale de retour de Kayar,Dans le tumulte du quai de pêche, pas pressants, ils font des allers et retours, des caisses remplies de poissons sur la tête. « Quand les pêcheurs reviennent de la mer, nous sommes chargés de sortir le poisson des pirogues pour les emmener soit dans les usines, soit dans les camions frigorifiques ou auprès du propriétaire de la pirogue », explique Modou Poye, tout en guettant l'arrivée d'une pirogue pour offrir ses services.« On se bouscule. Près de 200 personnes effectuent ce travail ici. Donc, il faut être prudent et être respectueux pour ne pas créer des problèmes. Quand on se rue et qu'une autre personne est choisie, je ne fais pas d'histoire, j'attends mon tour. Les caisses peuvent peser 40, 50 jusqu'à 60 kilos, c'est très lourd. »À écouter aussiSénégal : sur le quai de Kayar, des candidats à l'immigration prêts à toutTous ne sont pas patients comme Modou Poye. Il arrive que des bagarres éclatent entre porteurs, surtout quand la pêche n'a pas été fructueuse. Demba Ba erre également sur le quai, sa caisse sous le bras, en attendant de la remplir. « Quand il n'y a pas de poisson, il n'y a pas de travail pour nous et rien pour les dépenses quotidiennes. Chacun veut gagner quelque chose, donc il arrive qu'on se batte entre nous jusqu'à l'intervention des gendarmes. C'est pour ça qu'il faut qu'on soit mieux organisé », estime-t-il.Les porteurs sont payés 500 FCFA la course et pour gagner plus, il faut en faire une dizaine par jour. Le visage dégoulinant de sueur, Saliou Thiaw 52 ans, père de six enfants, vient de déposer une caisse. Il a quitté une autre région pour venir travailler sur ce quai de pêche : « Je fais ce travail depuis 30 ans, c'est très fatigant. Parfois, je gagne 3 000 FCFA, 4 000 ou 5 000 FCFA, ça dépend des jours. Quand on doit nourrir une famille, c'est compliqué. Tout ce que je gagne, c'est pour les besoins quotidiens de ma famille. Chez moi, personne d'autre ne fait ça, parce que c'est très dur. Mais c'est mieux que de voler ou de vendre de la drogue. »Ils aimeraient voir une augmentation du prix de la course, mais les propriétaires des pirogues et les autres acteurs de la pêche restent alignés sur le même montant. En plus de leur paie dérisoire, les porteurs de caisses sont aussi touchés par la diminution des quantités de poissons, car s'il n'y a pas de pêche, ils ne peuvent pas travailler.
Kayar fait partie des principaux quais de pêche artisanale au Sénégal. Il y a quelques années, c'était un des points de départ importants des embarcations pour l'immigration clandestine. Après plusieurs drames, les autorités ont lancé des campagnes de sensibilisation dans les lieux de culte et auprès des leaders communautaires pour dissuader les jeunes. La sécurité a aussi été renforcée avec un poste de contrôle de la gendarmerie. Des initiatives qui, si elles ont contribué à baisser les départs à partir de Kayar, ne dissuadent pas totalement les candidats à l'immigration. De notre envoyée spéciale de retour de Kayar,Seynabou Sarr, la cinquantaine, vendeuse de poissons depuis plus de 20 ans, seau à la main, vient de s'approvisionner auprès des pêcheurs. Elle ne cache pas son amertume : « Notre souhait est que nos enfants restent ici avec nous pour développer notre commune, mais ce n'est pas le cas. D'ailleurs, vous voyez, l'essentiel des jeunes qui travaillent sur ce quai ne sont même pas natifs de Kayar. Ils viennent d'autres régions. »Ces jeunes dont elle parle sont des saisonniers. La pêche en mer, parfois sur plusieurs jours d'affilée, constitue pour eux une sorte d'entraînement pour le grand voyage. Des rangées de pirogues peintes en jaune, rouge et bleu tapissent le long du quai, attendant les prochains à la recherche du poisson. Un peu à l'écart, un groupe d'adolescents discute dans l'une de ces embarcations. Bassirou Mballo, 17 ans, utilise la pirogue de son père. Même si le but affiché est la pêche, il ne perd pas de vue son objectif réel : quitter le Sénégal pour l'Europe. « On a laissé nos parents à la maison. J'ai prévenu que si j'arrête la pêche, je vais prendre la pirogue pour aller en Espagne. Je n'ai pas peur parce que depuis quatre ans, je pêche. Je vais partir en Espagne. », affirme-t-il.Ahmed Faye a déjà tenté l'aventure en 2007, en passant par la Gambie et le Maroc. Il avait même pu, selon ses dires, atteindre les côtes espagnoles avant d'être intercepté et refoulé par la police des mers. Même s'il a vu des camarades mourir, il est tenté par une nouvelle aventure : « Dès qu'une occasion se présentera, je repartirai sans réfléchir. Qui ne tente rien n'a rien. Mon travail ici est très pénible et j'espère avoir mieux de l'autre côté. »Des rêves d'ailleurs nourris par la précaritéNous retrouvons Seynabou Sarr. La vendeuse de poisson a vendu le contenu de son seau. Depuis des dizaines d'années qu'elle fréquente le quai de pêche, Seynabou Sarr a vu les quantités de poissons diminuer au fil du temps. Et pour elle, il n'y a pas de doute, cela fait partie des raisons qui poussent les jeunes à partir : « C'est vraiment désolant. Tout à l'heure, j'ai acheté ce seau de poissons à 6 000 FCFA, je l'ai revendu à 6 500 ; celui qui l'a porté pour moi, je l'ai payé 200 FCFA et il ne me reste que 300 FCFA comme bénéfice. Ce n'est rien du tout et c'est pénible. C'est ce qui fait que les jeunes partent ailleurs clandestinement, parce que nous n'avons plus rien ici. Ils n'ont pas le choix, et nous ne pouvons pas les retenir. »Comment les retenir quand ils voient pousser de terre de grosses villas appartenant à ceux qui ont pu arriver en Europe ? Ces maisons sont de plus en plus nombreuses, au point que la commune s'est agrandie avec un nouveau quartier appelé Kayar Extension.
Alors que le 78e festival de Cannes s'est achevé samedi 24 mai en France, la diversité de la production en Tunisie, pays où la culture d'aller au cinéma est peu présente à cause du faible nombre de salles, témoigne de l'exploration de nouveaux genres. De la comédie romantique commerciale au film de genre, les réalisateurs tunisiens affirment chacun leur style. De notre correspondante à Tunis,Avec le film Agora, à mi-chemin entre le thriller et le film de genre, le réalisateur Alaeddine Slim signe son troisième long-métrage. Son œuvre se distingue dans le paysage cinématographique tunisien avec un style particulier centré sur l'image et les hors-champs : « Être à la marge, ça me permet aussi une certaine liberté. Voilà mes films ne sont pas trop connus ici, moi-même, je ne suis pas très connu ici en Tunisie. Du coup, je profite de cette ombre pour véhiculer mes idées. »Le film suit une enquête policière autour de mystérieux revenants, des personnes portées disparues qui ressurgissent soudainement. Mais progressivement, le film parle aussi d'écologie, du rapport à la religion et du refus de se confronter au passé. En filigrane, il offre une critique politique. « Agora critique plusieurs pouvoirs dans notre société : le pouvoir policier, scientifique et religieux essentiellement, mais aussi tenter de montrer la relation très ambiguë et "très sale" entre ces trois pouvoirs, c'est ça l'idée générale du film. Au lieu de liquider le passé, d'essayer de comprendre ou de décortiquer ce problème-là, on refait les mêmes fautes et on étouffe l'affaire. »Startup : un autre film, une autre ambiancePratiquement sorti la même semaine qu'Agora, la comédie romantique Startup s'inscrit dans un registre diamétralement opposé, mais aussi nouveau dans le paysage cinéma tunisien, plutôt habitué aux drames ou comédies potaches. Haifel Ben Youssef en est le réalisateur : « Je voulais faire un film léger et comme j'avais une culture des ciné-clubs et des festivals du film amateur, je n'étais pas à l'aise avec l'idée de faire juste un film commercial. Donc le défi avec ma scénariste, c'était d'arriver à réaliser un film "light", commercial, grand public et en même temps y inclure des sujets de société comme la question de l'environnement à Tunis et sur l'île de Djerba, le modèle touristique, les problèmes des jeunes entrepreneurs. »Même si le pays ne compte qu'une vingtaine de salles, la production tunisienne reste abondante et diversifiée. En 2024, une centaine de films tunisiens ont été produits.À lire aussiLe cinéma tunisien et son tout premier film de fiction fêtent leurs 100 ans
Au Festival de Cannes, la 6ᵉ édition du Pavillon Afriques a mis le cap sur l'avenir de la production cinématographique sur le continent. Face aux développements technologiques et à la place de plus en plus prépondérante occupée par l'intelligence artificielle, plusieurs journées de débats ont été organisées. Avec la participation de jeunes créateurs africains. De notre envoyée spéciale à Cannes, Une idée importante est perpétuellement revenue dans le débat : faire profiter les créateurs du continent de l'expérience de la diaspora. Créer des ponts et transmettre les connaissances acquises et le savoir-faire s'avère nécessaire, surtout dans le domaine des nouvelles technologies. En rassemblant cette diaspora, les afro-descendants et ceux issus des différents pays d'Afrique, les organisateurs visent à unir les énergies pour trouver des solutions à une industrie en manque d'infrastructures.Pour la participante aux débats Lamia Belkaid-Guiga, universitaire tunisienne et enseignante de cinéma, il faut également plus d'échange entre les pays africains : « Aujourd'hui, il y a énormément de choses, de challenges à mettre en place par rapport à tout ce qui est effets spéciaux et films d'animations. Il faut créer des collectifs, surtout en l'absence de formations dans la plupart des pays… Il y a un déséquilibre entre les pays africains, donc, ça serait bien de créer un écosystème africain-africain, c'est-à-dire entre le nord, le sud et le centre, entre les pays anglophones et francophones de l'Afrique. Je pense qu'il y a pas mal de films qui se font aujourd'hui entre les pays. Il se trouve que c'est une bonne chose. »À lire aussiÀ l'ouverture du pavillon Afriques du festival de Cannes, hommage à Souleymane Cissé« Il faut protéger les droits des auteurs »Évoquant le présent et l'avenir du cinéma africain face à l'Intelligence artificielle, Carine Barclais, la fondatrice du pavillon Afriques, met en garde, le continent ne doit pas arriver après la bataille : « Maintenant, nous sommes tous au même niveau en ce qui concerne l'utilisation de l'Intelligence artificielle. L'Afrique a vraiment toutes ses chances d'être au niveau mondial et ce qui se fait de mieux dans le domaine. Il n'y a pas de raisons pour que l'on ne soit pas parmi les premiers. Dans le cinéma en général, il y a de très bons talents d'origine africaine dans les films d'animation. »Les différentes compétences forment un écosystème. Mais, selon Carine Barclais, pour bâtir une industrie durable, il faut croiser les compétences et avoir surtout le soutien politique : « Il faut juste légiférer. Les gouvernements africains devraient se concentrer sur cette voie. Pour protéger les droits des auteurs, ils ne peuvent pas utiliser l'Intelligence artificielle sans mettre en place les conditions de protection de la propriété intellectuelle, une éducation sur ce qu'est l'Intelligence artificielle, et comment l'utiliser. Il ne s'agit pas d'être juste des utilisateurs. »Comprendre, maîtriser, adapter : des mots qui sont souvent revenus dans les débats face aux nouveaux défis qui transforment le métier et même l'imaginaire des créateurs.À lire aussiFestival de Cannes 2025: «Timpi Tampa», un film sénégalais sur les risques de la dépigmentation
D'après les archives des navires négriers, près de 100 000 habitants de l'actuelle Côte d'Ivoire furent envoyés de force vers les Antilles et l'Amérique au XVIIIe et XIXe siècles. Sur cette route de l'esclavage, les futurs déportés s'arrêtaient dans le village de Kanga-Nianzé pour se « purifier » dans une rivière avant le grand départ. De notre correspondant de retour de Tiassalé, C'est une incantation comme une prière « Le malheur derrière le bonheur devant ». Habillé de blanc, le visage barré de kaolin, Pascal se nettoie le front dans la rivière Bodo. Il en est l'un des gardiens. « Cet endroit est très sacré, avant, c'était une piste de commerce. Ces esclaves, de partout, ils arrivaient dans ce village, ils ont préféré les laver ainsi. C'est-à-dire, c'est le seul village où ils ont lavé les esclaves. C'est un bain purificatoire, de l'oubli. »L'eau de la Bodo était censée effacer la mémoire des esclaves. Un rituel et une étape sur le chemin de Cap-Lahou, point d'embarquement vers les Amériques. Kanga Nianzé est le premier site de traite négrière reconnu en Côte d'Ivoire. Une stèle y est dressée depuis 2017, entre la route et les bananeraies. Les visiteurs sont rares. Audrey est venue d'Abidjan, à 120 km de là. Elle n'avait jamais entendu parler de cette histoire : « Je suis venue, j'ai vu l'endroit ... Wow. Ça m'a touché parce que je me suis dit : "Mais en Côte d'Ivoire, il y a ce genre d'endroit où ils ont fait les travaux forcés, l'esclavage". Ça m'a fait bizarre, jusqu'à en avoir les larmes et la chair de poule. »Depuis 2016, la Côte d'Ivoire a intensifié la recherche pour cartographier les routes de l'esclavage. « Les itinéraires ont été identifiés, les ports d'embarquement, les auteurs, tous les acteurs », souligne Hélène Timpoko Kiénon-Kaboré, conseillère technique au ministère ivoirien de la Culture.Pour l'archéologue de formation, les fouilles doivent se poursuivre, notamment sur le littoral. Plus important pour elle, l'esclavage est aujourd'hui intégré dans les manuels scolaires. « L'État a fait introduire des titres comme les routes de la traite et puis les conséquences économiques, sociales et démographiques. C'est une histoire qui est très importante. C'est résister que de connaître, que de se souvenir. » Une autre stèle commémorative a été érigée à Lahou-Kpanda dans le sud de la Côte d'Ivoire. Elle attend son inauguration.À lire aussi[Reportage] La Côte d'Ivoire trace sa route de l'esclave
À Madagascar, la culture sur brûlis ou encore le trafic de bois détruisent chaque année un peu plus les forêts. En 60 ans, la Grande Île a perdu environ la moitié de son couvert forestier. Un désastre environnemental que tente de réparer l'ONG Graine de vie, l'un des principaux acteurs du reboisement à Madagascar. Près d'Antananarivo, une équipe de pépiniéristes cultive patiemment des centaines de milliers de plants d'arbres chaque année, dans l'objectif de reverdir les alentours de la capitale. De notre correspondant à Antananarivo,Une trentaine d'espèces d'arbres fruitiers ou forestiers sont cultivés le long des allées de la pépinière centrale de Graine de vie, près d'Antananarivo : des acacias, des citronniers ou encore des ravintsara que nous présente Andry Raharizatovo, technicien au sein l'ONG. Les graines, explique-t-il, sont collectées en forêts, sur des fruits au marché ou directement sur les plants produits par l'association : « Chaque espèce a besoin d'un traitement spécifique. Les graines des arbres fruitiers doivent être plantées aussitôt arrivées à la pépinière. Pour certains arbres forestiers, en revanche, il y a un pré-traitement : il faut tremper les graines dans de l'eau bouillante pour les réveiller dans leur cycle de sommeil et permettre une germination plus rapide. »Avant de quitter la pépinière à l'arrivée de la saison des pluies, les plants doivent atteindre une maturité suffisante pour continuer à croître une fois dans la nature : « Le jeune plant d'avocatier va par exemple rester dans la pépinière pendant environ huit mois pour atteindre une hauteur de 15 à 20 centimètres avant d'aller vers le lieu de plantation en décembre ou janvier. »À lire aussiMadagascar : l'ONG de reboisement Graine de Vie réduit ses activités et lance un cri d'alarmeChaque année, 500 000 plants sortent de la pépinière centrale de Graine de vie. Madame Sahondra y travaille au quotidien. Comme elle, la vingtaine d'employés sont issus des villages Akamasoa, un mouvement créé par le père Pedro Opeka, il y a 35 ans, pour lutter contre l'extrême-pauvreté : « Ce matin, j'ai puisé l'eau au puits et j'ai arrosé les jeunes plants. Pour que l'eau puisse bien rentrer dans la terre, j'enlève les mauvaises herbes. Je m'occupe aussi d'amener de l'engrais et d'installer un système d'ombrage au début de la germination pour que les plants ne sèchent pas trop tôt. J'aime mon travail. C'est une source de revenus pour ma famille et il contribue à la restauration des forêts. »2,3 millions d'arbres plantés en 2024Les plants sont offerts à des communautés ou des associations en contrepartie d'un suivi attentif.Graine de vie gère plus de 200 pépinières à Madagascar. En 2024, elle a planté 2,3 millions d'arbres sur une surface de 10 000 hectares. Mais la tâche est immense : environ 100 000 hectares de forêts disparaissent chaque année.Jean-Hervé Bakarizafy est le directeur des opérations de l'ONG : « Là où il y a des forêts bien protégées et bien préservées, il y a un climat favorable, non seulement à l'environnement, mais aussi à l'agriculture. Mais une fois que l'environnement est perturbé, tout est perturbé, non seulement la culture, mais aussi la vie et la santé humaine, puisqu'il y a une augmentation de la chaleur. Et dès qu'il y a une augmentation de la chaleur, les terres deviennent arides. Les zones deviennent plus faciles à recevoir du feu. »Pour enrayer ce cercle vicieux, les pépiniéristes de Graine de vie sont engagés dans une véritable course contre-la-montre. Si la déforestation se poursuit au rythme actuel, Madagascar, autrefois surnommée l'île verte, pourrait perdre toutes ses forêts à l'horizon 2050.
« Le Lesotho, un pays dont personne n'a jamais entendu parler », disait Donald Trump en mars dernier au moment de passer en revue les aides internationales américaines pour y mettre fin. Si les décisions du président américain, commerciales et humanitaires, font craindre le pire pour ce petit royaume de 2 millions d'habitants enclavé dans l'Afrique du Sud, les habitants veulent utiliser cette moquerie pour justement faire connaître leur pays et sa culture. Parce que le Lesotho, ce n'est pas seulement un pays pauvre frappé par le VIH, c'est aussi un royaume indépendant avec une histoire riche et une jeunesse urbaine dynamique. De notre envoyé spécial de retour de Maseru,Dans un café de Maseru, trois hommes partagent un verre sous un grand parasol. Ils ont évidemment entendu la phrase du président américain : « Le Lesotho est devenu viral sur les réseaux sociaux, et j'étais très heureux. Je me suis dit, "nous ne sommes pas responsables de la naïveté de Trump, mais nous serons responsables si nous n'utilisons pas cette vitrine médiatique". »La course contre-la-montre est lancée pour surfer sur cet extrait devenu viral et parler du Lesotho. Mais ici, il y a peu de musées pour raconter son histoire. Tseli Motsoane a donc lancé son propre projet d'archivage : « Nous avons des coupures de presse. Là, c'est une ancienne carte de Maseru, ici vous avez Maseru-Ouest, où nous irons plus tard. Regardez, c'est indiqué : "Refuges des militants de l'ANC". »À lire aussiLe Lesotho «choqué» après les déclarations de Donald Trump sur le paysLa jeune historienne, bonnet en laine vert sur la tête, connaît la ville comme sa poche. Elle est née ici : « Voilà l'ancien hôpital Queen Elizabeth II. On est beaucoup à être nés ici ! »Un hôpital au cœur de la ville, dans cette capitale animée d'un peu moins de 500 000 habitants. Capitale qui a accueilli de nombreux militants anti-apartheid. Un volet de l'histoire parfois oublié que Tseli Motsoane veut réhabiliter : « Là où nous sommes, c'était autrefois un quartier blanc. Parce que la ségrégation a existé ici. C'est juste que ça n'a pas été aussi loin qu'en Afrique du Sud. Et nous avons défendu nos frères et sœurs d'Afrique du Sud, jusqu'à subir des massacres au Lesotho. »« Ici, c'est le "BNP". C'était le siège du Parti national Basotho, le premier parti à être entré au gouvernement après l'indépendance. C'était leur quartier général à l'époque. Aujourd'hui, c'est un centre commercial, mais le nom n'a pas changé. »À lire aussiLe continent africain frappé par les nouvelles taxes américaines imposées par Donald TrumpLe soleil se couche sur le paysage montagneux du Lesotho, nous terminons notre visite à « Maseru-Ouest », lieu de culture où de nombreux militants sud-africains s'étaient réfugiés pendant l'Apartheid. Tseli Motsoane nous invite à la projection d'un court métrage. Là-bas, nous rencontrons Lineo, une écrivaine de Maseru : « Quand on parle de la France, on pense à la haute couture. La Suisse, c'est le chocolat. Mais quand on parle du Lesotho, c'est directement le VIH. Et maintenant, les taxes. Il n'y a donc que ça qui nous caractérise ? »À la fin du film, le jeune réalisateur est largement acclamé par son public. Loin des débats sur l'aide au développement ou sur le commerce, le Lesotho, c'est aussi ça : des jeunes déterminés avec des rêves plein la tête.
La fistule obstétricale est une lésion provoquée par un accouchement prolongé et aggravée par l'excision ou lorsque la maman est très jeune. Un fléau qui concerne 500 000 femmes dans le monde, dont 250 000 se trouvent en Afrique subsaharienne. Direction la région de Kolda, en Casamance, dans le sud du Sénégal, où une ONG fait de la prévention et accompagne jusqu'à la guérison les femmes qui en souffrent. De notre envoyé spécial à Kolda,À peine arrivées dans le village de Sare Kanta, les équipes de l'ONG Tostan distribuent des brochures sur la fistule obstétricale aux habitantes. Parmi elles, Hothia Mballo, qui connaît déjà le sujet. Pendant près de cinq ans, après un accouchement difficile, cette femme de 41 ans a souffert des conséquences physiques et sociales de la fistule : « Je vivais isolée des membres de ma famille, j'avais honte de ne pas pouvoir retenir mes urines et de sentir mauvais. Mais mon mari ne m'a jamais haïe à cause de la maladie et contrairement à d'autres femmes, il m'a toujours soutenue. Aujourd'hui, je peux dire que le tabou est brisé, parce que tout le monde m'a vue guérir. »Une évolution dans le comportement au sein des communautés qu'a observées Penda Damso, une agente de mobilisation sociale qui intervient dans toute la région : « Au départ, il y a de la honte. Voilà, les femmes, des fois, quand la sensibilisation se termine, vous allez dans d'autres villages, c'est après qu'on vous interpelle pour vous dire que dans le village que vous avez quitté, il y a une femme porteuse de fistule. »À écouter aussiFistules obstétricales : les prévenir grâce aux consultations prénatalesFinté Boiro est le coordinateur de Tostan dans la zone sud du Sénégal. Lui aussi souligne l'importance de la prévention et l'accompagnement dans les soins : « Les capacités des femmes ont été renforcées, c'est pourquoi on a eu aussi à prendre en charge ces femmes victimes de la fistule obstétricale à travers le traitement, la réparation de ces femmes-là. »Une réparation qui prend du temps et sur laquelle le Dr Emmanuel Kazubwenge est spécialisé depuis plus de dix ans. Le chef du service de chirurgie de l'hôpital régional de Kolda évoque sa prise en charge : « Elle est complexée, elle est multidisciplinée, elle est sociale, elle est médicale, elle est économique. On nous les amène, on les consulte. S'il faut opérer, on les opère. C'est une chirurgie délicate et une chirurgie, peut-être pas urgente, mais une chirurgie parfois avec des échecs, ce n'est pas étonnant d'avoir une femme multi opérée. »Le médecin se réjouit tout de même de voir de moins en moins de femmes venir consulter pour une fistule obstétricale. Grâce, selon lui, à la multiplication des structures sanitaires de proximité qui offrent aux femmes un suivi tout au long de la grossesse et après l'accouchement.
Le tourisme et la gentrification permettent souvent de revitaliser des quartiers, mais ils sont aussi parfois une menace pour leur identité, et pour le confort de leurs habitants. En Afrique du Sud, dans la ville du Cap, le quartier de Bo-kaap en fait les frais. Ses petites maisons colorées à flanc de colline ravissent les usagers d'Instagram et autres visiteurs. Une situation de plus en plus difficile à tenir pour les habitants. Après plusieurs années de lutte, ils viennent d'obtenir que les bus touristiques ne soient plus autorisés à entrer dans le quartier. De notre envoyée spéciale au Cap,Ruelles pavées à flanc de colline, le quartier de Bo-Kaap, « au-dessus du Cap » en afrikaans, a des allures de village, en plein cœur de la métropole d'Afrique du Sud. Un village aux mille couleurs, avec ses petites maisons roses, vertes, bleues qui font la joie des touristes comme Nadira. « Qui ne voudrait pas venir ici ? C'est vraiment joli pour faire des photos. C'est une attraction touristique, donc il fallait vraiment qu'on passe par ici », s'enthousiasme-t-elle.Chaque jour, une foule de visiteurs envahit les ruelles étroites du petit quartier. Un succès difficile à gérer pour les habitants. « C'est très beau ici et on comprend tout à fait que les gens veulent venir et prendre des photos. Le problème, c'est le manque de respect qui vient avec. Certains touristes pensent qu'en venant ici, ils peuvent faire tout ce qu'ils veulent. Qu'il s'agisse d'ouvrir le portail de quelqu'un et de monter le perron pour prendre une photo. Ou de demander à un habitant : "est-ce que vous pouvez rentrer dedans parce que je veux une photo de votre maison ?" », s'indigne Jacky Poking, résidente et activiste.Les résidents viennent d'obtenir l'interdiction pour les bus touristiques de circuler dans les ruelles, après des années à le réclamer. Descendante des esclaves malais, cette communauté à majorité musulmane est installée ici depuis des générations et y a fondé la première mosquée du pays. Elle a développé de nombreuses traditions, menacées aujourd'hui par la gentrification. « Nos tarifs, comme l'eau et l'électricité, augmentent d'année en année. Il devient donc très difficile pour les habitants de rester dans le quartier, même s'ils le souhaitent. Surtout les personnes âgées. Souvent, ceux qui ont vendu ces dernières années l'ont fait parce qu'ils n'arrivaient plus à payer », se désole Jacky Poking.De plus en plus de maisons sont rachetées par des investisseurs, constate Zaki Harris, habitant et guide touristique. « Dans ces rues principales, une maison sur deux est habitée par un Sud-Africain. Entre les deux, on trouve des Airbnb et d'autres locations à court terme. Des maisons qui restent vides la moitié de l'année », regrette-t-il. Zaki milite pour un tourisme plus soucieux des traditions, et qui profite davantage à la communauté, qui pour l'instant en perçoit peu les retombées. « Si nous ne promouvons pas un meilleur tourisme, il sera beaucoup plus difficile pour nos enfants de pouvoir garder le lien avec leur patrimoine culturel », estime-t-il. Difficile pour la petite communauté de résister aux assauts de la ville. Elle n'a pas réussi à empêcher la construction d'un immeuble de six étages en bordure du quartier.À lire aussiAfrique du Sud: le télévangéliste Timothy Omotoso à nouveau arrêté dans une affaire d'immigration
Au Soudan du Sud, les affrontements continuent dans plusieurs régions du pays entre l'armée gouvernementale, loyale au président Salva Kiir, et les forces de l'opposition du vice-président Riek Machar. Celui-ci est en résidence surveillée à Juba depuis fin mars et une douzaine d'autres figures de l'opposition sont, elles aussi, toujours détenues. Les autorités assurent pourtant vouloir poursuivre la mise en œuvre de l'accord de paix de 2018 et de fait, aucun combat n'a eu lieu dans la capitale depuis le début de cette crise. Mais les résidents d'un camp de déplacés d'ethnie Nuer, la communauté de Riek Machar, disent vivre dans la peur. Ce camp situé en proche banlieue de Juba abrite plus de 30 000 personnes. Voici le récit d'un déplacé qui dit avoir été pris pour cible en tant que Nuer par les soldats gouvernementaux. Pour sa sécurité, nous ne révélons pas son identité. Des motos trimballent toutes sortes de marchandises, dans cette rue qui file à travers les abris aux toits couverts de bâches en mauvais état. Nous retrouvons John derrière une palissade en bambou. À 55 ans, il compte à l'aide de ses doigts les années qu'il a passées dans ce camp de déplacés situé près de la Mission des Nations unies au Soudan du Sud, la Minuss, à Juba. Comme des dizaines de milliers de Nuer de la capitale, il a fui les violences en décembre 2013, quand la guerre civile a commencé. « Je suis venu ici quand le conflit est devenu ethnique, quand des personnes innocentes, sans lien avec la politique, qui ne sont ni soldats ni combattants, ont été ciblées parce qu'elles étaient Nuer. Alors que c'était un problème entre les politiciens à la base », explique-t-il.L'accord de paix de 2018 puis le retour de Riek Machar en 2020 au poste de vice-président n'a pas vraiment amélioré la situation dans le camp. Les casques bleus se sont retirés et la plupart des services humanitaires se sont arrêtés. En octobre 2024, John a décidé d'aller s'installer à l'extérieur du camp pour cultiver et chercher de l'or jusqu'à ce que des combats éclatent autour de Juba, la semaine du 24 mars. « C'est le gouvernement qui est allé provoquer des combats de partout. Ils ont attaqué les bases militaires où se trouvaient les soldats d'opposition. Ils les ont chassés. Puis, ils s'en sont pris à nous. Ils sont venus délibérément pour prendre nos abris. Et pour nous tuer, car nous sommes des Nuer. Ils sont venus la nuit. Nous étions à l'intérieur en train de discuter », se souvient-il.Les soldats commencent à tirer et John s'en sort en faisant semblant d'être mort. Quand les soldats passent à une autre habitation, il parvient à s'enfuir avec un jeune, blessé, laissant l'homme dont il partageait l'abri, gisant par terre, mort sous les balles de l'armée gouvernementale. « Voilà, c'est ce qui s'est passé. Ils ont tué ce gars et en ont blessé un autre. Moi, je me suis blessé sur des pierres en courant pieds nus, de nuit, je ne pouvais pas les voir », se remémore-t-il.Il est revenu vivre dans ce camp surpeuplé où les gens manquent de tout et ont peur. Cinq jeunes ont été tués depuis début mars aux abords du camp. Et d'autres résidents ont disparu. « Il y a le cas d'une femme qui est partie ramasser du bois de chauffe et qui n'est jamais revenue. Nous n'avons jamais trouvé son corps. Mais si vous demandez aux femmes du camp, elles vous diront qu'elles ont trouvé du sang sous les arbres », raconte-t-il. John cite aussi le cas d'un homme qui est allé là où il fabrique du charbon et n'est jamais revenu. Pour lui, tant que l'accord de paix ne sera pas appliqué entièrement, les casques bleus devraient revenir assurer la sécurité du camp.À lire aussiSoudan du Sud: Amnesty International dénonce la violation de l'embargo sur les armes
Le premier roman de Mohamed Mbougar Sarr, Terre ceinte, sera bientôt diffusé sur les ondes de RFI. Adapté en podcast, il est actuellement en tournage à Dakar, avec des acteurs en situation et une prise de son technique pour restituer au mieux les émotions et les ambiances. Le roman raconte l'histoire toujours actuelle de Kalep, une ville du Sahel assiégé par des milices islamistes, étouffée par la terreur, et de ses populations qui essayent de faire face. De notre correspondante à Dakar,Dans les couloirs de la maison des cultures urbaines de Dakar, au Sénégal, des comédiens jouent une scène tirée de Terre ceinte : la mère d'une enfant blessée cherche à parler au médecin de l'hôpital. Pas de caméras sur ce tournage, juste des micros qui suivent les acteurs.Le réalisateur Tidiane Thiam donne des conseils aux comédiens. Il travaille depuis quatre ans sur ce projet d'adaptation et a dû raccourcir le roman très dense de Mohamed Mbougar Sarr. « On a gardé l'essentiel, surtout sur les aspects qui sont assez importants, à savoir quel est le rôle de ces populations. Parce que, quand on parle de tout ce qui se passe dans le Sahel, souvent, on ne regarde pas du point de vue des populations. Il y a beaucoup d'aspects politiques, il y a beaucoup d'aspects économiques », détaille-t-il.Roger Salah interprète Malamine, le médecin de l'hôpital de la ville qui doit faire face à l'augmentation des violences et croule sous les blessés. Il a découvert le texte pour ce projet de podcast et s'est attaché à son personnage. « Il a ce sentiment de devoir, de service. Il se sent obligé de faire face. C'est quelque chose qui résonne beaucoup en moi parce que je suis quelqu'un qui ne lâche rien. Quand je m'engage dans un truc, j'y vais à fond », explique le comédien.C'est une première fiction radiophonique pour lui et la plupart des comédiens qui doivent malgré tout utiliser leurs techniques de scène. « On est vraiment en situation. On n'est pas seulement avec un micro dans lequel on parle, mais on revit les mêmes situations. Si dans la séquence, tu dois être couché sur un lit avec les émotions qu'il faut, on retranscrit cela pour que cela fasse écho », raconte-t-il. La troupe est accompagnée d'une équipe technique rodée à ces formats, avec une prise de son en 3D pour entendre tous les bruits ambiants pendant une scène.Justine Debling est attachée de production pour l'association Making waves qui pilote le projet. Elle doit faire attention à tous les détails. « Parfois, il faut attendre. On entend ailleurs qu'il y a des travaux, donc il faut attendre que la scie se taise. Les animaux aussi, on a une prise dans laquelle on entend un coq alors qu'on est censé être la nuit. Quand cela ne va pas, on coupe », développe-t-elle. Le podcast sera diffusé en dix épisodes de 15 minutes et en trois langues : une version en français, une en hassanya et une en wolof avec la traduction de l'écrivain Boubacar Boris Diop.À lire aussiÀ la recherche de l'écrivain disparu, avec Mohamed Mbougar Sarr (2/2)
La bibliothèque nationale de Guinée connaît une nouvelle vie après des années de difficultés. Située à proximité du lycée de Donka, à Conakry, elle reste cependant méconnue, malgré l'intérêt des fonds qu'elle héberge. Elle dispose notamment d'une riche documentation concernant la période coloniale et la Première République de Sékou Touré. Visite guidée de la BNG, la plus ancienne institution de recherche et de documentation De notre correspondant à Conakry, Les escaliers de la bibliothèque montés, Syra Cissé, responsable de la documentation, ouvre la porte d'une grande pièce : « Nous sommes dans la deuxième salle de lecture, située au deuxième étage de la bibliothèque. Ici sont disposés les anciens journaux de l'indépendance. »Parmi les journaux rangés sur les étagères, ceux de la Première République : Horoya, le grand quotidien national du parti-État. Mais aussi des titres moins connus comme la Gine Ginè, qui signifie « femme guinéenne », « Giné » voulant dire « femme » en langue soussou : « La Gine Ginè, c'est le journal féminin de l'époque, qui paraissait quotidienne, qui parlait des femmes, des premières dames, des femmes de Guinée et d'ailleurs. »Parmi les archives de presse figurent également des titres plus anciens, datant des années 1950, comme Le Réveil, le journal du Rassemblement démocratique africain, le RDA, le grand parti de la décolonisation. Daouda Tamsir Niane, le directeur de la BNG, feuillète un numéro contenant un article de Sékou Touré, alors chef de la branche guinéenne du RDA.C'est l'ancienneté de la bibliothèque qui fait la qualité de ses fonds, explique le directeur : « La bibliothèque nationale est la plus ancienne institution de recherche et de documentation en République de Guinée. Elle existe depuis 1944, elle a été créée sous la colonisation. C'était l'antenne de l'Ifan, l'Institut français d'Afrique noire, devenu Institut fondamental d'Afrique Noire, basé à l'université de Dakar. »Numériser les documents de la BNGAprès une série de réformes, elle est devenue l'actuelle BNGDaouda Tamsir Niane veut en valoriser les fonds anciens : « À notre avis, aujourd'hui, les bibliothèques évoluent vers les médiathèques. De plus en plus de dématérialisation et de numérisation se font. Notre grand projet aujourd'hui, c'est de numériser les documents de la bibliothèque nationale. »Parmi les documents à numériser, l'important fonds de mémoires de fin d'études. Ils portent sur des sujets aussi divers que l'exploitation minière ou la grammaire de la langue maninka. Syra Cissé tire un volume d'une étagère : « Vous avez là un mémoire de fin d'études de la faculté des sciences sociales, qui a pour thème : "Amilcar Cabral, théoricien et praticien de lutte de libération nationale". » Ce mémoire a été soutenu en 1978, cinq ans après l'assassinat en plein Conakry du héros de l'indépendance de la Guinée-Bissau.Un autre grand combat mené par le directeur est de faire respecter le dépôt légal par les maisons d'édition guinéennes pour valoriser, aussi, le patrimoine contemporain.À lire aussiConakry, capitale mondiale du livre: quel avenir pour le numérique en Guinée?
Quatre athlètes malgaches et leur coach se battent pour voir leur équipe s'envoler au complet vers la Coupe du monde de parkour prévu à Montpellier, en France, le 28 mai prochain. Mais comme pour l'ensemble des sportifs de l'île, une participation aux compétitions internationales relève d'un parcours du combattant. De notre correspondante à Antananarivo,Sur les hauteurs d'Antananarivo, les athlètes bondissent, s'agrippent et semblent voler au-dessus du mobilier urbain. Le parkour, né au contact des blocs de granit de la capitale malgache, s'est professionnalisé depuis son arrivée dans le pays il y a 20 ans. Et c'est dans ce jardin public, berceau de la discipline sur l'île, que les sportifs s'entraînent chaque semaine. Mais la délégation malgache veut se mesurer à un autre terrain de jeu : la Coupe du monde en France dans deux semaines.Problème, après un imprévu de financement, l'un des quatre sportifs sélectionnés n'a plus de billet d'avion garanti. Derrière l'absence de Serge Ranaivomanana, l'une des pointures du parkour malagasy, c'est tout l'équilibre de l'équipe qui se joue : « On s'est entraînés ensemble pendant plusieurs mois. Donc partir à cinq, ça joue beaucoup sur le moral, on s'entraide. C'est pour ça qu'on lance des cagnottes en ligne, et qu'on espère trouver d'autres financements de la part de sponsors. S'il y a une possibilité de partir, je me sens prêt. »Les sportifs répètent les figures à maîtriser le jour J, sous les mots et le regard rassurant de Faliniaina Antonio, leur entraîneur : « On tient à ce que l'équipe parte au complet parce que ça joue beaucoup sur la performance de l'équipe. Ce sont des athlètes très fusionnels. Et surtout, on veut montrer que Madagascar existe et a du talent. »On sait enseigner le parkourCet autodidacte, « éduqué » par le parkour, dit-il, a cofondé en 2017 Traceur Gasy, la première association qui promeut la discipline sur l'île. Il a largement participé ces dernières années à professionnaliser le parkour malgache. « Pendant longtemps, je m'entraînais avec des chaussures pas adaptées à ce sport et qui faisaient super mal, se souvient-il. À nos débuts dans le parkour, on n'avait pas de technique, maintenant, on a beaucoup travaillé sur la pédagogie et la méthodologie. On sait enseigner le parkour de manière sécurisée. Et depuis, j'ai changé de chaussures, celles-ci adaptées au parkour. »Mais le soutien de l'État et des fédérations n'a pas suivi la transformation de la discipline. Voir des sportifs livrés à eux-mêmes n'a rien d'étonnant pour Nzaka Tsirofo Rasoloarison, ancien athlète de haut niveau et sociologue du sport : « Quand j'ai participé au marathon de Paris en 2006, j'étais mon coach, mon agent, j'étais mon préparateur physique, mon nutritionniste… Ça fait presque 20 ans et ça n'a pas changé. » Les Jeux olympiques de Paris ont eux aussi entraîné leur lot de déception et de promesses : le gouvernement entend doubler le nombre d'athlètes malgaches aux Jeux de Los Angeles en 2028.À lire aussiDes Malgaches en route pour la Coupe du monde de parkour en France
Collées l'une à l'autre, traversées par une rivière, l'Oubangui, et séparées par une frontière, Zongo la congolaise est située en face de la capitale centrafricaine Bangui. Ces deux villes sont naturellement liées par l'histoire, la culture mais aussi très dépendantes économiquement l'une de l'autre. Bangui dépend de Zongo en produits agricoles et Zongo dépend de Bangui en produits manufacturés. Tous les jours, les commerçants des deux villes font des traversées en pirogue pour s'approvisionner dans une ambiance de fraternité. Et pour renforcer ce lien, un accord de jumelage a été signé entre les deux villes en 2021. De notre correspondant à Bangui,Un arc-en-ciel apparaît dans le ciel alors que la pluie se pointe à l'horizon. Quelques débrouillards qui occupent la berge, se précipitent pour décharger une pirogue en bois de couleur rouge qui vient d'accoster. Debout à l'extrémité de la pirogue, Gérard, un piroguier de 34 ans, donne quelques coups de pagaies pour stabiliser le canoë : « On fait la course tous les jours. Avec mon équipe, nous effectuons une dizaine de tours entre les deux villes. Là, je ramène des commerçants d'ici qui étaient de l'autre côté pour acheter des fruits et légumes. »Sur la berge, une dizaine de pirogues et baleinières sont accrochées à des chaînes. Devant chaque embarcation, piroguiers et passagers discutent. Les chargeurs font monter des casiers de boissons, des cartons de beurre, sucre, lait, huile ou encore des savons. Sourire aux lèvres, Adeline, propriétaire d'un magasin à Bangui, est sur le point d'aller vendre ses marchandises à Zongo : « Les produits que nous exportons manquent à Zongo. C'est notre devoir à nous les commerçants d'aller ravitailler cette ville jumelle. Les véhicules et les motos ne peuvent pas y aller donc nous utilisons la pirogue. »« Ce sont des sœurs siamoises »Aux heures de pointes, une embarcation débarque de Zongo. Debout sur le sable, les commerçantes discutent le prix avec les livreurs congolais. « Sur le plan d'huile de palme, c'est Zongo qui ravitaille l'usine du savon en Centrafrique, pointeRichard Apkiwé, président de la fédération des entreprises du Congo. Par jour, nous exportons plus de mille fûts d'huile de palme à Bangui. Chaque jour, nous envoyons des avocats, des cocos, des mangues, des arachides et des légumes à Bangui. »Dans son bureau, le maire de Zongo Arthur Nguma nous présente le contenu d'un accord de jumelage signé en 2021 entre les deux villes : « La capitale Bangui et la ville de Zongo, ce sont des sœurs siamoises que la rivière Oubangui a séparées. Cet accord consiste donc à favoriser la fraternité. Bientôt, nous allons construire un pont sur la rivière Oubangui, installer deux bacs pour la navette et construire un quai moderne. La construction de ces édifices permettra une large ouverture. Ce jumelage favorise l'intégration de nos deux peuples. »Les villes de Bangui et Zongo ont été respectivement créées en 1889 et 1971. Malgré cet accord de jumelage, certains habitants des deux villes subissent de temps en temps des tracasseries administratives et des raquettes policières de part et d'autre. Nombreux sont ceux qui demandent aujourd'hui le suivi et l'application des textes sur le terrain.À lire aussiÀ Zongo, on prend la pirogue pour aller à l'école [1/3]À lire aussiRCA/RDC: Bangui et Zongo, la culture en partage pour ces villes jumelles [2/3]
RFI vous parle de deux villes collées l'une à l'autre, traversées par une rivière, l'Oubangui et séparées par une frontière. Ces villes sont Zongo la congolaise, située en face de la capitale centrafricaine Bangui. Créée 1971 à l'époque du Maréchal Mobutu, la ville de Zongo compte plus de 130.000 habitants avec une superficie d'environ 450 km². Située dans le Sud-Ubangui, elle se trouve en face de Bangui, capitale de la République centrafricaine, une ville cosmopolite d'environ 1 500 000 habitants. Même si les deux villes sont naturellement séparées par la rivière Oubangui, elles sont très liées sur le plan culturel. Les habitants des deux territoires partagent les mêmes langues et les mêmes modes de vie. De notre correspondant à Bangui,Des pas de danse rythmés par des balafons et tam-tams pour le bonheur de la foule. Ce matin à l'espace culturel Bon Coin du Pêcheur installé à Zongo, le groupe de danse MAÏMA livre un spectacle hors du commun.Pieds nus, habillements traditionnels, les jeunes danseurs portent des couronnes de plumes, des perles, des coquillages et même des peaux de bêtes. Michel Lobota est le responsable de ce centre culturel. « Chez nous, au Bon Coin du Pêcheur, nous donnons l'opportunité aux deux peuples de partager les activités culturelles telles que des concerts musicaux, des activités, des contes et des théâtres. Et il nous arrive des week-ends, des fois, d'organiser des karaokés, des musiciens qui viennent de Bangui qui viennent jouer au Bon Coin du Pêcheur. Nous donnons aussi nos instruments au groupe folklorique pour faire des productions pour le bien-être de la population de Zongo et de Bangui. »À lire aussiÀ Zongo, on prend la pirogue pour aller à l'école [1/3]« Quand je viens ici, je me sens comme à la maison »Le public regarde avec admiration un joueur de balafon qui se distingue avec sa sonorité traditionnelle. Assis sur un banc localement appelé Balambo, il frappe l'instrument au moyen de deux baguettes recouvertes de caoutchouc. Paulette Belinda qui vient de la République centrafricaine reconnaît la culture des Ngbaka, son groupe ethnique. « Quand je viens ici, je me sens comme à la maison. Nous avons la même culture, les mêmes types de nourritures, de boissons, de religions et on s'habille de la même manière. C'est impressionnant. »Non loin de là, Ismaël Samba, un Centrafricain de trente ans, discute avec ses amis en montrant son doigt avec un large sourire. « Je me suis marié à une habitante d'ici, voici la bague. Tantôt, on est ici, tantôt là-bas. Les riverains qui vivent ici, on les retrouve également de l'autre côté. »Un jumelage culturel et socio-économiqueL'une des particularités qui renforcent les liens entre les deux villes, c'est la langue. De part et d'autre, on parle le français, le lingala et le sango. Blaise Mundemba est chargé de communication à la mairie de Zongo. « Les langues font souvent les forces d'un peuple. Sango, lingala, ça fait la fierté des deux villes. C'est facile pour l'intégration. Parce que le peuple qui quitte Bangui pour Zongo parle Lingala. Le peuple qui quitte Zongo pour Bangui parle sango. »Un accord de jumelage a été signé entre la mairie de Bangui et celle de Zongo en 2021. Cet accord permet aujourd'hui d'encadrer la bonne marche des activités socio-économiques et culturelles.
RFI vous parle de deux villes collées l'une à l'autre, traversées par une rivière (l'Oubangui) et séparées par une frontière. Ces villes sont Zongo, la Congolaise, située en face de la capitale centrafricaine, Bangui. Cette situation crée beaucoup de mouvement à travers le fleuve, notamment pour les scolaires… Créée en 1971, Zongo possède quelques établissements scolaires et universitaires, mais ne dispose pas de toutes les facultés et filières. De nombreux élèves et étudiants traversent donc chaque jour en pirogue pour étudier à Bangui. C'est un parcours du combattant, avec d'interminables allers-retours durant les neuf mois de l'année scolaire. Le soleil se lève sur un fond doré au bord de la rivière Oubangui. Les premières pirogues convergent déjà vers le quai. Une dizaine de personnes se bousculent pour monter dans l'une des embarcations. Sac au dos, Zacharie Bodiko, un étudiant congolais, traverse pour aller étudier dans une université à Bangui.« Nous nous réveillons tous les jours à 5 h pour nous organiser. Mais la frontière s'ouvre officiellement à 7 h 30. Parfois, nous leur demandons une autorisation spéciale pour traverser à 6 h ou 6 h 30 afin d'arriver à l'heure aux cours. En termes de transport, nous payons 5 000 francs CFA chaque jour pour un aller-retour ».À lire aussiCentrafrique: un programme pour offrir une seconde chance scolaire aux jeunes de Berberati [1/3]Traverser pour apprendre, malgré les obstaclesL'un des deux piroguiers met le moteur en marche et le canoë avance à son rythme… La rivière Oubangui, tel un immense tapis scintillant, s'étend devant eux. Cette étudiante navigue chaque jour sur les eaux froides de l'Oubangui pour rejoindre sa classe : « Je m'appelle Milka Soubaye Kamoya, Congolaise. Avec la pirogue à moteur, la traversée dure 5 à 7 minutes. C'est un exercice difficile. Il y a des jours où l'on manque d'argent pour aller en cours, et d'autres où ça va ».Le mauvais temps entraîne régulièrement le naufrage des pirogues dans cette zone. Cet instant de frayeur, Milka le vit depuis trois ans. « S'il pleut, c'est difficile de traverser. Parfois, il arrive qu'il pleuve alors que nous sommes censés avoir cours le matin. Nous sommes bloqués, car les pirogues ne peuvent pas traverser. Nous sommes alors obligés d'être absents. Et parfois, après les cours du soir, s'il pleut, il n'y a pas moyen de rentrer ».On rit, on murmure, mais la peur est bien présenteMalgré les risques, Zacharie est déterminé à terminer ses études. « On nous signale régulièrement des noyades dans la rivière, mais nous sommes obligés de braver la peur. Nous ne nous contentons pas de tous ces risques. Nous nous engageons à 100 % chaque jour. On est déterminés. S'il faut finir le master dans ces conditions, on le fera ».Une fois à la berge, les élèves se précipitent pour descendre, puis chacun utilise un autre moyen de transport pour rejoindre son école. Plusieurs étudiants ayant suivi ce parcours étudient ou travaillent aujourd'hui dans des organismes à Bangui ou en RDC.À lire aussiAfrique: les 16 pays les plus avancés sur l'accès à l'éducation
À Abidjan, « Inspirations Kourouma » rend hommage au grand écrivain Ahmadou Kourouma (1927-2003), pour célébrer son héritage littéraire à travers les créations d'artistes contemporains. L'exposition collective, qui mêle tableaux, sculptures et même bandes dessinées, est à voir au centre d'art historique du Plateau, La Rotonde. Avec notre correspondante à Abidjan,Les visiteurs sont accueillis dans La Rotonde par les yeux pénétrants d'Ahmadou Kourouma : un grand portrait en noir et blanc réalisé par Jems Koko Bi, représentant l'écrivain, la tête posée sur sa main, fixant le spectateur du regard.« Dans le creux de la main… Je crois qu'il disait : “Dans le creux de la main, on se repose et on apprend beaucoup”, explique Jems Koko Bi. Et ce regard perçant qu'il avait… C'est un grand personnage pour moi. Kourouma fait partie du patrimoine culturel de la Côte d'Ivoire. Quand vous approchez du portrait, vous voyez qu'il n'y a pas de peinture. C'est juste gratté, sur du papier noir, au couteau. C'est un travail archéologique que j'ai fait ».En plus des photos d'archives, des coupures de journaux et d'extraits de ses textes, l'exposition met en scène une quinzaine d'œuvres présentées par un casting prestigieux, où figurent notamment les peintres Aboudia et Yéanzi, le sculpteur Salif Diabagaté… Les participants ont reçu des extraits de livres de Kourouma et ont été invités à s'en inspirer pour créer leurs propres œuvres. Pascal Konan, artiste plasticien, signe ainsi la toile Les Couleurs des Indépendances, en référence au premier roman de Kourouma, Les Soleils des Indépendances.« Moi, j'ai dû illustrer une partie de ce livre, qui propose une lecture, ou une relecture des temps coloniaux. Donc, dans la Toile, il y a une grande répartition du bleu, du blanc et du rouge, pour montrer la domination du pays colonisateur. Et puis, ensuite, le jaune, qui symbolise le soleil d'Afrique, vient pour dire qu'en Afrique, il y a eu des gens qui se sont battus. Pour moi, c'est une œuvre assez symbolique. On a essayé de résumer tout ça en image, parce qu'on estime qu'une image vaut mille mots ».À écouter aussiYambo Ouologuem et Ahmadou Kourouma, les jumeaux de 1968Quand les arts visuels ravivent la mémoire littéraireIl peut sembler paradoxal de rendre hommage à un écrivain avec une exposition d'arts plastiques… Mais le directeur de La Rotonde, Yacouba Konaté, dit croire « qu'aucune discipline ne peut vivre en autarcie ».« Je pense qu'une discipline vit, survit, se développe, par la connexion, par la collaboration avec les autres disciplines, explique-t-il. Ahmadou Kourouma, c'était un ami. J'ai vu l'immense travail qu'il faisait pour construire ses textes, les produire, les peaufiner. Vraiment, c'est un orfèvre, c'est un bijoutier. Donc, je me suis promis de faire un événement sur lui, puisque je suis, moi, un universitaire qui considère que les arts visuels ont un impact, une efficacité de communication plus forte que la littérature au sens ordinaire du terme ».Yacouba Konaté dit même avoir guéri la panne d'inspiration de l'un des sculpteurs avec lesquels il collaborait en 2001, Yacouba Touré, en lui faisant lire Allah n'est pas obligé d'Ahmadou Kourouma.« Cette lecture a produit une étincelle créative chez ce sculpteur, qui était l'un des meilleurs de sa génération. Et j'ai voulu reprendre ce procédé avec des artistes contemporains ».Une initiative saluée par la veuve de l'écrivain, Christiane Kourouma, qui se réjouit de voir son œuvre toujours célébrée, 22 ans après sa mort. « Je vis encore avec lui jour et nuit. Je lis encore ses livres, je lis tout ce qu'on a pu écrire sur lui… Tout ce que je vois ici, toutes ses photos, je les connais par cœur ».L'exposition Inspirations Kourouma restera visible à la Rotonde jusqu'au 21 mai.À lire aussiDe l'apprentissage brutal du français au Prix Renaudot: le parcours d'Ahmadou Kourouma
La Nollywood Week, festival de cinéma consacré aux films nigérians, se poursuit à Paris jusqu'à sa journée de clôture, ce dimanche 11 mai. L'industrie prolifique du cinéma au Nigeria donne lieu à plusieurs festivals à travers le monde, et le public de ce cinéma populaire ne cesse de croître. La production nigériane compte de nombreuses femmes parmi ses productrices et réalisatrices, et ce n'est pas un hasard si la réalisatrice et actrice Aïssa Maïga a été choisie comme marraine de cette édition. Elle place en effet au cœur de ses engagements la condition des femmes ainsi que la lutte contre la corruption. Un signal fort, que la Nollywood Week met en avant pour cette édition. « Le travail de la police, ce n'est pas ça. Mais il y a de la mauvaise graine dans toutes les professions », répond un chef policier à son subordonné dans La nuit du 7 juin, un film du réalisateur Toka McBaror qui aborde la corruption au sein de la police nigériane, en s'inspirant d'une histoire vraie. Au cœur de la programmation : retour au matriarcatOutre la corruption, la révolte contre le pouvoir masculin et les traditions, ainsi que le retour au matriarcat, sont au cœur de la programmation de cette nouvelle édition de la Nollywood Week à Paris. On y trouve des rôles particulièrement intéressants pour les femmes, ainsi qu'une parité totale entre réalisateurs et réalisatrices.Bikiya Graham Douglas, productrice et actrice principale du film Pour Amina, explique : « "Pour Amina" parle de responsabilité. On y voit une mère lutter contre un système corrompu pour permettre à sa fille d'accéder à une éducation digne de ce nom. C'est une femme presque illettrée, sans pouvoir, mais qui utilise les médias pour interpeller le gouvernement. Ce récit montre comment responsabiliser les autorités afin de construire une société meilleure. Tout cela à travers la relation mère-fille, avec pour objectif que cette enfant reçoive une bonne éducation ».À lire aussiLe cinéma africain en fête avec la Nollywood Week 2025La Nollywood Week aborde également des sujets plus complexes, comme dans le film Out in the Darkness, réalisé et scénarisé par Sara Kwaji : « Au Nigeria, comme ailleurs dans le monde, la santé mentale des femmes, en particulier la dépression post-partum, est souvent négligée et incomprise. J'ai donc voulu mettre ce sujet en lumière pour combler un vide narratif qui nécessite urgemment davantage de sensibilité et de compassion ».Avec la nouvelle génération, le cinéma de Nollywood connaît de profondes transformations, comme l'explique Thierno Ibrahima Dia, critique de cinéma : « Ce cinéma, autrefois dominé par les genres fantastique et horrifique, tend aujourd'hui à proposer une analyse plus fine de la société nigériane. Le Nigeria est désormais la première économie du continent, devant l'Afrique du Sud, et le cinéma interroge les rapports sociaux dans ce contexte. Nollywood revient ainsi vers un ancrage plus réaliste, loin des stéréotypes de ses débuts ».Industrie encore jeune, née dans les années 2000, Nollywood est aujourd'hui touchée par la crise économique qui frappe le Nigeria.Retrouvez toute la programmation de la Nollywood Week ici.
C'est le combat le plus dur de sa carrière. Souleymane Cissokho, 33 ans, dispute ce samedi 10 mai 2025 une demi-finale mondiale face au Lituanien Egidijus Kavaliauskas, dans la catégorie des poids welters. Une chance unique de réaliser son rêve de décrocher la ceinture de champion du monde. Et pour mettre toutes les chances de son côté, le natif de Dakar a choisi son continent de naissance pour organiser cet affrontement. Malabo, capitale de la Guinée équatoriale, sera l'épicentre d'un gala de boxe qui signe le retour du noble art en Afrique. Quelques jours avant son départ pour Malabo, Souleymane Cissokho souhaite peaufiner sa préparation en vue du combat le plus important depuis son passage chez les professionnels en 2017. Direction une salle privée en plein cœur de Paris pour deux heures d'entraînement intensif, avec plusieurs membres de l'équipe de France. Habillé en noir de haut en bas, le boxeur prend d'abord le temps de saluer toutes les personnes présentes avant de passer aux vestiaires pour se changer.« Faire un remake d'Ali-Foreman »« J'ai gardé en tête les images du combat Ali-Foreman à Kinshasa, dès que j'ai eu la possibilité de boxer en Afrique, j'ai sauté sur l'occasion », explique Souleymane Cissokho, assis sur un canapé à l'étage. Dernier grand événement de boxe sur le continent, le « Rumble In The Jungle » de 1974, n'a pas ouvert la brèche escomptée. Très peu d'événements internationaux depuis, conjugués à un manque de moyens et d'infrastructures. Alors quand la ville de Malabo s'est présentée aux enchères pour le combat de Cissokho, le choix était vite fait : « Ce sont eux qui nous ont contactés. On a un partenaire sur place qui a mis les moyens et a remporté les enchères. Malabo souhaitait faire une sorte de remake d'Ali-Foreman sur le continent », confie le médaillé de bronze lors des Jeux de Rio en 2016. Né à Dakar, révélé en France, Cissokho jouit d'une double culture dont il est très fier. Le continent africain occupe d'ailleurs une place importante dans sa vie : « Je suis heureux de boxer là-bas. L'Afrique fait partie de moi, j'y suis beaucoup attaché et je m'investis énormément d'un point de vue associatif. Je puise énormément de force là-bas », confie-t-il avec un sourire plus que communicatif.À lire aussiBoxe: George Foreman-Mohamed Ali, retour sur un combat de légendeAvant de commencer son échauffement, Souleymane Cissokho est arrêté par l'arrivée de l'autre star de la journée. Lui aussi est né en Afrique et représente la France sur le circuit international. Kévin Lélé Sadjo, référence chez les poids super-moyens, sera présent sur la carte de Malabo, pour le plus grand bonheur des organisateurs. Lumineux, Kévin Lélé Sadjo se montre très bavard lorsqu'il s'agit de présenter son grand ami : « J'admire Souleymane sur et en dehors du ring. Je le dis souvent, c'est quelqu'un d'intelligent, humble. Je suis impressionné et je veux suivre sa trace, mais il est bien devant moi », précise le boxeur né au Cameroun. Si cet événement comme celui-là peut relancer la boxe en Afrique pour les jeunes qui souffrent et qui ont besoin d'un moteur comme Souleymane Cissokho, alors il faut l'aider du mieux que l'on peut ». Kévin Lélé Sadjo devait lui aussi combattre pour une demi-finale mondiale, face à son compatriote Christian M'Billi. Dès l'annulation officialisée, la possibilité d'épauler Souleymane Cissokho est apparue comme une évidence : « Je lui ai dit que j'avais besoin de boxer et que je voulais le suivre. Je serai tout proche du Cameroun, j'ai un gros public derrière moi. C'est un honneur d'accompagner Souleymane à la conquête du monde ».À lire aussiSouleymane Cissokho, boxeur et médaillé olympique: «Ces jeux vont être exceptionnels»L'horloge tourne et les boxeurs de l'équipe de France finalisent leur échauffement, Souleymane Cissokho enfile gants puis casque et commence sa session de sparring intense, sous les yeux de Karim El Hayani, entraîneur principal de Kévin Lélé Sadjo et proche du pugiliste franco-sénégalais. Additionner les noms prestigieux sur la carte principale peut être bénéfique pour l'Afrique et pour Souleymane Cissokho : « Ce sont deux boxeurs très proches, ils ont un passé commun. Souleymane voulait voir Kévin boxer avec lui. Rien qu'au niveau psychologique, c'est un plus de voir les deux boxeurs dans la même soirée », admet l'entraîneur et ancien boxeur professionnel, avant de compléter son analyse : « Il y a toujours un esprit d'équipe dans la boxe, bien que ce soit un sport individuel. Et voir les gens qu'on apprécie être à ses côtés, à ce moment-là, ça fait toujours plaisir », conclut sereinement Karim El Hayani avant de rejoindre ses poulains.« C'est le combat le plus important de ma carrière, mais je dois faire abstraction de tout ce qu'il y a autour »Même si la date du combat approche, la séance d'entraînement n'est pas de tout repos. Les sessions dans le ring ressemblent à de vrais combats et les coups résonnent à travers toute la salle de sport. Alors qu'un petit public s'entasse près des cordes pour observer la bataille, Souleymane Cissokho reste sérieux et profite des pauses pour prendre conseil auprès de son entraîneur de toujours, Virgil Hunter. « J'ai un très bon adversaire, il a plus d'expérience que moi et a déjà combattu pour le titre. Il a plus de combats que moi et est très complet » avoue Souleymane Cissokho, un brin fatigué après l'entraînement. « On commence à voir le bout du tunnel, c'est le combat le plus important de ma carrière, mais je dois faire abstraction de tout ce qu'il y a autour », avoue-t-il. Il est vrai que l'ambiance à Malabo promet d'être électrique, car l'Afrique est un continent passionné par la boxe, explique Souleymane Cissokho : « Il y a un vivier de talents là-bas, c'est exceptionnel. La ferveur qu'ils ont pour la boxe, c'est fou. Il manque un peu de moyens et d'infrastructures, mais ça progresse grâce aux carrières de combattants issues du continent ». Remettre l'Afrique au centre du jeu et surtout pérenniser ce genre d'événements, voilà le but recherché par les organisateurs : « C'est un test, la Guinée équatoriale » souffle le boxeur de 33 ans. « Ils ont à cœur d'organiser d'autres événements, la boxe est aimée partout en Afrique. Ça reste le noble art, ça attire du public. Il faut juste pouvoir avoir les moyens de poursuivre cette initiative ».À la fin de l'entraînement, chaque participant se congratule avant de quitter la salle parisienne, au compte-gouttes. Souleymane Cissokho en a, lui aussi, terminé avec son stage de préparation. Ne reste plus qu'à goûter au climat de Malabo après son court séjour en France. En cas de succès, le boxeur franco-sénégalais pourrait affronter prochainement le champion de la fédération WBC, Marco Barrios. Et défendre sa ceinture de champion de monde en France et en Afrique : « Combattre à Dakar, c'est une option pour le futur. Je veux boxer là-bas au moins une fois dans ma vie ».À lire aussiSouleymane Cissokho, invité exceptionnel !