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À la fin des années 1950, la France a mené au Cameroun une « guerre » marquée par des « violences extrêmes », affirme un rapport d'historiens français et camerounais, qui a été remis le mardi 28 janvier 2025 à Yaoundé au président camerounais Paul Biya. Y a-t-il eu des avancées sur les circonstances de la mort de l'indépendantiste Ruben Um Nyobé et sur les commanditaires de l'empoisonnement de son camarade Félix Moumié ? Quelles suites attendre de ce rapport ? Karine Ramondy est l'une des 14 autrices et auteurs de ce document de plus de 1 000 pages. Elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Pourquoi dites-vous que la France a mené une «guerre totale » au Cameroun ? Karine Ramondy : Déjà, on commence par dire que la France a mené une « guerre » au Cameroun. Une guerre de décolonisation. C'est déjà poser quelque chose qui ne va pas de soi, surtout en France où cette page d'histoire est relativement méconnue, même s'il y a eu déjà des ouvrages fondateurs sur cette question. Pourquoi une « guerre totale » ? Parce qu'on part évidemment du constat qu'il y a eu véritablement des violences répressives qui ont été exercées par les autorités coloniales et l'armée française, avant et après l'indépendance, et que ces violences se sont peu à peu inscrites dans ce qu'on appelle la doctrine de la guerre révolutionnaire, qui pratique donc un certain nombre de violences physiques, psychologiques, des violences collectives, des déplacements forcés de populations.Pourquoi déplace-t-on les populations ? Parce qu'une population regroupée, c'est une population qui est coupée de ses bases familiales, claniques. Et ça permet aussi, quand on regroupe les populations, de mieux les contrôler et d'avoir une véritable action psychologique sur ces personnes.Le 13 septembre 1958, Ruben Um Nyobé est abattu dans le maquis. Ses carnets personnels sont alors saisis par l'armée française, mais depuis, ils sont introuvables. Est-ce que vous avez pu en savoir plus ? Alors, écoutez, oui, parce qu'évidemment, on savait qu'il y avait une très forte attente sur ces carnets. Nous avons vraiment retourné toutes les archives [militaires] de Vincennes pour retrouver ces carnets. Nous n'avons malheureusement pas pu retrouver ces carnets. Par contre, là où nous avons fait une véritable avancée, me semble-t-il, c'est que ces fameux carnets, qui ont été retranscrits par Georges Chaffard dans son ouvrage Les Carnets de la décolonisation.Le journaliste Georges ChaffardTout à fait. Et nous avons découvert qu'il y a eu très clairement une correspondance entre Lamberton, le lieutenant-colonel Lamberton,Donc l'un des chefs de la répression françaiseTout à fait, entre Lamberton et Georges Chaffard, à qui Lamberton aurait donc fourni une recopie de ces carnets. Ce qui signifie donc, en fait, qu'on a progressé sur la traçabilité de ces carnets.À partir de 1958, vous dites que, côté français, la répression au Cameroun est également supervisée à Paris par Jacques Foccart, le conseiller spécial du général De Gaulle. Qui a donné l'ordre de tuer par empoisonnement Félix Moumié, ce sera le 3 novembre 1960 à Genève ?Là encore, les ordres ne sont jamais écrits, ou très rarement. Donc on a pu retracer une chaîne de commandement hypothétique, mais qui est réelle, dans le sens où, en fait, on voit très bien comment cette chaîne de commandement a pu se mettre en place, tout simplement parce que nous avons eu aussi accès à des archives, qui étaient jusqu'alors classifiées, sur William Bechtel, qui était l'agent du SDECE [Service de documentation extérieure et de contre-espionnage - NDLR], qui a donc empoisonné Félix Moumié à Genève quelques jours avant son décès, le 3 novembre, comme vous l'évoquiez.C'est assez intéressant parce que ces archives nous ont permis de creuser sur le portrait de cet agent qui apparaissait comme un simple honorable correspondant au départ. Mais là, on s'aperçoit que c'est vraiment un cador du renseignement et quelqu'un d'extrêmement introduit, protégé, qui a même pu peut-être laisser beaucoup de preuves derrière lui car il savait qu'il ne serait absolument pas inquiété.Alors, vous écrivez qu'il s'agit d'un assassinat politique impliquant la responsabilité du gouvernement français. Est-ce que Foccart est dans le coup ? [Rires] Oui.À l'origine de ce rapport, que vous avez rédigé avec vos 13 collègues camerounais et français, il y a une initiative du président français Emmanuel Macron. Aujourd'hui, qu'attendez-vous de lui ? Des suites. Nous lui avons formulé un certain nombre de recommandations. C'est une reconnaissance effective de certains faits par des discours, par une lettre. Il y a aussi une très forte demande pour inscrire cette page d'histoire totalement méconnue, ou très peu connue, dans les programmes scolaires. C'est une évidence.Alors du côté du Manidem d'Anicet Ekane, qui est l'un des partis qui se revendiquent de l'héritage de l'UPC de Ruben Um Nyobe, on dit que « les Camerounais ne peuvent pas demander au bourreau de faire le bilan de son œuvre » et que l'initiative mémorielle d'Emmanuel Macron vise en fait à disculper la France de ses responsabilités.Je dirais que les historiens n'ont pas de nation. Ils travaillent en objectivité sur des archives et, pour la plupart d'entre nous, nous ne nous sommes pas illustrés pour avoir réalisé des travaux qui étaient à l'éloge « des bourreaux », pour reprendre vos termes. Donc, je pense que, si on veut considérer qu'aujourd'hui, en France, des historiens français ne peuvent pas écrire cette histoire avec objectivité, c'est faire injure à notre expertise.
À Maurice, le tramway introduit en 2020 est devenu un gouffre financier. Baptisé Metro Express, ce nouveau mode de transport en commun est destiné à désengorger le trafic entre les villes. Mais il accuse un déficit annuel de 300 millions de roupies, l'équivalent de 6 millions d'euros. Le nouveau gouvernement, en poste depuis novembre 2024, réclame des comptes et veut stopper l'hémorragie financière d'un projet qui plombe lourdement les finances publiques. De notre correspondant à Port-Louis,Présenté comme l'un des plus grands chantiers jamais entrepris à Maurice, Metro Express est devenu, selon le nouveau gouvernement installé en novembre, un gouffre financier insoutenable. Dans une déclaration à l'Assemblée nationale, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a placé le réseau ferroviaire en tête des sociétés étatiques déficitaires et a estimé qu'il était insolvable : « Metro Express est incapable de rembourser sa dette, un emprunt de 16 milliards de roupies (l'équivalent de 330 millions d'euros, NDLR) contracté auprès de l'Inde. »45 000 voyageurs par jourOpérationnel depuis janvier 2020, Metro Express relie les cinq villes de Maurice sur 30 kilomètres. Ses 18 trams desservent 21 stations, de Port-Louis à Curepipe. Environ 45 000 voyageurs, soit un tiers des usagers urbains, utilisent quotidiennement ce mode de transport apprécié pour son confort et sa rapidité.Cependant, sa rentabilité pose un sérieux problème. « Les coûts des opérations sont largement supérieurs aux revenus, déplore le ministre des Transports, Osman Mahomed. Je travaille sur un plan pour assainir le lourd impact de Metro Express Ltd sur les finances publiques. On ne peut pas ad infinitum faire de sorte que la compagnie soit financée par des fonds publics. »Metro Express dessert les zones les plus stratégiques du territoire, notamment les cinq villes du pays, ainsi que le technopole d'Ébène et la cité universitaire de Réduit. Selon la directrice générale au ministère des Transports, un compromis doit être trouvé. « Ce nouveau mode de transport a fidélisé de nombreux voyageurs à Maurice, notamment des voyageurs urbains, souligne Moheenee Nathoo. Il faudra continuer à offrir le même service, 45 000 voyageurs par jour, sans que cela impacte le coût des opérations. Nous mobilisons nos ressources au niveau de Metro Express Ltd afin de chercher à rendre le service rentable et de peser moins sur le budget national. C'est très important. »Vers une augmentation du prix du ticket ?Afin de rationaliser le service, le gouvernement envisage plusieurs mesures : une augmentation du prix du ticket – qui vaut en moyenne moins d'un euro en ce moment –, une révision des conditions de gratuité du service pour les seniors et les étudiants, ainsi qu'un report des prochains développements.Face aux critiques concernant le déficit du projet, les anciens administrateurs de Metro Express défendent un projet stratégique avec des bénéfices économiques, sociaux et environnementaux à long terme.À lire aussiLe téléphérique urbain, une solution qui monte
En janvier dernier, l'annonce du plan Mattei pour l'Afrique par la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni a d'abord ressemblé à un coup politique. Une coquille vide adossée à des fonds déjà alloués et à un nom, celui d'Enrico Mattei, le fondateur du groupe italien Eni, très présent dans les hydrocarbures en Afrique. Mais près d'un an plus tard, le partenariat, signé officiellement le 5 décembre dernier avec la Banque africaine de développement, lui confère plus d'épaisseur. Agir dans les domaines de la formation, de la santé, de l'accès à l‘eau et à l'énergie, des infrastructures... Le plan Mattei sur le papier, c'est in fine répondre à un double objectif : limiter l'afflux de migrants en Italie et offrir de nouvelles opportunités aux entreprises italiennes.Au total, 5,5 milliards d'euros sur trois ans, gérés par la caisse des dépôts et consignation italienne, en lien avec le cabinet de la Première ministre. Paolo Lombard, chef du département coopération de la Cassa Depositi e Prestiti [la Caisse des dépôts et de consignation italienne, NDLR]. « Les trois premiers milliards viennent du fonds italien pour le climat. Pour les 2,5 milliards d'euros restants seront pris dans le budget de l'aide au développement, dont une partie est dédiée au plan Mattei. ». À cela s'ajoutent aussi des crédits à l'export et des garanties apportées par l'agence italienne de crédit à l'exportation Sace.Expertise de la BADTrop peu pour bousculer la hiérarchie européenne en matière de coopération et doper les entreprises italiennes au sud de la Méditerranée, critiquaient après les premières annonces certains observateurs italiens. Mais l'idée de Rome est aussi, grâce à cette mise de départ, d'attirer les contributions d'autres États, par exemple du Golfe.Pour structurer son action, l'exécutif italien a choisi de signer des partenariats avec la Banque africaine de développement. « La collaboration avec le groupe de la Banque africaine de développement a été cruciale pour assurer le soutien financier et technique, ainsi que mobiliser les ressources et l'expertise pour trouver des projets à financer par le plan Mattei », explique Giuseppe Venneri, membre de la task force du plan Mattei.Avec des premiers pays cibles comme le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, l'Égypte, l'Éthiopie, la Côte d'Ivoire, le Kenya et le Mozambique. Sans oublier le Congo, où Claudio Descalzi, actuel patron d'Eni, a dirigé la filiale du pétrolier dans les années 1990.Des infrastructures au capital investissementDu côté de la BAD, on est aussi satisfait par les perspectives de ce nouveau partenariat. « Le plan Mattei est vraiment centré sur l'action, souligne Solomon Quaynor, vice-président de la banque africaine. C'est donc une très bonne chose pour nous, de nous lancer dans de nouveaux domaines de collaboration. Nous avons commencé avec l'Alliance pour l'infrastructure verte en Afrique (AGIA), mais nous l'étendons maintenant à la fourniture de capital-risque pour la croissance des PME, mais aussi aux fonds de capital-investissement pour le développement d'infrastructures. »Fin 2024, Rome avait déjà annoncé le financement de certains projets comme le corridor ferroviaire menant au port angolais de Lobito et la production de biocarburants au Kenya piloté par Eni.
Le vrai dernier podcast de l'année est notre fameux 'Sur la guestlist' ✅ dans lequel on reçoit chaque mois un expert sur une thématique. Et pour bien finir l'année, on est sur de bonnes intentions
Dans l'est de la RDC, depuis la prise du site minier de Rubaya en territoire de Masisi par les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, les autorités de la province du Nord-Kivu se plaignent du manque à gagner dans l'exploitation des minerais. Avant la guerre, le secteur minier contribuait à plus de 40 % au budget de la province. Aujourd'hui, le Nord-Kivu dit avoir eu sa production de coltan amputée de 100 tonnes par mois, pour une valeur d'environ 7 millions de dollars. De notre correspondant à Goma,Au siège de Kivu Mineral Resources SARL, une des entreprises de Goma qui achète des minerais, l'ambiance n'est pas au rendez-vous. Le chiffre d'affaires de l'entreprise est en baisse à cause des problèmes d'approvisionnement. « Nous avons perdu principalement dans le territoire de Masisi - Rubaya, Ngungu, explique Yvette Mwanza, la directrice générale de l'entreprise, également présidente de la Chambre des mines au sein du conseil provincial de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), au Nord-Kivu. Toutes ces localités produisent énormément de coltan [colombite-tantalite, NDLR]. Mais pour le coltan, on ne reçoit presque plus rien. On peut faire facilement 30 tonnes du coltan par mois. Maintenant si vous prenez le coltan à partir du Maniema, sur tout un mois, vous pouvez recevoir seulement trois tonnes. »Environ 15 % de la production mondiale de tantaleLa prise de Rubaya par le M23 affecte plus de 6 000 creuseurs artisanaux qui se retrouvent sans emploi, selon la coopérative des creuseurs miniers artisanaux de Masisi. Beaucoup de creuseurs ont fui, ce qui inquiète également l'ONU. « Au Nord-Kivu, la consolidation du contrôle administratif du M23 sur les territoires de Masisi et Rutshuru au Nord-Kivu lui a permis d'établir un contrôle total sur la production de coltan, a souligné Bintou Keita, la cheffe de la Monusco, lors de son dernier passage au Conseil de sécurité à New York en septembre dernier. Le commerce en provenance de la région de Rubaya, qui selon les estimations fournit plus de 15 % de la production mondiale de tantale, génère environ 300 000 dollars par mois pour le groupe armé. Cette situation est profondément préoccupante et doit cesser. »Devoir de vigilance des acheteursDans ce contexte, les États et les entreprises doivent prendre leur responsabilité selon la société civile. « Toutes ces guerres que nous vivons sont alimentées par l'exploitation minière, souligne Alexis Muhima, leader du groupe thématique Mines et Hydrocarbures au sein de la société civile du Nord-Kivu. Et donc, pour nous, si tous ces États et entreprises qui s'approvisionnent en minerais dans cette zone respectent le devoir de diligence, cela va couper tout lien entre l'approvisionnement de ces groupes armés en minerai illicite. »Le M23-AFC, en mai dernier, avait annoncé interdire à ses hommes d'accéder aux sites miniers. Cependant, plusieurs membres de la société civile dénoncent le trafic de minerais, qui seraient ensuite exportés illégalement vers le Rwanda et l'Ouganda.
Dans le PANINI CAST de novembre, retrouvez les éclairages plein de pertinence et d'intelligence d'Emile & Aurélien (NDLR : c'est eux qui écrivent ce résumé) sur la Vengeance de Moon Knight : mais qui est le nouveau Moon Knight ? Spectacular Spider-Men : est ce que c'est la meilleure série Spider-Man du moment ? Avengers Twilight : est ce que le futur dystopique peut être rose bonbon ? Wolverine Origins et Aaron : est ce que les griffes de Logan sont parfaites pour faire cuire des marshmallows ? Mais aussi Venom ! Spider-Island ! Young Avengers ! Et le chef d'œuvre Marvels ! Titres abordés : Vengeance of the Moon Knight T01 (100% Marvel) - Jed McKay & Alessandro Cappuccio Spectacular Spider-Men T01 (100% Marvel) - Greg Weismann & Humberto Ramos Avengers Twilight : Le crépuscule des Avengers (100% Marvel) Wolverine Origins (Marvel Must-have) - Paul Jenkins & Adam Kubert Wolverine par Jason Aaron (Marvel Omnibus) Marvels - Edition annotée (Marvel Hors Collection) - Kurt Busiek & Alex Ross Venom T02 (Marvel Deluxe) - Donny Cates & Ryan Stegman Spider-Island (Marvel Poche) - Dan Slott & Humberto Ramos Young Avengers (Marvel Poche) - A. Heinberg & Jim Cheung Recommandations Aurélien : Transformers : Le commencement Emile : Kazuo Umezz
Les autorités ont instauré un couvre-feu mercredi 20 et jeudi 21 novembre 2024 en Irak, pour faciliter une opération historique de recensement de la population. Le premier d'une telle ampleur depuis 1987. Une entreprise particulièrement sensible, dans un pays ravagé par des années de guerres et de déplacements forcés de population. Pour la minorité yézidie de la montagne du Sinjar, qui a fui les persécutions de l'État islamique en 2014, et dont plusieurs centaines de milliers de ses membres vivent toujours dans des camps de déplacés au Kurdistan irakien, ce recensement soulève la crainte d'être à jamais séparés de leurs terres ancestrales. De notre envoyé spécial à Duhok, Dix années ont passé depuis le génocide des Yézidis par le groupe terroriste État islamique. Mais les milliers de tentes blanches du camp de Charia au Kurdistan irakien n'ont pas bougé. Comme Salim, 30 ans, ils sont plusieurs milliers de déplacés yézidis à subsister dans cet univers précaire de plastique et de poussière. À l'approche du recensement irakien, le jeune homme témoigne de sa confusion : « Concernant ce recensement, la population du camp est complètement négligée. On ne nous a rien expliqué, le système n'est pas clair. Nous ne savons pas comment répondre aux questions et comment elles pourront nous profiter, alors que tout ce que nous souhaitons c'est que nos droits soient respectés. Nous ne voulons ni plus, ni moins que cela. »Salim est inquiet. Il ne souhaite pas être recensé comme un déplacé au Kurdistan, mais comme un habitant du Sinjar : la région montagneuse et largement détruite par la guerre qu'il a dû fuir, mais où il souhaite retourner un jour. En effet, le décompte sera utilisé pour calculer les budgets alloués à chaque province d'Irak : « Le gouvernement va profiter de notre situation difficile pour exploiter les résultats du recensement et priver les Yézidis de leurs droits dans de nombreux domaines. La répartition du budget et le développement des projets publics, ainsi que la distribution des services, seront basés sur ces résultats. La reconstruction des écoles ou des hôpitaux du Sinjar en seront affectés. Pour moi, c'est la poursuite du génocide, toujours en cours au Sinjar. »Le Sinjar, un lointain espoirDans son bureau du centre culturel Yézidi de la ville de Duhok, le docteur Faris Koti – figure respectée au sein de la communauté – ne cache pas son inquiétude quant à l'organisation du recensement dans ces conditions : « Notre principale préoccupation concerne le bouleversement démographique de la région. La population principale du Sinjar, ce sont les Yézidis, ils pourraient être remplacés par les Arabes tant que le peuple Yézidi n'y est pas retourné. Aujourd'hui, 250 000 personnes vivent toujours dans les camps de déplacés. Elles ne peuvent pas retourner au Sinjar, là d'où elles viennent. La situation est trop instable pour organiser un tel processus au Sinjar. »Les déplacés Yézidis sont en effet prisonniers des tensions politiques entre les gouvernements kurdes et irakiens, qui se rejettent la responsabilité de leur retour au Sinjar. Dans ces conditions, le recensement pourrait diminuer la voix déjà fragile des Yézidis au sein des institutions. « Cela aura aussi un effet sur l'attribution du nombre de sièges pour le Sinjar, poursuit le docteur Koti. La représentation des Yézidis au Parlement sera diminuée si elle est basée sur ces résultats. »Pour Layla, 27 ans, et elle aussi déplacée du Sinjar depuis 2014, les enjeux et les résultats de ce recensement risquent au fond de repousser encore un peu plus le retour des Yézidis dans leurs villages d'origine : « Je crois que le gouvernement va tirer parti du recensement contre les Yézidis parce qu'ils n'ont pas de solutions alternatives. La région a souffert de la guerre bien plus qu'aucune autre en Irak. Pourtant, aucun effort n'est déployé pour la reconstruire. Alors qu'à Mossoul, ou d'autres endroits détruits par Daech [l'acronyme en arabe du groupe terroriste État islamique, NDLR], les autorités développent des projets. Rien au Sinjar. »À lire aussiAu Kurdistan irakien, les peshmergas s'alarment d'une autonomie kurde en péril
Les autorités ont instauré un couvre-feu mercredi 20 et jeudi 21 novembre 2024 en Irak, pour faciliter une opération historique de recensement de la population. Le premier d'une telle ampleur depuis 1987. Une entreprise particulièrement sensible, dans un pays ravagé par des années de guerres et de déplacements forcés de population. Pour la minorité yézidie de la montagne du Sinjar, qui a fui les persécutions de l'État islamique en 2014, et dont plusieurs centaines de milliers de ses membres vivent toujours dans des camps de déplacés au Kurdistan irakien, ce recensement soulève la crainte d'être à jamais séparés de leurs terres ancestrales. De notre envoyé spécial à Duhok, Dix années ont passé depuis le génocide des Yézidis par le groupe terroriste État islamique. Mais les milliers de tentes blanches du camp de Charia au Kurdistan irakien n'ont pas bougé. Comme Salim, 30 ans, ils sont plusieurs milliers de déplacés yézidis à subsister dans cet univers précaire de plastique et de poussière. À l'approche du recensement irakien, le jeune homme témoigne de sa confusion : « Concernant ce recensement, la population du camp est complètement négligée. On ne nous a rien expliqué, le système n'est pas clair. Nous ne savons pas comment répondre aux questions et comment elles pourront nous profiter, alors que tout ce que nous souhaitons c'est que nos droits soient respectés. Nous ne voulons ni plus, ni moins que cela. »Salim est inquiet. Il ne souhaite pas être recensé comme un déplacé au Kurdistan, mais comme un habitant du Sinjar : la région montagneuse et largement détruite par la guerre qu'il a dû fuir, mais où il souhaite retourner un jour. En effet, le décompte sera utilisé pour calculer les budgets alloués à chaque province d'Irak : « Le gouvernement va profiter de notre situation difficile pour exploiter les résultats du recensement et priver les Yézidis de leurs droits dans de nombreux domaines. La répartition du budget et le développement des projets publics, ainsi que la distribution des services, seront basés sur ces résultats. La reconstruction des écoles ou des hôpitaux du Sinjar en seront affectés. Pour moi, c'est la poursuite du génocide, toujours en cours au Sinjar. »Le Sinjar, un lointain espoirDans son bureau du centre culturel Yézidi de la ville de Duhok, le docteur Faris Koti – figure respectée au sein de la communauté – ne cache pas son inquiétude quant à l'organisation du recensement dans ces conditions : « Notre principale préoccupation concerne le bouleversement démographique de la région. La population principale du Sinjar, ce sont les Yézidis, ils pourraient être remplacés par les Arabes tant que le peuple Yézidi n'y est pas retourné. Aujourd'hui, 250 000 personnes vivent toujours dans les camps de déplacés. Elles ne peuvent pas retourner au Sinjar, là d'où elles viennent. La situation est trop instable pour organiser un tel processus au Sinjar. »Les déplacés Yézidis sont en effet prisonniers des tensions politiques entre les gouvernements kurdes et irakiens, qui se rejettent la responsabilité de leur retour au Sinjar. Dans ces conditions, le recensement pourrait diminuer la voix déjà fragile des Yézidis au sein des institutions. « Cela aura aussi un effet sur l'attribution du nombre de sièges pour le Sinjar, poursuit le docteur Koti. La représentation des Yézidis au Parlement sera diminuée si elle est basée sur ces résultats. »Pour Layla, 27 ans, et elle aussi déplacée du Sinjar depuis 2014, les enjeux et les résultats de ce recensement risquent au fond de repousser encore un peu plus le retour des Yézidis dans leurs villages d'origine : « Je crois que le gouvernement va tirer parti du recensement contre les Yézidis parce qu'ils n'ont pas de solutions alternatives. La région a souffert de la guerre bien plus qu'aucune autre en Irak. Pourtant, aucun effort n'est déployé pour la reconstruire. Alors qu'à Mossoul, ou d'autres endroits détruits par Daech [l'acronyme en arabe du groupe terroriste État islamique, NDLR], les autorités développent des projets. Rien au Sinjar. »À lire aussiAu Kurdistan irakien, les peshmergas s'alarment d'une autonomie kurde en péril
Au Gabon, nous sommes à J-2 avant le référendum constitutionnel prévu samedi 16 novembre. Les partisans du « oui » et du « non » ont labouré le terrain depuis près de dix jours pour tenter de convaincre les électeurs de voter pour leur point de vue. Le Premier ministre et coordinateur national de la campagne pour le « oui » est le Grand invité Afrique de ce matin. Raymond Ndong Sima explique pourquoi les Gabonais devraient voter « oui » dans deux jours et tente de rassurer les tenants du « non ». Il répond aux questions de Esdras Ndikumana. RFI: Raymond Ndong Sima, pourquoi, selon vous, cette Constitution est-elle bonne pour le Gabon ?Raymond Ndong Sima : En premier lieu, nous sommes dans une situation transitoire depuis maintenant 14 mois et qu'il faut bien sortir de la transition pour aller vers une situation normale. Or, je rappelle que la Constitution qui est en vigueur, lorsque les militaires prennent le pouvoir le 30 août [2023, NDLR], est une Constitution de 2023 qui comportait un ensemble d'anomalies, pour ne pas dire d'infamies, comme on a pu le voir à l'occasion des élections où le président de la République était maintenant candidat en ticket avec chacun des députés. Donc, oui, c'est une Constitution qui est bonne, il faut bien en sortir.Quelles avancées portent-elles ?Les avancées, il y en a un certain nombre. Certaines concernent directement les précisions qui ont été apportées sur les conditions à remplir par les différents candidats. D'autres portent sur l'organisation du pouvoir lui-même en tant qu'architecture générale de l'État. Je pense qu'il y a un certain nombre de points que les spécialistes ont énumérés. Si on les prenait un à un, on verrait exactement à quoi ça correspond.L'une des dispositions les plus controversées de ce projet de Constitution est celle qui instaure un régime présidentiel jugé très fort. Les partisans du « non » parlent de l'intronisation d'un monarque au pouvoir. Quelle est votre réaction ?Je suis mal à l'aise sur ce point précis pour la raison très simple que je suis Premier ministre en fonction et que ce point-là, précisément, conduit à la suppression du poste de Premier ministre. Mais vous savez, on ne discute pas des affaires de l'État pour son compte personnel. On en discute dans le sens de l'intérêt général. Je rappelle que deux de mes anciens prédécesseurs à la fonction du Premier ministre ont indiqué que, pour eux, il fallait supprimer la fonction de Premier ministre parce que celui-ci avait des pouvoirs fictifs, donc il valait mieux établir une clarté dans la liaison entre les pouvoirs décrits et les pouvoirs exercés. Donc, dès lors que le plus gros des personnes qui sont concernées se prononcent en faveur de quelque chose, je ne vois pas pourquoi je m'y opposerai.Mais sur la question précise de l'intronisation d'un monarque au Gabon, qu'est-ce que vous répondez ?Je voudrais bien qu'on me montre ce qu'on appelle le monarque intronisé. Lorsque l'on prend les dispositions de la Constitution qui était jusque-là, nous avions un président de la République qui définissait la politique de la Nation et un Premier ministre qui conduisait cette politique. Mais, en pratique, nous avions un président de la République qui était président du Conseil supérieur de la magistrature – ce n'est pas une nouveauté –, nous avions un président de la République qui avait à son actif la possibilité de nommer un Premier ministre et de le révoquer – admettons –, ce n'est pas une nouveauté. Quelle est aujourd'hui la différence avec ce qui se passait ? Je vois qu'il n'y a pas de très grande différence. Je pense qu'on est en train de faire des jeux de mots, mais la réalité est que le président de la République disposait déjà de tous les pouvoirs qu'il a aujourd'hui et qu'on clarifie purement et simplement.Le président peut par exemple dissoudre l'Assemblée, mais le Parlement n'a que la haute trahison comme moyen de pression contre lui. Est-ce que ce déséquilibre des pouvoirs n'est pas dommageable ?Écoutez, tous les cas de figure sont dommageables. On peut imaginer que telles situations soient dommageables. Moi, j'ai indiqué - si vous m'avez écouté dans mes interventions dans la campagne - clairement que nous sommes dans un cas de figure où il faut prendre une décision à un moment donné. Nous verrons bien, dans la pratique, si ça pose des problèmes, comment on fait pour revenir dessus. En effet, on peut avoir le sentiment que le président disposant de la possibilité de dissoudre d'un côté et le Parlement n'ayant pas la possibilité de le destituer de l'autre, ça crée un déséquilibre, c'est une possibilité. Est-ce que pour autant on a un monarque ? Je ne sais pas.Alors, pour soutenir le choix pour le « non », les partisans du rejet regrettent la concentration des pouvoirs entre les mains du chef de l'État. La justice, par exemple, va rester sous son contrôle. Que leur répondez-vous ?Vous savez, le processus qui a été conduit pour arriver au point où nous sommes, on l'a lancé en octobre 2023 en demandant aux uns et aux autres d'apporter des contributions sur le diagnostic de la situation du pays et sur les solutions qu'ils proposaient pour corriger les déséquilibres qui apparaissaient. Je rappelle que ce processus, qui s'est déroulé pendant deux mois, a été suivi ensuite d'un dialogue national. Je pense que les arguments qu'ils invoquent maintenant, ils auraient dû les présenter au moment du dialogue national.Et contre le fait que c'est, au final, le président Brice Oligui Nguema qui a choisi les éléments qui devaient rentrer dans la Constitution.En fait, à qui faites-vous allusion quand vous dites les adversaires de cette...Ceux qui prônent le « non ».J'entends beaucoup de critiques et cetera, mais je rappelle qu'un débat a eu lieu pendant un mois à Angodjé, sur différents aspects, sur les questions constitutionnelles et cetera. Je n'ai pas entendu qu'ils ont déposé ces arguments à ce moment-là. Ensuite, lorsque le débat a eu lieu à l'Assemblée nationale, lorsque le texte a été transmis au Parlement en congrès, il y a eu beaucoup d'auditions là-bas. Est-ce qu'ils ont fait valoir les arguments à cet endroit ? Je ne sais pas très bien.Est-ce que finalement le Gabon ne court-il pas le risque de connaître les mêmes travers que sous le régime déchu, les mêmes causes produisant les mêmes conséquences ?Oui, c'est possible. C'est toujours possible, dans tous les cas de figure au monde, qu'on retrouve les mêmes travers. Mais est-ce que nous pouvions rester dans une position transitoire infinie ? La question, c'est : quelle est la contre-proposition qui a été faite ? Vous savez quel est le grand théorème de l'impossibilité d'agrégation ? Quand on a un texte qui fait 175 articles, est-ce que vous croyez qu'on peut tomber d'accord : la totalité des gens, les citoyens de ce pays, sur les 175 articles ? À un moment donné, il faut bien sortir de la transition. Et c'est vrai qu'il y a des points qui peuvent poser problèmes, mais dans la pratique, on verra comment ils vont se déployer, comment ils vont se dérouler. Autrement, on resterait sur place. Et moi, je considère que, à un moment donné, il faut sortir de la boucle dans laquelle on se trouve. On est dans la boucle transitoire, il y a des propositions qui sont faites, il y a beaucoup de choses qui ont été modifiées, assouplies. Je vous rappelle les questions sur la nationalité, je vous rappelle les questions sur les aspects fonciers. Je n'ai pas le texte en entier sous les yeux, donc je peux ne pas me rappeler tous les détails. Donc, je pense que dans une situation donnée, il faut accepter d'aller au débat et considérer, à un moment donné, qu'on ne peut pas avoir raison sur tous les points. Et il faut prendre date de bonne foi sur le fait qu'on arrive dans une position et on verra bien à la pratique comment ça évolue.L'ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze qualifie cette Constitution de « texte d'exclusion ». Il cite notamment la question de la limitation d'âge de 35 à 70 ans pour être candidat à la présidentielle ou encore l'impossibilité pour les descendants d'un chef d'État d'être candidat. Votre réaction ?Bon, je pense d'abord que Bilie-By-Nze est, à mon avis, de tous les Gabonais, celui qui peut le moins s'exprimer sur ces questions tellement sensibles. Je rappelle que monsieur Bilie-By-Nze était, l'année dernière, Premier ministre. Quand on a été à ce point un fossoyeur de la République, en signant, en année électorale, à quelques semaines de l'élection, une loi portant modification des dispositions des conditions de l'élection, on se tait ! On ne parle pas ! C'est ça qu'il devrait faire. Monsieur Bilie-By-Nze est en liberté par la magnanimité de mon gouvernement qui devrait le poursuivre, mais qui a choisi l'apaisement parce qu'on aurait pu le poursuivre pour atteinte, pour forfaiture et violation des lois. Ils ont violé la loi. La loi disait qu'on ne peut pas modifier le Code électoral en année électorale et il a contresigné ça, ça porte sa signature ! Alors, il n'est pas bien placé pour venir nous donner des leçons. Je suis désolé.Est-ce que le camp du « oui » n'a pas bénéficié d'un certain avantage durant la campagne, au vu des tournées du président de transition, de ses ministres, avant son début ?Ça, c'est une question que je trouve à la fois, je dirais, logique. Nous sommes dans un gouvernement de transition qui s'est engagé à sortir de là par une restauration des institutions. La logique même veut que l'on propose un texte qui est, dans l'ordonnancement, un des éléments qui permet de revenir à l'ordre normal. Comment le gouvernement peut-il à la fois être en train de travailler pour revenir à l'ordre normal et ne pas porter ce texte là sur la place publique ? Si le président en exercice, qui est un président de la transition, ne porte pas lui-même, dès le départ, les textes qui lui permettent de justifier la parole qu'il a donnée de revenir à la normalité, qui peut le faire ? Et je suis en train de faire en sorte que nous ayons un corpus de texte qui nous permet de sortir de cette transition. Voilà ce qu'on fait. Il y a des malfaçons dedans, il y a des choses. Mais, au final, l'objectif, c'est d'être sorti de là dans un délai raisonnable.Vous avez évoqué le président de transition. Le général Oligui Nguema a dit ne pas vouloir de Constitution taillée sur mesure. Mais est-ce que ce n'est pas le cas ? C'est ce que certains disent.C'est un des traits particuliers de la démocratie : chacun a besoin de dire ce qu'il pense, et je crois que c'est une question d'appréciation personnelle. Oui, effectivement, les gens peuvent dire que c'est une Constitution qui est taillée sur mesure. Non, d'autres disent que ce n'est pas le cas. Nous verrons bien à la pratique. Mais je rappelle, tout à l'heure, quand vous évoquiez l'une des personnes qui est opposée, qui indique que le président, il y a discrimination par rapport aux fils de président, il ne faut pas vouloir une chose et son contraire. On ne peut pas vouloir à la fois éviter qu'un système monarchique ne s'installe et s'opposer à ce que les gens ne mettent pas une barrière à ce que les fils de président ne soient pas candidats, ou les filles de président et cetera. Il y a quand même une contradiction là-dedans.Vous venez de donner aux Gabonais deux jours, jeudi et vendredi, fériés, payés et récupérables. Est-ce à dire que vous craignez un faible taux de participation ?Oui, et il y a des raisons d'avoir un faible taux de participation, de façon mécanique. Je vais vous expliquer ça. Lorsque nous avons fait les élections présidentielles l'année dernière, les élections ont eu lieu au mois d'août, et les Gabonais et les Gabonais se sont enrôlés sur les listes électorales en prévision de ce que les élections se passeraient pendant qu'ils sont en vacances avec leur famille dans leur province d'origine. C'est ce que la plupart des gens font. Tout le monde sait qu'à partir de la fin du mois de juin, fin juin, les gens s'en vont dans leur province. Or, cette année, l'élection a lieu alors que l'année scolaire a démarré il y a deux mois et la saison des pluies commence à battre son plein et, par conséquent, il y a effectivement des problèmes de mobilité. Ce qui veut dire que les gens, pour aller chez eux, voter, ont besoin d'un peu de temps pour circuler. Donc oui, il peut y avoir une abstention qui serait tout à fait mécanique parce que les gens ne sont pas en vacances, ils sont à leur lieu de travail, que les enfants sont à l'école, et qu'il sera beaucoup plus difficile à tous les pères et mères de famille de se déplacer alors que ça aurait été différent si on avait fait l'élection pendant la période de vacances. Mais vous voyez bien aussi, que si on avait retardé pendant les mois de vacances, on aurait attendu le mois d'août prochain pour faire la partie concernant ce référendum, ça retarderait d'autant la période de retour potentielle à la normalité. Alors, il faut choisir, à un moment donné, l'un des handicaps.Quel est votre objectif en termes de participation qui serait un véritable indicateur de l'adhésion de la population au projet ?Mon objectif est que le « oui » l'emporte massivement.Est-ce qu'il y a un chiffre ?Aujourd'hui, la population de base, elle cherche qui sont les adversaires. Les gens sont habitués à s'engager à une élection parce qu'il y a deux protagonistes qui sont là. Là, on a un texte. Les populations de l'arrière-pays n'ont pas forcément une vision très claire de ça. Je pense qu'il pourrait y avoir, de ce fait-là, une partie de la population qui ne se mobilise pas nécessairement. Moi, je viens de vous donner la première raison qui est mécanique. Donc, si vous me demandez un taux, je ne suis pas capable de vous donner un taux. Certains s'aventurent dessus, moi, je ne m'aventure pas. Ce que je veux, c'est une victoire nette. Je conduis le camp du « oui », j'ai besoin de gagner nettement, voilà.Alors, vous étiez ces derniers jours en campagne à Port-Gentil, la deuxième ville du pays, et à Franceville. Quel accueil vous a été réservé dans ce fief des Bongo ?J'ai été très bien accueilli à Franceville. J'ai été très bien accueilli partout. Bon, je rappelle que, en premier lieu, nous avons eu des mobilisations limitées dans la mesure où il s'agissait pour moi d'aller rencontrer les coordinations de chacune des provinces, coordination de campagne dans chacune des provinces, pour les rebooster, pour les relancer, disons les pousser à se déployer sur le terrain, et leur demander de s'impliquer dans un travail de proximité, c'était ça.Si la Constitution est adoptée massivement, les élections de fin de transition, est-ce qu'elles doivent être avancées ou est-ce qu'elles doivent être maintenues à août prochain ?Personne n'a jamais dit que les élections auraient lieu au mois d'août. Je voudrais rappeler que c'est moi qui ai décliné au mois de septembre, à New York, que nous nous étions donnés une date moyenne de 24 mois, en partant d'août 2023, sans forcément nous amener à août 2025. On peut être légèrement avancé ou légèrement après. Si nous terminons de faire le référendum, on verra bien à quel moment nous réunissons les autres conditions pour faire les autres élections qui permettent de mettre en place les différentes institutions. Août 2025, ce n'est pas une date marquée dans le marbre pour moi, c'est un objectif de date. L'essentiel, c'est que, comme on le voit depuis un an et deux mois, nous sommes dans un calendrier, on tient le tempo. À écouter aussiNouvelle Constitution gabonaise: «Les autorités ont pris en compte un certain nombre de points clivants»
Le Congo s'apprête à lancer les travaux de construction d'un nouveau barrage, celui de Sounda, dans le sud du pays. Le but est d'augmenter l'offre d'électricité dans un pays qui connaît d'importantes coupures et un faible taux d'industrialisation. De notre correspondant à Brazzaville,La rivière Sounda abritera ce nouveau barrage, dont le coup d'envoi des travaux de construction sera donné en janvier 2025. Il est situé dans le Kouilou, la région qui abrite Pointe-Noire, la capitale économique du Congo. Les travaux s'étaleront sur cinq ans et seront réalisés par l'entreprise chinoise China Overseas Company Limited. La production attendue est entre 600 et 800 mégawatts. « C'est un barrage, un grand ouvrage de travaux publics et même de grands travaux, commente Thierry Moungalla, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement. Il a un coût élevé qui peut tourner autour de 1 300 milliards de FCFA [plus de 1,9 million d'euros]. Les mécanismes de financement sont huilés avec les grands partenaires que sont nos amis chinois », indique-t-il.Préfinancement chinoisEn cette période de restructuration des dettes africaines, le recours au préfinancement chinois a probablement eu la faveur des autorités congolaises, estime l'analyste économique Alphonse Ndongo. « Par ces temps d'assèchement financier au Congo, je ne vois pas où est-ce que le gouvernement peut trouver des fonds pour financer la construction de cet important barrage. C'est un préfinancement chinois et je pense qu'il doit s'asseoir sur le modèle qu'on appelle build-operate-transfer, qui veut simplement dire que vous construisez, vous exploitez et cela vous permet de vous faire rembourser selon une période de concession que l'État va certainement trouver entre lui et l'opérateur chinois ».À lire aussiLa Chine s'engage à allouer à l'Afrique 50 milliards de dollars en trois ansAttirer les investisseursOfficiellement, le Congo produit déjà 720 mégawatts, mais une bonne partie se perd dans le réseau de distribution, mal entretenu, selon les spécialistes. La production de Sounda s'ajoutera à cette puissance. « Cela va doper l'offre de fourniture d'énergie aux ménages, anticipe Alphonse Ndongo. Mais aussi, dans un contexte où l'on parle d'industrialisation, à l'orée de la Zlecaf [Zone de libre échange continentale africaine, Ndlr], c'est-à-dire le marché de libre échange, il faut bien que le Congo ait des propositions en matière d'industrie à faire ».« L'électricité est un facteur important, renchérit Mermans Babounga de l'Observatoire des droits des consommateurs. Et, si on veut attirer les investissements directs étrangers, il faut que l'offre d'électricité soit suffisante dans le pays. Donc, nous avons bon espoir qu'avec la construction du barrage de Sounda, le pays va attirer de gros industriels qui viendront investir dans le pays. Et, cela va participer à créer des emplois que les jeunes attendent ».Le Congo produit déjà plus d'électricité que ses besoins en consommation locale. Mais il en exporte une partie et son réseau électrique n'est pas suffisamment développé pour desservir l'ensemble de la population.À lire aussiClimat: la production d'hydroélectricité en crise «à cause du réchauffement climatique»
La France doit-elle ou non maintenir des bases militaires en Afrique ? C'est à cette question sensible que l'ancien secrétaire d'État, Jean-Marie Bockel, est chargé de répondre, à la demande du président français Emmanuel Macron, qui l'a désigné comme son Envoyé personnel auprès des pays africains concernés par la reconfiguration du dispositif militaire français. Il y a deux semaines, avant le Conseil de défense du 23 octobre à l'Élysée, Jean-Marie Bockel a rendu, au chef de l'État, un pré-rapport, qui reste encore secret. Mais ce matin, sur RFI, il en dévoile les grandes lignes, notamment sur le Sénégal et le Tchad. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Vous évoquez une réduction drastique des effectifs militaires français en Afrique. Est-ce à dire que les bases françaises de Dakar, d'Abidjan, de Libreville, n'abriteront plus que 100 hommes chacune ? Jean-Marie Bockel : Non, on n'est pas du tout dans une question de chiffrage. Nous avons une nouvelle étape qui fait l'objet, dans chaque pays, d'une discussion avec les responsables du pays, autour de l'idée que nous devons garder un dispositif socle qui permette, au niveau de l'accès, de la logistique, de la capacité, de remonter en puissance, si je puis dire, chaque fois que c'est nécessaire, à la demande du partenaire, face à une menace extérieure. Et autour de l'idée qu'à côté de ce dispositif socle, il y a un renforcement du soutien et de la réponse à des attentes en matière de sécurité des pays du périmètre, que ce soit en matière de formation, d'école, de renseignement, d'entraînement, de forces spéciales, mais aussi en matière d'équipements, de nouvelles technologies, etc. Et comme me le disait tel président africain que j'ai rencontré, « ce qui compte, ce n'est pas le nombre de soldats français demain dans ma base, c'est ce qu'on va pouvoir faire encore mieux ensemble ».C'est le président ivoirien Alassane Ouattara, qui vous a dit ça ? Le président Ouattara m'a dit ça avec ses mots à lui, mais le président Déby [Mahamat Idriss Déby, du Tchad, NDLR] également. Quant au président Oligui [Brice Clotaire Oligui Nguema, du Gabon, NDLR], c'est aussi son état d'esprit.Même s'il ne reste que quelques centaines d'hommes dans chacune de ces bases françaises, les anti-Français diront « ce sont encore quelques centaines de trop ». Pourquoi ne pas fermer tout simplement les bases françaises en Afrique ? En fait, les partenaires des trois pays avec lesquels nous avons déjà bien avancé ont été très clairs. Ils ne souhaitent pas notre départ.Ni le Tchad, ni le Gabon, ni la Côte d'Ivoire ?Absolument. Mais ils comprennent l'évolution du format, l'évolution du partenariat. Et donc, partir comme ça, du jour au lendemain, c'est en fait tirer un trait sur un partenariat souvent très ancien et qui, à bien des égards, même s'il a vocation à évoluer, a été apprécié et a fait partie aussi de la qualité de la relation que nous avons dans tous les domaines avec ces pays. Et donc, je pense que, si on avait fait ça simplement par peur d'être peut-être un jour chassé, mais comment nos partenaires l'auraient-ils perçu ? Mal, à juste titre.Parmi les pays que vous avez visités, c'était en mars dernier, il y a le Tchad où sont stationnés actuellement quelques 1 000 soldats français. Est-ce que la réduction des effectifs français y sera aussi drastique que dans les autres pays ? Oui, bien sûr, elle sera significative, importante. Mais sans préjuger de la discussion entre les responsables français, à commencer par le président de la République et son homologue tchadien sur ces questions, ce n'est pas à moi de décider ce qui in fine se fera, mais je sais ce sur quoi, avec ma petite équipe, nous avons travaillé en dialogue constant avec bien sûr le partenaire tchadien à tous niveaux, dans les propositions, dans mes propositions, je crois qu'elles cheminent bien. Le dispositif permettra, et pas simplement sur un seul site, de préserver l'essentiel du partenariat à partir de ce dispositif socle, de ce point d'entrée, avec toute la dimension logistique, de formation, la dimension aérienne de renseignement. Ce qui compte, me disait le président du Tchad, Mahamat Déby, ce qui compte, ce n'est pas le nombre de soldats, c'est la qualité de notre partenariat et c'est ce à quoi nous travaillons.Voilà six mois que vous devez aller au Sénégal, mais vous n'y êtes toujours pas allés. Alors est-ce que c'est seulement parce qu'il y aura des législatives dans dix jours ? Est-ce que ce n'est pas aussi parce qu'il y a quelques mois, le Premier ministre Ousmane Sonko a déclaré que la présence durable de bases militaires étrangères était incompatible avec la souveraineté du Sénégal ? En fait, il y a eu ces déclarations qui ne nous ont pas échappé. Il y a eu aussi la visite du président Diomaye Faye à Paris le 20 juin. J'étais présent, et il a eu l'occasion de dire au président Macron, qui évoquait la possibilité de partir, que non, qu'il fallait simplement nous laisser le temps d'établir une position claire sur le devenir de la base militaire, même des sites militaires français au Sénégal. Et les contacts qu'il y a pu y avoir depuis sont toujours dans cet état d'esprit. Au lendemain de l'élection du mois de novembre, il y aura un moment important où les responsables sénégalais pourront dire aux responsables français « voilà ce que nous souhaitons, le moment est venu pour en parler ». Une chose est ce qui peut être dit dans une période de changement, une chose est ce qui pourra se faire au lendemain d'une élection, ce sont deux temps différents.
Qui va gagner la nuit prochaine aux États-Unis ? Kamala Harris ou Donald Trump ? La bataille est beaucoup suivie aussi en Afrique. Cheikh Tidiane Gadio connait bien l'Amérique du Nord. Il est diplômé de l'Université d'État de l'Ohio. Puis, il est rentré au Sénégal, où il est devenu ministre des Affaires étrangères sans discontinuer pendant neuf ans et demi, de 2000 à 2009. Un record national ! Aujourd'hui, il préside l'IPS, l'Institut panafricain de stratégie, en charge de la paix, de la sécurité et de la gouvernance. En ligne de Dakar, il confie ses espoirs et ses craintes au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Quel bilan faites-vous de la politique africaine du président Biden ? Cheikh Tidiane Gadio : Je crois que Biden a quand même réussi certaines choses qui ont été très, très positives pour l'Afrique. Un des grands problèmes que l'Afrique avait avec des dirigeants américains, c'est qu'en général, ils ne s'intéressaient pas trop à l'Afrique. Il y a eu quelques ruptures. George Bush, qui est républicain, avait lancé le MCA [Millennium Challenge Account, NDLR] et avait montré un intérêt réel pour un nouveau partenariat avec l'Afrique. Mais ce que Biden a réalisé, à mon avis, est allé beaucoup plus loin. Il a, par exemple, ramené [en décembre 2022 à Washington] le sommet États-Unis - Afrique qu'Obama avait instauré. Ensuite, il s'est battu récemment pour que l'Afrique soit dotée d'un siège permanent au Conseil de sécurité, mais sans droit de veto, ce qui est absolument à discuter, bien sûr. Globalement, je crois que c'est un grand homme d'État qui a vraiment le sens du service à son pays et un peu à l'humanité. Je trouve qu'il a beaucoup d'empathie aussi, et je pense qu'il est antiraciste. Il a eu une excellente collaboration avec Obama et ensuite, il a une bonne collaboration avec Kamala Harris. Donc, au total, il a beaucoup aidé l'Afrique. À lire aussiSommet États-Unis/Afrique: Joe Biden acte le retour diplomatique des États-Unis sur le continentSur le plan sécuritaire, les effectifs militaires américains en Afrique sont tombés de 5 000 soldats en 2017 à 1 500 soldats aujourd'hui. Est-ce que c'est parce que les Américains veulent partir ou parce que les Africains ne veulent plus des Américains ?Alors, paradoxalement, je ne crois pas que ce soient les Africains qui ne veulent plus des Américains. Mais les Africains veulent une forme de coopération beaucoup plus affirmée, beaucoup plus présente et réelle en matière de renseignement, d'intelligence, d'équipements en satellites par exemple, de surveillance des mouvements des jihadistes et autres. Beaucoup de choses sur lesquelles les Africains ont exprimé beaucoup d'intérêt et de besoin et ils n'ont malheureusement pas eu de réponse favorable. Et effectivement, il y a le grand débat maintenant sur la présence de l'Occident en Afrique, mais je ne crois pas que les États-Unis soient particulièrement ciblés. Ce qui se passe avec la France, l'Union européenne et tout ça, c'est lié quand même à un passé assez spécial qui n'est pas le même que les relations qu'on a eues avec les Américains.Au Niger, après le putsch de juillet 2023, les Américains ont espéré pouvoir conserver leurs bases militaires, à la différence des Français, mais finalement, au mois de mars dernier, ils ont été chassés eux aussi. Est-ce le signe que leur offre sécuritaire n'est pas aussi concurrentielle que celle des Russes ? Absolument. Je pense que les Russes sont tombés à un moment, en Afrique, où ce que j'appelle le populisme et certaines formes de souverainisme ont amené un certain nombre de nouvelles politiques. Et les Russes ont su en profiter. Mais pour moi, l'Afrique ne doit pas chercher, disons, entre guillemets, à rompre avec l'ancienne tutelle parce qu'on a négocié une nouvelle tutelle, ce n'est pas bon pour l'Afrique. Et j'espère que les Africains vont se ressaisir de ce point de vue. Donc, pour les Américains, comme vous le savez, Africom, les différentes initiatives qu'ils ont en matière de sécurité, ce n'est pas très inclusif. Ils contrôlent à peu près tout. Moi, j'ai des informations sur leurs relations avec le Nigeria dans la lutte contre Boko Haram, c'était assez distant, c'étaient des conseils. Très peu de matériel ou de financements. Mais l'engagement qu'on pouvait attendre des États-Unis en tant que puissance mondiale qui a subi de lourdes pertes à cause du terrorisme et qui a une coalition mondiale de plus de 60 pays, cet engagement, on ne l'a pas franchement vu en Afrique, et ça, je crois, c'est une brèche ouverte dans laquelle les Russes se sont engouffrés.À lire aussiLes États-Unis font le point sur leur stratégie militaire en Afrique de l'OuestVous ne voyez pas d'autres pays d'Afrique de l'Ouest sur lesquels les Américains pourraient s'appuyer sur le plan sécuritaire, comme le Nigeria, le Ghana ou la Côte d'Ivoire ?Et même le Sénégal, hein. Il y a des formes de coopération sur lesquelles les Américains ne font pas beaucoup de publicité, mais il y a quand même une certaine proximité. Je sais qu'ils travaillent beaucoup avec le Nigeria parce que c'est la puissance non seulement de l'Afrique de l'Ouest, mais peut-être la puissance continentale la plus importante. Et le Nigeria vit une situation extrêmement dramatique avec Boko Haram - 40 000 morts, c'est quand même beaucoup -, et cette organisation reste très active. L'État islamique reste très actif aussi. Le Ghana, bien entendu, a toujours été un pays partenaire des États-Unis. La Côte d'Ivoire intéresse les Américains aussi bien au plan économique qu'au plan sécuritaire. Et le Sénégal aussi, bien entendu, est un pays qui est généralement visé par l'Amérique comme étant un pays modèle, surtout en matière de démocratie et autres.Et vous pensez que les relations entre les États-Unis et le Sénégal vont continuer sur le plan sécuritaire malgré l'arrivée du Pastef au pouvoir à Dakar ?Ça, c'est effectivement une grande question. Le Pastef se réclame du souverainisme dans lequel ils sont en train de mettre un contenu. Donc, je crois que tous les partenaires traditionnels sont à l'affût, essayent de comprendre pour bâtir une nouvelle relation. Vous savez, en diplomatie, comme disait l'autre, l'ambiguïté constructive est une bonne chose, ce qui gêne, c'est quand vous n'êtes pas prévisible, quand on n'arrive pas à prédire un peu l'avenir immédiat. Et c'est ce qui arrive avec monsieur Trump justement, qui n'est vraiment pas prévisible du tout. Et je pense que ça va être un problème dans ses relations avec l'Afrique.Comment voyez-vous l'avenir des relations États-Unis-Afrique, selon que c'est Kamala Harris ou Donald Trump qui gagnera demain ?Alors si c'est Kamala Harris, j'ai beaucoup d'espoir que ça va se passer beaucoup mieux que si c'est Donald Trump. Les raisons sont simples, moi, je suis un Africain panafricainiste, qui ne compte pas sur les États-Unis ou sur l'Europe ou sur l'Asie pour le renouveau de l'Afrique ou pour la Renaissance africaine. Pas du tout, par contre, j'ai toujours pensé que, par exemple, le cas d'Obama est un grand malentendu. Beaucoup d'Africains se sont mis à rêver, à espérer qu'Obama fasse de grandes choses pour l'Afrique. Je disais qu'Obama n'est pas élu pour servir l'Afrique, il est élu pour servir les États-Unis. Donc, Kamala fera la même chose. Son pays sera absolument prioritaire pour elle. Par contre, Trump s'est déjà manifesté par des comportements, par rapport à l'Afrique, absolument incroyables. Les insultes contre les Haïtiens, les Haïtiens sont un symbole pour tous les Africains, pour tous les panafricanistes. C'est vraiment un pays fondateur de la reconquête de notre dignité en tant que noir et africain. Donc, les traiter de mangeurs de chiens, de chats domestiques, et cetera, c'est extrêmement grave, et je pense qu'il sait que ce qu'il dit n'est pas vrai, mais c'est important pour lui pour des raisons populistes et des raisons de campagne. Et ensuite, il a fait une affirmation absolument extraordinaire que Kamala Harris allait au Venezuela et au Congo récupérer les pires prisonniers les plus sanguinaires pour les importer aux États-Unis pour détruire leur pays. Alors, ce genre de propos, quelqu'un ne peut les tenir et avoir de très bonnes relations avec nous. Et ses allusions au quotient intellectuel très bas de Kamala, ça remonte à l'anthropologie coloniale raciste contre les Noirs. Il y a tellement des textes qui ont été écrits sur le fait que nous aurions un quotient intellectuel très, très bas, et cetera, ce qui est absolument faux. Voilà, en gros, le fait que je n'ai pas beaucoup d'espoir que, si Trump triomphe, les relations soient réchauffées et aillent dans la bonne direction. Et la bataille, par exemple, pour le siège de membre permanent au Conseil de sécurité, dirigée un peu par Joe Biden, est-ce que Kamala va reprendre ça ? Sans aucun doute. Mais je ne suis pas sûr que Trump soit intéressé par cela. Il ne mentionne quasiment jamais l'Afrique dans ses discours. Et voilà. Et, si c'est le cas, s'il gagne, certains Africains disent que c'est une bonne chose, qu'il s'occupe de ses affaires, et nous, on s'occupe de nos affaires, et la vie est belle pour tout le monde. Et donc, les expectations…À lire aussi«Mangeurs de chats ou d'oiseaux»: la rumeur infondée d'une campagne trumpiste anti-migrants haïtiensLes attentes...Les attentes par rapport à Trump, c'est que tout le monde retient son souffle, c'est une sorte d'angoisse mondiale, de stress mondial. Les gens se posent beaucoup de questions sur ce qu'il va faire s'il retourne au pouvoir, ce qui est possible. Mais beaucoup de gens que je connais souhaitent que ce soit plutôt Kamala, une femme leader. Et donc, nous, les hommes féministes, on est tout à fait en phase avec elle, on lui souhaite bon vent.L'une des hantises des Américains, c'est l'installation à venir d'une base navale chinoise sur la façade atlantique du continent africain. Est-ce que vous pensez que Donald Trump et Kamala Harris partagent cette inquiétude ? Forcément. Du temps d'Obama, de l'administration Obama, j'en avais parlé avec des amis d'un tel dispositif. En leur disant que vous avez décidé de faire ce que vous appelez un pivot, un pivot pour aller vers l'océan Pacifique, et vous dites que c'est là-bas où va se jouer les grandes stratégies géopolitiques et autres du monde avec la Chine, l'Australie, le Japon, et cetera, la Corée. Maintenant que vous avez décidé cela, vous allez abandonner l'Atlantique, et là nous pensons que vous faites une grande erreur parce que l'Atlantique sera toujours très, très important, parce qu'il borde l'Europe et l'Afrique qui ne sont pas quand même rien dans la géopolitique mondiale. Donc, je pense que c'était une erreur de leur part de tourner le regard ailleurs que vers l'Afrique. Et là, si un pays africain s'apprête à accueillir une base chinoise, dans ce cas, je me pose toujours la même question : quel est l'objectif de ce pays ? Est-ce que ce pays est prêt ou a compris que la défense de l'Afrique, la façon d'aider l'Afrique à relever les défis sécuritaires, elle sera entre Africains et que ce soient les Africains eux-mêmes qui vont prendre leur destin en main et défendre le continent ?
Onze ans après l'assassinat, à Kidal au nord du Mali, des deux reporters de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon, les investigations continuent pour connaître toute la vérité sur les circonstances de leur enlèvement, puis de leur mort, 30 minutes plus tard – c'était le 2 novembre 2013. En effet, l'enquête est en train d'avancer sur le réseau des complices qui ont aidé le commando jihadiste à capturer nos deux confrères. Au barreau de Paris, Maître Marie Dosé est l'avocate de l'Association des amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Onze ans, jour pour jour, après leur mort, elle fait le point au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Maître Dosé, bonjour. Onze ans après, qui sont les suspects toujours en vie ? Maître Dosé : Assurément le suspect toujours en vie, c'est Seidane Ag Hita. Tous les membres du commando auraient été tués, peut-être un serait encore en vie, mais un témoin très important, Monsieur Dubois, a été entendu et nous ne sommes plus sûrs du tout qu'il resterait en vie.Le principal suspect toujours en vie, c'est donc Seidane Ag Hita, qui est l'un des lieutenants d'Iyad Ag Ghali, à la tête d'Aqmi. En avril 2023, il a donc échangé avec Olivier Dubois, le dernier otage français qui est passé entre ses mains. Que lui a-t-il dit sur le drame de Kidal ? C'est très intéressant parce que, deux ans avant cette discussion entre Seidane Ag Hita et l'otage, Mbaye Ag Bakabo a rencontré l'otage également. Donc quelques jours avant sa mort, quelques jours avant d'être tué par une frappe française [en juin 2021 ; NDLR]. Et nous savons très bien quel rôle Mbaye Ag Bakabo a joué dans cette affaire. C'était le chef du commando. En avril 2023, Ag Hita a été très clair. Ce qu'il a dit, c'est qu'il a donné l'ordre d'enlever les journalistes. Il n'a pas donné l'ordre de tuer les journalistes. Le véhicule est tombé en panne et le commando a fait le choix de les tuer parce que les journalistes auraient refusé de les accompagner dans leur fuite. C'est en tout cas ce qu'explique Ag Hita au témoin Olivier Dubois.Donc Ag Hita confirme la panne. Il confirme que ce sont les jihadistes qui ont tué Claude et Ghislaine. Est-ce qu'on sait si, à ce moment-là, les jihadistes étaient survolés par un hélicoptère français ? Écoutez, les derniers éléments actés en procédure démontreraient qu'il n'y a pas eu d'hélicoptère. En tout cas, la présence de l'hélicoptère n'a non seulement pas été confirmée, mais force est de constater qu'aucun élément aujourd'hui ne vient étayer cette hypothèse.À écouter aussiSadibou Marong: «La situation des journalistes en Afrique subsaharienne ne s'est pas améliorée»Outre les suspects identifiés par le juge d'instruction français qui conduit cette enquête à Paris, y a-t-il d'autres suspects, qu'on ne connaît pas encore, mais qui pourraient avoir contribué à l'enlèvement de Claude et Ghislaine ? Oui. Alors sur d'éventuelles complicités encore inconnues à ce jour, force est de constater que les investigations téléphoniques qui ont été menées par les enquêteurs, l'exploitation des données téléphoniques, tout cela tend à confirmer l'existence de ces complicités. Pourquoi ? Parce qu'on s'est rendu compte qu'en fait, Ghislaine Dupont et Claude Verlon étaient attendus [à Kidal], qu'ils ont été surveillés, qu'ils ont été même suivis pendant ces cinq jours [où ils ont circulé dans Kidal] avant leur enlèvement et qu'il y a donc eu des complicités extérieures pour mener à bien cet enlèvement.À l'époque des faits, les Touaregs indépendantistes du MNLA de Bilal Ag Chérif était officiellement alliés aux militaires français contre les Touaregs jihadistes d'Aqmi et d'Iyad Ag Ghali. Mais est-ce qu'il n'y avait pas en fait des complicités à caractère criminel entre membres du MNLA et membres d'Aqmi ? C'est en tout cas le dernier élément qu'il va falloir creuser, exploiter et travailler. Il semble aujourd'hui qu'il y ait eu effectivement des complicités au sein même du MNLA, et c'est ce pan du dossier qui mérite d'être exploité désormais.Et qui explique notamment pourquoi le dossier n'est toujours pas clôturé par le juge ? Évidemment, le dossier n'est pas clôturé, ne doit pas être clôturé. On sait très bien qu'il y a une vraie difficulté. Aujourd'hui, il n'y a plus du tout de coopération entre le Mali et la France. Je parle aussi de l'Algérie parce que là, il n'y a jamais eu de coopération entre l'Algérie et la France depuis des décennies. Et force est de constater que, dans ce dossier, notamment eu égard aux exploitations téléphoniques, il y aurait des investigations à réaliser en Algérie. Surtout, vu l'absence de coopération avec le Mali, maintenant, ce dossier doit avancer sur ces éventuelles complicités du MNLA.Côté français, les deux juges qui se sont succédé depuis onze ans ont fait plusieurs demandes de levée du secret défense sur des documents confidentiels, mais la moitié seulement des pièces demandées a été déclassifiée. Est-ce qu'il y a encore des éléments de réponse qui dorment dans les archives de l'État français ? Comme toujours. Évidemment, oui. Et comme toujours dans ces affaires, le secret défense est un frein à la manifestation de la vérité. On se trouve quand même dans un dossier où deux personnes très impliquées, notamment le chef du commando, ont été tuées par des frappes françaises et où le secret défense est opposé régulièrement pour freiner la manifestation de la vérité. Pas pour freiner la manifestation de la vérité, mais en tout état de cause, cette conséquence, c'est quand même celle-là. Maintenant, le dossier avance, le dossier va avancer et à chaque avancée de ce dossier, nous demanderons à nouveau des déclassifications, parce qu'un élément mis en exergue par les deux juges d'instruction amène nécessairement de nouvelles demandes de déclassification sur cet élément en particulier, on y est habitué dans ce type d'affaires. C'est la même chose dans l'affaire Karachi, c'est la même chose dans l'affaire Ben Barka. Le secret défense, ce n'est pas l'allié de la manifestation de la vérité. Donc, dans ce dossier-là, à chaque élément nouveau mis en exergue par l'information judiciaire correspondra une nouvelle demande de déclassification.
Quel retentissement a eu le combat Ali-Foreman sur le continent africain ? En Côte d'Ivoire, ce « Rumble in the jungle » de Kinshasa a été retransmis en direct sur la télévision nationale, la RTI – un cas unique en Afrique et un « cadeau du président Houphouët-Boigny » selon la presse officielle. Cinquante ans après, George Benson, l'un des animateurs vedettes de l'époque, revient avec nostalgie sur les coulisses de cet évènement marquant pour tous les Ivoiriens... Et de leur nette préférence pour l'un des combattants. RFI : Les Ivoiriens avaient-ils une préférence pour ce combat entre Mohamed Ali et George Foreman ?Georges Taï Benson : Pour Mohamed Ali ! Cassius Clay ! D'abord parce qu'il a été champion olympique. Ensuite, il a rejeté le nom des esclaves. Alors ça, les Africains, ils bouillonnent pour ça ! Ensuite, il dit qu'il ne va pas au Vietnam, on lui enlève son titre, il est un martyr et il revient, il renaît. Ah non… C'est Mohamed Ali et personne d'autre ! Et ce combat à Kinshasa, est-ce qu'il était très attendu à Abidjan ? S'il y avait un mot plus grand que ça, j'allais l'utiliser, il y avait un ouragan d'attente. D'abord, nous avons une tradition de boxe ici, parce que le président de la République, le président Félix Houphouët-Boigny, aimait la boxe. Il adorait la boxe. Je présentais une émission d'anthologie de boxe le samedi après-midi, « Les Grands Combats d'Autrefois ». Et il [le président] suivait avec attention. Il m'appelait parfois pour me demander s'il y avait un KO dans le combat du jour. [Quand il n'y avait pas de KO], je devais changer le programme. Donc nous avions cette habitude-là de boxe. Donc il y avait des attentes et du public ivoirien jusqu'à la présidence de la République, jusqu'à Félix Houphouët Boigny. La RTI, dans ce contexte, achète des droits de retransmission du combat en direct. Le combat sera diffusé à 3h du matin, heure d'Abidjan [ce qui correspond à l'heure de diffusion aux États-Unis]. Comment vous avez fait tenir les Ivoiriens devant leur télé ? On avait loué le boxing club [de Treichville], le Palais des Sports où j'ai fait un programme de boxe et de variétés, un combat, des chanteurs, etc. Et ça a maintenu les gens en éveil et c'est au moment où ce combat allait passer, qu'on se rend compte que nous n'aurions que le son international [l'ambiance du stade de Kinshasa, NDLR], on n'avait pas le son avec le commentaire français. Qu'est-ce que vous ressentez à ce moment-là ?Il y avait une pression. Tu as le président, tu as trois ou cinq millions d'Ivoiriens qui n'ont pas dormi, qui ont attendu, puis tu vas venir leur dire : « On n'a pas les images, on n'a pas le son »... mais tu es fusillé par tout le monde le lendemain ! On raconte que pour assurer le commentaire en direct, vous décidez de foncer de Treichville jusqu'au siège de la RTI ? Mais j'arrive, je me dis je vais mettre du temps. Que nenni ! Personne dans les rues. Tout le monde est devant son écran de télévision ou alors au Palais des Sports. Alors je suis à l'aise. Je passe des feux rouges. Je me rappelle mon entrée à la télévision cette nuit-là. En vitesse ! On me met le casque aussitôt et puis j'affabule : « Mesdames et messieurs, bonjour, nous sommes arrivés en retard, malheureusement au stade de Kinshasa… ». Personne ne s'en rend compte. Je suis fier de dire que cette nuit-là, nous avons évité une catastrophe et nous avons fait plaisir au président Houphouët. Mais surtout, nous avons fait plaisir à cinq millions d'Ivoiriens. Et justement, comment ils réagissent au moment du chaos de George Foreman et de la victoire de Mohamed Ali ? Quand il est tombé, moi j'ai enlevé mon casque. Ah oui ! J'ai jeté le casque ! Et j'entendais le bruit de dehors : « Oh ! Ali ! Ali ! Ali ! ». On a rapidement pris une caméra... en tant que journaliste, en tant que reporter, tu es excité par ça ! Autant je suis revenu du Palais des Sports où il n'y avait personne... autant le match terminé, c'est l'équipe nationale de Côte d'Ivoire qui venait de gagner la Coupe d'Afrique [rire] : « Ali ! Ali ! Ali ! Ali ! »… On avait emprunté aux Congolais « Boma ye, Ali ! Tue-le ! ». On avait emprunté ça ! Dans les rues, les gens, ils se sont éparpillés. Ils étaient contents et tout. Il y avait du monde, tout le monde… Ah… C'était fantastique. Quel a été le sentiment aussi des Ivoiriens après ce combat entre Mohamed Ali et George Foreman ? J'ai senti de la fierté. Tout le continent était fier de voir deux grands champions quand même venir sur le sol africain. Et puis susciter tant d'émotions, de respect, etc. Mais surtout, un champion exceptionnel, Mohamed Ali.À lire aussiBoxe: George Foreman-Mohamed Ali, retour sur un combat de légende
Le Groupe d'actions financières a retiré, le 25 octobre 2024, le Sénégal de sa liste « grise » pour ses « efforts significatifs » dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Un bol d'air pour l'économie ? Trois ans après avoir été placé sur liste « grise », le Sénégal n'est plus sous la « surveillance renforcée » du Groupe d'actions financières (Gafi). En 2021, Dakar avait été épinglé pour des « défaillances stratégiques » dans ses régimes de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.L'organisme avait pointé des manquements dans des pans entiers de l'économie, de la construction à l'immobilier en passant par les casinos, notaires, avocats... Les entreprises et professions de ces secteurs étaient accusées de ne pas en faire assez pour dénoncer les opérations suspectes de fonds, et donc indirectement de favoriser le blanchiment d'argent.À l'époque, le Gafi avait préconisé la mise en œuvre de 49 recommandations. Trois ans plus tard, toutes ont transposé dans les textes sénégalais, avec notamment l'adoption en février 2024 d'une nouvelle loi sur le sujet. « L'esprit de cette loi est de combler les carences de la précédente législation pour se conformer aux recommandations du Gafi », détaille Moussa Sylla, spécialiste de la lutte contre le blanchiment d'argent.Les mesures permettent entre autres de mieux tracer les fonds suspects en limitant les recours aux prête-noms et prévoient des sanctions renforcées et ciblées – y compris pénales – contre les banques ou les institutions qui ne respecteraient pas leurs obligations.À lire aussiAntonio David (FMI): «Les mesures prises en Afrique vont considérablement réduire l'inflation»Recouvrement des biens illégalement acquis« Dès 2021, le Sénégal a voulu donner des gages sur sa volonté de lutter contre les sources illégales de financements, note Moussa Sylla. Cela passe notamment par la création en avril 2022 de l'Office national des recouvrements des avoirs criminels (Onrac). Dorénavant, les fonds des personnes soupçonnées de faire du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme peuvent être récupérés et vendus aux enchères. C'est tout simplement ôter la possibilité aux criminels de profiter de leurs biens illégalement acquis. » Autre point, l'État a mis l'accent sur la formation et la sensibilisation des personnes chargées de faire appliquer la loi. Avec des résultats concrets : d'après la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif), les « déclarations d'activités suspectes » ont bondi de 145% en 2023.Retrouver la confiance des investisseurs« La sortie du Sénégal de cette ''liste grise'' est un élément extrêmement important en termes d'image, analyse Magaye Gaye, économiste et ex-cadre de la Banque ouest-africaine de développement et du Fonds africain de garantie et de coopération économique (Fagace). Cela permet de dire qu'on ne veut plus avoir mauvaise presse auprès des investisseurs et des bailleurs de fonds internationaux. » Les trois années de « surveillance renforcée » du Gafi ont en effet érodé la confiance des investisseurs. Une source au Centif, citée par le journal Le Monde, évoque un déclin du capital investissement de 6 à 7% depuis 2021.« Cette décision vient également contrebalancer les épisodes malheureux de dégradation de la note souveraine par les agences de notations, ajoute l'économiste (début octobre, Moody's abaissait la note du Sénégal à B1 et plaçait le pays « sous surveillance », NDLR). Elle réconforte enfin les nouvelles autorités qui prônent un discours de vérité auprès des instances internationales à l'heure où le pays a besoin de beaucoup de financements pour faire face à ses besoins sociaux et économiques. » La semaine dernière, le ministre des Finances, Cheikh Diba, confiait que le Sénégal cherchait à négocier un nouvel accord avec le Fonds monétaire international (FMI), le dernier remontant à 2023.À trois semaines des élections législatives, prévues le 17 novembre prochain, le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko pourraient également profiter de l'annonce du Gafi pour étoffer leur premier bilan, même si la décision du Gafi résulte aussi des efforts engagés par leurs prédécesseurs.À lire aussiLe Sénégal cherche un nouvel accord avec le FMI
À J-7 des élections
Céleur Jean Hérard, qui fut d'abord artisan puis l'un des sculpteurs majeurs de la nouvelle École haïtienne, s'est lancé depuis quelques années dans la peinture. Ses tableaux, marqués par la souffrance du corps et de l'esprit, constituent un puissant hommage aux difficultés que traversent ses contemporains en Haïti. Entretien RFI : Bonjour, Céleur Jean Hérard. Vous exposez actuellement vos peintures à la galerie Christophe Person à Paris. Et ce que l'on voit à travers vos tableaux, ce qui est frappant, ce sont les corps en souffrance, les visages et les corps déformés. Avez-vous voulu peindre la souffrance que vit actuellement le peuple haïtien ?Céleur Jean Hérard : Oui, moi, je travaille sur la dépression du peuple haïtien, aussi sur la dépression mondiale de ce qui se passe dans le monde. À partir de là, j'essaie de travailler mes personnages parce que je suis très à l'écoute de ce qui se passe. Moi, je voyage beaucoup dans le monde, ici, en Europe, ou en Amérique, mais il faut dire vraiment qu'en Haïti, la situation est pire. Et franchement, ça impacte mon travail.Diriez-vous que vos peintures visent à guérir cette souffrance ? Oui, c'est vrai, c'est comme une forme de guérison de cette souffrance. Comme vous voyez, dans mon travail, il y a beaucoup de couleurs, beaucoup de formes, et vous avez l'impression que c'est une sorte de revendication pour dire au monde « c'est juste qu'il y a de la souffrance, mais il y a aussi quelque chose d'autre, au-delà de la souffrance ». C'est ce que je voulais réellement mettre en avant pour pousser les êtres humains à prendre conscience [de cette violence, NDLR], pour qu'il y ait une prise de conscience. Pour qu'il y ait une autre réalité et qu'il y ait un monde beaucoup plus équilibré. C'est pour ça que dans mon travail, vous allez voir beaucoup de formes et beaucoup de couleurs. Je cherche un travail d'équilibre pour au moins pousser à cette prise de conscience et j'espère que cela va arriver.J'ai lu dans une interview que vous disiez ne pas vous définir comme un artiste engagé, mais comme un témoin de votre époque. Alors c'est vrai, cette phrase, elle est sortie quand il y a eu des étudiants dans mon atelier — dans lequel on accueille beaucoup d'étudiants… Et souvent, ils essayent de me poser une étiquette d'artiste engagé. Et moi, je ne pense pas que c'est vraiment le terme approprié pour ce que je fais. Moi, je pense que je suis plutôt un témoin de ce qui se passe et du moment actuel. Parce que quand on me qualifie d'artiste engagé, je me dis souvent que cela peut être un peu dangereux. Parfois, il y a des étiquettes un peu extrémistes ou radicales… mais en réalité, on n'est pas toujours engagé, on est souvent juste témoin de ce qui se passe dans le lieu où l'on vit, dans l'espace où l'on est, de la ville, de la terre. Donc, moi, je ne suis qu'un témoin qui essaye de raconter en fonction de ma perspective comment je vois le monde, et surtout, comment je vois la vie en Haïti. Haïti a une grande tradition de peinture. Est-ce que cette tradition vous habite ? Est-ce que vous faites référence à cette tradition dans votre travail ? Je voudrais vous raconter une anecdote. Hier, Christophe Person [le galeriste, NDLR] a organisé un dîner à la galerie avec les collectionneurs. Et à un moment donné, pendant la conversation, on parlait de Basquiat [Jean-Michel Basquiat, peintre américain d'origine haïtienne né aux États-Unis, décédé en 1988, NDLR]. Et des gens ont commencé à revendiquer Basquiat comme peintre haïtien. Moi, je disais qu'il fallait arrêter avec tout ça, car je pense qu'en Haïti, nous avons produit davantage que Basquiat. Peut-être même que nous avons déjà produit cinq Basquiat ! Entre le passé et le présent, nous avons démontré la force de notre créativité. Je pense qu'il faut regarder la peinture haïtienne telle quelle, sans faire référence à une identité venue d'ailleurs pour montrer vraiment la force du travail. Les tableaux de Céleur Jean Hérard sont à découvrir à la galerie Person à Paris jusqu'au 30 novembre ou sur le site du Centre d'art d'Haïti à Port-au-Prince.
Céleur Jean Hérard, qui fut d'abord artisan puis l'un des sculpteurs majeurs de la nouvelle École haïtienne, s'est lancé depuis quelques années dans la peinture. Ses tableaux, marqués par la souffrance du corps et de l'esprit, constituent un puissant hommage aux difficultés que traversent ses contemporains en Haïti. Entretien RFI : Bonjour, Céleur Jean Hérard. Vous exposez actuellement vos peintures à la galerie Christophe Person à Paris. Et ce que l'on voit à travers vos tableaux, ce qui est frappant, ce sont les corps en souffrance, les visages et les corps déformés. Avez-vous voulu peindre la souffrance que vit actuellement le peuple haïtien ?Céleur Jean Hérard : Oui, moi, je travaille sur la dépression du peuple haïtien, aussi sur la dépression mondiale de ce qui se passe dans le monde. À partir de là, j'essaie de travailler mes personnages parce que je suis très à l'écoute de ce qui se passe. Moi, je voyage beaucoup dans le monde, ici, en Europe, ou en Amérique, mais il faut dire vraiment qu'en Haïti, la situation est pire. Et franchement, ça impacte mon travail.Diriez-vous que vos peintures visent à guérir cette souffrance ? Oui, c'est vrai, c'est comme une forme de guérison de cette souffrance. Comme vous voyez, dans mon travail, il y a beaucoup de couleurs, beaucoup de formes, et vous avez l'impression que c'est une sorte de revendication pour dire au monde « c'est juste qu'il y a de la souffrance, mais il y a aussi quelque chose d'autre, au-delà de la souffrance ». C'est ce que je voulais réellement mettre en avant pour pousser les êtres humains à prendre conscience [de cette violence, NDLR], pour qu'il y ait une prise de conscience. Pour qu'il y ait une autre réalité et qu'il y ait un monde beaucoup plus équilibré. C'est pour ça que dans mon travail, vous allez voir beaucoup de formes et beaucoup de couleurs. Je cherche un travail d'équilibre pour au moins pousser à cette prise de conscience et j'espère que cela va arriver.J'ai lu dans une interview que vous disiez ne pas vous définir comme un artiste engagé, mais comme un témoin de votre époque. Alors c'est vrai, cette phrase, elle est sortie quand il y a eu des étudiants dans mon atelier — dans lequel on accueille beaucoup d'étudiants… Et souvent, ils essayent de me poser une étiquette d'artiste engagé. Et moi, je ne pense pas que c'est vraiment le terme approprié pour ce que je fais. Moi, je pense que je suis plutôt un témoin de ce qui se passe et du moment actuel. Parce que quand on me qualifie d'artiste engagé, je me dis souvent que cela peut être un peu dangereux. Parfois, il y a des étiquettes un peu extrémistes ou radicales… mais en réalité, on n'est pas toujours engagé, on est souvent juste témoin de ce qui se passe dans le lieu où l'on vit, dans l'espace où l'on est, de la ville, de la terre. Donc, moi, je ne suis qu'un témoin qui essaye de raconter en fonction de ma perspective comment je vois le monde, et surtout, comment je vois la vie en Haïti. Haïti a une grande tradition de peinture. Est-ce que cette tradition vous habite ? Est-ce que vous faites référence à cette tradition dans votre travail ? Je voudrais vous raconter une anecdote. Hier, Christophe Person [le galeriste, NDLR] a organisé un dîner à la galerie avec les collectionneurs. Et à un moment donné, pendant la conversation, on parlait de Basquiat [Jean-Michel Basquiat, peintre américain d'origine haïtienne né aux États-Unis, décédé en 1988, NDLR]. Et des gens ont commencé à revendiquer Basquiat comme peintre haïtien. Moi, je disais qu'il fallait arrêter avec tout ça, car je pense qu'en Haïti, nous avons produit davantage que Basquiat. Peut-être même que nous avons déjà produit cinq Basquiat ! Entre le passé et le présent, nous avons démontré la force de notre créativité. Je pense qu'il faut regarder la peinture haïtienne telle quelle, sans faire référence à une identité venue d'ailleurs pour montrer vraiment la force du travail. Les tableaux de Céleur Jean Hérard sont à découvrir à la galerie Person à Paris jusqu'au 30 novembre ou sur le site du Centre d'art d'Haïti à Port-au-Prince.
C'est un second tour très délicat qui se profile le 3 novembre prochain pour Maia Sandu, la présidente pro-Europe de la Moldavie. Arrivée en tête du premier tour de l'élection présidentielle, le 20 octobre dernier, Maia Sandu est fragilisée par la victoire étriquée du référendum sur l'Union européenne organisé le même jour : seulement 50,4 % des voix en faveur de l'Union européenne. C'est seulement au bout d'une nuit électorale éprouvante pour les nerfs que le verdict est tombé, avec une victoire du « oui » sur le fil du rasoir, obtenue grâce à l'apport tardif des voix de la diaspora. Pour le camp pro-européen, l'essentiel est sauf puisqu'avec ce « oui », l'objectif d'adhésion à l'Union européenne sera bien gravé dans le marbre de la constitution moldave.Mais l'impact politique de ce vote étriqué sera forcément négatif, tant la présidente s'était personnellement impliquée dans la bataille du référendum. Maia Sandu ne s'y est pas trompée, qui fustigeait dans le courant de la nuit, alors qu'un décompte encore provisoire accordait la victoire au « non », une « attaque sans précédent contre la démocratie, à coups de désinformation et d'achat de voix. »Aujourd'hui âgée de 52 ans, Maia Sandu conserve toutefois une base électorale importante - elle a tout de même obtenu 42 % des voix au premier tour et elle reste aux yeux de ses électeurs une présidente à la fois intègre et compétente. « J'ai voté pour elle parce qu'à mon avis, c'est la présidente idéale pour la Moldavie, nous confiait avec enthousiasme Tatiana, une habitante de Chisinau rencontrée lors de la journée d'élection du 20 octobre. Elle est intelligente, elle parle plusieurs langues, elle a rencontré les plus grands dirigeants de la planète. Et puis elle est intègre ! Elle se bat contre la corruption dans tous les domaines. »À lire aussiMoldavie: la présidente Sandu en tête du premier tour, courte victoire du «oui» au référendum sur l'UE« Elle n'a pas tenu ses promesses »De fait, cette ancienne économiste de la Banque mondiale a un CV impressionnant et continue de vivre simplement, dans le modeste appartement qu'elle occupe avec sa mère. Les détracteurs de Maia Sandu lui reprochent cependant de ne pas avoir mesuré les conséquences de l'inflation qui a suivi la guerre en Ukraine (29 % en 2022).« Elle devait augmenter les retraites, mais ce sont les prix qui ont augmenté, souffle Parascovia, une ancienne institutrice de 76 ans qui a été obligée de reprendre un travail pour subvenir à ses besoins. « Moi, j'ai travaillé plus de 40 ans et maintenant, j'ai une retraite de 4 300 lei [environ 200 euros, NDLR] ! Comment pourrais-je payer mon loyer, acheter mes médicaments ? Maia Sandu n'a pas tenu ses promesses et elle m'a beaucoup déçue. C'était des paroles, beaucoup de paroles, mais pas de résultats. » Lors de son élection en 2020, Maia Sandu s'est engagée à réformer la justice et à combattre la corruption. Elle se présentait comme une candidate favorable à l'Europe, mais n'a pas tout de suite rompu avec la Russie. « À partir de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, en 2022, la Moldavie ne pouvait plus rester à l'écart et rester amie avec tout le monde, l'Occident et la Russie, ce qu'elle faisait depuis son indépendance, il y a 30 ans, se rappelle Vladislav Kulminiski, ancien vice-Premier ministre de Maia Sandu. Dès lors, son discours et son attitude ont changé : elle a dit que la menace venait de la Russie et que pour préserver la paix en Moldavie, il fallait rejoindre l'Union européenne. »Basculement pro-européenSandu rompt alors avec la Russie, se tourne résolument vers le camp occidental et voit son activisme diplomatique couronné de succès, puisque l'Union européenne accepte d'ouvrir des négociations d'adhésion avec la Moldavie en juin dernier.Revers de la médaille, ce choix pro-occidental suscite l'inquiétude d'une partie de la population, attachée à la neutralité de la Moldavie. « La propagande russe a imposé l'idée que l'UE veut dire l'Otan, décrypte Catherine Durandin, professeur honoraire à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). La propagande insiste sur le fait que l'UE va entraîner la Moldavie dans la guerre en Ukraine. Or, la population veut la paix à tout prix et a peur de ce glissement vers l'UE et vers l'Otan. »Autre angle d'attaque du camp pro-russe, tout comme en Géorgie : l'idée qu'une adhésion à l'UE menacerait les valeurs traditionnelles – valeurs fondées sur la religion orthodoxe et une conception conservatrice de la famille. « L'Union européenne est présentée par la propagande pro-russe comme un monde décadent qui rendrait obligatoire, par exemple, les mariages homosexuels, pointe Catherine Durandin. L'UE est également associée à un irrespect des valeurs familiales. Et la propagande insiste sur la vie privée de Maia Sandu qui est une femme célibataire et sans enfants. »Le second tour qui aura lieu le 3 novembre prochain s'annonce d'autant plus délicat pour Maia Sandu qu'elle ne dispose que d'une très faible réserve de voix. Tandis que son adversaire, l'ancien procureur général de Moldavie Alexander Stoianoglu, va pouvoir compter sur le ralliement de quasiment tous les candidats défaits au premier tour, favorables comme lui à une relation apaisée avec la Russie.À lire aussiLa Moldavie face à des scrutins cruciaux pour l'ancrage européen du pays
Pourquoi le président congolais Félix Tshisekedi veut-il changer la Constitution de son pays ? Est-ce dans le but de pouvoir briguer un troisième mandat en 2028 ? La question se pose après le discours qu'il a prononcé ce mercredi soir à Kisangani. « Pour changer le nombre de mandats présidentiels, il faut que vous, le peuple, puissiez le décider », a-t-il notamment déclaré. Et comment vont réagir les Congolais à ce projet ? Fred Bauma est le directeur exécutif d'Ebuteli, l'Institut congolais de recherches sur la gouvernance, la politique et la violence. En ligne de Goma, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Quelle peut être la principale raison pour laquelle le président Tshisekedi veut changer la Constitution ?Fred Bauma : Alors la première raison, c'est le désir d'avoir plus de contrôle sur les institutionnels [NDLR : les juges de la Cour constitutionnelle, etc.], la deuxième raison qu'il n'a pas encore exprimée, c'est probablement la volonté d'avoir un nouveau mandat, un 3e mandat.Voilà plusieurs semaines que le parti au pouvoir UDPS plaide pour un changement de Constitution. Est-ce à dire qu'Augustin Kabuya, le secrétaire général de ce parti, est un chaud partisan d'un éventuel 3e mandat de Félix Tshisekedi ?Ça fait plusieurs mois d'ailleurs que les membres de l'UDPS (l'Union pour la démocratie et le progrès social) et plusieurs alliés du président de la République ne cessent de remettre en cause la durée du mandat. L'argument qui a déjà été présenté par Kabuya, c'est de dire qu'en réalité le président ne gouverne pas 5 ans, qu'il gouverne beaucoup moins et qu'il a besoin d'un long mandat. Et je pense que, si on s'en tient aux commentaires des leaders de l'UDPS, il y a clairement une volonté d'avoir un mandat qui va au-delà de 5 ans et d'avoir plusieurs mandats. Et le discours du président de la République ne semble pas contredire cela aujourd'hui.Alors du côté de l'opposition, comment va-t-on réagir à votre avis ?Du côté de l'opposition, il est clair que l'opposition n'est pas d'accord avec cette révision de la Constitution. Je pense que ça donne de nouveau des arguments à l'opposition pour se mobiliser autour de quelque chose. Et je pense qu'au-delà de l'opposition, et au-delà du pouvoir, le vrai danger de cette démarche, c'est d'éloigner davantage les questions qui touchent réellement à la vie de la population et d'offrir aux Congolais un nouveau sujet de distraction, qui prendra plusieurs mois et beaucoup d'énergie, et qui nous éloignera davantage des questions de sécurité, des questions de corruption, des questions économiques et sociales qui sont pourtant la priorité des Congolais.Du côté du parti ECIDE (Engagement pour la Citoyenneté et le Développement) de Martin Fayulu, on déclare qu'il ne faut pas jouer avec le feu. Qu'est-ce que cela veut dire ?Je pense que ça renvoie exactement aux manifestations publiques qui ont débuté avec la tentative similaire du président Kabila de modifier la Constitution. Il faut dire que le président Tshisekedi lui-même était contre cette position du régime passé. Et cette contestation a conduit à de grands troubles dans le pays et à plusieurs morts. On parle quand même de plusieurs centaines de morts entre 2015 et 2019, via la répression, en grande partie liée à la Constitution. C'est dommage que, juste quelques années plus tard, on veuille reprendre la même expérience.Et du côté de la société civile, l'ASADHO, l'Association africaine de défense des droits de l'homme, affirme que le risque est grand que le Congo revive l'agitation des dernières années de la présidence Kabila. Qu'est-ce que cela signifie ?Ça signifie exactement que la société civile, l'ASADHO, le mouvement citoyen – et je m'attends à ce que les églises catholiques et protestantes les rejoignent –, ça signifie que ces différentes composantes de la société civile vont s'y opposer. Cette mobilisation va certainement se heurter à la répression et ça ne sera pas sans conséquences sur la cohésion nationale, sur la stabilité des institutions et sur la vie sociale et politique du pays en général. Je pense que le président de la République ouvre la porte à une période d'instabilité dont il n'avait pas besoin.Du coté maintenant des alliés du Président de Tshisekedi, qui ont appelé l'an dernier à voter pour lui dans l'espoir qu'il partirait en 2029 et que leur propre tour arriverait, est-ce qu'il ne va pas y avoir des déçus ?Il va certainement y avoir de déçus. Je pense que c'est une décision qui divise au sein de l'Union sacrée. La grande question, c'est : est-ce que les déçus seront suffisamment courageux pour porter haut leur désaccord. On est quand même dans un régime politique et dans un système où il y a une sorte de capture de l'État par une élite qui est très bien rémunérée et qui bénéficie d'énormes avantages. Et je pense que, pour choisir la confrontation, certains devront mettre sur la balance les avantages économiques qu'ils perçoivent de ce régime, ici, tant l'opportunisme politique en RDC n'est pas quelque chose à sous-estimer.Depuis 6 ans, l'UNC de Vital Kamerhe est alliée à l'UDPS de Félix Tshisekedi, mais est ce que ce parti et son chef, qui préside actuellement l'Assemblée nationale, vont avoir intérêt à rester dans cette Union sacrée ?Je pense que ça dépendra de la réaction populaire. Vital Kamerhe, c'est un allié clé du président de la République pour l'instant, mais c'est aussi potentiellement un candidat sérieux aux prochaines élections présidentielles. Est ce qu'il voudra soutenir une réforme pareille qui pourra l'isoler, spécialement si la population est contre ? Je ne pense pas. Je crois que des personnalités politiques comme Vital Kamerhe, ou comme d'autres d'ailleurs, regardent ces débats aussi avec beaucoup d'opportunisme. Et ça pourrait être une occasion en or de s'émanciper de l'Union sacrée et de porter de nouveau un discours radical contre le régime.À lire aussiRDC: en déplacement à Kisangani, Félix Tshisekedi annonce une révision de la Constitution
« Plus de la moitié de l'électricité sera d'origine bas carbone avant la fin de la décennie. » Dans son dernier rapport paru mercredi 16 octobre, l'Agence internationale de l'énergie persiste et signe. En désaccord complet avec ces prédictions, les multinationales du pétrole continuent, elles, d'investir lourdement dans les hydrocarbures. Entre Fatih Birol, le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et l'internationale du pétrole, le courant ne passe plus. Il y a certes consensus sur l'explosion des besoins en énergie, liés au développement des pays du Sud, mais aussi à l'appétit insatiable de l'intelligence artificielle et de ses milliers de datacenters ou encore à la climatisation croissante des espaces publics et privés qui répond au réchauffement climatique autant qu'elle y contribue.Mais l'agence basée à Paris fait le pari que les énergies renouvelables, d'un côté l'éolien et le solaire en tête, et l'énergie nucléaire de l'autre, fourniront malgré tout la moitié de l'électricité de la planète d'ici à 2030. Sur ce point, les pétroliers sont en complet désaccord. « Il faut abandonner de toute urgence le fantasme d'une disparition progressive du pétrole et du gaz », s'est agacé Amin Nasser, le puissant patron de la compagnie nationale saoudienne de pétrole Aramco à la tribune d'un forum de l'industrie à Houston. « À la place, il faut investir dans ces ressources en prenant en compte l'évolution réaliste de la demande. » L'Arabie saoudite et les pays producteurs de pétrole en général considèrent que la consommation de pétrole va continuer d'augmenter tous les ans, « au moins jusqu'en 2045 ».Une analyse partagée par les principales compagnies privées : ces dernières années, BP et Shell sont revenues tour à tour sur leurs objectifs de réduction de la production de pétrole et de gaz. Le géant français Total prévoit lui carrément d'augmenter sa production de pétrole de 3 % tous les ans jusqu'en 2030. Devant une commission d'enquête du Sénat français, en avril dernier, son PDG ne s'est pas privé de dire tout le mal qu'il pensait des prédictions de l'AIE : « Le scénario ‘net zéro' de l'AIE [qui prévoit la neutralité carbone en 2050, NDLR] est un scénario théorique », a insisté Patrick Pouyané devant les sénateurs. « L'AIE dit que [compte tenu du déclin naturel des champs] il suffit qu'on arrête d'investir dans le pétrole. Le problème, c'est que la même AIE nous explique chaque semaine que la demande de pétrole de l'année suivante augmente. » Visiblement agacé, le patron de Total tape du poing sur la table et s'en prend directement au patron de l'Agence : « Ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question, c'est à monsieur Fatih Birol. Parce que je veux bien qu'on ait un nouveau pape et une nouvelle bible, mais ce n'est pas la réalité de ce que nous vivons aujourd'hui. »« La transition vers les énergies propres est irréversible »Le « nouveau pape » en question n'a pourtant rien d'un zadiste en sarouel. L'économiste turc est un ancien du sérail, ce qui explique peut-être le sentiment de trahison ressenti par les industriels. Avant de prendre la tête de l'AIE en 2015, il a fait carrière au sein de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opec). S'il est vrai qu'il a pris conscience de l'urgence climatique, l'AIE, créée après le premier choc pétrolier de 1973 pour faciliter la sécurité des approvisionnements énergétiques, reste avant tout un instrument prédictif dont les rapports font toujours foi. Avant la COP28, Fatih Birol avait lancé un appel aux pétroliers parlant de « moment de vérité » : « Nous verrons si vous êtes les partenaires de la lutte contre le changement climatique, oui ou non. »Mais il assure que ses prévisions sur le pic de pétrole n'ont rien de politique, citant notamment le ralentissement de la demande chinoise, l'électrification à marche forcée du parc automobile et la domination du renouvelable dans les investissements énergétiques de la planète au point de représenter désormais les deux tiers de sommes engagées. « Les chiffres ont toujours raison », a dit Fatih Birol en septembre devant un groupe de réflexion new-yorkais. « La transition vers les énergies propres est irréversible. Je vois certains célébrer chaque obstacle qui se dresse sur la route, mais le chemin à prendre ne fait aucun doute. »
Au Sénégal, les législatives, c'est dans un mois, le 17 novembre. Pour le PASTEF, qui a gagné la présidentielle de mars dernier, c'est une étape décisive, car le Premier ministre Ousmane Sonko a besoin d'une Assemblée nationale qui lui donne les moyens d'agir. Mais l'ancien président Macky Sall vient de prendre la tête d'une coalition, Takku Wallu Sénégal, qui cherche au contraire à imposer au PASTEF une cohabitation. L'avocat Amadou Sall a été ministre d'État, ministre de la Justice. Aujourd'hui, il est l'un des porte-parole de cette coalition anti-PASTEF. Il dévoile sa stratégie au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Maître Amadou Sall, sur le plan économique, quel est le point fort de la campagne que vous allez mener ?Maître Amadou Sall : Vous savez, nous avons été au pouvoir pendant 12 ans, le projet que nous avons présenté aux Sénégalais a vu ses résultats, le bilan du président Macky Sall est un bilan que tous les Sénégalais approuvent, en termes en tout cas, d'infrastructures, en termes de projets, et en termes de perspectives. Malheureusement, sur la gouvernance, nous avons eu quelques petits soucis, mais ça, c'est un autre débat. Donc, nous n'avons pas d'autre projet que le projet qui était là, et sur lequel on s'était tous entendus. Bon, maintenant, il est évident qu'à l'aune de nos nouvelles orientations, il y a une autre réécriture qu'il faudra faire. Mais d'une manière générale, le PSE est le fondement sociétal, dans notre offre politique, de notre projet.Le PSE, c'est donc le Plan Sénégal Emergent, mais aujourd'hui, les nouvelles autorités présentent le Plan Sénégal 2050, qui est très ambitieux, avec un taux de croissance moyen de 6% par an, est ce que vous approuvez ce programme ?Vous savez, pour ce qui nous concerne, tout ce qui permet au Sénégal d'aller de l'avant, nous applaudissons. Mais nous avons ce projet qui n'est même pas leur projet. Pendant très longtemps, pendant des années et des années, le Pastef nous avait dit qu'il avait un projet, un projet cohérent. Il y avait même un livre qui avait été sorti, qui s'appelait « La solution ». Il s'est avéré 6 mois après qu'ils se sont adressés à un cabinet privé pour écrire un projet. Un projet politique, une perspective pour une nation, pour un peuple, ce n'est pas un cabinet qui fait cela, ça ne fait pas sérieux.Alors, vous dites que les Sénégalais ont approuvé ce que vous avez fait pendant 12 ans. Mais en mars dernier, votre courant politique a essuyé une lourde défaite électorale, face au candidat du Pastef. Est-ce que vous ne craignez pas que les électeurs sénégalais revotent aujourd'hui pour le Pastef ?Oui, c'est possible. Mais sur le contexte de l'époque, il faut ouvrir les yeux, ne pas faire dans la langue de bois. Il y a eu à la fois l'usure du pouvoir, il y a eu la volatilité de l'engagement de nos cadres envers un candidat [l'ancien Premier ministre Amadou Ba, NDLR]. Donc, on soutenait du bout des lèvres, c'était un soutien défectueux. C'est la vérité. Dans cette ambiance-là, il est vrai qu'il n'était pas possible de faire des résultats probants. Mais aujourd'hui, 6 mois après, les gens commencent à regretter déjà en se disant : « Ceux qui étaient là ont fait du bon travail, du bon boulot, et ceux qui sont là aujourd'hui ne font absolument rien. » Vous imaginez, entre le moment où ils sont venus et aujourd'hui, il y a encore plus de personnes qui sont au fond de l'Atlantique, parce que le désir de changement n'a pas de réponse de leur part. Et les gens n'ont qu'une seule perspective, aller au-delà de la Méditerranée.Oui, mais vous le dites-vous même, Maître Amadou Sall, il y a eu quelques petits soucis sur la gouvernance sous la présidence Macky Sall.Mais les soucis sur la gouvernance Macky Sall, ce sont des soucis politiques. Vous avez suivi avec nous, vous étiez là au Sénégal en ce moment-là, les péripéties des relations avec le Conseil constitutionnel, c'est de la gouvernance qui a été sanctionnée à la fois par le Conseil constitutionnel et par les Sénégalais. Oui, nous avons eu ce souci, nous l'acceptons. Il faut avoir le courage de dire la vérité aux Sénégalais et de reconnaître un peu les errements de sa gouvernance. Nous reconnaissons quelques errements, nous en sommes conscients, mais ce n'est pas ça le problème. Le problème aujourd'hui, en parlant d'approximation au niveau de nos chiffres, le résultat est que la perception que les investisseurs et les institutions financières ont de notre pays s'est effondrée totalement. Nous sommes, comme disent les Anglais, « down on the floor ». Nous sommes à terre, à cause des déclarations irresponsables d'un Premier ministre. Un Premier ministre, comme disait l'autre, « ne devrait pas parler comme ça ».L'une des grandes surprises de ces législatives, c'est la décision de l'ancien président Macky Sall d'être tête de liste. Alors l'ancien président, pour l'instant, il n'est pas au Sénégal, il séjourne au Maroc, est-ce qu'il va revenir dans l'arène politique, sur le terrain à Dakar ?Ça, je ne saurais le dire. Ça dépend à la fois de lui-même et de nous. Bon, il nous a déjà assez aidés et assez accompagnés en acceptant d'être tête de liste. Le reste du travail, c'est notre travail. Pour le moment on lui demande de faire une campagne au moins au niveau de la diaspora, ce qu'il est en train de faire dans une certaine mesure. Pour le reste, on verra bien si on lui demandera de venir ou pas. On verra, on appréciera.Mais vous savez ce que vont dire beaucoup de Sénégalais : « S'il ne vient pas, c'est parce qu'il aura peur de venir et d'avoir des ennuis judiciaires ».Mais quels ennuis judiciaires ? Il ne peut pas être interpellé par la police. On ne peut rien contre lui. Sauf à ce qu'une Assemblée le mette en accusation. Quelle est l'Assemblée qui le mettra en accusation ? Tant qu'il n'y a pas une Assemblée, on ne peut pas le mettre en accusation. De quoi aurait-il peur ?On peut lui retirer son passeport et l'empêcher de quitter le territoire une fois qu'il est rentré.Et pourquoi ? Ils n'ont pas le droit de le faire. Il n'y a pas de procédure contre lui. Le Président Macky Sall n'a peur de rien. Sa venue dépend à la fois de lui et de nous. Et seulement de lui et de nous.À lire aussiLégislatives au Sénégal: 41 listes de candidats validées par la direction générale des élections
Fin 2023, le Congo-Brazzaville a subi les pires inondations de son histoire récente. Les cours d'eau sont sortis de leur lit dans des proportions inédites, provoquant des dégâts considérables : 1,79 million de personnes ont été affectées, un Congolais sur 12 a eu besoin d'une assistance humanitaire. La Likouala, département le plus éloigné de la capitale, fut aussi le plus touché. Les envoyés spéciaux de RFI s'y sont rendus en septembre 2024 avec une équipe de l'Unicef. Pour rejoindre les rives de l'Oubangui dans le département de la Likouala, au départ de Brazzaville, il faut d'abord rouler sur 800 km jusqu'à Ouesso, à la frontière camerounaise, traverser la rivière Sangha sur le bac, puis emprunter durant six heures une route carrossable de latérite rouge à travers la forêt équatoriale.De Bétou, certains villages sont atteignables par la route. Pour d'autres, c'est la pirogue, comme Ikpengbele, où lors des précédentes inondations, l'eau a tout envahi. « On pouvait sillonner le village en pirogue, raconte Bongo Abdoulaye, son chef. On n'avait pas connu de telles inondations ici depuis 1953. Nos parents ont perdu leur bétail à l'époque. Nous, on a grandi sans connaître ce genre de catastrophe. Puis en 2019, on a connu des grandes inondations et depuis, chaque année, 2020, 2021, 2022, 2023, nous subissons les inondations. Et vu le niveau actuel [en septembre 2024, NDLR] nous sommes sûrs que nous allons encore être inondés cette année. »La dernière fois, les eaux de l'Oubangui ont mis plus d'un mois et demi à se retirer. Durant plusieurs semaines, beaucoup d'habitants n'ont eu d'autre choix que de se réfugier en forêt, comme Jean-Faustin Massimo, ses deux épouses et leurs onze enfants : « On y a passé un mois et vingt jours. Nous avons construit des petites bicoques dans les collines. C'était très douloureux, on n'avait pas de lit, pas de bâches. On était sous la pluie, avec les moustiques, les serpents, les nuisibles, les scorpions... Les enfants dormaient sous la belle étoile, et nous n'avions rien pour les couvrir. »43 000 élèves privés d'école dans tout le CongoDes enfants privés d'école pendant des semaines. Selon l'Unicef, la scolarité de plus de 43 000 élèves a été interrompue dans tout le Congo pendant les inondations l'an dernier.Sur le plan sanitaire, près de 480 000 habitants dans tout le Congo ont eu besoin d'une aide immédiate pour avoir accès à de l'eau potable, comme dans le quartier Ca mètre de Bétou où la montée des eaux a rendu inutilisable le puits devant lequel se trouve le Dr Hermann Didi Ngossaki, responsable santé à l'Unicef Congo. « Il y a eu de la boue, des matières fécales, des débris qui sont entrés dedans, détaille-t-il. Le temps de réhabiliter, il a fallu distribuer des pastilles de chlore et montrer comment potabiliser l'eau pour éviter au maximum les maladies. »Depuis, le puits a été curé, surélevé. Georges Nikoué, en est désormais le président du comité de gestion. Il se dit marqué par le souvenir de l'eau arrivée au niveau de sa hanche dans sa maison : « J'ai perdu des documents précieux, des livres que m'avaient transmis mon père. » Pour autant, il n'envisage pas de s'installer ailleurs : « C'est là où moi je suis né. Je veux rester. Il faut qu'on lutte contre ces inondations, en canalisant la ville ou le quartier. »Inquiétude à l'approche d'une nouvelle saison des pluiesDans les eaux de l'Oubangui, encore calmes en cette matinée de septembre, des habitants se lavent et font leur lessive. Marème Bemba, animatrice de l'ONG EEA (Eau et assainissement pour l'Afrique) observe pourtant la scène avec inquiétude. « Vous voyez la femme-là ? Elle a l'eau jusqu'à mi-cuisses. Alors qu'il y a trois mois encore, là où elle est, il n'y avait pas d'eau », souligne-t-elle.Un peu plus loin, des bateliers chargent un navire de transport de marchandises sous le regard du chef du port de Bétou : « Malheureusement, on n'a pas d'échelle d'étiage pour mesurer le niveau de l'eau, ici. Il n'y en a qu'au niveau d'Impfondo [chef-lieu du département de la Likouala, NDLR]. » Un autre habitant, commerçant connu localement sous le nom de Koumerou, est catégorique : « Nous sommes nés à Bétou, nous avons grandi ici. Chaque matin, on voit comment l'eau monte. L'eau est déjà trop haute. Quand les pluies vont arriver, ça va recommencer. Nous serons inondés. » Pour lui, l'aide apportée par les autorités et les ONG l'an passé est insuffisante : « On nous apporte le riz, les éponges, mais cela ne nous protège pas. Nous avons besoin d'engins, pour construire des canaux, des dérivations. »Une prise de conscience à l'échelle nationaleCe que les habitants observent à l'œil nu au bord de l'Oubangui, Alain Loumouamou le confirme. Chef du bureau études, recherches et applications à la direction de la météorologie du Congo, il revient du 19è forum de prévisions climatiques d'Afrique centrale organisée en septembre à Douala, au Cameroun. Il plaide pour la mise en place d'un système d'alerte précoce dans tout le pays : « Il faut qu'il y ait des instruments météo qu'il faut installer dans les départements comme des pluviomètres, un système de bornage, des balises pour vérifier la montée des eaux. Dans le département de la Likouala, il est prévu pour octobre, novembre, décembre, des conditions de précipitations au-dessus de la normale saisonnière. Il est probable de vivre les mêmes scénarios que l'année 2023. Avec l'augmentation de la température aujourd'hui liée au changement climatique, nous ne serons jamais épargnés par ces phénomènes naturels. »Une prise de conscience accélérée par l'ampleur des inondations de l'an dernier. Dans la Likouala, les autorités locales encouragent les habitants à s'éloigner des rives.Les acteurs humanitaires se préparent aussi pour ne pas être pris de court. Au niveau gouvernemental, à Brazzaville, Marie-Cécile Mboukou Kimbatsa, ministre des Affaires sociales, de la Solidarité et de l'Action humanitaire, parle d'une réflexion à mener à plus long terme. « Nous ne pouvons plus nous projeter dans la résilience, nous nous projetons dans l'adaptation, assure-t-elle. Il faut réfléchir sur l'habitat, sur le type de pratiques agricoles que nous allons mettre en place dans ces zones-là puisque les populations ne veulent pas se déplacer. Il faut que nous puissions mettre en place des infrastructures sanitaires, d'éducation pérennes et que nous puissions canaliser les eaux pour permettre d'assécher les zones d'habitation. Mais tout cela nécessite de très gros investissements. Ce ne sont pas des investissements qu'un État puisse supporter seul. »Faute de solutions à court terme, la résignation des plus modestesRetour dans la Likouala. À Boyélé-Port, à deux heures et demie de route au sud de Bétou, le chef de village Sylvestre Doli se prépare à appeler les habitants à évacuer. « Le réchauffement climatique, nous en entendons parler. Nous ne comprenons pas profondément ce que c'est. Mais nous constatons qu'au moment où il devrait faire moins chaud, il fait plus chaud. Au moment où il ne devrait pas pleuvoir, il pleut abondamment et nous, nous perdons des cultures. Nous subissons, mais nous n'avons pas la solution », résume-t-il.Plusieurs habitants de la Likouala racontent que depuis les inondations de fin 2023, les enfants se mettent à pleurer quand la pluie tombe. Léonie Niamazongo, 62 ans, se dit elle-même très marquée par la crue de l'an dernier, mais résignée. « La dernière fois, quand l'eau est montée et qu'on a dû partir, on s'est d'abord débrouillé avec les tubercules de manioc qu'il nous restait, puis nous avons utilisé nos économies pour faire manger les enfants, raconte-t-elle. Et puis, au bout d'un moment, il n'y avait presque plus rien. J'ai huit enfants et vingt petits-enfants. Depuis les inondations de l'an dernier, j'ai mal au ventre, je me sens tendue. Quand je vois les eaux remonter, mon cœur bat très vite. »
Au Tchad, les Transformateurs de l'opposant Succès Masra ne boycotteront pas les prochaines législatives du 29 décembre, mais à certaines conditions. C'est ce qu'ils ont décidé lors de la convention de leur parti, samedi dernier à Ndjamena. Selon les chiffres officiels, Succès Masra est arrivé deuxième à la présidentielle du 6 mai dernier, loin derrière le président Mahamat Idriss Déby. Mais l'ancien Premier ministre continue de crier à la fraude et veut croire que les législatives à venir pourront être plus transparentes. Il s'en explique au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Lors de votre convention de samedi dernier, vous avez posé beaucoup de conditions à votre éventuelle participation aux législatives, quelle est pour vous la condition principale ? Succès Masra : Je dirais une condition duale, il faut différer les élections à 2025. Même la nature nous l'y oblige d'une certaine manière, parce que plus de 20 régions sur 23 sont sous l'eau [NDLR suite aux inondations]. Et puis, il faut dialoguer pour tirer les leçons de la présidentielle et améliorer ce qui doit être amélioré, afin de redonner confiance aux institutions chargées de ces élections.Alors, à la présidentielle du 6 mai dernier, quelle est, selon vous, l'institution qui a le plus failli et où les réformes sont les plus nécessaires ? Je pense qu'il y a un chapelet de responsabilités. Il y a d'abord l'Agence de gestion des élections, l'ANGE, qui a violé les lois. Ce qui est très grave, c'est quand les lois ont des dispositions et qu'elles sont violées. Ensuite, l'armée. Dans une partie de l'armée, il y a une attitude qui n'est pas républicaine, que les Tchadiens ont bien identifiée à travers les tirs de joie qui ont tué des dizaines de Tchadiens. L'ANGE a refusé aux citoyens d'assister par exemple au dépouillement. C'est prévu par la loi. Elle a refusé de remettre les fichiers des résultats, c'est prévu dans la loi. Elle a refusé de remettre les procès-verbaux. Moi, j'étais à la fois candidat et Premier ministre, j'avais droit donc au fichier des procès-verbaux de 26 900 bureaux de vote. À l'heure où je vous parle, je ne les ai jamais reçus. Donc, c'est autant de choses qui ont semé un doute dans le processus, et qui font qu'il faut changer ces choses-là, dans une sorte, un peu, de dialogue bipartisan, parce qu'il y a deux grandes forces politiques qui se dégagent dans le pays. Ceux qui sont là en face de nous, et puis nous-mêmes, avec la coalition Justice et Égalité autour de nous.Est-ce à dire que vous souhaitez rencontrer à nouveau le président de la République, dont vous avez été le Premier ministre au début de cette année ? Le consensus bipartisan, c'est pour amener le changement voulu par les Tchadiens. Nous voulons en quelque sorte transformer un mandat, contesté dans les faits, en un mandat utile aux Tchadiens. Et aujourd'hui, les deux forces principales politiques au Tchad ont l'obligation, dans une sorte un peu de responsabilité collective, doublée par les inondations qui amènent encore des souffrances additionnelles, de s'asseoir à la table et de s'entendre. Donc, les Transformateurs ne veulent pas boycotter les élections, mais ne souhaitent pas être un instrument de valorisation d'un processus électoral dont les résultats seraient déjà connus d'avance. Parce que c'est à ça qu'on va aboutir s'il n'y a pas de changement en amont. Et si cela devait être le cas, la Convention a décidé que les Transformateurs ne puissent pas participer à un jeu démocratique dont les résultats seraient biaisés à l'avance et qui installerait un apartheid. Et donc, je crois que tout le monde a intérêt à ce qu'on puisse s'asseoir et, ensuite, on dialogue pour améliorer ce qui doit être amélioré au niveau organisationnel, et même au niveau de la mise à jour du fichier électoral, ce qui permettra que les gens regagnent confiance dans le processus électoral, et que ça apaise le pays.Donc vous n'excluez pas une rencontre avec le chef de l'État ? Non seulement, je n'exclus pas une rencontre, parce que toutes les propositions que j'ai mises sur la table, elles lui ont été transmises, de manière à ce qu'il les lise, et qu'il puisse décider de l'attitude à avoir. Parce que, dès le premier jour, nous avons exprimé le fait que le pays veut le changement. Et ce changement n'est pas au rendez-vous. Et donc, en tant qu'acteurs politiques majeurs, lui et moi, nous avons le devoir de nous asseoir et de proposer des choses qui vont permettre que le changement devienne une réalité dans la vie des Tchadiens.Alors vous dites que vous êtes la principale force d'opposition. Mais, selon les chiffres officiels de la présidentielle, l'opposant Albert Pahimi Padacké a fait quasiment jeu égal avec vous. Un consensus bipartisan entre le pouvoir et votre parti, les Transformateurs, ça va exclure, de fait, le parti RNDT d'Albert Pahimi Padacké, l'UNDR de Saleh Kebzabo et bien d'autres grands partis tchadiens. Est-ce que vous ne craignez pas de vous mettre à dos ces forces politiques tchadiennes et leurs leaders ? Écoutez, il ne s'agit pas d'exclure qui que ce soit. Moi, je ne veux pas parler des résultats de ces élections. Chacun connaît le vrai poids politique des uns et des autres. Je parle de deux grands camps qui se sont dégagés et autour d'eux, de manière élargie, de tous les autres acteurs. Parce que la coalition Tchad Uni intègre le président Saleh Kebzabo que vous évoquez.La coalition au pouvoir.Absolument, et nous-mêmes, nous avons une coalition Justice et Égalité qui n'est pas restrictive.Oui, mais, Succès Masra, en excluant d'office le RNDT le Réveil d'Albert Pahimi Padacké de votre dialogue bipartisan, est-ce que vous n'allez pas renforcer un peu plus les divisions au sein de l'opposition ? Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas, personne n'est exclu. Que les Transformateurs soient le principal acteur politique en face de la coalition Tchad Uni, cela n'empêche pas que les Transformateurs, la coalition Justice et Égalité et les autres puissent porter les mêmes revendications. L'important, c'est que ces revendications soient prises en compte.À lire aussi Tchad : le parti les Transformateurs demande un report des élections locales
Bienvenue dans ce nouvel épisode consacré à Brevo
En cette période de guerre au Moyen-Orient, de souverainisme en Afrique et de repli identitaire en Europe et aux États-Unis, Souleymane Bachir Diagne décide d'aller à contre-courant et publie Universaliser aux éditions Albin Michel. Le philosophe sénégalais reconnaît que la civilisation de l'universel et que la démocratie sont en danger, notamment en Afrique de l'Ouest. Mais il garde espoir. De passage à Paris, le professeur de philosophie à l'université Columbia de New York répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Souleymane Bachir Diagne, vous voulez réinventer l'universel face au monde d'apartheid généralisé que nous vivons aujourd'hui, mais que répondez-vous à ceux qui disent qu'on ne peut pas aimer tous les hommes et que tout naturellement, on se préoccupe d'abord de ceux avec qui on partage une identité familiale, religieuse ou nationale ? Souleymane Bachir Diagne : Cette question est au centre de mon propos. Il y a là un instinct, c'est notre côté animal, disons. L'instinct de tribu est réel. En revanche, nous n'avons rien d'équivalent quand il s'agit de l'humanité en général. L'humanité, ça peut paraître une abstraction. Il n'y a pas d'instinct d'humanité, mais précisément l'humanité. Cela se construit d'abord sur le plan philosophique, nous avons le sentiment qu'en effet être humains ensemble signifie que nous partageons quelque chose de fondamental. Et il y a la religion. C'est la religion qui nous enseigne, et c'est d'ailleurs ce qui est au cœur de toutes les grandes religions humaines, qui nous enseigne que mon prochain, ce n'est pas forcément mon proche.Vous écrivez dans votre livre que la religion peut être ouverture, mais aussi clôture. Et vous qui êtes spécialiste de la pensée islamique, est-ce que vous ne craignez pas qu'on assiste aujourd'hui à une intensification des guerres de religion, témoin le conflit sanglant au Proche-Orient ? Eh bien oui, voilà un exemple, malheureusement, d'instrumentalisation de la religion. Alors je viens juste, à propos de l'humanité, d'en parler comme un facteur d'ouverture à l'autre, d'ouverture au-delà de la tribu. Malheureusement, la même religion peut être également instrumentalisée pour être au contraire une force de clôture et être à ce moment-là embarquée dans nos tribalismes.Et est-ce que cette tendance n'est pas très lourde et n'est pas en train de prendre le dessus sur la dimension ouverture de toute religion ? Aujourd'hui, il y a toutes les raisons de croire qu'il en est bien ainsi. La manière dont ces religions sont instrumentalisées, la manière dont le terrorisme dans le Sahel, ma région, s'habille des vêtements de la religion, prétend tuer des civils, massacrer des villages entiers, pour la plus grande gloire de Dieu. Eh bien, nous voyons bien que la religion aujourd'hui présente ce visage-là. Toutes les religions.Et vous ne vous sentez pas un peu seul quand vous combattez tout cela ? Je ne crois pas. Je ne me sens pas seul parce qu'il y a cette aspiration vers l'humanité qui est réelle. Nous vivons un monde fragmenté, on le voit. En revanche, il suffit de peu pour que nous nous rendions compte de la réalité de cette aspiration à l'humanité. Il a suffi, par exemple, des images à la télévision de l'ouverture des Jeux olympiques [à Paris le 26 juillet dernier, NDLR] pour se rendre compte que tout le monde adhérait à l'idée d'humanité que nous voyons ainsi sur nos écrans. Autrement dit, l'aspiration est là et qui doit pouvoir dominer le scepticisme profond où nous met aujourd'hui la situation que nous vivons dans le monde.La civilisation de l'universel est en danger, dites-vous. Mais est-ce que la démocratie elle-même n'est pas aussi en danger ? La démocratie est en danger. Étant citoyen de l'Ouest africain, je m'en rends compte aujourd'hui, la démocratie est en danger partout dans le Sahel. La crise de la démocratie a pris la forme d'un retour des coups d'État en Afrique de l'Ouest. Il est inquiétant de voir qu'une partie de la jeunesse a adhéré à ces coups d'État, non pas simplement parce que les militaires avaient promis de s'occuper de la guerre et d'être plus efficaces que les pouvoirs civils, mais en estimant que, au fond, la démocratie devait venir après d'autres idéaux qui étaient un panafricanisme ou un souverainisme, que la démocratie, au fond, avait moins d'importance. Là se trouve une vraie crise, parce que croire que ce qu'on baptise « panafricanisme ». D'ailleurs, ce n'en est pas un, parce que le panafricanisme, il est en train de s'inventer à la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), il n'est pas en train de s'inventer à l'Association des États du Sahel. Et ce panafricanisme-là de la Cédéao, lui, il vaut la peine de se battre pour lui et il ne sera réel qu'entre des démocraties.Et vous dites que le phénomène nouveau, ce n'est pas l'arrivée de coups d'État, c'est l'arrivée de justifications de ces coups d'État ?Oui, ce sont ces justifications-là qui sont la marque la plus claire de la crise de la démocratie. Parce que ces justifications signifient un certain scepticisme démocratique où on dit que la démocratie ne sert à rien ou que la démocratie a moins de valeur qu'un souverainisme ou un autre type de panafricanisme qui, à la réflexion, n'a pas de véritable contenu.
Qui a commandité l'assassinat de Thomas Sankara en 1987 ? Qui a donné l'ordre de bombarder le camp militaire français de Bouaké en 2004 ? Quel rôle éventuel a joué Pascaline Bongo dans le putsch qui a renversé son frère il y a un an au Gabon ? Avec l'aide du journaliste Frédéric Lejeal, Robert Bourgi publie ses mémoires sous le titre Ils savent que je sais tout, ma vie en Françafrique, aux éditos Max Milo. Au micro de RFI, Robert Bourgi témoigne d'abord sur l'attitude qu'a eu Jacques Foccart, le conseiller Afrique des dirigeants français, dans les mois qui ont précédé l'attentat contre le capitaine Sankara, mais également sur les transferts de fonds gabonais envers Jacques Chirac dont Robert Bourgi était responsable. RFI : Robert Bourgi, dans votre livre, vous racontez votre longue amitié avec Laurent Gbagbo, ancien président de Côte d'Ivoire. En novembre 2004, deux avions ivoiriens bombardent une caserne française à Bouaké, 9 soldats français sont tués, puis les 2 pilotes biélorusses essaient d'évacuer par le Togo, où ils sont interceptés. Pourquoi le président français Jacques Chirac a-t-il refusé que le chef de l'État togolais Gnassingbé Eyadema lui livre ces 2 pilotes pour la justice française ?Robert Bourgi : Vraiment, j'ignore tout de cet épisode. Mais, je me suis retrouvé avec Laurent un soir au moment de ce tragique événement. Et Dominique de Villepin [qui a été successivement ministre des Affaires étrangères, ministre de l'Intérieur et Premier ministre, sous Jacques Chirac, NDLR] m'avait dit : « Essayez de savoir s'il y a du Laurent Gbagbo dans cette affaire. » Et je lui dis : « Laurent, vraiment, es-tu mêlé de près ou de loin ? ». Il dit : « Je t'assure Robert, dis à Dominique, de ma part, que je ne suis en rien mêlé à cette affaire. » Laissant entendre à un moment donné de la conversation : « Mais, il n'est pas impossible que l'entourage de Simone [qui était alors l'épouse de Laurent Gbagbo et Première dame du pays, NDLR] soit mêlé ». Cette phrase, il me l'a prononcée.Sous-entendu les extrémistes de son camp ?Il a dit ça. Je ne sais pas à qui il faisait allusion. Est-ce que c'est l'officier Séka Séka, comme on l'appelait ? Je ne sais pas.Alors pour vous, à cette époque, entre la France et la Côte d'Ivoire, c'est très compliqué, parce que vous êtes amis à la fois avec Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré, le président burkinabè qui soutient la rébellion pro-Alassane Ouattara, devenu président de Côte d'Ivoire depuis. Blaise Compaoré, vous l'avez rencontré dès 1986, du vivant de Thomas Sankara (président de 1983 à 1987). Pourquoi, à votre avis, a-t- il décidé d'éliminer son compagnon d'armes en 1987 ?Je ne sais pas quels sont les sentiments qui ont animé Blaise, je les ignore. Mais ce que je puis vous dire, c'est Monsieur Foccart, tout puissant conseiller Afrique de Monsieur Chirac, m'avait dit, car il me savait proche de Thomas : « Faites savoir à Thomas d'être très prudent. » Je dis : « Qu'est-ce que ça veut dire, doyen ? Il me dit : « Il est en danger et ça peut venir du plus près. » À ce moment-là, il y a eu un deuil dans ma famille. Et Thomas, l'ayant appris, m'appelle et il me présente ses condoléances. Je lui dis : « Thomas, ça tombe bien, le vieux m'a dit qu'il fallait que tu sois très prudent. Le coup peut venir du plus proche de toi. ». Il me dit : « Remercie le vieux de ma part. » C'était un nom de code pour Foccart. « Je vais être prudent. » Il est arrivé ce que vous savez [assassinat le 15 octobre 1987 à Ouagadougou, NDLR].Quel rôle a joué Félix Houphouët-Boigny, premier président de l'histoire de la Côte d'Ivoire, dans cette affaire ?Je pense qu'il a été très actif par la grâce, si je puis dire, de Chantal.L'épouse de Blaise Compaoré, qui était ivoirienne ?Exactement : elle était la fille d'un administrateur des colonies qui était très proche du président Félix Houphouët-Boigny. Et ce que n'a pas supporté Houphouët-Boigny, c'est que lorsque Thomas allait le voir, il avait toujours le pétard [un pistolet, NDLR] et il avait refusé de venir en tenue civile. Le courant ne passait pas entre eux.Donc, vous pensez que la Côte d'Ivoire est dans le complot ?J'en suis même certain.Autre pays que vous connaissez bien, c'est le Gabon. Dans votre livre, vous dites que le vrai dauphin qui était en capacité en 2009 de succéder à Omar Bongo, chef de l'État de 1967 à sa mort, ce n'était pas son fils Ali mais sa fille Pascaline. Est-ce que vous pensez que celle-ci a approuvé l'année dernière l'élimination politique de son frère Ali Bongo ?Je n'ai plus de contacts avec Pascaline depuis des années. Donc, je ne peux pas donner une réponse à cela. Mais je puis vous dire, connaissant Brice Clotaire Oligui Nguema, l'actuel président du Gabon –je connais Brice depuis 25 ans – que c'est un homme d'autorité, un homme de caractère. Je ne pense pas que quelqu'un ait pu lui susurrer à l'oreille qu'il fallait faire un coup d'État.Depuis son arrivée au pouvoir, vous avez revu Brice Clotaire Oligui Nguema. Est-ce que vous lui avez prodigué des conseils ?Nous avons passé, lui et moi, un peu plus de deux heures ensemble à Dakar. Il m'a dit : « Comment vois-tu les choses, grand frère ? » Je lui ai dit : « Écoute, fais souffler un air de démocratie dans ton pays comme tu le fais, et essaie de te dégager du reproche qu'on pourrait te faire, que c'est la famille Bongo qui continue. » Et je crois que c'est ce qu'il est en train de faire. Et il ne m'étonnerait pas qu'il soit candidat à la présidentielle si y en a une.L'année prochaine ?L'année prochaine, ou peut-être même avant.Michel Barnier, le nouveau Premier ministre français, vous l'avez évidemment connu quand il était le ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac, il y a 20 ans. Quel souvenir vous en avez gardé ?C'est un homme qui a de l'autorité, qui a un certain charisme et c'est un têtu.Dans le bon sens du terme ?Absolument, et j'espère qu'il aura son mot à dire, pour ce qui concerne la politique africaine de la France. Parce que la France a besoin d'un homme qui porte haut sa voix, dans les relations avec l'Afrique. Et surtout ne pas faire preuve d'arrogance.C'est une critique en creux du président français ?Non, pas du tout. Je fais remonter les reproches que font les Africains à notre pays.À lire aussiJacques Foccart, l'homme de l'ombre, à la lumière de ses archives
Le Premier ministre guinéen Bah Oury est actuellement à New York où il dirige la délégation de son pays à l'occasion du 79e sommet de l'Assemblée générale des Nations Unies. Il s'exprime sur RFI sur le retour de son pays au sein de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), les futures élections prévues en 2025, notamment la présidentielle et le soutien affiché de Bah Oury pour une éventuelle candidature de Mamadi Doumbouya et les questions des droits et des libertés avec la situation des deux militants du FNDC disparus depuis le mois de juillet. Bah Oury, qui indique ne pas connaitre la position précise de Foniké Menguè et de Mamadou Billo Bah, répond à Guillaume Thibault. RFI : Après trois ans de suspension, l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) vient de réintégrer la Guinée. Comment interprétez-vous cette décision ?Bah Oury : C'est positif. Et puis ça montre, disons, une prise en compte des nouvelles réalités des pays en transition. Des sanctions pleuvent sans prendre en compte les spécificités de chaque pays. Nous, nous étions dans une dynamique d'accroissement des difficultés du pays avec le régime d'Alpha Condé. De la confiscation des libertés et même sur le plan institutionnel. Donc, la remise en cause de cette situation devrait être une avancée pour mettre en place des dynamiques de relance des institutions démocratiques. Et donc, la jurisprudence de l'OIF ouvre de nouvelles perspectives, disons, d'actualiser les positions des uns et des autres.L'OIF enjoint également la Guinée à poursuivre ses efforts sur le volet des droits et des libertés. Comment comptez-vous avec votre gouvernement progresser sur ces points précis ?Au-delà d'une demande, c'est une nécessité pour asseoir des institutions crédibles et aller dans la voie de la réconciliation nationale. C'est un objectif prioritaire qui était déjà pris en compte dès le lancement des assises nationales par le général Mamadi Doumbouya.Sur cette question des libertés, les familles des deux militants du FNDC, Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, ont interpellé récemment votre gouvernement. Savez-vous où ils se trouvent ? Sont-ils encore en vie ?Jusqu'à présent, nous n'avons pas encore une information complète et précise sur le lieu où ils peuvent se trouver à l'heure actuelle et nous avons demandé aux structures judiciaires et aux forces de défense de poursuivre les enquêtes et nous tenons plus que tout autre au monde, à ce que l'on puisse les retrouver en bonne santé. C'est une nécessité pour nous, parce que leur disparition ne nous arrange pas. Au contraire, ça a un peu terni notre approche. Or, nous voulons que, la dynamique actuelle vertueuse que nous sommes en train de poursuivre, ne soit pas altérée par des situations qui peuvent nous ramener à des situations négatives que nous avons connues par le passé.Des membres du gouvernement, de la présidence, ont affirmé que rien n'empêchait Mamadi Doumbouya de se présenter à l'élection présidentielle qui est prévue en 2025, alors que la charte de transition, qu'il a signé, l'interdit. Comment expliquez-vous cette situation paradoxale aux électeurs ?D'abord ce qui est essentiel, c'est la Constitution. Elle doit être au-dessus de toute considération personnelle. Deuxièmement, à partir du moment où la Constitution sera adoptée, la charte n'aura aucune actualité. Tout homme ou toute femme remplissant les critères qui seront dans la Constitution pourra faire acte de candidature.Il y a la loi et il y a aussi parfois la morale Monsieur le Premier ministre, je pense à Amadou Toumani Touré, au Mali, qui a rendu le pouvoir aux civils avant de devenir 10 ans après président ?Je comprends votre approche. Mais vous savez, en Guinée, on a tendance à tout personnaliser. Ce qui est essentiel dans le contexte actuel, c'est partager le texte [la Constitution, NDLR] pour instaurer une culture démocratique.Vous soutenez vous-même, comme certains de vos ministres, une candidature de Mamadi Doumbouya, vous dites : pourquoi pas ?Je dis pourquoi pas, parce que c'est la liberté de chaque citoyen en capacité d'incarner une certaine vision de la Guinée d'aujourd'hui et de demain, d'être candidat ou d'être candidate.Quand se tiendra le référendum constitutionnel justement, avant le 31 décembre ?L'objectif en toute sincérité, sans calculs politiciens, nous tenons à avoir le référendum constitutionnel à la fin de l'année. Il va de soi que nous sommes en train de réviser la stratégie de l'ordre des élections. Il est essentiel de commencer par la présidentielle et puis par la suite, à avoir les élections de base et les élections législatives.La date de l'élection présidentielle est-elle connue ?Pour le moment pas encore, chaque chose en son temps.À lire aussiGuinée: le débat sur la possible participation du général Doumbouya à la présidentielle s'installe
Après la victoire de l'extrême droite en Saxe et en Thuringe, le 1er septembre dernier, le doute grandit auprès du personnel soignant d'origine étrangère installé dans cette région. Si certains sont déjà partis, comment ceux qui restent envisagent leur avenir dans un tel climat de hausse de la xénophobie, sachant que le secteur de la santé ne pourrait pas fonctionner sans ces soignants étrangers. De notre correspondante en Allemagne,Arrivé en Allemagne il y a 10 ans déjà, Samer Matar est un médecin syrien qui travaille, depuis 2021, en tant que cardiologue dans la ville saxonne de Leipzig. Sa ville de cœur, comme il le dit, qu'il envisage pourtant de quitter. En cause, les 30 % obtenus il y a trois semaines par l'extrême droite dans cette région.« Je suis en train de changer de poste pour vivre dans une région où l'extrême droite n'est pas aussi forte », confie-t-il. En Saxe, l'AfD [Alternative pour l'Allemagne, le principal parti d'extrême-droite, NDLR] a obtenu 30 % des suffrages, un score qui risque d'augmenter dans les années à venir. Je n'ose pas imaginer ma vie ici sur le long terme », se désole-t-il.Craintif quant à l'avenir, ce cardiologue reconnaît toutefois ne pas être victime de racisme dans son activité professionnelle, les médecins bénéficiant encore d'un certain respect de la part de la population, mais cela pourrait changer. Selon lui, la perspective de départ massif pourrait s'avérer dramatique pour des régions comme la Saxe et la Thuringe, situées dans l'est de l'Allemagne. À l'heure actuelle, en Saxe, un médecin hospitalier sur six est étranger et un sur quatre dans la Thuringe voisine.En Thuringe, justement, Khrystyna Zhuk, une jeune ophtalmologue de 29 ans, s'interroge, elle aussi, sur son avenir dans cette région de l'est de l'Allemagne. Elle a fui l'Ukraine il y a deux ans et elle y vit avec sa mère et son fils. Parmi les sujets politiques compliqués charriés par la montée locale de l'extrême droite, celui qui gêne le plus Khrystyna Zhuk, c'est le soutien assez fort d'une partie de la population locale envers la Russie.« Mes collègues ont souvent des positions différentes de la mienne sur les livraisons d'armes, ils ne comprennent pas, se lamente-t-elle. Que puis-je dire ? Les gens qui n'ont pas vécu la guerre ne peuvent pas savoir. Je le comprends. C'est comme ça. J'accepte les idées différentes des miennes. Je suis reconnaissante pour l'aide apportée à mon pays et j'essaie de me concentrer sur le positif. »Moins anxieux que ses collègues, le cardiologue syrien Anas Jano n'envisage pas de quitter Iéna, cette ville de Thuringe où il occupe un poste de médecin-chef. En revanche, pas question d'aller travailler à la campagne thuringeoise, où l'extrême droite, ouvertement xénophobe, est la plus forte. « Pour être honnête, dans le contexte électoral actuel, pour moi, c'est beaucoup plus agréable de vivre dans une ville internationale comme Iéna plutôt qu'en zone rurale, admet-il. En revanche, nous sommes nombreux à nous inquiéter de ce qui peut se passer pour les habitants et nos collègues d'origine étrangère sur place. »Les responsables politiques et représentants des services médicaux en Saxe et en Thuringe tentent, pour l'instant, de minimiser ces craintes. Officiellement, il n'y a encore aucune vague de départ de médecins et soignants étrangers liés à la situation politique.À lire aussiAllemagne: le parti d'extrême droite AfD remporte les élections en Thuringe, une première
Le kanvo, un pagne tissé introduit au Bénin par le roi Agonglo, un des souverains d'Abomey ayant régné au XIXe siècle, est de plus en plus prisé par les couturiers béninois dans leurs collections. Un tissu prestigieux, labellisé en 2020, que les créateurs intègrent désormais pour apporter une touche d'authenticité et d'originalité à leurs pièces. Le kanvo est ainsi au cœur de la création des couturiers béninois comme Mondoukpè et Lolo Andoche. Ce pagne tissé traditionnel est riche en couleurs et en motifs, il vient du royaume Dahomey, situé dans l'actuel du Bénin, et est porté par le souverain pour les grandes occasions. C'est un vêtement d'apparat qui « n'est pas un pagne ordinaire. C'est d'abord un pagne de prestige, un pagne noble », selon la créatrice Faridatou Modukpè Yekini, qui a fondé en 2017 la marque Modukpè.Il incarne « la richesse béninoise, l'identité béninoise », estime Charlemagne Amoussou, un des vétérans de la mode béninoise, plus connu sous le nom de sa ligne de vêtements, Lolo Andoch. Le kanvo a une particularité : dans sa version brute, il est très lourd et pas toujours simple à manier sur les tables de coupe. Au fil des années, les couturiers ont trouvé la solution pour le rendre plus maniable : « On l'a retravaillé pour avoir quelque chose de très fin, qui est portable, qui est consommable, du coup, on a obtenu du kanvo assez léger », explique-t-il.Mais cela ne suffit pas pour conquérir totalement la clientèle, souligne Lolo Andoch, qui explique utiliser aussi « du kanvo mixé avec du lin, mixé avec un autre coton, mixé avec de la soie, mixé avec tout ce qu'on veut. Parce que, quand c'est uniquement du kanvo, certains sont parfois un peu réticents. Le mettre en motifs décoratifs sur des vêtements ou en mixage avec un autre coton qu'ils connaissent, ça passe très bien ! »Modukpè, qui réalise des robes de soirées, des chemises, des pantalons, des t-shirts et des accessoires, fait remarquer que le pagne tissé est sa matière de prédilection. Sa dernière collection en date, baptisée « collection Ola », a eu beaucoup de succès, elle qui contenait une pièce coup-de-cœur, « une robe en total kanvo pour toutes les occasions ; l'idée m'est venue comme ça de fusionner le Agbada classique, trois pièces de vêtements en une seule pièce. Il y a de la broderie, qu'est-ce qui nous distingue des autres, c'est notre broderie. C'est très agréable, je me sens toujours mieux quand je porte du kanvo et je le porte tous les jours ».Lolo Andoch, pionnier et chantre dans l'utilisation du kanvo, a même ouvert un showroom à Cotonou. « Par an, nous sommes autour de 2000 - 3000 mètres [de tissu vendu, NDLR], ce qui est bien, on l'utilise beaucoup aujourd'hui pour les mariages en tenue moderne », s'enthousiasme-t-il, observant un engouement des béninois pour ce tissu emblématique.Plusieurs évènements nationaux célèbrent le kanvo, qui sera à l'honneur en octobre dans le cadre du mois « Tu consommes local » organisé par le ministère du Commerce. Mais celui-ci s'exporte également : Lolo Andoch a en effet remporté un prix au Mali et Mondukpè a présenté un défilé à Lomé le 24 août 2024.À écouter aussiUn road trip pour les artisans du Bénin
Dimanche 8 septembre est le dernier jour de vote pour certaines régions pour renouveler leurs gouverneurs, d'autres désignent en même temps leurs élus locaux. Comme pour le scrutin présidentiel de mars dernier, le résultat général ne fait pas de doutes et devrait voir partout les hommes du président Vladimir Poutine rafler la mise. Surtout que cette fois-ci, même les rares provinces frondeuses sont mises au pas. Exemple à Khabarovsk, une des deux régions les plus à l'est du pays, où notre envoyée spéciale a pu se rendre. De notre envoyée spéciale à Khabarovsk,Ce qui s'apparente désormais avant tout à un rituel a des allures particulières dans la région de Khabarovsk, l'une des plus grandes de Russie. Cette région s'étale du nord au sud sur 2 000 kilomètres de distance entre terre, mer, fleuves et îles isolées.« Nous avons des villages difficiles d'accès, mais nous organisons des sessions de vote anticipé et nous rendons sur place, explique Denis Alexandrovich Kuzmenko, président de la Commission électorale régionale. Nous devons aussi atteindre des stations météorologiques, les éleveurs de rennes, les pêcheurs, les mineurs qui sont dans des endroits isolés. Nous avons un hélicoptère qui peut faire jusqu'à 1 000 kilomètres entre deux villages, et des navires pour accueillir les électeurs le jour du scrutin. »Emboitant le pas à l'île de Sakhalin et à la Transbaïkalie, pour la première fois, la région a fait aussi voter ses électeurs-soldats dans les régions annexées par la Russie en 2022. Khabarovsk est le siège du district militaire Est.« Pour organiser ce genre de vote, nous avons déterminé les endroits où nos électeurs sont concentrés par unités militaires, et précisé le nombre de bureaux de vote dont nous aurons besoin. Le vote s'y déroule selon les spécificités définies pour les unités militaires. Nous n'y créons pas de commissions électorales, nous mettons en place des commissions composées de soldats. Il faut noter que certains des combattants dans ces commissions spéciales étaient déjà des membres de nos commissions civiles ici. C'est d'une grande aide, car ils savent comment mener des élections, ils connaissent toutes les procédures. J'ai personnellement voyagé là-bas pour leur création. J'ai pris un avion militaire, emportant avec moi tous les documents électoraux. Et les gars sur place, du commandement de notre quartier général, ont aidé avec les voitures, la sécurité, le transport et l'hébergement. »Denis Alexandrovich Kuzmenko ne se risque pas à faire un pronostic précis de participation. Lors de la présidentielle de mars dernier, elle a été l'une des plus basses de tout le pays. Et selon la politologue Rada Gaal [son nom a été modifié à sa demande, NDLR], cela ne risque pas de s'arranger cette fois-ci : « En 2019, dans la région de Khabarovsk, le parti du président avait la majorité absolue à tous les échelons locaux, explique cette observatrice avisée de la vie locale. Après les élections, ils se sont retrouvés avec moins de 5 %. C'était à l'origine un vote de protestation. Puis le gouverneur Furgal, qui avait été élu par le peuple, en moins d'un an, a gagné la confiance des votants. Il s'est révélé être très bon, actif, faisant preuve d'empathie avec les gens. Le fait qu'il ait fini par être arrêté dès 2020 et mis en prison a énormément touché émotionnellement toute la région, parce qu'il était le choix du peuple. Des manifestations ont commencé, que j'ai couvertes. Il ne s'agissait pas de renverser le gouvernement, ni de séparatisme. Il s'agissait simplement du droit à pouvoir décider de qui nous dirige sur la base des lois existantes. Ici en Extrême-Orient, nous voulons choisir la personne que nous voulons voir aux commandes. Nous voulons juste pouvoir faire un choix. Mais après trois ou quatre mois, les répressions ont commencé, les forces de l'ordre se sont mises en marche, et les arrestations et détentions ont débuté. Alors aujourd'hui, les gens ont cessé de croire qu'ils peuvent influencer les élections. Ils sont frustrés, désespérés, ils vivent en exil intérieur. »L'éventail de la répression et de l'intimidation est à la hauteur de ces manifestations de 2020 totalement inédites par leur ampleur et leur durée. Le gouverneur Furgal a été condamné en février 2023 à 22 ans de prison pour avoir commandité deux meurtres et une autre agression entre 2004 et 2005. Ses partisans ont toujours dénoncé l'affaire et le verdict comme politiques.« Indésirable »Juste avant l'élection présidentielle de mars dernier, un « mouvement Furgal » a été classé « indésirable ». Il n'y a aucune définition juridique de ce que peut être ce « mouvement » - qui n'existe pas sur le papier. Mais il permet de réprimer toute personne présentée comme y appartenant et de la classer individuellement comme « indésirable ». Les forces de l'ordre ne s'en sont pas privées.Aujourd'hui encore, de simples citoyens font des séjours réguliers en prison et, dans cette région à la réputation rebelle, il est même devenu plus délicat qu'ailleurs en Russie de rencontrer des personnalités un tant soit peu critiques. Rien n'a été négligé pour faire passer le message du pouvoir, jusqu'au plus petit symbole : « Ils ont en quelque sorte aussi voulu humilier les électeurs en retirant le statut de capitale de l'Extrême-Orient à Khabarovsk pour le donner à Vladivostok, juste pour nous punir comme de vilains petits enfants pour le choix que nous avons fait », juge la politologue Rada Gaal.À Khabarovsk, le climat est aujourd'hui décrit comme pesant. « L'atmosphère en ville, c'est celle d'une campagne totale et massive pour "Russie unie", le parti du président, décrit un membre d'une commission électorale de la région, ayant, lui aussi, demandé à ce que l'anonymat lui soit impérativement garanti. Dans chaque cour, presque sur chaque panneau d'affichage, sur chaque arrêt de bus, tout l'espace est occupé par la publicité pour "Russie unie". La publicité pour les autres existe, mais elle n'est pas vraiment visible. "Russie unie" a cette année un budget énorme et il n'y a pas d'égalité pour les candidats. Pourquoi "Russie unie" dépense-t-elle autant d'argent ? Ils sentent qu'ils ne contrôlent pas complètement la situation. »À en croire cet activiste, la région concentre « beaucoup de problèmes », dont le plus évident est « l'opération militaire spéciale que certaines personnes ne soutiennent pas. Mais comme dire à haute voix votre désapprobation peut entraîner une punition, les gens ont peur de le dire ».Cet activiste en est certain : il n'y aura en tout cas pas de tentation ce dimanche d'afficher un meilleur score qu'à la présidentielle pour le candidat du pouvoir. Pas question que le gouverneur apparaisse plus populaire que le chef de l'État.À écouter aussiRussie: dans la région de Koursk, la guerre prend ses quartiers
Au Liban, la population passe par des montagnes russes émotionnelles depuis le début de la guerre à Gaza, et les combats à la frontière libano-israélienne qui lui sont liés. Des combats qui opposent le Hezbollah et l'armée israélienne. Mais jamais la crainte d'un conflit généralisé n'a été aussi forte que depuis l'assassinat d'un cadre militaire du Hezbollah, Fouad Chokor, tué dans une frappe israélienne dans la banlieue de Beyrouth, et celui du chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, à Téhéran – assassinats imputés à Israël. C'était le 30 et le 31 juillet. Retour sur quinze jours de fébrilité et de guerre psychologique. 31 juillet : une foule participe, dans la banlieue au sud de Beyrouth, la capitale du Liban, aux funérailles d'Hassan et Amira Fadlallah, 10 et 6 ans chacun. Frère et sœur, ils comptent parmi les cinq victimes civiles de la frappe israélienne contre un commandant militaire du Hezbollah, la veille.« Deux roquettes se sont abattues sur l'immeuble dans lequel les enfants se trouvaient, explique Mohamed Ballout, cousin éloigné des enfants. Cette frappe a été très forte, traumatisante. Mais nous vivons en guerre, et c'est une guerre ouverte. C'est la première fois, depuis le début de la guerre à Gaza, que la banlieue sud de Beyrouth est bombardée ainsi avec des morts de civils, et qu'Israël touche en profondeur l'Iran et le Liban. Nous allons voir la riposte. »Depuis, la fébrilité n'est pas retombée. Le Hezbollah et l'Iran ont juré de riposter contre Israël aux assassinats. Des avions de chasse israéliens ont franchi à de multiples reprises le mur du son au-dessus de Beyrouth, provoquant un bang semblable à une forte explosion. Dans ce climat de guerre psychologique, Ibrahim Mahbouba a quitté la banlieue sud pour Aley, une localité en altitude, proche de Beyrouth, jugée plus sûre.« Je me suis réfugié ici, à la montagne, avec ma famille, déclare-t-il. De ce que nous voyons, il n'y a ni pitié, ni humanité dans la guerre à Gaza. La communauté internationale est faible. Des armes jusqu'ici inconnues sont utilisées. Une guerre ici serait violente. Au Liban, on est passé de combats confinés à la frontière aux avions de chasse israéliens qui franchissent le mur du son au-dessus de Beyrouth et ailleurs. Les gens prennent leurs précautions. »Une centaine de familles déplacées se sont déjà installées à Aley. Les prix des locations ont flambé, certains se contentent de prospecter, dans l'attente. Dans le sud, près de 100 000 habitants ont dû quitter leurs maisons en raison des combats frontaliers depuis dix mois, et dans cette région, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a intensifié ses efforts.« Il y a une grande augmentation [des efforts, NDLR] en volume et dans la répartition géographique aussi, détaille Laetitia Nemmouche, coordinatrice santé du CICR au Liban. Préparation des hôpitaux, formation, donations de médicaments, d'équipement... Le personnel de santé est présent et, de ce qu'on a pu constater, montre une grande volonté d'être là, se sent très concerné. Toutes ces anticipations, ces stocks de contingence, c'est pour aider les hôpitaux et le personnel, pour contribuer à cet effort, pour anticiper un scénario un peu catastrophe... »De nombreux Libanais de la diaspora ont quitté le pays, après les mises en gardes des diplomaties occidentales. Ceux de l'intérieur sont plongés dans l'incertitude, et certains reportent des projets non essentiels. « Les gens ont annulé même leurs vols de tourisme hors du Liban, déplore Ghada Koussa, employée dans une agence de voyages. C'est à cause de la situation, ils ont peur de ne plus pouvoir retourner au Liban. »Les autorités de Beyrouth appellent à la fin de la guerre à Gaza, afin d'apaiser les tensions régionales et de permettre un retour au calme au Liban.À lire aussiStéphane Séjourné attendu au Liban dans un contexte explosif entre le Hezbollah et Israël
En Tanzanie, un nouveau train électrique relie désormais la capitale économique, Dar es Salam, à la capitale administrative Dodoma, dans le centre du pays. Le programme, en collaboration avec des entreprises turque et chinoise, a été en partie financé par la Banque africaine de développement. Et la Tanzanie compte prolonger la ligne jusqu'aux pays des Grands Lacs. Flambant neuf et entièrement électrique, le nouveau train SGR (Standard Gauge Railway, voie ferrée à écartement standard, NDLR) est sur le départ en gare de Dar es Salaam, la capitale économique de la Tanzanie. Une première pour de nombreux passagers ce jour-là. « Avant le train, je prenais le bus, ça prenait trois ou quatre heures. Mais maintenant, c'est beaucoup plus facile : on vient, on s'assoit, on se détend et ça dure 1h30. »Relier par le rail la Tanzanie au Burundi et à la RDCRoulant à 160 km/h contre une vitesse moyenne de 30 ou 40 km/h pour son ancêtre, ce train relie Dar es Salaam à Morogoro, plus à l'ouest. Il y a quelques semaines à peine, la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan inaugurait le second tronçon jusqu'à la capitale du pays, Dodoma. L'objectif selon elle : développer le commerce entre la Tanzanie et les pays voisins. « Le continent africain est mal connecté par les transports. C'est pourquoi nous avons du mal à commercer les uns avec les autres. C'est ce qui m'a encouragée à tout faire pour que la Tanzanie soit reliée par le rail au Burundi et à la RDC. Un pays immense qui sera un grand débouché pour le commerce et les produits tanzaniens. » D'ici à 2026, le train devrait relier le port de Dar es Salaam, l'un des plus importants du continent, à Mwanza, dans la région des Grands Lacs, au nord du pays. Actuellement réservé au transport de passagers, le fret devrait commencer d'ici à l'an prochain. « Ce train moderne, le SGR, va drastiquement réduire les temps de trajet, améliorer la sécurité et diminuer les coûts de transport, souligne Abdulkarim Atiki, analyste politique et économique à Dar es Salaam. Pour les entreprises, ça veut dire une livraison plus rapide et plus sûre des biens en réduisant les coûts jusqu'à 40% et en augmentant les revenus liés à l'export de 20-30%. »Un bémol : les coupures de courantOuganda, Rwanda, Kenya, RDC ou Burundi, la Tanzanie veut développer le transport de produits et matériaux avec ses voisins, notamment dans les domaines agricoles, miniers et industriels, qui représentent plus de 50% du PIB du pays. Le SGR devrait donc créer des emplois, garantir un moyen de transport plus sûr et réduire les émissions de CO2 de la Tanzanie. Des perspectives positives, donc, mais qui nécessitent entre autres une stabilité du réseau électrique, souvent défaillant. Depuis son lancement, le train a déjà été bloqué sur les voies pendant plusieurs heures à cause de coupures de courant.À lire aussiTanzanie: plusieurs dirigeants de l'opposition arrêtés avant une manifestation interdite