Chaque jour, l’illustration vivante et concrète d’un sujet d’actualité. Ambiance, documents, témoignages, récits en situation : les reporters de RFI présents sur le terrain décrivent le monde avec leur micro.
La petite ville de Spremberg, dans la région du Brandebourg, dans l'est de l'Allemagne, fait face à des actes néo-nazis répétés depuis des mois. Croix gammées dessinées sur le mobilier urbain, jeunes qui font le salut nazi... Face à cela, la maire a tiré la sonnette d'alarme dès cet été et appelé ses concitoyens à réagir. Mais cet appel à l'aide crée la polémique.
La famille Trump rêve de développer ses innombrables projets immobiliers dans les Balkans. Sa fille Ivanka et son mari Jared Kushner ont ainsi de grandes ambitions en Albanie. Le couple veut y investir plus d'un milliard d'euros pour transformer l'île militarisée de Sazan en un nouveau lieu branché pour les ultra-riches. Les autorités albanaises déroulent le tapis rouge à la famille Trump, mais les écologistes s'inquiètent pour l'écosystème exceptionnel de la région et certains habitants redoutent de se faire expulser de leurs terres. Reportage dans la région de Vlora, dans le sud de l'Albanie. Un reportage à retrouver en entier sur le site de RFI rubrique podcast Accents d'Europe. À lire aussiLa Vjosa : en Albanie, l'un des derniers fleuves sauvages d'Europe, menacé par le tourisme...
Voilà près de deux ans que Gaza est sous le feu de l'armée israélienne. La guerre continue. La vie aussi. À Ramallah, ville de Cisjordanie occupée, connue pour ses lieux de sorties, ses cafés design et ses belles voitures, les Palestiniens semblent partagés entre l'envie de vivre malgré tout et la conscience que « Gaza brûle », pour reprendre l'expression du ministre de la Défense israélien Israël Katz. Gaza n'est effectivement qu'à quelques dizaines de kilomètres de là et omniprésente dans les esprits. Alors comment continuer à danser, chanter, rire et vivre dans ces conditions ? C'est la question qu'a posé notre correspondante à des Palestiniens de Ramallah. De notre correspondante en Cisjordanie, Un anniversaire à Ramallah. Dans le jardin d'un restaurant très en vue, un grand-père danse et chante avec ses enfants et petits-enfants. Plats très soignés, décoration moderne et serveurs aux petits soins, ce restaurant, très instagrammable, a ouvert ses portes cet été. Le propriétaire préfère rester anonyme. Il dit recevoir des commentaires interloqués d'internautes choqués par cette ambiance festive alors que Gaza est sous les bombes : « Certaines personnes sont gênées de voir qu'on fait des publications pour mettre en valeur les plats. Elles laissent des messages pour dire qu'il y a la famine à Gaza et tout ça. C'est blessant. J'aimerais beaucoup demander à ces personnes ce qu'elles aimeraient que je fasse. Est-ce qu'il faut que je ferme mon restaurant et que je prive 70 personnes de revenus ? Personnellement, je trouve qu'être là, c'est une preuve d'espoir. Je pourrais très bien m'asseoir et juste regarder les infos toute la journée et tomber en dépression. Mais moi, je trouve qu'avoir un objectif, ça donne de l'espoir. » Alors, peut-on continuer à vivre normalement à Ramallah, alors que « Gaza brûle » ? Cette question torture Moatassem Abu Hasan, metteur en scène. Ce soir se joue à Ramallah, l'une de ses pièces. Elle raconte les rêves d'une jeune diplômée palestinienne sous l'occupation. Une œuvre engagée. Et pourtant, cela ne suffit pas à atténuer le malaise de Moatassem à l'idée de se préoccuper de théâtre alors que son peuple meurt à Gaza : « C'est compliqué. On vit avec ce combat intérieur tous les jours. Littéralement, tous les jours. On essaye d'être joyeux, mais c'est impossible. » Ressent-il un sentiment de culpabilité ? « Mais oui, bien sûr, et ce sentiment ne peut se dissoudre. Là, au moment même où je te parle, je culpabilise de pouvoir avoir accès à la presse. C'est un privilège. À Gaza, personne ne les écoute, eux », répond Moatassem Abu Hasan. Gaza sous les bombes. Et la Cisjordanie occupée secouée par les exactions des soldats et des colons israéliens au quotidien. Dans ce contexte, les Palestiniens éprouvent une incapacité à se projeter. Un phénomène qui interroge en même temps qu'il fascine Razzan Quran, psychologue : « Le fait que les Palestiniens soient capables de s'ancrer dans le présent est une posture très très importante. C'est une façon de vouloir habiter et savourer le présent. Mais il ne faut pas romantiser cette posture parce qu'elle a un coût. C'est très douloureux. Moi et mon mari par exemple, on essaye de fonder une famille, mais on se demande toujours, qu'est-ce qui garantit que notre maison ne sera pas détruite ? Qu'est-ce qui garantit qu'on ne fera pas de mal à notre fils ? Il n'y a aucune garantie, mais malgré ça, je choisis de vivre. » À lire aussiEn Cisjordanie occupée, la colonie de Sa-Nur enterre un peu plus l'idée d'un État palestinien
Depuis quelques semaines, les rues anglaises se parent de drapeaux : l'Union Jack, le drapeau britannique ou encore la croix rouge de Saint-Georges sur fond blanc, drapeau de l'Angleterre. Certains rond-points ont également été repeints aux couleurs nationales. Cette campagne « Raise the Colours » (Levez les drapeaux, en français), encouragée par le leader d'extrême droite Nigel Farage, intervient alors que les hôtels accueillant des demandeurs d'asile sont visés par des manifestations nationalistes. Notre correspondante s'est rendue dans l'un des quartiers ciblés par l'opération. De notre correspondante en Angleterre, À deux pas du quartier d'affaires de Canary Wharf, visé par des manifestations anti-migrants depuis deux mois. Les lampadaires sont bardés de drapeaux anglais, croix rouge sur fond blanc, financés par des groupes liés à l'extrême droite sur les réseaux sociaux. Les cordes claquent au vent. « Une tentative d'intimidation » Tom, qui ramène sa fille de l'école, aimerait les voir disparaître : « Je ne peux pas dire que j'aime ça. Je le vois comme une tentative d'intimidation, c'est une manière de dire à une partie des gens qui vivent par ici : vous n'êtes pas chez vous. Quand les Anglaises ont gagné l'Euro il y a deux mois, il n'y avait pas de drapeaux, donc je ne pense pas que ce soit une histoire de fierté nationale. » Des drapeaux qui disent « vous êtes chez nous ». C'est exactement l'interprétation de Michael, qui a participé aux manifestations dans le quartier : « Les gens qui viennent ici doivent respecter le Royaume-Uni, ses lois, ses valeurs. Le gouvernement n'arrive pas à freiner tous ces immigrants qui arrivent. Mais quand vous êtes une minorité, que vous venez vivre ici, légalement ou non, vous n'êtes pas chez vous ! » Ici, la mairie a fait retirer plusieurs étendards. Mais dans les rues, certains expatriés, comme ce jeune Portugais, n'y voient pas de menace : « C'est le signe que les gens aiment leur pays, en sont fiers. Cela ne me dérange pas. » Les drapeaux, fierté nationale ou signe d'une radicalisation de la société ? Le Premier ministre Keir Starmer lui-même a dû trancher sur la BBC : « Chez nous, nous avons une croix de saint Georges. J'encourage les drapeaux, c'est un symbole de patriotisme, mais ils ne doivent pas être dévalués et utilisés pour diviser. Je ne veux pas de ça, je suis fier de notre drapeau. » À lire aussiRoyaume-Uni: le militant d'extrême droite Tommy Robinson réunit plus de 100 000 personnes à Londres Pas de condamnation, bien au contraire. John Denham, chercheur en politique à l'université de Southampton, souligne que contrairement à d'autres, le Royaume-Uni ne réserve pas ses drapeaux aux nationalistes : « Nous ne sommes pas une nation qui agite ses drapeaux. C'est historique : nous étions le plus grand Empire du monde. Les drapeaux, c'était pour [les colonies], les Américains par exemple. Nous n'en avions pas besoin. Par conséquent, aujourd'hui, chacun donne le sens qu'il veut au drapeau. » En clair, pour ce professeur proche du Parti travailliste : la campagne « Raise the Colours » a fait long feu : « Je pense que les groupes d'extrême droite espéraient susciter des réactions de la part de la gauche, qu'elle demanderait le retrait des drapeaux. Ce qui aurait permis à ces groupes de se présenter comme les seuls patriotes. Ça n'a pas fonctionné. » Certains poseurs de drapeaux encourent aujourd'hui des poursuites pour dégâts criminels, après avoir tagué la croix de saint Georges sur des ronds-points et aux abords de mosquées. À lire aussiIrlande: importé du Royaume-Uni, le mouvement «hisser les couleurs» interpelle
Au cœur de la Nouvelle-Zélande, à Rotorua, tous les rêves des touristes deviennent réalité : baignade dans des sources sacrées, haka spectaculaire… Mais à quel prix ? Si la culture maorie est mise en vitrine de ce tourisme, ceux qui en sont les gardiens se retrouvent pourtant marginalisés. De notre correspondante en Nouvelle-Zélande, Plantée au pied d'un volcan éteint, la vallée géothermique de Rotorua est entrée dans le classement des villes les plus touristiques du pays. Toute l'économie de la région s'est donc développée en ce sens. Les habitants de Whakarewarewa font par exemple visiter leur village construit sur des sources chaudes à plus de 100 °C. « Certains pensent que c'est un décor, mais non, c'est un véritable village maori. Quand on voit le linge sécher sur la corde ou notre cuisine, c'est la preuve que nous habitons ici ! », raconte une habitante. Le ticket est plus cher si les touristes souhaitent assister au spectacle de danse traditionnelle. L'objectif est de mieux rémunérer les interprètes comme Harata Waera, dont c'est le métier à plein temps. « En été, nous pouvons donner jusqu'à trois spectacles par jour, parfois même quatre. Nous interprétons nos chants traditionnels, notamment le haka. Je vois l'émerveillement dans les yeux du public, car beaucoup de gens n'ont pas gardé leur culture ancestrale comme nous, nous la faisons encore vivre aujourd'hui », explique Harata Waera. Mais il est de plus en plus difficile pour les Maoris de préserver leurs habitudes ancestrales. En tant que membre de la communauté, Chanz Mikaere s'était notamment indignée lorsque des touristes ont été autorisés à nager dans une source thermale sacrée : « Quand on accueille des influenceurs ou des stars de TikTok, des YouTubeurs, on voit qu'ils sont habitués à avoir des passe-droits. C'est d'autant plus le cas depuis que Christopher Luxon est Premier ministre. C'est comme s'il censurait les Maoris d'une main et de l'autre, il s'attend à ce que nous "performions" dans le cadre du tourisme. » Le gouvernement néozélandais travaille en coordination avec la mairie de Rotorua pour développer encore plus le tourisme. Parmi les mesures annoncées figure la fermeture des hébergements d'urgence pour les transformer en motels touristiques. Chanz Mikaere y voit une nouvelle forme d'exclusion : « J'ai été sans-abri à un moment de ma vie, mais j'ai pu passer trois mois dans un de ces logements d'urgence. C'est notre normalité en tant que Maoris, c'est la vie en communauté, le partage de nos ressources comme dans une grande famille. Mais actuellement, nous sommes dans le capitalisme, qui provoque l'exact opposé. » L'essor du tourisme à Rotorua entraîne une véritable gentrification menaçant directement la communauté maorie, surreprésentée dans les catégories les plus pauvres de la population. À lire aussiChanz Mikaere, la voix rebelle des terres maories
Les baleines sont de plus en plus nombreuses dans la baie de New York. Leur retour a commencé il y a une dizaine d'années, mais il surprend encore les scientifiques. Ce sont surtout des baleines à bosse qui dévient de leur route estivale, vers le Grand Nord. En 2011, elles étaient cinq, aujourd'hui près de 500 ont été identifiés. Elles font le bonheur des touristes et des habitants de la région, qui peuvent partir en mer les observer. Les naturalistes de l'association Gotham Whale, qui étudient, répertorient et protègent les baleines et les dauphins de la baie, sont tous les jours à bord de l'American Princess, au départ de Brooklyn. De notre correspondante aux États-Unis, Après une heure de navigation, la joie éclate : une baleine plonge et fait claquer ses nageoires tachetées de blanc à quelques mètres de l'American Princess. C'est la deuxième excursion pour Reysonia Owens qui vit à 200 km de New-York. L'assistante dentaire confirme, le phénomène est encore peu connu : « J'en parle à tout le monde ! Quand je demande à mes patients : "devinez où je suis allée observer les baleines", ils répondent : "Alaska ? Maine ?". Et quand je leur dis : "eh non, Brooklyn, New York", ils n'en reviennent pas ! » Les baleines de l'Atlantique nord passent l'hiver dans les eaux tropicales et l'été dans les eaux froides. Mais comme sur toute la planète, leurs migrations sont en train de changer, explique le jeune naturaliste Chris St Lawrence, de l'association Gotham Whale : « Avant, ces baleines allaient directement dans le Maine sans passer par New York. Mais à présent, certaines s'arrêtent pour se nourrir. Surtout des jeunes. Parfois, elles ne vont pas plus loin et passent tout l'été avec nous ici, où elles se nourrissent du poisson, appât local, une sorte de petit hareng. » Le changement du climat est l'un des facteurs en jeu, selon le naturaliste : « Le golfe du Maine se réchauffe relativement plus vite que le reste de l'océan. Et ça influence la répartition des proies préférée des baleines. » À lire aussiÉtats-Unis: les baleines à bosse de retour dans la baie de New York Mais sans eaux propres, pas de poissons. La loi sur la protection de l'eau de 1972 a donc joué un rôle essentiel à New York, explique le photographe animalier Jason Denesevitch : « Avec une eau plus propre, on a davantage de poissons appâts, qui attirent à leur tour les grands animaux comme les baleines. Depuis vingt ans, les pêcheurs voient revenir des espèces plus variées, comme les ombrines et les sars, qui avaient disparu tellement l'eau était polluée. Aujourd'hui, en juin et juillet, on voit même des esturgeons ! » Gotham Whale a identifié 463 baleines à bosse dans la baie de New York, dont certaines sont devenues familières des naturalistes. Mais des espèces plus rares font parfois leur apparition. « L'an dernier, on a repéré un regroupement de plus de cinquante baleines noires dans le canyon de l'Hudson, à environ 160 km de New York. Et on a pu alerter les autorités compétentes pour assurer leur protection », raconte Chris St Lawrence. À bord de l'American Princess, les naturalistes sensibilisent le grand public : sur treize espèces de baleines, six sont menacées. Or ces mammifères régulent l'ensemble de l'écosystème marin, et piègent de grandes quantités de CO2. Baptisées ingénieurs des océans, les baleines sont essentielles à la santé de la planète. À lire aussiLa chasse à la baleine, histoire d'une surexploitation mondiale
La Moldavie est en pleine campagne pour les législatives du 28 septembre, où le parti Action et solidarité de la présidente Maia Sandu risque de perdre sa majorité. Sur les réseaux sociaux, les discours pro-russes, anti-Union européenne et anti-Occident se diffusent massivement. L'Église orthodoxe rattachée à la Russie est accusée de propager la propagande du Kremlin sur les réseaux sociaux.
La Turquie serait-elle en train de connaître un épisode tardif de la vague #MeToo, ce vaste mouvement de libération de la parole des femmes démarré dans le milieu du cinéma aux États-Unis en 2017 ? Le mouvement féministe turc est puissant et a gagné en popularité avec les réseaux sociaux. Les nouvelles générations, très connectées, s'inspirent de ce qui se passe à l'étranger. Depuis un mois, une vague de milliers de dénonciations sur les réseaux sociaux révèle plusieurs dizaines de noms de personnalités connues et d'anonymes dans les milieux artistiques et académiques. Le phénomène relance la réflexion sur la gestion des violences sexistes et sexuelles au sein des organisations de défense des droits des femmes. Reportage à Ankara de notre correspondante, Messages graveleux, gestes déplacés répétés jusqu'à des cas de viols par soumission chimique... Chaque jour charrie son lot de témoignages et vient ajouter de nouveaux noms à la liste des hommes accusés de violences sexistes et sexuelles. Ce sont plus de 5 000 posts qui ont été partagés sur les réseaux sociaux en une dizaine de jours, d'après les statistiques du réseau X. Des personnalités du monde de l'art, des milieux universitaires et de la société civile sont au cœur du scandale. Alors, plusieurs institutions culturelles, chaînes de télévision et plateformes de diffusion ont annoncé rompre leurs contrats avec les hommes accusés. Medine Aybar, 29 ans, travaille dans le secteur du cinéma et de la publicité. Elle a choisi de partager sur les réseaux sociaux le harcèlement d'un de ses anciens patrons. Militante féministe, elle décrypte les mécanismes d'impunité qui règne dans son secteur professionnel : « J'ai commencé par lire les posts de dénonciations sur les photographes de mode, en lisant, j'ai tout de suite fait le parallèle avec mes propres expériences, alors je me suis mise à écrire et à partager aussi ce que j'avais vécu. » À écouter aussiMeToo: des affaires emblématiques en Suède, Espagne, Afrique du Sud et Japon Les dynamiques propres à l'industrie du cinéma rendent les dénonciations extrêmement risquées pour les carrières, mais elle a reçu de nombreux messages de soutien de la part de collègues : « J'ai eu des coups de fil de la part de personnes du secteur que j'aime beaucoup, qui m'ont dit "on te suit et on voit ce que tu publies" et s'ils m'appellent, c'est parce qu'ils savent que plein de gens du secteur pourraient me menacer de perdre du travail, ou faire pression sur moi de plein de manières différentes. » Témoigner en ligne : une option pour de nombreuses victimes Forte de cette première initiative, elle a décidé de se mobiliser pour recueillir le plus de témoignages possible et les diffuser de manière anonyme. Car nombre de victimes d'agressions préfèrent partager leurs témoignages sur les réseaux sociaux plutôt que dans les salles d'audience des palais de justice. Begüm Baki est membre de l'Association de lutte contre les violences sexuelles : « Il existe de nombreux obstacles à la dénonciation des violences sexuelles. C'est d'ailleurs pour cela que dans tous les pays, les violences sexuelles sont les crimes les moins rapportés, et en Turquie, malheureusement, c'est très rare. L'absence de mécanismes de soutien, la méconnaissance des droits, le manque d'institutions et l'approche culpabilisante à l'égard des victimes – manifestations du patriarcat et des inégalités de genre – sont particulièrement visibles là où ces inégalités sont les plus profondes. Face à cette réalité, certaines personnes finissent par ressentir le besoin de dire "stop". » Les dénonciations publiées sur les réseaux sociaux feront-elles l'objet d'enquêtes de la part de la justice ? Les avocates des droits des femmes en doutent, mais elles rappellent que les victimes ne sont pas totalement dépourvues. Le principe de « primauté de la parole de la victime » a été maintes fois validé par les différentes instances de justice et donne espoir de voir punir les auteurs de violences dont les noms sont désormais connus de tous.
Les représentants des 32 pays de l'Otan vont se réunir ce mardi matin, à Bruxelles, à la demande de l'Estonie, après une incursion russe vendredi dans l'espace aérien de ce pays balte. En Pologne aussi, la situation inquiète. Quelques jours seulement après l'incursion de 21 drones russes dans l'espace aérien polonais, les alarmes ont retenti dans la petite ville de Chełm lorsque les drones russes se sont dangereusement rapprochés de la région. La ville est située à peine à 25 kilomètres de la frontière avec l'Ukraine et l'alerte a révélé le manque de préparation des habitants face à ce genre de menaces. RFI a rencontré ces citoyens qui ignorent comment se comporter en situation de crise. À lire aussiIncursions russes en Pologne et en Estonie : qu'est-ce que le recours à l'article 4 de l'Otan? À lire aussiIncursion russe : le Conseil de sécurité de l'ONU et l'Otan se réunissent à la demande de l'Estonie
La France s'apprête à reconnaître l'État de Palestine lundi 22 septembre dans l'enceinte des Nations unies à New York. Un geste diplomatique salué par les Palestiniens, qui s'empressent souvent de dire qu'il devrait être accompagné de mesures fortes contre la colonisation. Celle-ci grignote, en effet, de plus en plus le territoire de la Cisjordanie occupée. Illustration de ce phénomène aux abords de la future colonie de Sa-Nur, dans le nord de ce territoire palestinien. Reportage de notre envoyée spéciale à Tarsala, future colonie de Sa-Nur, C'est une visite qui est encore sur toutes les lèvres : Bezalel Smotrich, ministre des Finances suprémaciste d'Israël, débarquant en personne dans le nord de la Cisjordanie occupée. Un peu plus d'un mois plus tard, les riverains palestiniens restent marqués par cette visite qui a drainé un déploiement massif de soldats dans leur localité. Ceux qui acceptent d'en parler veulent rester anonymes. « On a peur. On a peur d'être arrêté. » « Tant que l'armée est dans le coin, on a l'interdiction de parler ou de prendre des photos. Ils ont posé des caméras en haut. Ils voient ce qu'il se passe ici. » À lire aussiDix pays, dont la France, décidés à reconnaître l'État palestinien à l'ONU En haut : Sa-Nur, une ancienne colonie israélienne évacuée en 2005 et que Bezalel Smotrich entend désormais faire renaître de ses cendres. Une revanche sur l'histoire, 20 ans plus tard. Mais aussi un message clair passé à la France, qui s'apprête à reconnaître l'État de Palestine. Bezalel Smotrich : « Quiconque dans le monde tentera de reconnaître un État palestinien recevra une réponse de notre part, sur le terrain. Cette réalité finira par enterrer l'idée d'un État palestinien. Tout simplement parce qu'il n'y a rien à reconnaître et personne à reconnaître. » Ces déclarations tonitruantes du ministre d'extrême droite israélien commencent à lasser sur le terrain. Depuis son bureau, Ghassan Qararya, le maire de Sa-Nur – appelée Tarsala par les Palestiniens – a une vue plongeante sur la future colonie : « On voit tout d'ici. On voit l'armée. On voit l'avancée des travaux préliminaires. Il n'y a pas longtemps, il y avait des bulldozers. Ils sont en train de nettoyer le site. Ils disent qu'ils veulent construire 126 logements. Mais que je sache, la mère de ce Smotrich, elle n'a pas accouché de lui ici. Il faudrait que moi, je parte d'ici pour laisser cette terre à des gens qui débarquent d'Irlande, d'Ukraine, d'Allemagne, d'Éthiopie ou de je ne sais où ? On ne se laissera pas faire, ce pays est notre pays. Où voulez-vous qu'on aille ? Vous nous accepteriez en France, vous ? » Une seule issue, insiste le maire : la solution à deux États prônée et acceptée par l'Autorité palestinienne dont il dépend, mais qui semble de moins en moins crédible sur le terrain. À lire aussiIsraël annonce la création de 22 nouvelles colonies illégales en Cisjordanie occupée
Au Chili, des actes de vandalisme ont eu lieu à l'extérieur de la synagogue Bicur Jolim dans le centre de Santiago. Depuis les attaques du 7 octobre, ce n'est pas la première fois qu'elle est prise pour cible et d'autres lieux de cultes juifs ont également été vandalisés. Dans une lettre adressée au président chilien, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction se dit préoccupée face à une possible augmentation de l'antisémitisme au Chili. De notre correspondante à Santiago, Les murs de la plus vieille synagogue de la capitale ont retrouvé leur couleur jaune originelle. Il y a quelques jours, trois individus, le visage caché, ont jeté de la peinture rouge sur la façade extérieure du bâtiment alors qu'une vingtaine de fidèles était réuni pour la célébration de Shabbat. Cet homme, qui préfère témoigner anonymement, est chilien de confession juive, il était présent ce soir-là : « Ils ont aussi lancé des pamphlets contre Netanyahu. Ils n'étaient que trois, donc on n'a pas vraiment eu peur ». Mais quelques jours plus tard, lors d'un évènement non-religieux organisé à la synagogue où il est encore présent, une quinzaine de personnes s'était réunie à l'extérieur de l'édifice. « Ils criaient qu'ils étaient pour la Palestine et contre Israël, qu'on était des génocidaires et qu'on devait partir du Chili. Mais ici, la majorité d'entre nous, on est chiliens ! », poursuit-il. « Il serait temps qu'on commence à parler d'actes antisémites » Selon Gabriel Silber, porte-parole de la Communauté juive du Chili, ce type d'attaque n'est pas nouveau dans le pays. Mais après le 7 octobre, il y a eu un tournant. « Il y a une escalade des actes antisémites. Et très souvent, ces actes se cachent derrière un discours anti-israélien ou même antisioniste. Mais au bout du compte, les destinataires de ces attaques, ce sont les membres de la communauté juive locale, affirme Gabriel Silber. On peut comprendre la légitime position que chacun peut avoir par rapport à ce qu'il se passe au Moyen-Orient. Mais ce qu'on ne peut pas faire, c'est importer le conflit et installer des discours de haine, que ce soit de la part d'autorités ou d'influenceurs, qui finalement vont affecter la communauté juive du Chili. » Le président chilien a condamné « sans nuances » le vandalisme contre la synagogue de Santiago. Gabriel Boric qui fait partie des leaders internationaux qui se positionnent fermement sur le conflit au Moyen-Orient. Il le faisait encore en juin dernier face aux parlementaires chiliens. « Je vous exhorte à ne pas vous battre entre vous, entre peuples, car le responsable ici est un gouvernement, un gouvernement génocidaire, et non le peuple d'Israël. Nous condamnons catégoriquement le terrorisme du Hamas et exigeons la libération de tous les otages », avait-il alors déclaré. Malgré ces mots, les juifs du Chili ne se sentent pas suffisamment soutenus et protégés. « Il serait temps qu'on commence à parler d'actes antisémites au Chili, reprend Gabriel Silber. Nous sommes aussi chiliens, il faut le comprendre ! Et nous méritons le respect de la part de nos autorités. » Un appel qui semble avoir été entendu, car après le deuxième indicent survenu à l'extérieur de la synagogue de Santiago, le ministre chilien de la Sécurité publique s'est entretenu en privé avec des représentants de la Communauté Juive du Chili. À lire aussiAu Chili, la communauté palestinienne demande des sanctions contre Israël
Alors que d'autres en profitent pour partir en vacances au soleil, certains polonais profitent de leurs grandes vacances pour suivre un entraînement militaire qui fera d'eux, des soldats. Le programme « Vacances avec l'armée », proposé par le ministère de la Défense polonais, connait cette année sa deuxième édition et rencontre un grand succès, notamment chez les jeunes étudiants. La troisième session de cet été vient de s'achever, juste avant la rentrée universitaire fin septembre, et Adrien Sarlat est allé rencontrer ces jeunes au cours du dernier entraînement de la saison, dans une brigade militaire de Varsovie. À lire aussiL'engagement militaire des jeunes polonais À lire aussiEn Pologne, faire une formation militaire en continuant ses études, une formule qui séduit
À Berlin, le gouvernement veut s'attaquer à une institution allemande : le paiement en liquide, qui concerne encore 53% des transactions, contre 43% en France. Son projet ? Amener tous les commerces à s'équiper d'un terminal de paiement par carte bancaire. Reste deux écueils : l'opposition des commerçants d'une part, la vétusté des infrastructures de l'autre. Un reportage à retrouver en format long dans l'émission Accents d'Europe. À lire aussiUn pays peut-il totalement se passer d'argent liquide?
Bordée par une demi-douzaine de communes, la baie espagnole d'Algésiras, qui fait face à la colonie britannique de Gibraltar, est devenue l'un des lieux privilégiés des narcotrafiquants pour acheminer en Europe le haschisch produit au Maroc. Dans la partie la plus étroite du détroit, le littoral du royaume ne se trouve qu'à 14 kilomètres de là... De notre envoyé spécial dans la région d'Algésiras, Nous sommes sur la plage de Palmones, une jolie bourgade d'où l'on peut embrasser toute la baie d'Algésiras et le rocher de Gibraltar. À côté de nous, Lisardo Capote, le chef du service de vigilance douanière de la région. Il est l'un des meilleurs connaisseurs des circuits par lesquels le haschich arrive sur le littoral espagnol. On est sur la plage principale et Lisardo demande d'imaginer la scène, ici même. Elle se déroule au petit matin. Un speed boat vient d'accoster. Le dispositif est en place pour décharger des centaines de kilos de drogue. « Il y a comme un cordon de sécurité assuré par des adolescents munis d'un téléphone portable en cas de problème. Ensuite, il y a un groupe de gens qu'on appelle les "collas" qui déchargent l'embarcation et mettent sa cargaison dans des véhicules. En général, ce sont des voitures tout terrain qui permettent de transporter de grandes quantités de marchandises vers un lieu protégé », raconte Lisardo Capote. Ce genre de scène est presque courante, ici. L'opération est si bien organisée qu'une fois de plus, elle se déroule au nez et à la barbe des douaniers, de la police nationale et de la Garde Civile. D'autant plus que depuis 2010, les narcotrafiquants disposent de hors-bord semi-rigides dotés d'au moins trois moteurs de 300 chevaux chacun qui leur permettent de monter jusqu'à 120 km/heure, une vitesse bien plus rapide que celle des embarcations des policiers. Comme le confirme Luis Baltar, membre d'un syndicat de douaniers : « Nos moyens sont totalement insuffisants. Il faut une bien plus grande capacité pour pouvoir agir, plus de moyens humains et matériels. » À lire aussiEspagne: démantèlement d'un trafic de haschich par hélicoptères en provenance du Maroc Pour les policiers, affronter des narcotrafiquants aussi bien organisés, aussi puissants, c'est aussi, forcément, s'exposer au danger. Il s'agit de l'équivalent d'une course de Formule 1 en haute mer, selon un expert. En février 2024, deux gardes civiles audacieux avaient péri, écrasés par le speed boat de trafiquants. Un autre a été grièvement blessé en mars dernier. Mais le narcotrafic, ce n'est pas non plus qu'une question d'affrontements : la drogue n'est pas qu'une substance de passage, qui file vers le reste du pays et de l'Europe. Elle laisse aussi des traces, elle a des conséquences. Francisco Mena est le président de Coordinadora Alternativas, un collectif qui lutte contre les ravages du haschisch. « Le pire ravage que provoque la drogue, c'est la détérioration sociale qu'elle crée dans certains quartiers. Pas en raison de la consommation de la drogue, mais du mode de vie. Le trafic de drogue s'alimente du chômage, de la pauvreté, de l'exclusion sociale, et de l'absence d'opportunité. Elle capte donc avec facilité des jeunes qui, avec leur faible formation, sont exclus du marché du travail », confie-t-il. Récemment, dans le quartier de la Atunara, deux patrouilles de gardes ont été caillassés par 250 jeunes. « Sortez de là ! », criaient ces jeunes qui vivent presque essentiellement du haschich. Preuve que le fléau est très enraciné. À lire aussiEspagne: des trafiquants de drogue utilisaient des drones sous-marins dans le détroit de Gibraltar
Au Népal, il aura fallu moins d'une semaine pour faire tomber le gouvernement et organiser une transition politique. Des manifestations portées par la jeunesse - pas les partis politiques - dans lesquelles les réseaux sociaux ont joué un rôle pivot du début à la fin. Notre correspondant Côme Bastin a rencontré deux étudiants qui nous racontent comment la révolte éclair des Népalais s'est faite en ligne, autant dans les rues. C'est en regardant les vidéos d'une autre jeunesse asiatique en fronde que Ayusha, 18 ans, rejoint le mouvement dit de la Génération Z. « En Indonésie, sur TikTok, les jeunes pointent du doigt les enfants des politiciens corrompus. Souvent, ils étalent leur mode de vie ultra-luxueux sur les réseaux sociaux et cela pose question, parce que les fonctionnaires ne sont pas censés gagner autant d'argent. Au Népal, nous avons les mêmes, ils ont notre âge ». La tendance virale venue d'Indonésie passe au Népal, où la jeunesse se met à critiquer en ligne les familles de politiciens jugées corrompues. C'est à ce moment-là que les réseaux sociaux sont interdits par le gouvernement déjà discrédité. « Instagram, Facebook et d'autres applications ont été interdites et certains ont avancé que c'était pour mettre fin à cette tendance anti-corruption. Ce n'est pas prouvé, mais ça a en tout cas enragé les jeunes qui ont décidé d'une manifestation sur le terrain qui devait être pacifique ». Une manifestation pacifique qui tourne au drame La manifestation dégénère alors que des dizaines de participants sont tués par la police. Le quartier gouvernemental est incendié par la foule et le Premier ministre démissionne. Beaucoup de jeunes se désolidarisent des violences et le mouvement repasse en ligne, raconte Debesh, 17 ans. « Un important groupe de la génération Z a entrepris de trouver un nouveau dirigeant pour le pays sur Discord. Des appels géants ont été organisés, parfois avec 10 000 participants ! C'était chaotique, chacun se plongeait dans la constitution du Népal, proposait tel ou tel nom. Un consensus s'est finalement dégagé ». À lire aussiNépal: des heurts meurtriers éclatent lors de manifestations contre le blocage des réseaux et la corruption L'émergence de Sushila Kargi Ce vendredi, le président du Népal, l'armée et la génération Z sont tombés d'accord. Sushila Kargi, ancienne chef de la Cour Suprême respectée pour son combat contre la corruption, a été nommée Première ministre avant des élections législatives anticipées. En attendant, c'est via Instagram que Debesh organise la reconstruction. « J'ai posté un message pour nettoyer les rues et les bâtiments. Des influenceurs l'ont partagé et beaucoup de gens nous ont rejoints ! Aujourd'hui nous avons organisé notre première campagne de propreté à Katmandou ». Les révoltes récentes au Bangladesh voisin et au Sri Lanka avaient elles aussi rompu avec les partis traditionnels et adopté une organisation décentralisée grâce à Internet. À lire aussiNépal: la nouvelle Première ministre chargée de conduire le pays vers des élections législatives
Dans le nord de l'Afghanistan où, depuis plusieurs années, près de dix millions de personnes souffrent d'une sécheresse très sévère qui aggrave encore la crise humanitaire, le chantier du canal de Qosh Tepa suscite beaucoup d'espoir. Alimenté par la rivière Amou Daria, ce projet géant de 285 km de long conçu avant le retour au pouvoir des talibans - qui se sont empressés de le relancer - traverse trois provinces. Son ouverture est prévue pour 2028. De notre correspondante en Afghanistan, Les tractopelles s'activent vigoureusement sur le site de Sarband destiné à abriter les portes du canal de Qosh Tepa, dans le nord de l'Afghanistan. L'un des ingénieurs, Mortaza Zias, surveille la progression des fondations : « L'objectif de ce canal, c'est d'irriguer 500 hectares de terres et de zones urbaines. Il a été construit pour cela. Son autre extrémité se trouve à 285 km d'ici. Tout le tracé est en train d'être creusé, et la première phase est déjà terminée », explique-t-il. Pour les talibans, le chantier de Qosh Tepa est une priorité. « Le budget est entièrement financé par le gouvernement. Depuis quatre ans, tout vient de lui, il n'y a pas d'organisation internationale impliquée, poursuit Mortaza Zias, Seuls quelques plans ont changé. Le canal était censé être un peu moins long, mais le sol se compose de sable, de beaucoup de cailloux, donc au fur et à mesure des travaux, de nouvelles idées ont émergé. Comme celle, par exemple, de redistribuer l'eau dans la rivière Amou grâce à un barrage. » À lire aussiAfghanistan: le projet faramineux de construction du canal Qosh Tepa De l'autre côté de la province de Balkh, dans le village de Qarshi Gak, Hamidallah et ses cousins construisent une maison en terre pour deux de leurs frères : « Ils vivent en Turquie, mais ils voudraient revenir quand le canal sera terminé », explique Hamidallah. Grâce à l'argent envoyé par ses frères, Hamidallah a acheté des panneaux solaires qui lui permettent de pomper les eaux souterraines. Mais les réserves s'amenuisent. « Il n'y a pas d'eau, mais le canal nous donne de l'espoir, s'enthousiasme-t-il. Alors peut-être qu'avec le canal et de l'eau, nous aurons une vie meilleure. » Producteur de coton et de blé, Hamidallah voit ses récoltes se réduire d'année en année. À lire aussiSéisme en Afghanistan: «Les besoins de la population ne se limitent pas à des situations de crise»
La chasse à l'homme continue aux États-Unis. Les autorités sont toujours à la recherche de la personne qui a tiré sur l'influenceur d'extrême droite et proche de Donald Trump, Charlie Kirk. L'arme a été retrouvée et le directeur du FBI se rend sur place pour superviser l'enquête avec une récompense de cent mille dollars pour toute information qui pourrait mener à sa capture. La figure du trumpisme a été assassinée alors qu'il tenait un meeting dans une université de l'Utah, lui qui a œuvrait pour aider Donald Trump à attirer un électorat plus jeune. Il était connu justement pour ses débats sur les campus à l'Université de Clemson en Caroline du Sud. Les étudiants louent une figure conservatrice qui a rendu la politique accessible. Les étudiants se promènent sur ce campus où alternent des bâtiments en briques et des espaces verts. L' université se trouve au milieu de la campagne en Caroline du Sud, une région conservatrice. Garrison Metz, un grand costaud n'en revient pas de l'assassinat de Charlie Kirk. « Ça m'a brisé le cœur car c'était un modèle pour moi, c'était comme mon idole. J'admirais le fait qu'il est sorti du lycée et lancé son organisation qui a eu un immense succès. Il était pour la jeunesse et se préoccupait de l'état de notre pays ». À lire aussiÉtats-Unis: l'influenceur Charlie Kirk, figure de proue des jeunes pro-Trump, tué par balle « C'est vraiment grâce à lui que je me suis intéressé à la politique » L'étudiant de 19 ans appréciait particulièrement le franc-parler de cette figure du trumpisme. Il raconte avoir beaucoup appris sur la politique américaine, lui qui écoutait tout le temps le podcast de Charlie Kirk. Et il a voté pour la première fois l'année dernière un bulletin Donald Trump et c'est grâce à Charlie Kirk. « C'est vraiment grâce à lui que je me suis intéressé à la politique car je devais voter et je ne connaissais pas grand-chose. Je l'ai vu sur TikTok un jour et j'ai commencé à le suivre et écouter ses podcasts, et ça m'a influencé. Mes parents sont conservateurs et je votais pour la première fois, et en l'écoutant je me suis dit que j'étais conservateur », dit-il. Des débats qui séduisaient une génération En plus du travail militant effectué par son organisation Turning Point USA , Charlie Kirk organisait régulièrement des meetings et débats sur des campus. Des débats que loue une jeune étudiante conservatrice de 18 ans. « Il explique les choses d'une façon qui parle à ma génération. Je pense que c'est grâce au format des débats... Il parlait en face à face avec quelqu'un, une personne montait sur scène en expliquant sa position et ses questions et c'était naturel, il n'y avait pas de script. Ma génération voit beaucoup d'infos qui suivent un script donc quand on voit quelque chose qui n'est pas préparé à l'avance, c'est très rafraichissant et c'est plus clair ». Grant Eaddy, lui, préfère ne pas dire pour qui il a voté et n'était pas d'accord avec tout ce que disait Charlie Kirk. Mais aimait les formats de ces échanges. « On n'entend pas les avis des gens aux infos, on entend ceux de personnes qui sont certes plus informées, mais on n'a pas l'avis général de la population, c'est seulement l'avis de ce que les médias estiment que les gens ont ». L'organisation conservatrice fondée par Charlie Kirk a plus de 800 branches dans les campus… Dont une dans cette université. À lire aussiAssassinat de Charlie Kirk: la chasse à l'homme continue, le FBI publie une photo du suspect
Au Ghana, les décharges de vêtements provenant de l'Europe polluent l'environnement. Plus de 120 000 tonnes sont exportées chaque année. Le pays est le deuxième marché d'export de vêtements usagés après l'Asie. De plus en plus de ces habits ne peuvent être vendus. Ils finissent jetés, souvent dans la nature ghanéenne ou dans des décharges informelles, faute d'infrastructures suffisantes pour traiter un afflux de déchets croissant. Reportage de Victor Cariou, depuis ces communautés affectées par des cimetières de la fast fashion, jusqu'au marché de Kantamanto où arrivent ces vêtements. À écouter aussiAccra, poubelle de la fast fashion mondiale À lire aussiSérie d'été - Pollution textile [4/5] : l'envers de la «fast fashion» au Ghana
La Russie a pour but avoué d'occuper la totalité de la région de Donetsk. Or, on ne parle pas uniquement de territoire. Rien que dans les agglomérations de Kramatorsk et Sloviansk, il reste encore près de 100 000 personnes, et ces villes aux allures de garnison sont les dernières grandes forteresses du Donbass à l'arrière du front, qui se rapproche pourtant inexorablement. Reportage à Kramatorsk de notre correspondante Nous sommes à Kramatorsk, à une quinzaine de kilomètres seulement du front, presque à portée d'artillerie, et définitivement à portée des drones russes. Ici, les drapeaux ukrainiens, bleus et jaunes flottent dans toutes les rues. Une énième sirène retentit. Impossible chaque jour de les compter tant elles sont nombreuses, pourtant ici, malgré la présence de bunkers en béton à travers la ville, plus personne n'y prête attention ni ne s'abrite. Dans ce supermarché du centre-ville, où l'on trouve désormais autant de soldats que de civils, Luda, une caissière, explique : « Eh bien, je voudrais rester ici, dans ma maison. Je ne veux aller nulle part ailleurs, vous comprenez ? J'ai travaillé ici toute ma vie, j'ai mes enfants, mes petits-enfants… » À lire aussiUkraine: à Kramatorsk, une ville entre la menace de la destruction et le spectre d'une nouvelle occupation À quelques rues de là, sous-sol, nous retrouvons Anja, une vétérinaire. Pour elle non plus, il n'est pas encore question de partir : « Il y a beaucoup de monde qui est venu ici, bien sûr, ils sont venus de toute la région de Donetsk. Ils sont venus s'installer, ici, à Kramatorsk, mais aussi à Sloviansk. On va partir, mais pas encore. » Pourquoi ? « Eh bien, pas encore, on est déjà partis de là où nous vivions, à Lyman, c'est dans l'autre direction, c'est juste que nous vivons ici depuis trois ans maintenant, enfin un peu moins. Et pendant longtemps, ça allait. Pour l'instant, ça va encore, mais on a un enfant, donc on ne sait pas trop quoi faire. On partira probablement à un moment. » Rester, faute de mieux Dasha, elle, est jeune maman. Malgré les explosions devenues quotidiennes, elle ne voit aucune perspective loin d'ici : « Effrayant, oui ! Mais que faire ? Qui a besoin de nous ? Les loyers sont chers ces temps-ci, et je suis mère célibataire. Il n'y a personne pour m'aider ! » Dans le bazar de la ville, on retrouve des personnes âgées, qui étalent les récoltes de leur jardin, herbes, fruits et légumes. Parfois, même leurs effets personnels qu'ils essaient de vendre afin de boucler les fins de mois. Eux n'ont tout simplement pas les moyens financiers pour fuir. C'est sur cette population que pèse le danger quotidien des bombes russes, ainsi que la perspective d'une nouvelle invasion, dans cette ville déjà occupée pendant quelques mois par les séparatistes soutenus par Moscou en 2014.
En Afghanistan, la population est en état de choc, une semaine après le séisme qui a frappé l'est du pays. La tâche des secours est difficile à cause du terrain, montagneux, courbé et qui bouge au gré des répliques. Plusieurs villages ne sont accessibles qu'en hélicoptère ou à pied, au prix de longues heures de marche. RFI s'est rendu dans le village de Ghonday, dans la province de Kunar, épicentre du séisme. Malgré la présence des pouvoirs publics, les habitants se sentent oubliés. De notre envoyée spéciale à Ghonday, Margot Davier Pour arriver jusqu'au village de Ghonday, dans l'est de l'Afghanistan, il faut compter plusieurs heures de voiture, puis marcher sur un chemin périlleux, entravé par de nombreux rochers. Sherzad, l'un des habitants, n'est pas très à l'aise. « Il y a des secousses tous les jours, presque toutes les heures. Tout est très fragile, et même là, au moment où je parle, j'ai peur que tout s'écroule », confie-t-il. D'ailleurs, son visage se fige à l'approche de son ancienne maison, qui paraît intacte de l'extérieur. Sherzad n'ose pas entrer, depuis le séisme, il préfère dormir dans une tente. « Plusieurs personnes ont été blessées ici et sont restées sous les décombres pendant des heures. Heureusement, au petit matin, nous avons enfin réussi à les évacuer et à organiser leur transport vers à l'hôpital. Je suis terrifié de rester à l'intérieur. S'il y a une secousse, les murs peuvent s'effondrer sur nous. Il vaut mieux sortir », témoigne-t-il. À l'angoisse des répliques, s'ajoute la peur de l'avenir. Sherzad, comme la plupart des hommes du village, est berger. Ses ressources se réduisent. « Nous en avons perdu plusieurs de nos animaux pendant le séisme. Ce sont ceux qui restent. C'est notre seul commerce. Nous sommes dépendants de ces animaux pour vivre. Nous n'avons rien d'autre : nous les vendons, nous prenons la laine, nous mangeons leur viande. On garde les chèvres ici. Normalement, elles gambadent dans la montagne, mais on préfère les garder ici par sécurité », détaille-t-il. Un peu plus loin, se trouve la demeure d'Abdul Sattar, l'un des frères de Sherzad. Il montre des ruines : « Mon frère dormait ici, sur le toit de la maison, et mes enfants se trouvaient à l'intérieur. Tout le monde dormait, quand le séisme a eu lieu. Le toit s'est effondré sur mes enfants, nous avons essayé d'évacuer tout le monde, mais les secours sont arrivés bien après car les routes sont en très mauvais état. Finalement, nous avons réussi à transférer tout le monde. On est contents, les talibans nous soutiennent beaucoup. Ils font du mieux qu'ils peuvent avec les moyens qu'ils ont. » À ses côtés, Sherzad fait la grimace. « Leur soutien n'est pas très significatif. Ce n'est pas assez, nous avons besoin de reconstruction », déplore-t-il. « Mais ils prennent soin des blessés », lui rétorque son frère. Depuis une semaine, la vie des deux frères est suspendue. Deux ans minimum seront nécessaires à la reconstruction de la zone, selon les organisations sur place. À lire aussiAfghanistan: une semaine après le séisme meurtrier, des villages sont toujours inaccessibles
Direction le Japon qui a vécu cette année son été le plus chaud depuis le début des relevés en 1898. Les températures ont régulièrement dépassé les 40 °C. Les deux années précédentes avaient déjà été particulièrement caniculaires. Consternation dans les campagnes puisque, cette année encore, les récoltes seront mauvaises. À cela s'ajoute la colère, car le gouvernement a conclu un accord douanier avec l'administration Trump qui fera mal aux agriculteurs. De notre correspondant à Tokyo, Depuis le début de l'été, cet agriculteur de la région de Saitama, non loin de Tokyo, souffre comme jamais : « Cette année, c'est difficile – et tous les agriculteurs de ce pays vous le diront. Moi qui fais ce métier depuis plus de vingt ans, jamais, je n'avais vécu cela. Une chaleur si démentielle, une sécheresse si interminable et ponctuée, en plus, de précipitations d'anthologie qui dévastent tout. Pour nous, ce fut l'enfer, au quotidien. » Quelques kilomètres plus loin, ce maraîcher constate, désolé, l'ampleur des dégâts. « Regardez ces légumes. Ils sont desséchés, flétris, malingres. C'est ainsi depuis début juillet, quand la température a grimpé jusqu'à atteindre des sommets puis n'est jamais redescendue. Depuis, j'ai passé mes journées à arracher des fruits et des légumes invendables tellement ils étaient mal en point. J'en ai même eu les larmes aux yeux tant je m'étais démené pour eux. Cet été, les deux tiers de ma production iront à la poubelle, donc cela me fera autant de recettes en moins », se lamente-t-il. Et, en termes de revenus, le pire est à venir pour les agriculteurs nippons, car ils vont voir leurs parts de marché s'effondrer en raison de l'accord conclu entre Tokyo et Donald Trump sur les droits de douane. Le Japon s'est engagé à augmenter de 75 % les importations de riz américain détaxé et à acheter pour près de 7 milliards d'euros de maïs, de soja, d'engrais et de bioéthanol aux États-Unis, soit deux fois plus que l'an dernier. Sauf que tous ces produits importés sont moins chers que leurs équivalents vendus dans l'archipel. Les cultivateurs japonais vont donc le sentir passer. Une telle perspective effare cette quadragénaire qui est à la tête d'une exploitation produisant 25 tonnes de soja par an : « Des importations de soja aussi massives, c'est de la folie furieuse. Cela va complètement déstabiliser le marché. Beaucoup de petits producteurs risquent de devoir mettre la clé sous la porte. Pour moi, par exemple, le manque à gagner pourrait se monter à plusieurs millions de yens par an. Franchement, les bras m'en tombent. De la part du gouvernement, on aurait attendu qu'il soutienne les campagnes et pas qu'il les enfonce. » « Les agriculteurs ont été sacrifiés pour amadouer Donald Trump et donc sauver l'industrie automobile nippone », répètent en boucle les réseaux sociaux depuis le début de l'été. Les autorités démentent. Il n'en demeure pas moins que, grâce à ces concessions commerciales relatives à l'agriculture, les voitures japonaises exportées aux États-Unis échapperont à des droits de douane prohibitifs de 27,5 %. En fin de compte, a promis la Maison-Blanche, ils ne seront que de 15 %. Pour Tokyo, cet accord constituait une priorité, et pour cause : près d'un salarié japonais sur dix travaille dans l'industrie automobile, qui, à elle seule, contribue à 3 % du PIB. À lire aussiAutomobile japonaise: le flou est levé sur les tarifs douaniers américains
Au Caire, dans un passage couvert oublié du centre-ville, subsiste un petit salon de manucure hors du temps. Derrière sa devanture vintage, une légende locale veille au grain : Madame Lucie. À 88 ans, elle incarne l'époque révolue des stars de l'âge d'or de la capitale égyptienne et d'un savoir-faire inchangé depuis plus de soixante ans. De notre correspondant au Caire, Martin Dumas Primbault Pénétrer dans le salon de manucure de Madame Lucie, c'est un peu comme remonter dans le temps. Presque caché dans un passage couvert du centre-ville du Caire, l'institut exigu est resté dans son jus, depuis la devanture jusqu'au combiné de téléphone rouge qui reçoit les demandes de rendez-vous. « Moi et mon mari, on voulait travailler ensemble. En 1960, on a pris ce magasin ici. On a commencé petit parce qu'on n'avait pas d'argent. Je ne savais pas ce que voulait dire manucure. J'ai appris à ce moment-là la manucure et la pédicure », se souvient Madame Lucie. Le reste appartient à l'histoire. Aujourd'hui âgée de 88 ans, la dame d'origine arménienne a bichonné les mains des plus grandes stars égyptiennes de l'époque, comme la chanteuse Dalida, les acteurs Omar Sharif et Faten Hamama ainsi que le prix Nobel de littérature Naguib Mahfouz, dont une photo avec Madame Lucie est toujours accrochée au mur. « Il venait chaque mois, toujours le vendredi à 9h30. Il arrivait à 9h20 et déambulait dans le passage puis ouvrait la porte du salon à l'heure exacte », ajoute la patronne. « Nous avons gardé les mêmes méthodes, c'est ce qui fait notre succès » Aujourd'hui, les célébrités ont laissé place à une clientèle plus anonyme. Mais l'esprit, lui, perdure grâce au fils adoptif de Madame Lucie, formé ici même : « J'ai appris avec mon père, le mari de Madame Lucie, ici dans ce salon, en 1971. Madame Lucie m'a élevé depuis l'âge de neuf ans, donc je considère que c'est ma mère ». Un héritage familial donc, mais aussi une méthode immuable. Rien n'a changé en six décennies, ni les produits, ni les gestes : « Ça, c'est l'acétone, pour enlever le vernis à ongle. Ça, c'est de l'antiseptique, pour désinfecter après avoir nettoyé et traité. Et ici, on a de l'eau oxygénée pour enlever les peaux mortes. Nous avons gardé la même décoration et les mêmes méthodes, c'est ce qui fait notre succès », poursuit le fils de l'esthéticienne. Et pour l'ambiance, une radio d'époque coincée entre les solvants et les produits de beauté diffuse les grandes voix du passé. « On n'écoute que les chansons d'antan. Rien de nouveau. Mais tous ces chanteurs sont morts, maintenant », regrette la patronne. Elle, en revanche, est toujours là. Tous les matins à six heures, Madame Lucie ouvre les portes de son salon, fidèle au poste. À lire aussi6 octobre 1981 : le dernier défilé du président égyptien Anouar el-Sadate
Le 4 septembre 2015, dans un discours devenu historique, la chancelière Angela Merkel décidait de ne pas fermer la frontière entre l'Autriche et l'Allemagne. Près d'un million de migrants arriveront cette année-là. Dix ans plus tard, quel bilan tirer de cette vague migratoire sans précédent ? De notre correspondant à Berlin, « Lorsque je me réveillais, ce matin-là, je ne me doutais pas encore que ce vendredi 4 septembre 2015 allait entrer dans l'histoire européenne », écrit Angela Merkel dans ses mémoires. Dix ans après, l'ex-chancelière défend sa décision humanitaire, mais ni en Allemagne, ni en Europe, on n'a fêté ce que d'aucuns ont appelé « the summer of migration ». En Allemagne, dans de nombreux pays voisins et au niveau européen, une politique plus dure est à l'ordre du jour. L'extrême droite hostile aux migrants remporte un peu partout des succès. Pour ces forces, la politique menée par Angela Merkel constitue un chiffon rouge. En Allemagne, l'ex-chancelière a focalisé l'hostilité, voire la haine de l'AfD, le parti d'extrême-droite qui séduit aujourd'hui un quart des électeurs dans les sondages. Les deux tiers des Allemands considèrent aujourd'hui qu'Angela Merkel est responsable par sa politique migratoire de cette montée en puissance de l'extrême droite. À lire aussiL'Allemagne met fin à son soutien financier au sauvetage civil en mer Pourtant, rapidement après 2015, Berlin a « corrigé le tir » pour éviter d'avoir à affronter une vague migratoire qui a suscité des problèmes logistiques, financiers et d'intégration énormes. Le gouvernement Merkel a pris jusqu'au départ du pouvoir de la chancelière diverses mesures pour réduire les flux migratoires. Une politique poursuivie par le gouvernement du social-démocrate Olaf Scholz après 2021. Mais un vent mauvais souffle sur l'Allemagne et l'AfD impose son verbatim. Les autres partis réagissent, à commencer par les chrétiens-démocrates, qui, comme d'autres forces conservatrices en Europe, ont durci leurs positions, pensant par là affaiblir leur concurrence xénophobe sur leur aile droite. Friedrich Merz, l'adversaire de toujours d'Angela Merkel, a concentré l'hiver dernier la dernière ligne droite de sa campagne électorale sur la migration, notamment après des attaques meurtrières dues à des réfugiés arrivés durant la dernière décennie. Depuis le mois de mai et son arrivée au pouvoir, le nouveau chancelier, allié aux sociaux-démocrates, promeut une politique migratoire plus dure. Même si diverses mesures restent symboliques, il s'agit également de détricoter l'héritage de son ex-rivale Angela Merkel. À lire aussiAllemagne : le gouvernement du chancelier Friedrich Merz resserre la vis sur l'immigration « Wir schaffen das ! » « Wir schaffen das ! », (« Nous y arriverons ! ») Sept Allemands sur dix critiquent cette fameuse déclaration de l'ex-chancelière sur l'accueil des réfugiés il y a dix ans et seulement un quart d'entre eux l'approuve toujours. Si l'intéressée, ces dernières semaines, a défendu sa décision et estimé que beaucoup avait été fait depuis, son successeur est clairement sur une autre ligne. « Nous avons, depuis quelques mois, trouvé en partie des solutions aux problèmes que nous traînons depuis dix ans. Il y a beaucoup de choses qui n'ont pas marché. Nous intégrons ceux qui y sont prêts, mais d'autres ne le sont pas et nous devons nous attaquer à ce problème », estimait récemment Friedrich Merz. Le chancelier fait notamment référence à la criminalité et aux attaques commises par des migrants qui ont secoué le pays. Leur exploitation à des fins politiques par l'extrême droite est d'une efficacité redoutable, comme le montrent le succès de l'AfD sur les réseaux sociaux, ou encore les déclarations de responsables du mouvement à la tribune du Bundestag. Un discours de 2018 de la co-présidente de l'AfD, Alice Weidel, est resté dans les mémoires : « Des burkas, des filles qui portent le voile islamique, des hommes armés de couteaux que nous finançons et d'autres bons à rien ne sauverons pas notre croissance et notre système social. » Fin 2015, quelques mois après l'arrivée de milliers de migrants, des agressions sexuelles contre plusieurs femmes lors de la Saint-Sylvestre à Cologne étaient venues ébranler l'image « peace and love » du « summer of migration », même si les auteurs de ces violences n'étaient pas, en majorité, des étrangers fraîchement arrivés en Allemagne. À lire aussiLe nouveau gouvernement en Allemagne ordonne de refouler les demandeurs d'asile à la frontière Certes, le nombre des délits rapportés à la population recule depuis les années 1990, mais les personnes étrangères ou d'origine étrangère sont sur-représentées dans les statistiques. Les experts expliquent que les migrants, souvent des hommes jeunes et citadins, sont issus des groupes où la criminalité en général est la plus forte. Il n'empêche que ces attaques meurtrières marquent l'opinion publique. Le sentiment d'insécurité des Allemands, comme on peut le voir dans les résultats des sondages réguliers, augmente. L'extrême-droite dénonce également régulièrement le pourcentage élevé de migrants percevant l'aide sociale et qui n'ont parfois jamais travaillé. Cependant, l'intégration des arrivants de 2015 sur le marché du travail fonctionne mieux que lors de précédentes vagues migratoires et mieux que dans d'autres pays européens. Leur taux d'activité est similaire à celui de la population globale. Fin 2024, les deux tiers des personnes arrivées en 2015 disposaient d'un emploi, contre une moyenne de 70% en Allemagne. Des différences sensibles subsistent notamment entre le taux d'activité des hommes et des femmes (respectivement de 86% et 33%). Pour ces dernières, ce faible taux s'explique par des raisons culturelles, mais aussi par les difficultés pour la prise en charge des enfants en bas âge en Allemagne. Un problème qui concerne aussi la vague migratoire massive venue d'Ukraine en 2022, au sein de laquelle on trouve majoritairement des femmes avec des enfants. À lire aussiLes projets anti-migrants de la droite allemande « Avec la montée de l'extrême droite, je suis inquiet pour l'avenir » Certains migrants arrivés en 2015 disposent d'emplois qualifiés, on estime ainsi à 5 000 le nombre de médecins syriens en Allemagne. Mais beaucoup occupent des emplois peu qualifiés dans la logistique, les transports, le nettoyage, le bâtiment ou la gastronomie. « Quand on regarde quels métiers ces exilés exercent, il ne s'agit pas de ceux dont on rêve, et souvent, ils ne correspondent pas à leurs qualifications. Ces emplois sont généralement mal payés », analyse le sociologue Jonas Wiedner. Anas Modamani est un exemple d'intégration réussie. Pour le jeune Syrien de 28 ans, qui a obtenu la nationalité allemande et travaille comme vidéaste, Angela Merkel reste une idole. Le jeune homme ne savait pourtant pas qui était cette dame quand elle a débarqué il y a dix ans dans son foyer de réfugiés. Le selfie iconique qu'il fait alors avec la chancelière est entré dans l'histoire. Dans ses mémoires, Angela Merkel écrit sur ce cliché qui a suscité des commentaires haineux sur internet, y compris contre Anas Modamani : « Je n'arrive toujours pas à comprendre qu'on ait pu supposer qu'un visage aimable sur une photo suffirait à inciter des légions entières à fuir leur patrie ». Ce printemps, Anas Modamani a rencontré à nouveau Angela Merkel. Il reste reconnaissant, mais avec des bémols : « L'Allemagne m'a soutenu. J'aime ce pays où je suis chez moi aujourd'hui. Ici, j'ai eu toutes les options possibles pour mon développement personnel. Mais, avec la montée de l'extrême droite, je suis inquiet pour l'avenir. » L'AfD, l'augmentation des actes xénophobes, l'absence de famille, la bureaucratie allemande, une langue difficile ou encore un sentiment d'exclusion suscitent aussi des déceptions et des désillusions. Si quatre réfugiés sur cinq s'estimaient bien accueillis en Allemagne en 2016, les deux tiers seulement tiraient le même bilan il y a deux ans. Après la chute du régime de Bachar el-Assad, le nombre de Syriens prêts à rentrer dans leur pays reste limité. Anas Modamani s'y est rendu et a rencontré ses parents, il veut à l'avenir faire des allers et retours réguliers. Mais Berlin est sa nouvelle « Heimat » : « La majeure partie des Syriens que je connais ici ont un job, un appartement, gagnent en moyenne 2 000 euros par mois. S'ils retournent en Syrie, ils n'auront pas de toit sur la tête, ils auront peur en permanence et gagneront 200 euros par mois, sans électricité ni internet. En comparaison, la vie en Allemagne reste un paradis ». Malgré le recul sensible de la culture de bienvenue, la célèbre « Willkommenskultur », un récent sondage montrait que 98% des réfugiés arrivés entre 2013 et 2019 veulent obtenir la nationalité allemande. ► À lire aussi : Allemagne : à Berlin, les agressions contre les migrants ont doublé en un an
En août dernier, le président argentin avait eu recours à son droit de veto pour bloquer une aide d'urgence aux personnes handicapées votée par le Parlement. Si le chef de l'État avait justifié son geste par sa volonté de préserver à tout prix l'équilibre budgétaire du pays obtenu au prix d'une sévère cure d'austérité, le Sénat pourrait lever ce veto ce jeudi 4 septembre. Reportage au sein d'un foyer accueillant des personnes atteintes de handicap mental. De notre correspondant à Buenos Aires, Directrice générale de la Dinad, Adriana Salomone nous fait visiter l'un de ses établissements: « En tout, l'institution accueille 150 personnes en situation de handicap réparties entre l'école et les deux foyers ». Celui où elle reçoit compte une cinquantaine de pensionnaires et environ autant d'employés - personnels administratifs, assistants sociaux, infirmières et éducateurs. Malena est musicothérapeute : « Je travaille ici depuis 11 ans. Actuellement, l'ajustement budgétaire nous limite beaucoup au niveau du matériel. Qu'il s'agisse des enceintes ou des instruments, je dois tout amener de chez moi », explique-t-elle. Le foyer doit se serrer la ceinture car, depuis l'an passé, le gouvernement a gelé les montants perçus par les établissements accueillant des personnes handicapées. Mais pendant ce temps-là, le niveau des prix et les frais de l'établissement, eux, continuent de grimper. « Nos frais ont augmenté d'au moins 25% et ce que nous recevons n'a pas changé. Donc actuellement, toutes les institutions liées au handicap dépensent plus qu'elles ne reçoivent », rappelle Adriana Salomone. À lire aussiLégislatives en Argentine : la campagne électorale de Javier Milei commence sous les jets de pierre « On doit de nouveau se battre pour la même chose » Même après avoir réduit leurs coûts au maximum, de nombreuses institutions ne peuvent plus payer leurs charges sociales et accumulent les dettes. La directrice de la Dinad alerte sur le risque de fermeture de centres d'accueil pour personnes handicapées : « Si on ne peut plus payer les salaires et qu'on ne peut plus payer les frais à cause du niveau d'endettement, il faudra qu'on ferme. Certains de nos résidents ont vécu ici toute leur vie, ils ne connaissent rien d'autre que ce foyer. Certains n'ont plus de famille, ils n'ont personne. Où vont-ils aller, que va-t-on faire d'eux ? On les laisse à la rue ? ». Pour éviter d'en arriver là, le Parlement a voté le mois dernier une loi déclarant l'état d'urgence en matière de handicap et débloqué des fonds pour assurer le fonctionnement des institutions d'accueil jusqu'à la fin 2027. Mais le président Javier Milei a utilisé son droit de veto pour bloquer le texte, au grand dam de Daniela Vagnenkos, responsable de l'un des foyers de la Dinad : « Le plus rageant, c'est que tout ça, c'était des acquis, des droits qu'on avait déjà obtenus. Et là, on revient en arrière, et on doit de nouveau se battre pour la même chose ». Le veto de Javier Milei à l'aide d'urgence en matière de handicap pourrait être levé par le Parlement ce jeudi 4 septembre. Si l'opposition réussit à réunir une majorité des deux tiers, elle pourrait mettre un coup d'arrêt à la cure d'austérité imposée par le président argentin. À lire aussiArgentine : le prestigieux hôpital pédiatrique Garrahan de Buenos Aires au bord de l'effondrement
En Ukraine, la religion vit au rythme des soubresauts de la politique. Après la création d'une église orthodoxe d'Ukraine indépendante de Moscou en 2018, le gouvernement a fait passer en 2024 une loi qui permet de poursuivre en justice toutes les églises encore affiliées à l'orthodoxie russe et soupçonnées d'ingérence pro-russe. Sur le terrain, religieux et fidèles ne peuvent que subir les pressions qui s'exercent à des fins partisanes. Reportage dans le village de Bobryk, dans la région de Kiev. De notre correspondante de retour de Bobryk, ► Un reportage à retrouver en version longue dans Accents d'Europe À lire aussiLes vétérans ukrainiens victimes des coupes budgétaires américaines
Au Japon, la crise du riz n'en finit plus. Tout au long de l'hiver puis du printemps, le prix de cette céréale s'était envolé, jusqu'à coûter près de deux fois plus cher que l'an dernier. En raison notamment de mauvaises récoltes dues au réchauffement climatique et du nombre sans précédent de touristes étrangers visitant l'archipel. Les restaurants ne désemplissent pas, ce qui fait autant de riz en moins dans les foyers. Après une accalmie de quelques mois, voilà que le prix de cette céréale repart de nouveau à la hausse ces dernières semaines. De quoi mécontenter les consommateurs, d'autant que les deux alternatives qu'on leur propose ne vont pas de soi. De notre correspondant à Tokyo, Le riz n'est plus 90 % plus cher que l'an dernier : désormais, la hausse est de 40 % à 60 % selon les variétés. Ce qui reste beaucoup trop pour cette Tokyoïte : « En tant que maman, je dois veiller à ce que mes deux garçons mangent à leur faim et soient en bonne santé grâce à une alimentation équilibrée mais, avec une telle inflation, cela devient vraiment un tour de force, au quotidien. » Les autorités ont réussi à atténuer l'envolée du prix du riz en mettant sur le marché des centaines de milliers de tonnes de cette céréale qui étaient stockées dans les entrepôts gouvernementaux en prévision de situations d'urgence éventuelles : une catastrophe naturelle majeure, par exemple. Mais ce riz déstocké, moins cher que le riz de marque ou primeur, a été récolté il y a plusieurs années. Il ne fait donc pas l'unanimité parmi les consommateurs : « Cela ne m'enchante pas du tout de manger du riz aussi vieux, mais je n'ai pas le choix : le riz ordinaire n'est plus à ma portée, financièrement », réagit un consommateur. Un autre ajoute : « Je mange du riz déstocké, mais, à mes enfants, je donne du riz qui vient d'être récolté. Cela me paraît plus prudent. » Pour certains consommateurs, cela leur est égal : « Moi, franchement, je m'en fiche : je ne goûte pas la différence entre le vieux riz et le riz nouveau ». Et enfin, certains s'adaptent : « Je mélange ces deux types de riz. Ce n'est pas l'idéal, pour sûr, mais, au final, c'est passable en termes de goût. Sans plus. » À lire aussiLe riz japonais flambe, une exception dans un marché mondial à la baisse Le riz importé de Taïwan, des États-Unis ou de Corée du Sud est nettement moins cher que le riz japonais. Est-il légitime d'en consommer ? Faut-il privilégier la production nationale pour ne pas risquer de fragiliser les riziculteurs nippons ? C'est me débat du moment dans l'archipel : « Nos riziculteurs redoutent que les consommateurs se détournent de leur production et optent pour du riz importé. Ils jugent qu'ils devraient pouvoir bénéficier d'une sorte de "préférence nationale'', en somme », répond un consommateur. Un autre explique : « Si des tonnes et des tonnes de riz bon marché arrivent de l'étranger, ce sera le coup de grâce pour nos cultivateurs et nos campagnes vont dépérir. C'est un risque que les consommateurs doivent garder à l'esprit. » « Je rêverais de privilégier nos riziculteurs et culpabilise donc beaucoup d'acheter du riz californien, mais je ne peux absolument pas faire autrement. Mon budget n'arrive plus du tout à suivre avec de telles hausses de prix alors que mon salaire, lui, n'augmente pas », reconnaît un troisième. L'inflation atteignant un niveau qui est sans précédent depuis trente ans et cette crise du riz s'éternisant, l'opinion manifeste son mécontentement. Pour preuve, la coalition de droite au pouvoir a été sèchement battue aux deux dernières élections nationales qui se sont tenues. Au point d'être désormais minoritaire au Parlement, du jamais vu. À lire aussiAu Japon, en pleine pénurie, on ne badine pas avec le riz
Il y a dix ans, l'Allemagne faisait face à l'arrivée de plus de 890 000 réfugiés. L'année 2015 a marqué un tournant dans l'histoire du pays, et le 31 août, la chancelière prononçait une petite phrase devenue depuis un morceau d'histoire, « Wir schaffen das », soit « nous y arriverons », en référence à l'intégration de ces personnes. Dix ans plus tard, portrait d'un jeune Syrien qui a parfaitement réussi son intégration et qui s'inquiète du tournant politique pris par sa nouvelle patrie. De notre correspondante à Berlin, Un reportage à retrouver en entier sur la page du podcast Accents d'Europe. À lire aussi«Wir schaffen das»: dix ans plus tard, la politique migratoire d'Angela Merkel divise l'Allemagne
La Turquie est un pays à majorité musulmane, mais compte de nombreuses églises et de nombreux endroits très symboliques pour le christianisme. À Istanbul, tous les premiers jours du mois, une église réputée pour ses miracles, accueille les locaux et les touristes de toutes les religions, qui font la queue pour pouvoir faire un vœu. Elle attire beaucoup de monde, peu importe les obéissances. De notre correspondante à Istanbul, Une file d'attente s'étire dans la rue à l'extérieur de l'église grecque orthodoxe. Tous les premiers du mois, Notre-Dame-de-Vefa ne désemplit pas : de nombreuses personnes viennent faire un vœu, symbolisé par une clef. Aigül est kazakhe, de passage à Istanbul. À ses côtés, sa mère tient deux clefs dans ses mains : l'année dernière, elle avait fait deux vœux qui se sont réalisés, alors elle est venue ramener ces clefs comme l'indique la tradition. De son côté, Aigül est venue faire un souhait à son tour : « Je me suis renseignée sur cet endroit et beaucoup de gens pensent que leurs rêves se sont vraiment réalisés. Alors, moi aussi, je veux voir si c'est vrai. C'est intéressant et ma mère m'a dit que ses rêves se sont réalisés, c'est pourquoi elle a donné des bonbons. » Comme elle, certaines personnes remontent la file en offrant des sucreries, car leur vœu s'est réalisé. Ici les croyances se mélangent, en témoignent quelques chaussures laissées à l'entrée de l'église, comme à l'entrée d'une mosquée. Mine est turque et c'est une habituée : « Je suis musulmane. Mais je fréquente cette église depuis de nombreuses années. J'essaie surtout de ne pas manquer les premiers jours du mois. Cela m'apporte la paix. J'ai l'impression d'être guérie. Je prie. Je prie dans ma propre langue, selon ma propre religion. Je dis qu'Allah est unique. Je prends de l'eau des sources d'Ayazma. Je m'en sers pour me laver le visage le matin. » L'église, dédiée à la Vierge Marie, est construite sur une source d'eau considérée comme sacrée et réputée pour ses miracles. Notre-Dame-de-Vefa dépend du patriarcat œcuménique de Constantinople. Pour le père Hieronymos Sotirelis, en plus d'être un endroit religieux symbolique, c'est aussi un exemple du vivre-ensemble : « Cela permet à l'humanité de se rassembler, d'une manière magnifique qui fait abstraction de toute politique, idéologie personnelle et tout ce qui s'y rapporte. Nous sommes tous simplement des enfants de Dieu, debout ensemble, attendant sa grâce dans une petite cour d'église. La personne derrière moi est orthodoxe, celle devant moi est musulmane, celle après elle est arménienne… c'est un magnifique reflet de ce que l'humanité peut être. » Pour le père, l'église Vefa est à l'image d'Istanbul, un mélange historique de communautés et de religions. Mais les chrétiens représentent aujourd'hui moins de 1 % de la population turque, témoins du douloureux passé de la communauté. À lire aussiL'Église orthodoxe dans les relations internationales
En Corée du Sud, une cheffe nord-coréenne fait découvrir un aspect méconnu de son pays d'origine : sa gastronomie. Le régime nord-coréen est plutôt connu pour son manque de denrées alimentaires, mais il existe tout de même une véritable culture de la table. Une cuisine que la cheffe de 61 ans souhaite mettre au service de la réunification des deux pays. De notre correspondant à Séoul, En plein centre de Séoul, sur les pentes d'une colline, un restaurant pas comme les autres. Impossible de trouver ici les plats typiques de la cuisine sud-coréenne, riche et épicée. C'est une cuisine plus simple, plus subtile, qui vient tout droit de Corée du Nord. Une cuisine de survie comme l'explique la cheffe, Lee Ae-ran, réfugiée nord-coréenne qui partage aujourd'hui son savoir-faire de la cuisine nord-coréenne. Nous la retrouvons aux fourneaux de son restaurant, elle prépare un onban, un plat typiquement nord-coréen, méconnu au Sud : « Alors, la recette ? Ce sont des ingrédients simples, car on en manque au Nord. On sert du riz, des lamelles de poulet, du bouillon de poulet, des champignons, des pousses de soja et une galette d'haricot mungo sur le dessus. On verse le bouillon chaud par-dessus. C'est nourrissant, digeste, bon pour la santé, et apprécié notamment en période de régime. Beaucoup de réfugiés nord-coréens qui ont connu ce plat dans leur jeunesse en sont nostalgiques. » Comme ses compatriotes, Lee Ae-ran cultive ses souvenirs dans sa cuisine. Chacune de ces recettes est liée à une rencontre, un lieu, une mésaventure qu'elle a vécue dans le régime. « Je suis originaire de Pyongyang, la capitale, mais ma famille en a été expulsée par le régime car mes grands-parents étaient propriétaires terriens. On a été envoyés dans un camp de "rééducation révolutionnaire" avant de s'enfuir, plus tard. J'ai récemment écrit un livre dans lequel je partage mes souvenirs de ces moments difficiles au travers de ce qu'on trouvait à manger. » Le plat terminé, on peut se mettre à table. L'onban, manquant d'épices, difficile à trouver au Nord, est particulièrement apprécié des étrangers, notamment des Français, selon la cheffe. Pour Lee Ae-ran, la cuisine a un véritable pouvoir de rapprochement des peuples. Elle souhaite mettre son savoir-faire au service de la réunification des deux Corées, séparées depuis 80 ans. « Je pense que la réunification commence autour de la table. Partager un repas, c'est déjà établir un lien. En Corée du Sud, il est difficile pour les Nord-Coréens de vraiment s'intégrer, car nous n'avons pas la même culture. En revanche, tout le monde mange, chaque jour. À travers la cuisine, on peut communiquer de manière plus accessible, plus humaine. » Depuis son arrivée en Corée du Sud en 1997, Lee Ae-ran n'a cessé de plaider pour la réunification des deux Corées et l'intégration des réfugiés nord-coréens en mettant toujours sa cuisine au cœur de son engagement. À lire aussiSéoul: Lee Ae-ran, réfugiée nord-coréenne et fière de sa cuisine
« Dans mon Chinatown », c'est le nom de notre série d'été sur RFI. On vous emmène explorer les quartiers chinois des grandes villes du monde. Aujourd'hui, direction Port-Louis à l'île Maurice, où les Chinois ne représentent que 3 % de la population, mais leur présence rayonne bien au-delà des chiffres. La communauté chinoise est à la fois discrète, bien intégrée, métissée et économiquement influente. Le Nouvel An chinois est d'ailleurs un jour férié dans l'île. Au cœur du Chinatown mauricien, traditions, gastronomie et mémoire des anciens se mêlent aux visages de toutes les communautés. De notre correspondant à Port-Louis, Dans les ruelles de Chinatown à Port-Louis, le mandarin résonne encore. Aujourd'hui, notre présence attire la curiosité. Aaron Kwang Poon nous accompagne. Né ici, il connaît l'histoire des commerçants chinois à Maurice. « Au pic de leur activité, il y avait environ 300 boutiques chinoises à travers Maurice. Pratiquement dans chaque village, il y avait au moins une boutique chinoise. » Ces petits commerces ont nourri l'île pendant des décennies avant et après l'indépendance. Ils ont approvisionné la population en denrées de base, tissant leurs racines dans chaque communauté locale. Pour sa part, Chinatown à Port-Louis reste un haut lieu du commerce. Dans les rues, on croise davantage une population locale diverse que des Mauriciens d'origine chinoise. Mais les grands symboles sont là : l'arc monumental de la rue Royale, ombrelles, et lanternes qui ponctuent façades et allées, ainsi que les enseignes en caractère chinois. C'est ici qu'Amélie, 88 ans, venue de la ville la plus éloignée de Port-Louis, fait ses courses : « J'habite à Curepipe. Je viens acheter des choses, ce qui me manque. » « Tous les Mauriciens adorent ça » Elle s'arrête devant une épicerie Yue Hwa, rue Dr Sun Yat Sen. Dans ce petit espace, un concentré de Chine : « Des ailerons de requin, des nids d'hirondelles, et des œufs de 100 ans », détaille le commerçant. Produits rares, nouilles, graines, fruits séchés, ustensiles, tout l'univers culinaire chinois dans quelques mètres carrés. La gastronomie chinoise est le fast-food préféré dans l'île : « Les nouilles frites, les "mines frites", le riz frit et les boulettes sont devenus des plats mauriciens. » Siddick Yerally, 82 ans, se joint à la conversation. Dans le quartier, tout le monde l'appelle Nala : « Tous les Mauriciens adorent ça ! Même rue Desforges, il y a un restaurant chinois musulman, halal, et c'est rempli tous les soirs. » Nala est musulman, marié à une Chinoise. Certains l'appellent Ah Young. Il siège à la Chinatown Foundation et il veut nous montrer les trésors du quartier : « Là, je vais vous emmener à la pagode, elle appartient au clan des Chan. » Une communauté influente Les descendants chinois de Maurice ont maintenu les liens claniques. Il existe une bonne dizaine de clans chinois à Maurice. À 200 mètres, nous découvrons une autre pagode, celle du clan Fock qui trône au 9e étage d'un immeuble résidentiel. Dans la pagode, des stèles en bois portent les noms des ancêtres, sous le regard de Kwan Tee, le guerrier légendaire. Au rez-de-chaussée, rencontre avec Bernard Li Kwong Ken qui nous explique ce que son nom dit de ses racines et de son identité : « En Chine, je m'appellerais Li Sui Chong. Nous gardons à travers les générations le nom du clan Li. Mon grand frère, c'est Li Kwet Chong, moi Li Sui Chong, mon petit frère Li Moy Chong. » Li (ou Lee), c'est le lien commun. Bernard est un descendant du clan Li, le deuxième nom le plus répandu de Chine. Comme beaucoup de Sino-Mauriciens, il porte aussi un prénom catholique. La plupart fréquentent l'église, héritage de l'intégration mauricienne. Cependant, cette population décline : de 40 000 âmes dans les années 1980 à environ 12 000 aujourd'hui. Les jeunes émigrent vers l'Australie, le Canada. Malgré cela, les Sino-Mauriciens demeurent une influente communauté économique dans l'île. À lire aussiDans mon Chinatown: visite guidée de Lognes, première ville asiatique de France
Avec la suspension de l'aide américaine, le camp d'Al-Hol, en Syrie, fait face à une crise humanitaire grandissante. Tandis que les familles peinent à subvenir à leurs besoins, les autorités locales redoutent une aggravation de la situation et un possible regain du groupe État islamique. De notre envoyé spécial à Al-Hol, Plus de cinquante femmes, vêtues de noir, se tiennent à l'intérieur d'une petite boutique du marché du camp d'Al-Hol, en Syrie, qui abrite des milliers de familles de membres de Daech [l'acronyme en arabe du groupe terroriste État islamique, NDLR]. Elles attendent d'entendre leur nom pour recevoir un virement envoyé par leurs familles. Depuis que les États-Unis ont suspendu les programmes d'aide destinés au camp, ces virements sont devenus la principale source de revenus des familles pour acheter de la nourriture et des vêtements, selon deux femmes ayant requis l'anonymat : « La situation est très difficile, témoigne dit une. Je suis venue récupérer un virement au centre, car nous vivons actuellement uniquement grâce aux transferts d'argent envoyés par nos familles à l'étranger. Récemment, nous avons été coupés d'Internet, malgré nos demandes répétées pour son rétablissement. Nous sommes entièrement contrôlés, comme si nous étions en prison. Ils font de nous ce qu'ils veulent, et voilà que l'électricité et l'eau viennent aussi d'être coupées. » « Nous sommes des personnes âgées. Mon mari est handicapé et reste toujours dans la tente, s'agace une autre habitante du camp. Depuis plusieurs jours, il n'y a plus de médecins ni de soins médicaux. Même la simple distribution de médicaments a cessé, et maintenant, les habitants du camp meurent sur place à cause des maladies. » « Les enfants ont besoin de lait » La décision des États-Unis a entraîné un déficit de 60 % des coûts opérationnels et des aides pour le camp d'Al-Hol, affectant notamment les programmes de soins médicaux. Toutefois, selon la directrice de l'administration civile du camp Haval Jihan, certains programmes ont été maintenus jusqu'à la fin du mois de septembre prochain : « Ce système où l'aide s'arrête un mois, reprend un autre mois, puis s'interrompt à nouveau ne peut pas fonctionner. Nous restons dans l'incertitude, sans savoir ce qui nous attend. Parfois, l'aide est suspendue pendant deux jours, puis revient pour trois mois. Ce n'est pas viable. Nous avons commencé à chercher une alternative au soutien américain, mais honnêtement, c'est une tâche extrêmement difficile. » La ministre des Affaires étrangères de l'administration autonome kurde Ilham Ahmed craint que l'arrêt des aides n'accélère la fermeture du camp et ne favorise ainsi la résurgence de Daech : « Sans financement, le camp sera hors de contrôle. Les enfants ont besoin de lait et il n'y en a pas. Il y a un grand nombre d'enfants et de nourrissons ici, et si nous ne pouvons pas répondre à leurs besoins, la situation deviendra incontrôlable. Il y aura des révoltes, des manifestations, et bien d'autres problèmes plus graves. » Selon les chiffres officiels, le camp abrite plus de 60 000 personnes issues de familles de Daech, originaires de 43 nationalités différentes. À lire aussiSyrie: au camp d'Al-Hol, «il est urgent de trouver une solution»
En Inde, la coalition d'opposition affirme que les dernières élections ont été truquées. Le Parti du Congrès dit avoir identifié de nombreuses anomalies sur les listes électorales, avec de faux électeurs ajoutés pour faire pencher les scrutins en faveur du parti nationaliste hindou du Premier ministre Narendra Modi. L'opposition mène depuis dix jours une grande marche à travers l'État du Bihar pour mettre en garde les électeurs. Sous la moiteur de la mousson, des milliers de paysans en turban et de femmes en sari sont venus écouter Rahul Gandhi, le leader de l'opposition. Il harangue la foule au lancement d'une marche de 14 jours à travers le Bihar, qui compte 130 millions d'habitants : « Mes amis, dans toute l'Inde, les élections vous sont volées. Les listes électorales sont trafiquées : des électeurs fantômes y sont inscrits, d'autres en sont exclus. Le peuple du Bihar ne se laissera pas faire ! » Dans cet État, un des plus pauvres de l'Inde, les électeurs sont appelés aux urnes en octobre. Or, ici aussi, l'opposition redoute des fraudes, alors que le pouvoir central a décidé de mettre à jour les listes électorales du Bihar. Rupam Yadav, professeure dans la capitale Patna, est venue saluer le cortège de l'opposition : « Des travailleurs pauvres, des migrants qui vivent ailleurs mais votent ici, sont radiés des listes électorales en priorité. Pourquoi ? Parce que le pouvoir sait que les plus démunis ne peuvent faire valoir leurs droits et soutiennent en majorité l'opposition. » Ceux qui s'estiment injustement radiés ont jusqu'au 1er septembre pour se signaler. C'est trop peu, juge l'opposition, alors que 30 % des habitants du Bihar sont analphabètes. Sur le chemin de la marche, certains nous font part de leur fatalisme, comme ce vendeur de 84 ans : « Oui, les élections sont manipulées par le pouvoir. Mais beaucoup de partis, une fois élus, se sont livrés à des fraudes. » À lire aussiInde: le Parti du Congrès présente des «preuves» du trucage des élections D'autres, comme cet agriculteur, sont préoccupés par la situation économique : « Le problème du Bihar, c'est le chômage. À cause de cela, nos jeunes quittent la région. La priorité est d'ouvrir des usines ! » Le défi est pour l'opposition de convaincre une population parfois résignée face aux fraudes politiques. Achala Singh, candidate du Parti du Congrès au Bihar, se dit optimiste : « C'est justement pour convaincre les électeurs défavorisés que Rahul Gandhi a choisi de marcher dans le Bihar. Et les foules qui viennent voir ses discours montrent qu'ils se sentent concernés par son message de défense de la démocratie. » La Commission électorale, de son côté, assure que les élections en Inde sont équitables et transparentes. Son incapacité à fournir des réponses précises aux accusations de l'opposition nourrit cependant le succès de la marche, qui prendra fin le 1er septembre. À lire aussiInde: enquête ouverte pour blanchiment d'argent contre Sonia et Rahul Gandhi
« Dans mon Chinatown », c'est une série spéciale de RFI. Nous vous emmenons à la découverte des quartiers chinois des grandes villes du monde. Aujourd'hui, direction Mexico. Installé dans une rue du centre-ville, son Chinatown est le plus petit quartier chinois du monde. Plusieurs générations de Chinois s'y succèdent depuis l'arrivée des fondateurs, après la Seconde Guerre mondiale. Mais de plus en plus, les commerces chinois s'étendent hors des frontières du quartier et éclosent dans tout le centre-ville. De quoi réveiller la colère des commerçants mexicains. Un reportage de Marine Lebègue. À lire aussiAustralie: à Sydney, le Chinatown de Burwood bouscule la politique locale À lire aussiDeux Chinatown à Johannesburg: focus sur la plus grande communauté asiatique en Afrique
À travers les films, les musiques ou les photographies, les favelas sont un symbole du Brésil. Ces quartiers pauvres et très densément peuplés sont aussi devenus des attractions touristiques. En 2023, les favelas de Rocinha et Vidigal étaient même plus visitées que le Pain de sucre et le Corcovado. En grande majorité, les touristes sont étrangers. Reportage dans la plus grande favela du Brésil, Rocinha, à Rio de Janeiro, où vivent près de 100 000 personnes. De notre correspondante à Rio de Janeiro, Le tour de la favela de Rocinha commence au sommet, après avoir grimpé la rue principale accrochée à un chauffeur de moto taxi. La douzaine de touristes européens admire la vue de Rio, sa baie, ses montagnes et ses contrastes sociaux. Au loin, la favela de Dona Marta, où Michael Jackson a tourné un clip, et à nos pieds, le très sélect Jockey Club. Nathalie, touriste venue de Pologne, tenait à visiter une favela au Brésil : « On voulait voir la réalité de la ville. Pas seulement passer nos vacances sur les plages de Copacabana ou Ipanema, mais aussi découvrir la vraie vie. Et on était assez curieux de la violence. Mais le fait d'avoir des guides locaux fait toute la différence. » Elle a choisi l'agence Trip in Rio. À sa tête, Milena Fernandes, qui a grandi à Rocinha. Plutôt que des photos « instagrammables », elle veut privilégier l'expérience de ses touristes. « J'aimerais que, dans leur avion de retour, les touristes se souviennent de cette jeune qui a discuté avec eux et qui leur a fait voir un autre côté de la ville de Rio. Parce que tous les symboles de Rio, comme la samba, ça a commencé ici. Donc, la meilleure façon de visiter la ville, c'est en immersion dans une favela », affirme Milena Fernandes. « Notre but, c'est de montrer la culture d'ici » La croissance du tourisme dans les favelas créé des emplois locaux. Une application a été mise en place pour tenter d'encadrer et mesurer l'ampleur du phénomène. Partenaire de Milena, Taina de Sousa parle de tourisme « conscient » : « Notre but, c'est de montrer la culture d'ici, qu'il existe des projets sociaux dans la favela et que c'est quelque chose qui change vraiment la vie des gens. On va aller voir une démonstration de capoeira. Les élèves de cette école participent à des tournois à l'étranger. » On emprunte un escalier étroit pour arriver sur cette terrasse où les groupes de touristes se succèdent. Un jeune homme prend la parole pour remercier l'assemblée et faire un appel aux dons. Beaucoup de jeunes des favelas voient désormais l'apprentissage de l'anglais comme une priorité. Rafael Santana est venu d'une favela du nord de Rio pour guider ce tour, et donner une vision alternative à celle des médias : « J'apprécie cette opportunité de pouvoir raconter comment c'est de vivre dans une favela. Comment c'est de grandir, quelles sont les difficultés, mais aussi les avantages. Parce qu'en grandissant dans une favela, on apprend très jeune à s'adapter à certains types de situations qui nous font devenir adulte un peu plus vite. » Ce type de visites se concentre dans la zone sud, où se trouvent les principales attractions touristiques. Mais Rafael espère un jour attirer des touristes dans les quartiers au nord de la ville. À lire aussiBrésil, deux ans après les émeutes de 2023 : «Une blessure ouverte qui prendra du temps à cicatriser»
« Dans mon Chinatown », c'est une série d'été de RFI qui vous emmène dans les quartiers chinois des grandes villes du monde. À Sydney, en Australie, un peu plus de 10% de la population est d'origine chinoise. C'est particulièrement vrai dans le quartier très dynamique de Burwood, où près d'un habitant sur deux est d'origine chinoise. Il abrite par ailleurs un marché de nuit où se pressent chaque année près de 10 millions de visiteurs, attirés par les délices de la gastronomie chinoise. Ce quartier, à l'image de la communauté sino-australienne dans son ensemble, reflète également un basculement politique des conservateurs vers le parti travailliste. De notre correspondant à Sydney,
En Thaïlande, près d'un mois après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu avec le Cambodge, les affrontements se sont calmés dans les zones frontalières. Fin juillet, après deux mois de tension, un très ancien différent frontalier avait été ravivé durant cinq jours, faisant au moins 36 morts et 300 000 déplacés. Malgré la fin des combats armés, les habitants des provinces frontalières de Sisaket et Ubon Ratchathani, à quelques dizaines de kilomètres du Cambodge, sont encore loin d'être rassurés. De notre correspondante de retour de Sisaket et Ubon Ratchathani, Des étagères calcinées, des gels douches à moitié fondus, des bris de verres qui tapissent le sol… Il ne reste presque rien du 7-Eleven de la station service de Ban Phue, frappé le 24 juillet 2025 par des roquettes attribuées au Cambodge. Bilan : huit morts, dont plusieurs enfants, et 19 blessés. Jeab, femme de ménage dans la station, n'entend plus de l'oreille gauche : « L'explosion a été si forte que mon corps est resté engourdi, je n'entendais plus rien. Et maintenant, même quand j'entends le tonnerre, je pars me cacher. » Des passants viennent déposer des fleurs et des amulettes bouddhistes en hommage aux victimes, et les boutiques restent fermées. Jeab, elle, vient de reprendre son travail ici : « J'ai peur que ça recommence. Mais je dois travailler. Sinon, je ne vois pas de quoi je vais vivre. » Sa patronne, Auan, doute du cessez-le-feu. Elle parle des trois soldats thaïlandais blessés au début du mois d'août, d'après l'armée, par des mines cambodgiennes. Elle est inquiète pour l'avenir du magasin : « L'assurance ? On ne sait même pas si elle nous aidera. Ils disent que ça ne rentre peut-être pas dans les cas couverts. Les pertes dépassent déjà quinze millions de bahts [461 000 euros]. Deux millions [61 000 euros] de marchandises sont parties en fumée et près d'un million [30 000 euros] en liquide. » À lire aussiCambodge-Thaïlande : « Il y a une méfiance très grande entre les deux pays » « La peur est toujours là » Dans la province voisine, à quelques kilomètres de la frontière cambodgienne, le marché de Nam Yuen a rouvert, mais trop peu de clients sont là, d'après cette vendeuse de légumes : « Chez les clients, la peur est toujours là… Certains avaient évacués, sont revenus puis repartent car la situation n'est pas stable. » À côté de son étal, des militaires en treillis font leurs courses. La vendeuse n'en avait jamais vu autant patrouiller dans la zone : « La dernière fois, en 2011, le conflit ne s'était pas rapproché autant. Mais cette fois, c'est tout près. » Plus loin, dans le hameau de Bang Na, des adolescents volontaires réparent les toitures et les façades. Quatre maisons ont été détruites et une vingtaine d'autres touchées par des éclats d'artillerie. Paeng et sa famille sont relogés dans des préfabriqués du gouvernement. « Le gouvernement dit qu'il reconstruira en moins de deux mois. C'est déjà bien qu'ils nous aident, ça redonne un peu de courage », salue Paeng. En regardant son terrain, désormais vide, il retient ses larmes : « Je suis triste… J'ai du mal à trouver les mots… Tout est allé si vite… Ici, c'est correct, mais ce n'est pas notre maison. On vit à plusieurs dans une même pièce : mon père malade, couché au lit, et une mère âgée à m'occuper. On vit dans du provisoire, avec des tuyaux raccordés à la va-vite. » Comme beaucoup, Paeng espère que la trêve va durer. Lors de leurs dernières réunions, la Thaïlande et le Cambodge ont dit tout faire pour, mais les relations entre les deux pays restent dégradées. À lire aussiThaïlande-Cambodge : après les affrontements, l'angoisse des étudiants khmers restés à Bangkok
« Dans mon Chinatown », c'est une série d'été de RFI qui vous emmène dans les quartiers chinois des grandes villes du monde sur tous les continents. On s'arrête aujourd'hui en Afrique du Sud, pays qui compte la plus importante communauté chinoise du continent. Les premiers migrants sont arrivés dès le XVIIᵉ siècle, envoyés au Cap par les autorités coloniales en tant que prisonniers ou esclaves. Après plusieurs vagues de migration, on estime aujourd'hui que cette communauté compte entre 250 000 et 350 000 personnes. À Johannesburg, deux Chinatown distincts retracent leur histoire. De notre correspondante à Johannesburg, Sur la rue Commissioner, le magasin Sui Hing Hong est une institution. Malgré le déclin et la dégradation du vieux centre-ville, il continue vaillamment à rappeler à tous que se trouvait ici, le premier Chinatown de Johannesburg. C'est la mère de Gloria Pon qui a ouvert cette boutique dans les années 1940. « Elle disait qu'elle voulait établir un endroit où il y aurait tous les produits chinois dont on avait besoin : nos médicaments, notre nourriture, des bols et des baguettes », se souvient sa fille. La communauté chinoise sud-africaine est le fruit de vagues successives de migration. À Johannesburg, des travailleurs sous contrats ont été envoyés dès la création de la ville, suite à la découverte d'or à la fin du XIXᵉ siècle. Mais la majorité de ces mineurs sont ensuite rentrés au pays. Ceux arrivés plus tard, pour faire fortune, de la région de Canton par exemple – comme la famille de Gloria Pon –, ont été interdits de licence minière en raison de leur couleur de peau et se sont tournés vers le commerce. Ils ont alors développé tout un petit écosystème au niveau de cette rue. Le frère de Gloria, Walter, est surnommé le « maire » de Chinatown, en raison de sa passion pour l'histoire de la communauté. « Voici un autre bâtiment très ancien, des années 1900. C'est la propriété du club chinois. En ces temps-là, lorsque les Chinois arrivaient en Afrique du Sud, ils n'avaient pas de famille. Donc ils étaient accueillis ici, jusqu'à ce qu'ils trouvent un travail. Et lorsqu'ils mourraient, qui les enterraient ? Le club », explique-t-il. L'octogénaire se souvient notamment de la vie sous apartheid et des discriminations subies : « Quand on voulait s'asseoir dans un train, il fallait aller dans la zone réservée aux Noirs, une zone qui était sale, détériorée. La zone des Blancs était toute propre, mais on ne pouvait pas y accéder. » À lire aussiAfrique du Sud: l'August House, la grande colocation d'artistes en plein centre de Johannesburg Aujourd'hui, ne reste que quelques restaurants, témoins de cette histoire, ainsi que la boutique de feux d'artifices tenue par un autre frère de la famille Pon. Il faut se rendre à une poignée de kilomètres de là, dans l'ancienne banlieue juive de Cyrildene, pour découvrir le deuxième Chinatown de Johannesburg. Ce sont d'autres flux de migration qui lui ont donné naissance : d'abord des Taïwanais, encouragés à venir dans les années 1980 par le gouvernement de l'apartheid qui entretenait des liens avec Taipei. Puis, il y a eu de nouvelles arrivées du centre de la Chine, lorsque la démocratie sud-africaine s'est rapprochée de Pékin. Evonne Chen, 22 ans, est serveuse dans un petit café situé au pied de l'immense arche colorée qui marque l'entrée du quartier. Dans sa famille, elle est la première génération née sur place : « Je travaille à mi-temps ici, car j'étudie également les ressources humaines. Ce sont mes grands-parents qui sont venus ici, vers 1992-1993. Nous n'avons pas l'intention de rentrer, puisque ici, c'est un très beau pays. Moi, je parle taïwanais et mandarin, car mes grands-parents ne parlent pas anglais. » Nous retrouvons à l'extérieur Ufrieda Ho, qui a beaucoup écrit sur le sujet, et notamment sur sa propre famille. Ces lieux sont finalement, pour elle, à l'image de la communauté : divers et composites. « Ce n'est pas un groupe homogène, il y a beaucoup de nuances et de différents contextes. Je pense que c'est pour ça que ces deux Chinatown sont distincts : cela raconte les différentes formes de migrations et leur interaction avec la politique sud-africaine de l'époque », explique-t-elle. Malgré de forts liens entre Pékin et Pretoria, deux membres des Brics, les conditions économiques ont rendu l'Afrique du Sud moins attractive, ces dernières années, pour les nouveaux migrants chinois.
« Dans mon Chinatown », c'est une série d'été de RFI qui vous emmène dans les quartiers chinois des grandes villes du monde sur tous les continents. La région parisienne compte plusieurs Chinatown, peuplés non seulement de personnes d'origine chinoise, mais aussi venues d'Asie du Sud-Est, du Cambodge, du Laos et du Vietnam. Parmi elles, beaucoup de Chinois ayant d'abord immigré dans ces pays-là, avant de fuir les dictatures communistes. Désormais, la ville la plus asiatique de France se situe en banlieue est-parisienne, à Lognes, où près de la moitié des 15 000 habitants est d'origine asiatique. À lire aussiDans mon Chinatown : Bangkok, une ville pleine d'authenticité et de créativité
La Syrie fait face à son été le plus sec depuis 60 ans. Les pertes en blé sont massives : environ 75% des terres cultivables sont touchées d'après l'ONU, ce qui menace la sécurité alimentaire de plus de 16 millions de personnes. Dans la région de Deraa, l'une des plus agricoles du pays, les barrages sont à sec et les agriculteurs inquiets. De notre envoyée spéciale de retour de Deraa, Le barrage d'Ibta ne ressemble plus qu'à un cratère calciné : une coulée de sable, des crevasses, des fissures et tout autour, des champs brûlés. Avec les années, les agriculteurs sont tous partis, raconte Yaza, 19 ans, jeune berger comme son père et son grand-père avant lui. « Cette année, c'est pire que tout. Nous n'avons plus assez d'eau, plus assez de plantes pour nourrir nos moutons », témoigne-t-il. En un an, son troupeau a été décimé. Il a perdu la moitié de ses moutons, qui meurent un à un. Dans la région de Deraa, tout le monde vous le dira : en 60 ans, il n'y a jamais eu de pénurie d'eau d'une telle ampleur. La faute à un hiver sans précipitations, aux effets du changement climatique, mais aussi, dans le sud du pays, aux incursions israéliennes qui s'emparent des ressources stratégiques en eau. Au lendemain de la chute du régime de Bachar el-Assad, ces dernières se sont déployées dans la zone tampon démilitarisée du Golan, et sont depuis accusées de prendre possession des ressources stratégiques en eau. « Ils ont pris le contrôle de barrages stratégiques, des barrages qui étaient des sources d'eau, affirme Aref, un agriculteur. Depuis, il n'y a plus d'eau pour personne. » À lire aussiLa Syrie fait face à une sécheresse extrême engendrée par le changement climatique « Tous les arbres fruitiers sont asséchés cette année » Ici, plus qu'ailleurs encore, les effets de ce stress hydrique sont visibles. La région est l'une des plus agricoles du pays, surnommée le « grenier » de la Syrie. « Même les oliviers, les pêchers, les pruniers... Tous les arbres fruitiers sont asséchés cette année », nous affirme Abu Aysam, également agriculteur, en empilant une à une ses cagettes de pommes de terre. De ses hectares de champs, il ne cultive cette année que la moitié. Cette sécheresse est aggravée par les effets des politiques menées par le clan Assad. Avant sa chute, le régime a soigneusement pillé les puits et conduits d'eau des quartiers et villes révolutionnaires, compliquant aujourd'hui l'irrigation des terres, mais aussi celle des villes, jusqu'à la capitale, Damas. Avec son association Al-Seeraj, Kinan Al Kudsi, franco-syrien, s'est donné la mission de réhabiliter les 22 puits de la banlieue sud de Damas : « On estime que rien qu'à Damas, 500 puits ne fonctionnent pas. » Dans le bureau du centre de pompage, la plupart des panneaux électriques sont encore éteints. Coût du projet : 150 000 dollars. « L'État ne nous donne pas les fonds nécessaires. Mais si tu veux reconstruire le pays, la première chose, c'est de reconstruire le système d'eau... », poursuit-il. Tout à coup, la pluie tombe. Au milieu de la chaleur de l'été – quelque 48°C –, tout le monde se rue dehors. Pas question, pour Kinan, de perdre une occasion de se rafraîchir. À lire aussiSyrie: la sécheresse et le manque d'eau, un défi de plus pour la population et le nouveau pouvoir
Il y a un an, l'agence météorologique du Japon lançait la première alerte au mégaséisme après un tremblement de terre de magnitude 7,1 dans le département de Miyazaki. L'épicentre se situait dans la fosse de Nankai. À l'époque, cette alerte avait suscité un vent de panique dans le pays. Cet été, bon nombre de plages ont décidé d'organiser des exercices d'évacuation : des simulations de tsunamis. L'objectif : faire prendre conscience aux estivants que ce risque de catastrophe existe. De notre correspondant à Tokyo, Dans une station balnéaire proche de la capitale du Japon, l'après-midi se déroulait paisiblement jusqu'à ce que, tout à coup, une sirène retentisse, suivie de ce message : « Exercice. Alerte au tsunami à la suite d'un puissant séisme. Évacuez la plage. » Un drone a alors décollé immédiatement pour aller prévenir les surfeurs évoluant au large, et tous les estivants ont été priés de se diriger vers la tour anti-tsunami la plus proche, située à 500 mètres. Interrompre ses jeux de plage et son bronzage et devoir, par 40°C à l'ombre, gravir plus d'une centaine de marches d'escalier pour parvenir au sommet de cette tour, n'est pas forcément agréable. Pour autant, les baigneurs ont salué l'initiative : « Ce drone, c'est vraiment une bonne idée. Moi, sur ma planche, je n'aurais sans doute pas entendu l'alerte puisque la consigne est de surfer le plus loin possible des baigneurs, pour ne pas risquer de les heurter », salue une baigneuse. Une autre vacancière était du même avis : « Une demi-heure de plage en moins, cela n'a rien de dramatique. Et puis, conscientiser les gens au risque de catastrophe majeure, c'est, à terme, sauver des vies. » À lire aussiLe Japon révise son plan de préparation aux catastrophes en cas de «méga-séisme» Entre 75 et 82% de risques qu'un mégaséisme se produise dans les 30 prochaines années De retour de l'exercice, ce jeune homme faisait grise mine : « C'est bien de se préparer, mais en même temps, ça nous rappelle que le pire est à venir, donc ça casse pas mal l'ambiance des vacances. On n'est plus dans l'insouciance, là... » Et pour cause : les scénarios des experts nippons font froid dans le dos. Selon eux, il y a entre 75 et 82% de risques que, dans les 30 ans à venir, un séisme de magnitude 8 ou 9 se produise dans le Pacifique : le long de la fosse sous-marine dite de Nankai, là où une plaque tectonique est en train de glisser sous une autre. Ce mégaséisme serait suivi d'un tsunami qui, par endroits, serait de 30 mètres de haut : deux fois plus que celui de Fukushima, en 2011. Le bilan de cette catastrophe pourrait s'élever à près de 300 000 morts, plus de deux millions d'habitations complètement détruites et des dégâts qui se chiffreraient à plus de 1 000 milliards d'euros. À en croire un sondage réalisé l'été dernier, cette perspective angoisse 81% des Japonais. Aussi, la campagne de prévention menée cet été par d'innombrables stations balnéaires est-elle saluée à la fois par le gouvernement, la presse et l'opinion. Mais les réseaux sociaux notent que ces exercices d'évacuation révèlent des failles. Par exemple, la plupart du temps, ils sont unilingues – les instructions ne sont données qu'en japonais –, car une majorité de maîtres-nageurs sauveteurs ne parlent pas l'anglais. Or, jamais l'archipel n'a accueilli autant de touristes étrangers. Le mois dernier encore, ils étaient plus de 3,5 millions. À lire aussiJapon : un manga prétendument prophétique prévoit un mégaséisme et fait fuir les touristes
En Grèce, depuis fin juillet, les manifestations pro-palestiniennes à l'arrivée d'un bateau de croisière israélien se sont multipliés dans les ports du pays. De quoi contrarier les autorités helléniques qui ont tissé ces dernières années des liens plus étroits avec Israël en matière de défense, de sécurité et d'énergie. Sans oublier que la Grèce est aussi très dépendante du tourisme, un pilier de son économie. De notre correspondant à Athènes, Au sommet de l'Église orthodoxe, l'horloge indique sept heures du matin. En contrebas, deux camions de police bloquent l'accès au quai E12 du Pirée. C'est ici, dans le port d'Athènes, que doit débarquer au petit jour un bateau de croisière venu d'Haïfa, en Israël, le Crown Iris. Devant les forces de l'ordre, une nuée de drapeaux palestiniens, comme celui que tient à la main Thanasis Diathisnis : « Nous n'avons rien contre les Israéliens qui aiment la Grèce et le tourisme, en revanche, nous ne voulons pas de ceux qui tuent des enfants. Si vous avez vu des images, des images d'enfants qui ont faim, elles nous rappellent d'autres époques que l'Europe a connues. Nulle part dans le monde, nous ne voulons revivre cela. » En ce matin du cœur de l'été, les manifestants sont plusieurs centaines. Parmi eux, cheveux poivre et sel, Sophia indique un simple prénom. Aux côtés d'autres militants du parti de gauche Nea Aristera, elle tient une banderole appelant à la fin du conflit à Gaza : « Ce bateau est indésirable en Grèce, indésirable au Pirée. Nous manifestons notre opposition à ce qu'il accoste ici et à ce que débarquent des touristes entre guillemets qui viennent d'un pays en train de commettre un génocide. Moi, je crois que la multiplication de petites actions comme celle d'aujourd'hui peuvent contribuer à changer les choses. » « Que cesse d'abord le massacre en Palestine ! » À ses côtés, celui qui se présente comme Stratos, renchérit, en reprenant certains des clichés associés au tourisme en Grèce : « Que les touristes viennent voir l'Acropole et manger de la moussaka, ok, mais que cesse d'abord le massacre en Palestine ! » Fin juillet, à Syros, lors de la première manifestation du genre à l'arrivée de ce bateau de croisière israélien, les passagers n'ont finalement pas débarqué sur l'île. Dans la foulée, le ministre grec de la Protection des citoyens, Michalis Chrisochoidis a rappelé sur une chaîne de télévision privée que plus de 500 rassemblements ont eu lieu légalement à Athènes depuis fin 2023, mais qu'empêcher des touristes étrangers de visiter la Grèce n'était pas tolérable : « Quiconque, dorénavant, tente d'empêcher un citoyen d'un pays tiers d'entrer et de visiter légalement notre pays, sera arrêté et poursuivi pénalement au nom de la loi contre le racisme. » Politiquement, par le passé, Athènes avait coutume d'adopter une ligne plutôt pro-arabe. Une ligne qui a évolué en raison du rapprochement avec Israël depuis quelques années, dont le but est notamment de contrebalancer, en Méditerranée orientale, l'influence du voisin turc. À lire aussiGrèce: vifs échanges entre le maire d'Athènes et l'ambassadeur d'Israël sur des graffitis «antisémites»
En Syrie, les incursions israéliennes continuent près du plateau démilitarisé du Golan, où les troupes de Tsahal se sont déployées au lendemain de la chute du régime de Bachar el-Assad. Depuis, l'État hébreu cherche à étendre ses forces en Syrie. L'objectif officiel : démilitariser la zone et désarmer les populations locales, accusées d'être liées au Hezbollah ou au Hamas. Sur place, les agriculteurs et bergers syriens sont les premiers impactés. Arrestations arbitraires, dépossession des terres et monopolisation des principales ressources en eau. Conséquence : la production agricole baisse dans cette région, aussi surnommée le « grenier de la Syrie ». Avec, à terme, le risque de mettre en danger la sécurité alimentaire du pays. Reportage de notre correspondante en Syrie. À lire aussiComment Israël élargit sa zone occupée depuis le 7-Octobre et grignote du territoire syrien À lire aussiIsraël poursuit ses incursions dans les régions frontalières syriennes