Chaque jour sur RFI, vivez la mutation de l'économie africaine. Chefs d'entreprises, décideurs, africains de tous bords et de toute condition témoignent dans Afrique Economie, votre rendez-vous de l'Economie africaine sur RFI. *** La chronique Afrique Economie diffusée le dimanche est remplacée pa…
En Ouganda, TotalEnergies veut extraire du pétrole dans la région du lac Albert. Six ONG l'accusent d'atteinte à l'environnement et aux droits des populations locales. En attendant la décision du tribunal judiciaire de Paris, TotalEnergies avance dans le chantier. Côté ougandais et côté tanzanien puisque le pétrole va être transporté dans un pipeline. Là-bas, les espoirs de retombées économiques sont grands. Par Julie Pietri Sur la côte tanzanienne, Total a déjà rasé l'équivalent de 72 hectares pour implanter notamment des réservoirs de 20 mètres de haut qui vont stocker le pétrole. « C'est un stockage tampon entre une production en continu en amont et un export de la production qui n'est pas permanent, car il dépend des tankers. Le temps que le tanker s'amarre, se connecte et enlève l'huile », indique Mathieu Faget, responsable du site. L'huile, c'est-à-dire le pétrole. Dans la zone de travaux, Total a recruté du personnel pour bâtir des fondations, conduire des engins, faire la circulation ou le ménage. Alors à Poutini, village situé en bordure, des habitants patientent à l'ombre d'un arbre. Comme Amina, ils espèrent décrocher un emploi sur le chantier : « J'attends pour le projet depuis longtemps. On a entendu dire qu'ils payaient de bons salaires, alors on attend. Moi, ça fait deux mois, mais il y a des gens ici qui attendent depuis deux ans. » ► À écouter aussi : TotalEnergies en Ouganda, un projet pétrolier à l'heure du dérèglement climatique Les arbres abattus le long du pipeline qui traverse tout le pays, les risques de fuites, les avertissements des ONG qui décrivent ce projet comme une bombe qui va aggraver la crise climatique : tout cela ne semble pas au cœur des préoccupations ici. Le militant de l'environnement Baracka Lenga le sait. « Je suis souvent perçu comme quelqu'un qui veut freiner l'enrichissement du pays », dit-il. « On ne peut pas se réjouir de gagner de l'argent sur le dos de la planète. Nous avons déjà un problème avec les pluies, le niveau des rivières a baissé. Et ça, c'est à cause du changement climatique. Ce projet va émettre des millions de tonnes de CO2, et en faisant cela, il va aggraver cette crise climatique. Nous allons être confrontés à un manque de pluies, parfois à plus de pluies du tout, s'inquiète Baracka Lenga. Or, dans les zones rurales, 99% de la population dépend de la pluie pour cultiver. Cela veut dire que l'on va détruire leur gagne-pain. Comment vont-ils survivre ? » L'Agence internationale de l'Énergie a beau appeler à en finir avec les nouveaux forages, le gouvernement tanzanien est pleinement derrière le projet. La compagnie de pétrole tanzanienne est d'ailleurs actionnaire.
Grâce à un programme d'échange de tôles et de ciment contre des sacs de haricots, Kalera, village situé dans la région de Lubumbashi, a développé en 4 ans une culture de rente, durable et profitable à tous. De notre correspondante à Lubumbashi, Au village Kalera, comme ailleurs dans le sud de la RDC, le mois de décembre est celui des semis. L'agriculture est encore essentiellement manuelle, mais des centaines d'hectares de champs sont labourés et semés. Le haricot occupe une place de choix, explique Naomi Monga, une agricultrice. « Nous avons pris une terre qui n'avait jamais été exploitée. Nous avons commencé avec une petite étendue et là, nous avons semé quatre hectares. Nous cultivons essentiellement du haricot et du maïs. » La culture du haricot au village Kalera se fait deux fois par an. D'abord entre décembre et mars pendant la période pluvieuse. Ensuite, en saison sèche, entre le mois de mai et septembre, période pendant laquelle les agriculteurs pratiquent l'irrigation. « En saison des pluies, la récolte est souvent médiocre », explique madame Jeanne, agricultrice. « Soit les pluies sont abondantes et détruisent les plantes, soit il y a carence de pluie et les haricots sèchent. Par contre, en saison sèche, nous faisons la culture irriguée avec l'eau de la rivière Luvilombo. Et les résultats sont bons. » ► À lire aussi : RDC: un programme «tôle contre haricots» fait le bonheur des villageois de Kalera Une culture qui attire de plus en plus d'agriculteurs Placide Kapembe, un autre paysan du village, se dit motivé par la forte demande du haricot. À chaque récolte, les commerçants arrivent nombreux au village pour s'approvisionner. « Cette saison, je vais emblaver 50 mètres carrés. Et pour cela, j'utilise 12 seaux de semences de haricot soit 32 kg et je prévois de récolter au moins 100 seaux, c'est près de 300 kg. Je pourrais faire plus, mais je suis limité par la quantité de semence. Parfois, on est obligé d'emprunter auprès d'autres agriculteurs. Si je prends deux seaux, à la récolte, je rembourse quatre seaux. » Malgré les aléas dus aux perturbations climatiques et aux ressources limitées, la culture de cette légumineuse attire plus d'agriculteurs et le village a vu sa production multipliée par trois. « Nous avons enregistré 2 910 agriculteurs ; nous avons produit 14 000 tonnes de haricot », souligne Blaise Yumba, agronome du village. « Et la population a commercialisé plus de 12 115 tonnes. Il y a quelques années, on ne dépassait pas 5 000 tonnes de haricot par an. » Les paysans de Kalera ont pour ambition de passer à la culture mécanisée afin de produire davantage. Mais il leur faut des ressources financières afin de se procurer des tracteurs.
C'est une expérience inédite qui est menée depuis quatre ans dans le village de Kalera, à 300 Km au nord de Lubumbashi. Les paysans se sont lancés dans la culture du haricot grâce au programme baptisé « Tôles-Malaki », « Tôles contre haricots ». L'énergéticien congolais Kipay Investments propose aux agriculteurs des tôles et du ciment en échange de leur production de haricots à prix réduit. En 4 ans, une centaine de maisons ont été construites en matériaux durables dans le village. De notre correspondante à Lubumbashi, Le programme d'échange « Tôles contre haricots » démarre en 2018. À cette période, 95 % des maisons du village Kalera sont en paille. L'entreprise Kipay Investment qui entend construire une centrale hydroélectrique à 50 km du village propose aux habitants des tôles en échange du haricot produit localement. Michel Kasongo est membre du comité de gestion Tôles-Malaki. Il explique que « le processus commence par une sensibilisation des paysans. Pour avoir droit aux tôles, il y a des conditions. Premièrement, être un résident du village Kalera, deuxièmement posséder une parcelle dans le village, et troisièmement, construire une maison en briques cuites. C'est seulement à ces conditions qu'un paysan peut souscrire au projet. » Une centaine de logements construits À ce jour, environ une centaine de maisons ont été construites en matériaux durables grâce à ce programme. Louis Musange, âgé de 70 ans, est l'un des bénéficiaires. Assis devant sa nouvelle maison, il est fier d'avoir réalisé son rêve. « Mes enfants et moi-même cultivons du haricot. Il y a un an, nous avions participé au programme “Tôles contre haricots” et nous avions obtenu 11 tôles. La saison agricole passée, nous avons eu 10 tôles. Avec ça, nous avons pu construire. Là, je dors tranquillement, même lorsqu'il pleut. » Il faut 10 kg de haricot pour une tôle, ce qui représente 8 dollars alors que la tôle se vend 19 dollars en ville, soit une réduction 57 % sans compter le coût de transport. Bupe Ngoy est le chef de l'administration du village. « Il y a vraiment une bonne perspective par rapport aux infrastructures, car les jeunes gens construisent actuellement de grandes maisons grâce à ce projet d'échange “Tôles contre haricots”. Ce projet a suscité l'intérêt dans la culture du haricot. Celui qui faisait par exemple un demi-hectare est passé à un hectare dans le but de se procurer des tôles. » Des sacs de ciment également proposés Ce programme vise le développement du village Kalera de 15 000 personnes, indique de son côté Raphaël Salumu, assistant au programme social de l'entreprise Kipay Investments. « Le village sera le premier bénéficiaire de l'électricité. On ne peut pas amener l'électricité dans une maison en pailles avec tous les risques qu'il y a. C'est pourquoi nous avons initié ce projet de façon à préparer la communauté à ce qui va arriver dans les prochains jours. » En plus des tôles, le programme propose depuis octobre dernier des sacs de ciment. Les paysans qui ont déjà reconstruit leurs maisons peuvent y souscrire aux mêmes conditions.
« Les métiers du raphia dans la diversification de l'économie congolaise » : c'est sous ce thème que Brazzaville a accueilli du 16 au 23 décembre la première édition de la semaine des métiers du raphia à l'initiative du ministère des Petites et moyennes entreprises (PME). Ce textile a cessé d'être une simple tenue traditionnelle, en participant de plus en plus à la création d'emplois chez les artisans et de la richesse au niveau national. De notre correspondant à Brazzaville, Devant son stand installé sur le site d'exposition-vente des objets fabriqués à partir du raphia, Elion Itou, promotrice de la marque Elionie création, a son dos tourné aux visiteurs à qui elle présente sa production. « C'est un tableau qui présente une femme africaine habillée en raphia. Comme on est en train de faire la promotion du raphia, j'ai pensé – pour cet évènement- reproduire cette dame qui est en promotion africaine », se réjouit madame Elion Itou. La semaine des métiers du raphia a rassemblé les vanniers, tisserands, modélistes, couturiers et autres décorateurs qui, au quotidien, mettent en valeur ce textile, en confectionnant des sandales, chemises, robes, bijoux ou sacs à main. Pour Jacqueline Lydia Mikolo, ministre des Petites et moyennes entreprises, le raphia est une source de richesse. « La demande aujourd'hui en tissu raphia est très importante au niveau national et au niveau mondial. C'est un tissu qui est très recherché. Donc, ça peut nourrir toute une famille », analyse-t-elle. Le raphia, un produit naturel Depuis quelques années, la modéliste Dany Tsika a mis le raphia au centre de toutes ses créations. « Ce n'est pas du tout facile comme travail. Mais, on arrive on s'en sortir. Pour le moment, je n'ai pas encore de boutique. Donc, je fais la vente en ligne sur internet », affirme-t-elle. Il en est de même pour le cordonnier Ghislain Ndakouako. « C'est un produit naturel. Ce que nous ajoutons, ce sont des produits faits à base du pétrole. Vous allez remarquer que sur mes chaussures, j'ai plus mis du raphia ici (sur le talon) parce que souvent les pieds se déchirent en arrière quand ce n'est pas du naturel. Mais, quand c'est du naturel, ça nourrit le pied », explique-t-il. Le raphia est produit à partir d'une espèce de sous palmier qui pousse à l'état naturel. Désormais, Pascal Ngalibo, chef du village Panga encourage notamment les villageois à le planter. « Bientôt, nous ferons des tournées dans les villages pour pousser les populations locales à pouvoir procéder aux opérations de planting (du palmier à raphia). Sinon, on n'aura pas le raphia tout temps », justifie-t-il. Dans l'ancien temps, le raphia a servi de troc contre le sel, chez les peuples Tékés et Mbochis, du centre et du Nord-Congo.
Le Ghana vit sa pire crise économique depuis une génération. Le pays est en défaut de paiement depuis le 19 décembre, l'inflation dépasse les 40 % en rythme annuel. Dans les rues d'Accra la morosité règne. De notre envoyée spéciale à Accra, Les effets de la crise sont visibles partout dans la capitale. La circulation jadis saturée est devenue fluide, les marchés sont presque vides et les boutiques désertées. Face à l'inflation qui dépasse les 40 %, il a fallu trouver des parades. Beaucoup de Ghanéens se sont mis à sauter des repas, ou à troquer les transports en commun contre la marche. Ousmane Mohammed Awni, qui dirige un garage dans le quartier de Nima, raconte comment la situation s'est dégradée. Quand vous allez au marché, les prix changent tous les jours. J'ai dû réduire toutes mes dépenses. J'avais fait installer l'air conditionné, mais à cause du prix de l'électricité, je ne peux plus. J'avais 5 ou 6 apprentis à la fois, mais maintenant, je travaille seul. Je ne pouvais plus me permettre de payer leurs salaires. Tous les commerçants souffrent de la dévaluation vertigineuse de la monnaie locale, le cedi, qui a perdu la moitié de sa valeur face au dollar. Au grand marché de Makola, un vendeur de vêtements, dénommé Lord, tient l'une des rares boutiques en dur. L'air découragé, il est assis les bras ballants devant sa marchandise, que personne ne s'arrête plus pour regarder. « Les vêtements que je vendais à 70 cedis avant la crise, je les vends maintenant à 100 cedis. Si vous n'augmentez pas vos prix, vous ne pouvez pas survivre », explique Lord. « La dévaluation est trop importante, c'est devenu très difficile de faire des affaires. Tout ce qu'on peut faire, c'est prier pour que la dévaluation cesse et qu'on puisse reprendre les affaires. » La grogne monte et les manifestants descendent dans la rue Le Ghana a passé mi-décembre un accord de 3 milliards de dollars avec le FMI... Une décision impopulaire dans un pays fier de sa souveraineté monétaire. Mais pour Mohammed Seidu Lansah, journaliste et essayiste ghanéen, il était inévitable qu'il souffre plus de la crise économique mondiale que ses voisins francophones. On ne peut pas comparer notre économie à celle des anciennes colonies françaises en Afrique de l'Ouest. Grâce au contrôle qu'exerce la France sur leurs économies, ils peuvent mieux gérer l'inflation. Eux ne sont pas isolés dans la région. La France n'a qu'à produire de la monnaie, et quand il y a de l'inflation, ils la retiennent. Ils produisent, ils retiennent, ainsi de suite, c'est comme ça qu'on garde l'inflation sous contrôle. Et dans la population, la grogne monte. Des centaines de manifestants sont descendus dans la rue le mois dernier pour dénoncer l'incurie des autorités et appeler à la démission du président Akufo-Addo et de son ministre des Finances. Rappelant au passage que les deux hommes sont cousins, ce qui ne manque pas de nourrir les accusations de népotisme.
Économiste, entrepreneur gabonaise… À seulement 30 ans, Tamarah Moutotekema Boussamba a déjà plus d'une corde à son arc. Très engagée pour la cause des femmes, elle s'est engagée dans l'innovation agricole dans son pays. Elle a été distinguée à de nombreuses reprises, notamment par « Women in Africa ». Pour Tamarah Moutotekema Boussamba, tout a commencé il y a six ans, par une histoire de famille : « J'ai grandi avec mes grands-parents. Ma grand-mère est agricultrice et je me suis lancée en revendant les productions de ma grand-mère. J'ai vendu également les productions des femmes qui sont dans sa coopérative agricole », raconte la jeune femme. Depuis, elle a obtenu une licence en gestion des entreprises et un master en intelligence économique. « J'ai créé une société qui s'appelle Agridis, pour "agriculture" et "distribution". On fait de la production de bananes plantains, du tubercule de manioc et on rachète aussi des légumes à des coopératives agricoles, dirigées essentiellement par des femmes. On revend tous ces produits-là sur les grands marchés et supermarchés au niveau du Gabon. On a aussi créé une application agricole, Waghi. C'est une application de conseil et de mise en relation entre les producteurs et les commerçants, qui vise à faire comprendre aux producteurs locaux l'importance des nouvelles technologies dans le secteur agricole, mais aussi leur donner accès à différents marchés », expose-t-elle. Créer un écosystème grâce à la technologie Les défis ne manquent pas : difficultés de financement, manque d'infrastructures, secteur peu structuré... Cependant, pour ce dernier, la jeune trentenaire tente de faire évoluer les choses. « C'est là même tout l'intérêt de cette application agricole, explique-t-elle. Grâce à la technologie, on arrive à relier le producteur, le transformateur, le transporteur et le consommateur final. C'est vraiment le modèle idéal, parce que la filière est gage de réussite dans le secteur agricole. Le producteur ne peut pas lui-même vendre et transformer sa production. Il faut que chacun joue son rôle. » Femme leader, elle a été vice-présidente du Conseil national de la jeunesse du Gabon. Pour Tamarah Moutotekema Boussamba, la femme doit être mise en avant. « Le secteur agricole est porté majoritairement par des femmes. Si on investit davantage sur les activités des femmes dans ce secteur, ça veut dire qu'on investit davantage pour la sécurité alimentaire et l'autosuffisance de nos pays. Évidemment, il y a une démarche, il faut avoir une vision lorsqu'on décide de se lancer dans quelque chose. L'idée, ce n'est pas juste de créer une entreprise, mais d'avoir de l'impact dans la vie des gens. Ma vision, c'est que les femmes parviennent à devenir économiquement libres. C'est la raison pour laquelle j'ai préfinancé ou que je finance certaines productions des femmes avec lesquelles je travaille », expose-t-elle. Tamarah Moutotekema Boussamba coopère aujourd'hui avec près de 400 femmes dans différentes coopératives du pays. ► À lire aussi : En Algérie, Lydia Merrouche fait le pari de l'agriculture biologique
Lydia Merrouche, avocate de formation, s'est reconvertie dans l'agriculture biologique. Distinguée par de multiples prix, elle est notamment lauréate cette année des « Women In Africa » (WIA). Elle est aujourd'hui à la tête de Fossoul Agricole, une société algérienne écoresponsable, spécialisée dans la production de fruits et légumes de saison. Son exploitation mesure désormais plus de sept hectares. Lydia Merrouche fait figure de modèle de l'entrepreneuriat. ► À lire aussi : Pierrette Kouakou, l'Ivoirienne qui forme les entrepreneuses africaines de demain
Former les entrepreneuses de demain, c'est l'objectif de l'Ivoirienne Pierrette Kouakou qui dirige depuis un an FIN'elle, un programme de formation lancé par le groupe ivoirien COFINA, spécialisé dans la microfinance. Pour cette ancienne banquière, la formation des femmes entrepreneuses est un enjeu de développement. Pendant quatorze ans, Pierrette Kouakou a travaillé dans la banque, et plus précisément chez UBA, le groupe fondé par le milliardaire et philanthrope nigérian Tony Elumelu. Elle a pu mesurer les difficultés que rencontrent les femmes entrepreneuses, notamment dans le secteur informel, pour accéder au crédit. « Le banquier se demandera : Est-ce que cette femme est mariée ? Est-ce qu'elle a une garantie ? Est-ce qu'elle a des enfants ? Est-ce qu'elle est en âge d'en avoir ? Et si c'est le cas, quel impact sa grossesse future aura sur son activité ? Il y a des aspects liés à la femme qui sont très différents de l'homme » affirme l'entrepreneuse. En décembre 2021, Pierrette Kouakou rejoint le groupe de microfinance ivoirien COFINA pour diriger FIN'Elle, autrement dit « la finance pour elles », un programme de formation destiné aux femmes qui créent leur activité. « La plupart des femmes qui ont suivi cette formation nous ont dit unanimement que désormais, elles étaient capables de lire leurs états financiers, de comprendre leurs états financiers et de pouvoir s'adresser à une banque pour obtenir un financement, rapporte-t-elle. Elles ont pu, à travers cette formation, repenser les opportunités qu'elles ont eues, et les mettre à niveau par rapport aux marchés auxquels elles s'adressent. » ► À lire aussi : Reportage : femmes et micro-entreprises au Togo L'Afrique détient le record mondial d'entrepreneuriat féminin FIN'elle vient de s'associer avec l'un des leaders américains de l'éducation professionnelle, le groupe Babson College, pour former des formatrices et les envoyer dans toute l'Afrique de l'Ouest. L'idée est de cibler les femmes du secteur informel, mais aussi les dirigeantes de PME. Affronter le monde très masculin des affaires fait aussi partie des axes d'enseignement, estime Pierrette Kouakou. Aujourd'hui en Afrique et partout dans le monde, nous avons des exemples de femmes qui ont réussi à briser le plafond de verre. Et pour notre génération, je pense que nous devons continuer à nous battre pour apporter notre contribution à nos économies de manière équitable. Née dans une sororie de cinq filles, l'Ivoirienne, qui a grandi dans un milieu où l'éducation était privilégiée, cible en particulier celles qui n'ont pas eu cette chance. « Il y a encore beaucoup de travail à faire, surtout pour les femmes en zones rurales où l'accès à certaines opportunités n'est toujours pas d'actualité, constate-t-elle. Et le système n'est pas fait pour les personnes analphabètes. » L'entrepreneuriat féminin atteint 27% en Afrique, le record mondial. Un chiffre que Pierrette Kouakou espère contribuer à faire progresser. ► À lire aussi : Djamilla Toure, amplifier les voix des femmes de la diaspora africaine
Lancée il y a quatre ans, l'application Irokko a déjà permis de planter près de 7 000 arbres. Le Guinéen Saliou Diallo s'est lancé le défi d'agir pour l'environnement et de montrer que cela pouvait se faire dans le cadre d'un plan d'affaires viable. La trentaine, diplômé en droit et en relations internationales, Saliou Diallo souhaitait allier technologie et action pour le climat. « L'environnement ne coûte pas cher. On peut en vivre et faire du bien à la planète et ça, c'est vraiment le message qu'il faut retenir. L'environnement n'est pas une fatalité, on peut faire du bien à la planète et en vivre et je pense que c'est ce changement de paradigme là qu'on doit avoir même au niveau des États. L'idée derrière, c'est de démontrer qu'en dehors des gouvernements, il y a une possibilité d'action climatique des entreprises et des citoyens. Et je pense que le vrai pouvoir, c'est nous qui l'avons. Notre slogan c'est "Nous sommes huit milliards de solutions" parce que nous pensons que le pouvoir des masses, le volume, peut infléchir la tendance actuelle. C'est la raison pour laquelle la première chose qu'on a faite, c'était de développer une application mobile. » Étendre ces projets aux entreprises Sur l'application, on calcule son bilan carbone et on compense en plantant des arbres. Comptez une trentaine d'euros pour un Canadien ou un Français lambda. « On a dix partenaires forestiers, on a une douzaine de sites de reboisement et ça nous permet aussi de travailler avec des planteurs, de faire travailler des gens, de générer des revenus au niveau local. Et ces projets-là sont en cours de certification pour justement pouvoir commercialiser ces crédits carbone auprès des entreprises qui n'ont pas encore atteint le niveau technologique pour être net zéro à très court terme, donc on les aide justement dans ce processus-là. » Et petite satisfaction pour le chef d'entreprise : « Il est déjà arrivé que la coopérative au Québec me dise : "Ah, il y a un utilisateur d'Irokko qui est venu voir les plantations" et je trouve ça intéressant parce que ça rapproche encore les gens des actes qu'ils posent ». Développer des stratégies de réduction d'émissions carbone Aujourd'hui utilisée majoritairement par des particuliers au Canada, en France et en Guinée, Saliou Diallo espère dans les mois à venir attirer plus d'entreprises. « Avec la certification "gold standard", on va aller chercher de plus gros volumes parce qu'on va être avec les entreprises. Et encore une fois, ce n'est pas pour qu'ils se donnent bonne conscience. L'idée derrière justement, c'est pour qu'ils aient une stratégie de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. C'est pour ça que l'on vient de leur développer un nouveau logiciel qui leur permet de calculer leurs émissions et d'avoir des pistes de réduction de gaz à effet de serre. » Actuellement, les arbres peuvent être plantés en France, au Canada, au Guatemala ou au Pérou. Saliou Diallo travaille sur les problématiques foncières dans différents pays d'Afrique afin d'y développer aussi des activités de plantation.
Le Camerounais William Elong est considéré comme un petit génie du drone. Âgé de 29 ans, il a déjà créé deux entreprises grâce à plusieurs levées de fonds, collaboré avec les plus grandes entreprises de sécurité. De passage à Paris pour rencontrer des partenaires, et aussi les laboratoires de recherches et de développement, il espère ouvrir prochainement une filière de son entreprise Will & Brothers consulting en France. William Elong a grandi au Cameroun. Très vite, il est confronté aux enjeux sécuritaires. Ce qui va guider son cursus universitaire. Plus jeune diplômé de l'École de guerre économique de Paris, il est le premier à produire des drones dans son pays. « Au départ, notre vision était d'arriver par exemple à faire une usine de production de drones en Afrique. Et progressivement, l'évolution du marché nous a fait comprendre que ce n'était peut-être pas là la meilleure direction à prendre et qu'il fallait tout de suite se repositionner », explique William Elong. « Aujourd'hui, on a essayé de se développer sur la partie intelligence artificielle. Aujourd'hui, fabriquer un drone n'est plus un enjeu technique, le sujet aujourd'hui c'est quelles données vous pouvez collecter, comment vous pouvez l'exploiter. » Applications concrètes dans le civil Très discret sur ses collaborations, il travaille avec Thalès ou les autorités camerounaises. Au-delà du domaine sécuritaire, ses drones et algorithmes ont des applications très concrètes dans le civil. Une phase pilote avec le Pnud, pour reconnaître des maladies sur les plants de cacao. Ou encore dans le domaine de la conservation… Ce sont des élèves de l'école de protection de la faune, donc vraiment leur métier ça va être garde forestier ça va être éco-garde, donc vraiment c'est leur métier. Nous avons formé quatre-vingt télépilotes sur toute l'Afrique centrale, donc on en a formé au Congo, on en a formé au Cameroun. Donc, on a vraiment fait du transfert de connaissances, on les a formés au pilotage, on leur a donné des bases de maintenance. Nous, aujourd'hui, à leur métier, on vient ajouter une compétence parce qu'il y a beaucoup d'éco-gardes qui se font tuer notamment à cause des problématiques de braconnage. Donc, le fait de pouvoir déployer un drone, surveiller une zone de jour comme de nuit sans risquer la vie d'un homme sur des superficies qui peuvent aller jusqu'à 5 10 km à la ronde oui ça a un impact.L'algorithme, l'élément-clé pour accélérer les processus Il souhaite faire évoluer encore plus loin les applications de ses algorithmes. « Ce que je rêve de réussir à faire là, c'est un algorithme qui va simplifier la détection de cancer du sein. Les rares fois où je l'évoque, on me demande, mais c'est quoi le rapport entre les drones et le cancer du sein ? En fait, le rapport, c'est l'algorithme. Si votre algorithme arrive à distinguer l'image d'un chien et l'image d'un chat, en réalité, c'est la même mécanique derrière qu'il faut pour distinguer l'image d'une cellule saine et l'image d'une cellule malade. Mon objectif serait de réduire le temps par exemple des diagnostics de cette maladie-là. » Il regrette aujourd'hui l'inadéquation des fonds d'investissement pour le développement des talents en Afrique. Pour sa part, il espère, l'année prochaine, voir son entreprise entrer en Bourse.
Samedi 17 décembre dernier, pour la première fois depuis une douzaine d'années, un vol direct d'Air Algérie a relié Paris-Charles de Gaulle à Djanet. À son bord, les premiers touristes enchantés de pouvoir, de nouveau, rallier directement et en moins de quatre heures la perle du Grand-Sud algérien. Sur place, tous espèrent voir les retombées économiques. De notre envoyé spécial, « Il est 3 h et nous venons de nous poser sur l'aérodrome de Djanet-Tiska. Nous avons le plaisir de vous annoncer que c'est un vol inaugural sur Djanet. L'ensemble de l'équipage vous souhaite un agréable séjour », annonce une hôtesse. Djanet à moins de quatre heures de Paris, en vol direct. À l'atterrissage, comme le veut la tradition, les pompiers arrosent l'avion d'Air Algérie. Le pilote Ilies Bouzily, commandant de bord. « On est très contents de faire ce premier vol et honorés de faire le premier vol qui relie Paris à Djanet directement. J'espère que cela sera bénéfique pour les touristes, pour les populations algériennes. » « Le Sahara algérien est unique au monde » De l'eau si précieuse dans cette oasis du Tassili n'Ajjer, le geste symbolique des pompiers en dit long sur les attentes des populations après ce premier vol direct. Saliha Nacer Bey, directrice générale de l'Office national du tourisme. « Pour nous, c'est très très important parce que c'est la destination Algérie qui revient sur les catalogues des voyagistes du monde. Nous avons travaillé dur pour cela, à travers l'effort aussi qu'a fait le ministère du Tourisme et de l'Artisanat pour réunir donc tous les opérateurs autour de cette question. Le Sahara algérien est unique au monde. » Perspectives prometteuses Cheville ouvrière de cette réouverture du Grand-Sud algérien, le voyagiste Point Afrique avec, à sa tête, Maurice Freund, pionnier français du charter. À Djanet, déjà, la concurrence se bouscule. Le voyagiste Allibert Trekking a dépêché Patrick Boucherand venu former guides et caravaniers. « Si on n'y croyait pas, on ne serait pas revenus en Algérie. Donc, on y croit fort et on investit tout pour que ça redémarre plein pot. La réouverture qui est une vraie opportunité pour nous parce qu'on n'attendait que ça, que cette partie du désert rouvre. On connaît le potentiel de cette région. On mise beaucoup sur le désert algérien. On a de très belles perspectives. » Perspectives prometteuses. Gare tout de même aux mirages des sables du désert.
C'est sans encombre que, le 17 décembre 2022, le vol direct Air Algérie Paris-Charles-de-Gaulle/Djanet, le premier depuis douze ans a acheminé les premiers touristes enchantés de pouvoir rallier ainsi, en moins de quatre heures, cette destination. Un premier vol qui permet de rouvrir la perle du Grand Sud algérien. Le 17 décembre, à 23 heures à l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, en chaussures de trek et sac à dos, Julie Mater est fin-prête pour avaler les sables du désert : « Nous allons embarquer pour Djanet dans un vol inaugural que nous avons trouvé par le biais de Point Afrique, qui propose très nouvellement la destination de Djanet, qui est sortie de la zone rouge début décembre, nous confie-t-elle. Nous partons marcher quinze jours avec une équipe chamelière, nous partons en trek. On était déjà en Mauritanie avec Point Afrique. Tout s'est très bien passé, donc nous réitérons l'expérience. Nous n'avons aucune appréhension. » Vol de nuit, cap plein sud, tout va bien à bord. Soudain le steward prend la parole : « Mesdames, messieurs, notre atterrissage à l'aérodrome de Djanet est imminent. Pour votre sécurité et confort, nous vous prions de laisser vos ceintures attachées, de redresser le dossier de votre siège et de relever vos tablettes, merci. » Moins de quatre heures après le décollage, bienvenue à Djanet. À l'arrivée, le PDG de l'Office national algérien du tourisme, Tahar Aresky, ne cache pas son soulagement : « Pour nous, c'est un évènement très important, explique-t-il. C'est la première fois depuis pratiquement douze ans que l'on n'a pas eu un vol direct depuis Paris sur Djanet, ou bien Tamanrasset. C'est beaucoup pour des considérations que nous ignorons surtout en matière de vol direct. Et la population vit essentiellement du tourisme ici. » « Les touristes n'ont rien à craindre » Rétablir la confiance, c'est le défi que doivent relever les professionnels du tourisme. Le directeur de l'agence Tadrart Voyages, Abdelkader Hamid, a récemment rénové son hôtel de 280 lits, et dont s'enorgueillit Djanet : « Les années passées ont été très dures avec le Covid-19, et tout ce qui se passe dans le monde... ». Pas d'appréhension à avoir pour les touristes : « Non, les touristes n'ont rien à craindre, assure Abdelkader Hamid. La sécurité est totale, on certifie à nos clients qu'ils peuvent venir. Et surtout, qu'ils profitent au maximum du vol Paris-Djanet. » Profiter au maximum, Julie et son mari en sont bien décidés, qui vont – qui sait – réveillonner dans le canyon d'Essendilène, époustouflant joyau du parc national du Tassili n'Ajjer. ► À lire aussi : Algérie : premier vol entre Paris et Djanet après une suspension de douze ans
Culture historique du pays, la canne à sucre fait face aujourd'hui à des baisses de production. Plus assez rentables, les petits planteurs abandonnent de plus en plus leurs terres agricoles. Chaque année, l'île Maurice perd 1 000 hectares de cultures de canne. Krepaloo Sunghoon est président de l'association des Petits Planteurs, ceux qui produisent moins de 60 tonnes de sucre par an et qui ne voient plus l'argent rentrer. « Le coût pour produire une tonne de canne, c'est de 2 350 roupies, explique-t-il. Or aujourd'hui le paiement total qui est fait au planteur, c'est environ 1 700 roupies. Ça veut dire qu'il paye plus de 500 roupies de sa poche. Ce n'est pas correct. Je ne peux pas mettre mon argent pour produire la canne du pays, et ne même pas recevoir ce que j'ai mis dans la production. » Pas assez payés et pas assez encouragés, les jeunes ne reprennent pas les terres familiales et préfèrent vendre ou laisser en friche. 13 000 hectares sont aujourd'hui abandonnés. Une conséquence également des fluctuations du prix du sucre sur le marché, selon Jean-Luc Caboche, directeur de la sucrerie du groupe agro-industriel Omnicane. « On voit cette tendance depuis quelques années avec le prix du sucre qui était très faible, expose-t-il. Les planteurs se sont tournés vers d'autres activités, certains ont laissé leurs champs à l'abandon, d'autres ont fait construire dessus. Le challenge pour nous, c'est de faire revenir les planteurs qui ont abandonné, en leur expliquant notamment que les prix du sucre sont bien remontés. Ça devrait en inciter certains à retourner à cette activité » Un manque de vision du gouvernement mauricien pour l'avenir de la canne ? De son côté, Satish Purmessur, directeur de l'Autorité de l'industrie cannière de Maurice, avance les subventions et mesures prises par le gouvernement pour relancer la culture de la canne chez les petits planteurs. « Les coûts des fertilisants ont augmenté, il y a désormais une subvention du gouvernement qui prend en charge la moitié du prix de ces fertilisants, atteste le directeur. Le gouvernement donne également 50 000 roupies par arpents aux petits planteurs et le prix est maintenu à 25 000 roupies par tonne de sucre. » Des mesures-pansements qui n'effacent pas le principal problème selon Krepaloo Sunghoon : un manque de vision du gouvernement mauricien pour l'avenir de la canne. « C'est au gouvernement de fixer quelle superficie de canne nous devons garder, quelle quantité de sucre, nous allons produire… La solution est là, mais il y a cette opportunité de faire des sous beaucoup plus vite dans les autres secteurs que dans la canne », affirme le président des Petits Planteurs. Il y a 15 ans, 30 000 petits planteurs travaillaient la canne à sucre sur Maurice, ils sont presque trois fois moins aujourd'hui. ► À écouter aussi : Chroniques des matières premières - Une addition salée pour le sucre nigérian
En Tunisie, les femmes ont été quasi absentes de la campagne électorale pour les législatives, seulement 11% de femmes sur un millier de candidats. La pandémie de Covid-19 a durement affecté les travailleuses informelles, notamment celles qui travaillent dans l'artisanat. Le programme des Nations unies pour le développement a organisé une exposition à Tunis, intitulé Artisanes, pour soutenir les femmes du secteur. De notre correspondante à Tunis, À l'occasion des 16 jours d'activisme de violence contre le genre, une campagne organisée par l'ONU, des associations tentent de sensibiliser à la question de la violence économique, des thématiques qui n'ont presque pas été abordées dans les débats politiques durant les élections alors que le taux de chômage touche 20% des femmes contre 13% des hommes dans le pays. Au palais Kheireddine en plein cœur de la Medina de Tunis, l'artisanat des femmes du Sud tunisien devient un objet d'art à travers une exposition, des œuvres de plus de 250 artisanes, en collaboration avec des designers tunisiens. Asma Bouraoui Khouja économiste au sein du PNUD, explique ce projet de résilience économique. « Ces femmes artisanes ont été toutes impactées par le Covid-19 qui a fortement touché le secteur de l'artisanat, très dépendant du tourisme et aujourd'hui, le secteur a beaucoup de mal à reprendre. » Entre les tapis et tissages exposés sur les murs, une banquette de bois de palmier, celle de Farida Laimech, originaire de Tozeur. Elle avait réussi à monter une entreprise florissante avec une vingtaine d'employées, mais après le Covid, elle s'est retrouvée seule et confrontée à la hausse des prix des matières premières. Le prix de la colle qui sert à fixer le bois de palmier lui coutait 62 dinars, aujourd'hui Farida Laimech doit payer 170 dinars pour 1,5 litre. Et ce n'est pas tout : « Avant, les tranches de bois de palmier nous coutaient 8 dinars, maximum 10. Maintenant, on les achète à 20 dinars. » ►À écouter aussi : La maison Dar Sebastian à Hammamet, un hommage à l'architecture et à l'artisanat tunisiens Solidarité des femmes Faute d'aide étatique ou bancaire, Farida a bénéficié d'un accompagnement financier du PNUD pour redresser ses finances de ces deux dernières années. Comme beaucoup d'entre elles, Lemma Arfa, une tisseuse originaire de Tataouine s'est organisée en coopérative avec d'autres femmes, soutenue aussi par le Programme des Nations Unies qui encourage les structures d'économie sociale et solidaire (ESS) encore à leurs débuts dans le pays. « Moi, je vis seule, j'ai la charge de mes enfants, mon mari est mort donc travailler est une question de survie. Mais l'avantage, c'est que nous ne travaillons pas chacune dans notre coin. On fait tout ensemble de A à Z. Nous collaborons même pour gérer les revenus de nos ventes. » Elle fait partie des 350 000 personnes qui travaillent dans le secteur de l'artisanat, dont 83% de femmes, parmi lesquelles 60% sont en zone rurale. La plupart d'entre elles vivent dans des régions reculées et ne vendent leurs produits qu'à travers des foires. Le projet du PNUD vise aussi à les aider à s'ouvrir à de nouveaux marchés, selon Asma Bouraoui Khouja : « Ce qui est important, c'est qu'elles puissent créer leur réseau, donc la durabilité va être liée à leur capacité à créer un réseau de clients potentiels ». Un réseau de clients qui ne se limite pas qu'aux expos-ventes. Depuis le Covid-19, elles ont boosté leur communication sur les réseaux sociaux. Une manière de se rendre plus visible, mais aussi pousser les autorités à mieux valoriser et structurer le secteur. ► À lire aussi : En Tunisie, la mode écoresponsable a le vent en poupe
Le groupe des pays émergents Brics semble être entré dans une nouvelle dynamique sur le continent africain. En juin, Vladimir Poutine lors du dernier sommet des Brics disait être convaincu du rôle à jouer des Brics pour le développement d'une « voie unificatrice et positive vers la formation d'un système véritablement multipolaire ». En plus d'un intérêt géostratégique dans le contexte de la guerre en Ukraine, les Brics ont également des intérêts économiques et d'influence. Afrique et Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), vers une nouvelle dynamique, Sénégal, Centrafrique, Côte d'Ivoire. La présidente russe des Brics, Larissa Zelentsova est allée à la rencontre de différents acteurs du continent ces dernières semaines. Dans le même temps, est officialisé la création d'un poste de représentant des Brics pour l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale avec à sa tête, l'Ivoirien Ahoua Don Mello. Il met en avant les priorités établies… « D'abord les projets d'infrastructures, ce sont des projets dans l'Agenda 2063 de l'Union africaine en priorité, et aussi les projets que nous négocions directement avec les pays cibles choisis pour les premières actions. Et ce sont vraiment les grands projets d'infrastructures d'interconnexion entre les États africains. Cela concerne aussi bien les autoroutes, les routes, les chemins de fer, la télécommunication, l'énergie et tous les autres services connexes ». Si la part des investissements russes sur le continent, comparés aux autres acteurs, sont aujourd'hui à la marge, la Russie compte rattraper son retard, affirme le représentant des Brics également consultant du patronat russe. « Évidemment que la Chine est le poids lourd. Il n'y a pas de doute par rapport à ça et nous devons faire de telle sorte que tous les pays des Brics augmentent leurs interventions en Afrique pour que l'on puisse rattraper très vite notre retard en matière d'investissement en infrastructures et en industrie. » Mais l'action chinoise et russe sur le continent est souvent critiquée. Leurs détracteurs parlent du « piège de la dette chinoise », ou du pillage des minerais africains. Pour Julien Vercueil, économiste à l'institut national des langues et civilisation orientale, l'action via les Brics permet de désamorcer ces incriminations. « Les Brics sont un moyen, pour eux, de contourner les difficultés qu'elles peuvent rencontrer de manière individuelle dans leur approche de certains pays. Ensuite, bien sûr, la Russie a tout intérêt à pousser le rayonnement des Brics en Afrique parce que ça rejaillit sur son propre rayonnement. Mais l'idée est vraiment d'essayer de montrer qu'on est en faveur d'une forme de multipolarité et non pas que la Russie d'un côté ou la Chine souhaitent faire toute seules contrepoids aux États-Unis et puis largement aux pays occidentaux. » Les Brics disposent pour cela de leur propre banque de développement qui se veut être un guichet alternatif. Cependant, elle reste très contrainte par ses moyens et ses obligations vis-à-vis des marchés internationaux. ►À lire aussi : L'Algérie officialise sa demande d'adhésion au groupe des Brics
Être milliardaire en Afrique aujourd'hui, c'est le titre de l'ouvrage que publie chez Présence Africaine le journaliste camerounais Michel Lobé Ewané. Ce spécialiste du monde des affaires analyse à la fois l'origine de la richesse en Afrique et les évolutions du capitalisme africain. En 20 ans, l'Afrique a vu une progression de 150 % du nombre de ses millionnaires. Elle compte aujourd'hui une vingtaine de milliardaires en dollars, dont le plus emblématique est le numéro un incontesté, le Nigérian Aliko Dangote. Pour Michel Lobé Ewané, cette progression traduit la modernisation et le dynamisme des économies africaines. « Dans les 20 dernières années, il y a eu une amélioration du climat des affaires, il y a eu une croissance économique. Et il y a des pays qui ont aussi favorisé l'émergence de champions nationaux. Je prends l'exemple du Nigeria qui a fait beaucoup pour faire émerger des milliardaires. » Longtemps, les grandes fortunes africaines étaient synonymes de prédation du monde politique sur la sphère économique, d'où une méfiance encore bien ancrée des populations. « Être milliardaire en Afrique aujourd'hui n'apporte pas de la légitimité. Il y a encore beaucoup de suspicion sur la richesse. Il y a beaucoup de fantasmes, ils sont liés au fait que le politique est une source d'enrichissement. Il y a des hommes d'affaires qui sont des cache-sexes d'hommes politiques et qui ont construit toute leur prospérité par des passe-droits, en usant de la corruption et qui font une soustraction à la richesse nationale plutôt qu'une addition. » Des profils plus variés que par le passé Les milliardaires d'aujourd'hui ne sont pas ceux d'hier. L'Afrique passe peu à peu d'un système capitaliste de type marchand à un capitalisme industriel où tertiaire. Les milliardaires ont donc aujourd'hui des profils très variés, explique Michel Lobé Ewané. « Dans les années 1970, les milliardaires étaient des commerçants, des gens qui faisaient dans l'import-export, qui avaient une position parce qu'on leur avait donné des licences. Aujourd'hui, on remarque les liens, ce sont des gens beaucoup plus ambitieux, beaucoup plus portés dans des secteurs de pointe, la finance, les assurances. Beaucoup de milliardaires ont émergé en investissant dans les télécoms et de plus en plus, on les trouve dans l'agro-industrie, on les trouve dans l'agroalimentaire, donc il y a une diversification et c'est une différence notable avec les anciens qui étaient cantonnés à un seul secteur et sur un seul pays. » Pour Michel Lobé Ewané, la caractéristique des milliardaires contemporains, c'est avant tout d'être panafricain par nature et de penser à l'échelle du continent. Ils ont donc précédé l'actuel mouvement d'union économique créé avec la zone de libre-échange continentale. Reste un constat : la multiplication des milliardaires reflète aussi l'imperfection des systèmes de redistribution sociale. ► Entretien avec Michel Lobé Ewané, auteur du livre « Être milliardaire aujourd'hui en Afrique » aux éditions Présence Africaine. RFI : Michel Lobé Ewané, vous partez d'un constat : sur le continent le plus pauvre du monde, la richesse ne s'est jamais aussi bien portée. Est-ce aussi paradoxal qu'il y paraît ? MLE : Pour moi, ce n'est pas tellement un paradoxe, c'est la confirmation d'une dynamique sur le plan économique qui a été enclenché ces dix ou quinze dernières années durant lesquelles l'Afrique a connu une croissance très forte et où le climat des affaires s'est amélioré. Je ne dis pas qu'il est parfait, mais il s'est considérablement amélioré. La liberté d'entreprendre est devenue une réalité dans la plupart des pays. Certes, la pauvreté n'a pas été encore éradiquée, mais je considère que le fait qu'il y ait plus de milliardaires, donc de patrons d'entreprises qui commencent à investir dans des secteurs importants, est un bon signe. Les hommes d'affaires et les milliardaires en particulier sont en train de refaçonner le paysage économique de leur pays, comme en Afrique du Sud, au Kenya, en Tanzanie, au Nigeria et même aussi au Sénégal. RFI : Combien l'Afrique compte-elle de milliardaires et peut-on la comparer aux autres continents ? MLE : Il y a évidemment beaucoup moins de milliardaires en Afrique qu'en Europe, en Asie et aux États-Unis. Mais il y a une progression évidente. Le dernier classement de Forbes (magazine américain consacré aux grandes fortunes et aux chefs d'entreprises, NDLR) a identifié 20 milliardaires en dollars précisément en 2021. J'ajoute qu'en 2019, on comptait 140 000 millionnaires (c'est à dire avec au moins un million d'actifs), 699 avec au moins dix millions d'actifs et 310 avec au moins cent millions d'actifs. RFI : En Europe, on a souvent tendance à considérer que les milliardaires sont le signe d'une redistribution imparfaite des richesses nationales dans un pays. Est-ce que c'est aussi le cas sur le continent ? MLE : Oui, bien sûr, parce qu'une bonne partie de la richesse et des grandes fortunes ne sont pas entre les mains des hommes d'affaires mais dans celles des dirigeants politiques. Et ce n'est pas forcément une bonne chose, puisque ce sont des gens qui ne créent pas la valeur, ni d'entreprises. D'un autre côté, plus il y a de milliardaires, donc de patrons d'entreprises, plus ils peuvent contribuer à réduire la pauvreté en créant des emplois et en payant des impôts. RFI : C'est un peu la théorie du ruissellement telle que formulée en France par le président Emmanuel Macron. Pour autant, on s'aperçoit aussi que l'écart entre les très riches et la majorité de la population africaine, souvent très pauvre, est immense. Est-ce que ce ruissellement fonctionne vraiment ? MLE : Il est évident qu'il y a encore en Afrique beaucoup de déséquilibres. On est très loin d'une société où la classe moyenne serait suffisamment large pour imposer une répartition équitable des richesses. Mais il faut savoir qu'il y a une dynamique qui est en train de se mettre en place. La même que celle que l'on a observée en Chine où ce sont bel et bien les entreprises qui ont permis de faire sortir 400 millions de personnes de la pauvreté. RFI : Il y a quelques années encore, on associait les milliardaires africains à la prédation et à la sphère politique. Pour être riche, il fallait être proche du pouvoir politique. Est-ce que cette situation a changé ? MLE : Elle est loin d'avoir changé, et la réalité, c'est que le politique demeure une source d'enrichissement. Certains hommes d'affaires sont des cache-sexes d'hommes politiques. Et certains dirigeants sont extrêmement riches et cette richesse est en quelque sorte soustraite à la richesse nationale. Moi, j'ai choisi dans ce livre de parler, non pas des prédateurs du système, mais de ceux qui bâtissent et investissent, et qui apportent donc à la collectivité une richesse supplémentaire. J'ai exclu par principe et aussi par méthode les hommes politiques riches et les milliardaires politiciens. RFI : Vous soulignez dans votre ouvrage que l'Afrique a de tous temps généré des hommes extrêmement riches. Il suffit de penser au roi Mansa Moussa 1er au 14e siècle, considéré comme l'homme le plus riche du monde. Mais il y a une période de l'histoire où les Africains ont été exclus de la richesse, c'est la période coloniale. Les Africains étaient-ils tous exclus du processus d'accumulation de richesse ? MLE : Oui, c'était la règle. Mais il y a eu quand même quelques exemples d'hommes d'affaires ou de commerçants qui se sont enrichis sous la colonisation. Au Kenya, la famille Kenyatta s'est enrichie dans les plantations et le commerce. En Côte d'Ivoire, Houphouët-Boigny était un planteur avant de devenir un homme politique. Il y a de nombreux exemples, mais il faut souligner que c'est à chaque fois l'administration coloniale qui décidait qui pouvait travailler et s'enrichir et qui ne le pouvait pas. Et cette période coloniale – et avant elle, la période de traite esclavagiste – avait ceci de particulier que les Africains étaient considérés comme des marchandises, des biens, ou de la simple force de travail. Ceci dit, l'administration coloniale a, peu à peu, favorisé l'émergence d'une classe d'affaire autochtone afin qu'il y ait une élite favorable au système et qui le soutienne. RFI : Si l'on poursuit la trame historique, on s'aperçoit en vous lisant que les milliardaires africains sont d'abord apparus dans le commerce. Des profils très différents de ceux que l'on voit aujourd'hui… MLE : Effectivement, on est passé d'une classe de commerçants à une classe d'entrepreneurs. Dans les années 1960-1980, les hommes d'affaires étaient essentiellement de grands commerçants qui ont fait fortune dans l'import-export. Grâce au système de licences, ils bénéficiaient de marchés importants et réalisaient des marges énormes sur des produits de première nécessité. Ensuite, les plus audacieux, les plus ambitieux, je dirais même les plus intelligents, ont exploité le capital qu'ils ont retiré de cette activité pour investir dans d'autres secteurs : l'industrie, l'immobilier, l'agro-industrie, l'agroalimentaire. Au Nigeria, Aliko Dangote a commencé par le commerce, et ensuite il a investi dans les cimenteries. Puis il a diversifié son groupe. Aujourd'hui, les milliardaires africains se retrouvent dans des secteurs très variés : la téléphonie, les banques, les assurances et les nouvelles technologies. Il faut souligner aussi une chose importante : les milliardaires africains choisissent très vite de dépasser leurs frontières nationales et de travailler sur les marchés africains. C'est une différence notable avec la première génération qui était souvent cantonnée à un secteur et dans un seul pays. Et ce n'est pas toujours une sinécure dans une Afrique encore morcelée économiquement. Il faut savoir s'adapter aux différentes législations, aux problèmes de barrières douanières, etc. Ce panafricanisme économique, qui est la marque des milliardaires africains, est à la fois un défi et une immense opportunité de constituer des groupes transnationaux puissants. RFI : Existe-t-il des différences d'approche économique entre les différentes parties du continent ? MLE : L'une des plus importantes recoupe la ligne de partage entre l'Afrique anglophone et l'Afrique francophone. Les Africains anglophones sont plus habitués à manier les règles du capitalisme moderne, c'est-à-dire le recours aux marchés financiers par exemple. Ils ont aussi été les premiers à investir dans les secteurs modernes comme les télécoms. Les Francophones sont peu transparents et entretiennent le flou sur leur fortune. RFI : En Europe, aux États-Unis, on s'aperçoit que les milliardaires le sont parfois de père en fils. Il y a des dynasties qui se créent, des patrimoines qui se transmettent. Est-ce que c'est aussi le cas en Afrique ? MLE : Ça commence à venir, mais c'est encore très limité. Il y a quelques bons exemples. Le meilleur exemple parmi ceux que moi j'ai cité dans le livre, c'est celui du Tanzanien Mohammed Dewji qui a hérité de l'entreprise de son père. Elle faisait alors 15 millions de dollars de chiffre d'affaires annuel, et 15 ans plus tard, elle en faisait 2 milliards. Son père lui a cédé les rênes de l'entreprise de son vivant. Le fils est venu avec une vision différente et avec une ambition nouvelle. D'autres exemples de transmission sont en train d'apparaître. J'ai discuté par exemple avec l'assureur ivoirien Jean Kacou Diagou et sa fille Janine, avec laquelle il esquisse un schéma de transmission. Il y a donc une prise de conscience qui commence à émerger. Des femmes et des hommes qui veulent que leur groupe survive à leur départ. Mais hélas, il existe encore beaucoup d'exemples d'héritages laissés par les milliardaires qui donnent lieu à des batailles entre héritiers qui se déchirent sur le patrimoine et parfois le dilapident. Donc, la question de la transmission reste entière. Et il n'y a pas encore véritablement de réflexion sur cette question.
Avec la crise climatique et la guerre en Ukraine, la souveraineté alimentaire pour les pays africains est devenue une priorité. Comment utiliser au mieux les terres du continent sans dépendre des importations et de l'énergie, de plus en plus coûteuses ? C'est l'une des questions qui étaient au menu du sommet des start-up entre l'Afrique et l'Europe, le salon Emerging Valley, qui s'est tenu le 28 novembre à Marseille. Sur place, les entrepreneurs ont mis en avant différentes pistes. Au Sénégal, Mouhamadou Kebe a créé il y a un an une plateforme pour aider 80 000 agriculteurs à mieux planifier et limiter leurs dépenses en eau et en engrais. Sa start-up Tolbi collecte tout un tas de données météo grâce aux images satellites et à l'intelligence artificielle. Avec des résultats spectaculaires... « Il faut que les agriculteurs puissent se doter de plateformes, pour qu'ils puissent savoir qu'aujourd'hui, je dois mettre plus d'eau parce que d'ici à une semaine, il ne va pas pleuvoir. Et après-demain, il va pleuvoir donc je dois diminuer mes intrants, fertilisation et irrigation. Donc l'impact que l'on a sur le terrain par rapport aux agriculteurs, ce sont des réductions de l'usage de l'eau de 50 à 80 %. La baisse des pertes de fertilisants de 30 %. » Et en arrosant moins les champs, on a aussi de meilleures récoltes. « Si vous ne donnez à la plante que ce qu'elle a besoin en termes de production, en fait, vous avez une hausse de 30 % du rendement. » Fertiliser les cultures grâce à l'élevage de poissons Autre idée pour réduire la dépendance aux engrais dont les prix ont explosé : c'est la rizipisciculture. En clair, on utilise les déjections de poissons pour fertiliser les rizières. Valérie Verdier est la présidente de l'Institut de recherche pour le développement qui pilote ce projet dans plusieurs pays. « Vous avez des bassins qui sont réservés au riz. Et donc, à un moment donné, on ouvre des canaux qui permettent aux poissons d'aller vers la riziculture et qui vont donc amender le sol et contribuer comme cela à améliorer la culture rizicole. À Madagascar, on a des résultats très intéressants de rendements qui ont vu un accroissement de leurs récoltes. Ce sont des fermes où il n'y a plus du tout d'engrais autres que celui qui est fourni naturellement par l'élevage de poissons. » Réussir à distribuer les projets d'investissement Les start-up agricoles attirent de plus en plus d'investisseurs, mais ça ne suffira pas à garantir leur succès, prévient Mareme Dieng du fonds d'investissement californien 500 Global. « Il y a de l'argent pour financer des idées, et pour financer des porteurs de projets. Il y a une grande croissance de capital-risque, surtout en Afrique, c'est vraiment la première étape du problème. Mais si on n'arrive pas à distribuer ces projets, si on n'arrive pas à les conserver, si on n'arrive pas à les vendre... On se retrouvera dans la même situation qu'actuellement qui est un manque de souveraineté alimentaire. » L'urgence pour cette investisseuse spécialiste de l'Afrique, c'est donc de miser sur les entreprises de logistique, de e-commerce ou encore des systèmes de paiement innovants.
L'innovation au service de l'électrification : c'est l'un des défis que tente de relever à la fois l'Union européenne et l'Agence française de développement avec les pays africains. Comment les start-up innovantes dans la production et la gestion des réseaux permettent de renforcer l'approvisionnement en énergie des pays africains. Reportage au salon Emerging Valley qui s'est tenu à Marseille fin novembre. Sur l'archipel des Comores, les projets de panneaux solaires se multiplient pour essayer de sortir de la dépendance aux centrales thermiques qui tournent au fioul. Sauf que le réseau électrique n'est pas prêt, constate Louise Muller de la PME Roseau Technologies. « Pour que l'électricité produite puisse aller jusqu'aux gens, il faut que le réseau soit adapté et le réseau ne l'est pas. C'est un réseau qui pour l'instant n'est pas automatisé, donc ça amène à des coupures au quotidien. Il faut investir sur le réseau actuellement et pour savoir où faire ces investissements, il faut une meilleure connaissance du réseau et éventuellement de là où il est limité d'un point de vue électrique, c'est-à-dire où est-ce qu'on a initialement placé un câble électrique qui était suffisant à l'époque, mais qui ne l'est plus une fois qu'on rajoute des usagers ou des nouvelles installations de production. » Cette entrepreneuse de Grenoble a donc proposé au réseau national d'électricité, la Sonelec, de développer un logiciel qui va leur permettre de moderniser leurs infrastructures. « Donc, la première étape, c'est d'aller sur le terrain et de relever le réseau pour ensuite pouvoir avoir son réseau électrique sur un ordinateur de façon à pouvoir simuler comment le réseau est utilisé aujourd'hui, où est-ce qu'il y a des problèmes de congestion, où est-ce qu'il faudrait investir actuellement pour améliorer les problèmes d'alimentation, même si c'est une photo moins jolie quelques câbles électriques par rapport à un champ photovoltaïque. » De nouveaux moyens d'accéder à l'électricité Mais pour beaucoup de régions rurales en Afrique, cela reste trop cher et trop compliqué de se raccorder aux réseaux nationaux d'électricité. Cyril Renault est le responsable Énergie de l'Agence française de développement. « Il y a beaucoup de personnes qui vont être connectées par des moyens décentralisés, des mini-réseaux. Et très souvent alimentés par des énergies renouvelables. Les énergies renouvelables, principalement le solaire, produisent essentiellement la journée, mais l'électricité est consommée la nuit. Donc, il faut pouvoir restituer l'électricité qui est produite la journée pour les usages la nuit et donc, là, on a besoin de batteries. Les batteries coûtent cher, elles ont une durée de vie limitée. » Alors une start-up sud-africaine, Vittoria Technology, a trouvé la solution : c'est la batterie en location. « Ils n'ont pas besoin d'investir, ils vont payer un loyer et en plus la société propose un moyen de gestion numérique de ces batteries afin d'accroître leur durée de vie. » Au Niger et au Nigeria, d'autres start-up ont concentré leurs efforts sur des capteurs intelligents pour limiter les pannes d'électricité.
Lors d'une session extraordinaire de l'Organisation internationale du cacao, qui s'est tenue le 8 décembre à Montpellier, producteurs et acheteurs se sont mis d'accord pour lancer des études sur la possibilité de créer une bourse du cacao en Afrique. Aujourd'hui, les cours du cacao sont décidés à Londres ou New York. En rapprochant cette bourse des lieux de production, l'Afrique espère à terme une remontée des cours. Mais pour réaliser cette ambition, il faudra surmonter de nombreux obstacles. Avec notre correspondant à Montpellier, Une bourse du cacao en Afrique ? Narcisse Ghislain Olinga, délégué du Cameroun à l'Organisation internationale du cacao, y est 100% favorable : « L'un des problèmes majeurs, c'est le mécanisme de fixation de prix, affirme ce dernier. Il est fixé à Londres et à New York, où le producteur de cacao n'a aucune visibilité. On vous propose un prix qui, en réalité, ne vous permet même pas de couvrir pas vos charges de production. Nous nous réjouissons que les pays producteurs aient commencé à prendre ce problème à bras le corps. » Mais Jean-Luc Desverchère, exportateur ivoirien à San Pedro, premier port du cacao au monde, reste sceptique : « Entre l'offre et la demande, et les fonds de pension qui interviennent dans un marché spéculatif, est-ce qu'on peut parler vraiment d'offre et de demande ? Il y a un problème de spéculation. Le marché est-il vraiment intéressé par le devenir des planteurs ? » ► À lire aussi : Le cacao est-il en surproduction ? S'accorder sur la devise et les questions logistiques Cette bourse se concentrerait sur les quatre gros producteurs africains que sont la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Nigeria et le Cameroun. Mais pour qu'elle fonctionne, il faut qu'elle attire les acheteurs, et sur de gros volumes, pour avoir des prix représentatifs. Côté africain, il y a aussi des obstacles à surmonter, propres aux quatre pays concernés. « Une bourse, ce n'est pas une société ordinaire, explique Michel Arrion, le directeur général de l'organisation internationale du cacao. Il y a toute la réglementation financière à respecter, or ces quatre pays ont quatre monnaies différentes. Se décider sur la devise utilisée pour libeller les contrats est une grosse difficulté. On n'aura pas un accord sur la bourse si on n'a pas aussi un accord sur toutes les questions logistiques : les livraisons, les entrepôts, le fonctionnement des ports d'exportation. Cela pourrait être un élément facilitant le commerce, mais il va falloir faire de gros efforts des deux côtés. » Les promoteurs de la bourse du cacao pourront en tout cas s'appuyer sur d'autres exemples africains, comme la bourse des matières premières créée à Addis-Abeba en 2008, et qui sert notamment à commercialiser le café des producteurs éthiopiens. ► À lire aussi : Quelles pistes pour lutter contre le « swollen shoot », la maladie redoutable du cacao ?
Un congrès mondial du cacao s'est tenu la semaine dernière à Montpellier. Il était consacré aux nouvelles avancées agronomiques, mais aussi aux solutions qui pourraient permettre aux cinq millions de producteurs de vivre de leur travail, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Alors y a-t-il surproduction ou spéculation ? Les participants de ce congrès se sont interrogés sur cette situation. « Les producteurs ne comprennent pas, ils ne comprennent pas le prix… Malgré ce qu'ils gagnent, on sent qu'ils n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Ils font autre chose à côté, mais c'est vraiment difficile pour eux. » Thomas Zongo, président d'une coopérative ivoirienne, ne peut cacher son désarroi. Le prix du cacao cette année est 10% plus bas que celui de l'année dernière, alors que l'inflation explose. Pourtant, un accord historique avait été conclu en 2019 dans lequel les géants du chocolat s'étaient engagés à leur verser un « différentiel de revenu décent », soit 400 dollars pour chaque tonne achetée. Une baisse qui dure depuis des années, et qui a de lourdes conséquences sur la filière. « Le plus important, c'est le manque de revenus décents pour la majorité des agriculteurs qui produisent le cacao, insiste Martijn ten Hoopen, le correspondant cacao du Cirad, l'organisme de recherche de référence sur cette production. On a eu une augmentation de la demande, accompagnée d'une augmentation de l'offre, malheureusement réalisée par une augmentation de surface qui est liée à l'autre problématique de la production de cacao : la déforestation. » ► À lire aussi : Côte d'Ivoire: malgré un prix fixe, les producteurs de cacao ne joignent pas les deux bouts La surface plantée en cacao dans le monde est en effet passée depuis les années 1960 de quatre à douze millions d'hectares. Une surproduction passagère peut donc être un facteur qui explique la chute des prix, mais pas seulement. « Dès qu'on a un petit surplus de production, les prix chutent, souligne Michel Arrion, directeur de l'Organisation internationale du cacao. Mais l'année dernière, avec un déficit de 300 000 tonnes, on n'a pas vu d'augmentation des prix. Donc ça ne marche que dans un sens cette explication. » La spéculation sur les bourses de Londres et de New York, où sont fixés les cours mondiaux du cacao, se porte en revanche très bien. « Quasiment chaque semaine, on achète ou on vend l'intégralité d'une production annuelle ! Donc une très grande activité d'achat et de vente de cacao papier, c'est-à-dire des contrats à trois, six ou neuf mois, mais qui ne se concrétisent presque jamais en livraison physique », poursuit Michel Arrion. L'Organisation internationale du cacao a donc décidé à l'issue de ce congrès de Montpellier de se pencher sur le projet d'une bourse qui serait basée en Afrique, et dont les transactions concerneraient de vraies cargaisons physiques, pour redonner un peu plus de pouvoir aux pays producteurs. ► À lire aussi : Déforestation: le cacao ivoirien est-il conforme aux nouvelles règles imposées par l'UE ?
C'est le fléau qui fait trembler les producteurs de cacao en Afrique. Identifié pour la première fois au Ghana en 1936, le «swollen shoot» est une maladie virale incurable qui affecte les cacaoyers et se transmet essentiellement par des cochenilles. Des pistes de prévention et de détection sont cependant explorées. Rencontre avec les chercheurs réunis à Montpellier lors du Congrès international de recherche sur le cacao (ISCR). Le swollen shoot se manifeste visuellement par des gonflements au niveau des rameaux, d'où son nom. Pour l'instant, il n'existe aucun traitement, les arbres meurent inéluctablement et des milliers d'hectares doivent être arrachés. Pour Martijn ten Hoopen, coorganisateur de ce congrès à Montpellier et qui supervise toute la recherche sur le cacao effectuée au sein du Cirad (le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), le swollen shoot n'est pas une maladie comme les autres. « Actuellement, explique-t-il, c'est la maladie qui est la plus répandue dans les deux pays principaux de production, la Côte d'Ivoire et le Ghana. C'est le swollen shoot qui tue l'arbre. C'est très coûteux aussi d'enlever les arbres morts, de replanter… C'est une maladie très difficile à contrôler. » Il n'y a pas de traitement contre ce fléau, mais des chercheurs travaillent sur des tests de détection, qui pourraient permettre de diagnostiquer la maladie à un stade précoce, et donc d'éliminer plus rapidement les arbres atteints avant qu'ils ne contaminent les autres. C'est le cas de la Britannique Jacqueline Mary-Barnett, à l'université de Bristol : « C'est une technologie très simple. Il suffirait de prendre quelques feuilles, de commencer le processus d'extraction en les hachant, en les passant dans un filtre permettant d'isoler de grandes particules. Après, il suffirait de lire le test pour savoir si on est positif ou négatif. » Les barrières de végétation, une mesure de prévention qui semble efficace Ce système de prévention cherche à empêcher les insectes porteurs du virus d'arriver sur les cacaoyers sains. Régis Babin, du Cirad, teste depuis deux ans en Côte d'Ivoire un système de haies, des barrières de végétation qui ont un double rôle. « On a testé un certain nombre de plantes, dont le café robusta et l'acacia, rapporte le chercheur. On a des plantes qui jouent le rôle de barrière physique, qui vont stopper la dispersion des cochenilles vectrices de la maladie. Et d'autres plantes vont jouer un rôle biologique : les cochenilles vont se développer sur ces plantes en se libérant du virus, et lorsqu'elles passeront sur le cacaoyer voisin, elles seront sans virus, donc totalement inoffensives. Sur la quinzaine de parcelles que nous avons mises en place, seule une a été attaquée, une parcelle témoin entourée de cacao… Le taux de réussite pour l'instant est de 100% ». Certains arbres sont des réservoirs à virus, d'autres permettent de lutter contre lui. C'est ce travail d'identification, sur le terrain, qui doit maintenant être mené. ► À écouter aussi : Swollen shoot : les cacaoyers en proie à une maladie difficile à éradiquer
Camaïeu, le géant du textile du nord de la France, a été placé en liquidation judiciaire fin septembre 2022. 2 600 emplois ont été supprimés et 500 boutiques ont fermé. Après une première vente aux enchères des stocks, ce mercredi 7 novembre, ce sont les actifs immatériels de la marque qui ont été vendus aux enchères. Si la fermeture de l'enseigne a de graves conséquences sur l'emploi en France, elle en a également sur l'ensemble de la filière et notamment toute la chaîne manufacturière au Maroc, qui était un grand fournisseur de la marque. L'annonce de la liquidation judiciaire est la douche froide pour Si Mohamed Boubouh, grand industriel de Tanger à la tête de Vita Couture. « Nous n'avons pas de fonds de roulement pour acheter de tissu et tout ça, ça impacte directement sur les chaînes de couture. Avant, on avait 800 personnes et maintenant, on se retrouve pratiquement avec un peu plus que la moitié, dans les 460. Camaïeu représentait avant à peu près entre 38 jusqu'à 40% de ma capacité. Donc, c'était vraiment un client important pour nous. » Un coup d'autant plus dur que l'entreprise de Si Mohamed Boubou ne faisait pas de la simple sous-traitance pour Camaïeu : « Plus que ça, c'est que nous avons travaillé avec Camaïeu en produit fini. C'est-à-dire que nous achetons du tissu, on fait la coupe, la confection et tout et la livraison du produit fini jusqu'en France. Et là, vous pouvez imaginer que le coût est vraiment supérieur à la sous-traitance. Et là, bien sûr, l'ardoise était beaucoup plus douloureuse que si jamais on travaille en sous-traitance. Et le problème majeur que nous avons eu, c'est que nous avons fait confiance parce qu'ils ont promis une chose, et puis après, on se retrouve vraiment avec aucune garantie et pratiquement 2 millions d'euros suspendus ». Plus de 500 emplois supprimés Des stocks sur les bras, des frais de douanes en attente, pas de fonds de roulement pour honorer de nouvelles commandes… Face à la liquidation judiciaire de Camaïeu, les défis sont grands pour les industries du textile au Maroc. Ismail Lemtouni d'Imprima Platform Morocco fait le bilan. « On essaie de s'en sortir tant bien que mal. Cette fermeture nous a laissés avec des impayés et un stock marchandise qu'on n'a pas pu exporter et qui s'élève à un peu plus de 2 millions d'euros. Mais mis à part cela, si vous voulez le business avec Camaïeu représentait plus ou moins 7 à 8 millions d'euros par an, ce qui représente en termes d'emploi dans les 500 à 600 emplois dont on a dû se séparer. Donc, vous pouvez imaginer que ça n'a pas été évident. » Pour Ismail Lemtouni, la marge de manœuvre est serrée... « Si on veut aller de l'avant et qu'on veut continuer, il faut absolument remplacer ce chiffre d'affaires. Moi, je me dis qu'on doit le remplacer dans les 2-3 mois à venir, sinon on risque de licencier bien plus de personnes que ce que l'on imaginait. » Aujourd'hui, c'est un goût d'amertume qui prédomine du côté de ces professionnels du secteur. Ils n'attendent que peu de choses des actions en justice.
Les dirigeants nigériens et leurs partenaires publics et privés étaient réunis à Paris ce 5 et 6 décembre pour présenter le Plan de développement économique et social 2022-2026. Un plan à 29,6 milliards d'euros qui vise à consolider les bases du développement du pays et à transformer radicalement son économie. « Notre ambition est de ramener le taux de pauvreté de 43 % en 2022 à 35 % en 2026... » Pour Mohamed Bazoum, le président du Niger, le PDES 2022-2026 est une nécessité vitale pour permettre à son pays de relever le défi majeur de la pauvreté. Confronté à une démographie forte, une agriculture encore largement dépendante du climat, mais aussi aux questions de sécurité, le Niger entend investir à la fois dans le capital humain, la gouvernance et la transformation de son économie. Rabiou Abdou, le ministre nigérien du Plan, est l'architecte du PDES. « La transformation de l'économie suggère la création des industries à partir des matières premières que nous produisons, c'est-à-dire notre production sylvo-agro-pastorale. Ces industries vont générer non seulement de la valeur ajoutée, qui elle va alimenter les ressources publiques via le prélèvement d'impôts, et surtout créer des emplois à cette jeunesse que nous sommes en train de former en investissant dans le capital humain. » Une participation de la Banque africaine de développement Le Niger a chiffré son plan à 29,6 milliards d'euros. L'État s'engage à apporter 13,4 milliards sur ses ressources. Il espère 10 milliards d'euros de ses partenaires institutionnels et 6 milliards du secteur privé. La BAD, la Banque africaine de développement, a déjà sorti le chéquier. Marie-Laure Akin-Olugbade, vice-présidente de la BAD : « Nous nous proposons d'engager un montant de 1 500 milliards de francs CFA. Il s'agit d'engagements nouveaux dans le domaine des infrastructures, comme le transport et les énergies, en particulier les énergies renouvelables ». Des aides à la prise de décision pour les investisseurs La France, l'Union européenne, la Banque mondiale, la Banque islamique de développement, mais aussi de nombreux partenaires bilatéraux et multilatéraux ont répondu présents. Le Niger compte aussi sur le secteur privé. Le PDES propose aux investisseurs une série de grands projets industriels, énergétiques ou miniers, clés en mains. « Pour ces projets, nous avons conduit des études de faisabilité détaillées. Dans toutes les dimensions. Les dimensions économiques, financières, environnementales ou sociétales. Donc, ces études de faisabilité étant disponibles, tout investisseur peut consulter les différents projets et se dire tout de suite "si je mets tant, voilà ce que je gagne". Ce travail a été pris en charge par la Banque mondiale et sa filiale, la SFI. Nous mettons donc à la disposition des investisseurs des aides à la décision », explique Rabiou Abdou. Ces études de faisabilité ont été confiées à un grand cabinet d'audit international. Niamey entend ainsi mettre toutes les chances de son côté.
Depuis quelques années, le marché de l'assurance est bouleversé par les évènements climatiques de plus en plus répétés et de plus en plus intense, causant de multiples dégâts. Le coût des catastrophes naturelles mondiales atteint 110 milliards d'euros sur les dix premiers mois de 2022, selon les assurances Swiss Re. Parmi les innovations du marché de l'assurance, un nouvel outil se développe un peu partout en Afrique : l'assurance paramétrique. Un grand projet est en cours actuellement au Nigeria.
Au Nigeria, des inondations historiques ont fait au moins 600 morts et près de 2 millions de déplacés à travers le pays. En se retirant, l'eau a laissé des habitants désemparés, des champs dévastés et des routes complètement détruites. Cette catastrophe naturelle de grande ampleur porte un nouveau coup à l'économie nigériane, déjà fort mal en point. De notre correspondante à Lagos, Au pic de l'inondation, plusieurs personnes sont mortes noyées en essayant de rejoindre en pirogue l'État de Rivers pour se rendre ensuite à Port-Harcourt, la grande ville pétrolière du sud du Nigeria. Maintenant que l'eau s'est retirée, les camions mettent parfois des jours à passer sur les tronçons les plus abîmés. Yusuf, transporte du bétail depuis le nord du Nigeria. « Ça fait quatre jours que je suis là. Il y a des problèmes partout. Entre Warri et Port Harcourt, entre Benin City et Okene... Les routes ont été complètement détruites. » Augmentation des prix et pénuries d'essence Après les inondations, tous les prix ont augmenté et les pénuries d'essence sont de retour au Nigeria, y compris dans les régions pétrolifères du Sud-Est. David se tient à côté de son camion, le front ruisselant de sueur : « Ça fait plus de deux jours maintenant que je suis là, parce que la route est coupée, un poids-lourd s'est renversé... Je ne me suis pas lavé depuis quatre jours, je ne vous parle même pas de me brosser les dents. Ce n'est pas facile. Moi, je transporte des boissons en canette et de l'eau minérale. Évidemment, cette situation cause de très grosses pertes financières pour ma compagnie ! Moi, j'étais censé arriver le lendemain de mon départ, et là ça fait déjà quatre jours que je suis sur la route. Il y a même des voleurs qui ont attaqué les chargements ici ! » Une inflation qui dépasse les 21 % en octobre La route qui mène à l'université de Bayelsa a également été emportée par l'eau. Les passagers doivent quitter leur véhicule, traverser avec leurs sacs sur une passerelle de fortune, avant de monter dans une autre voiture. Andrew est chauffeur de taxi : « Nous, on dort là, au milieu des moustiques, pour ne pas rater les passagers ! Ils passent ici tard le soir, tôt le matin, on les attend ici pour les aider ! » Vu la situation, les prix de la nourriture continuent évidemment de grimper au Nigeria, alors que l'inflation générale dépassait déjà les 21 % au mois d'octobre. Peter n'a pas quitté sa chambre étudiante, depuis plus d'un mois. « Les prix ont vraiment explosé à Bayelsa, c'est devenu très très dur de survivre, il y a de l'inflation. Je me demande si les prix vont rester aussi élevés quand l'eau se sera entièrement retirée ? Avec 6 euros, tu ne peux même pas t'offrir un repas. Les gens profitent de la situation. Le riz a beaucoup augmenté et les vendeurs augmentent encore les prix. » De précédentes inondations meurtrières, en 2012, avaient coûté plus de 27 milliards de dollars à l'économie nigériane.
La construction du nouvel aéroport de Bugesera, au Rwanda, se poursuit. Le chantier, lancé en 2017 à plusieurs dizaines de kilomètres au sud-est de la capitale Kigali, représente l'un des projets de taille pour le pays qui veut se placer comme le nouveau centre aérien de la région. De notre correspondante à Kigali, Sur le chantier de Bugesera, les ouvriers s'affairent à terminer la première phase de construction du nouvel aéroport. « L'actuel aéroport peut accueillir jusqu'à 2,5 millions de passagers par an alors que le nouvel aéroport ira jusqu'à 8 millions dans sa phase première, fait valoir Jules Ndenga, PDG d'Aviation Travel & Logistics, le groupe public réunissant les différentes compagnies rwandaises liées au secteur de l'aviation.. Mais le nouvel aéroport se positionne comme un hub non seulement de passagers, mais aussi du trafic cargo avec une capacité de 150 000 tonnes par an pour la première phase et jusqu'à 300 000 tonnes par an dans sa deuxième phase. Donc c'est un changement radical dans la taille de l'infrastructure. » Le Qatar propriétaire à 60% du futur aéroport Le plan des travaux, lancés en 2017, a été modifié après des accords conclus en 2019 avec Qatar Airways, partenaire du projet de construction avec une participation de 60% dans le nouvel aéroport, ainsi que 49% dans la compagnie aérienne nationale Rwandair. « Cette alliance est donc une alliance qui peut apporter à Qatar Airways une accessibilité sur le marché africain déjà couvert par Rwandair et la compagnie, en échange pourra également profiter de la présence de Qatar Airways sur d'autres destinations, notamment en Asie, précise Jules Ndenga. Nous espérons donc donner un peu plus de forme dans le trafic Sud-Sud, ce qui est encore assez embryonnaire et ce qui va donc permettre au Rwanda de jouer pleinement son rôle de hub africain. » ► À lire aussi : Entre le PSG, le Qatar et le Rwanda, la lune de miel ne fait que commencer Pour Philip Lucky, responsable des investissements pour le RDB, l'Agence de développement du Rwanda, le projet d'aéroport permettra de développer d'autres activités dans la région de Bugesera. « L'autre dimension est de regarder toutes les infrastructures qui seront construites autour de l'aéroport, les hôtels, les entrepôts, explique-t-il. On parle aussi d'agriculture, car il y a beaucoup d'activités agricoles autour de Bugesera, qui espère exporter leurs produits frais avec cet aéroport. On a le parc industriel, qui n'est pas très loin du site du nouvel aéroport. Donc nous voyons toutes ces activités comme complémentaires à ce projet. » La fin des travaux de l'aéroport de Bugesera est prévue d'ici 2026. ► À écouter aussi : Un allié de prestige pour le développement économique du Rwanda: le Qatar
Le Gabon importe la plupart de ses produits manufacturés au point que sa population ne sait même pas que certains sont fabriqués sur place. Beaucoup l'ont découvert lors des journées de l'industriel gabonais organisées à Libreville du 10 au 12 novembre dernier. L'occasion de vanter le « made in Gabon », mais surtout d'imaginer un futur plus dynamique de ce secteur pressenti pour prendre la relève de l'après pétrole. Joanna et sa collègue Alice sillonnent les différents stands de l'exposition organisée à l'occasion des journées de l'industriel gabonais. Elles découvrent avec beaucoup de plaisir que plusieurs produits qu'elles achètent régulièrement dans les supermarchés sont fabriqués au Gabon. « Je ne savais pas que c'était "made in Gabon", c'est durant les journées de l'industrie que j'ai pu constater que ces produits étaient faits au Gabon », explique cette première. « Moi, j'ai découvert Chimiotechnic spécialisés dans les produits ménagers. Je ne savais pas que c'était un produit gabonais... » Produits de nettoyage, aliments, boissons, ferraille, meubles en bois, les industriels gabonais ont exposé leur savoir-faire. Une fierté pour le ministre gabonais de l'Industrie, Pacôme Moubelé Boubeya : « En si peu d'années, nous avons commencé un processus de transformation. Jusqu'en 2010, la part transformée du bois était très marginale. Aujourd'hui, le Gabon est devenu le deuxième producteur mondial en contreplaqué. En matière de minerais, tout le manganèse extrait du Gabon était aussi vendu de façon brute. Nous avons commencé toute cette transformation. Même l'or était raffiné à l'extérieur. Donc la route est en train d'être prise et les objectifs de plus en plus atteints. » Financer Durant ces journées, les industriels ont posé le problème d'accès au financement pour accroître leurs capacités de production. Henri Claude Oyima, président de la Fédération des Entreprises du Gabon a appuyé cette doléance. « On a fait une proposition de la création d'une banque d'investissement qui n'existe pas au Gabon, raconte-t-il. Comme les industries ont besoin de financements sur une période assez longue, nous avons donc proposé que l'épargne collectée au Gabon puisse accompagner les industries du Gabon aujourd'hui. » Fabriquant des transformateurs électriques utilisés dans l'éclairage public, Parfait Duffy Bibang, PDG de La Gabonaise d'Énergie, estime que l'État gabonais n'accompagne pas suffisamment les industriels locaux. « Il faudrait que l'État protège les entreprises existantes et leur alloue des marchés qui protègent nos entreprises », avance-t-il. Malgré un réel frémissement, la part de l'industrie au PIB du Gabon est encore marginale. Elle est d'environ 8% seulement. ► À lire aussi : Gabon: la pénurie d'huile de cuisine provoque la colère des habitants de Libreville
À Lubumbashi, les commerçants figurent parmi les personnes qui se frottent les mains grâce à l'expansion du secteur de l'immobilier. Le marché de matériaux et d'outils de construction est florissant. Que ce soit au centre commercial ou dans les quartiers périphériques de la ville, les magasins de vente de matériaux de construction sont de plus en plus nombreux, car la demande est forte. De notre correspondante à Lubumbashi, Sur la route Kipopo, l'un des quartiers en pleine expansion, Serges tient un dépôt de matériaux de construction. Il vend des fers à béton, des tôles galvanisées, du bois, des clous… Chaque matin, des clients affluent, ce qui le réjouit malgré une conjoncture difficile en ce moment. « Il y a de plus en plus de constructions et ça nous permet de vendre, même si nous ne réalisons pas assez de bénéfice sur nos articles, explique-t-il. Des Indiens ont aussi ouvert des extensions de leurs magasins dans les communes et les quartiers, et vendent au même prix que nous. Mais nous arrivons à écouler nos marchandises. » Le boom immobilier a aussi motivé Dan Tshombe à se lancer dans le commerce de matériaux de construction. Il y a deux ans, il a ouvert un point de vente sur avenue Maniema, non loin du centre-ville de Lubumbashi, il y expose quelques échantillons : « Nous avons du gravier, du sable fin, du sable concassé, des pavés parcellaires, des bordures… Nous les exposons ici pour indiquer aux clients que ces produits sont disponibles. » Ce jeune ingénieur en construction n'exploite pas de carrières de gravier ni de sable. Par contre, il fait du courtage entre les détenteurs des carrières et les clients. ► À lire aussi : RDC : à Lubumbashi, les prix de l'immobilier s'envolent Dan Tshombe reconnaît que le marché est florissant et les affaires marchent bien. « Par exemple, avec la pluie qui commence, les pavés sont vraiment recherchés en ce moment, poursuit-il. Et cela nous permet de gagner suffisamment. De ce côté-là, on ne se plaint pas. On ne va pas dire que c'est le paradis, mais on réalise le minimum de bénéfice. » Le minimum de bénéfice, c'est aussi ce que recherche Patrick Mikombe. Il a monté un atelier de fabrication locale et vente de portes et fenêtres en aluminium. « Quand le marché est vraiment au rendez-vous, je peux avoir trois commandes par mois. C'est pour environ 20 portes et fenêtres. » En deux ans, il a vu son chiffre d'affaires augmenter de 10%. Les experts du secteur de l'immobilier estiment que la demande en matériaux et outils de construction sera encore plus forte au cours des prochaines années, car la ville de Lubumbashi continue de s'étendre. ► À lire aussi : RDC : Boom immobilier à Lubumbashi, quels débouchés pour les Congolais
À Lubumbashi, des villas de standing, des immeubles, des hôtels, des complexes commerciaux poussent comme des champignons aussi bien dans le centre commercial que dans le nord et l'ouest de la ville. Mais quels débouchés ce boom de la construction crée-t-il pour les jeunes travailleurs congolais ? De notre correspondante à Lubumbashi, Un projet de construction va de l'étude de ce projet jusqu'à sa mise en œuvre. Or, l'essentiel de ce processus échappe aux jeunes Congolais. À Lubumbashi, des sociétés de construction comme Safricas, Forrest, Edile Construction, ou des sociétés chinoises et indiennes se taillent la part du lion, ce que déplore Isidore Dibala, vice-président provincial de l'ordre national des architectes. « Nous sommes surpris de voir que des projets tombent du ciel et on commence à les construire », s'étonne Isidore Dibala. « Il n'y a même pas de plaque qui indique quel bureau d'études a conçu le projet et quelle entreprise de construction l'exécute. Donc, les architectes ne sont pas associés à ce semblant de boom immobilier. » Un avis que partage Franck Shimba, ingénieur en construction. Pour lui, le seul marché qui reste aux Congolais est celui des petites et moyennes habitations des privés. Pourtant, l'expertise ne manque pas, estime-t-il. « En tout cas, ce n'est pas facile d'avoir de gros marchés. Souvent ce sont des particuliers qui ont recours à nous. Voyez, dans notre ville, ce sont plus des Libanais, des Chinois qui ont ces marchés-là. Nous Congolais… On dirait qu'on ne nous fait pas trop confiance », pense Franck Shimba. ► À lire aussi : RDC: à Lubumbashi, les prix de l'immobilier s'envolent Un secteur qui attire les jeunes Certains ont cependant su trouver des débouchés. Ils ont créé leurs propres agences immobilières, même si là aussi, la concurrence est rude. Patrick Bondo est directeur de l'agence PDM crée il y a 2 ans. « Oui, nous avons des marchés. Nous faisons nos preuves. D'ailleurs, la plupart de nos clients ne viennent que par recommandation, c'est que nous avons montré de quoi nous sommes capables », avance-t-il Malgré les difficultés, la filière du bâtiment attire les jeunes. Daniel Kimpinde est étudiant en Bac 2 Architecture à l'université de Lubumbashi. Crayon à la main, il conçoit le plan d'une guest house pour enseignants. Daniel croit en l'avenir de son métier. « En sachant que le secteur de l'immobilier attire du monde aujourd'hui, on se dit que si l'on terminait les études, on pourra concevoir des projets pour nos proches. Toutefois, on garde à l'esprit qu'on pourra un jour participer à de grands projets », explique l'étudiant. Les jeunes Congolais œuvrant dans le secteur de l'immobilier espèrent voir l'État promouvoir l'expertise locale.
Avec un déficit d'environ 4 millions de logements selon Africa Property News, le secteur de l'immobilier en RDC présente une grande opportunité d'investissement. À Lubumbashi par exemple, deuxième ville du pays, la demande en logement est plus grande que l'offre. Ce qui attire non seulement des Congolais, mais également des expatriés qui souhaitent investir dans le secteur locatif. Et par conséquence, les prix des terrains s'envolent. De notre correspondante à Lubumbashi, Dans la ville de Lubumbashi, les chantiers de villas, d'immeubles, d'hôtels, de centres commerciaux, de boutiques se comptent par dizaines. Pour Éric Lubangu, chercheur en économie, la plupart des propriétaires se tournent vers l'investissement locatif pour échapper au contrôle du flux financier imposé par le circuit bancaire. « Comparativement à d'autres placements, que ça soit dans une banque ou ailleurs, l'investissement dans l'immobilier est rarement impacté par la conjoncture », explique le chercheur. « Et puis il n'y a pas de contrôle rigoureux dans ce secteur et l'immobilier permet aussi d'assurer sa retraite. » Côté logement, la demande est de plus en plus forte à cause de l'accroissement de la population dans une ville qui compte désormais plus de 4 millions d'habitants. « Actuellement, nous peinons à loger des gens », constate Evariste Ntolo, un agent immobilier. « Au centre-ville par exemple, il est difficile de trouver une maison dont le loyer coûte même 1 000 dollars. La demande est très forte par rapport à l'offre », ajoute-t-il. ► À écouter aussi : Les difficultés de logement des Kinois « Il y a vraiment de la spéculation » Le prix des locations dans les quartiers chics est élevé. Pour une villa de quatre chambres, il varie entre 3 000 et 4 000 dollars par mois selon la superficie et les prestations. Celui d'un appartement va de 250 à 500 dollars. Malgré ce coût, la vie en appartement attire les Lushois comme Lysette Lomami. Elle loue un appartement à 500 dollars car « dans un appartement, le bailleur respecte bien le locataire ». « En plus, c'est (le bailleur) qui prend en charge les travaux d'entretien de l'immeuble. C'est cher, mais nous acceptons car les conditions de vie sont acceptables », souligne-t-elle. La ruée des Lushois vers l'investissement immobilier et locatif fait aussi grimper le prix des terrains. Dans les quartiers proches du centre commercial, le prix d'un terrain va jusqu'à 120 000 dollars. « Il y a vraiment de la spéculation », analyse Nathan Kabayo, ingénieur en construction. « Dans le temps, un terrain d'une dimension de 60 mètres sur 30 se vendait à 700 dollars, voire 1 200 dollars. Maintenant, il y a une hausse des prix. Par exemple, un morcellement d'une parcelle de 20 mètres sur 30 coûte 30 000 dollars », détaille-t-il. L'investissement locatif en RDC est un secteur prometteur et les besoins annuels dans le pays sont estimés à plus de 250 000 logements, selon l'Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI).
Vendre la viande de brousse a toujours été la principale activité génératrice de revenus pour les communautés de Kabo, localité située dans la périphérie du parc de Nouabalé Ndoki, dans le département de la Sangha, au nord du Congo-Brazzaville. Désormais, l'Agence américaine de développement international (Usaid) mène dans cette zone un projet permettant aux bénéficiaires de diversifier leurs activités et revenus. De notre envoyé spécial à Kabo, Ce matin dans les rues de Kabo le nombre de moutons et de chèvres, lâchés par leurs bergers, à la recherche de pâturages, est impressionnant. Plusieurs heures plus tard, nous retrouvons au moins une quarantaine de têtes dans la bergerie de Christelle, une femme de 34 ans. Elle est dans un micro-projet qui a bénéficié de l'appui technique du projet de diversification des revenus de l'Usaid. « Notre première préoccupation est de changer les habitudes alimentaires : au lieu de consommer seulement la viande de brousse, les gens peuvent manger également du mouton ou du poulet […] Les gens ne se désintéressent pas encore trop de la viande de brousse. C'est un début [pour nous, les éleveurs]. Il faut attendre au moins dix ans », affirme-t-elle. Pas de prix fixe C'est juste une épave d'un congélateur qui sépare la bergerie et le poulailler de Christelle, dans la cour arrière de sa maison. Citoyen d'origine sénégalaise, installé à Kabo depuis 20 ans, Boubou Ndiaye élève également les moutons. « Nos prix de vente dépendent de la grandeur des bêtes. Il y a certains mâles qu'on peut vendre à 60 000 francs CFA (91,40 euros). Certaines femelles reviennent à 45 000 francs CFA (68 euros) ou 40 000 francs CFA (60 euros). Il n'y a pas un prix fixe. Quand il y a la Tabaski, c'est une opportunité pour nous de vendre plus de moutons », témoigne-t-il. À côté, Boubou Ndiaye fabrique du pain local et s'intéresse aussi à la culture du cacao. « Aider les communautés à mieux se prendre en charge » Mohamed Ali Boucka Mouity, un des animateurs du projet de diversification des revenus de l'Usaid nous dégage son intérêt. « Notre objectif, c'est réduire le commerce de la viande de brousse. Dans ce cas, il faut des activités alternatives pour aider les communautés à mieux se prendre en charge », indique-t-il. Dans la zone de Kabo, les animateurs de projets qui travaillent à limiter la pression sur la faune, multiplient les initiatives pour concilier conservation et sécurité alimentaire. Fortuné Iyengué est conseiller technique principal du Progepp, Projet de gestion des écosystèmes périphériques du parc de Nouabalé Ndoki. « C'est vrai qu'on a souvent reproché aux acteurs de la conservation de se limiter seulement à la conservation. Maintenant, on s'est dit qu'en travaillant avec les communautés, il faut les activités alternatives. C'est quelque chose de bienvenu pour que les communautés puissent souffler », relève-t-il. Dans la périphérie du parc de Noubalé Ndoki, les conservateurs estiment que le niveau du braconnage a un peu baissé depuis l'inscription de ce site sur la liste du patrimoine mondial en 2012.
La Société financière internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale dédiée aux entreprises privées, lance un fonds de 225 milliards de dollars pour renforcer les écosystèmes de « capital risque », ces investisseurs qui parient sur les start-up. En moyenne, l'Afrique reçoit 4 dollars par an et par habitant en capital-risque, contre 800 dollars aux États-Unis et 20 dollars en Inde. Autant dire que ceux censés avoir le goût du risque sont encore très timorés vis-à-vis du continent. C'est ce qui a décidé la SFI à débloquer des fonds pour favoriser le capital-risque africain. La prestigieuse signature de l'Institution rassure les marchés, affirme Makhtar Diop directeur général de la SFI : « L'avantage que nous avons, c'est que l'effet multiplicateur est énorme. Dans le capital-risque, pour chaque dollar investi, nous avons pu mobiliser 44 dollars. » Le nouveau fonds de 225 millions de dollars est une suite naturelle pour une institution qui parie déjà depuis longtemps sur les start-up. Cette fois-ci, il s'agit tout autant de soutenir les entreprises débutantes que les fonds d'investissement. « Sur l'Afrique, on travaille par exemple avec Partech, un fonds basé en France, précise Makhtar Diop. Ce fonds a déjà investi dans une des fintechs, qui a eu du succès en Afrique de l'Ouest, Wave. Nous avons réussi à atteindre d'autres sociétés à travers ces fonds d'investissement. Et nous travaillons directement avec d'autres start-up, par exemple Yellow Door Energy en énergie renouvelable, au Moyen-Orient. On travaille avec Twiga Food au Kenya. Et tout cela, ce sont des investissements directs. Donc nous combinons les deux. » ► À lire ou à écouter aussi : Comment soutenir les start-up en Afrique? L'initiative est d'autant plus intéressante pour les entreprises africaines que la remontée mondiale des taux d'intérêt complique la tâche des entrepreneurs. « Quand les taux d'intérêt remontent, les valorisations des sociétés ont tendance à baisser. C'est un effet mécanique, explique Mathias Léopoldie, patron de Julaya, une fintech franco-ivoirienne. Du coup, vous vous faites diluer et le capital coûte plus cher. Le marché s'est un peu tendu sur ses données fondamentales actuellement. Cela peut rester tendu pendant encore un ou deux ans et ensuite, un nouveau cycle va recommencer. » Reste que tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. Le capital-risque s'investit dans une poignée de pays. Égypte et Nigeria en tête.
Depuis le 15 octobre, il est possible d'investir dans l'uranium en achetant des NFT, ces nouveaux actifs numériques très en vogue dans le monde de l'art. La junior canadienne Madison Metals fait figure de pionnière dans ce domaine. L'objectif : lever des fonds pour extraire de l'uranium en Namibie. Madison Metals a signé un contrat de cinq ans avec la fintech Lux Partners Limited. « Chez Madison Metals, à terme, nous vendrons 20 millions de livres d'U3O8, l'oxyde d'uranium que nous allons produire à partir de la mine, explique Duane Parnham, le directeur de la juniore canadienne. Et ce que Lux vient de lancer est une tokenisation des livres d'oxyde d'uranium que nous leur avons fournies par anticipation. Et ils vendent ces jetons à travers la communauté des investisseurs, chaque jeton équivaut à une livre d'U3O8. » Duane Parnham revendique une expérience de 20 ans en Namibie, où se trouvent les gisements. L'entreprise dispose pour l'instant de plusieurs permis de prospection. Il détaille ses motivations à se lancer dans le financement par les NFT : « Nous trouvons l'environnement en ce moment très difficile. Toutes ces nouvelles initiatives d'énergie verte zéro émission qui sont en cours du côté des politiques et des investisseurs. constituent un véritable changement de dynamique et nous trouvons qu'il est de plus en plus difficile de financer des opérations d'explorations et des développements à risque dans le monde d'aujourd'hui. » Grâce à cela, Duane Parnham espère ouvrir la porte à de nouveaux types d'investisseurs. « En général, nous devons lever des fonds propres et espérer trouver un investisseur institutionnel ou une banque d'investissement qui puisse soutenir la société, ce qui a un coût élevé pour les actionnaires. Mais dans le cadre de ce partenariat et avec cette nouvelle stratégie, nous vendrons à terme une partie de notre production de manière traditionnelle, mais aussi par le processus de tokenisation à travers ce que Lux vend aux investisseurs particuliers et institutionnels. Je pense que nous aurons parmi les acheteurs des détaillants, des investisseurs institutionnels, des investisseurs en capital-risque, je pense que ça va être très large. » « Il faut malgré tout souligner que le peu d'informations disponibles sur la viabilité économique des projets d'uranium de Madison Metals n'est sans doute pas étranger au choix de ce mode de financement », commente l'agence Ecofin. Dans une communication fin octobre, la junior assure que le lancement a dépassé les projections avec un total de NFT vendus de plus de 5 millions de dollars.
C'est un feuilleton qui passionne l'industrie gazière africaine. La compétition entre algériens et marocains autour du gaz nigérian. Il existe en effet deux projets concurrents de gazoduc pour acheminer vers l'Europe les ressources du Nigeria. Deux projets non dénués d'arrières pensées politiques. Qui de Rabat ou d'Alger mettra la main sur le gaz nigérian ? Les deux puissances maghrébines proposent en effet des projets concurrents de gazoduc pour exporter vers l'Europe les immenses réserves du delta du Niger. « C'est la rivalité algéro-marocaine… ce sont de gros investissements structurant toute l'Afrique de l'Ouest, et l'on sait que pour la question du Sahara, c'est quelque chose de clé d'avoir le soutien d'une partie des pays d'Afrique de l'Ouest ». Benjamin Augé est chercheur à l'Ifri, l'Institut français des relations internationales, il suit depuis 2009 le projet algérien, baptisé NIGAL, et depuis 2016 l'arrivée du concurrent marocain, le NMGP. Le premier entend traverser le Sahara sur 4 000 kilomètres, le second suivrait les côtes d'Afrique de l'Ouest durant 5 600 kilomètres « Vous avez deux projets concurrents, parfois même contradictoires. Parce que le projet proposé par le Nigeria et le Maroc, c'est un projet plurilatéral, il englobe les quinze pays de la Cedeao, plus la Mauritanie et le Maroc. De l'autre côté, on a un projet presque bilatéral, proposé par l'Algérie au Nigeria et qui passerait par le Niger », explique Jamal Machrouh, chercheur principal au Policy Center for a New South, un laboratoire d'idées basé à Rabat. Les Marocains ont pris une longueur d'avance Les Marocains ont pris cet automne une longueur d'avance dans les esprits en multipliant les signatures et les mémorandums. Dans le contexte de crise gazière internationale et de guerre en Ukraine, ils ont un argument pour les Européens, destinataires in fine du gaz nigérian. « Je crois que pour l'Europe, il est important de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Lorsque l'on regarde aujourd'hui, l'Algérie, c'est déjà 12% (du gaz Ndlr) importé en Europe. Et cela va crescendo. Je ne crois pas que cela soit une bonne pensée politique de la part des Européens que d'additionner en plus le gaz de la Cedeao qui aboutirait à une situation d'un fournisseur majeur pour l'Europe qui serait l'Algérie », indique Jamal Machrouh. Guerre d'influence et rivalités régionales alimentent les fantasmes, bien que selon Benjamin Augé ces projets de gazoducs risquent de ne jamais voir le jour. « C'est extrêmement improbable pour des raisons de sécurité dans la région productrice du Delta du Niger qui sont dans une grande instabilité depuis au moins le milieu des années 90. Et à partir du moment où la ressource est difficile à garantir, les projets sont des points d'interrogation. » Autre facteur à prendre en compte selon Benjamin Augé, l'opinion publique nigériane qui ne verrait pas d'un bon œil le gaz être vendu à l'étranger, alors que le pays manque d'électricité.
Au Maroc, l'économie subit un net ralentissement. Après une reprise soutenue en 2021, le taux de croissance pour cette année se tasse à 1,3% contre près de 8% l'année passée, souligne la Banque mondiale. En cause : la hausse des prix mondiaux et une forte sécheresse. Le secteur industriel marocain, qui représente près d'un quart du PIB du pays, n'est pas épargné, mais essaye de faire face. ► À lire aussi : La gestion de la ressource en eau, principal défi de l'économie marocaine
En RDC, de nombreux ménages utilisent encore le charbon de bois, appelé makala, pour se chauffer et faire la cuisine. C'est le cas notamment à Kisangani, chef-lieu de la province de la Tshopo, qui se trouve au cœur des forêts du bassin du Congo. Ces forêts sont considérées aujourd'hui comme un acteur majeur de la lutte contre le changement climatique, sauf qu'elles sont menacées par la déforestation, notamment du fait de la fabrication de ce makala. Un projet, financé en partie par l'Union européenne, s'est donné pour objectif de réduire son impact en développant l'utilisation des foyers améliorés. De notre envoyée spéciale à Kisangani, Au centre de Kisangani, Safi vient d'ouvrir sa boutique de foyers améliorés. « On a fait ça comme des fours, c'est un double foyer et c'est très performant », assure Safi. « Très performant », cela veut dire qu'ils nécessitent moins de charbon de bois que les foyers en taule. Le magasin de Safi est fourni par plusieurs fabricants de Kisangani, soutenus par le projet du Cifor, le Centre international pour la recherche forestière. Un projet qu'encadre George Mumbere, expert scientifique. « Ici, nous sommes devant l'entreprise Giko Butembo. C'est l'une des entreprises qui a été sélectionnée par le projet dans la production de foyers améliorés », indique-t-il. Réduire la consommation de charbon de bois L'idée de ses foyers améliorés, c'est d'augmenter l'efficience énergétique au niveau des ménages d'au moins 20%. L'objectif est de réduire la consommation de charbon de bois et donc la pression sur la forêt environnante, mais aussi permettre aux ménages de faire des économies. « Donc ça, c'est le four à céramique. Ils commencent d'abord par fabriquer les céramiques et quand les céramiques sont sèches, ils les mettent dans le four et allument le feu », explique George Mumbere. « Leur céramique est fabriquée à base d'argile et dans cette argile, ils ajoutent un peu de sciure de bois pour donner de la résistance et ils ajoutent aussi du sable pour doser le taux d'argile dans le mélange. » Un coût plus élevé qu'un foyer traditionnel Et c'est cette céramique qui fait toute la différence. Les foyers classiques en taule ont une forte déperdition. Cette céramique au contraire avec son effet d'inertie garde la chaleur, l'amplifie et nécessite donc moins de combustible. « Là, il y a encore un autre ménage qui utilise un foyer amélioré », indique George Mumbere, à l'arrivée d'Aziza. Elle utilise depuis plusieurs années maintenant ce type de four qu'elle s'est décidée à acheter après avoir visité l'atelier de fabrication. « Ces foyers, on les utilise, car ils aident beaucoup. On met une petite quantité de combustible et ça cuit facilement le repas », raconte Aziza. Ce type de four a bien sûr un coût, en moyenne, il est deux fois plus élevé que pour un foyer traditionnel. Une dépense qui, selon George, est rentabilisée en tout juste un ou deux mois d'utilisation.
La Banque mondiale est l'un plus grands promoteurs du libéralisme économique et de l'entrepreneuriat dans le monde et en Afrique. Cette institution vise en effet à développer le secteur privé. Elle est aussi devenue, au fil des années, l'un des principaux bailleurs de fonds destinés à la transition énergétique et à l'adaptation des économies au changement climatique. Alors, faudra-t-il un jour parler de "Banque verte" ? Le 8 novembre dernier, David Malpass, le président de la Banque mondiale annonçait le lancement d'un nouveau fonds de subventions destiné aux pays qui réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre. Depuis quelques années, l'institution financière internationale clame haut et fort qu'elle entend participer à la lutte contre le changement climatique. « L'année passée, nous avons financé 31,7 milliards de dollars de projets à caractère climatiques, ce qui est très important », explique Ferid Belhaj, le vice-président de la Banque mondiale pour la région Maghreb et Moyen-Orient. « Maintenant, est-ce suffisant ? Non. Et je pense qu'il y a là un travail plus important à faire. Certains de nos principaux actionnaires poussent la Banque à faire plus sur la question du changement climatique. Et il y a aujourd'hui une réflexion sur la manière de faire plus. D'avoir une banque qui soit plus grande et plus ambitieuse. » Ce que demandent les ONG Certaines ONG sont sceptiques sur les engagements climatiques de l'institution. Elles demandent à la Banque mondiale de tenir ses promesses. En 2018, la Banque s'était engagée à ne plus financer les énergies fossiles dans le monde, or selon l'ONG the Big Shift Global, elle a continué à le faire, si ce n'est de façon directe, au moins de façon indirecte. Aujourd'hui, The Big Shift Global a lancé une campagne pour lui demander de revoir sa copie. « Depuis la signature de l'accord de Paris », explique ainsi l'activiste camerounais Augustine Njamnshi, « la Banque mondiale a investi 14,5 milliards de dollars dans des projets d'énergies fossiles... » De la croissance sans nuire au climat La controverse révèle les contradictions au sein d'une institution dont la fonction est d'appuyer la croissance des entreprises, c'est-à-dire le cœur du système capitaliste. Adapter les entreprises et la croissance pour qu'elles ne nuisent pas au climat, Ferid Belhaj estime que les deux ne sont pas incompatibles. Il n'y a pas d'antinomie à travailler sur la réduction des impacts négatifs du changement climatique et créer des emplois. Par exemple, en Égypte, selon nos projections, en travaillant sur la transition énergétique nous pourrons amener deux à trois pourcent de croissance supplémentaire et créer des millions d'emplois directs ou indirects. Donc, il y a là un besoin d'expliquer plus ce lien entre développement et changement climatique. Il est important que nous puissions faire passer le message que c'est réaliste. En Afrique, le plaidoyer adaptatif de la Banque mondiale est d'autant mieux reçu que les pays ont besoin de créer chaque année des millions d'emplois pour les jeunes entrant sur le marché du travail.
Le Maroc a connu, cette année, l'une des plus importantes sécheresses de ses 40 dernières années. Dans un discours récent, le roi du Maroc Mohamed VI en a fait une des priorités. Un Plan national de l'eau 2050 prévoit des investissements dans les infrastructures à hauteur de 40 milliards de dollars. La région de Casablanca-Settat est particulièrement touchée par cette problématique. Autorités et politiques tentent de mener des actions. Dans la région de Casablanca, malgré l'automne qui a débuté la pluie se fait rare, la végétation est brûlée. Une sécheresse inédite aux impacts importants sur cette région agricole et industrielle. Plusieurs projets ont été initiés pour répondre à cette problématique. « Un projet de conduite d'eau du bassin de Sebou vers le bassin de Bouregreg, très lourd en termes de l'investissement et pour lequel il y a des volumes d'eau très importants qui vont permettre donc déjà d'alimenter dans les 12 mois à venir la région », explique Abdelatif Mazouz, le président de la région Casablanca-Settat. « Le deuxième projet, c'est le lancement dès le début de l'année prochaine des travaux de la grande station de dessalement des eaux de mer. Des petites stations ont démarré, des moyennes stations ont démarré, comme à El-Jadida », poursuit-il. « Le troisième type de projet, c'est tout ce qu'on appelle le “re-use”. Nous avons beaucoup d'eau usée qui n'est pas utilisée et donc nous envisageons d'investir énormément là-dedans parce que c'est une ressource qu'on jette malheureusement et par laquelle une ville voisine comme Rabat est toute verte grâce à cette eau usée réutilisée, raffinée et améliorer. » « On doit se remettre en question » Une prise de conscience également au niveau du patronat, comme le détaille Mehdi Tazi, vice-président de la Confédération générale des entreprises du Maroc. « Ce dont nous nous rendons compte, c'est qu'on a développé beaucoup de cultures qui sont extrêmement consommatrices d'eau et donc on exporte une valeur qui est essentielle sans nécessairement la valoriser ou prendre en compte en coûts des intrants le coût de l'eau », observe Mehdi Tazi. « Donc, on doit se remettre en question sur cet aspect-là et à la fois développer une agriculture qui soit plus écologique et en même temps développer des solutions pour faire face au manque d'eau. » Dans ce domaine, le groupe agro-industriel Lesieur Cristal a déjà pris des mesures, notamment dans la filière de l'olive. « Nous avons un système d'irrigation qui est responsable puisque nous pratiquons le goutte à goutte, qui permet d'avoir un apport d'eau régulier, responsable et s'il y a un excès de pluie, il est plutôt préservé au niveau des bassins de rétention », assure Brahim Laroui, le directeur général de Lesieur Cristal. Pour une utilisation « responsable » sur le plan industriel « C'est une technique que nous avons adoptée et que de nombreux confrères dans le domaine de l'arboriculture au Maroc ont adoptée. Sur le plan industriel le recours à l'eau est nécessaire il est moins important que dans d'autres industries », ajoute Brahim Laroui. « Évidemment il faut être responsable et on veille à ne pas utiliser trop d'eau et à pouvoir la recycler notamment pour tout ce qui entretient des espaces verts et de nettoyage des zones qui sont non alimentaires. » Dans un rapport publié au printemps, la Banque mondiale souligne la volatilité macroéconomique au Maroc, due notamment à l'importance des chocs pluviométriques.
L'Africa Investment Forum qui s'est tenu du 2 au 4 novembre à Abidjan, sous l'égide de la Banque africaine de développement, était l'occasion d'un premier tour de chauffe sur la question en prévision de la COP27. La BAD s'apprête à y lancer sa propre initiative pour les banques vertes en Afrique : l'initiative AG3F, pour African Green Finance Facility Fund. C'est un paradoxe qui a été répété, martelé même, à chacune des conférences du forum. Les pays africains sont à la fois les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre, les plus exposés aux dérèglements climatiques, et ceux qui bénéficient le moins des financements verts : à peine 3% du total mondial. Pour y remédier, la Banque africaine de Développement (BAD) s'apprête à lancer à la COP sa propre initiative pour les banques vertes en Afrique, l'African Green Finance Facility Fund, l'AG3F. Laquelle devrait, à terme, être dotée d'un fonds d'un milliard et demi de dollars. L'objectif, pour Kevin Kariuki, vice-président chargé de la croissance verte à la BAD, est de favoriser la création d'un écosystème d'institutions financières écoresponsables sur le continent. « Nous devons trouver des moyens de diversifier les sources de financement du climat. Aujourd'hui en Afrique, 80% des sources de financement du climat proviennent d'entités publiques : le Fonds vert pour le Climat (Green Climate Change), le Fonds pour l'environnement mondial (Global Environment Facility), et les contributions de pays donateurs. Il y a une immense opportunité d'accroître le montant du financement climatique mobilisé par le biais du secteur privé. Et l'un des domaines de mobilisation du financement climatique par le secteur privé est le secteur bancaire, d'où le lancement de cette initiative. » L'enjeu est donc désormais d'attirer les investisseurs privés, plutôt frileux sur le sujet. La Trade and Development Bank (TDB) est l'un des pionniers du secteur et fera partie de l'initiative AG3F de la BAD. Son directeur général, Admassu Tadesse, se dit confiant : la prise de conscience de l'urgence climatique est aujourd'hui suffisante chez les acteurs financiers, promet-il, pour créer un climat propice aux investissements durables. « Il y a eu une vraie évolution ces dernières années, les obligations durables pèsent aujourd'hui plus de 1 000 milliards de dollars. Nous avons nous-mêmes investi [à TDB] dans divers placements respectueux du climat, et lorsqu'on décortique ces problématiques, on se rend compte qu'il y a énormément à faire. Tout le monde peut désormais facilement voir que c'est faisable. C'est pratique. Ce n'est pas une chimère. » Les chantres de la finance verte affirment qu'elle permet, elle aussi, d'offrir le retour sur investissement attendu par les acteurs privés. « Pour les investisseurs, la question est : "Est-ce un projet bankable ?" Pour les investisseurs, la question est : "Est-ce que j'obtiens un retour ajusté au risque ?" Et je pense que dans les deux cas, Africa50 a pu faire l'expérience de nombreux projets bancables et rentables sur le continent. Nous avons été convaincus, et les investisseurs privés seront convaincus à leur tour », avance Tshepedi Moremong, directrice des opérations de la plateforme d'investissements Africa50. Pour l'heure, les besoins sont énormes : selon la BAD, les économies africaines auront besoin de 2 800 milliards de dollars d'investissements verts d'ici 2030.
Aujourd'hui en Afrique le taux de pénétration des assurances est estimé à 3% seulement. Et parmi les facteurs de risques de plus en plus importants : les conséquences du changement climatique. Comment les sociétés d'assurances appréhendent le phénomène et quelles solutions proposent-elles ? « Des évènements climatiques de plus en plus extrêmes qui auraient doublé le montant des dommages ces dix dernières années », souligne Ayouba Seydou. Il est le directeur groupe pour Olea Insurance Solutions Africa, un courtier panafricain. « Le plus grand risque en fait aujourd'hui, c'est le risque climatique. On voit surtout de plus en plus de catastrophes, dite naturelles : inondations, sécheresses, des phénomènes de plus en plus fréquents. Le changement climatique impacte les agriculteurs, mais pas seulement. Il est urgent de trouver une solution. » Pour des milllions de paysans frappés de plus en plus durement par les effets du changement climatique, l'assurance est indispensable, mais peu de produits assurantiels sont aujourd'hui adaptés à ce type de public. « On a effectivement toute la problématique de dimensionner correctement les produits par rapport au pouvoir d'achat, explique Emmanuel Brulé, le directeur général de Sanlam Pan-african Insurance, le premier assureur panafricain. Beaucoup de groupes industriels ou grandes entreprises sont assurés sur l'ensemble de leurs besoins. Et pour les particuliers ou les petits auto-entrepreneurs, on voit l'émergence progressive des solutions pour ce qu'on appelle la micro-assurance. Et là, l'assurance a encore un travail à faire. Pour trouver des produits très simples et peu chers. » « Contribuer via l'innovation, la distribution » Parmi les pistes explorées, l'assurance via le mobile money : « On essaie de contribuer via l'innovation, la distribution. On a fait un partenariat stratégique avec MTN qui devrait nous aider à toucher plus facilement toutes les populations qui n'ont pas encore ce type de protection. » Dans ce secteur, certaines régions sont plus avancées. « Les pays de l'Afrique de l'Est et du Sud sont beaucoup plus développés dans ce type de solutions parce qu'ils ont des coopératives avec des systèmes de couverture assurance qui sont ou subventionnés par le gouvernement avec des primes d'assurances pas très chères », affirme Ayouba Seydou. Au-delà de la couverture d'une exploitation, les assurances peuvent permettre le remboursement en cas de mauvaise récolte des intrants, engrais, semences.
Au Maroc, où les énergies renouvelables représentent environ 40% du total consommé, les autorités s'engagent dans un vaste plan de décarbonation des filières industrielles. Il s'agit à la fois de répondre aux enjeux du changement climatique et de renforcer la compétitivité. Depuis 2017, Le Maroc a mis en place une stratégie nationale de décarbonation de son industrie. Il s'agit d'émettre moins de CO2 en utilisant davantage d'énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique). 2017, c'est aussi l'année où Hakim Marrakchi, le PDG de Maghreb Industries, a déménagé son usine de chewing-gum du centre de Casablanca vers la zone industrielle de l'aéroport, optant au passage pour une stratégie décarbonée. « Nous avons construit une usine avec un toit pavé de panneaux photovoltaïques, et avec des systèmes également de récupération d'énergie. Donc au niveau de notre bilan carbone, nous avons fait une économie de l'ordre de deux mille tonnes par an de gaz à effet de serre », se félicite-t-il. Maghreb Industries a diminué de 20% sa consommation d'énergies fossiles et compte aller plus loin en augmentant la taille de sa centrale solaire, afin d'alimenter aussi le processus industriel de fabrication des chewing-gums. « On ajoute maintenant un système de production de chaleur photovoltaïque hybride où l'on produit à la fois de l'électricité et de l'eau chaude. On couvre comme ça nos besoins jusqu'à quatre-vingts degrés de température, explique Hakim Marrakchi. Et pour aller de quatre-vingts à cent-vingt ou cent-quarante qui sont les températures de fonctionnement des cuiseurs, là, nous aurons besoin de mettre en place d'autres dispositifs. Que nous pensons acquérir en 2023 ou 2024. Et à ce moment-là, la quasi-totalité de notre production sera électrique. », ajoute le PDG de Maghreb Industries. Une taxe carbone en 2025 Assia Benhida travaille pour le cabinet de conseil PwC, chargé par les autorités marocaines de les accompagner dans leur stratégie de décarbonation et de transition énergétique. Elle dresse l'inventaire des secteurs jugés prioritaires. « L'une des premières filières prioritaires, c'est tout ce qui est secteur de la construction, cimentier, etc. Il y a aussi les industries artisanales qu'il faut faire passer d'une zone “grise” à du “green”, on pense notamment à l'industrie du cuir. Nous avons également les industries agroalimentaires pour deux raisons. La première, c'est qu'elles sont fortement exportatrices vers l'Union européenne et vers d'autres pays. Mais aussi parce que l'agro-industrie est un pourvoyeur d'emplois important. » Comme le souligne Assia Benhida, l'enjeu pour l'industrie marocaine est à la fois climatique et compétitif. En effet, dès 2025, l'Europe imposera une taxe carbone aux importations insuffisamment décarbonées. Et le Maroc n'entend pas laisser ses industriels perdre du terrain face à des concurrents plus verts. ► À écouter aussi : L'Afrique du Nord et le Moyen-Orient déjà affectés par le réchauffement climatique
Parmi les instruments promus pour la lutte contre le changement climatique : les crédits carbone, une sorte d'unité correspondant à une tonne de CO2 non émis dans l'atmosphère. Les projets verts se voient attribuer des crédits monnayables par les États ou les entreprises, et sont censés inciter au financement des projets dits verts. Les crédits carbone font pourtant l'objet de critiques, souvent comparés à un « droit à polluer », car les pollueurs peuvent en acheter pour compenser leurs émissions. Ce qui ne décourage pas certains États à se lancer dans cette aventure, dernier en date, le Gabon. 187 millions de crédits carbone gabonais ont été certifiés par les Nations unies début octobre 2022. En septembre, Akim Daouda, le directeur général à la tête du fonds gabonais en charge de leur gestion, s'exprimait lors d'une conférence. « Ils sont émis avec le plus haut niveau d'intégrité possible puisqu'ils viennent d'un pays qui a un bilan carbone négatif, il n'y a donc aucun risque de greenwashing, affirmait-il. Ils accompagneront la transition du Gabon, pour passer d'une économie fossile à une bioéconomie circulaire. Il est vraiment essentiel que nous veillions à créer une voie économiquement viable pour les pays qui ont une grande couverture forestière comme le Gabon. Mais aujourd'hui, il n'y a pas d'instrument financier disponible pour rendre compte de cela, nous n'avons donc aucun mécanisme pour garantir qu'un arbre debout a plus de valeur qu'un arbre coupé. » ► À lire aussi : Ouverture de la COP27 en Égypte, les « pertes et dommages » mis à l'agenda des négociations « Vendre du vent » C'est la critique régulièrement faite à l'égard de ces nouveaux marchés qui inspirent la méfiance d'un certain nombre d'acteurs de la société civile. Tosi Mpanu-Mpanu, expert en finance climatique, est le médiateur congolais à la COP27 : « Il faut bien gérer les attentes. Il faut, lorsqu'on travaille avec des communautés, leur expliquer quel sera l'effort auquel ils doivent souscrire, quels seront les résultats, et comment ces résultats seront séquencés dans le temps, explique-t-il. Il ne faut pas qu'ils pensent que dès demain, une manne financière va atterrir sur eux. Deuxièmement, il faut que nous, au niveau national, on puisse s'assurer qu'on ait des données plus fiables, qu'on ait des systèmes de reporting qui soient plus rigoureux, pour qu'on puisse effectivement se rendre compte de l'impact qui est apporté sur le terrain. » ► À lire aussi : Antonio Guterres: « L'humanité a le choix, coopérer ou périr » Un prix de vente trop peu élevé Autre objet d'importance pour les pays émetteurs, le prix de vente des crédits carbones sur le marché volontaire. « Une tonne de carbone est généralement vendue à 5$, c'est ce qu'on nous propose notamment pour les projets forestiers, continue l'expert en finance climatique. Or ces 5$ ne représentent pas forcément le coût de mise en œuvre du projet forestier. Il faut qu'on arrive à un prix de la tonne de carbone forestier qui soit véritablement incitatif, et qui permette de réaliser les efforts nécessaires pour pouvoir réduire la déforestation. » Autre point qui sera négocié pendant la COP27, les mécanismes du marché réglementaire des crédits carbones bloqués depuis 2020. Objectif : déterminer la comptabilité des réductions d'émissions financées par les crédits carbones. Cette semaine à la COP27 a été lancée l'initiative africaine du marché carbone, qui vise la production de 300 millions de crédits carbones d'ici à 2030 pour débloquer six milliards de revenus. ► À lire aussi : COP27 : « Une occasion unique pour les pays africains de remettre un peu d'équilibre dans la balance »
Le Fonds vert pour le climat est devenu pleinement opérationnel en 2015. Il est le principal mécanisme financier pour aider les États à atteindre les objectifs d'atténuation. Il a pour ambition de soutenir les pays les moins avancés dans cette « lutte ». Cependant, les critiques contre ce mécanisme sont nombreuses : trop lent, trop lourd, trop complexe. Et une étude récente qui analyse les financements de 2015-2021 montre concrètement les limites du système. En 5 ans, moins de la moitié des projets proposés par les pays les moins avancés ont été approuvés par exemple. Fonds vert pour le climat : pourquoi ça coince ?
Comment financer la transition énergétique ou même des projets d'adaptation ? Comment développer la finance verte sur le continent ? Voici deux grandes questions qui seront évoquées à la COP27 qui s'est ouverte en Égypte. Et dans ce domaine, banques et agences de développement ont leur rôle à jouer. Programme pour le bassin du Niger, programme d'énergie solaire pour le Sahel, programme éolien au Kenya… Le portefeuille de la Banque africaine de développement est orienté vers des projets de développement durable, mais également à impacts régionaux, détaille Dr. Al-Hamndou Dorsouma, le directeur par intérim du département Climat et Croissance verte à la BAD. Nous avons mobilisé des ressources de plus de 500 millions de dollars, mais l'objectif est d'aller au-delà parce que nous savons que les besoins en Afrique sont énormes. Nous nous mettons sur la table essentiellement le cofinancement. Donc, avec les institutions avec lesquelles nous travaillons et nous allons ensemble avec ces institutions auprès des guichets comme le fond vert pour le climat et mobilisé des fonds de grande ampleur pour avoir plus d'impact. La réflexion avance également dans les agences. En plus de financer des projets durables, l'AFD apporte un soutien technique pour aider les gouvernements dans leurs choix de mix énergétique, explique Thomas Mélonio, le directeur innovation, stratégie et recherche de l'AFD. On a développé à l'AFD une capacité pour modéliser à la fois impacts environnementaux, mais aussi les conséquences sociales et économiques pour y travailler en même temps. On a eu un exemple de projet de recherches en Côte d'Ivoire qui s'est intéressé non pas seulement au prix de l'électricité, mais aussi au coût pour le gouvernement de l'importation du charbon, par exemple, ou du gaz qui est produit nationalement, ou du solaire pour faire rentrer également dans l'équation non pas seulement le prix de l'électricité, mais aussi les impacts des importations, le contenu en emploi, l'impact pour le budget de l'État. Il s'agit également de verdir ses propres instruments de finances. L'AFD s'y est attaquée, assure Rémy Rioux, son directeur. La moitié de nos financements l'année dernière étaient verts ou durables. On est la première institution française à avoir émis une obligation verte. C'était en 2014. La première en 2020 à avoir émis une obligation ODD - objectif de développement durable - et l'engagement que j'ai pris devant le Parlement, c'est que à horizon j'espère 3 ans, la totalité du financement de l'AFD soit verte et durable, de telle sorte qu'on soit la première institution financière finalement à le faire et à montrer que c'est possible. Et à être récompensé, je l'espère, par le marché financier pour financer autant de projets de qualité et inspirer, je l'espère, d'autres acteurs. Aujourd'hui, 90 % de la finance climatique en Afrique est issue de ressources publiques et principalement des acteurs du développement.
Lors de la COP 26 l'année dernière, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis et l'Union européenne s'étaient engagés à soutenir l'Afrique du Sud dans son plan de transition énergétique à hauteur de 8,5 milliards de dollars sur 5 ans. Ce « Partenariat pour une juste transition énergétique » (JETP) a depuis pris forme et sera présenté lors de cette COP 27. Alors que la quasi-totalité de l'électricité du pays est pour l'instant produite à partir du charbon, la réussite de ces financements sera scrutée de près, puisqu'un tel partenariat a vocation à être répliqué dans d'autres pays en développement. De notre correspondante à Johannesburg, S'il fonctionne, l'accord sud-africain pourra servir de modèle, alors que les pays du G7 ont déjà annoncé vouloir lancer un partenariat similaire avec l'Inde, le Sénégal, le Vietnam et l'Indonésie. Pour Daniel Mminele, en charge des négociations pour l'Afrique du Sud, ce financement n'est qu'un début, face aux 85 milliards d'euros dont le pays a besoin sur 5 ans, mais il pourrait permettre d'attirer d'autres fonds. « Les 8,5 milliards ont été envisagés, dès le début, comme un engagement initial », prévient Daniel Mminele. « Il faudra ensuite mobiliser davantage de ressources, d'origines publiques et privées, au sein des marchés domestiques et internationaux. Et il y a déjà des signes d'intérêt de la part d'autres partenaires qui voudraient participer et soutenir l'Afrique du Sud dans sa transition » Des contributions « peu avantageuses » Le plus gros des financements aura pour but de permettre à Eskom, l'entreprise nationale d'électricité, de se tourner vers d'autres sources d'énergie que le charbon, et de planifier la reconversion de ses centrales. Des projets de développement des filières d'hydrogène vert et de véhicules électriques sont aussi prévus. Mais il s'agit avant tout de prêts concessionnels, alors que moins de 4 % de cette aide prend la forme de subventions, ce que regrette Gaylor Montmasson-Clair de l'institut de recherche TIPS (Trade & Industrial Policy Strategies). « L'Afrique du Sud a surtout besoin de subventions ou de formes de financements vraiment peu coûteuses. Cela n'aide pas le pays de recevoir des contributions peu avantageuses, avec des taux d'intérêt peu concessionnels. Et la plus grande partie des prêts vont être destinés à Eskom, qui a déjà de gros problèmes de dette. Il n'y a pas de plan pour régler cela. Donc, il faut s'assurer que ce qui ressort du partenariat soutienne bien nos projets, sans les saper. » Manque de consultations Les autorités sud-africaines insistent bien sur l'importance du volet de « transition juste », afin de s'assurer que les zones productrices de charbon ne soient pas laissées à l'abandon, comme le craignent les quelque 90 000 personnes qui travaillent dans ces mines. Mais pour Thandile Chinyavanhu, de l'organisation Greenpeace, toutes ces politiques manquent de consultations : « Ces financements sont plutôt les bienvenus, mais il y a encore beaucoup de travail à faire pour garantir plus de transparence et pour s'assurer que les travailleurs, la société civile, la société en général ne soient pas exclus des débats et des procédures. » Par ailleurs, le gouvernement n'exclut pas, à l'avenir, de conserver une part de gaz et de nucléaire dans son mix énergétique de transition.
Avec plus de trois millions d'habitants, Casablanca est une ville densément peuplée et très congestionnée. Une difficulté pointée par le plan de déplacement urbain de Casablanca qui a recommandé la réalisation d'un certain nombre de projets de transports en commun de masse. Parmi eux, notamment deux nouvelles lignes de tram, soit 26 kilomètres desservant 39 arrêts. Les travaux sont en cours. De notre envoyée spéciale de retour de Casablanca, L'organisation spatiale des villes africaines est au cœur de nombreuses discussions. Comment désembouteiller des villes qui ont grandi très vite et qui n'étaient pas conçues pour un usage massif de la voiture individuelle ? La question des problèmes de pollution est également centrale. À Casablanca, ville où le ton au volant monte vite, l'arrivée prochaine de deux nouvelles lignes de tram est bienvenue. Les deux lignes existantes transportent déjà 170 000 personnes par jour, en moyenne plus qu'à Paris. « L'objectif et l'ambition primaire de tous ces projets, c'est vraiment de donner aux Casablancais une alternative réelle à l'usage de la voiture personnelle, explique Shada Taïb, directrice communication de Casa Transport. Ce que l'on constate, c'est que la majeure partie des déplacements à Casablanca sont aujourd'hui des déplacements domicile-travail ou domicile-lieu d'étude. Ce sont des déplacements plus ou moins obligés. L'objectif est de rapprocher les distances, d'ouvrir les opportunités économiques, les opportunités d'études, de travail, et autres à tous les habitants, quel que soit leur lieu d'habitation. » Un chantier aux nombreux défis techniques À la croisée de la ligne 1 déjà existante, la ligne 3 est en cours de construction. Les futures voies encadrent déjà une belle allée de palmiers. Yves Genevois nous fait la visite du chantier : « Il y a quelque chose de très important ici, c'est ce nez de quai, cette pierre-là en granit qui est énorme, elle est belle comme tout. On a gardé ce principe d'aménagement de la station. » Yves Genevois supervise les travaux pour l'entreprise Egis. « C'est anodin, mais trouver des carrières qui puissent fournir rapidement ces pierres-là, ce n'est pas facile non plus. Donc aujourd'hui, l'un de nos problèmes, c'est d'avoir ces pierres en temps et en heure. On devrait avoir toutes ces pierres, mais là, elles arrivent au compte-goutte. On pensait effectivement qu'on aurait des problèmes techniques ; on en a d'autres. Des problèmes d'approvisionnement, par exemple, en équipement électronique... Mais la bordure de granit, on pensait que ce serait assez anodin, en fait pas du tout. » Ce chantier présente de nombreux défis : une dizaine d'ouvrages d'art, des passages en dénivelé, des rues densément habitées… Pour mener ce chantier à bien, Casa Transport avait par ailleurs certaines conditions. « Ce n'est pas vraiment un défi, c'est un choix du maître d'ouvrage qui a décidé de faire travailler en priorité des entreprises marocaines, qui n'avaient pas forcément de compétences, reconnues en tout cas, dans nos domaines particuliers de pose de voies, explique Yves Genevois. On a relevé ce défi, on n'avait pas le choix, et le maître d'ouvrage a voulu donc que se soient des entreprises marocaines qui prennent la main sur ces gros travaux d'infrastructure. C'était un pari, ça a l'air de bien marcher, et aujourd'hui, on peut dire qu'on a pratiquement réussi à faire ces travaux-là. » La mise en service de ces deux lignes est prévue pour fin 2023. Casablanca comptera alors six lignes de transports en commun de masse, quatre de tram et deux busway. ► À lire aussi : Le rail, une solution pour désengorger les mégapoles africaines
Sur le continent africain, l'accès à des médicaments de qualité est un enjeu de taille. Entreprise pharmaceutique spécialisée dans la production de médicaments génériques pour le Maroc, mais également à destination du continent, Pharma 5, fondé il y a 40 ans, s'est imposé comme l'un des acteurs majeurs. Quelle est la recette de son succès ? Dans les couloirs flotte une odeur fraîche de détergent. Ici, la sécurité prime : tenues de protections, portes verrouillées par empreintes digitales. Des systèmes de sas bloquent l'accès à toutes les étapes de production des médicaments. Situé à Bouskoura à une trentaine de kilomètres de Casablanca, Pharma 5 est un laboratoire de dernière génération, une grande partie des procédures sont informatisées. « On est à la smart factory l'une des meilleures unités de production au Maroc et en Afrique, assure Hamza Morchid el Idrissi, pharmacien et responsable de la production chez Pharma 5. Bien sûr, on a des systèmes automatisés pour l'enregistrement. C'est pour ça qu'on dit que c'est une unité smart parce que l'on a l'enregistrement de tout en temps réel. Sur mon écran, j'ai toutes les données de pression, température, humidité et si j'ai une valeur qui dépasse les normes, ça déclenche l'alarme et on vient pour traiter l'anomalie. » Le slogan : « La qualité du soin commence par l'accès au soin pour tous ». Pour la directrice générale des laboratoires Pharma 5, Mia Lahlou Filali, ce principe reste la priorité pour l'entreprise familiale qui compte aujourd'hui près de 1 700 employés. « Notre objectif aujourd'hui est de servir le continent et au-delà du continent, de continuer à rester fidèle à notre mission : l'accès au soin pour tous. C'est le prix, mais c'est aussi la disponibilité, l'accessibilité géographique, souligne Mia Lahlou Filali. Dernier point qui est très important dans l'accès aux soins pour tous, c'est ce qu'on appelle la souveraineté thérapeutique. Je choisis le traitement que je veux pour ma population. Et le meilleur exemple, c'est l'exemple de l'hépatite C. » Des défis, il y en a : le marché africain grand, mais fragmenté, le manque d'homogénéisation des réglementations, mais également la concurrence indienne. Face à cette dernière, Mia Lahlou Filali met en avant les forces de sa structure. « Pharma 5 est dans le top 10 : on occupe la 9e place sur plus de 1 000 laboratoires qui œuvrent en Afrique, par la qualité de nos produits reconnue, associée à un prix accessible. Mais aussi par notre stratégie de développement avec la construction d'usines en Afrique ; en Côte d'Ivoire, on ne se contente pas d'envoyer nos produits. » En 2021, le laboratoire a produit plus d'un milliard d'unités de médicaments pour près de 200 références, distribués dans une trentaine de pays du continent. ► À écouter aussi : L'industrie pharmaceutique africaine en quête de souffle
Avec les sanctions de la Cédéao contre le Mali, Bamako a été privé de ses deux grands ports de sortie, Dakar et Abidjan. À la demande de la CMDT, la société publique qui gère la filière coton, des exportations ont été possibles via la Guinée, et aussi grâce à un nouveau corridor de transit en territoire mauritanien. Le projet était dans les cartons depuis des années. Il aura fallu l'instauration en janvier des sanctions de la Cédéao contre Bamako pour accélérer les démarches. Faute de pouvoir exporter le coton malien via Dakar, Sogeco une filiale de Bolloré, délocalise une partie de ses équipes à Nouakchott. Et en quelques semaines, une fois les procédures officielles de passages aux frontières et aux douanes réglées, les premières balles de coton sont évacuées. « On a fait un premier test dans cette période qui était un peu spécifique et cruciale pour nos amis maliens, explique Sid'Ahmed Abeidna, directeur général de Sogeco, filiale du groupe Bolloré. Donc on a essayé de pousser ce projet à terme. » Combien de coton ont été évacués et vont l'être d'ici à la fin de l'année ? « On a un projet de 30 000 tonnes. Si on arrive à faire entre 20 000 et 25 000 tonnes, ce sera déjà une très bonne chose », assure-t-il. Les volumes acheminés restent limités, mais ce corridor a permis aux exportateurs maliens de poursuivre, a minima, leur activité dans une période très compliquée, comme le dit Boubacar Salia Daou, PDG de Millenium Mali. « Au moment de la crise, la Mauritanie et la Guinée ont été une bouffée d'air. Parce que quand le coton n'est pas marqué, la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT) n'est pas payée, nous, les négociants, ne sommes pas payés », précise le PDG. Le corridor de l'espoir Depuis juillet, les sanctions de la Cédéao ont été levées, les évacuations ont repris via les ports traditionnels, mais la route de l'espoir continue et devrait continuer l'année prochaine à recevoir du coton malien. Une alternative qui a cependant ses limites, explique le négociant. « Pour le moment, ils ne peuvent pas satisfaire à la demande de la CMDT parce que la CMDT a fait plus de 700 000 tonnes de coton graine et la Mauritanie ne peut pas faire face ainsi que la Guinée. Elles n'ont pas les infrastructures capables de faire la manutention de ces quantités-là. » ► À lire aussi : Le Mali retrouve sa place de leader de la production de coton en Afrique Alternative pérenne ou sortie de secours ponctuelle en cas de problème ? La Mauritanie a un rôle à jouer sur l'échiquier régional, explique Sid'Ahmed Abeidna, qui se veut rassurant sur les questions de capacités logistiques. « Il y a des développements sur les côtes de la Mauritanie. Il y a un nouveau port, le port de Ndiago situé un peu plus au sud qui peut aussi participer à désengorger pendant une période où le port de Nouakchott aura forcément besoin d'un développement », espère le directeur de Sogeco. Et si les flux de coton se tarissent, les minerais pourraient prendre le relais. Du manganèse malien circule désormais sur ce nouveau corridor mauritanien.
Contrairement à l'Afrique anglophone qui génère des millions de dollars dans le domaine de la culture, l'Afrique Francophone souffre d'un déficit de son industrie culturelle créative. Et la RDC ne fait pas exception. Pour relever le défi, plusieurs structures d'accompagnement d'artistes ont vu le jour. C'est le cas à Lubumbashi où deux centres culturels développent des programmes d'incubation en faveur des artistes afin de les amener à faire de leur art, un business. De notre correspondante à Lubumbashi, Le centre DL Multimédia de Lubumbashi a ouvert récemment un incubateur pour des projets dans le domaine de la culture. Cette industrie culturelle créative dénommée « Katanga Hub création » offre aux artistes une gamme de formations et une infrastructure pour la création dans l'audiovisuel et les multimédias. En plus, elle se propose de mettre sur le marché ses propres produits culturels. « On a des artistes professionnels qui sont sur le terrain et qui ont besoin d'être accompagnés dans la mise en place de leurs projets », indique Douglas Masamuna, le directeur. « Ça, c'est l'un des services qu'offre Katanga Hub Création. Les autres produits dans l'industrie culturelle et créative, ce sont des films, des jeux vidéo, aussi des prototypes. Notre objectif est qu'il faut qu'on commence réellement à récupérer les investissements qui sont faits dans ce domaine. » Rendre son business rentable Récupérer des investissements, le centre DL Multimédia donne le ton. Il a lui-même réussi à lever les premiers fonds qui lui ont permis de mettre en place Katanga Hub Création, comme l'explique Sidonie Latere, la fondatrice Kobo Hub, un accélérateur de start-up, basé à Kinshasa, qui a accompagné ce centre. « L'équipe de KHub Création a reçu l'accompagnement pendant une année », explique Sidonie Latere. « Elle a réussi à lever des fonds pour aménager cet espace de travail. Aussi, elle a maintenant un vrai programme d'accompagnement dans le secteur de l'audiovisuel. Ajouter à cela, un catalogue des produits est disponible. Et l'équipe sait aujourd'hui comment rentabiliser son business. » Art et entrepreneuriat Faire de l'art un business, c'est aussi l'objectif poursuivi par le centre d'art Waza, un autre centre culturel de Lubumbashi. Il développe un programme d'incubation dénommé ‘'Kirata'' qui vient du mot ''curateur''. Cette structure accompagne une vingtaine d'artistes dans quatre villes de la RDC afin de leur apprendre les ficelles de l'entrepreneuriat. Car pour Patrick Mudekereza, directeur du centre d'art Waza, il faut être réaliste sur les opportunités du secteur. Il ne faut pas rêver, la culture au Congo ne peut pas être financée par l'État avec les maigres moyens que nous avons. Donc, si on doit avoir une politique culturelle, elle doit s'orienter vers l'entrepreneuriat, vers la mobilisation des ressources au niveau localement dans le pays. Et c'est seulement à ce prix-là que nous pourrons avoir des productions culturelles qui témoignent de notre souveraineté dans le domaine culturel avec une forme d'authenticité et d'intégrité. La culture est encore substantiellement subventionnée et consommée par les pays occidentaux. Avec ces différents programmes, les artistes congolais espèrent capter le marché local et inverser la tendance.
À Paris, se tenait la semaine dernière le rendez-vous Ambition Africa. Un grand rendez-vous de travail entre les entrepreneurs français et africains. Au cœur des échanges : comment attirer les entrepreneurs privés sur le continent, notamment dans le domaine des infrastructures et de l'énergie. Pour la Côte d'Ivoire, le partenariat public-privé n'est pas une nouveauté, assure le ministre de l'Hydraulique, de l'Assainissement et de la Salubrité, Bouaké Fofana. 75 % du plan national de développement de la Côte d'Ivoire est d'ailleurs attendu du secteur privé, avance-t-il. « Nous avons une longue expérience de la délégation de services publics au secteur privé, donc pour nous, ce n'est pas nouveau. Aujourd'hui, en matière de gestion de la salubrité, nous avons un contrat de partenariat public-privé pour l'agglomération d'Abidjan et nous sommes en train de faire une étude de soutenabilité financière de ce schéma pour l'étendre à l'ensemble du territoire. Aussi bien en matière d'eau potable depuis plus de 60 ans, la distribution de l'eau potable est assurée par le secteur privé en Côte d'Ivoire », déclare le ministre. Puis, il ajoute : « Ce que nous demandons au secteur privé international aujourd'hui, c'est de faire du transfert de compétence, c'est de travailler en partenariat avec les privés locaux, parce que nous avons l'ambition de créer des champions nationaux dans tous les secteurs. » Ce qui coince encore Un appel répété par les acteurs africains. « Il faut venir, engagez-vous avec nous, travaillez étroitement avec nos autorités », déclare cet acteur lors d'un panel devant des investisseurs français. Cependant, il y a encore des choses qui coincent, explique Samuel Goldstein. Il est le directeur du développement commercial pour l'Afrique chez Meridiam spécialisé dans les projets d'infrastructures publiques. Il prend l'exemple de l'électrification. « Je dirais que les obstacles sont effectivement des obstacles de capacité peut-être administratives des compagnies nationales d'électricité, de la réglementation je pense que c'est sans doute là-dessus qu'aujourd'hui sur lesquelles on peut buter », explique-t-il. « Il y a des entreprises des industries qui ont besoin d'électricité on souhaiterait signer un PPA – un contrat d'achat d'électricité –, en direct avec elle. Parfois ce n'est pas possible de passer par le réseau parce que d'un point de vue réglementaire ce n'est pas prévu. Donc il y a sans doute des choses encore à penser au niveau des compagnies au niveau de la réglementation pour pouvoir peut-être être d'emblée déjà plus efficace », imagine Samuel Goldstein.Réduire les risques pour financer les projets Le nerf de la guerre reste le financement de ces projets. Société Générale, très présente sur le continent, met en avant la nécessité de réduire les risques. « Pour ça en effet, une banque commerciale comme la nôtre ne peut pas travailler toute seule, elle ne peut que travailler avec des partenaires », prévient Philippe Dubois directeur corporate pour la région Afrique. « Soit avec des partenaires financiers comme des banques de développement pour financer les gros projets. Ce n'est pas tout quand on est face à un projet comme une centrale photovoltaïque pour laquelle on n'a pas beaucoup de recul, il faut plutôt trouver des formes de sécurité, des garanties qui vont couvrir les banques commerciales sur des risques qu'elles n'ont pas encore vraiment pu évaluer. Risques de liquidité, risque notamment de défaut et là, les banques de développement, les instituts internationaux peuvent apporter des garanties. Et c'est comme ça qu'on avance », dit-il. Le FMI souligne que le secteur privé participe actuellement peu au financement et à la fourniture d'infrastructures en Afrique. Le continent n'attire que 2 % des flux mondiaux d'investissements directs étrangers.
Étudiants, travailleurs journaliers ou encore à la recherche d'emploi, il y aurait en Tunisie plusieurs dizaines de milliers de ressortissants de pays subsahariens. Parmi eux, les membres d'un incubateur pour migrants subsahariens. Ils viennent d'organiser la toute première journée de l'entrepreneur migrant. Une première en Tunisie et sur tout le continent, selon eux. De notre correspondante à Tunis, Ambiance très festive pour cette toute première édition du jour de l'entrepreneur migrant. Un rêve qui se réalise pour Paul-Laurent Nyobe Lipot, un Camerounais de 29 ans à l'initiative de cet événement. Kufanya, c'est le nom de son incubateur dédié aux entrepreneurs subsahariens. En trois ans, il dit avoir accompagné 90 entrepreneurs. « Lorsqu'on a dit qu'on voulait créer un incubateur dédié aux migrants, on nous a pris pour des fous », se souvient Paul-Laurent Nyobe Lipot. « D'ici à 2050, le continent africain aura deux à trois milliards de populations. La migration en Afrique est plus interne qu'externe, donc les États africains ne se construiront pas sans créer des ponts entre les pays. » Parmi les entrepreneurs qui attirent leur attention : Madeleine Merveille. Jeune Camerounaise de 21 ans qui lance sa ligne de cosmétiques dédiée aux peaux noires. « C'est pour celles qui veulent en découdre avec la dépigmentation. Alors là, vous avez nos coordonnées, allez noter, je veux voir tout le monde noter ! », s'exclame-t-elle sous les applaudissements de la salle. Un autre regard sur la communauté des migrants subsahariens Madeleine Merveille dit avoir toujours eu la fibre entrepreneuriale. Elle confie aussi que cet incubateur a joué le rôle d'accélérateur dans son cas. « À travers leur formation, ils m'ont aidé à me fixer de véritables objectifs, à réellement planifier mon business plan, mon canevas de travail », précise la femme entrepreneur. Au-delà de la recherche de financements, c'est bien plus qui se jouait ce jour-là. Laure Belinga est, elle aussi, Camerounaise. Elle qui a créé une société qui favorise le tourisme médical des Camerounais en Tunisie souhaiterait que son pays d'accueil change de regard sur sa communauté. « Le peuple tunisien est quelquefois réfractaire à l'implantation des migrants subsahariens parce qu'ils considèrent que nous leur menons une guerre déloyale, que nous prenons la place qu'ils méritent », dit-elle. Pas question pour elle de « voler le pain » des Tunisiens pour autant. « On crée des devises, donc on aimerait avoir plus de considérations de la part de ce peuple », ajoute-t-elle. À ce jour, vingt projets épaulés par l'incubateur Kufanya ont été concrétisés.