Saturation des routes et des villes, lutte contre les pollutions, besoin de mobilité toujours plus grand, livraisons en hausse, finances en baisse : autant de défis que doivent relever les acteurs et usagers du transport. Rencontre avec des voyageurs du quotidien, les professionnels de la route, du…
RFI - Radio France Internationale
En ce mois de juillet, ils n'ont pas fini de se voir. Europe-Chine et Chine-Europe, les dirigeants des deux puissances mondiales consacrent ce début d'été à redéfinir le commerce qui les unisse. Le prochain sommet Chine-Europe aura lieu le 24 juillet à Pékin. Parmi les discussions, les exportations de minerais chinois. Ce sont ces terres rares, bien qu'elles soient en abondance, qui nourrissent l'impatience de Bruxelles. Début juillet, le commissaire européen au Commerce a sommé la délégation chinoise, en visite à Bruxelles, de faciliter les exportations d'aimants appelés aimants permanents et des minerais. Halte aux fausses idées. Les contre-vérités sur les terres rares ne sont pas rares. Surtout lorsque l'on parle de voitures et de véhicules thermiques et électriques. Si ces métaux se retrouvent bien dans les aimants permanents très utilisés dans la fabrication des petits moteurs d'accessoires automobiles électriques tels que les lève-vitre, boutons de portière etc, ils servent aussi et surtout à fabriquer les turbines de l'industrie pétrochimique, pour fabriquer de l'essence et du diesel, donc des voitures thermiques. Les aimants permanents monopole chinois L'ingénieur belge Bernard Deboyser, spécialiste mondial des énergies et du transport, est en colère. Trop de fausses idées circulent, selon lui, dans les médias et le grand public. La première contre-vérité est que les terres rares, un groupe de 17 minerais métalliques, se retrouvent toutes dans les batteries électriques. La seconde croyance : il est impossible de rivaliser avec la Chine, seule à posséder ce genre de métaux. La Chine possède 69% des terres rares dans le monde. Pour une raison simple, c'est qu'elle est l'un des rares pays à extraire ces minerais du sol tout en les raffinant. Puisqu'un minerai métallique sorti du sol ne sert à rien, ces métaux doivent être purifiés pour servir à l'industrie. En revanche, elle a un quasi monopole sur les aimants permanents. Elle en assure 90% de la production. L'industrie des terres rares en Chine est une industrie nationalisée donc l'État peut en restreindre les exportations. Ce qui est arrivé l'an dernier, et a obligé les grands constructeurs du monde entier à s'inquiéter des pénuries et des retards de livraisons. Cependant, on trouve des terres rares ailleurs dans le monde, en Russie, au Vietnam, au Brésil, au Portugal, en Serbie et en France, avec une grande usine récente à Lacq, dans le sud-ouest du pays. À lire aussiPourquoi les «terres rares» ne sont ni en terre, ni rares? Des aimants permanents sans terres rares Comparés à la Chine, il est vrai que les États-Unis ou l'Europe investissent moins dans la production de terres rares. Pour combler cette différence, les gouvernements américains et européens ont eu la même idée. Un stratagème très simple : se passer de terres rares. Aux États-Unis, l'idée a déjà abouti puisqu'à Minneapolis – dans l'État du Minnesota près de la frontière avec la Canada – une usine pilote, Iron Magnetics, a annoncé une ouverture en 2026. En Europe, le même concept d'aimants sans terres rares est confié à un groupe d'ingénieurs. Le projet s'appelle Projet Passenger. À lire aussiTerres rares: la France mise sur le recyclage, faute de gisements
Malgré les attaques et les divisions, la Syrie a dépassé les six premiers mois de gouvernance depuis le départ de Bachar el-Assad. L'ancien commandant djihadiste Ahmed al-Charaa a remplacé l'ex-dictateur. Les avis divergent sur ce gouvernement de transition. Mais l'une de ses priorités commence à se voir dans la capitale : le retour des touristes. Pourtant, si les avions arrivent à Damas, le reste du pays reste ravagé par les destructions de routes. Le point avec Émile Bouvier, chercheur et chroniqueur de la revue : Les Clés du Moyen-Orient. RFI : Ce retour du tourisme en Syrie est-il déjà visible ? Émile Bouvier : Ce n'est pas encore un phénomène de masse. Des voyageurs syriens ou étrangers arrivent à Damas, la capitale. Mais ailleurs dans le pays, les infrastructures, les routes sont en trop mauvais état pour permettre la circulation. La remise en état du pays passe par l'économie. Le transport permet l'arrivée des personnes, des marchandises et des matériaux pour reconstruire le pays. Les hôpitaux, les écoles, les administrations, tout est en ruine aujourd'hui. La volonté, en tout cas affichée, de ce gouvernement de transition est de reconstruire le pays et le développement de l'économie. Cela prendra du temps ? Beaucoup de temps, parce que les villes et les infrastructures sont détruites. Tout le pays est à reconstruire. D'ailleurs, l'ONU estime que la Syrie devrait mettre 50 ans pour arriver à tout reconstruire et vivre dans un pays disons standard, avec des connexions viables et des circulations possibles. Aéroports, chemins de fer, ports… Quelles sont les infrastructures les plus endommagées par la guerre en Syrie ? Toutes, absolument toutes. Toutefois, les ports ont été peu touchés parce qu'ils ont servi à l'armée russe qui a bombardé massivement la Syrie. L'autre raison qui explique la protection des ports est qu'ils étaient en zone alaouite, la communauté de l'ancien dictateur Bachar el-Assad. Les seuls aéroports qui ont déjà rouvert sont les aéroports de Damas et d'Alep au nord-ouest du pays. Mais en dehors de cela, il faut vraiment tout remettre sur pied. Pour des millions de dollars. Qui va payer ? C'est un prix et une charge exorbitante. C'est bien pour cela que les pays voisins comme le Qatar ou l'Arabie saoudite – qui voient dans ce nouveau gouvernement un gage de stabilité dans la région, même relative avec des conflits larvés – ont décidé de rembourser les dettes syriennes auprès de la Banque mondiale et de payer une partie des salaires des fonctionnaires du pays pour alléger le poids de la tâche immense de cette nouvelle autorité syrienne. Mais l'axe majeur de connexion Alep-Damas passe par les villes principales comme Homs dans le centre de la Syrie. Quel rôle des États-Unis après l'entretien le mois dernier entre Donald Trump et Ahmed al-Charaa ? Les États-Unis, après l'entrevue entre les deux présidents, ont levé les sanctions et vont se positionner pour les échanges commerciaux et la participation à la reconstruction avec des entreprises américaines. Et l'Europe, qui a elle aussi levé les sanctions, va-t-elle faire travailler ses entreprises en Syrie ? Sans doute, puisque la Commission européenne a, elle aussi, levé les sanctions à l'encontre de la Syrie. L'Italie s'est déjà positionnée. De plus, l'Europe reste dans une position d'entre deux, partagée entre l'observation de cette nouvelle autorité syrienne qui devra donner des gages de stabilité politique et le désir de ne pas rater l'opportunité de la reconstruction économique en Syrie. Vous croyez plutôt à l'action rapide de la Turquie. C'est certain. La Turquie sera la première à investir et à s'investir en Syrie. La Turquie va jouer un rôle majeur en Syrie, le président Recep Tayyip Erdogan l'a annoncé officiellement en public, la Turquie sera un partenaire économique et politique majeur de la Syrie. On parle beaucoup des grandes villes comme Damas, Homs ou Alep. Qu'en est-il des villes et des villages ruraux, dans les déserts ou les campagnes ? Là-bas, les populations touchées par la guerre sont réduites et très fragilisées. Elles ne sont pas encore en mesure, mentalement et physiquement, de reprendre un train de vie régulier. Les impacts sont gigantesques et leurs routes éloignées de villes, souvent démolies. Ou si elles ne sont pas détruites, elles sont dans extrême mauvais état. L'ancien président Bachar el-Assad n'a jamais eu une politique volontariste dans les transports. Les routes n'étaient pas entretenues, pas remises à niveau ni reliées au reste du pays. L'est et le nord-est de la Syrie, des régions où les besoins de reconstruire seraient parmi les plus importants. Pourquoi ? Parce que ce sont les zones tenues par les Kurdes, les ennemis de Bachar el-Assad. C'est aussi dans le désert au centre du pays qu'ont eu lieu les attaques des terroristes de l'organisation État islamique. Le désert syrien central près de Palmyre où il reste encore des positions du groupe EI et le nord-est du pays ont été très touchés. Il y a beaucoup de bombes qui ont empêché les circulations avec les pays voisins comme l'Irak ou la Jordanie, qui pourraient faire du commerce si les routes étaient sécurisées et en bon état. Mais pour le moment, elles sont assez peu utilisées.
Record d'affluence battu cette année au Salon de l'aviation à Paris. L'un des stands les plus originaux sur le tarmac du Bourget était celui de Medicaero. L'Association humanitaire se compose de pilotes et médecins bénévoles. Depuis 10 ans, leurs petits avions transportent des médicaments dans les zones les plus reculées de Madagascar, au sud-est de l'Afrique. Le docteur Jean-Jacques Dumesnil en est le fondateur. RFI : vos avions transportent des médicaments et du matériel médical à Madagascar. Pourquoi Madagascar ? Jean-Jacques Dumesnil : C'est un pays au sud-est de l'Afrique où les besoins sont importants et où il y a énormément de gens malades. Et aussi beaucoup de zones sans routes praticables. Nos appareils se posent très bien en brousse et sur les chemins isolés et grâce à nos pilotes, dans toutes les conditions météorologiques. Sans les soins d'urgence, beaucoup de gens risquent de mourir alors que leur maladie peut se guérir. Quelle maladie soignez-vous en priorité ? Madagascar, comme beaucoup de pays africains, est touché par les maladies des yeux. Nous avons une priorité sur la cataracte qui rend les gens aveugles et qui finit par les faire mourir plus tôt qu'ils ne devraient. Il nous est arrivé de transporter des femmes enceintes vers la capitale à Antananarivo, lorsque l'accouchement fait courir un risque de mort pour la maman ou le bébé. J'ai déjà opéré également des enfants avec des problèmes de malformations nerveuses dans les bras et les mains, mais ce n'est pas de la grosse chirurgie. Rencontrez-vous des difficultés pour convaincre les patients de se faire soigner ou de se faire transporter vers les villes ? Oui ! Cela est arrivé, mais surtout à nos débuts. Nous avons compris et corrigé le problème en incluant des chefs de village pour leur expliquer ce que nous faisons et les guérisons que nous sommes capables d'apporter. Mais il arrive, c'est vrai, que du jour au lendemain, certains de nos patients ne reviennent plus, et cela, sans explications. Nos efforts portent là-dessus : le dialogue culturel lié à la santé et aux transports nécessaires. Comment imaginez vos avions ? Ils sont capables de se transformer en salles d'opérations de chirurgie ? Non ! Mais grâce aux progrès techniques, nous installons un mini-hôpital, avec du matériel de premiers secours devant l'avion qui est ainsi capable d'accueillir les patients. Nous sommes alimentés à l'énergie solaire donc en respect de la nature. De plus, nous avons la capacité de désinfecter l'eau que nous prélevons dans les rivières ou les marigots les plus proches des endroits où nos avions atterrissent. Au Salon International de l'aéronautique et de l'espace, vous avez fait appel aux dons pour pouvoir franchir un cap, celui de l'avion médical que l'on appelle avion-hôpital, expliquez-nous ! C'est un prototype d'appareils où là, nous ferions des opérations chirurgicales directement dans l'appareil. Ce type d'avions existe déjà, mais reste très cher. C'est pourquoi nous avons besoin de dons. Avec un avion-ambulance, nous serions plus à même d'assurer de soins de proximité tout en respectant la volonté des villageois de se faire soigner près de chez eux. Dans le domaine de la santé, on parle beaucoup des drones transporteurs de médicaments, vous utilisez ce genre d'engins ? Là encore, comme l'avion-hôpital, ce sont de fabuleux engins, mais qui sont trop chers pour Medicaero. Avec des drones médicaux, il est possible de parcourir jusqu'à 1 000 km avec des charges de 150 kg de médicaments. Ils sont aussi très utiles si une urgence nécessite des poches de sang. Les températures sont froides et les drones en vol ne s'échauffent pas. Ce sont vraiment des appareils idéaux pour le transport médical. Dans quels pays envisageriez-vous pour transporter des médicaments et soigner à l'avenir ? Nous réfléchissons à des pays où la situation politique est stable et où il n'y a pas de guerre. Dès que ce sera possible, j'aimerais travailler au Gabon ou en République démocratique du Congo (RDC). À lire aussiMadagascar: des sources médicales contestent l'empoisonnement défendu par les autorités lors du drame d'Ambohimalaza
Le Salon Vivatech vient de fermer ses portes à Paris. Cinq jours de rencontres autour des technologies du futur. Du président français Emmanuel Macron aux industriels du transport, tous ont salué le rôle de l'intelligence artificielle dans l'économie de demain. Routes, ports, aéroports, véhicules, le transport mondial a déjà commencé sa transformation. L'un des concepts évoqués entre professionnels est le jumeau numérique. Explications avec Clément David, directeur de l'entreprise Theodo Cloud. RFI : Qu'est-ce qu'un jumeau numérique dans le transport ? Clément David : Le jumeau numérique est en fait la copie conforme de votre infrastructure – bateau, voiture, aéroport, route, pont, rails – sur ordinateur qui permet de le dessiner ou d'en recréer l'image en toutes dimensions et de le faire vivre en situation réelle. Cela signifie le soumettre à la pression atmosphérique, aux sécheresses, aux hauteurs de vagues. La technique est déjà répandue chez les constructeurs et ingénieurs, un exemple emblématique ? Le port de Rotterdam aux Pays-Bas, le plus grand port d'Europe. Imaginez le nombre de grues qui déchargent les paquebots sur les quais. Là-bas, grâce aux jumeaux numériques de l'infrastructure du port et des outils, ils peuvent calculer les capacités des grues, mais également des paramètres ambiants comme le personnel. Et donc être en mesure d'évaluer les moments de risques ou de pénurie. C'est simple, si un jour, il y a une épidémie de grippe ou une grève, la simulation permet de gérer et de prévoir la quantité d'ouvriers ou d'autres personnels sur l'ensemble du port. Le jumeau numérique d'un port agit pour la prévention des risques et aussi la gestion des accidents survenus. On sait à quel moment une grue va bloquer sous les chargements ou combien il faut ajouter de personnes ou de grues en cas d'arrivages massifs de bateaux en même temps. La technique, dites-vous, a du succès en Europe. C'est l'une des réussites européennes qui sont à la pointe des simulations et des calculs numériques dans les transports. D'ailleurs, la SNCF va travailler à la construction et la rénovation de ses chemins ferrés en utilisant les jumeaux numériques. Ailleurs dans le monde, le transporteur de colis UPS, se sert du jumeau numérique de ses véhicules, dotés de capteurs et d'imageries des routes pour optimiser ses stockages et ses délais de livraison. C'est une technique qui reste coûteuse ? Mais comparés aux bénéfices qu'une entreprise fait en utilisant les jumeaux numériques, il n'y a pas de doute, c'est très rentable. Imaginez, si vous construisez un pont, cela vous évite le risque de tout détruire ce que vous aviez construit à cause de paramètres imprévus. Cela s'est vu et cela se voit encore dans l'histoire des constructions. Durant ce Salon Vivatech, comme dans tous les autres salons, ce sont principalement les avancées technologiques américaines ou bien chinoises qui ont été mises en avant. Mais l'Europe a-t-elle une carte à jouer dans le domaine du jumeau numérique ? C'est certain, en tout cas pour le moment. Et pourquoi est-ce que l'Europe n'a pas saisi le développement de la voiture autonome par exemple et a investi davantage dans le jumeau numérique que les États-Unis ou la Chine ? C'est parce qu'elle souffre de ses infrastructures vieillissantes. Chez nous, les chemins de fer, les chaînes de véhicules, etc. Tout est basé sur des modèles d'il y a 50 ou 100 ans. Ce que permet le jumeau numérique est de gagner du temps et de l'argent en prolongeant la durée de vie des modèles existants et vieillissants. Pour l'Afrique, ses constructeurs et ses ingénieurs, cela va permettre des bonds extraordinaires en sautant les étapes vers de constructions résistants aux sécheresses à venir ou aux aléas des déserts ou des métropoles ? Parfaitement. Pour un pays en développement, c'est un atout majeur pour l'avenir de ses infrastructures et de sa logistique de transport de marchandises et de passagers. Singapour en Asie avec ses aéroports est l'exemple d'un pays qui a su se servir des techniques numériques sur ordinateur pour construire ses villes. L'Asie est-elle adepte de ce concept de jumeau numérique ? Prenez une ville en Chine que je connais très bien : Shenzhen. Il y a 30 ans, c'était un petit port et village de pêcheurs. Aujourd'hui, le port est l'un des hubs – plateforme de routes et de connexions – les plus importants du monde. C'est incroyable, ils ont su construire en intelligence avec le port relié à des entrepôts proches des industries qui elles-mêmes sont reliées aux chemins de fers et aux routes vers l'intérieur du pays et les autres ports. Les axes se connectent sur l'ensemble de la Chine. À lire aussiBIM, le jumeau numérique
Malgré les attaques et les divisions, la Syrie vient de célébrer les six premiers mois depuis le départ de Bashar el-Assad. En décembre dernier, Ahmed al-Charaa a remplacé l'ancien dictateur. Les avis divergent sur ce gouvernement de transition. Mais l'une de ses priorités commence à se voir dans la capitale : le retour des touristes. Mais si les avions arrivent à Damas, ailleurs dans le pays, les ravages de la guerre empêchent encore de circuler. Les routes sont à reconstruire. Entretien avec Émile Bouvier, chercheur, auteur pour la revue Les Clés du Moyen-Orient. RFI : Ce retour du tourisme en Syrie est-il déjà visible ? Émile Bouvier : Ce n'est pas encore un phénomène de masse. Des voyageurs syriens ou étrangers arrivent à Damas, la capitale. Mais ailleurs dans le pays, les infrastructures, les routes sont en trop mauvais état pour permettre la circulation. Vous dites que le transport de marchandises et de personnes sera l'une des priorités du nouveau gouvernement de transition d'Ahmed al-Charaa ? La remise en état du pays passe par l'économie. Le transport permet l'arrivée des personnes, des marchandises et des matériaux pour reconstruire le pays. Les hôpitaux, les écoles, les administrations, tout est en ruine aujourd'hui. La volonté, en tout cas affichée, de ce gouvernement de transition est de reconstruire le pays et le développement de l'économie. Cela prendra du temps ? Beaucoup de temps, parce que les villes et les infrastructures sont détruites. Tout le pays est à reconstruire. D'ailleurs, l'ONU estime que la Syrie devrait mettre 50 ans pour arriver à tout reconstruire et vivre dans un pays disons standard, avec des connexions viables et des circulations possibles. Aéroports, chemins de fer, ports… Quelles sont les infrastructures les plus endommagées par la guerre en Syrie ? Toutes, absolument toutes. Toutefois, les ports ont été peu touchés parce qu'ils ont servi à l'armée russe qui a bombardé massivement la Syrie. L'autre raison qui explique la protection des ports est qu'ils étaient en zone alaouite, la communauté de l'ancien dictateur Bachar el-Assad. Les seuls aéroports qui ont déjà rouvert sont les aéroports de Damas et d'Alep au nord-ouest du pays. Mais en dehors de cela, il faut vraiment tout remettre sur pied. Pour des millions de dollars. Qui va payer ? C'est un prix et une charge exorbitante. C'est bien pour cela que les pays voisins comme le Qatar ou l'Arabie saoudite – qui voient dans ce nouveau gouvernement un gage de stabilité dans la région, même relative avec des conflits larvés – ont décidé de rembourser les dettes syriennes auprès de la Banque Mondiale et de payer une partie des salaires des fonctionnaires du pays pour alléger le poids de la tâche immense de cette nouvelle autorité syrienne. Mais l'axe majeur de connexion Alep-Damas passe par les villes principales comme Homs dans le centre de la Syrie. Quel rôle des États-Unis après l'entretien le mois dernier entre Donald Trump et Ahmed al-Charaa ? Les États-Unis, après l'entrevue entre les deux présidents, ont levé les sanctions et vont se positionner pour les échanges commerciaux et la participation à la reconstruction avec des entreprises américaines. Et l'Europe, qui a elle aussi levé les sanctions, va-t-elle faire travailler ses entreprises en Syrie ? Sans doute, puisque la Commission européenne a, elle aussi, levé les sanctions à l'encontre de la Syrie. L'Italie s'est déjà positionnée. De plus, l'Europe reste dans une position d'entre deux, partagée entre l'observation de cette nouvelle autorité syrienne qui devra donner des gages de stabilité politique et le désir de ne pas rater l'opportunité de la reconstruction économique en Syrie. Vous croyez plutôt à l'action rapide de la Turquie. C'est certain. La Turquie sera la première à investir et à s'investir en Syrie. La Turquie va jouer un rôle majeur en Syrie, le président Recep Tayyip Erdogan l'a annoncé officiellement en public, la Turquie sera un partenaire économique et politique majeur de la Syrie. On parle beaucoup des grandes villes comme Damas, Homs ou Alep. Qu'en est-il des villes et des villages ruraux, dans les déserts ou les campagnes ? Là-bas, les populations touchées par la guerre sont réduites et très fragilisées. Elles ne sont pas encore en mesure, mentalement et physiquement, de reprendre un train de vie régulier. Les impacts sont gigantesques et leurs routes éloignées de villes, souvent démolies. Ou si elles ne sont pas détruites, elles sont dans extrême mauvais état. L'ancien président Bachar el-Assad n'a jamais eu une politique volontariste dans les transports. Les routes n'étaient pas entretenues, pas remises à niveau ni reliées au reste du pays. L'est et le nord-est de la Syrie, des régions où les besoins de reconstruire seraient parmi les plus importants. Pourquoi ? Parce que ce sont les zones tenues par les Kurdes, les ennemis de Bachar el-Assad. C'est aussi dans le désert au centre du pays qu'ont eu lieu les attaques des terroristes de l'organisation État islamique. Le désert syrien central près de Palmyre où il reste encore des positions du groupe EI et le nord-est du pays ont été très touchés. Il y a beaucoup de bombes qui ont empêché les circulations avec les pays voisins comme l'Irak ou la Jordanie, qui pourraient faire du commerce si les routes étaient sécurisées et en bon état. Mais pour le moment, elles sont assez peu utilisées. À lire aussiSyrie: «Ahmed al-Charaa a reussi sa transformation, la levée des sanctions en est la preuve», analyse Ziad Majed
Dans un an, l'Inde aura 50 destinations mondiales de plus. La semaine dernière, les patrons d'Airbus se sont déplacés pour fêter une vente record d'avions à New-Delhi. Trente gros porteurs pour la compagnie indienne Indigo, déjà principale cliente de l'avionneur européen. Ce contrat record répond à un développement des transports indiens. Aujourd'hui, le secteur reste financé par les sociétés privées. Éclairage avec l'enseignant-chercheur, Yves-Marie Jules Rault-Chodankar. RFI : Yves-Marie Jules Rault-Chodankar, vous êtes un des spécialistes mondiaux de l'Inde et de ses infrastructures. Vous connaissez bien le transport, vous allez en Inde souvent. Et vous dites que l'inde est l'un des plus grands pays à construire des infrastructures : des routes, des aéroports, etc.Yves-Marie Jules Rault-Chodankar : Oui, effectivement. Aujourd'hui, les besoins de transports sont énormes. La population est en forte croissance, la croissance économique aussi et les infrastructures sont soit vieillissantes, soit absentes. Parlez-nous des plans de développement initiés dans les années 2000 par les gouvernements précédent l'arrivée du Premier ministre Narendra Modi.Ce sont des plans de modernisation sous forme de corridors visant à construire des espaces industriels en reliant les plus grandes villes du pays. L'exemple le plus abouti est celui entre la capitale et New Delhi et Bombay. Jusqu'ici, les trains étaient très lents, il fallait 20 heures de voyage, l'ouverture d'aéroports va faciliter le commerce et la vie des populations. Que signifie cette vente record de 30 avions supplémentaires pour la compagnie indienne Indigo qui possède déjà une flotte d'Airbus ?En quelques années, la compagnie indienne Indigo s'est imposée sur le marché. Non seulement pour les lignes intérieures, mais aussi au plan international puisqu'elle est aujourd'hui l'une des plus grandes compagnies mondiales. Cinquante nouvelles destinations permettant de relier la capitale et les grandes villes indiennes vont naître d'ici à 2026.Dès son arrivée au pouvoir, le Premier ministre a dit son intention de développer les transports. Pourtant, vous dîtes que le gouvernement verse peu d'argent. Parfaitement. Il faut préciser que l'actuel gouvernement ne fait que suivre les plans décidés par les gouvernements précédents. Mais nous sommes aujourd'hui dans une forme de partenariat public-privé. Où l'action du gouvernement se concentre surtout sur des autorisations de cession de terrain, des facilitations en réalité pour les projets immobiliers et de transport financés en majorité par les entreprises privées. Un exemple à Bombay : le bidonville de Dharavi. L'idée est d'en faire d'ici à 2030 un grand centre industriel en rasant toutes les constructions pour y mettre à la place des tours. Il est prévu des ports, des aéroports. Ce projet est pris en charge à 80% par le groupe Adani, l'un des plus grands groupes indiens du pays. Comment la population ressent-elle ces plans de constructions ?Les réactions sont mitigées et dépendent des États. Ici en Europe, on oublie assez vite les échelles gigantesques de ce pays-continent qui compte plus de 1,4 milliard d'habitants. Mais en majorité, ils sont vus d'un bon œil puisque les promoteurs facilitent la vie des millions de personnes dans des villes congestionnées par la circulation routière. La construction de nouveaux métros satisfait les classes moyennes. Et cela flatte l'égo des Indiens. Toutes les inaugurations sont assurées par le Premier ministre Narendra Modi. Il sait très bien profiter de ces moments pour son parti. Ce sont en fait des ponts, des routes, à l'exemple de la Coastal Road tout autour de Bombay, des autoroutes qui relient la côte maritime que Narendra Modi a ouverte sous les caméras.Y a-t-il entre les villes et les zones rurales vis-à-vis des habitants et des constructions de transports nouveaux ? Oui. Je pense aux ports et aux zones économiques spéciales du pays où le secteur privé construit sans se soucier de la protection de l'environnement ni des villages de pêcheurs. Il y a des cas où on ne leur demande même pas leur avis, on les chasse pour construire des bâtiments, des routes, des rails. Et là effectivement, des associations tentent de s'y opposer, mais sans grand succès. Un État, du Bengale, qui se situe plus à l'ouest de l'Inde avec une tradition communiste, et un gouvernement d'opposition, a montré que les autorités ont réussi à faire arrêter les travaux. À lire aussiInde: boom dans le secteur du transport aérien
Avec un ticket moins cher, seriez-vous partant pour l'espace ? Déjà développé en Inde, aux États-Unis ou en Chine, le tourisme spatial reste méconnu des Européens. Pourtant, ce nouveau tourisme est porteur d'emplois et redynamiserait l'Europe. C'est en tout cas l'avis de Michel Messager, l'ancien directeur de l'Agence européenne du Tourisme spatial. Pour le lancement de sa nouvelle association, Space Consult, il répond aux questions de Marina Mielczarek. Et il nous apprend le rôle de l'Afrique. RFI : Space Consult, votre nouvelle association, vise à faire connaître le tourisme spatial en Europe. Sommes-nous si en retard que cela ? Michel Marchand : Oui ! Le secteur se développe aux États-Unis, en Inde, en Chine et aux Émirats-Unis. Ici en Europe, nous connaissons mal les énormes débouchés pour la France et ses voisins. Il suffirait d'une volonté politique plus forte. Vous dîtes que ce serait une façon de réveiller et renouveler l'industrie européenne ! C'est vrai. Le tourisme spatial englobe un champ de thématiques insoupçonnées : les parcs d'attraction, les hôtels, les restaurants, mais également l'industrie médicale et du textile. Adidas, Converse, autant des marques mondiales fabriquent des vêtements spatiaux pour les professionnels et s'en inspirent pour lancer des habits auprès du grand public. Avec les Français, c'est surprenant, racontez-nous l'aventure des pâtés en boîte Hénaff.Le public français va être surpris d'apprendre que c'est la Maison Hénaff qui a décroché l'un des rôles clé dans le conditionnement des aliments spatiaux, la nourriture des astronautes. À l'échelle industrielle élargie, ce sont des milliers d'emplois à créer. Vous avez visité des parcs d'attraction (notamment aux États-Unis) entièrement dédiés au tourisme spatial. Pariez-vous pour le même succès en Europe si le continent s'engageait ? Parfaitement ! Regardez, en Espagne, le constructeur automobile Ferrari a ouvert son parc à thème, c'est un succès ! Pourtant, il y a huit ans, personne n'y croyait. En 2024, le tourisme spatial devait connaître une valorisation de 1 500 millions de dollars. Une croissance de 36,6 % par an d'ici à 2033. L'Europe a une carte à jouer. Elle a d'excellents ingénieurs et les jeunes, j'ai moi-même des petits-enfants, ils sont fascinés dès qu'on leur montre des fusées. Mais il ne faut pas attendre, sinon comme pour l'internet, l'Europe risque de passer à côté. Au-delà des ingénieurs, on aura besoin d'employés sur terre, des cuisiniers, des serveurs, des designers. Jusqu'ici, à part les astronautes, seulement une soixantaine de personnes ont pu faire des voyages en capsule pour tourner autour de la terre. Que recherchent-ils, voir la terre d'en haut ? Oui, et n'oubliez-pas que ces vols servent la science. Les professionnels ne s'arrêtent pas à basse altitude comme les vols pour le grand public. Ils se poseront sur des planètes comme ils se sont posés sur la Lune. Saviez-vous que les appareillages cardiaques d'aujourd'hui, les pacemakers, sont issus de la recherche lunaire ? La Lune a beaucoup de minerais et là encore, on va reparler d'Elon Musk, l'industriel américain avec ses recherches pour conquérir Mars. Lors du 11e vol touristique suborbital, la chanteuse Katy Perry et ses partenaires de voyage (scientifique, productrice de cinéma…) ont été critiqués pour avoir pollué l'atmosphère à bord de la fusée de Blue Origin, la firme de Jeff Bezos, parce qu'elles se revendiquent en même temps écologistes.C'est là que les critiques parlent trop vite. On ne les a pas entendus lors d'autres voyages ces dernières années qui n'avaient pas de stars à bord. Oui, le tourisme pollue, mais comme toutes les activités liées au tourisme : les croisières, les avis, les voitures. De toute façon, comme tout secteur voué à se démocratiser, les débuts vont être pour des ultra-riches, et petit à petit les prix vont baisser. Pour le moment, le billet pour voyager en orbite à 100 km et redescendre est autour de 300 000 euros. Pour l'avion, ça a été la même chose. Plus on multiplie les vols, plus on améliore la sécurité et les prix des vols. Vous dites également que l'écologie en bénéficiera avec les travaux scientifiques de l'espace. Là encore, le potentiel est gigantesque et porteur d'avenir pour l'humanité. Ne serait-ce que pour l'étude des nouveaux minerais, qui aboutiront à fabriquer de nouvelles énergies, qui elles-mêmes amélioreront la qualité des carburants ! Un autre secteur, la santé : les passagers servent à la science, car les réactions de leurs corps sont enregistrées. La médecine va développer de nouveaux médicaments, l'histoire scientifique et les grandes avancées ont toujours fonctionné comme cela. Protéger la terre et développer le spatial, l'un n'empêche pas l'autre, au contraire. Selon vous, le continent africain a-t-il un rôle à jouer ? Oui ! D'ailleurs, ils ont déjà commencé. La Côte d'Ivoire, l'Afrique du Sud, deux pays qui ont choisi de collaborer dans le spatial. L'Afrique veut d'abord développer les recherches pour sa survie climatique. Les satellites servent à surveiller et prévoir les sécheresses, les ouragans. Mais n'oubliez pas que l'Afrique a des espaces vierges. Savez-vous qu'autour des lanceurs des fusées aux États-Unis, les terrains ont tous été achetés. Ils vont servir à cette industrie touristique. La jeunesse, tous continents confondus, a vraiment de quoi trouver du travail et de l'épanouissement personnel et collectif. À lire aussi30 mai 1975: la naissance de l'Agence spatiale européenne
L'accord va marquer l'aviation bon marché. Ce printemps, EasyJet renforce ses carburants écologiques. Comme toutes les flottes aériennes, cette compagnie est retardée par la lenteur de fabrication et les complications de nouveaux fuels moins polluants. Pour répondre aux objectifs de dépollution en Europe et au Royaume-Uni, EasyJet vient de lancer (c'était fin avril 2025) une alliance à quatre têtes. Compagnie, fabricant, distributeur et groupes financiers. La formule réussira-t-elle à débloquer les freins du marché ? Aujourd'hui, les compagnies européennes ont le choix entre deux sortes de carburants écologiques. D'un côté, les biocarburants appelés issus des déchets de l'agriculture (plantes, bois, résidus d'huiles de cuisines et des graisses animales, etc.). De l'autre, les carburants de synthèse. Fabriqués en laboratoire grâce à l'électricité dite « propre » ou « verte » comme l'hydrogène hydraulique ou la transformation du dioxyde de carbone.Seulement voilà, l'hydrogène n'est pas facile à fabriquer ni à stocker. Même chose pour la technique au dioxyde de carbone. Ce qui est rare est cher. Quel que soit le carburant vert, il reste cinq à six fois plus cher par rapport aux diesel et carburants hybride (mélange biocarburant et diesel) d'aujourd'hui.Seulement 2% de biocarburants dans les avions en EuropePour le moment, les avions décollant des aéroports européens doivent compter 2% (taux minimum) de biocarburant pour chaque vol. L'Aviation civile internationale vise 2030 à en imposer 5% de biocarburant dans les avions du monde entier. Mais même avec ces taux, aujourd'hui la facture reste élevée. Il faut donc pour les compagnies une vraie volonté économique à long terme pour assurer ses approvisionnements.Parmi les compagnies aériennes bien engagées dans l'utilisation de carburants « verts », on trouve la compagnie Air France dont la clientèle a réclamé des efforts pour réduire la pollution. En revanche, du côté des vols low-cost, peu chers, la clientèle ne répond pas autant. Bertrand Godinot, directeur la Compagnie easyJet pour l'Europe et le Royaume-Uni a signé l'alliance Atoba-EasyJet-World Fuel pour assurer non seulement la quantité, mais l'assurance des approvisionnements des carburants écologiques : « Ce que nous constatons, c'est que les clients des vols low cost ne veulent pas payer leurs billets plus chers pour compenser le prix des nouveaux carburants ou des appareils modernes (moins gourmands en carburant.) Or, nous savons qu'à l'avenir, les taux de biocarburants imposés dans les avions en Europe augmenteront. Les progrès pour de nouveaux produits et de nouveaux moteurs vont nous aider. Le marché va donc connaître une demande d'offres et de demandes croissantes. EasyJet vient donc de signer avec Atoba et World Fuel (un fabricant et un partenaire financier spécialisé) pour ne pas être pris de court. L'idée est d'assurer nos approvisionnements sur le long terme. D'autre part, nous voulons jouer un rôle de modèle à l'échelle planétaire. Pour arriver à dépolluer le secteur aérien, toutes les compagnies du monde doivent s'y mettre ! Dans le monde aérien, les professionnels disent de plus en plus que l'Afrique, avec son énergie solaire, pourrait très bien devenir pionnière en nouvelle énergie aérienne. Toutes les volontés seront bonnes puisque aujourd'hui, l'Europe est un peu seule. Dans son étude, l'Organisation non gouvernementale Transports & Environnement estime que près de 87% des compagnies du monde négligent l'utilisation de carburants moins polluants dans leurs appareils.Subventionner ou imposerPour Laurent Timsit, directeur de la Fnam (Fédération française de l'aviation et de ses métiers), les pays les plus engagés se trouvent en Europe qui est une pionnière. Mais parmi les autres pays fabricant ces carburants écologiques, on trouve des raisons bien différentes. À l'image des États-Unis versus Europe : « Il est vrai qu'en Europe, les taux minimums de biocarburants incorporés aux carburants standards sont imposés sur les vols décollant de l'Union européenne. Tandis qu'aux États-Unis, les compagnies bénéficient d'un marché où sont subventionnés ! Les producteurs vendent donc leurs biocarburants à bon marché. L'Asie avec Singapour et la Chine ont aussi développé leur industrie de production. Alors quel avenir pour les nouveaux carburants aériens ? Je dirais qu'on avance lentement, mais sûrement. L'hydrogène à base d'énergies renouvelables arrivera un jour à être produit et stocké à grande échelle. Mais là encore, nos gouvernements doivent comprendre qu'il faut soutenir l'industrie des carburants et des concepteurs d'avions. » À lire aussiEn 10 ans, l'Afrique a doublé ses capacités de production d'énergies renouvelablesParmi les solutions en attendant, des carburants à 70% écologiques, des calculateurs plus performants qui aident les pilotes à économiser les kilomètres, à voler plus bas pour éviter les traînées blanches et glacées laissées derrière eux.
Depuis lundi, le Groenland, préside le Conseil de l'Arctique. Huit grands pays nordiques, dont la Russie, le Canada et les États-Unis, appartiennent à ce groupe scientifique. C'est une inuite, l'actuelle ministre des Affaires étrangères du Groenland, qui orientera le développement de la région. Pour le chercheur à l'École de guerre de Paris, Mikaa Blugeon-Mered, les enjeux dépassent le refus d'appartenir aux États-Unis de Donald Trump. Le Groenland veut devenir un modèle de transport écologique en adoptant l'hydrogène et en développant une pratique du tourisme limitée. RFI : Une petite révolution cette nouvelle présidence du Conseil de l'Arctique ? Mikaa Blugeon-Mered : C'est en effet le Danemark (auquel le Groenland est rattaché) qui a décidé de donner la main aux inuits pour ces deux années de présidence tournante. Avec les huit pays membres – États-Unis, Russie, Danemark, Norvège, Canada, Suède, Finlande, Islande – ajoutés à plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) et à l'OMI, l'Organisation maritime internationale, les inuits vont orienter les choix économiques du Grand Nord. Avec deux grandes priorités, la fabrication d'hydrogène écologique (à partir de l'énergie de l'eau, hydraulique) et le tourisme encadré. Quels changements pour le transport ? Les changements sont majeurs et ils ont déjà commencé. Il faut savoir que l'Arctique est une région glaciale avec peu de routes. Le principal mode de transport entre pays voisins est l'avion. Par ailleurs, les étrangers du monde entier ne peuvent pas venir en train ni même en voiture. Il faut donc le bateau et l'avion.Avec, en ligne de mire, le développement du tourisme ? L'an dernier, le Groenland a ouvert le nouvel aéroport de Nuuk, la capitale, au sud-ouest du pays, et deux autres aéroports dont les travaux seront définitivement terminés en 2026. D'autre part, l'énergie qui alimentera ces aéroports pourrait devenir un modèle écologique pour le monde.Grâce à la fabrication de l'hydrogène vert, à base d'eau. Mais comment peut-il se préserver du tourisme de masse qui a causé des dommages, par exemple à Venise en Italie ? Le Groenland avait besoin de ces aéroports pour se moderniser. Il a déjà régulé son tourisme maritime en limitant la distance des paquebots sur certaines de ses côtes. Par ailleurs, il y a plusieurs types de tourisme selon les endroits où se trouvent les aéroports. Par exemple, à Nuuk, le tourisme d'affaires, tandis qu'au sud du pays, où il n'y pas d'ours blancs, les autochtones préfèreraient un tourisme d'agriculture, car les terres sont cultivables.Le Groenland est à sa façon à l'avant-garde du tourisme écologique à l'hydrogène ? Pour les batteries, pour les nouveaux transports, il faudra de l'hydrogène sur lequel elle mise tant avec l'idée de développer son économie sur cet hydrogène. Aujourd'hui, 70% de l'énergie du Groenland est déjà à base d'énergie renouvelable, hydrogène.Avec une retombée politique majeure, l'indépendance.Parfaitement. Le Groenland est un territoire rattaché au Danemark, il veut son indépendance. Avec cette nouvelle économie basée sur le tourisme et l'hydrogène, il pourrait s'émanciper et devenir indépendant.En exportant son énergie ? C'est le projet. Générer des profits avec une nouvelle économie plus exportatrice. Fabriquer des nouveaux carburants – hydrogène, e-carburants, e-méthanol – dont l'aviation a tant besoin pour remplacer les carburants lourds comme le diesel et de cette façon, les constructeurs et les compagnies aériennes pourraient atteindre leurs objectifs de dépollution.Le Groenland pourrait servir de modèle pour l'Afrique avec leur énergie à eux, qui n'est pas l'hydrogène, mais le solaire.Ce serait tout à fait possible. D'ailleurs pas uniquement pour l'Afrique, mais pour de nombreux territoires en Asie, en Amérique latine également. L'administration américaine de Donald Trump veut s'installer au Groenland pour développer son industrie des minerais. Le Groenland s'y est opposé, il en aura vraiment les moyens ? Ce refus reste le choix du Groenland et du Danemark. La Chine a cherché un temps à développer l'extraction des mines du sud du pays où le Groenland ouvre son nouvel aéroport. Pour le moment, le choix des inuits s'oriente vers le tourisme vert et non pas l'extraction des minerais, des batteries électriques, à savoir des terres rares faites de composés de métalliques ou de l'uranium.À lire aussiAujourd'hui l'économie: pourquoi l'Arctique est un territoire si convoité
Lorsqu'on évoque les taxes d'importation américaines sur les voitures européennes, c'est naturellement l'Allemagne qui vient à l'esprit, tant elle est un poids lourd de l'export automobile. Pourtant, c'est un autre pays qui pourrait être le plus exposé : la Slovaquie. Le pays joue un rôle central dans la fabrication d'accessoires et de composants automobiles destinés à l'exportation, notamment vers les États-Unis. Une réalité que souligne une récente étude de la banque néerlandaise ING, qui pointe ce pays comme l'un des plus vulnérables aux nouvelles mesures douanières américaines. Il faut se concentrer un peu pour comprendre le paradoxe ! Pourquoi l'Allemagne, premier fabricant européen de véhicules et principal exportateur vers les États-Unis, souffrirait-elle moins des tarifs douaniers que la Slovaquie ?L'Allemagne produit du volume, la Slovaquie du pourcentage Parce qu'il s'agit de pourcentage, pas de volume ! La Slovaquie consacre presque toute son industrie à l'automobile. Volkswagen, Peugeot-Citroën, Jaguar, Land Rover tirent profit de ce modèle unique en Europe, avec des usines multifonctions. Sur un site slovaque, on trouve tout sur place : la fabrication de la carrosserie, des composants (phares, vitres, pièces électroniques…), mais aussi des équipes ultra-formées. Nouvelles technologies, écoles d'ingénieurs, centres de recherche et de développement : tout est en place. 80% des véhicules produits sont destinés au marché américain.80% de la production pour les États-UnisLa Slovaquie a mis tous ses œufs dans le même panier. Forcément, comme le souligne Bernard Jullien, directeur du GERPISA (Groupe d'étude et de recherche permanent sur l'industrie et les salariés de l'automobile), dans une économie mondialisée, la moindre hausse des droits de douane se paie très cher.À lire aussiDroits de douane sur l'automobile: l'Allemagne inquiète pour son économie après l'annonce des États-UnisEn Europe, les usines automobiles sont principalement concentrées en Allemagne et en Suède. La France, l'Espagne ou l'Italie comptent relativement peu de sites. Cela renforce encore la position particulière de la Slovaquie, avec ses usines spécialisées tournées vers l'exportation américaine. Par exemple, Volkswagen a confié à ses sites slovaques la production de ses modèles haut de gamme. Certes, la Slovaquie risque d'en souffrir. Mais les acheteurs de ces modèles très chers seront-ils vraiment sensibles à une hausse de prix ? Il faudra attendre pour voir.Une régionalisation du marché européen, plutôt que la ChineQuant à l'avenir, les avis divergent. Certains économistes envisagent un rapprochement des marchés européens et chinois. Bernard Jullien, lui, n'y croit pas. Pour lui, la conséquence la plus probable des hausses de prix aux États-Unis, c'est la relocalisation : des constructeurs européens qui se recentrent sur leurs marchés intérieurs, dans des zones régionales élargies. Le report des ventes vers la Chine reste donc très incertain. Les États-Unis viennent d'alléger la facture en renonçant aux taxes sur les pièces détachées destinées aux véhicules assemblés sur leur sol, mais aussi au Mexique ou au Canada.À lire aussiFace à Donald Trump, l'Union européenne recherche de nouvelles alliances
Faites d'eau et de suie, ces traînées blanches étaient soupçonnées de polluer l'atmosphère. Cette fois, les preuves sont arrivées. Dans leurs nouvelles études, l'industrie aérienne et les associations écologistes tombent sur les mêmes résultats : les traînées blanches que l'on voit dans le ciel derrière les avions polluent bel et bien. Mais des solutions, parfois controversées, sont envisagées. (Rediffusion du 22/03/2025)Pour comprendre l'effet des trainées d'avions, imaginez un dormeur sous une couette. La couverture le réchauffe en capturant la chaleur de son corps. Pour les avions, c'est pareil. À haute altitude, dans un ciel suffisamment glacial (-40°C), ces traînées de suie et d'eau glacée vont s'accumuler et former des nuages. Ces nuages glacés capturent la chaleur du soleil et de la terre et la renvoient vers la terre, d'où l'effet réchauffant. « C'est exactement comme lorsque l'on respire en hiver. Un nuage sort de votre bouche. L'effet de la haute altitude provoque un choc thermique entre les réacteurs et l'humidité de l'atmosphère. De ce fait, une traîne de gouttelettes glacées va se former. Lorsqu'elle ne disparait pas en quelques minutes, c'est qu'il fait trop froid. Cette traînée va donc geler et s'étaler. Un nuage va se former. Le jour, ce nuage va refroidir la terre, mais la nuit, il va emprisonner la chaleur de la terre et réchauffer la planète. L'effet sur le climat a été démontré », explique Diane Vitry, qui dirige le secteur aéronautique de l'Organisation transport et environnement.Contrairement aux apparences, ces traînées vues de la Terre sont blanches. En réalité, elles se composent de suie et de glace. C'est en effet la suie issue des réacteurs qui accroche les gouttelettes d'eau de condensation. Les bandes blanches du ciel sont donc un mélange d'eau et de poussières carbonées. Les chiffres montrent que, compte-tenu des prévisions du trafic jusqu'en 2030, cette pollution de condensation sera au moins aussi nuisible que les émissions de CO2 dues au kérosène aérien.La solution, tant que l'aviation fonctionnera au kérosène, consiste à faire éviter aux pilotes les zones les plus froides et les plus humides, selon les conditions météo de leur vol. Aux États-Unis, l'entreprise Google travaille sur la question avec la Fondation Gates. En France, l'entreprise Thalès s'est emparé du problème. « Notre programme, auprès des pilotes de la compagnie aérienne Amelia, a prouvé son efficacité. Il ne s'agit pas de désorganiser le trafic aérien planétaire., mais seulement de jouer sur les trajectoires des appareils pour leur faire éviter les zones froides et humides. Aujourd'hui, les progrès des calculs météo améliorent considérablement les prévisions de vol. Il suffit de peu de distances, de 600 à 1 200 mètres d'altitude plus bas. Cela suffit, en temps réel, à éviter les nuages condensations », détaille Julien Lopez, qui dirige le programme condensation chez Thalès.Mais, revers de la médaille, cette solution sur les trajectoires contient ses propres paradoxes. Compte tenu de la croissance continue du trafic aérien jusqu'en 2050, chercheurs et écologistes craignent que faire voler des avions plus bas rapproche la pollution de la Terre. Les particules fines de CO2, cancérigènes, entreraient d'autant plus dans nos bronches. Parce qu'il est sous-estimé, les chercheurs du GIEC, le groupement international sur le climat, demande à ce que le réchauffement lié aux traînées de condensation soit pris en compte dans les calculs de pollution des transports. Le but reste de répondre aux objectifs des accords de Paris sur les réductions du réchauffement climatique.À lire aussiÉnergies: l'Union européenne favorable à la production d'hydrogène par énergie nucléaire
Saviez-vous que c'est en Asie qu'il y a le plus de compagnies low cost, ces compagnies d'avions à bas prix ? Ou encore que Singapour est un port de marchandises presque entièrement robotisé ? Voici ce que l'on apprend dans le nouveau livre de Sophie Boisseau du Rocher. Spécialiste de l'Asie, elle publie : L'Asie-Pacifique, nouveau centre du monde, aux éditions Odile Jacob. (1ʳᵉ diffusion le 15/02/25)RFI : Vous sillonnez l'Asie depuis plus de trente ans. Les transports, dites-vous, en Asie du Sud-Est sont à la pointe de la modernité ?Sophie Boisseau du Rocher : Oui, ce qui frappe lorsque vous débarquez dans un aéroport de Taïwan, de Thaïlande, de Singapour, de Malaisie, c'est leur rapidité et l'efficacité. Par exemple, à l'arrivée, pour rejoindre la capitale ou les villes importantes de province, il y a des navettes rapides ou des trains. Facilitée grâce à une avance technologique, expliquez-vous, au sein même de l'aéroport.Parfaitement ! Pour les flux de passagers, tout va très vite. Les passeports sont biométriques, il y a des bornes pour accélérer les passages des bagages et les vérifications d'identité. Vous nous apprenez des mots nouveaux. Par exemple, au sujet des Routes de la soie chinoises, ces réseaux mondiaux (trains, avions, ports…), vous parlez des Routes asiatiques de la tech. Et il n'y a pas que la Chine, loin de là. Il faut sortir de ce préjugé de ne voir le secteur du transport que par le prisme de la Chine. En Asie du Sud-Est, la concurrence entre les pays est un élément important de compréhension de cette région du monde. Dans quel domaine ? Les conteneurs par exemple. Les trois premiers fabricants de conteneurs du monde sont asiatiques — chinois, japonais et sud-coréens. Vous êtes témoin de l'énorme développement du secteur maritime et du transport de marchandises par la mer ? L'Asie Pacifique est au cœur de la nouvelle géopolitique mondiale. 60% des bateaux transporteurs de marchandises du monde passent par l'Asie du Sud-Est. Avec un rôle important du port de Singapour ?Oui, aller à Singapour et voir le niveau de technologie du port est, pour des Européens, incroyable ! Pratiquement toutes les étapes sont robotisées — les grues, les transits pour relier les voies ferrées ou les routes pour continuer l'acheminement intérieur par camions ou trains. L'une des autres spécificités est l'aérien, avec la multiplication des compagnies low cost, les compagnies à bas prix. Là encore, une incroyable réussite, que ce soit en Indonésie, en Thaïlande, en Chine, aux Philippines, en Malaisie. En Malaisie, Air Asia propose des vols locaux, provinciaux qui permettent de relier les villes secondaires entre elles. Et ça fonctionne bien ? Parfaitement bien. Ce qui est intéressant, c'est de voir que ces compagnies sont très utilisées par les populations régionales qui n'ont pas les moyens de s'acheter des billets sur les compagnies nationales aériennes de leur pays ou sur les compagnies étrangères. En définitive, votre livre est un grand souffle d'espoir pour l'avenir de l'Asie du Sud-Est et de ses transports. Oui, ils ne sont pas du tout inquiets pour leur avenir ! Il faut veiller à ce que ce développement technologique et ces différentes solutions des transports fassent progresser le niveau de vie des habitants. Un mot de conclusion ? Juste un chiffre pour finir. Sur les 2,3 milliards d'habitants, qui n'intègrent ni l'Inde, ni l'Australie, 800 millions de jeunes se trouvent en Asie Pacifique ! À lire aussiNouvelles routes de la soie, 10 ans après
À quand des trains efficaces en Ukraine ? Durant ces trois années de guerre, la qualité du transport ukrainien n'a pas préoccupé les européens. Aujourd'hui, civils et militaires regrettent le manque de routes et de personnels adaptés aux matériels militaires. Cette année 2025, on a aperçu des militaires dans les allées des principaux Salons du transport de marchandises. Cette présence civile-militaire dans des rendez-vous grand public et mondiaux est suffisamment rare pour ne pas voir l'urgence du débat. Des rails différents selon les pays Parce qu'à force d'avoir ignoré des choses aussi simples que l'écartement des rails – l'Ukraine n'a pas les mêmes chemins de fer que ceux de son voisin roumain par exemple –, les troupes et le matériel en Ukraine ont été ralentis. « Ce qui est étonnant, c'est que l'Europe a oublié l'Ukraine dans ses infrastructures. Car la guerre, c'est d'abord la logistique, le transport, les routes et le matériel. Aujourd'hui, les routes, les chemins de fer ne sont pas à niveau, ils datent de l'après-guerre mondiale, il y a 50 ans. Les rails ont des normes soviétiques, c'est-à-dire différentes des pays voisins par où passent les armements. Aujourd'hui, les tanks ont gagné 20 tonnes, ils pèsent bien plus lourd. Il est urgent de construire des rails qui n'obligent pas les trains à décharger aux frontières pour recharger ensuite sur les rails ukrainiens », détaille l'eurodéputé François Kalfon, l'un des politiques qui plaide pour harmoniser transport civil et militaire.Des ponts trop fragiles pour les chars La Russie ayant bloqué les ports du pays, mais également restreint l'espace aérien, l'Ukraine n'a plus que ses trains, ses camions et ses voitures pour transporter matériel et marchandises. C'est par ailleurs trop peu connu, mais faute de camions, une partie des transports ukrainiens se font de façon artisanale. Avec des petites fourgonnettes sur des routes pas assez goudronnées et pas assez nombreuses.« L'Europe n'a pas pris le problème des routes en Ukraine suffisamment au sérieux. Paradoxalement, le manque de routes en bon état a eu un effet positif puisque les russes n'ont pas eu le moyen d'avancer dans certaines régions. À mon sens, la priorité est de goudronner et de construire de nouvelles routes pour les camions dans le Centre et l'Est, au plus près du front. Mais il ne faut pas pour autant oublier le reste du pays. Ni les voisins d'ailleurs, puisque la Hongrie et la Slovénie, par exemple, ont du retard dans les projets de construction de routes permettant de circuler jusqu'en Ukraine », explique Adrien Nonjon, chercheur indépendant et expert de l'Ukraine.Le transport ferroviaire est onéreuxLe rail coûte cher. C'est pour cela que les russes, espérant la victoire, n'ont pas détruit les chemins de fer. Quant aux alliés, ils réfléchissent à la construction de routes et de dépôts pour stocker les armes. La Commission de Bruxelles a rallongé son enveloppe de 800 millions d'euros, car le budget initialement prévu jusqu'en 2027 a déjà été dépensé.Les experts des questions militaires rencontrées dans les allées des Salons de logistique estiment tous qu'il faut encourager les partenariats public-privé. Pour doter l'Ukraine de routes, de rails harmonisés et maintenir ses axes existants en bon état, Bruxelles compte 6 milliards d'euros. Aujourd'hui, l'argent n'est pas disponible. Les solutions sont à trouver pour disposer d'un espace de transports de personnes et de matériels où le secteur civil et militaire trouvent les mêmes intérêts. Le commissaire grec au transport Apostolos Tzitzikostas propose d'augmenter l'enveloppe à hauteur de 70 milliards d'euros pour les années à venir. Reste à savoir comment les 27 trouveront les fonds.À lire aussiUkraine: les habitants de Soumy désemparés face aux incessantes frappes russes sur les écoles et les hôpitaux
Donald Trump va-t-il faire échouer le projet africain du Lobito ? C'est en tout cas une question puisque l'USAID, l'aide américaine au développement, est désormais annulée. Le prédécesseur de Donald Trump, Joe Biden, s'était rendu lui-même en Angola l'an dernier pour encourager la construction de ces 1 300 km de voies ferrées. Le Lobito est un long corridor qui traverse trois pays d'Afrique centrale. Spécialiste du Lobito, le chercheur Alex Stonor revient tout juste de la région. RFI : Le Lobito est-il menacé par la nouvelle administration au pouvoir ? Alex Stonor : Une partie de l'USAID (l'aide américaine au développement) servait au projet Lobito pour des études environnementales. L'annulation de ces enveloppes porte un coup dur, c'est vrai. Mais je dirais que l'Amérique a tellement besoin des ressources africaines que le Lobito va exister, d'une façon ou d'une autre. Que disent les dirigeants des pays concernés ? Le président angolais a parlé. Il a dit qu'avec ou sans l'aide de l'USAID, le Lobito ira de l'avant.Quelles sont les autres sources de financement ? La Banque africaine de développement, les pays du G7 et l'aide de l'Europe est importante. Je pense aussi que les Américains reviendront peut-être sur leurs positions avec d'autres moyens pour appuyer ce corridor dont ils ont tant besoin.Vous dites également que le Lobito permet aux Américains de rivaliser avec la Chine en Afrique, donc qu'ils ne vont pas se désengager facilement.Parfaitement. La Chine a déjà une longueur d'avance sur les États-Unis. En Afrique centrale, notamment en République Démocratique du Congo, la majorité des minerais sont aujourd'hui exportés vers l'est de l'Afrique. Les ports de la côte permettent de rejoindre l'océan Indien vers la Chine. Un réseau ferré de 1 300 km entre trois pays – Zambie, République Démocratique du Congo et Angola – qui les relie en direction opposée de leurs rivaux. Vers l'Amérique et le Canada, donc la côte ouest de l'Afrique ? Vous revenez de la région, vous avez vu les travaux ?Ils avancent, oui. Au final, ce seront des tronçons qui se rejoindront. Il y aura plusieurs embranchements, ce ne seront pas des rails en continu. Mais en Angola par exemple, il n'y a pas besoin de tout construire. Une bonne partie existe déjà, détruite pendant la guerre des années 1970 qui sera réaménagée. À quoi se destine le Lobito ? On parle de 50 trains par jour à terme sur ce réseau. Les trains serviront à l'exportation du cuivre, du cobalt ? Oui, les ressources des trois pays concernés, Angola, RDC et Zambie. Parmi les chargements, on trouve le cobalt, le cuivre, le lithium. Quelques tronçons servent déjà. Ce sont des projets pilotes qui désenclavent la RDC et la Zambie en leur donnant accès à la mer. Je crois que le Lobito est le premier pas d'une politique plus agressive des pays occidentaux face à la Chine sur le continent africain. D'autant plus que l'Europe et l'Amérique vont avoir besoin de toujours plus de minerai pour leurs véhicules électriques, les puces des grands calculateurs, d'appareils ordinateurs et téléphoniques. Oui, c'est pour cela que certains habitants et associations crient à une nouvelle version du pillage des ressources de l'Afrique. Puisque le Lobito fera exactement ce que les Chinois font, exporter les minerais africains chez eux.Pour raffiner ces minerais ? C'est-à-dire les transformer dans des usines chinoises en Asie ? Oui, en Afrique, malheureusement, il y a la matière première qui n'est pas chère, mais pas d'usine de raffinage. En tout cas, il y en a quelques-unes, mais trop peu. Le produit une fois raffiné, celui-là gagne en valeur. Il faudrait qu'il y en ait beaucoup plus…Ce serait la seule façon d'apporter la richesse avec des emplois locaux ? Oui, à condition de demander une direction locale africaine. La semaine dernière, j'étais sur place et j'ai visité plusieurs usines chinoises d'extraction de minerai. De la bouteille d'eau aux mouchoirs en papier et au personnel ouvrier, tout est chinois.Mais je crois que les pays impliqués dans le Lobito en sont conscients. Les présidents des trois pays ont commencé à dire qu'il faut un réseau gagnant-gagnant. Des minerais exportés vers les États-Unis et des produits agricoles ou marchandises importés en Afrique.En réalité, il faudrait que les pays africains arrivent à mieux négocier avec les puissances finançant le Lobito pour arriver à une industrie de raffinage. Ce serait producteur de plus de richesses locales, avec des emplois pour les jeunes. À lire aussiWashington avait proposé d'étendre le couloir de Lobito à l'est de la RDC, comme «incitation» à un accord de paixÀ lire aussiVisite de Joe Biden en Angola: le corridor de Lobito au centre des enjeux
Les cyberattaques contre le monde du secteur privé et public ont augmenté de 15% selon l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSII). Parallèlement, en France, la loi sur la sécurité des transports est en discussion au Sénat. Un secteur est particulièrement visé : celui du trafic maritime. Le problème de la sécurité informatique, c'est qu'on en parle beaucoup sans trop savoir de quoi il s'agit. Dans son dernier rapport, le cabinet britannique CyberOwl estime qu'un armateur sur six comprend ce qu'est un navire cybersécurisé à la livraison. Les navires sont chargés soit de passagers, soit de matières stratégiques (produits dangereux, marchandises précieuses, combustibles…), donc avec un haut niveau de responsabilité. Sans bouclier efficace, ce sont des proies fragiles.Stéphane Fronczak, ancien chef de la cellule nationale de sécurité maritime, explique tous les dommages causés par les cyberattaques. Cela va du naufrage à distance au vol de données ou au brouillage des circulations maritimes : « L'un des dommages les plus courants est de rendre un navire invisible. Les autres paquebots ne l'ont pas sur leurs écrans de navigation. Vous imaginez les risques de collision. D'autres peuvent prendre le contrôle à distance en vue d'un échouage ou d'une fausse route. À bord d'un navire, il est primordial que le capitaine et son officier cyber – quand il y en a un – ne soient pas les seuls concernés. »« Ne jamais payer la rançon »« Aujourd'hui, s'équiper de logiciels et d'outils boucliers coûte très cher, poursuit Stéphane Fronczak. Toutes les entreprises navales ne peuvent pas se permettre de tels coûts. Il faut donc que la sécurité cyber implique tout l'équipage. Chaque personne embarquée doit surveiller ses propres ordinateurs et téléphones, mais aussi ses connexions aux outils partagés. Et malheureusement, quand une attaque arrive, la première règle : ne jamais payer la rançon. Vous n'êtes jamais sûr de retrouver toutes vos données. Contactez les autorités. Si vous êtes français, consultez le site de l'ANSII. »À bord, tous les appareils sont connectés. Il faut donc maintenir de bonnes habitudes, des gestes et des règles simples. C'est ce que l'on appelle l'« hygiène informatique » : apprendre à bien gérer les outils et leurs connexions à bord. Pour Yrieix Denis, spécialiste du piratage informatique, un autre pare-feu a prouvé son efficacité : cela consiste à améliorer la vigilance de tous les sous-traitants. Équipementiers, entrepôts, chantiers navals... en gros, tous les maillons de la chaîne :« Il est grand temps de changer les habitudes. Il faut désormais, dès l'élaboration et la construction du navire, installer le risque cyber. Tous les sous-traitants, petites et moyennes entreprises, les fournisseurs d'équipements, les vendeurs de logiciels d'ordinateurs embarqués, voire les équipes de la maintenance et de l'entretien... Pourquoi ? Parce que les attaquants tentent de rentrer par toutes les portes possibles. L'industrie du crime est organisée autour de ce principe. En 2023, la seule attaque d'un fournisseur d'outils maritimes s'est répercutée sur 70 de ses clients. Au final, 1 000 navires ont été touchés. »Un risque à ne surtout pas négligerL'Union européenne prend le risque au sérieux. Des règles existent en matière de normes de logiciels embarqués sécurisés. Mais les experts s'accordent pour dire que le risque cyber en mer n'est pas assez pris au sérieux. La directive européenne NIS2 (Network and Information Security) du Journal officiel de l'Union européenne date de 2022. C'est maintenant à chaque État de promulguer les nouvelles versions de cette directive. La France, à la suite de la dissolution de l'Assemblée, reste en attente.Dans son étude, le cabinet CyberOwl estime qu'en 2024, une flotte typique de 30 navires subit environ sept cyberattaques par mois. Si la majorité n'aboutit pas à une paralysie ou à une demande de rançon, cela demande deux mois pour traiter l'accident. Ces agressions coûteraient près de 182 000 dollars par an.Preuve que le gouvernement français, pour sa part, prend le risque au sérieux : le 18 septembre prochain, des pirates vont paralyser les ports, les entrepôts et toutes les infrastructures du pays. Rassurez-vous, ce sera pour de faux. En revanche, les réflexes et les précautions à prendre, eux, seront bien réels. Cet exercice de simulation est ouvert à toutes les organisations. Il porte le nom de REMPAR25.À lire ou à écouter aussiInsécurité maritime dans le golfe de Guinée : quels défis ?
Faites d'eau et de suie, ces traînées blanches étaient soupçonnées de polluer l'atmosphère. Cette fois, les preuves sont arrivées. Dans leurs nouvelles études, l'industrie aérienne et les associations écologistes tombent sur les mêmes résultats : les traînées blanches que l'on voit dans le ciel derrière les avions polluent bel et bien. Mais des solutions, parfois controversées, sont envisagées. Pour comprendre l'effet des trainées d'avions, imaginez un dormeur sous une couette. La couverture le réchauffe en capturant la chaleur de son corps. Pour les avions, c'est pareil. À haute altitude, dans un ciel suffisamment glacial (-40°C), ces traînées de suie et d'eau glacée vont s'accumuler et former des nuages. Ces nuages glacés capturent la chaleur du soleil et de la terre et la renvoient vers la terre, d'où l'effet réchauffant. « C'est exactement comme lorsque l'on respire en hiver. Un nuage sort de votre bouche. L'effet de la haute altitude provoque un choc thermique entre les réacteurs et l'humidité de l'atmosphère. De ce fait, une traîne de gouttelettes glacées va se former. Lorsqu'elle ne disparait pas en quelques minutes, c'est qu'il fait trop froid. Cette traînée va donc geler et s'étaler. Un nuage va se former. Le jour, ce nuage va refroidir la terre, mais la nuit, il va emprisonner la chaleur de la terre et réchauffer la planète. L'effet sur le climat a été démontré », explique Diane Vitry, qui dirige le secteur aéronautique de l'Organisation transport et environnement.Contrairement aux apparences, ces traînées vues de la Terre sont blanches. En réalité, elles se composent de suie et de glace. C'est en effet la suie issue des réacteurs qui accroche les gouttelettes d'eau de condensation. Les bandes blanches du ciel sont donc un mélange d'eau et de poussières carbonées. Les chiffres montrent que, compte-tenu des prévisions du trafic jusqu'en 2030, cette pollution de condensation sera au moins aussi nuisible que les émissions de CO2 dues au kérosène aérien.La solution, tant que l'aviation fonctionnera au kérosène, consiste à faire éviter aux pilotes les zones les plus froides et les plus humides, selon les conditions météo de leur vol. Aux États-Unis, l'entreprise Google travaille sur la question avec la Fondation Gates. En France, l'entreprise Thalès s'est emparé du problème. « Notre programme, auprès des pilotes de la compagnie aérienne Amelia, a prouvé son efficacité. Il ne s'agit pas de désorganiser le trafic aérien planétaire., mais seulement de jouer sur les trajectoires des appareils pour leur faire éviter les zones froides et humides. Aujourd'hui, les progrès des calculs météo améliorent considérablement les prévisions de vol. Il suffit de peu de distances, de 600 à 1200m d'altitude plus bas. Cela suffit, en temps réel, à éviter les nuages condensations », détaille Julien Lopez, qui dirige le programme condensation chez Thalès.Mais, revers de la médaille, cette solution sur les trajectoires contient ses propres paradoxes. Compte-tenu de la croissance continue du trafic aérien jusqu'en 2050, chercheurs et écologistes craignent que faire voler des avions plus bas rapproche la pollution de la Terre. Les particules fines de CO2, cancérigènes, entreraient d'autant plus dans nos bronches. Parce qu'il est sous-estimé, les chercheurs du GIEC, le groupement international sur le climat, demande à ce que le réchauffement lié aux traînées de condensation soit pris en compte dans les calculs de pollution des transports. Le but reste de répondre aux objectifs des accords de Paris sur les réductions du réchauffement climatique.À lire aussiÉnergies: l'Union européenne favorable à la production d'hydrogène par énergie nucléaire
Le Salon mondial du Tourisme à Paris, qui fermera ses portes ce dimanche 16 mars, est l'occasion de découvrir les tendances 2025. Parmi les demandes, des transports plus lents et moins polluants. Si l'avion reste le moyen le moins cher pour découvrir les pays lointains, l'Afrique et l'Europe travaillent à développer le voyage en train. Un signe ne trompe pas : parmi les nouvelles destinations des célèbres guides français du Petit Futé, les pays d'Afrique sont mis à l'honneur. Destination Gabon, Algérie, Tchad ou encore Zimbabwe. Téléphonie et tourisme Louis Auzias, directeur des guides du Petit Futé, constate que les pays qui réussissent à développer le tourisme facilitent l'essor des paiements et de réservations sur les téléphones mobiles : « C'est vraiment un grand changement dans la façon de voyager et d'utiliser les transports. Le voyageur, grâce aux plateformes de réservations et de paiements, a tout dans son téléphone. Il sort de la gare ou de l'aéroport, il peut commander un taxi. En Afrique, comme partout ailleurs, c'est une grande simplification du voyage. »Ainsi, le tourisme est un formidable moteur de retombées économiques. Mais il dépend de la volonté politique pour mettre en valeur chaque pays, sa culture, son développement. L'avion et la croisière en hausseCette année encore, le Salon mondial du Tourisme montre le paradoxe du transport touristique. Moins polluer ou continuer à découvrir le monde ? L'usager est pris en tenaille. L'un des grands changements ces deux dernières années est le temps de séjour. Les voyageurs partent plus loin et restent plus longtemps sur place. La réalité contredit les sondagesLa découverte fait partie du désir de l'humanité. Cette année, la tendance se retrouve sur tous les continents. Pour les destinations lointaines, l'avion reste encore en tête des transports sollicités en 2025. À l'échelle mondiale, les croisières en paquebot géant (de 3 à 7 000 passagers) font partie des demandes privilégiées par une clientèle attirée par des prix baissés chez les croisiéristes. À écouter dans Si loin, si procheDévorer le mondeCohabitation des transports Pour autant, les croisières en capacité limitée font aussi partie des tendances et sont très demandées pour les destinations de niche (fjords nordiques, banquise...) S'il fallait résumer le marché touristique, on pourrait dire qu'aujourd'hui cohabitent tous les goûts et tous les porte-monnaies, avec l'avion, le train et même la fourgonnette low cost de la fameuse vanlife, l'itinérance en fourgonnette équipée. « Il est vrai que dit comme cela, la vanlife peut paraître un phénomène marginal. Cependant, on constate encore cette année qu'il y a de la demande sur ce mode de transport, explique Christel Marzullo, à la tête de cette édition 2025 du Salon mondial du Tourisme. Cela répond à un désir des voyageurs de se déplacer plus lentement et de polluer moins qu'en avion. »L'autre tendance de fond est le succès des trains, surtout en Europe. Les lignes de nuit sont très pratiques et confortables, particulièrement dans le nord de l'Europe, mais des projets sont en discussion pour redynamiser les lignes sur l'ensemble du territoire. Le train écologique mais cher Si les vacances en train se développent, elles sont parfois coûteuses, surtout en voyage en famille. En France, le train reste en moyenne plus cher que l'avion. Le choix d'avoir privilégié les TGV (Trains à grande vitesse) avec des billets plus coûteux que ceux de lignes moins rentables a empêché le développement de certains trains régionaux et des trains de nuit. Retard du ferroviaire européen Dans les allées du Salon, on entend beaucoup parler de ce besoin de trains de nuit. À quand ce fameux réseau de lignes directes entre toutes les capitales d'Europe ? En 2023, la Commission européenne a demandé un rapport et encourage les travaux pour adapter et harmoniser tous les types de rails des pays. La différence des tailles de chemins de fer oblige aujourd'hui à des arrêts et changements de trains. Mais depuis deux ans, les projets pilotes sélectionnés avec l'industrie ferroviaire manquent d'argent, ils n'ont pas pu se concrétiser.À lire aussiQuels sont les effets du tourisme de masse sur l'environnement?
Imaginez une ville où tous les véhicules circuleraient sans feux verts ni feux rouges. Imaginez qu'en plus, des milliers de projectiles volants seraient lancés entre tous ces véhicules. C'est pourtant ce qui arrive au-dessus de nos têtes. L'espace est aujourd'hui habité de satellites militaires, commerciaux et civils. Le problème, c'est qu'en vol, ces satellites ne peuvent pas s'arrêter ni toujours se désintégrer. Romain Lucken, ingénieur français, a créé Aldoria pour prévenir les accidents. RFI : Pour commencer, quand on parle du spatial ou de territoire spatial, c'est à quelle hauteur au-dessus de nos têtes terriennes ? Romain Lucken : Assez vite ! Au-delà de 80 kilomètres, on passe la ligne de Van Karman (reconnue à 100 kilomètres par la Fédération aéronautique internationale comme la frontière officielle entre la Terre et l'espace). On commence donc à être dans l'espace au-delà de 100 kilomètres.Les satellites que votre entreprise Aldoria observent depuis la Terre grâce à vos télescopes géants, circulent à quelle hauteur ? Jusqu'à 2 000 kilomètres, on considère les orbites de la Terre – trajectoires autour d'une planète – comme des orbites basses. Ensuite, les orbites Léo, comprises entre 2 000 kilomètres et 36 000 kilomètres, sont les orbites des récepteurs GNSS pouvant recevoir les satellites de navigation de tous les réseaux (de 24 à 30 satellites par réseau).Quelle est la différence entre GPS et GNSS ?Les récepteurs GPS que nous connaissons sont situés entre 20 000 à 25 000 kilomètres. Ensuite, l'orbite géostationnaire se situe à 36 000 kilomètres de la Terre. C'est la route droite et la plus haute. La trajectoire est directe, à l'exacte verticale de l'équateur. De là, les instruments peuvent observer près d'un tiers de la Terre. Pour finir, au-delà des 36 000 kilomètres, on considère que ce ne sont plus les orbites terrestres, c'est l'espace. Aldoria, votre entreprise, est spécialisée dans les débris, ces déchets de l'espace laissés par les satellites. Pourquoi avoir développé ce secteur ? Parce qu'il y a urgence ! Aujourd'hui, avec l'envoi de toujours plus de satellites, l'espace est devenu un territoire encombré de déchets, de résidus de l'activité humaine. Des milliers de satellites ont été envoyés depuis les années 1950. Le problème, c'est que les envois de satellites continuent, avec des satellites qui laissent des morceaux en l'air capables de rester pour l'éternité.Alors ça, c'est incroyable ! Je croyais que les satellites se désintégraient, qu'ils retombaient sur Terre ou dans la mer. Vous dites qu'ils ne se désagrègent pas automatiquement ? Normalement, oui ! En orbite basse, jusqu'à 2 000 kilomètres, les satellites doivent se désorbiter. Les entreprises qui les envoient doivent laisser assez de carburant pour qu'à la fin de leur mission, ils quittent l'orbite pour rentrer dans l'atmosphère terrestre. Deux solutions sont possibles : soit ils se désintègrent dans l'atmosphère, soit ils retombent dans l'océan. Mais ces satellites sont arrivés en fusée et il y a des accidents, des collisions, des explosions en vol qui ont laissé des débris. Donc il reste encore des milliers de petits bouts, parfois de moins de 10 centimètres, dans l'espace.Pourquoi ces débris sont-ils dangereux ? Parce qu'ils sont lancés à une vitesse ultra-rapide, dix fois la vitesse d'une balle de fusil ! Ce sont de véritables petits canons capables d'endommager les outils, de détruire les instruments et de les faire varier de trajectoire. Imaginez une route avec des milliers d'objets entre lesquels les voitures devraient circuler ! Parmi ces objets volants, on trouve aussi bien des morceaux de satellites que de leur support de base, les fusées. Vous êtes en train de nous dire qu'avec le nombre grandissant de satellites envoyés dans l'espace, ces routes n'ont ni feux rouges, ni feux verts, aucune loi de circulation !Mais c'est impossible de freiner ces engins ! Puisqu'en orbite, lorsqu'ils suivent leur trajectoire, les satellites comme les débris d'appareils ne s'arrêtent pas. C'est la même chose pour tous, de l'objet le plus volumineux au plus petit.À quelle vitesse circulent les satellites en orbite basse ? Environ 8 kilomètres par seconde. L'accident le plus spectaculaire a été celui de 2009 entre deux grands satellites, Iridium-33 et Kosmos-2251. Le premier satellite commercial était américain, l'autre russe. Cet accident a provoqué une pollution spatiale à 800 kilomètres de hauteur, des nuages de 300 000 débris. Ces satellites – environ 10 000 – sont de toutes les tailles ? Oui. Les plus petits ne mesurent pas plus que deux smartphones collés. Le premier satellite russe en orbite, Spoutnik, en aluminium, n'était pas plus gros qu'un ballon de basket. Et ça va jusqu'aux satellites de la taille de bus. Ce sont ces satellites de communication que l'on voit beaucoup avec d'énormes ailes métalliques.Ces satellites observent l'espace. Pour quels usages, quels secteurs ? Industriel ou militaire ?Les deux. Les pays possèdent des satellites militaires de surveillance, de communication et de calcul. Dans le domaine civil et commercial, il y a des sociétés de finances pour la Bourse et les grandes entreprises qui observent les flux, transports marchands et humains. Il y a également beaucoup d'entreprises de transports, avec les satellites de systèmes de localisation. L'observation de la mer permet de voir les bateaux pour établir les meilleures routes, observer les données météo et les chargements. Le secteur agricole emploie beaucoup de satellites de surveillance des parcelles de champs avec, là aussi, les calculs des paramètres : échappées de méthane, qualité des terrains...Vous êtes, Romain Lucken, une sorte de surveillant des surveillants. Avec la prolifération des envois de satellites commerciaux et militaires, vos télescopes d'observation de l'espace ont de l'avenir...Il reste un énorme travail pour sécuriser l'espace, notamment dans l'observation, la détection et la prévention du danger de ces petits objets, les débris de l'espace.Des moyens pour chasser ces déchets encombrants ont été inventés ? On parle de lasers… Oui, il s'agit de gros lasers de boussoles pour repousser les objets de leur trajectoire. Mais leur énergie est limitée. On appelle ce moyen de poussée l'ablation locale, avec des impulsions très courtes, ou la pression de radiation.À lire aussiDébris tombés de l'espace: décharge à ciel ouvert et «épée de Damoclès»
Passée sous les radars de l'actualité, une annonce européenne va pourtant bouleverser le transport à hydrogène. Pour la première fois de son histoire, l'hydrogène européen à énergie nucléaire sera considéré comme un hydrogène vert, moins polluant pour la planète. C'est le Français Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission européenne, qui l'a annoncé. Ce changement, en faveur du couple nucléaire et hydrogène, sera officialisée le 26 février à Bruxelles. L'intégration de l'hydrogène fabriqué à l'énergie nucléaire fait partie des révisions du Pacte vert, une série d'engagements pour la protection de la planète prises par la Commission européenne, examinées le 26 février. L'hydrogène à énergie nucléaire sera ainsi classé moins polluant. Parmi les critiques, les militants anti-nucléaires dénoncent cette nouvelle forme de production d'hydrogène comme une victoire des lobbys de l'atome.L'hydrogène nucléaire est appelé hydrogène rose. Il est fabriqué par l'électrolyse de l'eau avec de l'électricité issue de centrales nucléaires. On le différencie de l'hydrogène gris – à base d'énergie fossile comme le charbon ou le gaz – ou de l'hydrogène bleu – à partir de gaz naturel avec captation des émissions de CO2. Ou encore de l'hydrogène vert, conçu à partir d'énergies renouvelables telles le solaire ou l'éolien.La France, première puissance nucléaire d'EuropeAvec 56 réacteurs en service, la France reste le premier pays en termes de centrales nucléaires d'Europe. Près de 65% de son énergie nucléaire sert à son approvisionnement électrique. Malgré de nombreux projets de constructions de centrales dans le monde, l'Europe reste le premier continent concernant l'approvisionnement en nucléaire. Suite aux engagements pris par l'Union européenne de décarboner son économie d'ici à 2050, d'autres pays européens ont également construit des centrales. Pour Valérie Bouillon-Delporte, directrice du partenariat hydrogène public privé à la Commission européenne, le transport à hydrogène est promis à un bel avenir. Cette nouvelle classification dans le Pacte vert européen va se répercuter dans toute l'Europe et encourager de nouvelles constructions de centrales pour fabriquer cet hydrogène rose. « Je dois d'abord préciser que l'hydrogène nucléaire s'intègre très bien dans un transport à énergie renouvelable, stable et continu. C'est une sécurité d'énergie bas-carbone – réduction des émissions de CO2 – en Europe. Parmi les pays européens dotés de centrales, je peux citer la Slovénie, la Suède, la Finlande, l'Espagne, la Bulgarie, la Hongrie, la République tchèque, la Roumanie. D'autres membres de l'Union européenne envisagent de se doter de centrales, c'est le cas de la Pologne à l'horizon 2033. En contrepartie, la Belgique, par exemple, est en plein débat sur une éventuelle fermeture de ses centrales », explique-t-elle.L'un des arguments en faveur de l'hydrogène nucléaire est l'économie financière importante que constitue son transport. En effet, l'hydrogène, par sa composition, est compatible avec les gazoducs déjà existants. Transporté via les gazoducs européens préexistants, il reviendra moins cher que de transporter l'électricité sur des lignes à haute tension.Des autoroutes de l'hydrogène à travers l'Europe dès 2040L'Europe a déjà dessiné la carte de ces autoroutes à hydrogène au travers du continent. Prévu pour 2040, ce nouveau maillage consiste à utiliser 60% des gazoducs déjà en service. Il est aussi question d'améliorer le maillage en construisant de nouveaux canaux. Au total, les autoroutes de l'hydrogène relieront 28 pays européens. La Commission de Bruxelles estime la finition du projet en 2040. Les projets émanent de régions, de municipalités ou d'entreprises. À la Commission européenne, on explique que Bruxelles a déjà versé 550 millions d'euros de son budget hydrogène. Ces enveloppes servent à 80 projets de transports à hydrogène en Europe. Le calcul européen le montre : pour atteindre ses objectifs de réduction de la pollution en 2050, l'Europe doit intégrer toutes les formes de transport moins polluant. C'est en cela que l'hydrogène constitue non pas une solution, mais un moyen parmi d'autres pour les moteurs hybrides, électriques ou les nouveaux carburants qui alimenteront les futurs moyens de transports européens.Le cas particulier de l'aviation à hydrogène, difficile à mettre en œuvreParmi les différents modes de transports, le sort particulier de l'aviation à hydrogène semble compliqué. En ce début 2025, le géant européen de l'aéronautique Airbus repousse la commercialisation de son avion 100% hydrogène, initialement prévue pour 2035. La puissante Association internationale des compagnies aériennes (IATA) a publié un dernier rapport sur l'hydrogène qui pronostique la prolongation des délais de mise sur le marché. Pour le moment, l'IATA mise plutôt sur les carburants non fossiles, électro-carburant, les biocarburants à base de produits agricoles ou les combustibles verts de synthèse. Malgré tout, l'avion à hydrogène, sans cesse repoussé, n'est pas annulé, estime Mikaa Blugeon-Mereed, spécialiste de l'énergie à hydrogène. « Ce délai dans la production de l'avion 100% hydrogène d'Airbus ne signifie pas un retard de fabrication. L'avion existe bel et bien et il reste dans l'agenda des constructeurs, estime-t-il. Seulement le problème d'Airbus, c'est la question de la production à grande échelle d'avions à hydrogène. Ce n'est pas l'avion qui manque, mais l'infrastructure partenaire. À savoir les recharges : quels types, quels lieux ? Directement sur les tarmacs ou en dehors des aéroports ? Et quels transports pour les véhiculer ? Plus les volontés politiques et industrielles tarderont à résoudre ces questions, plus l'aviation à hydrogène tardera, elle aussi. » En France, les responsables des filières hydrogènes estiment avoir beaucoup d'obstacles à franchir avant sa généralisation. L'étape suivante pour ses promoteurs consistera à convaincre la Banque européenne de l'hydrogène d'aider au financement du couple nucléaire et hydrogène. À lire aussiÀ Paris, l'inauguration du premier bateau fluvial français propulsé à hydrogène
Saviez-vous que c'est en Asie qu'il y a le plus de compagnies low cost, ces compagnies d'avions à bas prix ? Ou encore que Singapour est un port de marchandises presque entièrement robotisé ? Voici ce que l'on apprend dans le nouveau livre de Sophie Boisseau du Rocher. Spécialiste de l'Asie, elle publie : L'Asie-Pacifique, nouveau centre du monde, aux éditions Odile Jacob. RFI : Vous sillonnez l'Asie depuis plus de trente ans. Les transports, dites-vous, en Asie du Sud-Est sont à la pointe de la modernité ?Sophie Boisseau du Rocher : Oui, ce qui frappe lorsque vous débarquez dans un aéroport de Taïwan, de Thaïlande, de Singapour, de Malaisie, c'est leur rapidité et l'efficacité. Par exemple, à l'arrivée, pour rejoindre la capitale ou les villes importantes de province, il y a des navettes rapides ou des trains. Facilitée grâce à une avance technologique, expliquez-vous, au sein même de l'aéroport.Parfaitement ! Pour les flux de passagers, tout va très vite. Les passeports sont biométriques, il y a des bornes pour accélérer les passages des bagages et les vérifications d'identité. Vous nous apprenez des mots nouveaux. Par exemple, au sujet des Routes de la soie chinoises, ces réseaux mondiaux (trains, avions, ports…), vous parlez des Routes asiatiques de la tech. Et il n'y a pas que la Chine, loin de là. Il faut sortir de ce préjugé de ne voir le secteur du transport que par le prisme de la Chine. En Asie du Sud-Est, la concurrence entre les pays est un élément important de compréhension de cette région du monde. Dans quel domaine ? Les conteneurs par exemple. Les trois premiers fabricants de conteneurs du monde sont asiatiques — chinois, japonais et sud-coréens. Vous êtes témoin de l'énorme développement du secteur maritime et du transport de marchandises par la mer ? L'Asie Pacifique est au cœur de la nouvelle géopolitique mondiale. 60% des bateaux transporteurs de marchandises du monde passent par l'Asie du Sud-Est. Avec un rôle important du port de Singapour ?Oui, aller à Singapour et voir le niveau de technologie du port est, pour des Européens, incroyable ! Pratiquement toutes les étapes sont robotisées — les grues, les transits pour relier les voies ferrées ou les routes pour continuer l'acheminement intérieur par camions ou trains. L'une des autres spécificités est l'aérien, avec la multiplication des compagnies low cost, les compagnies à bas prix. Là encore, une incroyable réussite, que ce soit en Indonésie, en Thaïlande, en Chine, aux Philippines, en Malaisie. En Malaisie, Air Asia propose des vols locaux, provinciaux qui permettent de relier les villes secondaires entre elles. Et ça fonctionne bien ? Parfaitement bien. Ce qui est intéressant, c'est de voir que ces compagnies sont très utilisées par les populations régionales qui n'ont pas les moyens de s'acheter des billets sur les compagnies nationales aériennes de leur pays ou sur les compagnies étrangères. En définitive, votre livre est un grand souffle d'espoir pour l'avenir de l'Asie du Sud-Est et de ses transports. Oui, ils ne sont pas du tout inquiets pour leur avenir ! Il faut veiller à ce que ce développement technologique et ces différentes solutions des transports fassent progresser le niveau de vie des habitants. Un mot de conclusion ? Juste un chiffre pour finir. Sur les 2,3 milliards d'habitants, qui n'intègrent ni l'Inde, ni l'Australie, 800 millions de jeunes se trouvent en Asie Pacifique ! À lire aussiNouvelles routes de la soie, 10 ans après
Obligés de prendre le train par faute de bateaux, c'est ce qui est arrivé l'an passé aux transporteurs européens. En Europe, les sécheresses et les pluies torrentielles de l'an dernier ont bouleversé les fleuves et les mers. Dans une nouvelle étude, l'assureur de transport international TT Club a calculé l'impact des déchargements forcés pour routes asséchées ou des zones portuaires inondées. Le comble pour un transporteur de marchandises, être obligé d'alléger ses bateaux pour arriver à temps. Géraldine Savin, coordinatrice du rapport de l'assureur britannique TT Club, explique que l'an passé, les sécheresses des fleuves en Europe ont poussé des industriels à n'acheminer que 25 % de leurs marchandises sur des navires habituellement bien remplis. Plus légers, les bateaux évitent ainsi de s'échouer. « Il faut d'abord comprendre le risque et régulièrement revoir et mettre à jour les plans et les procédures pour rendre l'industrie mondiale du transport et de la logistique plus sûre, plus sécurisée et plus durable », affirme-t-elle.À lire aussi Dans le sud de l'Allemagne, des inondations font plusieurs victimes100 milliards de dollars perdus chaque année Inversement, l'été dernier, les pluies torrentielles en Allemagne ont provoqué l'arrêt du transport sur le Rhin, le fleuve était impraticable. Pour les entreprises, ces retards imprévus nuisent à leur réputation. Cela fait partie des risques que les assureurs comptabilisent. L'avenir du transport fluvial est en péril. Et comme les fleuves conduisent aux mers, c'est toute la chaîne qui risque d'être perturbée. D'ailleurs, selon Hervé Deiss, qui dirige la revue Ports et Corridors, les effets sur l'économie mondiale se font déjà sentir : « Le risque climatique est important. Ça a été notamment mis en exergue sur le canal de Panama. Ce canal, c'est quand même la route entre l'Atlantique et le Pacifique. En raison de pluies assez faibles, le canal de Panama a dû restreindre le nombre de passages de navires par jour. Donald Trump a dit : "Je saurai mieux gérer le canal de Panama que les Panaméens. Donc, je vais reprendre le canal." Ça n'empêchera pas que s'il y a des problèmes d'eau, il y aura les mêmes soucis. Sauf qu'il fera passer d'abord les bateaux américains avant les bateaux des autres pays. »À lire aussiRéchauffement climatique: la pénurie d'eau douce menace la viabilité du canal de PanamaUn risque climatique et géopolitiqueSelon l'analyste, le risque est climatique, mais aussi géopolitique : « On l'a vu avec les attaques des Houthis où tous les bateaux qui reliaient l'Asie à l'Europe ne passent plus par Suez, mais contournent par le cap de Bonne Espérance, une mer assez agitée, ce qui a entraîné quand même quelques petits soucis aussi de pertes de conteneurs en mer. Toute la logistique aujourd'hui est dépendante de plus en plus des conditions climatiques, au-delà de ce que l'on connaît. »L'an dernier, des piles de conteneurs se sont renversées, des grues se sont effondrées. Les assureurs préviennent, il est temps que les gestionnaires de ports en Europe prévoient les risques. À lire aussiLe commerce mondial otage des Houthis ?
Les Français le connaissent pour ses livres de philosophie et ses débats télévisés. Mais en ce début d'année, le philosophe dévoile une passion pour l'intelligence artificielle. L'ancien ministre explique pourquoi, comme dans la plupart des domaines, nos vies vont être bouleversées. RFI : L'IA continue à révolutionner les transports. Quel est pour vous le transport le plus emblématique des profonds changements à venir ? Luc Ferry : Tous. Mais pour nous, citoyens, c'est certain, ce sont les véhicules autonomes. Les voitures, camions, tous ces transports sont déjà pilotés par l'IA et le seront encore plus. Moi, j'ai testé dans Paris une voiture autonome. C'est vraiment incroyable. Des lasers, des capteurs… Je n'ai pas touché le volant une seule fois.Une autre amélioration du secteur routier, dites-vous, étant la circulation sur les routes. Oui, parfaitement puisque les outils GPS (du type d'application Waze) permettent d'avoir une vue satellitaire des routes. Donc, ils vont vous guider non pas en fonction des espaces les plus proches, mais de la globalité de votre trajet. En calculant l'option la plus rapide et fluide en dernier ressort, en calculant à partir de tous les trajets de tous les conducteurs. Vous aimez cette façon de voir les choses. Le spectre large.C'est un progrès inouï pour l'organisation de nos villes. On se rend compte, là, des gains de temps, donc d'énergie. Puisque moins les voitures roulent, moins elles consomment de l'énergie. Votre livre parle beaucoup du bouleversement de l'industrie déjà en cours. Quel que soit le continent du monde, la manière de penser et de fabriquer les transports va changer. Oui. Les ingénieurs inventent de nouveaux matériaux plus légers, donc moins consommateurs d'énergie. C'est vrai pour les avions comme pour les trains. Pour cela, ils auront des jumeaux numériques. Vous expliquez très bien le rôle du jumeau numérique. Le jumeau numérique permet aux ingénieurs d'analyser un pont, un avion, une voie de chemin de fer sans l'avoir réellement construit. La seconde option est d'avoir ce clone d'objet ou d'infrastructure déjà construit pour en optimiser l'entretien. Il faut penser le jumeau numérique comme une réplique dépassant la 3D, l'image en trois dimensions. C'est-à-dire ? En jouant avec. Cette image virtuelle sur ordinateur vous permet de voir votre construction en fonction des éléments qui l'impactent. Par exemple, les tempêtes, la température, les sècheresses et même le mouvement des vagues pour calculer et choisir les trajets des navires. Tout cela en temps réel, donc imaginez l'argent, le temps et la sécurité gagnés grâce aux jumeaux numériques.Vous parlez beaucoup de l'IA et des progrès écologiques pour l'urbanisme et les villes de demain. L'IA, en calculant et en rassemblant un maximum de données, permet d'imaginer des villes qui auront beaucoup plus de transports en commun pour tous et… partout. Des connexions capables de fournir un moyen de déplacement où que vous soyez, sans posséder forcément votre propre véhicule. Pour les auditeurs de RFI en Afrique où dans les pays de nouvelles énergies (solaire, éolien…), l'IA va-t-elle rendre possible l'invention de nouveaux véhicules ? Nouveaux modèles, non, je ne pense pas. En revanche, des véhicules qui éviteront les niveaux de pollution actuels que subissent les plus grandes capitales d'Afrique, d'Asie ou d'ailleurs, ça oui. Les véhicules électriques sont indispensables, il faut les faire arriver en Afrique. Mais pour cela, il faut les aider parce qu'implanter une industrie électrique, c'est très cher. Nous devons tous être conscients que c'est dans l'intérêt, non pas uniquement de l'Afrique, mais de l'humanité entière, des générations à venir.L'IA, le grand remplacement ou complémentarité ? de Luc Ferry est publié aux éditions de l'Observatoire, 2025. À lire aussiSécurité routière: l'ONU lance une campagne mondiale avec Dembélé, Djokovic et Pogacar
Les Nations unies en parlent comme une épidémie mondiale. Sauf qu'en France, il ne s'agit pas d'une maladie mais de comportements. L'ONU lance sa nouvelle campagne de sécurité routière. Cette année, l'entreprise d'affichage JC Decaux codirige l'opération. Parmi les visages reconnus : le tennisman Novak Djokovic, le cycliste Tadej Pogacar ou le footballeur Ousmane Dembélé. Avec pour slogan « Sur le terrain, j'accélère. Sur la route, je ralentis ! », cette campagne est lancée dans 80 pays. En France, c'est dans un collège de Courbevoie, en banlieue parisienne, que cette campagne mondiale a été lancée. Car, quel que soit le pays ou le continent, ce sont invariablement les plus jeunes qui meurent le plus sur la route. Les garçons plus exposésDans ces écoles, lorsque Christophe Ramon, directeur d'études à l'Association française de Prévention routière, ajoute que parmi les jeunes, il y a plus de morts chez les garçons que chez les filles, l'ambiance se glace un peu. « C'est une moyenne, pas une généralité, précise-t-il. Mais la prise de risque masculine se retrouve sur tous les continents. Les garçons sont plus fréquemment victimes des accidents de la route. Ils circulent plus à moto (donc sans les carrosseries protectrices de voitures) que les filles. De plus, les garçons roulent plus souvent la nuit et souvent plus vite que les filles. Les routes sont parfois mal éclairées ou pas assez rénovées. Cette campagne les encourage à porter un casque. »Des progrès à faire sur la ceinture de sécuritéLa ceinture en voiture est considérée par les Nations unies (ONU) comme l'une des outils les plus efficaces en termes de prévention. On estime qu'elle réduit de 50% les risques de morts en cas de chocs routiers. Or, elle n'est pas obligatoire dans tous les pays, au regret des acteurs de la sécurité routière. C'est le cas au Mexique, notamment. D'autres pays obligent uniquement la ceinture pour le conducteur, en faisant l'impasse sur les autres passagers. C'est le cas au Pakistan, au Nigeria et dans les États de New-York et de Floride aux États-Unis.Au total, 16 stars mondialement connues du show business, comme l'acteur Jean Reno, ou du monde sportif comme le footballeur français Ousmane Dembélé, le cycliste slovène Tadej Pogacar ou le tennisman serbe Novak Djokovic se mobilisent. JC Decaux, l'entreprise française d'affichage urbain, co-dirige cette campagne avec l'ONU, dont l'envoyé spécial du Secrétaire général pour la sécurité routière est l'ancien pilote de Formule 1, Jean Todt. Les visages de toutes ces personnalités et leurs messages seront présents dans 1000 villes du monde.À lire aussiSécurité routière : les deux-roues vulnérables Des affiches dans 80 pays d'ici à 2025L'enjeu à venir : faire baisser les morts en Afrique ou Asie, là où la majorité de la population a moins de 30 ans. C'est le cas dans de nombreux pays africains comme la Guinée ou le Zimbabwe, ainsi qu'en Asie, en Thaïlande, en Chine, des pays à la démographie élevée et au trafic routier important. Les accidents routiers coûtent cher aux contribuables de ces pays respectifs. Ils pèsent sur les dépenses de santé et ôtent la force vive de l'économie, fauchant des adultes en âge de travailler.La volonté politique, ça fonctionneDepuis 2010, les Nations unies estiment que de grands progrès ont été faits. En Asie, c'est le cas dans des pays très peuplés comme l'Inde. Les gouvernements africains engagés dans des stratégies de prévention ont aussi eu des succès en faisant baisser le nombre de morts.Chaque année, le baromètre classe les pays du nord de l'Europe sur le podium des pays où les accidents de la route sont les plus faibles. Là encore, les moyens sont connus : réduction de la vitesse, construction de routes protégées, maintenance des voitures en bon état, passages réservés aux piétons (notamment aux abords des écoles), rapidité et information des services de secours.À lire aussiLa sécurité routière passe aussi par une bonne visionNe pas boire d'alcool, porter un casque et isoler les piétionsL'alcool au volant et la vitesse restent les deux fléaux de la route. Les gouvernements doivent s'attaquer à certaines priorités : la qualité des véhicules (voitures et deux-roues) et la protection des piétons en leur aménageant des couloirs le long des routes. Pour rappel, 1,19 million de personnes meurent chaque année d'accidents routiers, et ils sont 500 millions à être victimes de blessures graves. Ce qui entraîne des amputations, des infirmités, des comas et des traumatismes dont les accidentés garderont des séquelles à vie.Pour gagner en efficacité, les organisateurs demandent directement aux plus concernés, les jeunes, d'apporter leurs idées aux prochains slogans de campagne. L'enthousiasme d'Albert Asseraf, directeur de cette campagne pour le groupe JCDecaux, est perceptible : « Cette année, nous avons constaté l'impact des JO 2024 ! Les sportifs mondialement connus ont participé à transmettre leurs valeurs. La jeunesse s'y reconnaît. Vous roulez à moto ou en voiture, vous voyez nos affiches avec le visage d'un grand sportif. Vous allez lire la légende et leurs conseils. Nous allons poursuivre les prochaines avec des slogans inventés par les jeunes eux-mêmes. »Un conseil qui peut servir à tous les parents du monde : ce ne sont pas les images de sang et d'accidents graves qui encouragent le plus les jeunes à la prudence. Certains auront tendance à fuir ce genre de messages. Dans ces cas, l'humour peut être efficace. L'expérience l'a prouvé : dans tous les pays, l'humour incite à prendre la route au sérieux.À écouter aussi, dans Appels sur l'actualité[Vos réactions] Sécurité routière : l'Afrique détient le record du nombre de morts
Recevoir une brosse à dents dans un carton vingt fois trop grand, si l'aventure ne vous est pas arrivée, vous connaissez sûrement ces expériences de paquets inadaptés à leurs marchandises. Mais aujourd'hui, les choses bougent, transporteurs et industriels du monde entiers ont rendez-vous le 28 janvier à Paris pour la semaine du Packaging professionnel. L'objectif : débattre de nouvelles solutions. Parce que mieux emballer, c'est mieux transporter ! D'après vous, le pays le plus en pointe dans les produits emballés à transporter, quel est-il ? La bonne réponse, c'est la France, le seul pays au monde à avoir inscrit dans sa loi la notion d'emballage inutile. Comme l'explique Fabrice Peltier, l'un des plus grands experts internationaux des emballages, emballer un produit, c'est répondre à trois fonctions très réglementées : protéger, conserver et informer. À écouter dans 8 milliards de voisinsEmballage plastique, que change la réglementation?Protéger, conserver, informer « Les produits ne sont jamais envoyés un par un. Ils sont regroupés à l'intérieur d'un emballage de livraison qui peut être une caisse en carton. Et l'emballage de livraison, c'est celui sur lequel on va justement mettre du film pour faire tenir ces palettes et regrouper tous les emballages, des housses, des cornières, pour que cela ne s'abîme pas, détaille Fabrice Peltier. Et quand on va parler après d'emballage de transport, ce qui va changer, c'est l'emballage de transport en lui-même. C'est-à-dire que si vous partez en bateau, vous allez mettre ça dans des conteneurs pour bateaux pour être sur les porte-conteneurs ; en avion, ça va être des caisses spécifiques pour les avions cargo, détaille-t-il ; et dans le transport, que ça soit maritime ou ferroviaire, c'est toujours des palettes que vous allez regrouper — donc 28 dans un semi-remorque par exemple, et une plus grande quantité dans un train. »À lire aussiPour en savoir plus sur la Packaging week à Paris.L'IA du transport emballéFrance Burnand dirige le Celo, le rendez-vous annuel des transporteurs de marchandises, qui se tiendra en mars prochain. Pour elle, l'intelligence artificielle va révolutionner le domaine. « Comment vous dire que l'IA offre un potentiel absolument immense ? Les contraintes douanières pour minimiser les retards, l'emballage, bonheur absolu, parce que l'IA va permettre l'optimisation de l'emballage, on va créer des designs adaptés à chaque produit, à chaque mode de transport, s'enthousiasme-t-elle. Ça va nous permettre de réduire les coûts, les déchets. L'IA va pouvoir nous prédire les risques pour anticiper les problèmes — de température, d'humidité, de choc — selon chaque mode de transport, chaque région, chaque pays s'il y a des vols. Puis dès qu'il y a un nouvel incident, on pourra immédiatement rentrer l'information, obtenir des plans B, comme on dit, en réduisant les erreurs humaines, ce qui va nous amener à une harmonisation des pratiques mondiales. Donc, ça n'est que des bonnes nouvelles. »Dans les débats professionnels, cette année, il y aura encore le souci climatique, avec, entre autres, l'idée de plus en plus répandue de réutiliser les emballages, mais aussi les transports. Donc, ne plus circuler, naviguer ou rouler à vide. À lire aussiLe Parlement européen vote pour la mise en circulation de «méga-camions»
Ils ont échappé à l'interdiction totale de voler, mais de peu : après 24 heures de perturbations et de discussions, les pilotes d'hélicoptère au Népal ont pu retrouver leurs touristes et les déposer sur l'Everest. Depuis l'automne dernier, une association de jeunes défenseurs de l'environnement empêche régulièrement les appareils d'atterrir. Le blocage s'est aggravé cette semaine du 6 janvier dans le parc de Sagarmatha, classé au patrimoine mondial. Or, c'est étonnant, mais ce n'est pas la pollution des moteurs qui pose le plus problème, c'est la pollution sonore des hélicoptères. Le bruit d'un hélicoptère dans une vallée de l'Everest, c'est celui d'un hélicoptère multiplié par dix, en raison de l'écho. Au Népal, et plus spécifiquement dans les vallées et montagnes de l'Everest, règne l'anarchie. Chaque pilote vole et atterrit où il peut pour déposer les touristes.Augmentation des animaux retrouvés morts Les jeunes népalais qui empêchent régulièrement les hélicoptères d'atterrir accusent non pas la pollution, mais LES pollutions. Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, non pas d'abord la pollution du fuel, mais celle du bruit, qui affole tellement les animaux qu'ils essaient de fuir et se tuent en tombant dans le vide. Seul un expert pilote spécialiste de l'aviation en zone difficile, comme Sylvain Bosc, directeur de la société Avico, peut vous le dire : un hélicoptère, passe encore, mais quand 30 hélicoptères survolent en même temps un parc de l'Everest, ça devient impossible.« L'hélicoptère, en montagne, constitue une pollution sonore et écologique, surtout en montagne où l'environnement silencieux est facilement perturbé par le bruit de l'hélicoptère, qui est effectivement un appareil très bruyant. D'autant plus dans les vallées encaissées où l'écho vient amplifier le bruit. En revanche, est-ce que c'est quelque chose dont on peut se dispenser ? Je ne pense pas, parce qu'on ne peut pas remplacer par des avions, explique-t-il. Pour un avion, il faut une piste. En montagne, évidemment, ce n'est pas possible puisqu'il faut de la place parce que sinon les manœuvres sont trop dangereuses. C'est aussi l'outil d'urgence des secours lorsque la nature, hostile dans ces environnements, peut mettre en danger la vie des hommes. Donc, c'est important d'avoir une approche qui soit nuancée. »L'hélicoptère électrique Ce même Sylvain Bosc s'est spécialisé dans les vols de rapatriements. Pour lui, l'idéal pour résoudre les conflits autour de la pollution et du bruit des hélicoptères serait de réguler les espaces et le nombre de vols. Ou bien d'inventer des hélicoptères électriques : « Peut-être qu'un jour, on pourra avoir des hélicoptères qui seront électriques, mais ce n'est pas pour tout de suite, qui feront moins de bruit, qui seront moins polluants en termes d'émissions, imagine-t-il. Mais aujourd'hui, l'hélicoptère demeure un moyen de transport indispensable, et notamment en montagne. » Malheureusement, malgré les recherches techniques, l'hélicoptère électrique à grande échelle n'est pas encore fabriqué. Tourisme et protection de la nature, peut-être une solutionLe problème pour le gouvernement népalais est de trouver le bon équilibre entre les rentrées d'argent touristique et la protection de l'Everest, de ses ressources humaines et animalières. À lire aussiAu Népal, de nouvelles règles pour rendre l'ascension de l'Everest plus sûre et moins polluanteLes visiteurs, beaucoup d'argent et peu de temps Comme le résume le responsable des industries touristiques au Népal : les touristes ont beaucoup d'argent, mais peu de temps ! Donc, faire 15 jours de transports sur des routes de montagnes dangereuses, inutile d'y penser. Alors que faire ? Des couloirs de vols La solution serait-elle celle du président de l'Association des guides grimpeurs de montagne au Népal ? Après avoir déclaré dans les journaux que se quereller ne résout rien, il propose une solution qui contenterait responsables du parc de Sagarmatha et du tourisme : faire des couloirs réservés, en tenant compte des habitats et des cycles de reproduction des animaux. En somme, des couloirs aériens dédiés aux visites panoramiques aériennes et d'autres, aux atterrissages.À lire aussiLes sherpas, héros de l'ombre de l'Everest
Saviez-vous que pour construire une ligne de TGV (train à grande vitesse), il faut débourser 20 millions d'euros par kilomètre ? Saviez-vous qu'en Afrique, les chemins de fer n'ont pas le même écartement, ce qui empêche le transport entre pays ? Voilà autant de questions et de réponses insolites dans le livre d'un des plus grands connaisseurs du train au monde. C'est d'ailleurs lui, Clive Lamming, qui a été choisi pour conseiller les tournages du cinéaste Martin Scorsese. Clive Lamming publie cette semaine son nouveau livre, Une histoire insolite des trains, aux éditions Alivio. (Rediffusion du 19/10/2024)RFI : Votre ouvrage est très original. Beaucoup d'images et d'histoires ! On y découvre les débuts des chemins de fer en Afrique. L'origine, dites-vous, est liée au colonialisme européen. Clive Lamming : Oui. La France et le Royaume-Uni ont été les premiers à construire en Afrique. La France, pour le réseau en Algérie, Tunisie et Maroc. Le Royaume-Uni, pour l'Égypte et l'Afrique du Sud. L'origine des transports ferroviaires est liée au besoin d'approvisionnement en matières premières et marchandises. Le souci du transport de voyageurs est venu bien après ! Parfaitement. Au commencement, le charbon, principale source d'énergie de l'époque (XXe siècle) qui était destiné à être transporté au travers d'un pays ou d'une région, en allant dans les pays voisins. Avec un gros problème… L'écartement des rails était standardisé, commun aux colonies françaises. Mais différent de celui des pays équipés par le Royaume-Uni. Si bien que les trains ne peuvent pas aller d'un pays à l'autre. L'écartement européen standard est de 1,435 m. En Afrique, si vous voulez voyager d'un pays à l'autre, avec le peu de voies disponibles, c'est impossible ! Il faut changer de trains ou changer l'écartement voies. Ce manque d'harmonisation augmente les coûts et le temps de trajets des convois. Aujourd'hui, vous déplorez l'absence de chemins de fer modernes sur l'ensemble du continent. C'est dommage, l'Afrique est sous-équipée en trains. D'ailleurs comme l'Amérique du Sud qui manque de trains et de réseaux. Ce n'est pas qu'un problème politique ou économique, je dois dire que les pays montagneux, où des régions restent peu peuplées et en hauteur, ne facilitent pas les constructions. Or, à une différence près… Vous nous apprenez qu'en Afrique, il a existé un projet de maillage ferroviaire au travers du continent entier ? C'était l'Union africaine des chemins de fer ! Il s'agissait de relier le sud au nord et l'est à l'ouest. Ce projet ressort de temps en temps dans les conférences africaines ! Mais j'ai bien peur qu'avec les guerres et la violence actuelle, ce soit voué à l'échec. Les Chinois ont équipé la Grèce avec les écartements standardisés en Europe (1,453 m). Ils ont fait la même chose dans les pays africains qu'ils ont équipés ? Oui ! Les deux exemples les plus importants sont l'Éthiopie et la Sierra Leone. La Chine a construit des chemins ferrés traditionnels avec des trains classiques. Et ça marche très bien ! Les Chinois sont connus pour leur « entrisme » en matière de transports sur les continents sous-équipés. On le voit pour les constructions de ports, de routes ou d'aéroports. Pour le train, c'est la même chose ? Oui. La majorité des pays africains n'ont pas l'argent nécessaire pour construire un réseau ferroviaire. Même en Europe, vous savez ! Une ligne de TGV coûte 20 millions d'euros par km ! Le train coûte cher et reste très long à construire. Ensuite, il y a la maintenance et les travaux réguliers sur les voies. La stratégie chinoise est efficace. Ils proposent aux pays de construire les infrastructures gratuitement en échange de négociations commerciales. Oui, au péril des pays qui s'endettent. Parfois même, ils regrettent, parce qu'ils ne peuvent plus payer les sommes trop importantes ! Peut-être, mais lorsque ça fonctionne comme en Éthiopie ou en Sierra Leone, c'est une bonne chose. Cette année, la nouvelle présidente du Pérou a appelé la Chine à venir construire des voies ferrées dans son pays. Lorsqu'on vous demande l'avenir du train en Amérique latine, voire aux États-Unis, vous dîtes que vous n'y croyez pas trop. Pour une raison simple : les trop longues distances ! Pour les marchandises non périssables et les matières premières, ça vaut le coup. Mais pour les personnes, l'avion est maintenant entré dans les habitudes. Le train est rentable dans les petits pays à forte densité de population. Le Japon et la Suisse ! Ce sont les pays champions du train, c'est dit. Votre livre est plein d'images ! On va de photos d'archives aux photos les plus futuristes avec des chapitres sur les modèles de trains ou de moyens de propulsion restés à l'étape du dessin ou tombés dans l'oubli ! Vous savez, j'ai passé ma vie à me passionner et à écrire sur les trains. Je suis un historien. Mon métier me permet de comparer les époques et de tout voir ! Des projets de trains les plus insolites aux voyageurs les plus exigeants ! Je consacre un chapitre entier aux trains des rois ! Pour finir, ouvrons votre chapitre consacré aux métiers du ferroviaire. De l'aiguilleur au conducteur, vous nous offrez une belle galerie de photographies de tous les pays et de toutes les époques, là encore ! Alors, pour les jeunes auditeurs de RFI qui vous lisent, quelles sont les carrières aujourd'hui pour les passionnées du train ?Tous les métiers du train sont formidables ! Aujourd'hui, l'informatique fait évoluer les métiers. Mais le train, en définitive, reste assez classique. On aura toujours besoin de personnel pour aller réparer les voies. Le métier d'ingénieur est sans doute le plus emblématique pour le futur. Pour faire fonctionner les machines, il faudra toujours des humains. J'ai formé beaucoup d'ingénieurs et je constate que les jeunes femmes et les jeunes hommes d'aujourd'hui se passionnent pour inventer différents modèles. Les ingénieurs ferroviaires ont un bel avenir. À lire aussiTrains africains: la Tana-Côte-Est, cordon ombilical de l'économie malgache
Les Jaguar changent de peau. Lundi 2 décembre 2024, le célèbre constructeur britannique a dévoilé ses nouvelles voitures imprimées du nouveau logo, avec des lettres dorées. Les critiques se déchaînent sur internet. L'événement nous donne l'occasion d'élargir le débat avec les plus grands experts du design. Trains, avions ou voiture… Quelles sont les clés d'un bon logo du transport ?Une rediffusion du 30 novembre 2024 L'animal, le jaguar bondissant sur les carrosseries, n'existe plus. Il est désormais remplacé par deux lettres dorées, deux J, le J de Jaguar. Les adorateurs du nouveau logo saluent la nouveauté et surtout le culot. La marque britannique explique que cette radicalité était nécessaire pour incarner le bouleversement industriel. Dorénavant, Jaguar passe au tout électrique. Les véhicules neufs seront vendus avec de moteurs plus écologiques. Il fallait donc que cette révolution dans le commerce de véhicules de luxe se retrouve dans le logo.Pour autant, est-ce que les deux J dorées dans un cercle apposé sur la carrosserie est une bonne idée ? Pour la photographe, créatrice designer Mathilde de l'Ecotais, Jaguar va perdre de son identité : « J'aimais beaucoup l'animal jaguar. Il symbolise la force, la rapidité, l'énergie. C'était un logo simple et efficace. C'est là l'une des clés pour réussir un logo, la sobriété et l'incarnation d'une qualité propre au produit en font partie. Alors que les J en lettres dorées et encerclées pourraient concerner n'importe quelle autre chose qu'une voiture. Je vois bien ce qu'ils ont voulu garder le luxe en l'incarnant avec l'or. »À écouter aussiLe logo et ses secrets de fabrication Dans son expérience de voyageuse, Mathilde de l'Ecotais a récemment été touchée par l'émotion du logo du TGV Inoui, le train à grande vitesse français. Pour la créatrice, le logo est une véritable invitation au voyage. L'image montre le nom dans deux fenêtres superposées. Ainsi, se forme le double regard du voyageur, de l'extérieur et de l'intérieur de la voiture du train.Les ailes des voitures, le ver de terre de la NasaLe transport est un secteur très particulier de l'industrie. Lié au mouvement, le logo doit se voir de loin et être immédiatement reconnaissable. Pour cela, l'image du logo doit correspondre ou s'inspirer de son milieu, par exemple la terre ou la mer. C'est ce qu'explique Reza Bassiri, directeur de la création à l'agence Carré Noir à Paris : « Mon logo préféré en matière de transport concerne l'espace. C'est celui de la Nasa, l'Agence spatiale américaine. Son logo rouge a même un nom, on l'appelle le "worm" (le ver de terre en anglais) parce qu'il représente le nom Nasa en rouge avec des lettres douces et souples qui font effectivement penser à un ver de terre. En revanche, dans le secteur de l'automobile, les constructeurs utilisent beaucoup les ailes. C'est le cas des anglo-saxons chez Bentley, Mini, Rolls-Royce, Aston Martin. Les Japonais également avec Honda ou Mazda. »Puisque nous sommes sur RFI, une radio internationale, n'oublions pas qu'un logo, s'il est fait pour une marque mondiale, doit parfois s'adapter aux pays. Oui, les symboles, les couleurs, les valeurs ont aussi leurs différences selon les cultures et continents du monde.À écouter aussiLe logo, secret de fabrication
Lundi 18 novembre, la société exploitant le tunnel sous la Manche prolongeait ses travaux suite à la rupture d'un de ses plus importants câbles électriques. En Ukraine, les drones russes lancés lundi 18 novembre visaient essentiellement des installations électriques. Comment et pourquoi le transport de l'électricité est-il stratégique ? Angélique Palle, experte internationale à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (Irsem) à Paris, décrypte les enjeux du transport de l'électricité. Une rediffusion du 23 novembre 2024. RFI : Commençons avec une question de novice : par quel moyen transporte-t-on l'électricité (terre, mer, rail…) ? Angélique Palle : Principalement par des câbles terrestres, ce que l'on appelle les lignes électriques. Il y en a de plusieurs dimensions avec des puissances différentes selon les zones traversées. Ces lignes à haute ou moyenne tension, que l'on peut voir dans le paysage européen, existent-elles partout dans le monde ? Oui. Seulement, ces lignes ne sont pas installées de la même façon. Il y a des différences majeures entre, par exemple, l'Union européenne, le continent africain ou encore le réseau des États-Unis ou de la Russie. Quelles sont ces différences ? En Europe, le réseau est un réseau intégré. Il s'étend sur l'ensemble du continent. Il dépasse même les frontières de l'Union européenne puisqu'il englobe aussi bien les lignes de la France, de la Grèce, mais aussi de l'Ukraine. En Afrique ou aux USA, par exemple, chaque État ou région ou pays décide du calibre, du nombre et des lieux de ses lignes. Ce choix de réseau intégré a été fait pour des raisons économiques, c'est moins cher de faire groupé ? C'est surtout un choix stratégique et sécuritaire. Le marché européen étant unique, il était plus facile d'harmoniser la localisation, le transport et l'acheminement jusqu'au consommateur de l'électricité. Mais c'est vrai que la construction des lignes à haute tension coûte extrêmement cher. Dans les années 1990, l'Union européenne a appliqué son choix aux pays baltes par exemple, non sans difficultés ! Pour quelles raisons ? Parce qu'il a fallu les décrocher du réseau russe. La plaque russe est différente de la plaque européenne. C'est un peu technique, mais les ingénieurs ont dû travailler de longs mois afin de changer les calibres et les installations.Lors des attaques de drones russes en Ukraine, on constate qu'ils visent les installations électriques, ces lignes de transport en font partie ? Évidemment ! Le but de la Russie est de toucher le cœur de l'économie et de la population ukrainienne. Or, avec l'hiver surtout, les gens sans électricité ne peuvent pas vivre. Il n'y aurait pas de chauffage, pas d'énergie pour les communications. Et puis n'oublions pas les usines d'armement qui sont des usines consommatrices de grandes quantités d'électricité. Vous évoquez l'importance stratégique de ces lignes à haute tension. Cette année, vous avez rédigé pour les armées, le ministère français de la Défense, un rapport sur les enjeux de l'avenir du transport de l'électricité. Quels sont ces enjeux ? Nous avons exposé les faiblesses de ce type de transport à l'aune du siècle à venir. L'une des vulnérabilités va concerner les catastrophes naturelles. C'est l'une des failles les plus importantes.Les tremblements de terre ? Plutôt les tornades, les tempêtes, les coulées de boue, avec les effondrements de terrain. La seconde vulnérabilité est du côté du choix énergétique de l'Europe, à savoir les énergies renouvelables (éolien, hydraulique, solaire…) En quoi représentent-elles des faiblesses ? Là encore, c'est assez technique. Mais ce type d'électricité est une énergie qui ne se transporte pas ni ne se stocke de la même façon. Ce sont des énergies plus instables, elles se produisent par périodicité et non pas en continu. Il faut donc piloter et veiller à adapter ces instabilités au transport sur l'ensemble du réseau. À lire aussiLa France s'apprête à battre des records d'exportation d'électricité en 2024
Le Grand Nord se mondialise ! Le Groenland se dote de nouveaux aéroports et à compter du 28 novembre, les plus gros avions de passagers pourront atterrir directement à Nuuk, la capitale groenlandaise. Et dans deux ans, un second aéroport international ouvrira à l'ouest du pays. Pour le gouvernement, il s'agit de développer le tourisme. Mais certains habitants et même professionnels du tourisme critiquent cette ambition touristique. (Rediffusion du 16 novembre 2024) Un vol New York/Nuuk (la capitale du Groenland) une fois par semaine et désormais, des liaisons avec les plus grandes villes du monde, cet essor de l'aérien au Groenland s'oppose à l'autre transport touristique, la croisière. Le pays chercherait même plutôt à freiner les croisiéristes. Le Groenland vient d'ajouter des contraintes de rapprochement de ses côtes pour lutter contre la pollution. Mais il y a une autre raison, moins officielle celle-ci, les passagers des croisières étant logés et restaurés à bord, ils dépensent beaucoup moins que ceux arrivés par avion ! À lire aussiGroenland, un frein sur les croisièresL'aérien plus rentable que le maritime « Le maire de Nuuk compte vraiment sur le nouvel aéroport de Nuuk pour développer le tourisme, explique Idrissa Thestrup, spécialiste du tourisme, elle a vécu 20 ans au Groenland où elle a travaillé au sein du gouvernement. En effet, on sait que les touristes venus en avion restent sur place beaucoup plus longtemps que ceux arrivés en paquebots. Les passagers aériens séjournent en moyenne huit à dix jours. Nous voyons aussi à Nuuk arriver des flux de travailleurs et d'ouvriers des villages éloignés qui sont là pour gagner plus que dans leur région. Ils œuvrent dans la construction de l'aéroport, d'autres s'apprêtent à venir pour travailler dans les agences, les futurs hôtels ou les restaurants. » L'agrandissement de l'aéroport d'Ilulissat Le petit aéroport d'Ilulissat, à l'ouest du Groenland, est en travaux. Il s'agrandit pour devenir dans deux ans un aéroport international. Dans le pays, comme dans toutes les autres régions isolées où les infrastructures se développent, il y a les pour et les contre les aéroports. Certains habitants craignent d'être envahis. Tout irait-il trop vite ? Des emplois à la clé La mairie de Nuuk a soutenu et trouvé les fonds pour ces travaux. Le Danemark, pour éviter que des fonds chinois ou russes n'y contribuent, a décidé d'investir. L'essor économique de ce territoire rattaché au Danemark va entraîner la construction de nouveaux hôtels, de nouveaux restaurants et une industrie de services (informatique, électrique...).Le recyclage des déchets Mais voilà, s'il est voulu, l'essor économique du Groenland doit s'accompagner d'un plan complet pour prendre en compte d'autres aspects du développement touristique. Sans préparation au recyclage et à la collecte de déchets par exemple, ou même à l'hébergement et à l'accueil des passagers, l'élan touristique pourrait mal tourner.Le pôle transformé en zoo S'il salue la volonté d'agrandir les aéroports et d'encourager la venue et la consommation des touristes, Olivier Poivre d'Arvor, l'ambassadeur français des pôles, redoute aussi le voyeurisme de certains voyageurs : « Après tout, c'est vrai, pourquoi interdirait-on au Groenland son développement économique ? On l'a bien accepté sur nos côtes méditerranéennes, en Espagne, sur la Costa Brava ! Cependant, je crains que certains touristes viennent aux pôles comme au théâtre, pour regarder et assister au désastre du réchauffement climatique ! Aujourd'hui, les pôles de la Terre se réchauffent pus que n'importe quel autre endroit de notre planète. C'est une sorte de voyeurisme. » Le succès des voyages polaires Chez les voyageurs du monde entier, le Grand Nord a la cote ! L'an dernier, au Groenland, le nombre de touristes a augmenté de 9 %. À écouter dans Grand reportage Groenland : les enjeux politiques du changement climatique
Les Jaguar changent de peau. Lundi 2 décembre 2024, le célèbre constructeur britannique dévoilera ses nouvelles voitures imprimées du nouveau logo. Des lettres dorées. Mais déjà, les critiques se déchaînent sur internet. L'événement nous donne l'occasion d'élargir le débat avec les plus grands experts du design. Trains, avions ou voiture… quelles sont les clés d'un bon logo du transport ? L'animal, le jaguar bondissant sur les carrosseries, n'existe plus. Il est désormais remplacé par deux lettres dorées, deux J, le J de Jaguar. Les adorateurs du nouveau logo saluent la nouveauté et surtout le culot. La marque britannique explique que cette radicalité était nécessaire pour incarner le bouleversement industriel. Dorénavant, Jaguar passe au tout électrique. Les véhicules neufs seront vendus avec de moteurs plus écologiques. Il fallait donc que cette révolution dans le commerce de véhicules de luxe se retrouve dans le logo.Pour autant, est-ce que les deux J dorées dans un cercle apposé sur la carrosserie est une bonne idée ? Pour la photographe, créatrice designer Mathilde de l'Ecotais, Jaguar va perdre de son identité : « J'aimais beaucoup l'animal jaguar. Il symbolise la force, la rapidité, l'énergie. C'était un logo simple et efficace. C'est là l'une des clés pour réussir un logo, la sobriété et l'incarnation d'une qualité propre au produit en font partie. Alors que les J en lettres dorées et encerclées pourraient concerner n'importe quelle autre chose qu'une voiture. Je vois bien ce qu'ils ont voulu garder le luxe en l'incarnant avec l'or. »À écouter aussiLe logo et ses secrets de fabricationDans son expérience de voyageuse, Mathilde de l'Ecotais a récemment été touchée par l'émotion du logo du TGV Inoui, le train à grande vitesse français. Pour la créatrice, le logo est une véritable invitation au voyage. L'image montre le nom dans deux fenêtres superposées. Ainsi, se forme le double regard du voyageur, de l'extérieur et de l'intérieur de la voiture du train. Les ailes des voitures, le ver de terre de la NasaLe transport est un secteur très particulier de l'industrie. Lié au mouvement, le logo doit se voir de loin et être immédiatement reconnaissable. Pour cela, l'image du logo doit correspondre ou s'inspirer de son milieu, par exemple la terre ou la mer. C'est ce qu'explique Reza Bassiri, directeur de la création à l'agence Carré Noir à Paris : « Mon logo préféré en matière de transport concerne l'espace. C'est celui de la Nasa, l'Agence spatiale américaine. Son logo rouge a même un nom, on l'appelle le "worm" (le ver de terre en anglais) parce qu'il représente le nom Nasa en rouge avec des lettres douces et souples qui font effectivement penser à un ver de terre. En revanche, dans le secteur de l'automobile, les constructeurs utilisent beaucoup les ailes. C'est le cas des anglo-saxons chez Bentley, Mini, Rolls-Royce, Aston Martin. Les Japonais également avec Honda ou Mazda. »Puisque nous sommes sur RFI, une radio internationale, n'oublions pas qu'un logo, s'il est fait pour une marque mondiale, doit parfois s'adapter aux pays. Oui, les symboles, les couleurs, les valeurs ont aussi leurs différences selon les cultures et continents du monde.À écouter aussiLe logo, secret de fabrication
Lundi 18 novembre, la société exploitant le tunnel sous la Manche prolongeait ses travaux suite à la rupture d'un de ses plus importants câbles électriques. En Ukraine, les drones russes lancés lundi 18 novembre visaient essentiellement des installations électriques. Comment et pourquoi le transport de l'électricité est-il stratégique ? Angélique Palle, experte internationale à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM) à Paris, décrypte les enjeux du transport de l'électricité. RFI : Commençons avec une question de novice : par quel moyen transporte-t-on l'électricité (terre, mer, rail…) ? Angélique Palle : Principalement par des câbles terrestres, ce que l'on appelle les lignes électriques. Il y en a de plusieurs dimensions avec des puissances différentes selon les zones traversées. Ces lignes à haute ou moyenne tension, que l'on peut voir dans le paysage européen, existent-elles partout dans le monde ? Oui. Seulement, ces lignes ne sont pas installées de la même façon. Il y a des différences majeures entre, par exemple, l'Union européenne, le continent africain ou encore le réseau des États-Unis ou de la Russie. Quelles sont ces différences ? En Europe, le réseau est un réseau intégré. Il s'étend sur l'ensemble du continent. Il dépasse même les frontières de l'Union européenne puisqu'il englobe aussi bien les lignes de la France, de la Grèce, mais aussi de l'Ukraine. En Afrique ou aux USA, par exemple, chaque État ou région ou pays décide du calibre, du nombre et des lieux de ses lignes. Ce choix de réseau intégré a été fait pour des raisons économiques, c'est moins cher de faire groupé ? C'est surtout un choix stratégique et sécuritaire. Le marché européen étant unique, il était plus facile d'harmoniser la localisation, le transport et l'acheminement jusqu'au consommateur de l'électricité. Mais c'est vrai que la construction des lignes à haute tension coûte extrêmement cher. Dans les années 1990, l'Union européenne a appliqué son choix aux pays baltes par exemple, non sans difficultés ! Pour quelles raisons ? Parce qu'il a fallu les décrocher du réseau russe. La plaque russe est différente de la plaque européenne. C'est un peu technique, mais les ingénieurs ont dû travailler de longs mois afin de changer les calibres et les installations.Lors des attaques de drones russes en Ukraine, on constate qu'ils visent les installations électriques, ces lignes de transport en font partie ? Évidemment ! Le but de la Russie est de toucher le cœur de l'économie et de la population ukrainienne. Or, avec l'hiver surtout, les gens sans électricité ne peuvent pas vivre. Il n'y aurait pas de chauffage, pas d'énergie pour les communications. Et puis n'oublions pas les usines d'armement qui sont des usines consommatrices de grandes quantités d'électricité. Vous évoquez l'importance stratégique de ces lignes à haute tension. Cette année, vous avez rédigé pour les armées, le ministère français de la Défense, un rapport sur les enjeux de l'avenir du transport de l'électricité. Quels sont ces enjeux ? Nous avons exposé les faiblesses de ce type de transport à l'aune du siècle à venir. L'une des vulnérabilités va concerner les catastrophes naturelles. C'est l'une des failles les plus importantes.Les tremblements de terre ? Plutôt les tornades, les tempêtes, les coulées de boue, avec les effondrements de terrain. La seconde vulnérabilité est du côté du choix énergétique de l'Europe, à savoir les énergies renouvelables (éolien, hydraulique, solaire…) En quoi représentent-elles des faiblesses ? Là encore, c'est assez technique. Mais ce type d'électricité est une énergie qui ne se transporte pas ni ne se stocke de la même façon. Ce sont des énergies plus instables, elles se produisent par périodicité et non pas en continu. Il faut donc piloter et veiller à adapter ces instabilités au transport sur l'ensemble du réseau. À lire aussiLa France s'apprête à battre des records d'exportation d'électricité en 2024
Le Grand Nord se mondialise ! Le Groenland se dote de nouveaux aéroports et à compter du 28 novembre, les plus gros avions de passagers pourront atterrir directement à Nuuk, la capitale groenlandaise. Et dans deux ans, un second aéroport international ouvrira à l'ouest du pays. Pour le gouvernement, il s'agit de développer le tourisme. Mais certains habitants et même professionnels du tourisme critiquent cette ambition touristique. Un vol New York/Nuuk (la capitale du Groenland) une fois par semaine et désormais, des liaisons avec les plus grandes villes du monde, cet essor de l'aérien au Groenland s'oppose à l'autre transport touristique, la croisière. Le pays chercherait même plutôt à freiner les croisiéristes. Le Groenland vient d'ajouter des contraintes de rapprochement de ses côtes pour lutter contre la pollution. Mais il y a une autre raison, moins officielle celle-ci, les passagers des croisières étant logés et restaurés à bord, ils dépensent beaucoup moins que ceux arrivés par avion ! À lire aussiGroenland, un frein sur les croisièresL'aérien plus rentable que le maritime « Le maire de Nuuk compte vraiment sur le nouvel aéroport de Nuuk pour développer le tourisme, explique Idrissa Thestrup, spécialiste du tourisme, elle a vécu 20 ans au Groenland où elle a travaillé au sein du gouvernement. En effet, on sait que les touristes venus en avion restent sur place beaucoup plus longtemps que ceux arrivés en paquebots. Les passagers aériens séjournent en moyenne huit à dix jours. Nous voyons aussi à Nuuk arriver des flux de travailleurs et d'ouvriers des villages éloignés qui sont là pour gagner plus que dans leur région. Ils œuvrent dans la construction de l'aéroport, d'autres s'apprêtent à venir pour travailler dans les agences, les futurs hôtels ou les restaurants. » L'agrandissement de l'aéroport d'Ilulissat Le petit aéroport d'Ilulissat, à l'ouest du Groenland, est en travaux. Il s'agrandit pour devenir dans deux ans un aéroport international. Dans le pays, comme dans toutes les autres régions isolées où les infrastructures se développent, il y a les pour et les contre les aéroports. Certains habitants craignent d'être envahis. Tout irait-il trop vite ? Des emplois à la clé La mairie de Nuuk a soutenu et trouvé les fonds pour ces travaux. Le Danemark, pour éviter que des fonds chinois ou russes n'y contribuent, a décidé d'investir. L'essor économique de ce territoire rattaché au Danemark va entraîner la construction de nouveaux hôtels, de nouveaux restaurants et une industrie de services (informatique, électrique...).Le recyclage des déchets Mais voilà, s'il est voulu, l'essor économique du Groenland doit s'accompagner d'un plan complet pour prendre en compte d'autres aspects du développement touristique. Sans préparation au recyclage et à la collecte de déchets par exemple, ou même à l'hébergement et à l'accueil des passagers, l'élan touristique pourrait mal tourner.Le pôle transformé en zoo S'il salue la volonté d'agrandir les aéroports et d'encourager la venue et la consommation des touristes, Olivier Poivre d'Arvor, l'ambassadeur français des pôles, redoute aussi le voyeurisme de certains voyageurs : « Après tout, c'est vrai, pourquoi interdirait-on au Groenland son développement économique ? On l'a bien accepté sur nos côtes méditerranéennes, en Espagne, sur la Costa Brava ! Cependant, je crains que certains touristes viennent aux pôles comme au théâtre, pour regarder et assister au désastre du réchauffement climatique ! Aujourd'hui, les pôles de la Terre se réchauffent pus que n'importe quel autre endroit de notre planète. C'est une sorte de voyeurisme. » Le succès des voyages polaires Chez les voyageurs du monde entier, le Grand Nord a la cote ! L'an dernier, au Groenland, le nombre de touristes a augmenté de 9 %. À écouter dans Grand reportage Groenland : les enjeux politiques du changement climatique
L'élection de Donald Trump va-t-elle bouleverser le transport américain ? C'est la question à poser puisqu'Elon Musk, grand patron de l'automobile électrique, pourrait faire partie du prochain gouvernement. S'il y a bien une loi qui aura marqué la présidence de Joe Biden, c'est celle de novembre 2021 sur la modernisation des transports. Trois années se sont donc écoulées sans grands changements aux yeux de la population. « Votre nouvelle bicyclette, vos nouvelles baskets, avec des routes et des ports rénovés, vous les recevrez à la maison plus vite ! » : voilà comment, en 2021, Joe Biden commençait ses discours sur son nouveau Plan Transport. À l'origine, le budget du président démocrate dépassait les 2 000 milliards de dollars. Beaucoup trop pour ses adversaires républicains, qui ont tout de même réussi à s'accorder et à voter cette nouvelle loi sur l'investissement des infrastructures. Ambitieux et couteux, ce plan prévoit la construction et la modernisation de tous les types de transports. Routes, ports, rails, réseaux d'eau courante, câbles optiques, aéroports... Pour les marchandises autant que pour les voyageurs. Le budget a finalement été adopté pour 1 200 milliards de dollars. Mais à l'époque, un certain Donald Trump avait pris la parole pour critiquer les dépenses et l'intérêt de ces réformes.« Musk a dit qu'il ferait tout pour défendre le développement industriel sans normes »Avec Donald Trump et l'entrepreneur Elon Musk à la tête du pays, quel avenir pour cette modernisation des transports ? Plutôt une mauvaise passe, si l'on en croit Matthieu Schorung, directeur en géographie, l'un des plus grands spécialistes du transport américain :« Donald Trump et Elon Musk vont certainement s'attaquer à ce grand plan de modernisation. Notamment parce qu'il contraint des contraintes écologiques. L'administration américaine de Biden voulait développer les transports en commun et une industrie moins polluante. Mais Elon Musk a déjà dit qu'il ferait tout pour défendre la liberté d'entreprendre et le développement industriel sans normes. Je pense que le nouveau gouvernement fera de sérieuses coupes budgétaires avec des rabais de subventions fédérales. Pourtant, aux États-Unis, tous les types de routes (rails, autoroutes, routes…), ainsi que les infrastructures, sont en très mauvais état. Les réparations et la maintenance n'ont pas été faites à cause du manque d'argent et de volonté politique. »Depuis 2021, ce grand plan de transport a développé le marché du travail. Mais les dernières études ont montré que ces embauches se sont surtout faites au plan local, sur des projets moins importants que la construction de voies ferrées ou de nouveaux ponts ou tunnels autoroutiers.Pas de TGV américain en vueLes travaux à long terme peinent à convaincre les citoyens américaine, qui ne voient pas encore le début ou l'avancement des chantiers. Ces prochaines années, selon l'autorisation des enveloppes budgétaires, ils concerneront l'installation des câbles de connexion internet, les nouvelles grandes lignes de train en Californie, avec la liaison entre Los Angeles et Las Vegas, ou au Texas , avec la ligne entre Dallas et Huston.Donald Trump l'a répété lors de sa première apparition après l'élection remportée : « Nous allons réparer l'Amérique ! » Concernant le transport, il a de quoi faire. Aux États-Unis aujourd'hui, certains ponts menacent de s'écrouler. Des routes et des autoroutes jamais ou mal entretenues font courir des risques aux chauffeurs routiers comme aux citoyens à bord des voitures.Et par ailleurs, les États-Unis n'ont toujours pas de trains à grande vitesse.À lire aussiÉtats-Unis: Joe Biden lance le projet de rénovation du tunnel ferroviaire reliant New York et le New Jersey
Et si la Chine nous aidait à aller plus vite, plus loin et plus fort ? La question divise les professionnels de l'automobile. Le débat s'est imposé en octobre au salon de l'auto de Paris. Mais depuis le 30 octobre 2024, la compétition Chine-Europe s'est envenimée. La Chine demande à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) d'annuler la hausse des taxes sur ses véhicules exportés en Europe. Aux alentours de 10% aujourd'hui, les surtaxes européennes sur les véhicules électriques chinois pourraient aller jusqu'à 35%. Côté chinois, le ministère du Commerce se dit prêt à discuter avec la Commission de Bruxelles pour arriver à une solution équilibrée. Dans la partie adverse, les pays se divisent. L'Allemagne, Malte, la Slovénie, la Slovaquie ou encore la Hongrie – qui deviendra en 2025 le premier pays européen à construire une usine de voitures électriques chinoises sur son territoire – ont voté contre les surtaxes.Reconditionner le parc des voitures à essenceEn France, les constructeurs ont d'abord demandé à Bruxelles le recul de la date (2035) de la fin des ventes de véhicules neufs classiques, c'est-à-dire à essence ou diesel. Pour le patron de l'entreprise Lormauto, Franck Lefevre, une transition plus douce consisterait à transformer les voitures à essence en voitures électriques. Pour lui, l'Europe se trompe dans son approche du commerce chinois :« C'est une démarche européenne suicidaire. La guerre économique n'est pas le but de la Chine. La Chine veut tout simplement détruire l'industrie automobile occidentale ! Pour contourner les taxes européennes, les constructeurs chinois vont jusqu'à imaginer construire des véhicules électriques, puis les mettre en pièces détachées pour les importer en Europe. Ils les reconstruisent sur le continent en profitant des primes écologiques. Si l'Europe arrête la vente de véhicules thermiques, il va nous rester en Europe un parc de 280 millions de véhicules. Que fait-on de ces véhicules ? »Le Gerpisa lance un appel aux voitures plus légèresTommaso Pardi dirige le Gerpisa, acronyme de Groupe d'études et de recherches permanent sur l'Industrie de l'automobile. Dans un récent rapport, le Gerpisa évoque la responsabilité des constructeurs qu'il appelle à un changement d'habitudes. En somme, adapter le marché en construisant moins de grosses voitures (type SUV) pour des véhicules adaptés aux villes et zones rurales ou périphériques :« Au Japon, ces voiturettes "kei car", l'abréviation de "keijidosha" ("véhicule léger" en français), ne font pas plus de 3,40 mètres de long. Pourquoi l'Europe, avec des véhicules électriques très lourds, en moyenne deux tonnes et plus chers (les consommateurs s'en détournent de plus en plus), en est arrivée là ? Nous avons montré que les règles et normes européennes ont favorisé la construction des gros véhicules et des SUV électriques. La seconde raison est le manque de volonté d'une politique européenne coordonnée pour soutenir une industrie de petits véhicules légers. » Trop de protection tue la protectionLa troisième façon de penser dit que, contrairement à ce que l'on peut croire, les protections industrielles font perdre du temps à une Europe qui oublie que la Chine a déjà un coup d'avance. C'est le cas sur le transport autonome (véhicules individuels ou collectifs). Plus paradoxal par contre, la situation actuelle de la Chine la laisse sur le podium des pollueurs mondiaux, à cause notamment de son énergie au charbon. Mais le pays s'est aussi lancé dans une lutte à échelle nationale, contre la pollution.À Pékin ou à Shangaï, des taxis viennent se garer devant votre porte sans chauffeurs. D'ici à dix ans, les Chinois prévoient également d'équiper leurs villes en transports collectifs 100% automatisés. Un moyen pour eux de faire des économies de personnel et de pollution. À lire aussiLa voiture électrique dans le monde: regards croisés sur le Brésil, l'Inde et le Royaume-Uni
Sa mission : augmenter de 40% le transport de marchandises entre l'Inde et l'Europe. Son nom : l'Imec, soit Corridor économique entre l'Inde et l'Europe, en passant par le Moyen-Orient. Malgré les incertitudes dues au conflit au Proche-Orient, les États-Unis et la Commission européenne soutiennent ce projet, bien que le budget et la durée des travaux soit encore inconnue. La première étape du projet Imec va consister à faire dans les huit pays (France, Italie, Allemagne, Jordanie, Israël, Émirats arabes unis, Arabie saoudite, Inde) de ce futur corridor Inde-Moyen-Orient-Europe, l'inventaire de tout ce qui existe déjà (chemins de fer, ports maritimes équipés pour recevoir du gaz ou de l'hydrogène, câbles optiques...)Assurer les importations de l'Europe en gaz, minerais et produits agricoles Mandaté par le président Macron, le responsable français Gérard Mestrallet (ancien patron des entreprises d'énergie Engie et Suez) se rendra régulièrement en Inde pour le suivi du projet Imec. Le port français de Marseille en tête d'affiche Pour l'Imec, la France met en avant la qualité de ses terminaux gaziers. Le port de Marseille fera partie du projet. En visite en septembre dernier à Marseille, Gérard Mestrallet l'a expliqué à une délégation de patrons franco-indiens. Un soutien qu'il exprime également dans les médias.« Ce sera effectivement une liaison maritime entre l'Inde et la côte est du continent arabique, vers les ports des Émirats et de l'Arabie saoudite. Ensuite une liaison terrestre jusqu'en Jordanie et Israël (port d'Haïfa), puis à nouveau du maritime jusqu'en Europe, détaille Gérard Mestrallet. L'Imec prévoit aussi de transporter des données numériques via l'installation de câbles sous-marins ou le long des voies ferrées. Les autres types de marchandises seront transportées via des conteneurs et des gazoducs pour l'énergie. »À lire aussiMarseille, le port des data centersLe concurrent chinois dépense 1 000 milliards de dollars Concurrencer les Routes de la soie, ce projet chinois déjà bien avancé de relier de grandes villes et de grands ports à la Chine, c'est un projet que l'on peut comprendre... Mais attention, explique le chercheur Yves-Marie Rault-Chodankar de l'Université Paris 1, le problème sera de trouver l'argent : « Il n'y a pour le moment aucun budget ni évaluation du coût global du projet Imec ! Certes, c'est un projet à très long terme qui durera des dizaines d'années. Quand on pense que la Chine pour ses Routes de la soie débourse 1 000 milliards de dollars, pour l'Europe, dans le contexte de guerre en Ukraine et de restrictions d'importations du gaz de Russe, il s'agira de s'assurer d'importer du gaz et de l'hydrogène provenant du Moyen-Orient, analyse le chercheur. Pour l'Inde, il s'agira de développer ses exportations de produits agricoles, d'hydrocarbures, de métaux. Pour les pays du Golfe, il s'agira de devenir une nouvelle et importante plaque tournante d'échanges marchands, donc d'accroître leur puissance économique et politique. »Découvrez notre série de reportages sur les Nouvelles routes de la soie.Soutien des USA et de l'Europe Évidemment, l'administration américaine, en rivalité commerciale avec la Chine, approuve ce projet. Il est prévu que chaque État finance ses travaux et partage les frais avec ses voisins quand leurs nouvelles routes, nouveaux câbles optiques ou nouveaux gazoducs traversent leurs frontières. En Europe, la France, l'Italie et l'Allemagne ont reçu le soutien de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. À lire aussiEn Europe, les ports, lieux stratégiques, porte d'entrée pour des intérêts étrangers
Saviez-vous que pour construire une ligne de TGV, le Train à grande vitesse, il faut débourser 20 millions d'euros par kilomètre ? Saviez-vous qu'en Afrique, les chemins de fer n'ont pas le même écartement, ce qui empêche le transport entre pays ? Voilà autant de questions et de réponses insolites dans le livre d'un des plus grands connaisseurs du train au monde ! C'est d'ailleurs lui, Clive Lamming, qui a été choisi pour conseiller les tournages du cinéaste Martin Scorsese ! Clive Lamming, publie cette semaine son nouveau livre : Une histoire insolite des trains, aux éditions Alivio. RFI : Votre ouvrage est très original. Beaucoup d'images et d'histoires ! On y découvre les débuts des chemins de fer en Afrique. L'origine, dites-vous, est liée au colonialisme européen. Clive Lamming : Oui. La France et le Royaume-Uni ont été les premiers à construire en Afrique. La France, pour le réseau en Algérie, Tunisie et Maroc. Le Royaume-Uni, pour l'Égypte et l'Afrique du Sud. L'origine des transports ferroviaires est liée au besoin d'approvisionnement en matières premières et marchandises. Le souci du transport de voyageurs est venu bien après ! Parfaitement. Au commencement, le charbon, principale source d'énergie de l'époque (XXe siècle) qui était destiné à être transporté au travers d'un pays ou d'une région, en allant chez les pays voisins. Avec un gros problème… L'écartement des rails était standardisé, commun aux colonies françaises. Mais différent de celui des pays équipés par le Royaume-Uni. Si bien que les trains ne peuvent pas aller d'un pays à l'autre. L'écartement européen standard est de 1,435 m. En Afrique, si vous voulez voyager d'un pays à l'autre, avec le peu de voies disponibles, c'est impossible ! Il faut changer de trains ou changer l'écartement voies. Ce manque d'harmonisation augmente les coûts et le temps de trajets des convois. Aujourd'hui, vous déplorez l'absence de chemins de fer modernes sur l'ensemble du continent. C'est dommage, l'Afrique est sous-équipée en trains. D'ailleurs comme l'Amérique du Sud qui manque de trains et de réseaux. Ce n'est pas qu'un problème politique ou économique, je dois dire que les pays montagneux, où des régions restent peu peuplées et en hauteur, ne facilitent pas les constructions. Or, à une différence près… Vous nous apprenez qu'en Afrique, il a existé un projet de maillage ferroviaire au travers du continent entier ? C'était l'Union africaine des chemins de fer ! Il s'agissait de relier le sud au nord et l'est à l'ouest. Ce projet ressort de temps en temps dans les conférences africaines ! Mais j'ai bien peur qu'avec les guerres et la violence actuelle, ce soit voué à l'échec. Les Chinois ont équipé la Grèce avec les écartements standardisés en Europe (1,453 m). Ils ont fait la même chose dans les pays africains qu'ils ont équipés ? Oui ! Les deux exemples les plus importants sont l'Éthiopie et la Sierra Leone. La Chine a construit des chemins ferrés traditionnels avec des trains classiques. Et ça marche très bien ! Les Chinois sont connus pour leur « entrisme » en matière de transports sur les continents sous-équipés. On le voit pour les constructions de ports, de routes ou d'aéroports. Pour le train, c'est la même chose ? Oui. La majorité des pays africains n'ont pas l'argent nécessaire pour construire un réseau ferroviaire. Même en Europe, vous savez ! Une ligne de TGV coûte 20 millions d'euros par km ! Le train coûte cher et reste très long à construire. Ensuite, il y a la maintenance et les travaux réguliers sur les voies. La stratégie chinoise est efficace. Ils proposent aux pays de construire les infrastructures gratuitement en échange de négociations commerciales. Oui, au péril des pays qui s'endettent. Parfois même, ils regrettent, parce qu'ils ne peuvent plus payer les sommes trop importantes ! Peut-être, mais lorsque ça fonctionne comme en Éthiopie ou en Sierra Leone, c'est une bonne chose. Cette année, la nouvelle présidente du Pérou a appelé la Chine à venir construire des voies ferrées dans son pays. Lorsqu'on vous demande l'avenir du train en Amérique latine, voire même aux USA, vous dîtes que vous n'y croyez pas trop. Pour une raison simple : les trop longues distances ! Pour les marchandises non périssables et les matières premières, ça vaut le coup. Mais pour les personnes, l'avion est maintenant entré dans les habitudes. Le train est rentable dans les petits pays à forte densité de population. Le Japon et la Suisse ! Ce sont les pays champions du train, c'est dit. Votre livre est plein d'images ! On va de photos d'archives aux photos les plus futuristes avec des chapitres sur les modèles de trains ou de moyens de propulsion restés à l'étape du dessin ou tombés dans l'oubli ! Vous savez, j'ai passé ma vie à me passionner et à écrire sur les trains. Je suis un historien. Mon métier me permet de comparer les époques et de tout voir ! Des projets de trains les plus insolites aux voyageurs les plus exigeants ! Je consacre un chapitre entier aux trains des rois ! Pour finir, ouvrons votre chapitre consacré aux métiers du ferroviaire. De l'aiguilleur au conducteur, vous nous offrez une belle galerie de photographies de tous les pays et de toutes les époques, là encore ! Alors, pour les jeunes auditeurs de RFI qui vous lisent, quelles sont les carrières aujourd'hui pour les passionnées du train ?Tous les métiers du train sont formidables ! Aujourd'hui, l'informatique fait évoluer les métiers. Mais le train, en définitive, reste assez classique. On aura toujours besoin de personnel pour aller réparer les voies. Le métier d'ingénieur est sans doute le plus emblématique pour le futur. Pour faire fonctionner les machines, il faudra toujours des humains. J'ai formé beaucoup d'ingénieurs et je constate que les jeunes femmes et les jeunes hommes d'aujourd'hui se passionnent pour inventer différents modèles. Les ingénieurs ferroviaires ont un bel avenir… À lire aussiTrains africains: la Tana-Côte-Est, cordon ombilical de l'économie malgache
Au Pérou, la mafia attaque les bus. Victimes du crime organisé, trois chauffeurs de Lima, la capitale, sont morts cet été. Ils n'avaient pas payé les rançons demandées à leurs patrons. Le gouvernement a déclaré deux mois d'urgence dans les quartiers concernés. De leur côté, les associations de transports ont manifesté cette semaine pour alerter et sécuriser la circulation. Quinze mille dollars par mois pour continuer à circuler. C'est la somme demandée par les gangs du transport au Pérou.Le président du Conseil des ministres a pris la parole dans les médias nationaux. Pendant deux mois, les bus et les routes où les dernières attaques ont eu lieu à Lima, la capitale, et Callo où se situe l'aéroport international, les militaires aideront les policiers pour les patrouilles. Les chauffeurs et patrons de compagnies de taxis se sont joints aux différentes manifestations de la semaine passée. Ils protestaient contre les extorsions, mais également contre le Congrès péruvien. Le pouvoir prépare une loi visant à réprimer le droit de rassemblement, donc le droit de s'opposer aux actions violentes qu'ils subissent.Les entreprises privées attaquéesPour Evelyne Mésclier, géographe, ancienne directrice de l'Institut français d'Études Andines en France, le transport au Pérou est une cible facile. « Il ne faut pas oublier que Lima est une grande capitale de 10 millions d'habitants. Sa position géographique et son relief, avec beaucoup de pentes, rendent plus difficile la construction d'infrastructures de masse. Il existe bien une ligne de métro, mais elle ne dessert qu'une petite partie de la ville. Contrairement à l'Europe où l'État participe aux compagnies de transports de masse, les bus urbains appartiennent au secteur privé. Or, les patrons n'ont pas l'argent suffisant pour payer ces mafias. Ce sont malheureusement les chauffeurs assassinés qui en sont victimes. Et les passagers aujourd'hui redoutent d'utiliser les bus, la situation est compliquée. Les entreprises de petites et moyennes tailles plus faciles à extorquer. »Des extorsions répandues en Amérique latineLe Pérou est nouvellement touché par les extorsions dans les transports. Ailleurs, chez leurs voisins, ce genre de crime organisé est plus connu. On le voit en Équateur, au Mexique, au Honduras, en Uruguay, au Guatemala. Kevin Parthenay, expert en politique internationale, redoute même que d'autres pays et régions soient touchées : « Malheureusement, ces attaques suivies d'assassinats de conducteurs de bus semblent se propager en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Le problème avec les mafias, c'est qu'elles sont locales et mobiles, avec des fonctionnements différents. Si vous les chassez d'un quartier, elles iront tuer et piller ailleurs. La solution de la surveillance policière ne résoudra pas le fond du problème. Les gangs opèrent là où il y a du vide et du déséquilibre. Lorsqu'un État ne contrôle pas son développement économique et social, les mafias du crime organisé prennent le dessus. La solution, c'est la volonté politique de l'essor du pays, une solution de long terme. »Le manque de transports au Pérou est un problème. La présidente Dina Boluarte affirme s'y attaquer. Le mois dernier, elle était en Chine pour visiter des sites de bus et de voitures électriques. Des entreprises chinoises qu'elle souhaite comme partenaires dans les futurs transports et infrastructure (routes, ports, aéroports…) du Pérou. À lire aussi«Politique de l'Amérique latine», dirigé par Frédéric Louault et Kevin Parthenay
L'Amérique du Sud fait rêver les transporteurs. Le Chili et le Brésil en sont les derniers exemples dans l'actualité maritime. Côté français, le numéro 3 mondial, le groupe CMA CGM vient d'investir dans le plus grand port du continent, le port Santos dans l'État de Sao Paulo au Brésil. La compagnie détient ainsi 48% du capital portuaire. Une part que le directeur Rodolphe Saadé ambitionne de faire progresser. Mais la concurrence est rude, d'autant plus qu'avec les attaques de navires en mer Rouge ou les conflits actuels, les transporteurs de marchandises sont poussés à redessiner leurs cartes. Investir au Brésil, c'est investir dans beaucoup de pays du monde. Contrairement au Mexique qui connait plus d'instabilités commerciales, le Brésil importe autant qu'il exporte. Rapidité, souplesse avec des infrastructures qui, en plus, viennent d'être modernisées.48% de parts du port Santos BrasilCMA CGM travaille depuis 20 ans au Brésil. Avec 10 000 collaborateurs sur des lignes maritimes. Mais jamais il n'avait investi autant d'argent dans l'achat de parts portuaires, 1,8 milliard d'euros. Le Brésil veut attirer les gros transporteurs étrangers. Pour le gouvernement du président Lula, le transport de marchandises permet de renforcer ses liens avec la Chine et le Moyen-Orient.La Chine, l'Arabie saoudite et l'EuropeAvec en plus, comme le dit Paul Tourret, directeur de l'Institut supérieur d'économie maritime, l'intérêt pour le Brésil d'attirer les plus grands transporteurs mondiaux. Sur le continent américain, la concurrence est rude. Il s'agit de se placer dans les ports les plus stratégiques de demain : « C'est important pour les plus grands groupes de transport maritime de trouver des marchés relais. Le Brésil en est un. Cet immense port de Santos est relié à la Chine, à l'Europe et au Moyen-Orient. De plus, un pays avec énormément de produits agroalimentaires. Les fruits, les légumes, le bois. Maintenant à nous, européens, de faire le tri et d'imposer des règles environnementales sur ces produits. CMA CGM a tenté auparavant avec l'Inde, mais ça n'a pas abouti. Le Brésil est aujourd'hui opérationnel et porteur d'avenir. » Le transport maritime s'adapte aux crisesOn peut s'en étonner, mais contrairement à ce que l'on aurait pu croire, les attaques de navires en mer Rouge, les conflits au Moyen-Orient, en Ukraine, et même le ralentissement de la consommation chinoise n'ont pas perturbé plus que ça le transport de marchandises. Alors pourquoi ?Aymeric Amisse est président de la revue Jeune Marine : « Pour aller et revenir d'Asie, les navires de marchandises passent par le canal de Suez. Mais depuis un an, les attaques en mer Rouge par les Houthis du Yémen et les différents conflits au Moyen-Orient ont fait augmenter les frais d'assurances et mettent en péril les bateaux et leurs équipages. La route à suivre est donc celle qui passe plus au sud, au large de l'Afrique du Sud. Des voyages plus longs. Mais là, les compagnies ont innové en profitant de ce temps allongé pour faire des économies sur le stockage. Les marchandises restent à bord ! Une solution qui ne s'adapte pas à toutes les marchandises, mais astucieuse. » Rappelons que le transport par la mer représente près de 90% du transport de marchandises avec parmi les champions, numéro un l'italo-suisse MSC, suivi du danois Maersk et du français CMA CGM. À lire aussiRodolphe Saadé, milliardaire discret de l'empire français CMA CGM
L'Espagne lance sa première autoroute ferroviaire ! À raison de quatre départs par semaine, des camions de marchandises prendront le train entre Madrid (la capitale) et Valence, au sud-est du pays, la ville étant reliée à un port. Pour le ministre espagnol des Transports, c'est promis, l'Espagne veut rattraper son retard au sein de l'Europe. D'autres autoroutes ferrées du même type, alliant le train et le routier, s'ouvriront en Espagne. L'Europe a financé la majorité des travaux. Dans sa lutte pour protéger la planète, Bruxelles ambitionne de dépasser sa moyenne actuelle, 18% du transport de marchandises effectué par le train. Pour Solène Garcin-Berson, déléguée générale de l'AFRA, l'Association française du rail, le transport est une question de volonté politique et chaque pays doit s'engager. RFI : Comment avez-vous reçu la nouvelle de cette première autoroute ferrée en Espagne ? Solène Garcin-Berson : Bien, évidemment ! Mais il faut savoir que l'Espagne ne fait que rattraper son retard en la matière. Juste une précision concernant le transport multimodal (plusieurs modes) de marchandises : il existe deux possibilités, le wagon chargé de marchandises (de céréales, d'objets lourds, de matières dangereuses…) ou bien les camions remplis, directement embarqués sur les rails. En Europe, les experts comme vous s'alarment en disant que c'est un comble d'être en 2024 et de ne pas avoir de maillage de transport de marchandises par le train capable de traverser l'Europe de bout en bout...Effectivement, mais pour vous rassurer, l'Europe est décidée et ce maillage, même incomplet, est une volonté politique de la part de Bruxelles. Elle finance des travaux comme en Espagne, votés dans sa loi Climat. C'est à chaque gouvernement maintenant de s'engager et d'être partenaire. Vous soulignez que la France a beaucoup à faire elle aussi…En France, seulement 10% des marchandises sont transportées par le train. La moyenne européenne est à 18%. Il ne s'agit pas de passer du tout routier au tout train, il faut savoir aujourd'hui adapter chaque transport aux routes les moins polluantes. Or, un train, c'est 40 camions de moins sur la route, 9 fois moins de pollution au CO2. Sur le continent, les champions du train sont les Suisses, ils ont su développer leurs autoroutes ferroviaires en fonction des besoins des usines et de la géographie du pays. À lire aussiVoyager en train: les convictions écologiques des jeunes à l'épreuve du prixAux pays africains qui souhaitent construire des voies ferrées de marchandises, les ingénieurs recommandent maintenant de les relier le plus possible aux ports maritimes, c'est une bonne stratégie ? Oui, quels que soient le pays et le continent. Pour les distances longues, les marchandises doivent être transportées par le train de façon à n'avoir besoin des routes que pour les premiers et derniers kilomètres entre les usines et les centres de déstockage. Vous aimez parler de squelette ferroviaire...Il est grand temps de réparer, de construire et d'entretenir ce maillage que j'appelle squelette, parce qu'il est central, c'est celui sur lequel le cœur du transport repose. Notre ambition européenne de protection de la planète passera par les voies ferrées. À l'avenir, les conteneurs et les camions doivent voyager par cette colonne vertébrale, solide, peu polluante et rapide. Le réseau européen ferré a été délaissé ces dernières années ? Oh que oui ! Appauvri dans les années 70/80. La France, par exemple, a privilégié le transport de passagers avec des lignes spécialement construites pour les TGV, les Trains grande vitesse. Il faut que les lignes de fret (de marchandises) soient réhabilitées ou construites. Elles doivent être les priorités de nos politiques. À lire aussiLe train express entre la Chine et l'Europe dopé par les attaques en mer Rouge
Et vous, ça vous dirait des vacances dans l'espace ? Il y a 10 jours, le voyage spatial a connu une avancée spectaculaire ! Pour la première fois, quatre personnes non professionnelles ont effectué une sortie dans l'espace et sont rentrées d'un vol à près de 1 000 km au-dessus du globe. On doit cette réussite à la mission américaine Polaris de la firme d'Elon Musk, SpaceX. Si les Américains restent les pionniers des excursions spatiales, d'autres pays se lancent dans la course. L'Europe arrivera-t-elle à combler son retard ? Les freins européens : assurances, écologie, santéPour Michel Messager, fondateur de l'Institut européen du tourisme spatial, les États-Unis, l'Inde ou les Émirats arabes unis ont compris l'énorme potentiel économique des vols en apesanteur dans l'espace. Le souci, selon lui, c'est l'état d'esprit en Europe : « Effectivement, en Europe, la génération destinées au tourisme de l'Espace a aujourd'hui 20 ans. Or, les jeunes ont un plus grand souci écologique que leurs aînés. D'où l'importance de les informer sur les nouvelles fusées qui utilisent des carburants plus écologiques. D'autre part, le tourisme spatial est freiné par les compagnies d'assurances européennes, beaucoup plus frileuses qu'aux États-Unis, en Inde, en Chine ou au Japon. »Tourisme spatial, profits terrestresQue ce soit l'industrie des vêtements, des parcs à thèmes comme le Futuroscope à Poitiers ou les tout nouveaux hôtels et parcs touristiques spatiaux à Los Angeles, tous utilisent et abondamment de l'imaginaire convoqué par le tourisme spatial, qui constitue pour eux une manne économique importante. Reste à convaincre les décideurs, les gouvernements et les industriels de l'Union européenne.Selon les experts, l'Europe manque d'une stratégie globale sur la question de ces aventures spatiales. Les talents européens sont là (ingénieurs, techniciens, mécaniciens...), il suffirait d'y ajouter la dimension commerciale et industrielle, comme le font actuellement les américains et les japonais. Stratoflight, la beauté de la terre pour Monsieur Tout-le-mondeAncien pilote de ligne, Arnaud Longobardi y croit lui au futur du tourisme spatial. Son entreprise Stratoflight veut démocratiser le transport dans l'espace. Pour cela, ce français invente des expéditions à plus basse altitude spatiale. Ses navettes voleront à hydrogène ou au gaz. Des vols à hauteur intermédiaire, suffisants pour dépasser la pesanteur et voir la terre de haut.En début de 2025, il lancera un nouveau modèle de navettes destinées à terme au voyage de six passagers : « L'aventure de l'espace sera comme l'aventure de l'aviation ! À force de voyager, les fusées et les navettes bénéficieront de carburants et d'innovations plus écologiques. D'ailleurs, l'une des spécificités de ces aventures luttera contre les mauvaises pratiques ! En découvrant la beauté de la terre, les citoyens se rendront compte de sa valeur et de sa fragilité. L'intérêt du développement du tourisme est crucial. Il faudrait une volonté politique européenne plus impliquée. »En France, partenariats entre startups et gouvernementNéanmoins, en Europe, les choses semblent bouger, surtout en France. De nouveaux programmes d'aides public-privé se développent. Le pays semble comprendre son intérêt à ne pas laisser le tourisme spatial au reste du monde.
(Rediffusion du du 13/07/2024)Dans la famille Trigano, la passion du tourisme se transmet de père en fils. Après la création des célèbres Club Med, Serge Trigano continue de parcourir le monde avec ses deux fils. Le trio familial dirige un nouveau concept international : les hôtels Mama Shelter. Aujourd'hui, Serge Trigano est l'un des patrons français les plus réputés au monde et est convaincu que l'intelligence artificielle « va bouleverser le secteur ». Observateur du transport touristique, il est le grand témoin de la Chronique des transports. RFI : Avec toute votre carrière dédiée au tourisme, au voyage, quelle a été, selon vous, la plus grande avancée en matière de transport des 20 dernières années ? Serge Trigano : L'internet ! Incontestablement, les nouvelles technologies en général. Regardez, aujourd'hui, on réserve tout depuis son ordinateur : le transport, l'hôtel… Et l'arrivée de l'IA, l'Intelligence artificielle générative, va bouleverser le monde du transport et des voyages plus profondément encore. Est-ce un avantage ? Oui bien sûr ! Les tâches administratives qui demandent du temps vont être effectuées plus vite. Tout ce qui concerne les réservations, les papiers d'identité, la circulation des passagers et des bagages dans les gares et les aéroports seront simplifiés. Ainsi, on sera plus disponible pour consacrer du temps à nos expériences à faire en famille, entre amis ou seul. Comment avez-vous vu se transformer les modes de transport depuis votre aventure Club Med jusqu'à aujourd'hui avec vos autres créations (Hôtels Mama Shelter, Casa Barbara…) ?À l'époque des débuts du Club Med, en matière d'aviation, les passagers partaient en vacances au bout du monde avec des appareils gros porteurs. Les clients les plus fortunés pouvaient s'offrir l'avion. De nos jours, les compagnies low cost permettent aux ménages les plus modestes d'avoir des vacances à l'étranger.Constatez-vous néanmoins des différences dues aux enjeux de notre époque, comme le changement climatique ?Évidemment, l'avion, pour le moment, pollue davantage que le train. Je pense que pour les destinations lointaines, on voyage aujourd'hui en fonction des émissions de CO2 que l'on va générer. Si on part loin de chez soi avec sa famille aux États-Unis, on va y rester trois semaines. Alors qu'avant, il y a encore 10 ans, on ne réfléchissait pas trop, on partait pour une semaine et puis on y repartait.C'en est fini des week-ends au bout du monde ? Non, bien entendu... Il y aura toujours des hommes d'affaires ou des familles qui partiront pour trois jours à l'autre bout de la terre, mais les habitudes ont changé. La crise Covid-19 a montré l'intérêt retrouvé pour le tourisme régional. La règle vaut pour toutes les populations du monde qui ont appris à redécouvrir l'espace et les activités près de chez eux.Vous soulignez l'importance du train dans les années à venir en Europe.Oui, et c'est un paradoxe, mais le transport opère comme un retour en arrière, ou plutôt un rappel de l'efficacité de certains transports comme le voyage en train. D'ailleurs, je crois que le train va devenir le transport du siècle. Cela est dû à plusieurs choses : le souci de la pollution, le ralentissement du rythme des voyages. Y a-t-il une demande chez vos clients de ralentir la vitesse en périodes de vacances ?C'est une prise de conscience qui touche tous les âges. On le voit chez les jeunes qui se préoccupent plus de l'environnement. Et chez les personnes plus âgées pour qui le train est plus pratique, moins fatiguant et très agréable. On voit le paysage, on arrive dans les gares sans délais d'attente, contrairement aux aéroports. Pourtant, les trains en Europe, notamment en France, souffrent d'un manque de maintenance. Les trains de nuit peinent à se redévelopper. L'Europe n'a pas mutualisé ses voies ferrées pour les longs trajets au travers du continent. Vous avez raison ! Sans parler du manque de trains en France et partout en Europe. Mais je reste optimiste. Comme tous les problèmes techniques, cela va se régler. Il est possible que ça prenne un peu de temps, mais ça va finir par se régler.Vous qui avez énormément voyagé, vous continuez à parcourir le globe, quel pays ou continent vous a étonné en matière de transport ? La Chine ! L'Asie en général, mais je dois dire que la Chine a réalisé en peu de temps une transformation incroyable. Ils ont su développer l'industrie des énergies renouvelables et des véhicules électriques. À Shanghai, lorsque vous circulez, vous n'entendez plus un bruit dans les rues !À lire aussiLa montée en gamme des trains de nuit
Saviez-vous qu'un camion peut se voler à distance ? Saviez-vous que des machines à boulonner les voitures peuvent servir de porte d'entrée pour attaquer des entrepôts automobiles ? Voilà les questions soulevées au premier PrinTemps de l'Intelligence Artificielle. L'événement s'est tenu en juin à Besançon, dans l'est de la France. Les nouvelles intelligences artificielles sont au service des fabricants et des experts de la cybercriminalité. Rediffusion du 22 juin 2024La particularité des vols ou des sabotages à distance, c'est qu'ils n'arrivent jamais par là où on pourrait les attendre ! Règle numéro 1 : savoir qu'un pirate peut se faufiler lors du transfert de vos informations personnelles.Le stockage et le transfert à distance des donnéesDu constructeur de voitures au fabricant d'outils en passant par le concessionnaire ou encore le garagiste et l'assureur, le véhicule aujourd'hui accumule des données. L'arrivée de nouvelles technologies dans les voitures augmentent le nombre de données et d'informations enregistrées lors de ses trajets. L'autonomie embarquéeAujourd'hui, un véhicule n'est plus fabriqué de A à Z par le même constructeur. De plus en plus de logiciels permettent d'obtenir une sorte de copilotage. Cette aide à la conduite est possible grâce à des systèmes informatiques. Désormais, l'IA (Intelligence artificielle) augmentera les capacités de contrôle des véhicules. Les voitures autonomes made in USAL'industrie américaine utilise les outils d'autonomie des véhicules (taxis, bus, drones…) via des outils : capteurs, ordinateurs, caméras. En Europe, le consommateur n'est pas encore mûr pour le marché de la voiture autonome. On parle pour le moment de voitures semi-autonomes.Skyld, l'entreprise du nouveau cyber-bouclier Les véhicules électriques vendus et roulant en Europe contiennent déjà beaucoup d'instruments à bord. L'ingénieure Marie Paindavoine, l'une des plus grandes expertes françaises de cybercriminalité et d'Intelligence artificielle, s'est passionnée pour le sujet.Alternant ses voyages entre les États-Unis et la France, l'experte a fini par fonder son entreprise, Skyld. Pionnière en matière de pare-feu qui protège les professionnels comme les particuliers, tous secteurs confondus : « Dans le domaine du transport, nos clients sont surtout des équipementiers automobiles. Aujourd'hui, les nouveaux systèmes d'aides à la conduite servent à détecter l'endormissement du conducteur. Skyld protège également contre les attaques de systèmes de conduite semi-autonomes où la voiture décide d'accélérer ou de freiner. Toutes ces briques accumulées sont développées par des entreprises de logiciels. La sécurité informatique est cruciale. Grâce à l'Intelligence artificielle, ces entreprises d'IA inventent de nouveaux algorithmes (calculs à base de données). Ce sont des données qui relèvent de la propriété intellectuelle. »Sous-traitants de sous-traitantsEn janvier dernier, le fabricant d'accessoires Bosch a été averti. Son système de pilotage à distance de boulonneuses sur des véhicules fabriqués à la chaîne n'était pas assez sécurisé.Des pirates informatiques auraient pu détecter la faille pour s'infiltrer puis remonter la chaîne en amont et en aval du processus de fabrication et de vente du véhicule.Sensibiliser les constructeurs et les populationsLe spécialiste de la cybercriminalité, Gaël Musquet, a été l'un des premiers pirates informatiques à réussir à déverrouiller à distance les portes d'une voiture située à des dizaines de kilomètres de son ordinateur. Pour cet expert, aujourd'hui consultant et conseiller d'organismes publics, tous les industriels devraient s'informer sur la sécurité informatique :« Dans le domaine du transport, nos clients sont surtout des équipementiers automobiles. Aujourd'hui, les nouveaux systèmes d'aides à la conduite servent à détecter l'endormissement du conducteur. Skyld protège également contre les attaques de systèmes de conduite semi-autonomes où la voiture décide d'accélérer ou de freiner. Toutes ces briques accumulées sont développées par des entreprises de logiciels. La sécurité informatique est cruciale. Grâce à l'Intelligence artificielle, ces entreprises d'IA inventent de nouveaux algorithmes (calculs à base de données). Ce sont des données qui relèvent de la propriété intellectuelle. » L'UE révise le droit des données des constructeurs automobilesL'avenir des constructeurs automobiles s'invite même à la Commission européenne. L'Union européenne, via la règlementation UNECE 156, doit modifier et décider d'ici la fin de l'été, de leurs nouveaux droits de propriété informatiques.
Une infirmerie sur un navire, ça n'a rien d'extraordinaire. Mais si l'on vous dit qu'à bord se trouve un hôpital tout entier ? C'est l'histoire extraordinaire de l'organisation humanitaire Mercy Ships. Fondée par de généreux donateurs américains et suisses, elle possède deux navires-hôpitaux. Actuellement sur les côtes africaines, chaque jour, ils sauvent des vies grâce à du personnel embarqué, mais toujours bénévole. Un troisième navire-hôpital se construit. Florine Perri, la directrice France de Mercy Ships, recherche des candidatures. (Rediffusion du 11 mai 2024) RFI : Vos navires-hôpitaux sont incroyables, de gigantesques ponts et étages, que trouve-t-on à bord ?Florine Perri : Déjà le bloc opératoire et l'hôpital qui occupent deux ponts sur douze, avec les cabines de l'hôpital sur deux étages. De quoi faire reposer les malades et parfois quelques membres de leur famille. À bord, nous avons tous les types de chirurgie (mais surtout des opérations du visage ou des malformations qui engendrent de la discrimination), on trouve aussi l'école de formation disponible pour les nouveaux arrivants. Tout le confort pour notre personnel est là. Un gigantesque restaurant, un bar, un terrain de sport, une salle de repos.Vous invitez les auditeurs à aller voir les images des bateaux sur votre site internet : mercyships.fr.Vraiment, oui. Vous comprendrez pourquoi nous avons autant de bénévoles candidats. Le confort, un esprit d'équipe, la bonne humeur et la sécurité y sont assurés.Combien de bénévoles pour quels métiers ?La grande majorité sur ces 3 000 bénévoles consiste en personnel médical. Des infirmières, infirmiers, médecins, chirurgiens. Mais nous avons bien évidemment besoin des métiers maritimes. Des capitaines, des mécaniciens aussi bien que des responsables de stocks de marchandises ou de directeurs de ressources humaines.En 45 ans, vous avez parcouru les mers du monde entier. Vous réservez l'avenir aux pays africains, notamment avec ce troisième paquebot-hôpital prévu pour 2029 ?Oui, nous opérons en ce moment dans les pays de la côte ouest-africaine. Nous sommes aussi en Sierra Leone, le bateau va y rester toute l'année prochaine. Nos bateaux opèrent également au Cameroun, en Côte d'Ivoire, au Bénin jusqu'à Madagascar, où nous sommes d'ailleurs en ce moment. Pour les pays africains anglophones, nous allons en Tanzanie, au Liberia. Vous dîtes que vous avez besoin de personnel francophone ?Oui. À bord, les infirmières doivent parler français et anglais. Même si ce n'est qu'un niveau de conversation, c'est important de pouvoir maîtriser les deux langues. Comment vous positionnez-vous pour décider des destinations ? Alors, que je sois bien claire. Nos bateaux-hôpitaux ne remplacent pas les systèmes de santé des pays. Les gouvernements doivent faire appel à nous, ils candidatent et nous signons une convention. Les patients sont choisis par les autorités médicales, le gouvernement ? Ce sont les pays, en fonction de leurs besoins et des patients, qui ont des demandes de chirurgie spécifiques. Là encore, nous ne remplaçons pas, nous aidons. À lire aussiAu Sénégal, le «Global Mercy» plus grand navire-hôpital civil du monde, inauguré à Dakar
Doit-on obliger les cyclistes à porter le casque à vélo ? Pour Gordon Ramsay, le célèbre cuisinier britannique, la question ne se pose plus. La semaine dernière, sa vidéo a été l'une des plus regardées sur les réseaux sociaux, encore sous le choc, le chef se filme dans sa cuisine : sa main tremble, il montre un ventre gorgé de sang en suppliant le public de porter un casque, celui qui lui a sauvé la vie ! Mais alors pourquoi aujourd'hui, en Europe, n'y a-t-il qu'un seul pays qui oblige les cyclistes à porter un casque ? (Rediffusion du 29 juin 2024) Malgré son cri du cœur et le succès de sa vidéo, Gordon Ramsay n'a pas persuadé les foules. Aucun gouvernement, aucune association de cyclistes n'en a profité pour appeler la population à porter un casque à vélo. La Finlande, l'exception européenne En Europe, seule la Finlande a une loi obligeant les cyclistes à porter un casque. Ailleurs, toujours sur le continent, n'existent que des lois pour les enfants. L'âge varie en fonction des pays. Le casque est par exemple obligatoire jusqu'à 12 ans en France, jusqu'à 15 ans en Suède. L'obligation du Canada et de l'AustralieAilleurs dans le monde, il existe deux grands pays où les adultes, sous peine d'amende, doivent porter le casque à vélo : le Canada et l'Australie. Les chiffres des différentes fédérations cyclistes européennes l'ont montré et sont valables sur la Terre entière : le casque protège, mais en Australie, l'obligation de porter le casque a fait diminuer le nombre de cyclistes. Réduction de 60% d'accidents graves En cas de chute, le casque réduit de à 60% le risque de traumatisme crânien. Alors pourquoi une telle réticence ? Les cheveux longs, le prix et la beauté Luc Goffinet représente l'un des groupements de cyclistes européens. Pour lui, l'obligation est une telle contrainte que les cyclistes en oublient les avantages dans la lutte contre la pollution et même les effets bénéfiques sur la santé : « Nous nous opposons au port du casque obligatoire, car c'est contre-productif ! Porter le casque n'est pas une chose facile. Il peut encombrer et c'est une dépense supplémentaire. » Luc Goffinet explique les raisons de son opposition : « Ici, à Bruxelles et dans le reste de la Belgique, il y a des populations peu fortunées pour qui acheter un casque pour un ou plusieurs membres de la famille est un problème financier. Moi, j'ai deux filles. Comme beaucoup de femmes qui ont les cheveux longs, elles nous disent que ce n'est pas beau, pas pratique, surtout pour les cheveux longs. » L'échec de la loi du sénateur Bonneau En France, le sénateur François Bonneau est l'un des seuls hommes politiques à s'être battu pour une loi d'obligation aux cyclistes adultes. Croyez-le, il en a entendu de toutes les couleurs, comme il dit : « Il y a d'abord eu l'argument de la loi de trop. On m'a dit pourquoi tu veux faire une nouvelle loi ? De plus en plus de gens se mettent au vélo, les choses vont se faire toutes seules, ils vont prendre leurs précautions eux-mêmes sans loi d'obligation. » L'énumération continue : « L'autre argument était de dire que les moyennes, les grandes villes et les campagnes vont s'équiper en pistes plus sécurisées séparées des routes occupées par les voitures. Malheureusement, le temps que cela se fasse en Europe, il faudra compter des décennies. Je le regrette vraiment quand je pense aux nombres d'accidentés cyclistes qui sont blessés à vie aujourd'hui. » Plaidoyer européen Le casque obligatoire à vélo n'est pas à l'agenda du transport à la Commission de Bruxelles, en tout cas pas pour les deux ans à venir. C'est bien pour tenter de forcer les choses que le sénateur français François Bonneau vient d'accéder à un poste européen, il plaidera la cause dès l'automne prochain.
Cette semaine au Groenland, le grand ministère du Transport, des Minerais et de l'Égalité publient une nouvelle loi. Le texte, discuté avec les croisiéristes du monde entier, limite les zones de navigation. Dans le Grand Nord, le Groenland n'est pas le seul à se préoccuper des effets du tourisme de masse sur la nature. L'Islande et le Svalbard ont aussi imposé des restrictions. Mais au Groenland, c'est un accident récent qui a accéléré la décision. [Rediffusion du 08/06/2024] Pas de navigation lors des périodes de reproduction animale ! Désormais, les paquebots de croisière devront s'arrêter dans certaines zones du Groenland. La couleur verte sera pour les côtes en accès libre. Les zones jaune-orange seront limitées lors des périodes de reproduction des phoques, du narval ou d'autres animaux. Les zones rouges seront interdites à tous les gros calibres maritimes.Les compagnies devront aussi organiser des sorties limitées en nombre, par petits groupes de voyageurs. Ce sera le cas cet été 2024 sur les glaciers les plus demandés comme le glacier d'Ilulissat, classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Sur le marché des croisières, les prévisions sont à la hausse avec des niveaux records de demandes touristiques. Au Groenland, l'industrie touristique reste primordiale.Un accident dans un fjordComme l'explique Hervé Baudu, professeur en chef de l'enseignement maritime et membre de l'académie de marine, c'est un accident survenu dans un fjord reculé du nord-est du Groenland qui a précipité les choses. « En septembre 2023, le navire de croisière Ocean Explorer a échoué avec près de 300 voyageurs à son bord, explique-t-il. Heureusement, il n'y a pas eu de mort ni de pollution. Le bateau a pu être secouru grâce à l'intervention d'un navire de recherche groenlandais qui se trouvait dans la zone. Deux autres navires islandais et danois se sont déroutés pour participer au sauvetage. C'est pour cela que la nouvelle loi restreint l'approche des gros bateaux dans les fjords ou les parties de banquise qui fondent pendant l'été. »Dans le Grand Nord, le Groenland n'est pas le seul à vouloir préserver la nature. Il a suivi l'exemple du Svalbard et l'Islande qui ont également défini, dans leur loi, des zones de passage. Pour que le tourisme dure longtemps, il lui faut une nature qui donne envie au monde entier, expliquent les autorités groenlandaises.À lire aussiDes chercheurs américains affirment que la glace du Groenland a déjà fondu en intégralité par le passéÀ Nuuk, la capitale du Groenland, il existe des taxis de la mer, les « Nuuk Taxi » ! Les responsables de ces petites navettes jaunes, capables d'embarquer une vingtaine de passagers, ont voté en faveur des limitations des approches des côtes par les navires de croisière. Mais la loi va aussi leur imposer des limites de trajets sur certains glaciers très fréquentés.Un gain financierPouvant approcher les navires et les côtes groenlandaises sans risque de pollution ou d'affluence massive, les conseils des populations locales y voient un gain financier. Mais lors des discussions avec les populations locales et l'industrie du tourisme, certaines voix ont crié à la concurrence déloyale.Pour l'Association internationale des croisiéristes, les accords passés avec le Groenland ressemblent aux accords des pays scandinaves en général. « Nous comprenons les interrogations et les craintes vis-à-vis de la protection de la nature, explique son président, Erminio Eschena. Non seulement nous les comprenons, mais nous les partageons. Mais il faut savoir que ce sont des enjeux qui dépassent largement l'unique secteur de la croisière ! L'activité touristique dans son entier est concernée ! Grâce à notre savoir-faire, nous pouvons prévoir. Donc, les croisières sont échelonnées et régulées en fonction des besoins et des préoccupations du pays. Mais aussi des populations locales. »Le transport jusqu'aux ours polaires lui aussi sera régulé ! La loi prévoit des zones dans lesquelles seuls les chercheurs et certains chasseurs locaux seraient autorisés. Le Parc national du nord-est (zone de l'échouement de l'Ocean Explorer en 2023) sera quant à lui essentiellement réservé aux militaires et à l'industrie minière du Groenland.À lire aussiGroënland : les enjeux politiques du changement climatique