L’actu des médias, les médias dans l’actu : tel est le propos de cette chronique qui se propose de décrypter ce qui change les médias à l’ère numérique - et donc la façon dont on est informé. Les évolutions technologiques, la crise des modèles classiques, les nouveaux vecteurs d'information... Tels…
Nous évoquons aujourd'hui des menaces politiques qui pèsent sur les audiovisuels publics à la lumière des différentes situations dans trois pays différents : les États-Unis, la Pologne et la France. Le gouvernement de Trump, on le sait, cherche à couper tout financement à son audiovisuel public, c'est-à-dire à Voice of America, à Radio Free, à NPR ou à la chaîne PBS. Pour Donald Trump, ces médias auraient une « couverture biaisée et partisane », ils se seraient montrés partiaux pendant les élections ou sur les questions transgenres. Bref, ils sont « de gauche » et soutiendraient les Démocrates avec l'argent des contribuables.Mais les médias publics ont saisi la justice au nom de la liberté de la presse garantie par le premier amendement et un juge fédéral de Washington a déjà obtenu en avril le rétablissement de Voice of America, promis au démantèlement par décret présidentiel. Le réseau de radios NPR, qui alimente un millier de stations locales, a aussi saisi la justice pour sauver son financement fédéral qui ne représente que 10% de ses revenus, mais dont l'arrêt pourrait conduire à la fermeture de stations dans des régions où NPR est parfois le dernier média d'information.Une mainmise politique expérimentée par la Pologne et la HongrieEn Hongrie, des proches de Viktor Orban sont à la tête des médias publics. Il y a aussi eu des purges parmi les journalistes et des voix d'opposition ont été marginalisées. Ces atteintes à l'État de droit ont compté dans la décision de la Commission européenne de geler ses subventions à la Hongrie.Quant à la Pologne, où aura lieu dimanche le second tour de l'élection présidentielle, elle a déjà connu une mainmise sur son audiovisuel public lors de huit années de pouvoir du PiS, le parti droit et justice, de 2015 à 2023. Là aussi, directions et rédactions ont subi pressions et contraintes. Et les médias publics ont été des instruments pour calomnier l'opposition. Des menaces qui planent aussi sur la France Il suffit de lire cette semaine ce titre éloquent du JDNews, hebdo contrôlé par Vincent Bolloré : « La propagande avec vos impôts ». On peut y lire une interview de William Goldnadel, un pilier de la chaîne CNews, pour qui la seule solution, c'est, la « privatisation de l'audiovisuel public ». C'est aussi ce que demandent les leaders du Rassemblement national, Marine Le Pen et Jordan Bardella. Il y a aussi les économies exigées par les gouvernements, notamment en matière d'information et d'investigation, dans la perspective d'une loi rapprochant les médias publics. Alors, comme l'a dit Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, il peut être utile de rappeler qu'en Ukraine comme en Suède, l'information publique est considérée comme un bien tellement essentiel qu'il relève de la défense nationale.À lire aussiVisibilisation du terrorisme, invisibilisation de la guerre
Un écho médiatique a été donné après le meurtre de deux membres de l'ambassade d'Israël aux États-Unis, le 21 mai 2025, lors d'une fusillade devant le musée juif. Washington a depuis renforcé sa sécurité, notamment dans les lieux de culte. De Sarah Milgrim et Yaron Lischinsky, ces deux employés de l'ambassade israélienne assassinés à Washington par un Américain se réclamant de la Palestine libre, on sait déjà beaucoup de choses. Par exemple, que lui était né allemand d'un père juif et d'une mère catholique, qu'il se disait chrétien évangélique, qu'une bague avait été achetée et qu'il avait prévu de demander la main de sa petite amie dans les prochains jours, à Jérusalem.Après l'incarnation, la récupération politique a suivi : le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, a fait de Yaron un « combattant sur le front diplomatique » tombé sur le « champ de bataille » et a accusé les pays européens et les leaders du monde « d'inciter à la haine antisémite ». Une accusation destinée à répliquer à la volonté de la France, du Royaume-Uni et du Canada de reconnaître l'État palestinien et, peut-être pour l'UE, de réviser l'accord de coopération avec Israël.Les victimes de Gaza n'ont pas de nomEt cela contraste avec les morts palestiniens anonymes victimes des bombardements à Gaza. Parmi les 53 000 personnes tuées à Gaza par l'armée israélienne, dont une majorité de femmes et d'enfants, parmi les affamés, les déplacés, les 2,1 millions de personnes « en danger de mort imminente » selon l'OMS, quelles histoires personnelles sont arrivées jusqu'à nous ? Peut-être quelques-unes parmi les 200 journalistes morts, dont 43 dans l'exercice de leur métier, ceux qui étaient en lien avec des médias occidentaux.Peut-être l'histoire de cette photographe, Fatima Hassouna, au sourire rayonnant et à laquelle la réalisatrice iranienneSepideh Farsi a consacré un documentaire présenté à Cannes. Mais dans l'ensemble, ces morts n'ont pas de nom, pas de visage. Ils sont invisibles. Tout simplement parce que l'armée israélienne continue son blocus de l'information, empêchant les journalistes étrangers de témoigner à Gaza.À lire aussiBande de Gaza: l'enfer de 1,1 million d'enfants pris au piège entre guerre et malnutritionPropos génocidaires de la droite israélienneUn silence qui contraste aussi avec la propagande des médias israéliens, mais pas tous :le journal Haaretz ou le média public Kan sont dans le viseur de Netanyahu. Mais Le Monde consacrait jeudi un article à la « banalisation des discours aux accents génocidaires » au sein du gouvernement et de la droite israélienne sur les réseaux sociaux et sur les plateaux de télévision, en particulier sur la chaîne 14. Haaretz a résumé les choses ainsi : « A la télévision israélienne, affamer les bébés de Gaza n'est pas un problème. Aussi longtemps qu'il n'y a pas de photo d'eux ». L'invisibilisation est aussi une arme de guerre.
Un influenceur masculiniste, AD Laurent, dont la ministre à l'égalité Aurore Bergé a obtenu la suspension du compte. Une commission d'enquête sur les ravages de la plateforme auprès des adolescents. Et une sanction attendue de la Commission européenne. TikTok, le réseau social chinois, est dans le collimateur de nombreuses institutions en raison des dégâts qu'il cause sur la santé mentale des adolescents. Jeudi 15 mai, à l'Assemblée nationale, devant une commission d'enquête présidée par Arthur Delaporte, une mère a expliqué la manière dont son fils collégien était entré dans « une spirale mortifère ». Notamment en passant beaucoup trop de temps devant son écran par jour, alors que le risque d'anxiété triple chez les jeunes au-delà de quatre heures de réseaux sociaux par jour. Mais surtout, en consultant sur TikTok des contenus extrêmement dangereux comme des chansons exaltant les scarifications ou glorifiant le suicide. Certes, TikTok n'est pas le seul réseau social à diffuser ce type de contenus. Mais tandis qu'une loi en Chine empêche de rendre les mineurs dépendant aux réseaux sociaux, TikTok est pointé du doigt en Europe pour deux raisons. D'abord, la puissance addictive de son algorithme qui cible les profils et rend la fonction « pour toi » deux fois plus virale. Ensuite, sa consommation massive par les plus jeunes qui se laissent facilement happer par les incitations au scrolling. On voit de plus en plus des ados se désocialiser, s'enfermer dans leur bulle, pour regarder des contenus d'hypersexualisation, par exemple, chez les garçons ou anxiogène, tirant vers l'anorexie, chez les filles.Si la Commission européenne prépare une sanction contre TikTok, c'est à la fois pour son manque de transparence sur ses publicités, sur son ciblage, mais aussi pour son rôle dans la diffusion de contenus jugés dangereux pour la santé ou le débat public, comme on l'a vu lors élections en Roumanie.Emmanuel Macron s'est dit favorable mardi à une interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans. La ministre du Numérique Clara Chappaz s'est donnée trois mois pour mobiliser les autres pays européens afin d'interdire les plateformes avant 15 ans et les obliger à vérifier l'âge des utilisateurs. Car cette permissivité a un coût social et politique dont témoigne la série Adolescence de Netflix. En France, on voit des influenceurs comme AD Laurent. Au Royaume-Uni ou aux États-Unis, son équivalent s'appelle Andrew Tate, dit le « roi de la masculinité toxique ». Il est accusé de viols et a été banni des réseaux sociaux, mais ses contenus continuent de circuler sur TikTok via ses fans et il a été rétabli sur X par Elon Musk.À lire aussiProtection des données européennes: TikTok écope d'une amende de 530 millions
De l'espace d'information alternatif que façonne peu à peu la Maison Blanche, le président américain Donald Trump fait le cœur de sa stratégie : marginalisation des médias traditionnels, promotion d'un réseau parallèle d'influenceurs, et mise en scène permanente à grand renfort d'images générées par IA. Il suffit de regarder la photo générée par intelligence artificielle montrant Donald Trump habillé en pape, publiée sur son réseau Truth Social, pour saisir à quel point la communication de l'ancien président est à la fois égocentrée et déconnectée. Ce que Trump ne pouvait pas prévoir, c'est que depuis jeudi, un Américain est effectivement devenu pape, ou presque. Robert Francis Prevost, désormais cardinal, représente sans doute son opposé. Avant sa nomination, il avait publié des critiques contre la politique anti-migrants de Trump et contre les propos de son vice-président J.D. Vance. Il appelait aussi à ne pas laisser l'idéologie prendre le pas sur le dialogue. Prevost n'a pas commenté l'image du « pape Trump », mais la conférence catholique de l'État de New York s'en est chargée : elle a jugé que cette image n'avait « rien de drôle ni d'intelligent » et qu'il ne fallait pas « se moquer » des catholiques, des fidèles qui restent pourtant, dans leur majorité, conservateurs aux États-Unis.À lire aussiÉlections aux États-Unis: l'IA générative comme outil de propagande politiqueL'humour selon TrumpDonald Trump a réagi en invoquant l'humour : selon lui, « les catholiques ont adoré », et seuls « les médias menteurs » n'auraient « pas le sens de l'humour ». Il en a profité pour publier une autre image IA de lui-même en Jedi, sabre laser rouge à la main, à la manière de Dark Vador. Fin avril, il avait déjà attaqué les grands médias américains après la publication de sondages défavorables par le Washington Post, le New York Times, ABC News ou NBC, les qualifiant de « malades », d'« ennemis du peuple » ou encore de « criminels pessimistes ». Son administration avait exclu des agences comme l'AFP, Reuters ou même l'AP du Bureau ovale et de la Maison Blanche, coupant leurs abonnements et instaurant à la place un circuit parallèle : des briefings réservés à des influenceurs ou podcasteurs sympathisants.Une réalité parallèle bien organiséeC'est ce que l'universitaire américaine Sonia Gibson Rankin décrit comme « un espace de réalité alternative », avec ses propres flux d'information relayant en boucle les déclarations de Trump ou des articles en sa faveur. En parallèle, la Maison-Blanche réduit ou supprime les financements des médias publics, non seulement à l'étranger (Voice of America, Radio Free), mais aussi aux États-Unis, avec PBS ou NPR. Face à cette marginalisation croissante de l'information traditionnelle, Trump multiplie les messages, les images IA, les attaques. Il veut occuper tout l'espace, apparaître comme l'éléphant dans la pièce. Avec ou sans intelligence artificielle.À lire aussiSidération mondiale après la publication de la vidéo IA «Trump Gaza»
En France, le sujet de l'exception culturelle, qui se trouve au cœur du bras de fer entre l'Union européenne et les États-Unis, suscite de nombreuses inquiétudes parmi les professionnels du cinéma. L'exception culturelle, c'est ce terme inventé en 1994 pour défendre le droit d'un pays à protéger sa culture par des subventions, des mesures de soutien ou des quotas. Si la France a pu défendre son cinéma, ses séries et ses dessins animés, c'est en grande partie grâce à ce dispositif d'exception par rapport aux traités de libre échange. Les œuvres du cinéma ou de l'audiovisuel bénéficient de l'aide du CNC, le Centre national du cinéma, les diffuseurs sont soumis à des quotas d'œuvres européennes ou d'expression française.Une taxe sur les billets des salles de cinéma financent les films indépendants. Et depuis 2021, les plateformes américaines ont aussi l'obligation d'investir 20 % de leur chiffre d'affaires dans la production en France. Ce sont ainsi près de 350 millions d'euros par an qui ont été injectés par Netflix, Disney+ ou Prime Vidéo dans l'audiovisuel et le cinéma français. Or, voilà que ce bel édifice pourrait être remis en cause dans le cadre des discussions autour des barrières douanières entre l'Union européenne (UE) et les États-Unis.L'administration Trump souhaite revenir sur ces obligationsLe 21 février, l'administration de Donald Trump a publié un mémorandum qui dénonce les régulations étrangères, en particulier européenne, qui désavantagent les entreprises américaines en taxant leurs plateformes ou en fixant des obligations d'investissement, comme le prévoit la directive sur les services de médias audiovisuels. L'administration Trump recommande des mesures de rétorsions douanières. Elle est d'ailleurs soutenue dans ce combat par le syndicat des réalisateurs américains et par la Motion Picture Association, le lobby des majors hollywoodiennes et des plateformes, qui parle de pratiques « déloyales ».La législation européenne est aussi pointée du doigt par les États-UnisDeux textes clés de l'Union sont visés : le règlement sur les marchés numériques, ou DMA, sur les pratiques anticoncurrentielles, et le règlement sur les services numériques, ou DSA, sur la régulation des contenus. Ce sont ces textes qui permettent à la Commission de prononcer de lourdes sanctions qui se chiffrent parfois en milliards d'euros. On l'a vu récemment lorsque Apple et Meta ont été condamnés à 500 et 200 millions d'euros d'amende au titre du DMA. Une sanction qui a été décidée sans grande publicité par Bruxelles qui craint d'envenimer la guerre commerciale avec Washington. Les défenseurs de l'exception culturelle craignent aussi qu'une révision dans un sens plus libéral de la directive sur les médias audiovisuels, l'an prochain, soit l'occasion d'amoindrir les règles au profit des plateformes américaines.À lire aussiÉtats-Unis: Donald Trump demande l'arrêt du financement fédéral des médias publics PBS et NPR
Mobilisation exceptionnelle des médias pour la retransmission des funérailles du pape François ce samedi 26 avril au Vatican et à Rome à partir de 10h. Ce sont 4 000 journalistes qui sont attendus à Rome pour suivre la cérémonie. Et en France, comme dans de nombreux pays, les médias audiovisuels s'apprêtent à basculer en édition spéciale que ce soient les radios, comme RFI, les grandes chaînes nationales comme TF1 ou France 2, les chaînes d'info en continu comme BFMTV, CNews ou France 24, mais aussi la chaîne d'un journal comme Le Figaro TV.Cette couverture exceptionnelle est à la mesure d'un événement planétaire qui touche 1,4 milliard de catholiques. Il est vrai aussi que le premier pape issu du Sud global était devenu très populaire partout dans le monde, notamment pour ses positions en faveur des migrants, de la survie de la planète ou de la justice sociale. L'audience de ses obsèques devrait donc être colossale, car les télés du monde entier peuvent reprendre librement les images diffusées en mondovision depuis le centre de télévision du Vatican. Une diffusion gratuite à la différence de l'onéreuse Coupe du monde de football.Des centaines de millions de personnes suivront la cérémonieLes événements autour de la figure du pape génèrent beaucoup d'audience, dès qu'il s'agit d'accompagner la ferveur populaire. Un million de personnes sont attendues à Rome. Devant leurs écrans, sur les ondes ou sur internet, c'est pareil. Des centaines de millions de personnes vont vivre en direct le dernier chapitre de la vie de celui qu'on appelait le « pape des pauvres » et que certains voient déjà comme un saint.En 2013, au moment de son élection, après le suspense du conclave, François avait permis aux éditions spéciales de TF1 et France 2 de réaliser des cartons d'audience avec 12,3 millions de téléspectateurs à elles deux. Pour la béatification des papes de Jean-Paul II et Jean XXIII, en 2014, le Vatican avait indiqué qu'il espérait réunir deux milliards de personnes dans le monde. « Un messager de l'espoir, de l'humilité et de l'humanité ».La mort du pape François n'a pas été accompagnée de polémiques. Même si on a pu critiquer ici ou là certaines de ses prises de position, il y a eu assez peu de franche remise en cause. On a bien entendu Philippe de Villiers sur Europe 1 parler d'un « pape woke » qui a « persécuté les chrétiens de la tradition de l'Église de notre enfance », mais cela en disait plus long finalement sur ses obsessions que sur le pape.Surtout, il n'y a pas eu l'habituelle polémique sur l'utilisation des antennes publiques à des fins religieuses. Sans doute parce que rarement un pape n'avait fait autant l'unanimité à gauche, en particulier du côté des écologistes et des Insoumis. Au-delà, selon António Guterres, secrétaire général de l'ONU, il restera « un messager de l'espoir, de l'humilité et de l'humanité ».À lire aussiRome et le Vatican se préparent dans l'émotion aux funérailles du pape François
La guerre au Soudan, deux ans après son déclenchement, est en grande partie passée sous les radars médiatiques, sauf peut-être cette semaine. Ces deux ans de guerre ont été l'occasion de réunir une conférence à Londres coorganisée par le Royaume-Uni, l'Union européenne, l'Allemagne, la France et l'Union africaine, organisation dont le Soudan est membre, même si son gouvernement, l'un des belligérants, n'était pas convié. Alors, au-delà des 800 millions d'euros d'aide promise, cette rencontre a été utile pour jeter un coup de projecteur sur ce qui est, selon l'ONU, « la pire crise humanitaire au monde ».En deux ans de combats entre les forces armées soudanaises du général Al-Bourhane, qui a repris Khartoum, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide du général « Hemedti », qui vient d'annoncer un gouvernement rival, on compte plus de 150 000 morts, 13 millions de personnes déplacées et une situation de famine qui menace la moitié de la population. Et face à cela, on peut dire que le monde regarde ailleurs. Un seul exemple, sur toute l'année 2024, TF1, la plus grande chaîne d'Europe, n'a mentionné le Soudan que trois fois dans ses journaux télévisés, d'après l'INA.Témoigner et informer malgré l'exilCe ne sont pas seulement les médias d'information internationale qui documentent sur l'horreur de la guerre. Ce sont d'abord tous ces civils qui témoignent par des vidéos en filmant les exactions, comme on a pu encore le voir dimanche lors des massacres de Zamzam, près d'Al Fasher, opéré par les Forces de soutien rapide. Ce sont ensuite tous ces journalistes qui poursuivent leur travail en exil. Selon Reporters sans frontières, ils sont 431 à avoir fui vers les pays voisins, pour les trois quarts en Égypte, et on compte une dizaine de médias soudanais qui continue de couvrir ce conflit sans avoir de bureaux et en étant sous la menace constante d'une expulsion. Ils sont implantés au Caire, mais aussi en Ouganda, au Kenya ou au Rwanda. En Égypte, des conditions de travail problématiquesProblématiques parce que l'Égypte du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi soutient de façon inconditionnelle le régime officiel du général Abdel Fattah Al-Bourhane. Il y a près d'un an, la chaîne Sudania 24 a dû par exemple interrompre ses émissions depuis le Caire quand un opposant à la guerre, issu d'une coalition civile, s'est exprimé. La chaîne a pu ensuite les reprendre, mais le programme politique « Derayat al-Hadath » a été définitivement arrêté en décembre. Depuis, l'équipe subit des intimidations qui prennent la forme d'expulsions du pays, mais aussi de menaces de mort ou de campagnes de diffamation quand elle n'est pas obligée lire des communiqués de soutien à l'armée soudanaise.À lire aussiSoudan: des centaines de réfugiés au Caire cherchent à rejoindre Khartoum en bus
L'Argentine fait face à sa troisième grève générale depuis l'accession au pouvoir du président Javier Milei, qui assume une forme de trumpisation face aux médias. On a tous en tête la tronçonneuse de Javier Milei, symbole de coupes sombres dans les dépenses publiques. Cette tronçonneuse a été offerte à Elon Musk, qui n'a pas manqué de la brandir à son tour. Entre Donald Trump et Javier Milei, il y a plus que des affinités idéologiques. Même volonté de dérégulation, même tendance anti-« woke » et climatosceptique, même défiance envers les organismes internationaux et les consensus scientifiques comme le prouve la sortie des deux pays de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).Depuis l'investiture de son homologue à Washington, où il était présent, l'Argentin multiplie les signes de soutien. Il dit même comprendre le relèvement des tarifs douaniers que l'Argentine va pourtant subir, car elle est membre du bloc du Mercosur. Et s'il n'a pas arrêté le financement de Voice of America, décision d'ailleurs suspendue par la justice américaine cette semaine, il a fermé Télam, l'agence de presse nationale.Reporters sans frontières a émis un droit d'alerte sur l'ArgentineL'ONG Reporters sans frontières a certes émis un droit d'alerte, mais le pays ne semble pas être une priorité pour l'organisation. Sur son ranking sur la liberté de la presse, l'Argentine est le 66ème pays sur 180 et la liberté de la presse y est à peu près respectée, notamment quand il s'agit de couvrir de grandes manifestations ou des grèves générales.Mais il y a des signes inquiétants, d'autant que l'Argentine était à la quarantième place en 2023, juste avant l'élection de Javier Milei. D'abord, comme Donald Trump, le chef d'État argentin a tendance à insulter et à stigmatiser les journalistes ou à les traiter d'« ennemis ». Ce qui favorise l'agressivité de la police. Ensuite, il a levé les dernières barrières anti-concentration qui s'imposaient aux grands groupes médias qui peuvent désormais acquérir autant de licences de télé ou de radios qu'ils souhaitent. Une mesure qui ne peut que renforcer la propriété autour de groupes comme Clarin ou la chaîne Telefe.Les médias publics aussi dans le collimateurEn revoyant les dépenses des médias publics à la baisse, ils sont aussi dans le collimateur du président argentin. Mais cela se traduit par des licenciements et des budgets de programmes décimés, comme on a pu le voir sur Canal 7 ou Radio Nacional.Et il y a ce qui ne relève pas que du symbolique, comme la destruction de ce monument en Patagonie à la gloire du journaliste anarchiste Osvaldo Bayer. Il était connu pour avoir enquêté sur les mouvements sociaux et la répression de 2 000 travailleurs pendant la dictature de 1976 à 1983.Cette destruction s'accompagne d'un révisionnisme de Milei censé lutter contre une hégémonie culturelle de la gauche. Pour lui, il n'y a pas eu 30 000 disparus durant la dictature, mais quatre fois moins. Une réécriture de l'histoire qui signe une filiation avec l'extrême droite. À lire aussiArgentine: grève générale de 24h pour protester la politique d'austérité du gouvernement Milei
Le fait divers est de plus en plus présent dans les médias et rencontre l'intérêt des Français, comme l'a montré une étude récente présentée aux Assises du Journalisme de Tours. Un sondage Viavoice, paru mi-mars à l'occasion des Assises du journalisme, l'a montré, près de sept Français sur dix se disent intéressés par le fait divers et 62 % estiment qu'il est « parfois » nécessaire que les politiques s'en saisissent. Les motivations sont plus ou moins avouées. La plupart considèrent qu'il s'agit d'un bon moyen de s'intéresser à l'actualité judiciaire et sécuritaire. Mais il peut y avoir des récupérations politiques, comme on l'a vu l'an dernier à Crépol, dans la Drôme, où une rixe qui a fait un mort a alimenté la thèse extra-judiciaire d'un « racisme anti-blancs ».Depuis l'émission à succès Faites entrer l'accusé, passée de France 2 à RMC Story, il peut y avoir aussi une forme de voyeurisme pour des détails morbides dans certains traitements d'affaires criminelles. Patricia Tourancheau, une journaliste chevronnée qui vient de signer une série documentaire sur l'affaire Grégory pour Netflix, se défend par exemple d'avoir recours à des reconstitutions, en refusant de montrer un enfant ligoté dans une camionnette. Mais elle n'hésite pas à livrer des « évocations », comme de vrais corbeaux, allégorie de ceux qui persécutaient les parents de Grégory Villemin, l'enfant disparu il y a 40 ans dans les Vosges.À lire aussiFrance: 40 ans plus tard, l'affaire Grégory toujours en suspensUn genre qui fait florès dans les médiasD'après Patricia Tourancheau, car les gens s'identifient à des victimes et se rassurent en se disant que c'est loin de chez eux ou de leur vie. Vincent Vantighem de BFMTV explique même que cela permet de se dire que « ça va bien puisqu'il y a pire ailleurs ». Ce qui est sûr, c'est que le genre fait florès. « Affaires sensibles », l'émission de France Inter, trouve une extension sur France 2. Les miniséries Laetitia ou Sambre, de Jean-Xavier de Lestrade, sur des affaires réelles, ont été des cartons d'audience. Et les plateformes comme Netflix s'y mettent abondamment avec des séries comme Le Serpent ou un documentaire sur l'affaire Cantat, le chanteur de Noir Désir qui a tué Marie Trintignant.Les féminicides, un sujet de plus en plus abordéOn parle ainsi plus fréquemment des féminicides, un terme que l'on entend surtout en France où l'on tend à bannir le terme de « crime passionnel », qui trouvait une certaine indulgence dans les jurys populaires. C'est parfois tout à fait évident, comme dans l'affaire Chahinez Daoud, brûlée vive par son ex-compagnon. Mais on retrouve aussi de grandes affaires qui sont susceptibles de s'inscrire dans le temps par le mystère qu'elles entretiennent et leur dimension sociétale ou politique. C'est le cas de la disparition du petit Émile dans les Alpes de Hautes Provence. En filigrane, il y a une société patriarcale finissante et sa violence plus ou moins contenue.À lire aussiFaits divers: faits de société?
Dans le procès du financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, après des réquisitions extrêmement lourdes délivrées le 27 mars 2025, l'affaire a été enfin médiatisée. Ces réquisitions pèsent lourd dans cette soudaine médiatisation. Le Parquet national financier a requis sept ans de prison contre l'ancien président, 300 000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité. Les mots employés par les procureurs ont aussi porté. Ils ont dépeint l'ancien chef d'État comme le véritable « commanditaire » d'un « pacte de corruption », « inconcevable, inouï, indécent », noué avec Mouammar Kadhafi.Pourtant, alors que le procès a débuté le 6 janvier 2025, ce n'est qu'une toute petite médiatisation dans la durée si on la compare à d'autres procès. La société Aday, qui scrute les médias, a compté 7 800 articles ou contenus liés à ce procès dans les médias français, soit deux fois moins que les procès Dominique Pélicot sur les viols de Mazan (14 981) ou sur le pédocriminel Joël Le Souarnec (14 199). Pourquoi cette frilosité vis-à-vis d'un tel procès politique ?Il y a d'abord, le fait que l'affaire a été révélée par un outsider, Mediapart, en 2011. Or, ce journal a parfois été soupçonné d'être de parti-pris, ce que Sarkozy a entretenu en le traitant « d'officine » et en le poursuivant pour faux et usage de faux, sans obtenir gain de cause. Ensuite, le fait qu'elle a pu apparaître complexe à des médias audiovisuels qui doivent résumer les faits en deux minutes.Pourtant, comme le note le journaliste de Mediapart Yunnès Abzouz, l'affaire montre « la délinquance en col blanc, ce crime social qui se nourrit de l'indifférence médiatique ». Avec des détails cocasses, comme le coffre-fort de Claude Guéant, prétendument loué pour entreposer des discours de Sarkozy.Un ex-président proche des médiasLes liens des médias avec Nicolas Sarkozy sont à prendre en compte. C'est un ami de Vincent Bolloré, de Martin Bouygues ou d'Arnaud Lagardère, et forcément, leurs médias peuvent avoir des biais, des gênes ou des silences. Là où CNews parle « d'acharnement judiciaire », TF1 préfère suivre le procès Gérard Depardieu ou l'enquête sur la disparition du petit Émile. Quant au Figaro, qui avait caviardé en 2011 une interview de Kadhafi où il déclarait avoir donné des fonds à Sarkozy pour sa campagne, le journal fait le service minimum. Son actionnaire Dassault avait obtenu un contrat pour vendre des Rafale à la Libye.Et puis il y a les médias qui ont été impliqués dans la défense de Sarkozy, soit en le faisant venir en plateau, soit en prêtant la main à des manipulations comme les fausses rétractations de Ziad Takkieddine dans Paris Match ou sur BFMTV. « On préfère la force d'un démenti à la brutalité des faits », avait déclaré Fabrice Arfi, de Mediapart, en rappelant qu'il n'y avait eu aucune couverture de news magazine sur cette affaire.
Donald Trump a décidé de suspendre les médias publics extérieurs américains en mettant en congés les personnels de l'US Agency for Global Media. Avec les négociations sur l'Ukraine, la suppression de Radio Free Europe, de Radio Liberty ou de Voice of America pourrait sembler, de prime abord, être un gage donné à la Russie. On se souvient du rôle joué par les médias publics extérieurs des États-Unis, qui émettaient en ukrainien durant la révolution orange de 2004. Des médias qui ont joué un rôle de soutien à la démocratie en couvrant les manifestations et en apportant des informations extérieures à la propagande gouvernementale.Mais ce n'est sans doute pas la première motivation de ce décret. Elon Musk, responsable du département de l'efficacité gouvernementale (DOGE), l'avait annoncé sur X : il faut fermer Voice of America et Radio Free Europe/Radio Liberty. Pourquoi ? À cause de la « bureaucratie fédérale inutile » et de la « propagande radicale » qu'ils véhiculeraient, selon Donald Trump.La fin d'un outil de soft power pour les États-Unis d'AmériqueOn pourrait croire que cet outil formidable du soft power états-unien serait important aux yeux de la Maison Blanche, sachant que cette agence de médias mondiaux touche une audience record de 427 millions de personnes par semaine, que Voice of America s'exprime en 47 langues, et qu'il importe, plus que jamais, de défendre des valeurs démocratiques face à la Russie, mais aussi face à la Chine, Cuba et l'Iran. Le démantèlement de l'agence, qui a dénoncé son bail de location cette semaine, implique aussi la suppression de Radio Free Asia, de la radio-télévision anti-castriste Marti ou encore de Middle East Broadcasting Networks (MBN).L'administration Trump veut réduire les dépenses publiques, mais aussi avoir les mains libres pour signer des accords bilatéraux avec des pays autoritaires et faire triompher les lois du business sur les droits humains. Cela passe par une sorte de « reset », de réinitialisation des médias extérieurs, en rompant avec le passé et donc avec leurs journalistes.Une décision applaudie par les médias russesUne décision qui semble avoir été appréciée par le Global Times, le quotidien soutenu par l'État chinois, ou par Sputnik, le média extérieur russe. Tous deux se réjouissent de cet arrêt de médias publics qu'ils qualifient dans un cas « d'usine à mensonges », dans l'autre de producteurs de « fausses informations », notamment lors du massacre de Boutcha, pourtant internationalement documenté en Ukraine. L'agence fédérale américaine de médias a aussi renoncé à ses abonnements à l'AFP, Associated Press et Reuters, et on sent bien que c'est un autre narratif qui se prépare. La fin d'une « information équilibrée et vérifiée » et d'un « rempart contre la désinformation », comme l'ont exprimé conjointement la Deutsche Welle et France Médias Monde.À écouter aussiSuppression de Voice of America: «l'Amérique va devenir inaudible»
Le président par intérim de la Syrie, Ahmed al-Charaa, vient de signer une déclaration constitutionnelle rétablissant la liberté d'expression et la liberté de la presse dans le pays. Rester ou revenir ? C'est la question que se posaient la semaine dernière à l'Institut du monde arabe, à Paris, des journalistes syriens en exil réunis par CFI, l'agence française de développement des médias. Et cette déclaration de l'ancien chef rebelle de HTS, devenu président par intérim, va sans doute contribuer à accroître leur perplexité. D'un côté, il y a ce qui peut être ressenti par les citoyens syriens, un vent de liberté qui permet de s'exprimer avec force contre des responsables du régime de Bachar al-Assad, selon Ali Akhabour, journaliste en exil de Focus Aleppo. Et de l'autre, ces massacres qui ont tué plus de mille personnes dans les régions alaouites de l'ouest du pays. D'un côté, le rétablissement officiel des libertés de la presse et d'expression, et de l'autre, une sécurité qui est loin d'être garantie, y compris pour les professionnels de l'information. D'après Reporters sans frontières, cinq journalistes, notamment des chaînes Al Jazeera et Al Araby, ont été blessés ces derniers jours après avoir été pris pour cible par des tirs dans leurs voitures marquées Presse. Comme si, une fois de plus, on cherchait à éviter tout témoignage filmé. À lire aussiSyrie: la désinformation s'ajoute aux violences subies par la communauté alaouiteLa Syrie sort d'un bilan catastrophique en matière de liberté de la presseIl est intéressant de noter que la déclaration du président autorise « la liberté d'opinion, d'expression, de la presse », mais elle prévoit aussi de créer une commission de justice transitionnelle pour les victimes et les disparus. Or, il ne peut y avoir de véritable liberté s'il n'y a pas de justice pour exprimer la vérité de ce qui a été, et cela le nouveau pouvoir le sait.Depuis 2011, le régime d'Assad a tué 181 journalistes, d'après RSF, qui demande que justice leur soit rendue. Mais il a aussi conditionné des générations de reporters. Non seulement par la peur de l'emprisonnement, de la torture ou de l'assassinat, mais aussi par une autocensure qui faisait que c'était un peu, selon Walid Al Nofal, de Syria Direct, « comme s'il y avait un policier à l'intérieur de chaque journaliste », puis un « royaume du silence ».Des hommes de HTS dans la presse d'État « Le climat n'est pas bien clair », juge Ali Akhabour. Le nouveau pouvoir a placé à la tête de l'agence de presse étatique Sana et de la télévision d'État des hommes de HTS. Il y a sans doute la volonté de gagner la confiance des Syriens par des médias professionnels, mais aussi des pratiques de contrôle du travail des journalistes, comme la demande de communiquer les questions à l'avance ou l'accès aux sources. Parallèlement, les rumeurs et les vidéos trompeuses prolifèrent sur les réseaux sociaux ou les messageries. Finalement, l'idée de rentrer dans une Syrie apaisée est encore un rêve. À lire aussiSyrie: le président par intérim annonce de nouvelles institutions pour le pays
La grève au Parisien a été déclenchée pour protester contre un plan de départs touchant près de 40 personnes. La direction a annoncé mi-février la suppression de 39 postes exactement, dont 29 à la rédaction, soit près de 10% des effectifs, dans ce qu'elle appelle un « projet de modernisation de l'organisation ». Comme beaucoup de quotidiens régionaux, Le Parisien perd de l'argent, 34 millions d'euros, et compte tenu des projections qu'il fait en termes d'abonnements numériques et d'audience, il lui faut passer par un plan de départs volontaires. C'est ce qui explique cette grève qui a été décidée jeudi 6 mars et qui est assortie d'une motion de défiance envers la direction. Une direction qui se justifie en expliquant que malgré près de 100 000 abonnés numériques pour une diffusion journalière de 190 000 exemplaires, Le Parisien ne parvient pas à compenser ce qu'il perd sur le papier par des revenus en ligne. Un classique des difficultés des quotidiens et qui justifie les économies. La contestation interne tient aussi à l'identité de l'actionnaire Bernard ArnaultLa mobilisation ne le vise pas explicitement, même si la rédaction s'est plusieurs fois inquiétée pour son indépendance, notamment en 2023 lorsqu'elle a pointé une « dérive éditoriale » trop favorable à l'exécutif pendant la réforme des retraites. Cette fois, ce n'est plus une question éditoriale. Quoique... Ce plan arrive cinq ans après 30 suppressions de postes liées à l'arrêt des neuf éditions départementales du Parisien qui sont aujourd'hui regroupées dans un unique cahier Île-de-France. La direction rappelle que l'actionnaire a essuyé les pertes et qu'il ne peut pas soutenir indéfiniment un journal qui creuse les déficits. De son côté, une majorité de la rédaction pense que Bernard Arnault a les poches suffisamment profondes pour soutenir le quotidien dans ses missions locales et investir dans sa relance.La relance numérique implique de nouveaux modèlesC'est que dit Pierre Louette, le patron du groupe Les Echos-Le Parisien, pour qui il faut « continuer à produire de mieux en mieux des contenus qui seront achetés, choisis, qui provoqueront des abonnements ». En clair, il s'agit de créer des articles ou des vidéos qui se transforment directement en revenus. C'est ce que cherche aussi Sud-Ouest et Le Télégramme, où l'on investit dans la production vidéo. Au Midi Libre, une centaine de correspondants locaux menace de déposer la plume après avoir vu leurs tarifs baisser. Le danger, c'est que soit de plus en plus délaissée l'information locale. C'est ce qu'on a vu aux États-Unis où un tiers des journaux locaux ont disparu en vingt ans. Cela a créé des déserts de l'information et un électorat trumpiste.
La Maison Blanche a décidé de restreindre l'accès aux agences de presse, mais aussi de sélectionner elle-même les journalistes aptes à suivre le président Donald Trump. Cette décision, qui a été dénoncée par les grandes agences du pays, AP (Associated Press), Reuters ou Bloomberg, porte encore un coup au pluralisme des médias. Jusqu'à présent, c'était l'association des correspondants de la Maison Blanche, WHCA, qui déterminait elle-même les journalistes qui suivaient le président ou les conférences de presse de sa porte-parole.Or, non seulement, ce n'est plus le cas – puisque c'est désormais la Maison Blanche qui choisit –, mais la principale agence du pays, AP, qui existe depuis 1846, a été bannie du centre du pouvoir de l'exécutif américain. Son seul tort a été de ne pas se conformer au désir présidentiel de renommer le Golfe du Mexique en Golfe d'Amérique. Comme si Trump ne supportait pas que l'on puisse contester sa prétention à retracer les contours du réel.AP a attaqué en justice la Maison Blanche. Elle a été pour l'heure déboutée, mais l'affaire n'est pas close. Quant à Reuters et Bloomberg, elles doivent maintenant se partager l'accès au bureau ovale et à Air Force One. « Un journalisme des faits » menacéCette expression a été utilisée en janvier par Fabrice Fries, le patron de l'AFP (Agence France Presse), qui estime que « le journalisme des faits est désormais attaqué ». À la Maison Blanche, on voit un journaliste de la chaîne Right Side accepter de porter une casquette « Trump avait raison sur tout » et demander de commenter un sondage favorable au président. Un podcasteur, en tant que nouvel admis, a aussi interrogé la porte-parole Karoline Leavitt sur la déconnexion des médias à propos de l'immigration illégale.Pourtant, les journalistes sont indispensables pour décrire les annonces du président et les confronter aux réalités, comme par exemple lorsqu'il supprime 92% des financements à l'étranger de l'USAID (Agence des États-Unis pour le développement international) ou toute mention du dérèglement climatique sur les sites officiels.Cela rappelle « des mesures liberticides » prises dans d'autres pays.C'est Peter Baker, le chef des correspondants du New York Times, qui a osé la comparaison sur X. Cela lui rappelle la façon dont le Kremlin a repris en main son pool presse en Russie en le recomposant de « journalistes obéissants ». Pour Trump, les journalistes sont très souvent des « ennemis du peuple », voire « d'extrême gauche » quand ils travaillent à AP.On voit en tout cas que les agences de presse sont les premières à être fragilisées. Un phénomène qui n'est pas isolé. Dans l'Argentine de Javier Milei, l'agence de presse nationale, Telam, a été supprimée. Dans la Slovaquie de Robert Fico, elle a été complètement transformée en agence gouvernementale. Deux pays sur un nouvel axe libertaire-liberticide.
Après la décision de l'Arcom, confirmée par le Conseil d'État mercredi 19 février, le retrait de leur fréquence TNT devrait acter la disparition prochaine des chaines de télévision C8 et NRJ12. Les espoirs de C8 et de NRJ12 se sont évanouis mercredi 19 février. Le Conseil d'État a rendu sa décision, défavorable, entraînant le retrait de leur fréquence TNT et donc la prochaine fin de leur diffusion, prévue le 28 février au soir, 20 ans après leur lancement. Une décision rare, mais pas sans précédent. C'est arrivé par deux fois en France, en 1987 avec la chaîne musicale TV6 et en 1992 avec l'arrêt de la Cinq. Le Conseil d'État a bien pesé les arguments de l'Arcom et des plaignants, les groupes Canal+ et NRJ. Et a donné raison au régulateur.Pour C8, la fréquence lui est retirée principalement à cause des manquements répétés de son animateur vedette Cyril Hanouna dans son émission Touche pas à mon poste, qui ont amené la chaîne à cumuler 7,6 millions d'euros d'amendes. Jeudi 20 février, ses insultes proférées en direct envers le député LFI Louis Boyard lui ont même valu 4 000 euros d'amende. Un incident déjà sanctionné par l'Arcom, le régulateur des médias, d'une amende de 3,5 millions d'euros, au nom de la non-maîtrise répétée de l'antenne. Mais ce n'est pas le seul facteur. La chaîne du milliardaire français Vincent Bolloré n'a jamais atteint l'équilibre et n'a donc pas fait la preuve de sa pérennité financière. NRJ12, une chaîne estimée « sans viabilité »C'est également le cas de l'autre chaîne plaignante, NRJ12, qui n'a pas su convaincre le régulateur quant à sa viabilité. Pour rappel, celle-ci n'a eu qu'un seul exercice bénéficiaire en 20 ans et ses audiences n'ont jamais vraiment réussi à décoller. Après avoir diffusé des émissions de téléréalité comme les Anges ou Allo Nabila, elle a parié sur les magazines de divertissement ou les séries américaines.Or l'Arcom lui a reproché l'omniprésence des rediffusions ou du téléachat à l'antenne, au détriment de ses obligations contractuelles. Elle paye ainsi un manque d'investissements dans les programmes. L'Arcom a préféré mettre fin à cette chaîne alors qu'il reste de la place sur la TNT, même en comptant les deux nouvelles attendues pour juin et septembre : T18, la chaîne de Daniel Kretinsky, et Ouest France TV sur le canal 19. Un avenir incertain pour Cyril HanounaLe sort de l'animateur vedette du groupe Canal+, largement décrié pour ses fresques répétées, reste inconnu. Le groupe M6 semble prêt à le recruter pour sa chaîne W9 et Fun Radio. À condition que celui-ci se limite au strict divertissement, peut-être saupoudré d'un peu de fait divers ou de politique, mais surtout sans attaques ad hominem.Seulement, selon Le Parisien, c'est de nouveau le groupe Canal+ qui tient la corde. Cela permettrait à Hanouna de faire la même émission sur la chaîne CStar et de rester sur Europe1. « Vincent, c'est ma famille », aurait dit l'animateur à propos de Vincent Bolloré. En tout cas, du RN aux Républicains, Laurent Wauquiez ou Bruno Retailleau, le soutien à Hanouna ou à C8 est très marqué à droite et à l'extrême droite.À écouter aussiDébat du jour: fallait-il déprogrammer les chaînes C8 et NRJ12 ?
La plateforme britannique DAZN, principal diffuseur de matchs de la Ligue 1, refuse de payer une partie de l'échéance due pour le championnat de foot français. DAZN refuse de verser à la LFP, la Ligue de football professionnelle, la moitié de la quatrième échéance des droits télé, soit 35 millions d'euros. La plateforme britannique invoque deux motifs : le piratage élevé et la mauvaise volonté des grands clubs à fournir des images sur les à-côtés des matchs, comme des interviews de joueurs qu'ils préfèrent se réserver.C'est donc une affaire de gros sous qui a mené la Ligue à porter plainte en référé contre DAZN. Le tribunal de commerce de Paris a statué vendredi 14 février et devrait rendre sa décision dans les prochains jours.Si l'argent des droits du foot soutient les grands clubs, il est aussi essentiel pour les clubs plus modestes — qui n'ont pratiquement pas d'autres ressources — et pour le sport amateur via une taxe de 5%. Le piratage du visionnage des matchs de footballCette pratique s'est incontestablement popularisée. En octobre dernier, la LFP avait indiqué que 55% des téléspectateurs du match vedette OM-PSG avaient regardé le match illégalement. Et pourtant, l'Arcom, chargée de la lutte contre le piratage, avait bloqué 340 noms de domaine sur internet avant le coup d'envoi. Mais c'est un peu comme écoper dans un bateau qui prend l'eau avec une passoire. Car le propre des matchs, c'est qu'ils se regardent en direct : il faut bloquer le site pirate pendant la retransmission. Ni avant, ni après. Près de 7 000 sites ont été bloqués depuis 2021, lorsqu'un blocage plus dynamique a été permis. Mais selon les professionnels, c'est une goutte d'eau, il faudrait que les titulaires de droits puissent faire bloquer les diffusions pirates directement par les fournisseurs d'accès à internet, en temps réel, comme en Italie ou Royaume-Uni. À lire aussiLe piratage, ce poison qui met en péril DAZN et le foot françaisDAZN mis en cause pour sa politique tarifairePour 2024-2029, où elle paye 400 millions d'euros par an, la plateforme a obtenu huit matchs sur neuf cet été en proposant des prix à 30, voire 40 euros par mois. Ce n'est pas loin ce de qui se fait ailleurs en Europe, mais c'est bien plus cher que ce qui se pratiquait jusque-là en France. Des signaux ont alors clignoté pour montrer une recrudescence du piratage. Et le diffuseur a pris du retard dans sa conquête d'abonnés.Il lui en faudrait 1,5 million à la fin de l'année, il n'en aurait que le tiers aujourd'hui. Or une clause de sortie permet de mettre fin au contrat si le chiffre n'est pas atteint. Depuis, DAZN multiplie les promotions de milieu ou de fin de saison. Mais la faillite de Mediapro est dans toutes les têtes. Et un grand absent, Canal+, est regardé avec un brin de nostalgie. À lire aussiFoot: le litige LFP/DAZN pas réglé avant 15 jours, trop long pour les clubs
Les 10 et 11 février se tient un Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle (IA) à Paris, l'IA qui a des conséquences sur la presse. Analyse des espoirs, mais aussi des craintes et des dangers de cette technologie pour le journalisme. L'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, a publié cette semaine une cartographie des usages de l'intelligence artificielle pour le journalisme. Et ce dont on s'aperçoit, c'est que l'IA offre des avantages, comme de lui laisser les tâches répétitives pour se concentrer sur des sujets à valeur ajoutée ou de gagner du temps dans la rédaction, la vérification et même l'enquête. On l'a vu dans les Panama Papers ou d'autres fuites de documents, il est très utile de pouvoir interroger une masse de données à partir d'un robot pour extraire un compte, des liens, des ramifications...L'intelligence artificielle permet aussi de mieux connaître l'internaute et donc de lui adresser un contenu qui corresponde davantage à ses centres d'intérêt et qui favorise son engagement sur les réseaux sociaux. Elle peut aussi aider à créer des titres pertinents ou à faire remonter des tendances. Sans compter bien sûr les traductions automatiques qui peuvent rendre accessibles des médias de multiples pays.La technologie suscite des craintes dans les rédactionsCes craintes ne sont pas seulement liées à la peur de perdre son emploi. On peut se demander si les journalistes ne vont pas devenir « IA-dépendants », façonnés par les algorithmes, avec moins le souci de la découverte fortuite sur le terrain. D'autant que ces algorithmes renvoient à ce qui a été dit, écrit dans le passé, fût-il récent. Ils peuvent être un obstacle à la compréhension de l'inattendu.Il y a aussi une crainte sur les droits d'auteurs, tous les acteurs de l'IA se refusent à engager des négociations avec les médias sur ce sujet en particulier. Le New York Times a attaqué Open AI et des organisations représentant 3 000 titres de presse en France ont demandé, mercredi 5 février, que les pouvoirs publics imposent un dialogue à ces entreprises qui pillent leurs contenus pour entraîner leur modèle sans les rémunérer.À lire aussi Face à ChatGPT, le New York Times attaque en justice OpenAI et MicrosoftDe possibles dangers pour l'information L'IA fait redouter une grande vague de désinformation, surtout avec des modèles comme celui du chinois DeepSeek qui sont plus accessibles à des manipulateurs. On a vu en Roumanie comment des milliers de comptes se coordonnant pour amplifier la popularité de mots clés sur TikTok ont fait monter un candidat, au point d'entraîner l'annulation de l'élection. Le service français Viginum estime que le même type d'ingérence peut se produire en France.France Culture a d'ailleurs diffusé vendredi 7 février une émission, Les pieds sur Terre, avec des témoignages fabriqués par l'IA pour alerter sur le risque de manipulation. Alors l'IA favorise-t-elle les infox, les ingérences russes ou donne-t-elle des armes aux journalistes pour contrer cette désinformation ? Les deux sans doute. À lire aussi Intelligence artificielle : les médias s'en emparent autant qu'ils s'en méfient
La télévision japonaise est, en ce moment, secouée par une affaire d'agression sexuelle concernant un animateur de la grande chaîne hertzienne Fuji TV. Fuji TV, grande chaîne privée ayant longtemps été la plus profitable des réseaux hertziens au Japon, est désormais au cœur d'un scandale d'envergure nationale depuis qu'une affaire d'agression sexuelle vise son présentateur vedette. Masahiro Nakai, âgé de 52 ans, est en effet accusé d'avoir imposé une relation sexuelle non consentie à une femme en 2023.L'affaire a été sortie fin décembre par un influent tabloïd qui a précisé que cet animateur, une ancienne star d'un boys band très populaire dans les années 1990, avait acheté le silence de sa victime. Il s'agit donc d'une agression sexuelle suivie d'une volonté d'étouffer l'affaire. Est-ce que cela s'est fait avec la complicité ou la cécité volontaire de la direction ? C'est toute la question. Fuji TV reconnaît avoir eu connaissance de l'affaire avant qu'elle ne soit rendue publique, mais réfute qu'un de ses employés ait organisé la soirée au cours de laquelle la star a rencontré la jeune femme.Une affaire qui a éclaté après de multiples pressionsL'animateur a été retiré de l'antenne et le patron de Fuji TV ainsi que le président de sa maison mère ont démissionné lundi. Mais il a fallu pour cela qu'un fonds américain, actionnaire de la chaîne, Dalton Investment, s'émeuve de la situation. Puis, que 70 annonceurs dont Toyota ou McDonald's retirent leur publicité. Et enfin, que le cours de Bourse et l'audience reculent fortement.Il n'y a pas eu, au Japon, de vague MeToo et on a pu le vérifier dès le début de l'affaire qui a été qualifiée de « problème » ou « d'inconduite sexuelle » par les médias japonais. Shiori Ito, une journaliste qui a accusé un présentateur télé de l'avoir violé en 2019, a sorti un documentaire, nommé aux prochains Oscars, sur son combat. Elle a confirmé à l'AFP la réticence des médias japonais à couvrir des accusations qui mettent en cause des « personnes puissantes ».De nombreux précédents à travers le mondeOn se souvient, en 2013, de l'affaire Jimmy Saville, cet ancien animateur de la BBC, au Royaume-Uni, qui avait été reconnu, après sa mort, coupable de centaines d'agressions sexuelles. Au sein de la chaîne publique britannique, cela avait conduit des dirigeants à démissionner. Une affaire qui ressemble beaucoup à celle de Johnny Kitagawa. Ce fondateur d'un boys band japonais, producteur au succès immense, avait été accusé, après son décès en 2019, d'avoir violé plusieurs centaines de jeunes garçons au cours de sa carrière.Citons enfin, en France, l'affaire Patrick Poivre d'Arvor, le présentateur du 20 heures de la première chaîne européenne, TF1, jusqu'en 2008. Il a été mis en examen en 2023 et de nombreuses femmes l'ont accusé de viol ou d'agression sexuelle dans le cadre de son travail. Mais aucun dirigeant en place à l'époque n'a été inquiété. À lire aussiJustice: l'ancien mari de Gisèle Pélicot entendu sur deux affaires non-résolues
Les médias américains CNN ou le Washington Post, considérés par Donald Trump comme des opposants, connaissent des difficultés et semblent hésiter sur la stratégie adopter ces quatre prochaines années, entre revirements et dos rond. Les médias américains dits « mainstream » (« de masse ») savent qu'ils appartiennent à la catégorie des « ennemis du peuple » tant décriée par Donald Trump, et qu'ils sont donc une cible possible du courroux de ses partisans. Jeudi 23 janvier, CNN a annoncé le licenciement de 6% de ses effectifs, dont une centaine de journalistes, pour réinvestir le terrain du numérique payant. Mark Thompson, le patron de CNN, en a profité pour faire part de ses nouvelles exigences : ne plus montrer de signes d'indignation lors de l'investiture, éviter l'éditorialisation et de ne plus revenir sur le passé pénal du président réélu, après sa condamnation pour avoir acheté le silence d'une actrice pornographique, entre autres.Un revirement pour une chaîne qui avait, en 2022, été attaquée par Trump. Le président américain lui réclamait alors 475 millions de dollars pour diffamation, car la chaîne qualifiait de « mensonge » l'idée que la victoire lui avait été volée en 2020. Le juge a rejeté cette plainte. Mais cela n'a pas empêché Trump de parler de CNN comme de la chaîne des « fake news » ou de la menacer de lui retirer, à elle comme ABC et CBS, sa licence de diffusion. ABC qui a d'ailleurs accepté de payer 15 millions de dollars pour que Trump renonce à un procès après des propos erronés d'un présentateur.Un revirement motivé par les succès d'audience de la chaîne rivale Fox NewsLa décision de Mark Thompson de CNN a aussi été motivée par le plébiscite de sa rivale Fox News, qui accumule près des trois quarts de l'audience des chaînes d'info aux États-Unis. CNN doit contrer la chaîne ultra-conservatrice, qui a le vent en poupe grâce ses interviews de Trump ou ses infos sur son administration. Mais aussi MSNBC, qui revendique la place de l'opinion anti-Trump, au grand dam de son actionnaire, qui cherche à la vendre. Entre les deux, CNN a perdu 35% de son audience en prime time depuis l'élection, même si cette chute est aussi due à une fatigue post-électorale.Un positionnement frileux au Washington PostLe prestigieux quotidien américain, historiquement engagé en faveur des démocrates, joue la prudence, pour ne pas dire de la frilosité. Son propriétaire, Jeff Bezos, a refusé que le quotidien s'engage en faveur de Kamala Harris. Un dessin le représentant en train de tendre un sac d'argent à une statue de Trump a été censuré du journal, et son autrice a démissionné. Le milliardaire était présent le jour de l'investiture et il a fait un don d'un million de dollars pour cette cérémonie. Jeff Bezos n'entend donc pas perdre un contrat à dix milliards de dollars sur le cloud de la Défense, comme en 2019. Les scoops et les éditoriaux sur Trump du Washington Post et du New York Times ont dopé les ventes pendant le premier mandat de Trump. Comme si la presse avait compris que la révolution populiste menée Donald Trump n'était pas une parenthèse, mais une tendance de fond. À lire aussiUne dessinatrice du «Washington Post» démissionne après le rejet d'une caricature de Jeff Bezos
Deux grandes agences internationales de presse, l'Agence France Presse et Associated Press, ont signé des accords avec des acteurs de l'intelligence artificielle. Leurs chats conversationnels pourront désormais utiliser les dépêches de l'AFP et d'AP dans leurs réponses. Pourtant, la question du droit moral des auteurs des dépêches utilisées par ces IA génératives n'est pas posée. Le premier accord est celui de l'AFP avec Mistral, la championne française de l'intelligence artificielle, qui va pouvoir disposer des 38 millions de dépêches de l'agence depuis 1983. Sur le papier, c'est un accord qui ne présente que des avantages. Mistral AI, fondée il y a deux ans, bénéficie de l'expertise d'une des trois grandes agences de presse mondiale, en six langues. Sa solution, le Chat, va pouvoir conforter ses réponses avec un contenu vérifié, sourcé, ce qui constitue un avantage compétitif alors que d'autres grands médias européens, comme Axel Springer, El Pais ou Le Monde ont déjà signé des accords avec ChatGPT. Mistral assurera une source de revenus dynamique pour l'AFP qui se met ainsi à l'heure de l'IA.Mistral, une start-up qui ressemble beaucoup à ses cousines américaines Mistral a renoncé à une logique d'open source pour passer un accord privé l'an dernier avec Microsoft, qui est entré dans son capital et qui est aussi actionnaire à 49% d'Open AI. Surtout, Mistral a beaucoup pesé sur le gouvernement français lors des négociations sur l'IA Act l'an dernier pour que l'innovation européenne ne soit pas freinée par le droit d'auteurs. Or les journalistes, les éditeurs, ont-ils donné leur accord pour que les dépêches soient utilisées afin de nourrir les réponses d'une solution technologique ? N'y a-t-il pas un risque de voir l'outil se substituer aux médias eux-mêmes sur ces plateformes ? À lire aussiLes zones d'ombre de l'AI Act européenL'Associated Press a passé un accord avec Gemini, de GoogleCet accord montre bien que la crédibilisation des IA génératives par des contenus d'actualité fiables est cruciale pour ces plateformes. Apple vient d'ailleurs de désinstaller son outil d'IA de résumés d'actualité après des erreurs réalisées à partir de contenus de la BBC qui s'en est plaint.AP, l'Associated Press, avait déjà un accord avec Open AI, sur ChatGPT, depuis 2023. Aux États-Unis, le New York Times, avec d'autres éditeurs, ont intenté un procès à cet acteur de l'IA pour violation du droit d'auteur. Il chiffre le préjudice à plusieurs milliards de dollars. C'est aussi la logique des organisations professionnelles de la presse en France qui veulent obtenir un accord collectif.Le risque peut être, selon certains, l'existence même de la presse et, pour une agence comme l'AFP, de dépendre de ces nouveaux revenus qui, comme le montre la décision de Meta de renoncer aufact-checking, peuvent s'arrêter du jour au lendemain. À lire aussiÉtats-Unis: la fin du fact-checking sur Meta, un défi pour les médias
Le patron de Meta, Mark Zuckerberg, a annoncé mardi 7 janvier mettre fin à son programme de fact-checking au sein de Facebook, Instagram et WhatsApp aux États-Unis. Une décision qui risque d'avoir des conséquences pour les médias. Suite à cette décision, les médias risquent de se retrouver encore plus dilués dans un océan de contenus d'opinion autour de rumeurs ou de « vérités alternatives », comme le dit Donald Trump, qui nuisent à la conversation autour des faits. En outre, les journalistes sont présentés comme des ennemis de la liberté d'expression alors qu'ils étaient jusque-là au cœur des 80 partenaires de Meta, regroupant des médias comme USA Today, des agences de presse telles l'AFP et Reuters ou des ONG comme Africa Check. Pour l'AFP, qui a un partenariat mondial en 26 langues avec Meta, une centaine de journalistes sont ainsi consacrés à la vérification du factuel. Le fact-checking, c'est ce qui permet à un contenu signalé comme suspect, car pouvant contenir de la désinformation, d'être vérifié par des journalistes qui établissent la véracité des faits. Pendant le Covid, beaucoup de contenus ont ainsi circulé sur les réseaux sociaux pour fustiger les vaccins ou conseiller des traitements fantaisistes ou dangereux. Ils étaient alors signalés, vérifiés et cela réduisait leur visibilité de 95 %, selon Meta.Le fact-checking est aussi très utile pour valider les déclarations politiques qui peuvent s'avérer fausses ou trafiquées, surtout à l'heure de l'IA. La propagation de ce type d'infox peut dresser des communautés les unes contre les autres, comme on a pu le voir en Birmanie avec les Rohingyas. Mais Mark Zuckerberg ne l'entend pas comme ça, puisqu'il reprend en tout point l'argumentation d'Elon Musk selon laquelle seule compte la liberté d'expression. Il veut remplacer cet outil de modération par les notes ou avis des internautes, comme sur X ou sur Wikipedia — que Trump appelle d'ailleurs Wokipedia, preuve que le participatif n'empêche pas l'accusation de wokisme.À lire aussiPourquoi les grands patrons américains courtisent Donald TrumpUne conception qui se heurte aux règlements européens sur le numérique Meta dit que son programme ne s'appliquera pas, au moins dans un premier temps, à l'Union européenne. Mais Mark Zuckerberg lui-même parle de « lois institutionnalisant la censure » en Europe. S'il y a des sujets américains qui sont visés pour complaire à Donald Trump, comme la proximité des modérateurs avec le camp démocrate, Mark Zuckerberg parle d'une déconnexion des vérificateurs sur des sujets comme l'immigration et le genre. Or, ça, ça concerne aussi l'Europe. On voit d'ailleurs aux États-Unis les grandes plateformes se mettre en ordre de marche pour contester la législation européenne dans le cadre d'un rapport de force commercial. La Commission saura-t-elle faire face et conclure ses enquêtes contre les géants du web ? La discrétion de sa présidente, Ursula Von der Leyen, permet d'en douter.À lire aussiMeta met fin à son programme de fact-checking aux États-Unis
À quelques semaines des élections du 23 février prochain en Allemagne, Elon Musk publie une tribune dans Die Welt, le quotidien édité à Berlin par le groupe Axel Springer. Le milliardaire y exprime son soutien au parti d'extrême droite AfD. Dans l'édition dominicale de Die Welt, Elon Musk se déclare favorable à l'AfD, l'Alternative pour l'Allemagne, qui est, selon lui « la dernière lueur d'espoir pour ce pays ». Il y loue la « politique d'immigration contrôlée » de ce parti d'extrême-droite, ainsi que ses objectifs de « réduire les impôts » ou de « déréglementer le marché ».Aussitôt, une rédactrice en chef des contributions éditoriales du journal, Eva Marie Kogel, a démissionné. Et ce n'est pas la mise au point, publiée avec la tribune, qui l'a arrêté. Dans cet article, le nouveau rédacteur en chef de Die Welt, Jan Philipp Burgard, apporte la contradiction à l'homme le plus riche du monde, propriétaire de Tesla, de StarLink et de X. « Même un génie peut se tromper »,écrit-il, rappelant qu'un dirigeant de l'AfD a utilisé un slogan nazi et que ce parti « est un danger pour nos valeurs et notre économie ».Publicité électoraleMais cette mise au point n'a pas empêché la polémique, car cette tribune est partie d'un tweet d'Elon Musk, disant que seul l'AfD peut sauver l'Allemagne. Elle permet de donner la caution, pour ne pas dire l'onction du grand quotidien libéral-conservateur, à des propos qui auraient paru inacceptables, donc impubliables, si son auteur n'avait pas été Elon Musk.Pour le propriétaire du réseau social X, par exemple, l'AfD ne peut pas être classée à l'extrême droite, car sa cheffe de file, Alice Weidel, est en couple avec une femme originaire du Sri Lanka. L'association des journalistes allemands a dénoncé une « publicité électorale » et rappelé que les médias ne devaient pas servir de « porte-voix à des autocrates ».Des principes éditoriaux bafouésCette tribune pourrait être en contradiction avec les valeurs d'Axel Springer. Le groupe de médias allemand avait fait mettre, en 1967, dans chaque contrat, cinq principes éditoriaux qui incluaient de favoriser « l'unification de l'Europe » et de « rejeter toutes les formes d'extrémisme politique », deux principes antinomiques avec l'AfD que le patron Matthias Döpfner avait lui-même rappelé en 2002. Depuis, ce « Bolloré allemand » affiche sa proximité avec Elon Musk, auquel il a remis un prix de l'innovation en 2020.Musk, quant à lui, a pris position en faveur du leader anti-migrants Nigel Farage, au Royaume-Uni, où il estime qu'une guerre civile est inévitable après les émeutes de cet été. Il appelle à la libération d'un activiste anglais d'extrême-droite actuellement en prison, Tommy Robinson. Elon Musk a d'ailleurs rouvert son compte sur X. Si on ajoute le système autoplay sur son réseau social qui pousse par défaut des vidéos racistes et antisémites, il est temps de se demander ce qu'il y a d'extrême droite chez le futur ministre de l'Efficacité gouvernementale de Donald Trump.
Arrêt sur trois images qui ont marqué l'année 2024, aux États-Unis, en Syrie et au Soudan. Le premier arrêt sur image nous conduit aux États-Unis et à la photo publiée par le New York Times, quelques heures après l'attentat contre Donald Trump, le 14 juillet. On y voit l'ancien et futur président lors d'un meeting en Pennsylvanie, devant un pupitre rouge frappé du slogan « Make America Great Again » (« Rendre sa grandeur à l'Amérique »). Donald Trump a une casquette rouge. Il tourne la tête et, juste à côté de lui, une trainée blanche sur un fond azur, un peu comme un avion très loin dans le ciel. C'est le sillage de la balle qui vient de lui érafler l'oreille.Cette photo est signée d'un photographe du New York Times, Doug Mills, qui avait, selon un spécialiste balistique du FBI, une chance sur un million de capturer cet instant précis. Après, Trump apparaît le poing levé, puis avec un pansement à l'oreille. Et d'autres images marquantes suivront, comme celle d'Elon Musk sautillant comme un enfant dans un de ses meetings. Mais cette photo miraculeuse a su saisir l'événement.À lire aussiUne nouvelle tentative d'assassinat de Donald Trump venue d'Iran aurait-elle été déjouée?Deuxième arrêt sur images, direction la SyrieCette fois, c'est lors d'un reportage de CNN, qui nous montre Clarissa Ward, une reporter blonde dans une prison syrienne de Damas. Elle se met en scène en expliquant être partie à la recherche du journaliste américain Austin Tice, retenu en Syrie depuis 2012. Le régime étant tombé, elle le cherche dans les cellules lorsqu'elle tombe sur un détenu sous une couverture à même le sol. L'homme la remercie avec émotion en lui prenant la main. Il a curieusement l'air bien nourri, porte un manteau en peau retourné très propre pour quelqu'un qui dit avoir passé trois mois en prison.Un site de fact checking syrien, Verify-Sy, nous apprendra que c'est en réalité un lieutenant des services de renseignement du régime, demeuré introuvable depuis. CNN a rétabli la vérité en faisant mine d'avoir levé seule la supercherie. En Syrie, les images sont parfois menteuses.Des photos du journal Le Monde au SoudanFocus sur une série de reportages en huit épisodes, signés Eliott Brachet, et intitulée Au Soudan, une guerre totale, avec des photos d'Abdulmoman Eassa. Sur l'une d'elle, on voit au loin un groupe de cinq personnes, hommes et femmes, sur des chaises en plastique blanc, les pieds dans le Nil. On est sur l'île Tuti, près de Khartoum, juste avant la guerre fratricide entre deux généraux qui auraient fait plus de 150 000 victimes civiles depuis avril 2023.Cette guerre, peu de médias en parlent. Selon l'INA, sur un an, fin juin 2024, on trouve 8 700 mentions d'Israël et Gaza dans les journaux télévisés français, 4 500 mentions de l'Ukraine et seulement 128 mentions du Soudan. Une autre image ouvre le reportage du Monde : celle d'un fossoyeur près de Khartoum devant l'extension sans fin de son cimetière. À lire aussiÀ la Une: au Soudan, la guerre oubliée…
Le quotidien Le Monde occupe une place singulière dans la presse française. Et ce 18 décembre 2024, il fêtait ses 80 ans. Le Monde est aujourd'hui un journal consulté essentiellement sur le numérique et diffusé à 500 000 personnes. Mais en 1944, c'est une feuille recto verso mise en page dans les locaux de l'ancien journal Le Temps, rue des Italiens, à Paris. On y compte 40 journalistes contre 540 aujourd'hui.Son fondateur, Hubert Beuve-Méry, est un résistant qui est aussi un ancien directeur d'études de l'École des cadres d'Uriage, sous Vichy. C'est lui que le général de Gaulle va choisir pour créer un quotidien de référence en se disant qu'il aura ainsi un allié. Or Hubert Beuve-Méry va gagner son indépendance en s'opposant à De Gaulle lorsqu'il est au pouvoir, même s'il a pu se montrer plus compréhensif sur sa politique étrangère. Et au fond, c'est un principe qui n'a pas varié : plus Le Monde s'est trouvé proche des pouvoirs en place, notamment après l'élection de Mitterrand, moins bon il a été. À lire aussiEn France, la liberté de la presse mise à mal par l'opacité d'une loi controverséeLe Monde, un journal toujours indépendant Le quotidien a bien failli ne plus être indépendant en 2011 lorsqu'il est racheté par un trio d'hommes d'affaires, dont Xavier Niel, que l'on sait proche de Macron. Mais Le Monde a toujours gardé un droit de blocage de sa société des rédacteurs qui lui a permis de se protéger de tout interventionnisme. La collectivité des journalistes doit même apporter son agrément à tout changement d'actionnaire et de directeur.Il faut dire aussi que Xavier Niel, qui n'a pas été malmené par Le Monde, lui a apporté les moyens de son indépendance. Avec, depuis avril, une nouveauté : c'est le Fonds pour l'indépendance de la presse qui contrôle Le Monde. Ce fonds prévoit d'ailleurs une enveloppe de 200 000 euros pour soutenir des projets de journalisme. Le Monde doit aussi défendre ses choix éditoriauxJeudi 19 décembre, un article signé Eugénie Bastié dénonçait un « malaise grandissant sur le traitement d'Israël dans le journal ». En cause : le fait que le chef adjoint du service international, Benjamin Barthe, ancien prix Albert Londres, est l'époux d'une Palestinienne rencontrée à Ramallah lorsqu'il était correspondant du journal. Cela suffit au Figaro pour reprendre une campagne à laquelle nous a habitués plutôt CNews avec le soupçon d'antisémitisme, voire de complotisme, dont rendrait compte un mur au Monde avec un autocollant « Stop Génocide ». En réalité, Le Monde a eu un traitement équilibré du conflit, rendant compte de l'horreur du 7-Octobre et documentant le massacre en cours depuis à Gaza. Eugénie Bastié, ancienne de CNews, était elle-même apparue dans un article du Monde en soutien de son directeur Alexis Brézet après une crise au Figaro liée à son refus de choisir le front anti-RN.À lire aussi Guerre à Gaza : un black-out médiatique sans précédent et un nombre record de journalistes tués
« Fatigue informationnelle », c'est l'expression mise en lumière par une étude publiée mercredi 11 décembre par la Fondation Jean-Jaurès, Arte et l'Observatoire société et consommation. La séquence politique actuelle peut illustrer cette fatigue ressentie par les Français : l'Élysée annonce qu'il va nommer un Premier ministre dans un délai de 48 heures, le délai est finalement dépassé, et pendant ce temps, des rédactions sont sur le pont ou en émissions spéciales pour broder sur des hypothèses... Cette façon de faire, les Français n'en veulent plus.L'étude publiée mercredi montre qu'un tiers des personnes interrogées seulement se déclarent intéressées par la séquence politique qui a suivi la dissolution. Et on descend en dessous de ce tiers quand il s'agit de dire que les informations ont aidé à « mieux comprendre les enjeux » ou « à voir les choses de différents points de vue ». C'est plutôt le sentiment d'un trop-plein, d'une répétition ou d'un flux incessant.Un mois avant les élections européennes, on trouvait moins de quatre personnes sur dix pour dire que les infos les aidaient à prendre une décision. En outre, l'actualité est de plus en plus perçue émotionnellement. Que ce soit pour l'assassinat du professeur Bernard, la guerre en Ukraine, le conflit à Gaza et les émeutes après la mort de Nahel, il y a souvent près de la moitié des Français qui se déclarent angoissés, stressés ou énervés. D'où une fatigue qui est ressentie par 54 % des personnes interrogées.À lire aussiGuerre à Gaza: un black-out médiatique sans précédent et un nombre record de journalistes tuésL'étude parle aussi d'« un exode informationnel »L'étude parle de « désengagement » et de « reflux », c'est-à-dire qu'on a recours à moins de canaux pour s'informer — pas plus de trois en général — et l'intérêt pour les médias a baissé en deux ans. C'est particulièrement vrai pour les chaînes d'infos, les émissions d'« actu-divertissement » et même pour les radios. Et ce sont les réseaux sociaux qui en profitent. Les TikTok, Insta, X, Facebook ou YouTube servent de plus en plus à s'informer, en bien ou en mal, puisque plus d'un Français sur deux estime qu'il peine à distinguer le vrai du faux.Retrouvez notre podcast :La fabrique des fake newsLe désengagement se ressent aussi par une moindre implication dans l'actualité : on partage moins d'infos, on en discute moins avec ses proches et on éprouve moins le besoin de croiser ses sources. En outre, l'information doit se trouver une place dans la bataille des plateformes en ligne pour capter l'attention, et la tentation des médias est alors d'attirer l'œil — ou l'oreille — plutôt que d'informer. Si on est adepte du scrolling, le fait de passer d'une vidéo à l'autre, très fort chez les jeunes, on peut avoir le sentiment d'être le jouet des algorithmes, de se faire voler sa vie. La parade est alors de désactiver ses notifications et de se tenir à distance des réseaux sociaux, mais aussi de l'actualité. Finalement, ce qui ressort de cette étude, c'est que les personnes interrogées aspirent à un peu moins de boulimie et à un peu plus de mesure.À écouter dans 8 milliards de voisinsFatigue informationnelle : sommes-nous trop informés ?
En Roumanie, le deuxième tour de l'élection présidentielle devait avoir lieu ce dimanche 9 décembre mais ce vendredi, la Cour constitutionnelle roumaine a annulé le premier tour en raison de soupçons d'ingérences russes par le biais de TikTok. C'est un véritable coup de théâtre qui s'est opéré ce vendredi 6 décembre 2024. La Cour a décidé d'annuler la totalité du scrutin et de relancer le processus électoral. Une décision qui a surpris dans la mesure où elle avait d'abord validé les résultats du premier tour après un recomptage des voix. Mais des documents des services de renseignements ont étayé l'idée d'un rôle massif de TikTok dans la campagne, avec la Russie aux manettes. Face à Elena Lasconi, candidate centriste pro-européenne, ancienne journaliste, Calin Georgescu, candidat surgi de nulle part, a été appuyé par une campagne redoutablement efficace sur TikTok. Or, cet ancien haut fonctionnaire, qui s'est découvert une passion pour les vidéos complotistes pendant le covid, est un admirateur de Vladimir Poutine. Il appelle à l'arrêt de l'aide à l'Ukraine.Surveillance du réseau TikTokLa Commission européenne a aussi annoncé jeudi qu'elle intensifiait sa surveillance de ce réseau après avoir reçu des informations sur une possible interférence de la Russie. Bien qu'elle ne se prononce pas sur une éventuelle violation de son règlement, elle demande à la plateforme chinoise de conserver les données qui permettront d'établir une possible manipulation. On trouve d'abord, chez le candidat Georgescu, la diffusion de fausses informations sur TikTok, comme lorsqu'il prétend que les enfants ukrainiens réfugiés en Roumanie reçoivent près de 750 euros d'allocations contre 50 euros pour « un enfant roumain du même âge ». C'est une de ses vidéos les plus vues qui l'ont rendu populaire. Il y a ensuite des choses étranges comme cette centaine d'influenceurs qui ont reconnu avoir été achetés quelques centaines d'euros pour inciter à aller voter en mettant un hashtag « Equilibreetverticalité ». Or ces mots dièse renvoyaient vers la campagne de Georgescu, candidat qui n'a ni parti ni, en principe, de dépenses de campagne.Un candidat qui ne fait pas campagne non plus sur les médias traditionnelsC'est ce qui rend encore plus suspecte cette offensive éclair. Début novembre, le candidat n'atteignait pas 1% dans les sondages et il finit à près de 23% des voix au premier tour. C'est qu'entre-temps, selon le Conseil de défense roumain, il a bénéficié d'une « exposition massive » sur TikTok tout en n'étant pas étiqueté « candidat politique ». Les 25 000 comptes TikTok sont devenus extrêmement actifs en sa faveur et la mobilisation s'est organisée depuis Telegram. Des logos d'institution ont été aussi détournés pour faire croire à un soutien officiel. Si on ajoute des cyberattaques venues de Russie lors du premier tour, on a là tous les signaux de ce que les spécialistes appellent une « guerre hybride ». À lire aussiEn Roumanie, accusé d'avoir favorisé un candidat, TikTok jette le trouble sur les élections
Le gouvernement de Benyamin Netanyahu prend des mesures de répression à l'égard de la presse libre et de l'audiovisuel public en Israël. Le ministre israélien des Communications, Shlomo Karhi, cible ceux qui « soutiennent les ennemis de l'État » en s'en prenant au journal Haaretz, véritable institution du journalisme, créé en 1919 sous le mandat britannique. Dimanche 24 novembre, ce ministre venu de la branche dure du Likoud a fait adopter une résolution visant à rompre tout soutien, de quelque nature que ce soit, avec ce journal de centre-gauche, reconnu pour le sérieux de ses enquêtes et critique à l'égard de la guerre menée par Netanyahu.Haaretz sera donc privé de tous les abonnements des administrations, de toutes les publicités d'État, de toutes les aides publiques. Il est même interdit aux fonctionnaires de lui parler. Un boycott que Karhi justifie par les éditoriaux du quotidien, mais aussi par une intervention à Londres de son éditeur Amos Schocken qui a dénoncé un « cruel régime d'apartheid » imposé à la population palestinienne, tout en évoquant « les combattants de la liberté palestiniens, qu'Israël qualifie de terroristes ». Une expression dont s'est désolidarisée la rédaction, même si ce directeur a expliqué qu'il ne parlait pas alors du Hamas.En réalité, il s'agit d'un prétexte, car ce que vise Shlomo Karhi, c'est surtout l'expression de voix dissonantes, notamment depuis le mandat d'arrêt émis contre Benyamin Netanyahu par la CPI. Un mandat d'arrêt qui, selon Haaretz, « met à rude épreuve les liens politiques et diplomatiques d'Israël avec ses alliés et change la façon dont il est perçu ».À lire aussiBenyamin Netanyahu visé par un mandat d'arrêt de la CPI: «Un symbole fort»L'audiovisuel public est aussi dans le viseur du gouvernement. Et pas dans la nuance. Là, il s'agit, dans les deux ans, de fermer puis de privatiser Kan, la télé publique et ses radios. La proposition de loi du ministre a déjà obtenu un vote préliminaire du Parlement. Au « nom d'une idéologie d'économie libérale », dit-il, il faut en finir avec un média « qui appelle à la haine contre l'État d'Israël » pour recéder les fréquences à des intérêts privés.Évidemment, une telle disposition illibérale est typique des régimes autoritaires et des mesures préconisées par l'extrême droite. Mais ce n'est pas très étonnant de la part d'un gouvernement qui interdit un média étranger comme Al-Jazeera au nom de la sécurité nationale. Il a même obligé en août Kan, le diffuseur public, à couvrir les frais de diffusion de Channel 14, une télé pro-Netanyahu, en l'installant sur la TNT israélienne. Et il prévoit d'attribuer lui-même les licences de radios, sans passer par une autorité indépendante. C'est le moment de se rappeler qu'Israël se flatte d'être la seule démocratie du Moyen-Orient. Et qu'il n'est pas de démocratie sans médias libres. À lire aussiIsraël: le gouvernement interdit la diffusion d'Al-Jazeera dans le pays
La couverture du dérèglement climatique à l'occasion de la COP29 montre que cette COP a raté son rendez-vous avec les médias. Il y avait beaucoup de journalistes à la COP29, on en a compté près de 3 000 à Bakou. C'est beaucoup, même si c'est tout de même 1 000 de moins que l'an dernier. Très vite, cette COP en Azerbaïdjan a été parasitée par l'élection de Donald Trump, le premier des climato-sceptiques, qui a promis de sortir son pays de l'Accord de Paris. Puis, il y a eu le G20 et l'importance des questions internationales en Ukraine et au Moyen-Orient. Mais surtout, c'est le choix de l'Azerbaïdjan qui s'est révélé complétement contre-productif. Non seulement c'est un pays producteur de gaz et de pétrole, ces « dons de Dieu », selon son président, Ilham Aliev, mais c'est aussi un régime autoritaire accusé d'atteintes aux droits de l'Homme au Haut-Karabakh, face à la population arménienne, ou à l'intérieur de ses frontières. Le Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe a ainsi appelé à libérer les journalistes et les militants emprisonnés. Bakou s'est révélé très vite l'épicentre de tensions diplomatiques beaucoup plus que de convergences de vues. On l'a vu lorsque le président argentin Javier Milei a claqué la porte. Ou lorsque la ministre française de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a annulé sa venue après les propos d'Ilham Aliev, accusant la France de crimes en Nouvelle-Calédonie. La question centrale du dérèglement climatique, après l'année la plus chaude de l'histoire, a souvent été masquée par ces incidents.À écouter, notre série de reportages :Les effets visibles du changement climatiqueUne couverture médiatique qui n'est pas à la hauteur des enjeux Dans l'ensemble, la couverture médiatique n'a pas été à la hauteur des enjeux, même si certains médias, dotés d'équipes conséquentes sur l'environnement, comme Le Monde, ont apporté un traitement éditorial important. Le journaliste de Reporterre, le média de l'écologie, qui est allé en train à Bakou, a pointé les attentes dans les pays du Sud : un impôt sur les ultra-riches face au coût écologique des jets privés, une hausse du financement de la transition climatique avec 1 200 milliards de dollars attendus contre 100 aujourd'hui, la fin de la répression des militants écologistes qui luttent contre la déforestation ou les gazoducs. Globalement, la COP29 a échoué à mobiliser les médias. En France, on mesure sur le site de l'INA data que le climat est une vague verte qui retombe à partir de 2023 dans les journaux télévisés. Des progrès ont été faits, comme le fait de ne pas illustrer une canicule par un sorbet de glace ou d'associer des catastrophes comme les inondations dans la région de Valence à la question climatique. Mais, on l'a bien vu en Espagne, les gens ne sont pas encore informés à la mesure de l'urgence. À écouter dans C'est pas du ventCOP29 : comment faire face au chaos ?
Le réseau social d'Elon Musk, X, anciennement Twitter, est ostensiblement abandonné par de grands journaux. Après le Guardian, le journal britannique, c'est au tour du quotidien de Barcelone, La Vanguardia, d'annoncer qu'il ne publiera plus de contenus sur X. Le Guardian avait été très marqué par le rôle du réseau d'Elon Musk dans les émeutes racistes de cet été en Angleterre. La Vanguardia, elle, retient l'influence néfaste de bots indiens qui ont poussé sur X de la désinformation au moment des inondations de la région de Valence. Le Guardian parle de « plateforme médiatique toxique », La Vanguardia de « réseau de désinformation ». Les deux journaux estiment que les inconvénients à publier sur X sont aujourd'hui supérieurs aux avantages, même s'ils n'empêchent pas de partager leurs articles. Le quotidien britannique dénonce un « contenu souvent dérangeant promu ou trouvé sur la plateforme, incluant des théories du complot de l'extrême droite et du racisme ».L'appui apporté à Elon Musk dans l'élection de Donald Trump en causePendant la campagne, les utilisateurs de X avaient deux fois plus de chances d'être exposés à des contenus pro-Trump, qu'à des sources pro-Harris. Elon Musk a milité aux meetings de Trump, il a personnellement investi 130 millions de dollars dans sa campagne, notamment avec sa loterie et ses chèques d'un million de dollars dans les États clés. Il en a été récompensé en étant nommé à la tête d'un ministère de l'efficacité gouvernementale.Sur son réseau social, Elon Musk a fait de la libre expression une vertu cardinale, quitte à relayer des infox et des intox, déclenchées par son algorithme. « Le média, c'est vous », a dit Musk à ses utilisateurs. En réalité, le média, c'est plutôt lui, Elon Musk.Reporters sans frontières a annoncé jeudi qu'elle poursuivait sa société, car X a diffusé, sans modération, une vidéo attribuée faussement à la BBC et reprenant le logo de RSF pour attester d'un prétendu penchant nazi des Ukrainiens.À lire aussi Présidentielle américaine : Elon Musk, poursuivi pour sa loterie électorale, sèche l'audienceDes conséquences au niveau européenUne petite phrase du futur vice-président J.D. Vance, pendant la campagne, n'a pas manqué d'attirer l'attention à Bruxelles. Le recours à « la puissance américaine, a-t-il dit, est assorti de certaines conditions. L'une d'elles est le respect de la liberté d'expression ». Or, X fait en ce moment l'objet d'une enquête de la Commission européenne au nom du règlement sur les services numériques. Imagine-t-on la nouvelle Commission attaquer de front le principal soutien de Trump ? Elle espère surtout du futur président qu'il ne se désengage pas totalement de l'Ukraine et qu'il n'entre pas en guerre commerciale avec l'Union européenne.À lire aussiL'Union européenne s'attaque de front aux GAFAM
La chaîne de télévision Canal+ a fêté ses 40 ans le 4 novembre. Et aujourd'hui, le groupe affiche de grandes ambitions internationales. Si on parle encore parfois de Canal+ comme d'une chaîne cryptée, c'est en référence à ses débuts, il y a 40 ans, lorsqu'elle a été la première à se lancer sur un modèle par abonnement. Elle était alors perceptible, avec son floutage et ses grésillements, sur le quatrième canal d'une télévision qui ne comptait à l'époque que trois chaînes.Son fondateur est André Rousselet qui, en tant que président de Havas, est un proche du président français François Mitterrand. C'est lui qui va faire le succès de Canal+. Il démissionne et est remplacé par Pierre Lescure en 1994, lorsque Canal+ tombe sous la dépendance de la Compagnie générale des eaux de Jean-Marie Messier. Puis, le groupe s'engage dans l'aventure américaine de Vivendi, qui rachète Universal et essuie son premier échec en Italie. Canal+ se redresse et développe ses séries originales sous la présidence de Bertrand Méheut. Ce n'est qu'en 2014-2015 que Vincent Bolloré prend le contrôle du groupe.Nouvelle stratégie sous BolloréEt là, beaucoup de choses changent pour Canal+. D'abord parce que Vincent Bolloré apporte avec lui sa chaîne de la TNT qui va devenir C8. Sous sa houlette, la chaîne d'information en continu Itélé se transforme en CNews. Deux chaînes que le régulateur a plusieurs fois mis à l'amende et qui sont accusées de pencher à l'extrême droite.Vincent Bolloré fait subir une cure d'austérité à la chaîne Canal+ en supprimant la plupart de ses programmes gratuits comme le Grand Journal ou les Guignols de l'info. C'en est fini du ton libre et décalé de Canal. La chaîne conserve son engagement dans le cinéma mais arrête d'être le diffuseur de la Ligue 1. Le groupe va perdre sa fréquence TNT pour C8. Il se voit désormais d'abord comme un distributeur de programmes à travers MyCanal, qui diffuse les principales plateformes de streaming.Entendre son emprise à l'internationalEt c'est aussi un nouvel axe pour Canal+ à l'international, notamment en Afrique. Le groupe était déjà présent en Afrique, mais il se développe en Europe centrale et en Asie. Les deux tiers de ses 26 millions d'abonnés se situent désormais hors de France, où il reste déficitaire. C'est au printemps que le groupe lance une offre publique d'achat sur son rival sud-africain Multichoice, pour s'implanter en Afrique anglophone et lusophone. Il lui reste encore à convaincre les autorités anti-trust à Johannesburg, notamment en montrant qu'il prend des engagements pour le maintien de l'emploi, alors que la loi interdit à une société étrangère d'avoir plus de 20% des droits de vote.S'il réussit, le groupe arrivera à 50 millions d'abonnés. Il sera coté à Johannesburg, après avoir été coté à Londres à compter de décembre prochain. Un signe de sa volonté d'attirer les investisseurs et de poursuivre ses acquisitions.À lire aussiMédias: pourquoi le groupe français Canal+ veut racheter le sud-africain MultiChoice
Comment les médias se mobilisent pour couvrir l'élection américaine ? Avec un enjeu pour cette élection, montrer qu'ils ne sont pas que des machines à promouvoir les opérations de com. On le voit aux spots de pub incessants à l'approche du 5 novembre, notamment dans les États pivot, les fameux « swing states ». Pour une soirée sur la chaîne NBC, vous avez six à huit spots par candidat. Trump s'y présente comme le sauveur de l'Amérique quand Harris met en scène un ouvrier qui vote pour son avenir. Selon le cabinet eMarketer, la communication politique va totaliser 12,32 milliards de dollars de dépenses contre 9,5 en 2020. Une com qui se retrouve aussi sur les écrans à travers la stratégie de Donald Trump consistant à retourner en sa faveur des éléments de discours. Exemple : Kamala Harris dit avoir fait un job d'été chez Mc Donald's. « Elle ment » assure Trump qui apparaît en serveur dans un restaurant McDo. Mercredi, c'est au volant d'un camion poubelle qu'il est apparu pour rebondir sur la gaffe de Joe Biden traitant les supporteurs de Trump d'« ordures ». Une façon de prendre au pied de la lettre le mot du président qui répliquait lui-même à l'insulte d'un humoriste pro-Trump contre des Portoricains. Le candidat a un côté clown, mais il se met ainsi au centre de l'agenda médiatique et oblige la campagne à se définir autour de ses mises en scène. Pour les médias comme les réseaux sociaux, il est alors difficile de ne pas se mettre à la remorque du camion-poubelle. Tous les contenusÉlections USA 2024Et en France comme aux États-Unis, les médias se préparent...Un studio délocalisé à Washington pour TF1-LCI avec 40 personnes sur place. Une centaine mobilisée pour France Télévisions avec un 20 heures de France 2 en direct de New York. 11 équipes de reporters et une quinzaine de figures de l'antenne pour BFMTV. Et pour France 24 qui sera en édition spéciale commune avec RFI dès 19 heures, cette nuit américaine sera francophone avec des partenaires belges et suisses de la RTBF de la RTS. Elle sera aussi diffusée sur les chaînes parlementaires Public Sénat et LCP. L'enjeu est de tenir l'antenne en évitant les pièges de la désinformation sur des tricheries éventuelles alors que les médias américains auront la responsabilité de dire par qui a été remporté un État clé. Pour cela, ABC, CBS, NBC et CNN s'appuient sur un même institut, Edison Reseach, mais aussi sur leurs « decision desks », des équipes de statisticiens. Enfin, il faut compter avec le rôle des grands quotidiens qui avaient appelé, dans leur très grande majorité, à voter Biden en 2020. Cette fois, ni le Washington Post de Jeff Bezos ni le Los Angeles Times de Patrick Soon-Shiong ne se prononceront, en raison de l'opposition de leur propriétaire. Un peu comme si là aussi se jouait une bataille entre deux Amériques : celle des milliardaires contre celle des citoyens.
Le 17 octobre, un journal a été la cible de tirs au Mexique, une attaque qui rappelle que le pays est l'un des plus dangereux pour les journalistes. Deux véhicules s'arrêtent devant un journal de Culiacan, dans l'État de Sinaloa, bien connu pour son cartel et la violence de ses gangs, le 17 octobre dernier. Et devant ce journal, El Debate, un homme tire une rafale contre les vitres de la rédaction. Heureusement, il n'y a eu aucune victime. Mais cette attaque montre bien que le Mexique de la nouvelle présidente Claudia Sheinbaum, qui a pris ses fonctions le 1er octobre, n'en a pas fini avec les menaces contre ses journalistes.En 25 ans, 160 professionnels des médias ont été tués au Mexique, selon Frédéric Saliba, l'ancien correspondant du Monde qui vient de publier Cartels aux éditions du Rocher. Cela en fait un des pays les plus dangereux au monde pour les journalistes, même si, il faut le rappeler, le niveau de violence est très élevé pour l'ensemble de la population avec plus de 30 000 morts violentes par an, 450 000 en dix-huit ans. Les reporters sont précisément des cibles à cause de ce qu'ils révèlent de cette violence du crime organisé. À lire aussiMexique: Claudia Sheinbaum présente sa politique de sécurité et de lutte contre le narcotraficL'année 2024 ne montre aucune améliorationL'an dernier, Reporters sans frontières (RSF) a recensé quatre journalistes mexicains tués. Et depuis le début de cette année, il y en a eu déjà autant, dont Luis Martin Sanchez Iniguez, du quotidien La Jornada, ou Alejandro Alfredo Martinez Noguez, qui bénéficiait pourtant d'une protection de l'État avec des gardes du corps.À lire aussiMexique: un journaliste du grand quotidien «La Jornada» assassinéReporters sans frontières parle de « spirale incontrôlée contre les professionnels des médias » et relève que le précédent mandat d'Andrés Manuel Lopez Obrador n'a apporté aucune réforme pour lutter contre l'impunité sur ces crimes.Mario Gomez Sanchez, par exemple, a été assassiné en 2018 dans l'État du Chiapas après avoir dénoncé la corruption et le crime organisé. Trois hommes de mains sont en prison, mais les commanditaires, probablement liés au milieu politique, ne sont toujours pas inquiétés. La collusion entre les autorités et le crime organisé est courante au Mexique.À lire aussiLe Chiapas, un État mexicain qui s'enfonce dans la violenceLa présidente Claudia Sheinbaum s'est engagée à mieux lutter contre ces crimesLa nouvelle présidente a promis d'encadrer le système judiciaire pour assurer de véritables enquêtes sur les crimes commis contre les journalistes, en particulier au niveau local, en lien avec les parquets.Dans le passé, il y a aussi eu des cas de manipulation de la justice et même des médias audiovisuels Televisa et TV Azteca. L'affaire Florence Cassez, cette Française arrêtée après une mise en scène de l'ancien chef de la lutte anti-drogue, Genaro Garcia Luna, en est une illustration. Il est aujourd'hui en prison aux États-Unis, accusé de complicité avec le cartel du Sinaloa. Il aurait aussi tenté de faire assassiner la journaliste Anabel Hernandez, plume d'or de l'Association mondiale des journaux, qui a enquêté sur lui.À lire aussiMexique: le cartel de Sinaloa déchiré par une guerre ouverte, quinze morts
Le 5 novembre 2024, les citoyens états-uniens voteront pour leur nouveau président. L'une des particularités de cette campagne électorale, c'est que c'est sans doute celle qui est la plus éloignée des grands médias traditionnels. En 2024, la campagne électorale se tient éloignée des médias traditionnels et pour s'en convaincre, il suffit de regarder le nombre de débats politiques à la télévision entre Kamala Harris et Donald Trump : il n'y en a eu qu'un, le 10 septembre, après le débat Biden-Trump désastreux pour l'actuel président. Depuis, on le sait, Donald Trump refuse tout débat télévisé. Son face-à-face avec la vice-présidente n'a pas tourné à son avantage tant les journalistes de la chaîne ABC l'ont renvoyé à ses mensonges et à ses incohérences.Kamala Harris a eu recours au réseau social X d'Elon Musk, le farouche soutien de Donald Trump, pour dire qu'elle avait accepté un deuxième débat et une interview sur 60 minutes, de CBS, contrairement à son adversaire, et qu'il fallait donc se demander ce qu'il essayait de cacher. Elle-même s'est rendue sur l'antenne de la très conservatrice Fox News le 16 octobre et elle a joué le jeu d'un vétéran des ondes, Howard Stern, pour dévoiler ses goûts musicaux.Les candidats fuient les médias traditionnels... pour échapper à la contradiction ?On peut le penser s'agissant de Donald Trump, qui se retrouve à son tour attaqué sur ses capacités cognitives ou son âge. Il n'a sans doute pas envie non plus de répondre au récent livre de Bob Woodward qui affirme qu'il a continué d'avoir une relation avec Vladimir Poutine depuis l'invasion de l'Ukraine. Sans compter les multiples procès dans lesquels il est impliqué. Il préfère donc s'exprimer en public dans ses meetings, sur Fox News ou auprès d'influenceurs comme Andrew Schulz. C'est un peu comme si la campagne se jouait ailleurs : chez les podcasteurs, les influenceurs, où on peut dérouler son discours sans être contredit. Pour Kamala Harris, qui n'a pas plus accordé d'entretien à la presse écrite, c'est différent. Elle ne veut sans doute pas se laisser enfermer dans une image de candidate des journaux de la côte Est. Pour elle, ce n'est plus la bataille d'arguments qui compte, mais la mise en avant de sa personnalité sur des plates-formes comme Spotify avec la podcasteuse Alexandra Cooper.La question du fact-cheking est poséeLors du débat des colistiers, le républicain J.D. Vance a pu affirmer : « les règles étaient que vous ne deviez pas faire de fact-checking » à propos des migrants haïtiens illégaux. Vérité médiatique contre-vérité alternative, le camp Trump rejoue le même match.Au fond, il y a un seul domaine où les médias ne sont pas contestés. C'est celui d'un matraquage publicitaire record. Le camp démocrate aurait collecté près d'un milliard de dollars, et il aurait déjà dépensé deux fois et demie plus que son rival dans des spots télé de trente et même de soixante secondes. À lire aussiÉtats-Unis: en pleine campagne présidentielle, Elon Musk multiplie les fake news
Il est de plus en plus difficile de couvrir les guerres d'Israël contre le Hamas à Gaza puis contre le Hezbollah au Liban, alors même que se tient en Normandie le prix Bayeux des correspondants de guerre. À Bayeux, la soirée de ce vendredi était justement consacrée au grand reportage au Proche-Orient. La veille, a été dévoilée une stèle portant les noms de 56 journalistes tués dans l'exercice de leur profession durant l'année écoulée. 56 reporters dont une trentaine de Palestiniens pour lesquels un olivier a été planté. En réalité, selon Reporters sans frontières, ce ne sont pas 30, mais 130 journalistes qui ont été tués depuis le 7 octobre à Gaza et, précise RSF, au moins 32 de ces reporters ont été ciblés et tués en plein travail.La bande de Gaza difficile d'accèsLes bureaux de journalistes locaux de l'AFP ont été la cible de chars israéliens à Gaza ville, en novembre 2023. On sait aussi qu'un reporter de Reuters a été tué au Liban Sud le 13 octobre, après deux tirs de chars blessant également d'autres journalistes. Quatre plaintes ont été déposées par RSF contre Israël devant la Cour pénale internationale.Et ce qui caractérise le conflit à Gaza, c'est le blackout médiatique imposé par Israël. Selon la presse allemande, c'est sans précédent dans l'histoire récente. L'armée israélienne empêche les journalistes occidentaux de se rendre à Gaza et les rares qui sont autorisés à le faire sont extrêmement encadrés. Le motif officiel est d'éviter qu'ils soient tués, mais c'est surtout une véritable stratégie. Car cette interdiction empêche toute intermédiation occidentale avec les traumatismes, les souffrances inouïes que vit la population gazaouie.Alors, bien sûr, les rédactions cherchent à contourner ce blocus en sollicitant les sources dont elles disposent sur place ou en vérifiant ce qui arrive sur les réseaux sociaux. Et c'est pourquoi les vidéastes et journalistes à Gaza sont visés, qu'ils soient en train de prendre des images ou, comme tout le monde, de rechercher un toit ou de la nourriture.À lire aussiBande de Gaza: 365 km² anéantis par Israël en 365 jours, «une volonté de détruire une mémoire»Des journalistes présents au LibanMais pour la guerre que mène Israël au Liban, il est Impossible d'empêcher les envoyés spéciaux de constater les bombardements à Beyrouth. Les journalistes peuvent mesurer directement l'ampleur des destructions ou le dénuement du million de déplacés. C'est important, car on a vu à travers un sondage récent (Destin Commun) que les deux tiers des Français déplorent l'invisibilisation des morts palestiniens.Or, invisibiliser, cela permet à l'armée israélienne et à ses porte-paroles de continuer de dérouler sa propagande à travers des discours parlant de « raids terrestres localisés » alors même qu'elle se prépare à envoyer 15 000 hommes au sud du Liban. Une vérité de terrain qui incitera peut-être certains médias audiovisuels à écouter davantage ses reporters que ses éditorialistes.À lire aussi [Direct] Guerre au Proche-Orient: deux soldats libanais tués à Kafra, dans le sud du pays
Les atteintes à la liberté d'expression se multiplient en Tunisie à l'occasion des élections présidentielles de ce dimanche, dont le président sortant Kaïs Saïed est le grand favori. Pour qui se souvient des espoirs que la révolution de Jasmin avait engendré, en 2011, avec ses agoras citoyennes sur l'avenue Bourguiba de Tunis et son printemps des blogs, la Tunisie de Kaïs Saïed ressemble à un automne des libertés publiques, et en particulier pour les journalistes et les médias.En mai dernier, une journaliste de France 24 et son caméraman avaient filmé en direct l'arrestation brutale de l'avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani qui a depuis été condamnée en appel à huit mois de prison ferme. En vertu du décret-loi 54 de 2022 sur la « diffusion de fausses nouvelles », elle s'était rendue coupable – selon la justice tunisienne – de propos jugés critiques à l'égard du président. Comment ? Eh bien en ironisant sur la théorie du grand remplacement à la tunisienne alors que Kaïs Saïed avait fustigé des « hordes de migrants subsahariens » et un « complot » pour changer la démographie de la Tunisie. « Mais de quel pays extraordinaire parle-t-on », avait demandé l'avocate sur un plateau de télévision. Quelques jours après, elle était arrêtée.Une dégringolade de 48 places au classement mondial de RSFReporters sans frontières a alors parlé d'« escalade répressive » à l'encontre des journalistes. Car en effet, les images où l'on voit l'équipe de France 24 bousculée par les services de sécurité ne sont rien à côté de la réalité que vivent les médias tunisiens. Alors qu'une vingtaine de journalistes et une quarantaine d'avocats et de figures politiques ont été poursuivis sur la base du décret 54, selon le syndicat des journalistes tunisiens, deux chroniqueurs de la radio IFM et de la chaîne Carthage+, Bohren Bsaïes et Mourad Zeguidi, ont été condamnés à un an de prison.Le motif est toujours le même : la diffusion de fausses nouvelles. Mais pour avoir refusé de livrer leurs sources sur une opération antiterroriste, comme l'ont fait Noureddine Boutar et Khalifa Guesmi, de Mosaïque FM, la peine peut aller jusqu'à cinq ans de prison. Sans compter les intimidations et les coups pendant les manifestations. Comme dit l'humoriste exilé Lofti Abdelli à France 24, « On est le seul peuple arabe qui peut dire : "on est en dictature" ».Dérive autoritaireEt de son côté, le président Saïed ignore la presse. C'est bien simple : il ne fait pas campagne, il se refuse absolument à répondre aux journalistes et il ne participe à aucun débat télévisé, à la différence de sa première candidature lors de l'élection de 2019. Dans le plus pur style populiste, le président rejette toute forme d'intermédiation avec des journalistes et entend parler directement au peuple sur les réseaux sociaux. C'est du reste sur ces réseaux que viennent, le plus souvent, la désinformation et les campagnes contre la presse.À lire aussiPrésidentielle en Tunisie: un ex-député admirateur de Lula, un homme d'affaires en prison et un «hyperprésident» en lice
En Afrique de l'Ouest, la crainte d'un « trou noir de l'information » est ravivée cette semaine par un appel de plus de 500 radios locales du Sahel. L'expression « trou noir de l'information » est de Reporters sans frontières (RSF), et Sadibou Marong, le directeur du bureau Afrique de l'organisation, l'a réitérée mardi, après avoir recueilli la signature des responsables de 547 radios communautaires. Avec une vingtaine de directeurs de ces radios présents à Bamako, RSF lance un appel aux autorités des pays du Sahel où sévissent des bandes armées ainsi que des groupes jihadistes.Au Mali, au Niger, au Burkina Faso et dans certaines zones du Tchad, ils demandent d'abord qu'on ouvre des enquêtes sur deux journalistes de ces radios tués ces derniers mois, Abdoul Aziz Djibrilla et Idriss Yaya. Ils demandent aussi qu'on agisse pour obtenir la libération de quatre d'entre eux qui ont été enlevés, notamment deux reporters de Radio Coton d'Ansongo, au Mali. Les radios communautaires, qui diffusent en langues locales, sont souvent l'un des rares vecteurs d'information. Et les protéger, reconstruire leurs locaux quand ils sont détruits ou reconnaître leur rôle dans les législations devraient être, selon RSF, une priorité.À lire aussiSadibou Marong (RSF): «Les journalistes des radios communautaires paient un lourd tribut dans la région du Sahel»Un journaliste de France 24 poursuivi au NigerDu côté des médias internationaux, les poursuites engagées contre Wassim Nasr, un journaliste de France 24, témoignent aussi d'une volonté d'empêcher toute information indépendante. Dans un communiqué, le procureur de la République du Niger, qui a ordonné l'ouverture d'une enquête contre ce journaliste, tout en saluant « le professionnalisme et la bravoure des Forces de défense de la Confédération des États du Sahel », reproche à Wassim Nasr des « commentaires tendancieux au lendemain de chaque attaque terroriste » qui sont assimilés à « des actes de publicité et de soutien flagrant aux terroristes ».Bien sûr, France 24 dénonce ces accusations concertées avec le Mali et le Burkina Faso et exprime son soutien à son journaliste, qui travaille dans le respect des règles professionnelles, c'est-à-dire en recoupant ses sources au lieu de lire les communiqués du pouvoir.Car après les arrestations arbitraires et l'éviction de médias internationaux comme RFI, France 24 ou TV5, le but est bien d'imposer l'autocensure. Le « trou noir de l'information » n'empêche pas les Africains ayant accès au numérique de s'informer, ainsi qu'en attestent les 4,4 millions d'abonnés à la chaîne WhatsApp de France 24. Mais il empêche les gens situés dans les zones les plus reculées, là même où diffusent les radios communautaires, d'être informés et de garder un lien avec l'extérieur. C'est précisément ce que souhaitent les jihadistes qui ne veulent pas voir questionnés leur idéologie et leurs actes.À lire aussiLe Sahel central, «l'un des plus gros trous noirs de l'information»
À l'occasion de ses 10 ans de présence dans l'hexagone, tour d'horizon des séries à venir sur la plateforme américaine. À son lancement en France en septembre 2014, Netflix était déjà précédée de sa réputation de plateforme mondiale. Et pourtant, cela n'avait pas empêché ses promoteurs d'offrir un abonnement de trois mois aux journalistes pour les inciter à plonger dans son univers et découvrir des séries comme Orange is the New Black, House of cards puis des créations européennes comme la Casa de Papel ou Marseille, sa première série française dès 2016.Aujourd'hui, en France, Netflix dénombre une vingtaine de contenus originaux par an, dont Lupin avec Omar Sye, Tapie avec Laurent Laffite ou, dernièrement, le fameux Sous la Seine, ce film de requin, sorti au moment des Jeux olympiques, déjà vu plus de 100 millions de fois.La plateforme est obligée d'investir 20 % de son chiffre d'affaires en France dans la création audiovisuelle, soit 250 millions d'euros, c'est-à-dire dans les séries, mais aussi les films et les documentaires. Elle compte 10 millions d'abonnés français, mais dispose, depuis un an, d'une petite particularité : sa formule de base, à près de six euros, contient de la publicité. Alors qu'il fallait débourser huit euros pour l'abonnement standard sans pub il y a dix ans, il faut compter 13,5 euros désormais.Netflix France a présenté au Festival de fiction de La Rochelle, la semaine dernière, ses prochaines créations qui n'échappent pas à la grande tendance du moment, à savoir « le thriller d'époque ». Exemple avec une saga de l'été Qui sème le vent, sur un meurtre dans une exploitation florale avec Isabelle Adjani et Ava Baya.Mais on peut citer aussi Les lionnes, l'histoire de quatre Marseillaises vivant dans la misère qui décident de faire un braquage, la série GIGN avec Tomer Sisley, ou encore Bandi d'Eric Rochant sur une famille martiniquaise qui bascule dans le monde des gangs et de la drogue. Au fond, les séries veulent refléter les angoisses de la France d'aujourd'hui, ce qu'on voit aussi dans Cimetière indien, de Canal+, sur des assassinats commis à trente ans d'intervalle au nord de Marseille, dans une France péri-urbaine sur fond de racisme et d'islamisme.Même Fortune de France, sur France 2, adaptation d'un livre de Robert Merle sur les guerres de religions au XVIème siècle, résonne avec une certaine actualité en raison de l'intolérance qu'elle met en scène. L'autre grande veine de la fiction française est sociale avec notamment, pour France 2, Signalements, sur l'enfance maltraitée, ou À l'épreuve qui suit le destin d'une femme seule contrainte de devenir éboueuse pour élever son enfant.
Réunis à la demande du président français Emmanuel Macron, les États généraux de l'information viennent de rendre leurs conclusions, jeudi 12 septembre 2024, après onze mois de travaux. C'est par un rapport de 350 pages que se sont soldés ces États généraux présidés par Bruno Patino, le patron d'Arte, qui les a repris après la démission de Bruno Lasserre, et plus encore après la mort brutale de Christophe Deloire, l'ancien dirigeant de RSF.Pour Bruno Patino, le plus important est sans doute que ce rapport, issu de 174 auditions et d'assemblées citoyennes, permette de défendre des vérités factuelles, donc le journalisme, face à ces contre-vérités qui minent le débat public. On l'a encore vu cette semaine lorsque Donald Trump a affirmé que les migrants mangeaient des chiens et des chats dans l'Ohio ou qu'ils affluaient par millions des prisons et des asiles d'aliénés. Lorsque le journaliste a rétabli les faits, il a été accusé par le candidat républicain d'être de parti pris.Que préconise le rapport ?Il s'agit d'abord de lutter contre la désinformation en favorisant une information de qualité sur les réseaux par un label de fiabilité, auquel souscriraient les médias, et qui pourrait être privilégié dans les algorithmes, tant auprès du public que des annonceurs. C'est tous le sens de la Journalism Trust Initiative, promue par RSF, qui se félicite également que le rapport reprenne ses mesures sur la protection du secret des sources et la législation contre les procédures bâillons qui visent à faire taire les journalistes. Le rapport suggère aussi qu'une partie de la taxe sur les services numériques, la fameuse taxe GAFA, soit affectée à l'information.Un rapport critiquéCarine Fouteau de Mediapart lui reproche d'oublier « les vrais ennemis du droit de savoir » que sont les acteurs politiques et économiques. Le rapport refuse de recommander un droit d'agrément des rédactions à la nomination de leur directeur, comme cela existe au Monde ou aux Échos, alors que c'est ce que réclamaient les journalistes en grève du JDD après le rachat de leur titre par Bolloré et l'imposition d'un directeur venu de Valeurs actuelles.À la place, le rapport suggère que soient mis en place des comités d'éthique paritaires où pourront être discutés les choix de l'actionnaire, ce qui ne risque pas de le dissuader beaucoup, même si est retenue l'idée de faire des présidents de sociétés de journalistes des salariés protégés. Mais ce qui est recherché, c'est un équilibre entre le droit à l'information et le droit d'entreprendre. Il revient maintenant au gouvernement d'arbitrer ce « rapport Macron-compatible » qui n'en contient pas moins des pistes d'amélioration.À écouter aussiDes états généraux de l'information pour «sensibiliser les citoyens contre les ingérences étrangères»
L'application cryptée dont le fondateur, Pavel Durov, a été mis en examen en France, est à la fois un canal de diffusion pour des médias et un outil de trafics criminels. Décryptage. C'est toute l'ambivalence de cette messagerie d'origine russe, qui est à la fois plébiscitée par l'opposition anti-Vladimir Poutine, car elle permet de diffuser de l'information non officielle, et qui est en même temps exploitée par des groupes de trafiquants ou de criminels, des déviants sexuels voire des réseaux terroristes. Dans l'univers des médias, Telegram est aussi du côté des pirates : elle diffuse des images sans payer de droit d'auteur et retransmet par exemple en France les matchs de la Ligue 1, profitant du prix élevé des abonnements.C'est d'ailleurs bien plus qu'une messagerie, plutôt une sorte d'internet crypté avec ses chaînes vidéo, ses espaces d'échange de fichiers, ses jeux vidéo, ses sites de paris et sa cryptomonnaie. Telegram s'est engagé à ne jamais révéler l'identité de ses utilisateurs ou de ses abonnés, et c'est pour cette raison que son patron est appréhendé par la justice, au vu des infractions pénales constatées.Un média non censuréPavel Durov s'est exprimé jeudi 5 septembre sur Telegram pour dire qu'il supprimait « des millions de messages et de chaînes nuisibles chaque jour ». On peut en douter, mais c'est peut-être vrai si Telegram a une super IA qui permet de prohiber certains contenus. Une chose est sûre, c'est qu'elle n'a pas les équipes de modérateurs des grandes plateformes. Pour une raison simple : son modèle économique repose sur sa réputation d'espace libertarien non censuré, sans modération et l'absence de données personnelles.On peut d'ailleurs noter que Telegram vit non seulement de ses abonnés, mais aussi de la publicité. Avec un détail : il n'y a aucun ciblage sur les données personnelles, les publicités ne sont adressées que sur la base des thématiques ou des univers visités.Une application populaire en RussieTelegram est donc un outil précieux dans les régimes autoritaires. On le voit en Russie où Telegram est la première source d'information non censurée. Alexeï Venediktov, le patron de l'emblématique radio Echo de Moscou, a sa chaîne Telegram, avec 200 000 abonnés. Or, il est bien clair que c'est parce qu'il n'est pas sous le contrôle du Kremlin que ce média qui a critiqué l'invasion de l'Ukraine, qui est sur la liste des agents de l'étranger, utilise l'application. Du reste, l'Ukraine et Volodomyr Zelensky l'utilisent aussi. Et on a vu en Iran que c'est entre autres par Telegram que les militants d'opposition s'échangent des informations. « Une grammaire de la liberté contre l'État qui se heurte à notre grammaire civique » en Europe, comme dit Françoise Daucé dans Le Monde.À lire aussiPavel Durov, patron de Telegram, réagit pour la première fois depuis son interpellation
Jeudi 4 juillet, le Labour, le Parti travailliste, emmené par Keir Starmer, a largement remporté les élections législatives au Royaume-Uni, gagnant 410 circonscriptions sur 650, au détriment des conservateurs de Rishi Sunak. Le nouvel homme fort du pays a pu bénéficier pendant sa campagne du soutien massif des médias. Quel est le point commun entre des journaux aussi différents que le Sun, le Sunday Times, The Economist ou le Financial Times ? Ce sont tous des journaux pro-Starmer, le nouveau Premier ministre du Royaume-Uni. Pourtant, l'homme n'est pas un bon client des médias ou une figure haute en couleur à la Boris Johnson, c'est même tout le contraire. On le disait un brin austère, sérieux, mais sans charisme, une sorte de figure inversée du flamboyant Tony Blair.Keir Starmer, un homme très différent de son prédécesseur, le millionnaire Rishi SunakKeir Starmer, ancien avocat aux droits de l'Homme entré en politique il y a dix ans, a fini par fendre son armure à la télévision. C'est ainsi qu'il a raconté son histoire familiale dans le sud-est de Londres : fils d'un tourneur fraiseur et d'une infirmière atteinte d'une grave maladie auto-immune, il sait ce que sont les problèmes de santé et de pouvoir d'achat. Il a même confié pendant la campagne qu'il avait bien connu la crainte des factures déposées dans la boîte aux lettres et qu'il savait ce qu'il fallait couper si on ne pouvait pas payer — le téléphone, car « c'était toujours plus facile de s'en passer ». Évidemment, le Sun, tabloïd populaire, y a vu un candidat en résonance avec une bonne partie de son lectorat. D'autant qu'il s'est engagé à faire baisser l'immigration. Ce qui séduit les journaux très libéraux et libre-échangistes comme The Economist, voire plus conservateurs comme le Financial Times et le Sunday Times, c'est le mauvais bilan de Rishi Sunak. « Cette génération de Tories [les conservateurs] a ruiné sa réputation de parti des affaires », dénonce le Financial Times, selon lequel « Keir Starmer est mieux placé pour être le dirigeant dont le pays a besoin », même si le journal craint tout de même l'interventionnisme réglementaire d'un gouvernement travailliste. Quant à The Economist, il a aussi appelé à voter pour le Labour en constatant un manque cruel de croissance économique.Keir Starmer, en se disant favorable aux entreprises et à la création de richesses, comme aux travailleurs, plaît aux patrons. Il est aussi celui qui a liquidé l'héritage de Jeremy Corbyn en réglant les questions d'antisémitisme au sein de son parti et en prenant position pour Israël après le 7-Octobre, demandant juste des « pauses humanitaires à Gaza ». Sur le fond, et non sur la forme, il y a beaucoup de points communs avec Tony Blair qui avait, lui aussi, reçu le soutien de la presse de Rupert Murdoch à laquelle appartient le Sunday Times.À lire aussiRoyaume-Uni: le travailliste Keir Starmer nommé Premier ministre
À l'hebdomadaire Marianne, les journalistes sont vent debout contre un projet de rachat du titre de presse par un riche entrepreneur, Pierre-Édouard Stérin, dont des liens forts avec l'extrême droite ont été révélés. C'est dans Le Monde que les journalistes de Marianne ont appris que Pierre-Édouard Stérin, un milliardaire catholique anti-IVG de 50 ans, avait une très grande proximité avec le Rassemblement national.Son bras droit, François Durvye, patron de son fonds d'investissement Otium, a conseillé le parti d'extrême droite pour son programme économique. Un autre lieutenant de Pierre-Édouard Stérin, Alban du Rostu, qui dirige son fonds philanthropique Bien commun, a proposé ses services pour les investitures. Enfin, et c'est une révélation du magazine Challenges, Pierre-Édouard Stérin et François Durvye ont racheté en novembre pour 2,5 millions d'euros la propriété familiale des Le Pen à Rueil-Malmaison, où vit encore Jean-Marie Le Pen.Suite à ces informations, les journalistes ont décidé à l'unanimité de faire grève le vendredi 28 juin. La grève a été levée au soir, les journalistes maintiennent toutefois la pression.La société des rédacteurs fait volte-faceDans un précédent communiqué en date du 21 juin, approuvé par plus de 60% des journalistes, les garanties d'indépendance, comme un droit de véto sur la nomination du directeur de la rédaction ou un représentant au conseil d'administration, semblaient alors suffisantes.Le 21 juin, la rédaction de Marianne avait pourtant déjà connaissance de l'affaire de l'achat de la maison des Le Pen à Rueil-Malmaison ou la participation de Pierre-Édouard Stérin à la production du film du Puy du Fou Vaincre ou Mourir, avec Studio Canal, contrôlé par Bolloré. Mais avec l'article du Monde, dixit la Société des rédacteurs : « ce qui apparaissait comme un engagement idéologique individuel se révèle être une entreprise partisane ».Le vendeur, Daniel Kretinsky, a décidé vendredi 28 juin de suspendre ses négociations Les négociations pour le rachat de Marianne ont été suspendues en accord avec Pierre-Édouard Stérin, et ce, jusqu'au 21 juillet où les parties statueront. Mais Denis Olivennes, le patron de CMI qui représente Marianne, n'a pas l'air d'opposer une digue républicaine à ce rachat. Il y a bien une proposition alternative de l'entrepreneur Jean-Martial Lefranc, mais elle ne dépassait pas hier 5 millions d'euros, ce qui semblait insuffisant. Daniel Kretinsky avait décidé de mettre en vente Marianne après avoir estimé qu'il ne se retrouvait pas dans la ligne éditoriale critique vis-à-vis de l'Union européenne et du libéralisme.Les journalistes de l'hebdomadaire craignent de vivre une situation déjà connue à iTélé devenue CNews, Europe 1 ou au Journal du dimanche, quand la quasi-totalité de la rédaction avait fui suite à la reprise par Bolloré et une orientation de ces médias à l'extrême droite. À lire aussiVincent Bolloré et son empire médiatique, un tremplin pour l'extrême droite en France?
Le Burkina Faso a interdit ce mardi 18 juin la diffusion de TV5Monde pendant six mois. Après RFI, France 24, Le Monde, LCI, Jeune Afrique, c'est au tour de TV5Monde d'être suspendu pour une période assez longue - six mois - au Burkina Faso. Avec en plus une amende de 50 millions de francs CFA, soit 76 000 euros.Ce qui fâche est toujours et encore la remise en cause de la situation sécuritaire et militaire du pays, depuis le coup d'État du capitaine Ibrahim Traoré en octobre 2022. Cette fois, il est reproché des « propos tendancieux », sur l'antenne, de Newton Ahmed Barry. Ce journaliste et ancien président de la Commission électorale s'est exprimé au cours du journal télévisé de TV5 notamment sur l'attaque jihadiste meurtrière de Mansila, dans le nord-est du pays, près du Niger.Alors que plusieurs dizaines d'instructeurs russes sont arrivés du Mali à Ouagadougou, il s'agit aussi de discréditer les rumeurs de mutinerie et de « mouvements d'humeur » apparues sur les réseaux sociaux. « Il n'en est rien », assure l'armée, qui a toutefois la plus grande peine à justifier comment un obus a pu arriver dans la cour de la télévision publique, à deux pas de la présidence. Un « incident de tir », selon la chaîne d'État.Et cette suspension prend un tour particulier compte tenu de la nature de TV5Monde. Car TV5, ce n'est pas la France, même si Paris pourvoit majoritairement à son budget. C'est une chaîne francophone où l'on retrouve les télévisions de Belgique, du Canada ou de Suisse. Yves Bigot, le patron de la chaîne qui vient d'abandonner ses fonctions faute d'être reconduit, avait même l'intention d'ouvrir son capital à sept pays africains. Le 6 juin, il a signé avec la société des journalistes de la chaîne une charte éditoriale qui garantit qu'elle se conforme au journalisme « trust initiative », un label international de qualité de l'information.Ingérence du pouvoir dans les médiasUn label auquel ont souscrit aussi RFI et France 24. Et au Burkina Faso, on observe un contrôle accru des médias. Il suffit de regarder qui porte la charge contre TV5 : ce n'est pas directement le gouvernement, mais le régulateur, le Conseil national de la communication, qui depuis une réforme de novembre dernier est la voix du pouvoir dans les médias. Cette suspension de six mois fait suite à l'interdiction pendant un mois de Radio Omega, à des expulsions de journalistes, comme celle du Monde et de Libération qui avait parlé d'une « guerre de propagande » avec les groupes jihadistes. On voit aussi des officines proches du pouvoir organiser des campagnes de dénigrement contre des journalistes burkinabè.Au fond, quand la sécurité du pays n'est plus sous contrôle, on tente de contrôler les messagers.
La situation des médias français au lendemain de la dissolution de l'Assemblée nationale. Avec une polarisation de plus en plus nette : pour ou contre l'arrivée au pouvoir du Rassemblement national. Un scénario digne d'une série Écoutez, imaginez une série avec un évènement fondateur, une dissolution, le ralliement à l'extrême droite d'un chef de parti de la droite traditionnelle qui s'enferme dans son bureau alors que ses barons le désavouent, un flash-back où il se rend à un déjeuner avec un milliardaire qui appelle à l'union des droites pour prendre le pouvoir, les médias de ce même milliardaire qui se transforment en militants et pilonnent l'alternative à gauche en la traitant d'« antisémite ».On pourrait appeler cette série La fièvre, si elle n'existait pas déjà, mais c'est le nom d'une série sur Canal+ d'Eric Benzechri qui raconte comment l'extrême droite arrive aux portes du pouvoir à la suite d'un incident qui déclenche des accusations de racisme anti blanc, savamment orchestrée sur les réseaux sociaux.Le 5 avril, Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, avait elle-même cité cette série, en évoquant son « inquiétude réelle » devant « le grossissement de sujets qui sont dans le débat et prennent tout à coup tout l'espace démocratique ». Elle pensait alors à des ingérences étrangères comme on l'a vu avec les étoiles de David bleues destinées à attiser les haines.La « fièvre », c'est selon vous ce qui s'est emparé des débats et des écrans ces derniers joursMarie Toussaint, la malheureuse candidate écologiste, a déclaré « J'ai sous-estimé la force de TikTok ». Elle faisait référence à la façon dont les jeunes ont été exposés, par l'algorithme de TikTok, à bien plus de vidéos tendant à les polariser du côté du RN comme des images de violences urbaines, qu'à les mobiliser face à l'urgence climatique.Avec ce paradoxe : moins on vit dans sa réalité ces violences, loin des métropoles, plus on est enclin à voir en elle une réalité que le réseau social amplifie. Comme les journalistes sont essentiellement parisiens, ils sous-estiment ces phénomènes. Ceux qui ont bien compris le parti en tirer, ce sont les médias de Bolloré : CNews, C8, Europe 1 ou le JDD. De même qu'ils avaient surexploité le drame de Crépol, ce jeune de 16 ans tué à un bal dans la Drôme, victime d'un prétendu racisme anti-blanc, ils hystérisent le débat public en accusant le nouveau Front populaire, par sa composante LFI, d'être « antisémite » et même « négationniste ».Le Point et Le Figaro - qui appelle à parler de « droite radicale » et non d'extrême droite -, sont de plus en plus sur cette ligne. Au Monde, à Libération et/ou dans l'audiovisuel public, on cherche à garder la bonne distance, mais on y entend parler aussi de « fascisme » ou de « lutte anti-fasciste... » Après “la fièvre”, il ne faudrait pas que la série vire à l'embrasement.
Suite au rachat de BFM TV et de RMC par le groupe maritime CMA CGM, son actionnaire Rodolphe Sadé a été auditionné par l'Arcom, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. L'occasion, pour lui, de s'expliquer sur sa vision stratégique et de rassurer sur l'indépendance éditoriale de ses médias. Accompagné de Nicolas de Tavernost, l'ancien patron du groupe M6 devenu son conseiller dans les médias, Rodolphe Saadé s'est présenté jeudi à l'Arcom, l'autorité de régulation de l'audiovisuel. Il y était entendu dans le cadre de la procédure d'agrément qui doit être respectée en cas de changement de contrôle d'un groupe média bénéficiant de fréquences publiques.En l'espèce, il s'agit de la reprise auprès d'Altice, pour plus d'1,5 milliard d'euros, de la radio RMC, des chaînes BFMTV, RMC Découverte et RMC Story ainsi que de dix chaînes locales de BFM et de la plateforme RMC BFM Play. À noter d'ailleurs que deux chaînes payantes RMC Sport ne sont pas comprises dans l'accord afin, pour SFR, de garder une offre attractive pour ses abonnés – CMA CGM devant néanmoins assurer la production éditoriale des chaînes.À lire aussiLes grands médias détenus par une poignée d'industriels, une exception françaiseBFMTV en perte de vitesse face à CNewsUne situation quelque peu changée depuis la signature du protocole d'accord le 15 mars. Depuis cette semaine, le principal actif du groupe, BFMTV, n'est plus la première chaîne d'info de France. Elle a été dépassée en mai par CNews, désormais forte de 2,8 % de part d'audience et toujours détenue par le très conservateur Bolloré. Il faut dire que CNews n'est pas seulement la chaîne de la droite et de l'extrême droite, elle est aussi davantage suivie chez les retraités qui ont plus de temps à passer devant la télé. Elle a donc un temps d'écoute plus important. Rodophe Saadé ne s'en satisfait pas : il a bien précisé que BFMTV devait redevenir leader et qu'il était d'ailleurs « ouvert à un développement international » : il s'intéresse beaucoup, on le sait, au pourtour méditerranéen.À lire aussiLes grands médias détenus par une poignée d'industriels, une exception françaiseDes engagements à suivre sur le long termeOn sentait que Rodolphe Saadé avait été bien conseillé sur la question éditoriale, n'hésitant pas à s'engager. « Je n'interviendrai pas dans les lignes éditoriales », a-t-il dit, reconnaissant le principe d'indépendance des rédactions et avalisant les comités d'éthique et les chartes déontologiques. Il a d'ailleurs précisé qu'une charte d'indépendance était en négociation à la Provence, le journal dont il est propriétaire depuis deux ans et qui a vu son directeur de la rédaction être débarqué puis finalement réintégré à la suite d'une intervention de Saadé contestant une Une sur Macron à Marseille. Aujourd'hui, l'armateur se dit soucieux de pluralisme et d'information de qualité. Ce qui ne l'empêche pas de faire valoir ses idées, comme on l'a vu dans Le Monde où il a appelé l'Europe « à plus d'innovation et à moins de régulation », en particulier dans l'intelligence artificielle où il a investi – avec Xavier Niel et Eric Schmidt – dans un laboratoire.À lire aussiIA: Niel, Saadé et un ancien patron de Google lancent un laboratoire de recherche à Paris
Retour sur l'indignation contre les bombardements israéliens à Rafah qui touche de plus en plus les médias. On l'a vu jeudi 30 mai lorsque 2 500 personnes, selon la police, ont tenté de s'approcher de la tour de TF1 pour protester contre la diffusion sur LCI d'une interview de Benyamin Netanyahu où il a pu comparer les bombardements à Rafah au débarquement en Normandie. Et il est vrai, que si les juges de la Cour pénale internationale suivent les demandes du procureur Khan, un mandat d'arrêt devra être prononcé contre le Premier ministre israélien et les chefs du Hamas. La France a apporté son soutien à la CPI. Vladimir Poutine a été l'objet d'un tel mandat d'arrêt en mars 2023 et il n'a pu donner qu'une seule interview à un journaliste occidental depuis son attaque contre l'Ukraine. Ce n'était d'ailleurs pas un média, mais à l'ancien journaliste de Fox News Thucker Carlson, un proche de Donald Trump. À lire aussiNouvelle nuit d'horreur à Rafah où les chars israéliens ont pénétré dans le centre de la villeNaufrage médiatique, selon La France insoumise Côté politique, la France insoumise met aussi en cause la faillite des médias sur ce conflit. Cette critique se fait de plus en plus précise depuis la frappe israélienne qui a tué plus de 45 personnes à Rafah dimanche 26 mai. Le député LFI David Guiraud, qui était l'invité de BFM TV après une vive altercation à l'Assemblée avec le député Meyer Habib, proche de Netanyahu, a parlé de naufrage journalistique. Auparavant, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé le procès qui consiste à faire de tout opposant, véhément, au massacre à Gaza, un antisémite. Si naufrage il y a, et cela les Insoumis l'ont bien compris, c'est que certains médias s'intéressent plus au buzz lié à un drapeau palestinien à l'Assemblée ou à une altercation aux quatre colonnes qu'au sort des Palestiniens de Rafah, alors même que la Cour internationale de Justice a ordonné un cessez-le-feu. À lire aussiLa reconnaissance d'un État palestinien enflamme l'Assemblée nationale à ParisTournant dans l'opinion Cela arrive au moment où une prise de conscience médiatique est perceptible. TF1 mercredi 29 mai après France 2 la veille ont ouvert leurs journaux de 20h sur l'indignation dans le monde, et notamment à Paris, que soulèvent les bombardements de déplacés à Rafah. Il faut dire aussi que ce massacre a fait la Une du New York Times et qu'une image intitulée « All eyes on Rafah », générée à l'aide de l'intelligence artificielle, a été partagée plus de 50 millions de fois sur Instagram. Il y a sans doute un tournant dans l'opinion. Pourtant, rares sont les journaux français qui, à l'instar du Monde ou de Libération, ont mis à la Une les souffrances des Palestiniens à Rafah ou pris position pour une reconnaissance par la France de la Palestine. On le constate aussi à l'Assemblée où un documentaire sur les atrocités commises à Gaza du député apparenté LFI Aymeric Caron n'a réuni qu'une quinzaine de députés, quand celui fourni par Israël sur les massacres du 7-Octobre en avait rassemblé 120.
Les ambiguïtés du cinéma français et du monde de l'audiovisuel devant la vague #MeToo resurgissent en ce moment avec l'ouverture du festival de Cannes. Le #MeToo du cinéma a désormais une égérie, Judith Godrèche, à l'origine d'un témoignage dans Mediapart, en février, qui a abouti à deux plaintes contre les réalisateurs Jacques Doillon et Benoît Jacquot. L'actrice, qui a accusé le cinéma d'être « une couverture pour un trafic illicite de jeunes filles » a obtenu la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les violences sexuelles dans le 7e art et l'audiovisuel. Ce n'est donc sans doute pas, par hasard, si une rumeur partie des réseaux sociaux évoquait une prétendue enquête de Mediapart mettant en cause dix grands noms du cinéma français.Avant que le journal en ligne ne démente cette rumeur, il y a eu, on le sait, une sorte d'emballement. Sur C8, notamment, Cyril Hanouna a évoqué une « liste explosive de dix gros noms du cinéma français », sans en citer un seul. En réalité, un nom est sorti, celui du producteur Alain Sarde, accusé par neuf femmes de viol et d'agression sexuelle dans le magazine Elle. La rumeur est venue en réalité parasiter un combat.Le monde de la télévision doit lui-même composer avec cette vague #MeTooBien sûr, d'abord parce que les films sont souvent préachetés ou financés par des chaînes, d'abord Canal+, puis France 2 et France 3, lesquelles les diffusent ensuite. Les films Belle de Benoît Jacquot et CE2 de Jacques Doillon ont vu leur sortie suspendue et on ne sait pas quand ils sortiront. France Télévisions, partenaire du Festival de Cannes, indique avoir « pris le parti de la parole des femmes ». Il a financé Moi Aussi, le film de Judith Godrèche, s'interdit tout hommage à Gérard Depardieu et il a fait savoir qu'il suspendrait tout film sur lequel porte des révélations. En réalité, c'est un peu plus compliqué puisque le film Petite Nature, réalisé par Samuel Theis, est bien présent sur la plateforme France.tv. Or cet acteur est mis en cause dans une affaire de viol par un technicien sur le tournage d'Anatomie d'une chute. Le Centre national du cinéma est également concernéLe CNC a développé depuis 2020 des formations obligatoires contre les violences sexuelles et sexistes pendant ou en marge des tournages. Seulement, cette même année, son président ? Dominique Boutonnat est accusé d'agression sexuelle par son filleul de 21 ans pendant ses vacances. Il sera jugé le 14 juin pour cela. Mais la publication par Libération des PV d'audition se révèlent assez accablante.Lundi, c'est donc en brandissant la Une du journal titré « L'homme qui embarrasse le cinéma français » qu'une centaine de professionnels ont demandé sa démission devant le CNC. À leur tête, Judith Godrèche.
Les syndicats de Radio France appellent à la grève dimanche 12 mai pour « la défense de la liberté d'expression », suite à la suspension de l'humoriste Guillaume Meurice de l'antenne de France Inter. C'est un appel à la grève de l'intersyndicale de Radio France qui vise à défendre Le Grand Dimanche, l'émission de Charline Vanhoenacker sur France Inter où officiait Guillaume Meurice jusque fin avril, mais aussi pour mettre en garde contre « un virage éditorial » qui prévoit des économies et la suppression, à la rentrée, de l'émission environnementale La Terre au carré.Concernant Guillaume Meurice, qui avait comparé en novembre Benyamin Netanyahu à « une sorte de nazi, mais sans prépuce » (sic), c'est la réitération de ses propos, à la suite d'un classement sans suite d'une plainte à son encontre, en avril, qui a provoqué sa mise à pied dans l'attente d'un éventuel licenciement. Ce que n'avait sans doute pas prévu la présidence de Radio France, c'est que tout le groupe se mobiliserait pour « la fin de la répression de l'insolence et de l'humour ».Quand Rachida Dati défend la direction de Radio FranceLa ministre de la Culture, Rachida Dati, a apporté son soutien mardi à la présidence de Radio France. Un soutien éminemment politique, car la ministre a dû réaffirmer son appui à la liberté d'expression tout soutenant la direction de France Inter face à Guillaume Meurice.Pour cela, Rachida Dati a tenté de jouer les bons juristes en disant que certes, l'humoriste bénéficiait d'une plainte classée sans suite, mais que l'Arcom, en novembre, avait mis en garde Radio France qui ne pouvait pas, en conséquence, ne pas réagir. Le risque, c'est vrai, aurait été que le groupe public soit ensuite mis en demeure de respecter son cahier des charges.Un humoriste n'est pas un journalisteAinsi, c'est la vision du gouvernement qui s'est imposée à Radio France. La position de l'Arcom, qui est aussi celle du pouvoir par rapport à la guerre à Gaza, est de favoriser la cohésion de la société française, en particulier du fait de « la recrudescence d'actes antisémites ». Cela peut s'entendre.Mais, outre le fait que la sanction n'est pas le meilleur moyen d'éteindre une polémique, il est une chose qui a été complètement sous-estimée au sommet, à savoir qu'un humoriste n'est pas un journaliste. Il ne lui est pas demandé d'être équilibré ou même intellectuellement honnête, mais de grossir le trait et de purger par le rire les abcès de notre époque.Alors, on peut trouver que Guillaume Meurice a fait une mauvaise blague, pas drôle, mais de là à dire qu'elle est antisémite, comme le fait Alain Finkielkraut, c'est grave, car cela vise à faire taire le droit à la caricature comme il existe dans la presse. Et oui, la justice l'a rappelé, on a le droit de dire, à la façon d'un humoriste, que la judéité de Benyamin Netanyahu ne le prémunit pas d'actes barbares.
En Géorgie, la loi sur « l'influence étrangère » menace la société civile et les médias indépendants, et provoque des manifestations à Tbilissi, la capitale. Des manifestations réprimées par la police anti-émeute et où il n'est pas rare que des journalistes indépendants soient pris à partie. L'un d'eux, Giorgi Baskhajauri, du média Aprili, a raconté au Monde qu'avoir été battu, il a été traité de « pédé » (sic) et qu'on lui a lancé : « Tu vas apprendre à être intelligent. » Le pouvoir tente de discréditer les manifestations en les assimilant à un « mouvement gay ».Mais s'il en va de mœurs, c'est bien de mœurs démocratiques qu'il s'agit. Car cette loi sur l'influence étrangère, qui doit être adoptée d'ici au 17 mai, semble être une copie conforme de la loi sur « les agents de l'étranger » qui a été votée en Russie, après le début de la guerre en Ukraine. Une loi qui visait à faire taire les médias indépendants ainsi que toute critique de la guerre. Une loi que l'on retrouve, à peu de choses près, au Kirghizistan et en Abkhasie, sous influence russe.À lire aussiGéorgie: un point de bascule?Esprit de contradiction ?Le gouvernement géorgien est pris dans une contradiction. D'un côté, il y a cette loi qui oblige les ONG recevant au moins 20% de financements étrangers à s'enregistrer, sous peine d'amende, en tant qu'« organisation servant les intérêts d'une puissance étrangère ». Un terme qui revient à les désigner comme des traitres ou des vendus.De l'autre, il y a l'aspiration majoritaire de la population à intégrer l'Union européenne. Le Premier ministre Irakli Kobakhidze n'y est pas insensible puisqu'il continue de promettre pour 2030 l'intégration à l'UE à laquelle le pays est candidat officiel depuis décembre. Seulement, Bruxelles a fait part de sa « grande inquiétude » en Géorgie et si la loi est adoptée, cela risque de compromettre le processus d'adhésion.À écouter aussiConflit en Géorgie: «Le pouvoir table sur le soutien d'une majorité silencieuse»Ingérences du pouvoir dans les médias publicsLa Géorgie fait partie des pays où la censure des médias s'est intensifiée, selon Reporters sans frontières. Dans le classement que l'ONG vient de publier, elle dégringole de la 77e à la 103e place et RSF parle pour ce pays de « mimétisme spectaculaire des actes de répression russe ». On constate des ingérences du pouvoir dans les médias publics, mais aussi la reprise en mains de la ligne éditoriale par des propriétaires amis, comme sur la chaîne Rustavi 2, ou des campagnes de dénigrement, comme sur la chaîne Imedi.La loi sur l'influence étrangère arrive après une première tentative, il y a un an et un retrait du texte sous la pression de la rue. Pourquoi ce retour, alors, de ce qu'on appelle la « loi russe » ? L'influence de l'oligarque Bidzina Ivanichvili, ancien Premier ministre qui a fait fortune en Russie, n'y est pas pour rien, alors qu'une réforme fiscale permettrait parallèlement de protéger ses avoirs.
Un appel à la grève a été lancé par les syndicats de journalistes à la RAI, la radiotélévision publique italienne, pour protester contre des ingérences politiques toujours plus nombreuses. La grève sera observée du 6 au 7 mai, à la suite d'un appel téléphonique du Premier ministre albanais Edi Rama. Il s'agit d'un proche de Giorgia Meloni, qui a passé avec elle un accord migratoire controversé, qui a appelé un rédacteur en chef de la RAI pour se plaindre d'un reportage. Le syndicat des journalistes Usigrai a appelé à la grève, faute d'avoir été rassuré par la direction à propos de cette intervention et des ingérences politiques sur l'antenne.Ce qui n'est guère étonnant, toute la direction ayant été reprise en mains par le pouvoir. Giampaolo Rossi, un proche de Giorgia Meloni, a été nommé directeur général de la RAI il y a un an. Même s'il y a une grande tradition de dépendance des patrons de la télé publique au gouvernement, les syndicats de journalistes dénoncent un contrôle toujours plus asphyxiant et le zèle de ses dirigeants.À lire aussiGiorgia Meloni met la main sur la Rai, l'audiovisuel public italienLa censure d'un texte d'Antonio Scurati dénoncéeTout est arrivé samedi dernier. Antonio Scurati, qui a reçu le prix Strega, l'équivalent du Goncourt pour une trilogie sur Mussolini, est invité pour intervenir sur la chaîne publique Rai 3. En vue de l'anniversaire de la libération de l'Italie, le 25 avril 1945, il a prévu de lire un texte dans lequel il ferait le lien fondamental entre le fascisme historique et le populisme autoritaire du parti de Giorgia Meloni. Seulement, sur le chemin du studio, il reçoit un message annulant son intervention.Alors, Giorgia Meloni a affirmé qu'elle n'y était pour rien, que c'était une pure décision éditoriale, elle a même publié le texte de Scrurati sur sa page Facebook et laissé entendre que c'est la somme demandée par l'écrivain – 1800 euros – qui serait à l'origine du problème. Reste qu'il y a bien eu censure. Dans le texte lu à l'antenne par la présentatrice de l'émission, Serena Bortone, l'écrivain accusait Meloni ne jamais avoir répudié l'expérience fasciste. À écouter aussiAntonio Scurati, ascenseur pour les fachosLa liberté d'expression menacée ?Honnêtement, non. C'est le 41e pays sur 180 dans le classement de Reporters sans frontières et il y a une large diversité d'opinions dans les médias. Mais il y a quand même des signes inquiétants, comme ce qu'on appelle la loi « Bâillon » qui vise à interdire toute reproduction d'une ordonnance de garde à vue. Une façon de se protéger d'enquêtes journalistiques. Ensuite, à la RAI, une série de Roberto Saviano sur la criminalité a été passée à la trappe. On peut dire que la loi européenne sur la liberté des médias, qui protège les rédactions des interférences politiques, sera bien accueillie à la RAI.À lire aussiItalie: les journalistes de l'agence Agi mobilisés pour défendre la liberté de presse
À l'occasion des élections législatives qui ont débuté vendredi, tour d'horizon des menaces qui pèsent sur le pluralisme et la liberté des médias en Inde. Il y a un mois, une figure majeure de l'opposition indienne, le ministre en chef de la région de Delhi, Arvind Kejriwal, a été arrêté et emprisonné pour corruption. Un prétexte, selon ses partisans, pour l'écarter de ces élections. Or, il y a une chaîne de télévision qui aurait sans conteste pu faire entendre sa voix contre ce type de procédé il y a encore 18 mois, c'est la New Delhi Television, la NDTV, qui était la dernière grande chaîne indépendante du pays. Seulement, à la fin 2022, la NDTV a été rachetée par Gautam Adani, un multimilliardaire proche du Premier ministre Narendra Damodardas Modi et elle a vu partir tous ses journalistes vedettes.« 99,9% des médias indiens vont maintenant faire l'éloge du gouvernement Modi », a prévenu Ravish Kumar, un ancien rédacteur en chef de NDTV. Gautam Adani, première fortune d'Asie, a construit son empire dans les pas de Narendra Modi lorsqu'il était à la tête de l'État du Gujarat. Et l'autre grand propriétaire de médias, Mukesh Ambani, à la tête du groupe Reliance, est aussi un ami personnel du Premier ministre. Son groupe touche 800 millions d'Indiens avec 70 médias.À écouter aussiReliance: Mukesh Ambani, l'insatiable tycoon indienUne très mauvaise place dans le classement de Reporters sans frontièresL'Inde hérite désormais de la 161ᵉ place sur 180 au classement mondial sur la liberté de la presse de Reporters sans frontière, peu après la Russie – ce qui est rarissime dans une démocratie. L'Inde a d'ailleurs perdu 21 places en dix ans depuis l'arrivée au pouvoir de Modi. L'oligarchie a eu raison du pluralisme. Et ce n'est pas le seul problème : 29 journalistes ont aussi été tués depuis 2014, neuf sont emprisonnés et on ne compte plus les mesures de répression, de censure ou d'espionnage. Même les médias étrangers ne sont pas à l'abri, comme on l'a vu avec l'expulsion de Vanessa Dougnac, une correspondante française depuis plus de vingt ans.À lire aussiInde: des journalistes ciblés par le logiciel espion Pegasus, selon Amnesty InternationalUne censure qui s'exprime aussi sur InternetL'Inde est aussi devenue la championne du monde des coupures d'accès à internet, selon RSF. Ce qui favorise les infox et la désinformation en période électorale. Mais le pouvoir sait aussi user des réseaux alors que 700 millions d'Indiens ont moins de 30 ans et que la moitié de la population a accès au web. Il profite de la très grande notoriété de Modi, qui a plus de followers sur X que Donald Trump, pour attirer des influenceurs dans les filets de son parti, le BJP. Certains sont payés, d'autres sont des stars des réseaux qui tirent profit d'un post de Modi diffusant leur musique, par exemple depuis un temple hindou. Ils influencent à leur tour des micro-influenceurs qui finissent par relayer la bonne parole du gouvernement. Si bien que la crainte existe d'une élection... sous influence.À lire aussiInde: un service du ministère de l'Information autorisé à censurer les réseaux sociaux
Retour sur la réforme de l'audiovisuel public voulue par la ministre de la Culture, Rachida Dati. C'est une réforme qui marque le retour d'un serpent de mer : celui d'une BBC à la française. De quoi s'agit-il ? Et bien, tout simplement de réunir les forces de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, groupe auquel appartiennent Radio France Internationale, France 24 et Monte Carlo Doualiya, avec en plus l'intégration de l'Institut national de l'audiovisuel pour les archives.L'idée était déjà dans les tuyaux en 2020 lorsque Franck Riester était ministre de la Culture avec l'idée de créer une gouvernance commune à ces entités avant d'être interrompue par le Covid-19. Depuis sa nomination en janvier, Rachida Dati a déclaré sa volonté politique d'arriver vite à une telle réforme pour donner plus de poids à l'audiovisuel public, dans un monde transformé par l'arrivée des plateformes numériques.Quelle gouvernance pour quel périmètre ?Il s'agit de créer une holding public qui pourrait s'appeler France Médias sur le modèle esquissé par le rapport et la proposition de loi de Laurent Lafon, adoptée par le Sénat en juin 2023. Ce qui veut dire qu'un PDG serait nommé pour cinq ans par le régulateur, l'Arcom, sur proposition du conseil d'administration de la société, pour présider la société commune et veiller à des coopérations renforcées entre ses différentes filiales.Pour Rachida Dati, ce sera l'occasion de mettre en place des services transversaux et de favoriser les synergies, voire les fusions, dans trois domaines clés : l'information, la proximité et le numérique. France Télévisions et Radio France sont au cœur de la réforme et deux nominations la semaine dernière montrent la voie. Celle de Jean-Philippe Baille, qui est en charge de Fanceinfo et qui devra réunir encore davantage les forces pour en faire un média puissant, aussi bien en télévision qu'en radio ou sur le numérique. Celle ensuite de Xavier Riboulet qui devra « approfondir les rapprochements » sous la marque « Ici » entre la chaîne France 3 et les radios locales France Bleu.Des réticences, des syndicats jusqu'aux anciens ministres de la CultureLe financement de l'audiovisuel public est lié à l'avancement de cette réforme. Rachida Dati a bien dit qu'elle se faisait fort d'obtenir un financement pérenne par la prolongation d'un prélèvement sur la TVA, à condition que la réforme se mette en place. Ce qui n'empêche pas les réticences des syndicats et même des anciens ministres de la Culture, qui ont fait part de leurs critiques à l'idée d'une holding commune qui pourrait engendrer des surcoûts dans un premier temps. Mais Rachida Dati semble bien décidée à aller au bout, avec un examen dès le mois de mai à l'Assemblée de la proposition de loi déjà votée au Sénat.À lire aussiMédias de service public, médias privés et médias d'État: comprendre leurs différences