Chaque jour, l’illustration vivante et concrète d’un sujet d’actualité. Ambiance, documents, témoignages, récits en situation : les reporters de RFI présents sur le terrain décrivent le monde avec leur micro. Retrouvez les sujets traités par cette émission sur RFI SAVOIRS = http://savoirs.rfi.fr/
Si la guerre à Gaza a montré combien le vernis de la civilisation était fin, certains tentent de montrer que l'inverse est aussi vrai. Le cycle de la haine peut être renversé, et c'est ce que donne à entendre le podcast israélien Disillusioned qui donne la parole à d'anciens colons ou soldats sortis de la spirale de la violence. Parfois, il suffit d'une seule rencontre pour que tout bascule. Amira Souilem a rencontré Yahav Erez, la fondatrice de ce podcast à Tel Aviv. Après avoir été une fervente partisane de la politique israélienne, elle œuvre désormais pour une ONG de défense des droits de l'homme et espère que ses compatriotes seront plus nombreux à ouvrir les yeux sur ce que vivent les Palestiniens. De notre correspondante à Tel Aviv,Ils se surnomment « les désillusionnés ». Ce sont les désabusés du rêve israélien. « Je m'appelle Yahav. Je suis née et j'ai été élevée en tant qu'Israélienne et sioniste. Depuis quelques années, je me pose des questions sur le récit que l'on m'a fait de cette terre et de ceux qui la peuplent. »Au micro de Yahav Erez, 34 ans, d'anciens soldats et d'anciens colons s'expriment. « Je ne voyais pas les Palestiniens comme des individus. Même les bébés. Certains Israéliens comme moi étaient extrêmes et pouvaient même se réjouir du meurtre d'un bébé », confie l'un. « On pensait que les Palestiniens voulaient nous tuer parce qu'ils sont antisémites et qu'il fallait donc bâtir un mur de fer pour se protéger », lâche un autre.Le point commun entre tous les invités : un rejet désormais catégorique de la violence. Loin de la clinquante promenade de Tel Aviv, Yahav Erez, fondatrice du podcast Disillusioned, donne rendez-vous dans un quartier habité par la classe moyenne israélienne.« J'ai découvert l'occupation à 30 ans »« Je me suis rendue compte de ce que signifiait l'occupation à 30 ans, quand j'ai commencé à aller en Cisjordanie pour la première fois et à voir la situation de mes propres yeux. Non pas en tant que soldat ou colon, comme c'est le cas pour la plupart des Israéliens, mais en tant qu'invitée chez des Palestiniens. Comprendre à quoi ressemble leur vie depuis leur point de vue est vraiment très choquant. Tout ce système qui vise à oppresser les Palestiniens est fait en notre nom, pour nous protéger soi-disant, et cela m'a rendue furieuse », explique-t-elle.Yahav Erez va jusqu'à parler d'endoctrinement de la société israélienne. Une emprise mentale renforcée, selon elle, par le service militaire : « Un officier militaire qui combattait à Gaza m'a écrit par exemple pour me dire qu'il avait écouté tous les podcasts et qu'il était confus désormais, qu'il ne savait plus quoi faire. On a commencé à correspondre, et quelques mois après – je ne veux pas dire que je suis la seule impliquée dans cette décision –, il a décidé de ne plus servir. Je fais ce podcast pour que ces gens-là ne se sentent pas seuls, mais ça va même plus loin que cela. Je le fais pour qu'ils n'aient pas l'impression d'être fous, parce que les Israéliens qui s'érigent contre le génocide à Gaza, leur entourage va leur dire qu'ils sont fous de penser cela. Peut-être que ce podcast sera écouté par des jeunes de 17 ans sur le point de rejoindre l'armée et qu'il les empêchera de commettre des crimes. »L'interview s'arrête là. Yahav Erez doit partir. Ce soir-là, elle se rend à une manifestation pour les enfants de Gaza.À lire aussiIsraël: les manifestants augmentent la pression sur Benyamin Netanyahu pour la fin de la guerre
Le Parti républicain regroupe actuellement différents courants de pensées conservateurs aux États-Unis avec une partie qui se reconnait comme libertarienne. Une idéologie souvent assimilée aux conservateurs, pourtant, elle s'y oppose sur de nombreux points. Rencontre avec des libertariens de la ville de Mount Washington, dans le Kentucky, pour voir ce qu'ils pensent de la politique du président Donald Trump. De notre envoyé spécial à Mount Washington,Trois personnes terminent la réunion mensuelle du parti libertarien local, dans une salle de cette bibliothèque publique. Un des points de désaccord avec les républicains est la place qu'occupe la religion dans la politique, comme l'explique Steve, le président du parti libertarien local : « Je me considère comme un chrétien anarchiste. Ce qui veut dire que chacun devrait vivre la vie que Dieu a prévue pour lui et le gouvernement ne devrait pas nous dire comment faire cela. Le gouvernement ne doit avoir aucun rôle dans la vie des personnes, ce que les gens font ne nous regarde pas. »De nombreux États conservateurs, comme ici dans le Kentucky, ont interdit ou réduit l'accès à l'avortement, citant notamment des raisons religieuses. Un argument auquel Steve s'oppose : « Je ne suis pas en faveur de l'avortement, je n'aime pas ça. Mais s'il existe une clinique d'avortement et une personne estime qu'elle a besoin d'y aller, je peux détourner le regard, car la dernière chose qu'on veut, c'est la création d'un marché noir. »Diminuer le rôle du gouvernement Autre point de désaccord : la politique anti-immigration des républicains contraire aux valeurs de Mitch : « Je suis pour l'ouverture des frontières. Je n'ai aucun problème à ce que les gens entrent dans ce pays. C'est ce que tout le monde a fait quand ce pays a été créé. Et je pense que c'est formidable d'avoir un groupe varié de personnes avec des idées et des cultures différentes. C'est une chose géniale. Essayer de renvoyer la moitié de la population ou je ne sais combien, on s'en fiche. »Une des revendications principales des libertariens est de diminuer le rôle du gouvernement, ce que fait Donald Trump avec ses coupes budgétaires drastiques et ses licenciements de fonctionnaires. Mais la façon dont le président procède n'est pas la bonne pour Rhonda : « Je pense qu'on doit examiner chaque partie de l'administration pour voir où l'on peut faire ces changements. Mais arriver avec un bulldozer en renvoyant tout le monde et retirant des ressources du peuple américain n'est pas la bonne façon de le faire. »Les trois personnes s'opposent également au système politique américain dominé par les deux partis - -républicain et démocrate - et regrettent le manque d'alternatives politiques.
Aux États-Unis, le terme « crunchy moms » a longtemps été associé à des mères démocrates, hippies et partisanes d'une vie plus holistique et naturelle pour leurs enfants. Depuis quelques mois, l'élection du nouveau ministre de la Santé RFK Jr., qui fait débat, notamment pour ses théories complotistes, a mis en lumière un nouveau type de « crunchy moms » qui le soutiennent : elles sont chrétiennes, conservatrices, anti-vaccination, en faveur de l'école à la maison et surtout en lutte contre un système dominé par les grandes industries agro-alimentaires. De notre correspondante dans le Michigan, Margot GuicheteauJenny vit à Carleton, une petite ville de campagne à l'ouest de Detroit. Coiffeuse deux jours par semaine, elle consacre le reste de son temps à sa fille de deux ans, Faye, qui court, cet après-midi, dans la maison, bible à la main. La jeune maman a décidé de ne pas vacciner son enfant, lit les ingrédients de tout ce qu'elle achète, et se laisse guider par sa foi pour prendre ses décisions. Elle cite un verset qui l'inspire au quotidien : « Elle travaille avec dévouement, elle prend soin de sa famille, et veille à ce que chacun soit vêtu. Je pense que beaucoup de ces valeurs me poussent à servir ma famille. »Même son de cloche avec Ashley, mère de trois enfants, qui se rend fréquemment au Community Center de Brighton, un grand centre catholique offrant de nombreuses activités où elle peut retrouver ses amies et laisser ses enfants jouer. Diagnostiquée à 21 ans de la maladie de Hashimoto, elle est convaincue que le système est responsable de la hausse des maladies : « Six Américains sur dix souffrent d'une maladie chronique. La génération de mes enfants est la plus malade de l'histoire, alors où allons-nous à partir de là ? Où serons-nous dans cinq ans si nous n'agissons pas ? Je pense que RFK Jr. (Robert Francis Kennedy Jr.), que je suis depuis longtemps, pose les bonnes questions. C'est son moment donné par Dieu, et je crois qu'il va résoudre la crise sanitaire dans notre pays. »« Crunchy moms » ont foi en RFK Jr.Martha, de Northville, a grandi dans une famille démocrate et athée. Aujourd'hui, elle a changé de bord. Ici, dans sa grande maison de campagne, elle fait école pour ses cinq enfants vifs d'esprit, qui s'amusent à tous les étages. Pour elle, ce mouvement est plutôt un facteur d'unification. « Le mouvement "crunchy" réunit en réalité libéraux et conservateurs, car le pays est tellement divisé. J'espère que cela nous permet de trouver un terrain d'entente, en réalisant que nous partageons des valeurs communes. »Si les « crunchy moms » ont foi en RFK Jr., le corps médical reste sceptique. Au DMC, l'hôpital de Detroit, Rachael Hone, pathologiste, pense que ces « crunchy moms » manquent d'informations : « Les vaccins sont la meilleure des préventions. J'ai peur de voir les progrès réalisés dans le domaine de la santé annulés à cause de personnes qui ne se font pas vacciner. Il faut qu'un certain pourcentage de la population soit vacciné pour que ces vaccins fonctionnent, donc si de plus en plus de gens choisissent de ne pas se faire vacciner, de plus en plus de personnes vont tomber malades, c'est un risque scientifique. »Selon le PEW Center, 31% des républicains affirment aujourd'hui que « les vaccins sont plus dangereux que les maladies qu'ils étaient censés prévenir ». En 2023, seulement 57% des républicains soutenaient l'idée de vacciner les enfants fréquentant les écoles publiques, contre 79% en 2019.À lire aussiÉtats-Unis: l'antivax Robert Kennedy Jr revoit sa position après la mort d'un enfant de la rougeole
Au Mexique, où plus de 120 000 personnes sont aujourd'hui portées disparues, la découverte d'un camp d'extermination tenu par un cartel a remis le sujet des disparitions forcées au centre des débats. Les familles accusent l'État mexicain d'inaction et sortent chercher elles-mêmes les restes de leurs proches disparus. De notre correspondante à Mexico, Machette et pioche en main, une trentaine de bénévoles s'alignent à l'entrée de l'Ajusco, une forêt de pins au sud de Mexico City. « On va commencer cette journée de recherche en invoquant la divinité chercheuse, qui marche à nos côtés. Que la lumière de ceux que nous cherchons illumine le chemin jusqu'à ce que nous les trouvions et nous les ramenions à la maison. »Parmi eux, Esteban Gallardo est vêtu d'un tee-shirt sur lequel est floquée une photo de sa sœur Pamela, disparue à l'âge de 23 ans. « Aujourd'hui, on fait une nouvelle journée de recherche afin de comprendre ce qu'il s'est passé, trouver un indice. Elle a disparu il y a sept ans justement ici dans l'Ajusco et nous n'avions pas encore eu l'opportunité de chercher dans cette zone précise de l'Ajusco. »À ses côtés, sa cousine donne les dernières directives aux bénévoles : « On va chercher des ossements. Si vous trouvez des vêtements, des bouteilles d'alcool vides... concentrez-vous sur cet endroit, car c'est probablement là où ils sont restés un moment et où ils ont pu tuer. »Les recherches vont durer quatre jours. La famille de Pamela accompagnée de bénévoles, de pompiers et d'anthropologues vont passer cette partie de la forêt au peigne fin. Cette fois, des membres du parquet spécialisé contre les disparitions forcées se sont joints à eux, mais Esteban Gallardo comme les autres familles de disparus ne leur font plus confiance : « Au-delà de me sentir abandonné et invisible, je me sens frustré. Ça me frustre de savoir que le parquet aurait pu déjà retrouver ma sœur et d'autres personnes avec toutes les informations et tous les éléments que les familles elles-mêmes trouvent et leur donne. »À quelques mètres de là, l'un des bénévoles met la main sur un os. L'anthropologue s'approche : « C'est animal. On le voit à l'épaisseur, c'est un os animal. »Plus de 120 000 personnes portées disparuesFausse alerte, les recherches continuent, il ne faut oublier aucun recoin du secteur désigné aujourd'hui, car demain, ce sera une autre zone de cette forêt de 1 000 hectares qui sera fouillée. Une quête sans fin qu'Esteban continue au prix de nombreux sacrifices : « Même si on a un travail, des activités, une vie… quand ces sessions de recherche s'organisent, on arrête tout pour venir. Avoir le moindre indice sur elle, savoir dans quelles conditions elle se trouve, ça nous permettrait d'avancer vers un possible deuil. Mais ne pas savoir ce qui lui est arrivé conditionne toutes nos actions, que ce soit dans la vie personnelle, familiale ou sociale. »Une situation ambiguë que vivent les familles des plus de 120 000 personnes portées disparues au Mexique à ce jour. Après la découverte d'un camp d'extermination dans l'ouest du pays, Claudia Sheinbaum a annoncé plusieurs mesures pour lutter contre les disparitions forcées, toutes jugées déjà existantes ou inutiles par les familles.À lire aussiMexique: découverte d'une fosse clandestine dans un ranch, l'enquête passe sous contrôle fédéral
C'est une petite révolution sur les canaux d'Amsterdam… Depuis le 1er avril dernier, plus question pour les bateaux à moteur thermique de naviguer dans le centre-ville de la capitale néerlandaise. Adieu diesel et essence, dans cette zone « zéro émission », seules les embarcations électriques, à hydrogène ou à la rame peuvent maintenant circuler – qu'il s'agisse de bateaux de plaisance ou commerciaux et touristiques. L'idée de la mairie d'Amsterdam ? Améliorer la qualité de l'air, des eaux et réduire les nuisances sonores.
Si la guérilla kurde du Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK, est née en Turquie à la fin des années 1970, c'est au Kurdistan irakien voisin qu'elle a installé ses quartiers généraux. Les combats s'y sont déportés et même concentrés : depuis 2022, l'armée turque mène une opération militaire d'envergure dans la vallée d'Amedi en Irak, véritable occupation du territoire où les populations civiles sont prises au piège. L'officialisation, le 12 mai, de la dissolution du groupe insurgé kurde qui mettrait un terme à plus de 40 ans de lutte armée, suscite les espoirs d'un retour à la vie normale, même si beaucoup craignent que la présence militaire turque se prolonge. De notre envoyé spécial de retour d'Amedi,Deux jours après l'annonce par le Parti des travailleurs du Kurdistan de sa volonté à s'engager dans un processus de paix avec la Turquie, le calme règne dans le petit village de Guharzé, au Kurdistan irakien. Shayda, 19 ans, nous ouvre les portes de son jardin. Une sérénité qui contraste avec la violence de ces derniers mois : « Le 27 octobre dernier, nous étions tous en train de dîner, il n'y avait pas particulièrement de combats ce soir-là, alors, nous ne nous y attentions pas, quand soudain, il y a eu un immense fracas, nous sommes sortis précipitamment de la maison, nous ne pouvions rien voir avec la fumée et la poussière dans nos yeux. »Le père de Shayda nous emmène au fond du jardin, il désigne un cratère creusé à une dizaine de mètres de la bâtisse : « Une rocket tirée par un drone est tombée juste là. Regardez, ici, le plafond s'est effondré, les murs sont fissurés, toutes les fenêtres ont été soufflées vers l'intérieur de la maison. Nous avons vidé quatre brouettes de fragments de la bombe… »La bombe qui s'est écrasée sur le jardin de Shayda et son père a été larguée par un drone turc. Malgré la rumeur de la paix, leur ronronnement discret est incessant dans le ciel de Guharzé. Sur une pente rocailleuse à la sortie du village, nous retrouvons son chef, Ahmed, il fait paître ses 200 chèvres dans un enclos bien trop étroit : « Si l'on s'éloigne du village, on risque d'être pris pour cible. Ou les drones vont se mettre à nous tourner autour dans le ciel, ils vont nous forcer à rentrer avec nos chèvres. C'est pour ça qu'on ne quitte pas le village. On se fait tirer dessus. Avant, nous vivions plus haut dans la montagne, nous avions des vignes, des arbres fruitiers, nos fermes. Mais nous ne pouvons plus y accéder, l'armée turque occupe ces terres. »À lire aussiTurquie : le Parti des travailleurs kurdes (PKK) annonce sa dissolution après plus de 40 ans de lutte arméeDans sa lutte contre la guérilla du PKK, repliée dans un réseau de tunnels et dont les déplacements sont invisibles, depuis six ans, la Turquie a renforcé son emprise sur le territoire. Pour en prendre la mesure, nous rejoignons le village de Sergélé, situé à 20 kilomètres de la frontière. Agriculteur à la retraite, Rochavi nous invite à le suivre sur son toit : « Vous voyez, de ce côté, il y a les bases de la Turquie, toute la montagne de Matin, c'est désormais la Turquie… »À moins de cinq cents mètres, nous pouvons discerner les sacs de sables qui protègent une installation militaire posée sur un promontoire rocheux. Il y en aurait plus de 136 disséminées au Kurdistan irakien : « Nous sommes tous extrêmement soulagés que le PKK ait pris cette décision de se dissoudre, ils auraient dû la prendre il y a plus de dix ans. Si ce processus de paix est un succès et que le PKK abandonne les armes, nous pourrons retrouver nos montagnes, nos animaux, nos fermes… »Pour cela, les soldats turcs doivent quitter le Kurdistan. Les mains crispées autour de sa tasse de thé, Rochavi est habité par les doutes : « Je ne suis pas sûr que la Turquie s'en ira aussi facilement. La terre du Kurdistan, c'est de l'or. Et les Turcs ont jeté leur dévolu dessus et ont coupé tous les arbres de la région, des arbres fruitiers parfois centenaires, et ils les ont emportés en Turquie. Mais si le PKK n'existe plus, ça doit s'arrêter. »Les bruissements de la paix sont sur toutes les lèvres dans cette vallée où les civils vivent sur un fil et les bombardements ont certes diminué ces derniers jours, mais n'ont pas cessé pour autant, alors que la démobilisation du PKK est attendue ces prochains mois. À lire aussiPKK: histoire d'une lutte armée dont la fin annoncée peut recomposer le Moyen-Orient
Alors que l'architecture de sécurité mondiale est en pleine reconfiguration, le mouvement de réarmement touche l'Autriche comme le reste de l'Europe. Mais en Autriche, il s'accompagne d'interrogations sur la capacité du pays à se défendre et, au-delà, sur l'identité de cette petite République neutre. Le débat se focalise sur la milice, censée être un des piliers de l'armée autrichienne à côté des militaires de carrière, mais fortement affaiblie. Reportage à la caserne d'Amstetten en Basse-Autriche.
C'était il y a 77 ans : la création de l'État d'Israël. Joie et fierté pour les juifs qui voient leur rêve d'État se concrétiser. Accablement pour les populations arabes sur place. La semaine dernière, les Palestiniens commémoraient ce qu'ils appellent la « Nakba », la « catastrophe » en français, en référence à l'exode et à l'expulsion de plus de 800 000 Palestiniens de leurs terres après la création de l'État d'Israël. Ce fut le cas hier, notamment dans le camp de réfugiés d'Askar aux abords de la ville de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie occupée. Pour les Palestiniens rencontrés sur place par RFI, la situation à Gaza est une continuation de cette histoire tragique. De notre envoyée spéciale à Naplouse,Jusqu'à la dernière minute, un doute planait sur la tenue des commémorations de la Nakba. Le matin même, les forces spéciales israéliennes ont investi le camp de réfugiés voisin de Balata. Elles viennent de se retirer. La fanfare démarre. Des centaines de personnes défilent dans les rues du camp d'Askar. Parmi eux, de nombreux enfants et de jeunes habillés en tenue d'époque. « On est habillés comme nos ancêtres qui ont été déracinés en 1948 pendant la Nakba. Quand on les a fait sortir de leurs terres, ils étaient habillés comme ça. Mes grands-parents vivaient leurs vies normalement dans la ville de Lod quand des milices sionistes leur ont demandé de partir trois jours seulement. Ils avaient promis de les faire revenir. Mes grands-parents sont partis et, 77 ans plus tard, ils ne sont toujours pas rentrés », témoigne Jamil, un grand adolescent qui arbore une longue jellaba et un keffieh. Un petit train arrive plein à craquer. « Ce train symbolise la Nakba et le fait qu'on veut rentrer chez nous. C'est aussi pour que les enfants puissent s'amuser et qu'ils n'oublient pas nos villes, Jaffa et Haïfa. On ne doit pas les oublier. Mes grands-parents m'ont raconté que ce sont de belles villes et qu'on a une maison là-bas. J'espère qu'on pourra y retourner un jour », explique Qacem, 15 ans. Jaffa et Haïfa se situent désormais en Israël. Dans la foule, certains enfants brandissent aussi des armes ou des clefs en cartons. Le message est clair et assumé ici : le « droit au retour » se fera coûte que coûte. Pour Samer Al Jamal, qui supervise les programmes scolaires au ministère palestinien de l'Éducation nationale, transmettre la mémoire de la Nakba est crucial. « Au sein du ministère de l'Éducation nationale, nous faisons en sorte que le récit palestinien des événements soit présent dans les programmes scolaires. On organise aussi des évènements dans nos écoles. Des activités, des festivals, tout ce qui est en notre pouvoir pour que ces élèves continuent d'être attachés à cette terre. Les Israéliens ont cru que les anciens allaient mourir et que les plus jeunes allaient oublier. Cette génération n'oubliera pas la terre de ses grands-parents et de ses ancêtres. Chaque génération se passera le flambeau du souvenir », estime-t-il.Sur les banderoles ou dans les discours, une phrase revient sans cesse : la « Nakba continue ». Ghassan Daghlas, gouverneur de Naplouse en explique la signification : « La Nakba continue, oui. Tant que l'occupation perdure, la Nakba continue. Tant que l'injustice se maintient vis-à-vis du peuple palestinien, alors la Nakba continue. On espère que cette injustice cessera et que le peuple palestinien pourra accéder à son rêve d'État indépendant avec Jérusalem comme capitale. » Quelques heures après cette cérémonie, on apprenait qu'Israël lançait sa vaste offensive terrestre sur Gaza. À lire aussiEn Cisjordanie occupée, la mémoire de la Nakba perpétuée
Léon XIV est un pape originaire des États-Unis, mais il est aussi péruvien. Dans son diocèse de Chiclayo, dans le nord du Pérou, tout le monde a célébré l'élection de Robert Francis Prevost, très apprécié dans la région, comme a pu le constater RFI sur place. Tout le monde connaissait le Père Robert à Chiclayo. Celle qui était connue comme « la ville de l'amitié » est maintenant rebaptisée « la ville du pape Léon XIV ». Impossible de passer à côté de cette information, son visage a été affiché partout. À Chiclayo, chacun a son souvenir avec celui qui est désormais pape. « Je l'ai rencontré juste ici. Il donnait la bénédiction après la messe. Nous nous approchions tous de lui pour recevoir sa bénédiction. Chiclayo est une ville très catholique », se souvient Nino Onofre. Rocio, elle, est venue avec des photos devant cette grande cathédrale construite d'après les plans et les dessins de Gustave Eiffel. « Regarde, là, tu as ma maman, et là, c'est le pape. Sur celle-là, il y a ses petits-enfants, ça, c'est mon fils. À côté du pape ! », s'exclame-t-elle. En 10 ans, Robert Francis Prevost aura marqué les esprits ici. Tous se souviennent d'un homme proche de ses fidèles et humble. Pour Nino Onofre, Chiclayo a profondément marqué le pape, et en a fait l'homme qu'il est aujourd'hui. « Ici, on dit que le peuple de Chiclayo a trois caractéristiques. Déjà, il est très aimable, généreux et joyeux. Comme le pape. La deuxième chose, c'est notre cuisine : ancestrale et délicieuse. Et enfin notre culture », explique-t-il.Les Péruviens sont très fiers de leur gastronomie et tous les Chiclayanos ont une anecdote culinaire avec le pape. Si certains ont partagé leur pain avec lui dans son restaurant préféré à côté de la cathédrale. Nino se souvient de son petit péché mignon. « Le pape allait souvent manger un gâteau à la poire à la plage. Maintenant, ils l'appellent le gâteau du pape. Tu vas là-bas, tu commandes ça, et tu as le gâteau à la poire préféré du pape », s'amuse-t-il. Devant la cathédrale de Chiclayo a été placardé des affiches sur Léon XIV, notamment avec son profil. Il est écrit qu'il est connu pour sa nature affable, modérée et pastorale. Il combine le pragmatisme américain avec la sensibilité latino-américaine forgée au Pérou. Outre l'anglais, l'espagnol, le français et le portugais, le pape Léon XIV est aussi un locuteur du quechua, ce qui est important aux yeux des péruviens.Cette élection est vécue par certain comme une lueur d'espoir dans une situation politique nationale très compliquée. La courbe de popularité de la présidente Dina Boluarte frôle les 0 % dans tout le Pérou. Antonio, venu célébrer Léon XIV dans une messe en plein air en l'honneur du souverain pontife, espère que ça pourra faire changer les choses. « Il connaît notre réalité. Il a déjà critiqué l'ex-président Fujimori, il a soutenu les manifestations contre le gouvernement. Donc, pour nous, c'est une bonne nouvelle », espère-t-il. Parmi la foule réunie sur la place principale de Chiclayo, quelques fidèles se permettent de croire en une visite du pape dans son diocèse d'origine. Et un voyage pontifical, avant l'élection présidentielle prévue l'an prochain, pourrait influencer les sondages.À lire aussiPérou: Chiclayo, la ville du pape Léon XIV, se met aux couleurs du souverain pontife
Le Portugal est appelé aux urnes ce dimanche 18 mai pour les troisièmes élections législatives en trois ans. Si l'avantage semble être du côté de l'alliance démocratique sortante, celle-ci pourrait ne pas atteindre la majorité absolue. La troisième force politique, le parti d'extrême droite Chega, devrait conforter ses scores précédents. De notre envoyée spéciale à Elvas,Dans la jolie ville d'Elvas, au Portugal, près de la frontière espagnole, André Ventura est venu à la rencontre d'une foule acquise à ses idées. Accolades, selfies et tapes dans le dos, Ventura aime se livrer à cet exercice obligé d'une campagne. « La circonscription de Portalegre nous a donné des résultats incroyables en 2024. Ici, c'est la plus grande victoire du pays. Je me devais de dire aux électeurs que je ne les oublie pas. Je sais ce qu'ils vivent. Mais il y a un candidat et un parti, le Chega, qui va les défendre contre une véritable brutalisation territoriale de la part des communautés tziganes », ose le candidat d'extrême droite.En 2024, la ville d'Elvas avait voté à 36,5% pour le Chega, un score record que le parti veut répéter. Les discours politiques du Chega convoquent des thèmes récurrents : l'immigration, la corruption et les « tziganes subventionnés ». Les militants sont conquis par le passage de leur candidat. « Tant d'années passées à cotiser pour ces gens qui ne veulent rien faire. Nos retraites sont misérables. Nous, on veut vivre aussi bien qu'eux, les tziganes. Le gouvernement soutien ceux qui ne travaillent pas. Alors moi, je vais voter Ventura », raconte Lourdes Cabeço, venue avec sa fille et sa petite fille, conquise par la visite de son candidat menée au pas de charge.« On a vu apparaître quelqu'un qui annonce avoir trouvé des remèdes à tous les maux de la société. André Ventura se sert du mécontentement des gens. Il dit ce que les gens ont envie d'entendre pour attirer leurs voix », estime le maire d'Elvas, José Rondão Almeida, sous étiquette indépendante après avoir été longtemps membre du parti socialiste, qui dénonce l'opportunisme du Chega.Crédité de 18 à 20% des voix pour le scrutin du 18 mai, le parti antisystème et populiste, consoliderait sa position de troisième force politique du pays. Une ascension fulgurante pour un parti créé en 2019. Alors que le Chega a dû finir la campagne électorale privé de son leader, victimes de malaises, les sondages montrent une avancée du Premier ministre sortant, Luis Montenegro, mais sans majorité absolue. À lire aussiPortugal: à deux semaines des élections, l'économie du pays passe au rouge
Il est le troisième homme dans la course à la présidentielle polonaise, mais le premier chez les jeunes électeurs. Le candidat du parti d'extrême droite Konfederacja Sławomir Mentzen combine une vision sociétale très conservatrice à un programme économique très libéral. Sa vision devrait attirer près d'un jeune électeur sur trois ce dimanche 18 mai. De notre correspondant à Varsovie,Il fait partie de ces hommes politiques qui savent soigner leurs apparitions. Émergeant d'un nuage de fumée rouge et blanche, Slawomir Mentzen salue les centaines de Varsoviens massés sur la place de la Cour suprême polonaise. Au milieu de la foule, Krystian est déjà conquis par le candidat : « En tant que citoyen, je veux pouvoir rouler dans la voiture que je veux, je veux pouvoir porter une arme à ma ceinture, et je ne veux pas qu'un quelconque politique essaie de m'en empêcher. »C'est avant tout le côté libertarien du candidat qui a su convaincre le jeune étudiant en marketing. Agata, elle, ne sait pas encore pour qui elle va voter, mais elle est déjà convaincue par le personnage : « C'est le candidat le plus puissant en termes de caractère, il est sûr de lui et de ce qu'il dit, et si les jeunes veulent quelque chose de nouveau, ils vont vouloir quelqu'un qui a un fort caractère et qui n'a pas peur de s'affirmer. »La jeune indécise serait presque prête à sauter le pas, quitte à fermer les yeux sur la vision très conservatrice et nationaliste de Mentzen sur les questions sociétales : « Ce n'est pas le candidat dont je me sens le plus proche en termes de questions sociétales, mais son discours sur les questions économiques et financières me parlent davantage. Et je pense que c'est important, car les jeunes veulent pouvoir monter des entreprises et gagner de l'argent. »À lire aussiPologne: dernier débat très vif avant la présidentielle du 18 maiDésillusion des jeunes À 18 ans, Weronika s'apprête à voter pour la première fois, et pourrait se laisser tenter par lassitude, alors qu'elle s'oppose frontalement à certaines de ses promesses : « Je ne soutiens pas tous les points du programme de Mentzen. Par exemple, le fait qu'il veuille rendre les études payantes. Mais je veux aussi qu'il y ait d'autres alternatives qu'un gouvernement PO ou PiS, et que quelqu'un de nouveau puisse entrer dans la course. »Un sentiment de désillusion partagé par la plupart des Polonais d'une vingtaine d'années qui n'ont connu toute leur vie que l'alternance entre les gouvernements de Tusk et de Kaczynski. Alors chez Konfederacja, on a fait place nette à l'approche des élections, en prenant ses distances avec son fondateur. Il était notamment connu pour avoir déclaré que les femmes faisaient partie du patrimoine de leur mari, ou encore qu'il faudrait leur retirer le droit de vote. À 17 ans, Oliwia assure n'avoir rejoint les jeunesses du parti qu'après son éviction : « Je ne suis pas d'accord avec la majorité de ce qu'il a pu dire. Et en venant ici, je me suis rendu compte que la majorité des politiciens avec lesquels je parlais, n'ont absolument pas la même opinion. Maintenant, on a des députées et des eurodéputées chez Konfederacja. »Au mois d'avril, la moitié des jeunes électeurs comptait donner leur voix à Mentzen. Une proportion aujourd'hui divisée par deux, depuis que le candidat a qualifié le viol de simple « désagrément ».À écouter aussiLa sécurité en toile de fond de l'élection présidentielle en Pologne
En Roumanie, le second tour de la présidentielle dimanche 18 mai opposera le candidat de centre-droit Nicusor Dan au nationaliste George Simion. Cette poussée de l'extrême droite dans les urnes s'est accompagnée d'une augmentation des menaces envers la minorité rom et la communauté juive. De notre correspondant à Bucarest, Marine LeducDans un quartier périphérique de Bucarest, Alin Banu entre avec précaution au siège de l'association Roma for Democracy, une association de droit des Roms dont il est le directeur. « Nous avons des caméras vidéo, un accès avec une carte magnétique à l'entrée comme à la sortie, et nous avons un bouton d'urgence. Si on l'active, la police peut arriver en cinq à huit minutes. On a mis ça en place quand les menaces ont commencé pour notre sécurité », explique-t-il.Preuve à l'appui. Sur son téléphone, Alin Banu fait défiler les messages que lui et ses collègues ont reçus ces dernières semaines : « Je vais m'assurer que je vais avoir vos têtes et les mettre sur des pales comme Vlad l'empaleur faisait avec les Turcs et on va vous torturer un par un » ; « Vous avez mis Cosmin en prison et moi je vais vous mettre dans un cercueil » ; « Que les Juifs et les Tsiganes soient éliminés, et toutes les races impures. » « Bien sûr qu'on est inquiets », admet Alin Banu.Ces intimidations qui touchent aussi bien les Roms, les Juifs que les communautés LGBTQ+ sont proférées par des factions néo-nazies, mais aussi néo-légionnaires, mouvement inspiré des légionnaires, groupuscules fascistes roumains de l'entre-deux-guerres. Ce mouvement est à l'origine de la Shoah en Roumanie.À lire aussiPrésidentielle en Roumanie : pourquoi la diaspora a voté massivement pour l'extrême droiteUn pays au passé difficile à assumerDans le centre-ville, une répétition en yiddish a lieu au Théâtre national juif de Bucarest. En février, des commentaires antisémites ont été diffusés sur TikTok avec des menaces de mettre le feu au théâtre ou d'y poser une bombe. La police a dû protéger la bâtisse pendant quelques jours. Le directeur Andrei Munteanu préfère garder son calme et rappelle l'importance de la diversité culturelle en Roumanie : « L'État roumain s'est préoccupé, et pas seulement maintenant, du développement des minorités nationales, du développement de la culture nationale, parce que la principale richesse de la Roumanie est sa diversité. Mais il faut aider cette diversité, la conserver, la soutenir. Chacun fait partie du patrimoine humain de ce pays. »Les liens entre les groupes néo-légionnaires et les candidats d'extrême droite ne sont pas dissimulés. George Simion a certes lissé son discours, mais plusieurs membres de son parti Aur (Alliance pour l'unité des Roumains) font la glorification des dirigeants de la Garde de fer, autre nom du mouvement des légionnaires. La Roumanie a été durant les années 1940 un pays allié de l'Allemagne nazie et a encore des difficultés à regarder son passé. Le pays n'a reconnu son rôle actif dans la Shoah qu'en 2003, alors qu'environ 300 000 Juifs et 12 000 Roms y ont péri.Aujourd'hui, la Roumanie compte près de 570 000 Roms, selon le recensement de 2021, mais ils seraient au moins deux fois plus nombreux. Les Juifs, eux, ne sont plus que quelques milliersÀ lire aussiPrésidentielle en Roumanie : George Simion, le candidat d'extrême droite, en tête du premier tour
Les déclarations de Donald Trump de s'emparer du Groenland sont perçues comme une menace par de nombreux Groenlandais. Mais dans ce territoire autonome encore rattaché au royaume du Danemark, l'offensive du président américain a aussi relancé les débats autour de l'indépendance. De notre envoyée spéciale de retour de Nuuk,Sur les hauteurs de Nuuk, en cette fin du mois d'avril, Julia Aka Wille se souvient de la manifestation qui a eu lieu quelques semaines plus tôt, le 15 mars, dans le centre-ville : « On dit que c'est la plus grande manifestation de l'histoire du Groenland. La ville était pleine de monde. » Journaliste indépendante, la trentaine, elle nous montre des vidéos qu'elle a tournées ce jour-là. Entre 1 000 et 3 000 manifestants sur les 20 000 habitants que compte la capitale et partout, le drapeau rouge et blanc du Groenland : « Les gens scandaient : "Le Groenland appartient aux Groenlandais". C'était très fort, que tout le monde soit uni autour du fait de dire non à Donald Trump. »« Ni États-Unis, ni Danemark », c'est la position d'une partie des habitants. Julia estime aussi que les déclarations de Donald Trump ont, de fait, changé la relation entre le Groenland et Copenhague. « Cela a rendu plus facile pour nous de parler d'indépendance. Avant, la question qui nous était renvoyée, c'était : "Comment allez-vous faire, sans l'aide du Danemark ?" Alors que maintenant, on a une nouvelle carte en main : on peut dire qu'on a aussi d'autres options. »Ne pas aller trop vite Comme près de 80% des Groenlandais, Julia est pour l'indépendance. Mais faut-il divorcer avec le Danemark tout de suite ou plus tard ? C'est là que les habitants sont partagés. Les partisans d'une indépendance rapide ont doublé leur nombre de sièges au Parlement lors des dernières élections, début mars. Leur chef de file, Pele Broberg, n'a pas encore eu le temps de finir de déballer les cartons dans leur nouvelle salle de réunion : « Le Danemark a énormément interféré dans ces élections. »Le leader de l'opposition pointe du doigt les médias danois qui, selon lui, ont voulu faire peur aux habitants en agitant les menaces d'annexion par les États-Unis : « On s'en fiche, nous, de qui est président des États-Unis ou de qui est roi du Danemark. Regardez cette carte du Groenland : c'est à qui ? C'est au royaume danois. Nous ne sommes propriétaires de rien. »Un discours qui n'a pas suffi pour gagner le scrutin. C'est un parti de centre-droit, Demokraatit, qui est arrivé en tête. Selon Pipaluk Olsen, l'une de ses députés, c'est grâce à leur position modérée et à leur défense d'une proximité avec Copenhague : « Ce que dit notre parti, c'est qu'il ne faut pas aller trop vite dans le processus. Nous voulons travailler avant tout à l'amélioration des conditions de vie au Groenland. »Le Danemark contribue encore pour moitié au budget du gouvernement groenlandais. Et même si cette parlementaire estime que le pays est plus divisé qu'avant, fin avril, plus de 200 personnes sont tout de même venues applaudir le roi du Danemark, dans les rues de Nuuk, lors de sa visite officielle au Groenland.
Après le 8 octobre 2023 et l'offensive lancée par le Hezbollah - en solidarité avec le Hamas à Gaza -, 60 000 personnes ont été priées d'évacuer les villages et communautés frontalières au Liban. En mars, le gouvernement israélien a décrété que le retour était possible, mais toutes ne sont pas revenues. Dans le nord d'Israël, le Kibboutz de Kfar Blum, lui, se trouvait juste en dehors de la zone d'évacuation. Trop loin pour que les habitants puissent bénéficier d'une aide gouvernementale pour se réinstaller ailleurs, mais suffisamment proche du Liban pour constituer une cible de choix pour le Hezbollah. Jeux d'enfants dans l'école élémentaire de Kfar Blum. Loin des sons de la guerre qui rythmaient le quotidien l'an dernier.« Ça, c'est une roquette qui part ! Ah, là, elle est tombée. Ils ont tout appris, les enfants, souligne-t-elle en riant. Ils sont très intelligents. Ils se sont habitués à la situation, et je pense que, le soir, ils devaient regarder les informations ! »Limor Dadon et Shani Saar sont deux enseignantes. Elles habitent ailleurs, mais n'ont jamais quitté leur poste, même quand les sirènes hurlaient et les roquettes tombaient. « Certains enfants ont quand même développé de l'anxiété. J'ai un élève qui malheureusement s'est fait pipi dessus en entendant le son des sirènes d'alerte. Il faut s'occuper de quinze enfants qui demandent en panique "mon Dieu qu'est-ce-qui se passe ?". Mais il faut aussi s'occuper de ce garçon qui a peur, et qui a honte de ce qui s'est passé. En tant qu'enseignante, il faut montrer de la force, montrer qu'on contrôle la situation. C'est le plus important. »« En fait, instaurer une routine les aide à rester sains d'esprit. Il faut leur dire "OK, il y a tout ça autour de nous, mais ça va aller". »À lire aussiGuerre au Liban: le cessez-le-feu entre le Hezbollah et Israël a débutéKfar Blum ne sera plus jamais pareil« On a commencé à travailler sans clients, et sans travailleur. On n'avait pas de clients, pas de visiteurs, on n'avait rien. » Elyse est une cadre de l'hôtel Pastoral. Elle décrit la réalité pendant la guerre dans ce lodge de luxe depuis janvier. Après d'immenses efforts de la direction, la main d'œuvre est presque entièrement revenue. « 80 % et on attend, on attend jusqu'à ce que tous les gens retournent avec les enfants. L'année prochaine, j'espère qu'on aura tous nos travailleurs ici. »« Quand tous les habitants seront rentrés, que trouveront-ils ? Quelques maisons partiellement abimées, à réparer sans l'aide du gouvernement puisque les autorités n'ont pas évacué le village », s'exclame Masha. La vieille dame habite Kfar Blum depuis 1955. Pour elle, une chose plus importante encore s'est brisée à Kfar Blum. « Ici, ça ne sera plus jamais comme avant. On ne parle même plus des sujets qui fâchent entre nous. Ça part en hurlements. Ce n'est pas comme en ville où tout le monde s'exprime. On n'est pas ennemis pourtant, on est tous Israéliens. Mais si vous n'êtes pas avec ce gouvernement, Bibi et les autres, on vous déteste et c'est cela qu'ils cherchent. »« Ils », ce sont les soldats du Hezbollah de l'autre côté de la frontière. Dans le nord d'Israël, nombreux sont ceux qui pensent que la menace n'a pas disparu. Des familles avec enfants attendent la fin de l'année scolaire pour se décider éventuellement à retourner à Kfar Blum. Sur les 60 000 personnes évacuées des localités du nord, la moitié seulement seraient rentrées.À lire aussiLiban: la confiance entre le Hezbollah et les nouvelles autorités libanaises se fissure
« Locked Shields » est le plus grand exercice de cybersécurité au cours duquel les pays de l'Otan et leurs alliés s'entraînent. Quatre mille participants, répartis dans plusieurs pays, cherchent à trouver la parade pour contrer des attaques informatiques visant les États, les infrastructures et les services aux citoyens. Il s'agit de la 15ᵉ édition, imaginée par le Centre d'excellence de l'Otan à Tallinn, en Estonie, premier pays à avoir subi une cyberattaque de grande ampleur en 2007. Marielle Vitureau, notre correspondante, a pu se rendre en Estonie avant le début de l'exercice. De notre correspondante à Tallinn,Dans la salle où se trouve l'équipe estonienne, la centaine de participants porte un T-shirt bleu, un casque audio sur les oreilles et garde les yeux rivés sur un écran grand format. Dans quelques heures, avec des collègues de Lituanie, d'Ukraine et du Monténégro, tous à distance, ils devront répondre aux attaques lancées par l'équipe rouge. Le lieutenant-colonel Nino Rodrigues, du centre d'excellence de l'Otan, a élaboré le scénario qui se déroule dans des pays imaginaires : « Les gentils viennent de "Berylia", et les méchants de "Crimsonia". Les tensions augmentent autour de ressources naturelles situées dans les eaux internationales. C'est la racine du problème. Nous sommes partis de ce simple scénario pour créer un contexte qui justifierait une cyberattaque ».À écouter aussiLes cyberattaques pro-russes s'intensifient en France et dans l'UEUne menace bien présenteL'entrée pour aller voir l'équipe rouge, les attaquants, est filtrée. Il est interdit de photographier ou d'interviewer ceux qui mèneront les attaques contre les infrastructures et les services de communication de Berylia. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les cyberattaques augmentent en Estonie. En 2024, les autorités en charge de la protection des réseaux en ont dénombré 6 515 ayant eu un impact. Récemment, l'Estonie a officiellement attribué l'une de ces attaques au renseignement militaire russe. Tanel Sepp, ambassadeur estonien pour la cybersécurité, explique : « Ces attaques sont souvent liées à des déclarations politiques. Dès que le Parlement ou le gouvernement fait certaines déclarations, il y a immédiatement des attaques qui mettent hors ligne les serveurs. C'est récurrent ». Dans la salle de l'équipe bleue estonienne, la pression monte. Tous les systèmes sont vérifiés avant le lancement de l'attaque.Pas de retour possible au papierUko Valtenberg dirige l'équipe estonienne. Cet exercice, pour lui, est plus que nécessaire : « L'Estonie est un pays complètement numérisé. Nous n'avons pas de solutions de repli, nous ne pouvons pas revenir au papier, ce n'est plus possible. Si quelqu'un nous ciblait, nous attaquait, les conséquences pourraient être dramatiques ». À l'avenir, les équipes devraient jouer 24 heures sur 24, comme si elles contraient une offensive dans la vraie vie. Et peut-être même que le scénario prévoira des morts, conséquence possible de cyberattaques.À écouter aussiLe cyber, une «arme d'emploi» pour la Russie
En Corée du Sud, l'intelligence artificielle s'installe dans les écoles. Depuis la rentrée du mois de mars 2025, un tiers des primaires et collèges du pays disposent de manuels scolaires avec une IA intégrée pour assister les professeurs dans leurs cours. Une innovation censée faciliter le travail des professeurs et améliorer les résultats scolaires, mais qui ne fait pas l'unanimité. De notre correspondant à Séoul,Après la sonnerie, la vingtaine d'élèves de cette classe de CM1 de la ville de Daegu rejoint sa salle de classe pour une heure de cours d'anglais. Pour pratiquer la langue de Shakespeare, pas de dialogue avec la professeure : chaque élève sort ses écouteurs et parle à son écran.«On va pratiquer les expressions en utilisant l'IA, d'accord?»À l'intérieur de la tablette, une intelligence artificielle discute avec l'enfant et analyse sa prononciation avant d'envoyer les résultats à l'enseignante. Désormais, en Corée du Sud, les cours de mathématiques, d'anglais et d'informatique, de la primaire au collège, sont assistés par une intelligence artificielle qui évalue en temps réel les performances des élèves.À lire aussiL'IA est-elle une chance pour l'éducation?Pour Lim Seong-ha, professeur de mathématiques, cette innovation facilite le travail des enseignants. « Avant, je devais imprimer des documents et passer beaucoup de temps à corriger les élèves. Maintenant, l'intelligence artificielle corrige les exercices et gère l'évaluation. Elle ne conçoit pas le cours à ma place, elle rend juste certaines choses plus pratiques et permet de suivre les résultats des élèves en temps réel ».En classe, les résultats des élèves sont affichés et comparés en temps réel sur le tableau. Une course à la performance dans un système scolaire déjà connu pour être extrêmement compétitif. Une approche de la pédagogie loin d'être partagée par la majorité du personnel éducatif.Kwon Jungmin, chercheuse à l'Université nationale de l'Éducation à Séoul, décrit un programme qui se fait au détriment des élèves. « Cela passe à côté de toutes les bases de la philosophie de l'éducation. Ce programme est pensé uniquement pour les résultats. Le problème, c'est que notre système éducatif doit permettre de former des étudiants à la pensée créative, à la pensée critique. Cette intelligence artificielle fait l'opposé ».Pour l'heure, seul un tiers des établissements a choisi d'implémenter ce système. Le ministère sud-coréen de l'Éducation devra convaincre les professeurs réticents de transitionner vers l'intelligence artificielle au sein des classes.À écouter aussiComment l'IA transforme l'enseignement et l'apprentissage ?
En Autriche, une cérémonie se tient ce samedi 10 mai dans l'ancien camp de concentration de Gusen, au nord du pays, pour commémorer les 80 ans de sa libération. Quelque 71 000 personnes y furent déportées, originaires de près de 30 nationalités différentes, dont de nombreux Polonais. Plus de la moitié y ont trouvé la mort, faisant de Gusen le camp le plus meurtrier d'Autriche. Pourtant, il est longtemps resté oublié après la guerre. Aujourd'hui, 80 ans plus tard, des efforts sont enfin en cours pour créer un véritable mémorial sur ce site, désormais occupé en partie par des habitations privées. De notre correspondante à Vienne,Érigé comme camp annexe du camp de concentration de Mauthausen, Gusen fut le plus meurtrier des camps autrichiens, surnommé « l'enfer des enfers » en raison des conditions de détention extrêmement dures. Mais on est surpris, en arrivant à Gusen, par le peu de vestiges restants. On aperçoit quelques stèles, le four crématoire, et, à quelques mètres seulement de celui-ci, derrière un mur fin, plusieurs maisons.Un lieu de mémoire longtemps effacéCela s'explique par le fait qu'au lendemain de la guerre, ni les Soviétiques, qui occupèrent la zone jusqu'en 1955, ni l'Autriche, qui récupéra le terrain à cette date, n'ont voulu faire de Gusen un lieu de mémoire. Des parcelles du camp furent ainsi vendues, explique Bernhard Mühleder, en charge du mémorial de Gusen. « À partir du milieu des années 1950, il était possible d'acheter des terrains ici, ce que de nombreuses personnes ont fait, d'abord parce que c'était bon marché, et aussi parce que ce n'était pas très loin de la ville de Linz, où il y avait du travail, se souvient-il. Aujourd'hui, beaucoup de gens vivent ici depuis deux ou trois générations. Cela veut dire que, pour eux, cet endroit est devenu leur foyer d'une certaine manière. Mais bien sûr, l'histoire nazie du lieu reste là ».Renate Erbst s'est rendue de nombreuses fois à Gusen avec son père, qui y fut déporté. Il est décédé en 2020, mais elle continue, à 76 ans, à faire ce pèlerinage mémoriel. Et chaque fois, elle revoit son père se recueillir dans ce lieu où, dit-elle, trop peu d'éléments rappellent les milliers de victimes. « Je pense qu'il voulait s'y rendre pour ne pas oublier, parce que l'homme a tendance à refouler les mauvaises choses. Il ne parlait pas de ce qu'il ressentait, mais je vois encore cet homme, petit et mince, se tenir voûté et laisser couler ses larmes... Moi, je ressentais moins de la tristesse que de la colère et de l'incompréhension ».À lire aussiLili Leignel, rescapée de la Shoah: «À la Libération, on ne nous croyait pas !»Une mémoire tardive, mais essentielleEn 2021, l'Autriche a enfin pu racheter certaines parcelles du camp d'importance historique, notamment celle où se trouvait la place d'appel. Un concours à l'échelle européenne pour la conception d'un nouveau mémorial doit s'achever cet été ; il sera construit dans les prochaines années. Si Renate Erbst salue ce projet, elle regrette que son père ne puisse jamais le voir concrétisé, car tout cela vient trop tard.« Il n'y a plus personne. Tout le monde est déjà mort. Alors qui va s'y rendre pour vraiment commémorer les victimes ? Une poignée de personnes. Mon père dirait sûrement que si déjà cinq personnes pensent différemment après, c'est déjà ça. Ce serait pour moi aussi, bien sûr, une satisfaction si cela ressemblait un peu plus à un mémorial, qui commémorerait vraiment les victimes. Et j'espère devenir aussi indulgente que mon père l'est devenu avec l'âge ».Le nouveau mémorial devrait être achevé en 2031.À écouter aussiMémoire de la Shoah: les jeunes se sentent-ils capables de la transmettre?
Un nouveau pape a été élu ce jeudi 8 mai à Rome: Robert Francis Prevost est désormais Léon XIV, une cérémonie suivie partout sur la planète, mais aussi évidemment place Saint-Pierre, au Vatican. Juste après 18h, une fumée commence à s'échapper de la cheminée. Elle est blanche et les cloches de la basilique Saint-Pierre commencent à sonner. La foule envahit le Vatican. On note l'émotion dans la voix de Claudia : « C'est incroyable, je me sens hyper heureuse, je suis sur le point de pleurer. Je ne sais pas encore qui est le pape, mais je suis très ému ».Fidèles, pèlerins, curieux... Tous espèrent se rapprocher du balcon. Alessandro Romain a réussi à se frayer un chemin : « C'est un moment très positif. On espère que ce sera une bonne personne qui fera du bien au peuple ».Les gardes suisses et la gendarmerie vaticane prennent position sur la place au son de la fanfare. Ségolène, elle, a les yeux rougis d'émotion : « Je pense à l'après-midi qu'il a dû vivre en voyant son nom qui sortait, ce qui a dû ressentir dans son cœur, j'accepte, je n'accepte pas, ma vie va être bouleversée et se dire, la stature qu'il est en train de prendre, d'un diocèse à la terre entière. »Et puis le Cardinal Mamberti, Proto Diacre s'avance en premier, sous le regard des cardinaux. « Habemus Papam ! »À lire aussiL'Américain Robert Francis Prevost devient pape sous le nom de Léon XIVQuelques minutes plus tard, Robert Prevost Léon XIV apparait au balcon dans l'euphorie générale : « Que la paix soit avec vous, la paix, les ponts entre les peuples… ». Des mots qui sont revenus dans le discours du souverain pontife, ponctué par des applaudissements.Une fidèle déclare : « Aujourd'hui, ça fait 80 ans que la Seconde Guerre mondiale est terminée et ça me touche qu'il ait parlé beaucoup de la paix. Je pense qu'on a réussi à sortir de ce conflit et qu'on a encore pleins de guerres. On prie pour la paix. L'émotion m'a envahie quand on a vu son visage. C'est plus un nom, c'est une personne avec son histoire, sa pensée, son cœur, ses souffrances. »Une histoire américaine, mais pas seulement. Ce missionnaire a longtemps habité au Pérou. Luiz de Lima s'était enveloppé dans un drapeau péruvien pour célébrer la nouvelle : « Je suis très content ! Parce qu'il a des racines péruviennes et tout le peuple péruvien est fier et content du nouveau pape. » Au téléphone, la famille restée au Pérou affiche aussi un grand sourire.Mais pas autant que ces touristes franco-vietnamiens arrivés sur le tard place Saint-Pierre : « Sur le chemin du retour à Rome, on a vu la fumée blanche.C'était la joie ! On a chanté dans le bus. » Anne a été touchée par les mots et le parcours de Léon XIV : « Nous sommes des réfugiés. Nous sommes aussi étrangers en Europe, ça, ça nous touche au fond du cœur. »
Cet investissement de 10 milliards de zlotys (2,3 milliards d'euros) le long de la frontière avec la Russie et la Biélorussie doit servir à consolider la frontière est de l'Europe pour la rendre imperméable à toute tentative d'invasion venue de Moscou ou de Minsk. Près d'un an après son annonce par le gouvernement polonais, les premiers tronçons de travaux ont déjà été réalisés à la lisière de l'enclave de Kaliningrad, avec l'ambition de faire de cette frontière la plus sécurisée d'Europe. De notre correspondant de retour de Braniewo, Pour se rendre dans ce lieu hautement stratégique, l'armée nous a donné rendez-vous près de la frontière et nous fait monter dans un véhicule militaire. Encore quelques mètres sur un sentier boueux et voilà qu'apparaissent les impressionnantes installations qui bordent la clôture frontalière. Cette portion du « bouclier oriental » a été entièrement réalisée par la brigade d'ingénieurs militaires d'Iwona Misiarz. Elle repose principalement sur un alignement de dents de dragons, des blocs de pierre triangulaires qui doivent faire office de rempart face aux chars russes. « Sur la droite, on a creusé un fossé antichar, et sur la gauche, il y a la première rangée de dents de dragon, décrit-elle. Puis, vous avez une surface qui peut éventuellement devenir un champ de mines antichar, et enfin une nouvelle rangée de dents de dragon. »Un parcours d'obstacles qui ne prétend pas bloquer complètement la route aux Russes en cas d'invasion, mais qui vise à les ralentir. « Les barrages d'ingénierie ont pour but de forcer l'ennemi à abandonner le maximum de son équipement militaire ici, explique Iwona Misiarz. Histoire de lui montrer que s'il veut nous mordre, il y laissera des dents. Et c'est aussi pour la sécurité des habitants, car plus on a de temps pour procéder à des évacuations, mieux c'est. » À lire aussiPologne : devant la menace russe, les formations militaires en faveur des civils se multiplient Une initiative qui ne fait pas l'unanimitéDepuis son exploitation agricole, Sergiusz, le chef de la localité voisine, se réjouit de voir l'armée prendre les devants pour anticiper une éventuelle invasion russe. « On a vraiment besoin de ce bouclier, affirme-t-il. Et on est pour sa construction, c'est une très bonne chose. Il faut se protéger de ces bandits de Russes. » À peine a-t-il fini sa phrase qu'un véhicule des garde-frontières se gare devant sa ferme pour contrôler notre identité. Ils disent avoir repéré notre véhicule, inconnu sur leurs registres. « Ce sont des gens bien ! », réagit Sergiusz. « Ils sont aux aguets, ils surveillent pour qu'on soit en sécurité et pour s'assurer que personne ne traverse la frontière. » Mais quelques mètres plus loin, au milieu de ses ruches, Stefan est plus dubitatif quant à la nécessité de tout ce dispositif : « Aujourd'hui, ça va un peu mieux, même si on est toujours sur nos gardes. Je pense qu'on s'y est habitué et que le temps a passé, le pire est derrière nous. » Pour lui, la peur d'une agression russe s'est apaisée avec le temps.Dans le village voisin, Marta ose même parler d'une simple opération de communication de l'armée. Pour elle, l'hypothèse d'une invasion russe par Kaliningrad relève du fantasme. « Ça leur ferait plus de mal qu'autre chose d'envoyer des missiles dans notre région, soutient-elle. Peut-être sur Varsovie à la limite, mais je n'y crois pas vraiment... Parce qu'ici, il n'y a rien ! Ils vont lancer des missiles sur nos petites maisons et dans nos champs ? Des missiles à plusieurs millions ? Quel intérêt pour eux ? »Le bouclier oriental doit être terminé d'ici à trois ans, en 2028, mais le ministère de la Défense reconnaît déjà que les travaux colossaux se poursuivront probablement au-delà de ce délai. À lire aussiL'engagement militaire des jeunes polonais
Le 13 mars 2024, l'Ocean Viking met le cap sur un bateau en bois qui lui a été signalé. Les sauveteurs tombent par hasard sur un autre bateau, un canot pneumatique qui transporte 23 migrants. Cela fait sept jours qu'ils sont à la dérive, environ 65 personnes sont déjà mortes. Un rapport d'Alarm Phone met en cause les garde-côtes italiens et Frontex : selon leurs informations, ce bateau a été sciemment laissé à la dérive. Les survivants racontent ce qu'il s'est joué à bord. De notre correspondante à Ancône,C'est la deuxième nuit que la situation commence à se dégrader. Les vagues sont énormes, le moteur ne fonctionne plus. Depuis plusieurs heures, le bateau pneumatique dérive au large des côtes libyennes et se remplit d'eau qu'il faut écoper sans cesse. Seules les lumières d'une plateforme pétrolière éclairent la nuit noire. Certains passagers ont des hallucinations, se souvient Ali, qui a 17 ans lors du voyage : « Un homme disait : ''Je vais marcher, me mettre debout et monter dans la voiture." Il délirait, mais à ce moment-là, personne n'était mort. » Cette traversée, c'est le premier face à face d'Ali avec la mort. Dès le deuxième jour, il n'y a plus rien à manger et de l'eau de mer comme seule boisson. À partir du quatrième jour, les morts s'accélèrent : « Certains sautaient dans l'eau, mais c'étaient eux qui voulaient le faire, raconte le jeune homme. Personne ne les a poussés. Parfois, ils voyaient un bateau au loin et sautaient par-dessus bord pour le rejoindre. » De l'autre côté du bateau, Modou, 21 ans, reste uniquement concentré sur son objectif : atteindre l'Europe. Comme Ali, il essaie de ne pas dormir ou le moins possible et de ne penser qu'à rester en vie. C'est la deuxième fois qu'il tente de monter à bord d'un bateau après que le premier a coulé à quelques mètres de la plage du départ en Libye. « J'ai subi beaucoup de tortures, beaucoup de problèmes... Il fallait que je parte, confie Modou. J'ai un vécu très difficile. Je vivais en Casamance, au Sénégal, dans la zone la plus difficile. À cinq ans, je me suis séparé de ma mère. J'ai toujours travaillé seul. C'est cette force qui m'a donné cette énergie. » À lire aussiRoyaume-Uni: lancement d'une commission d'enquête sur le pire naufrage de migrants survenu dans la MancheAu total, 23 personnes ont survécu, des Gambiens, Maliens et Sénégalais. Ils vivent aujourd'hui en Italie où ils attendent leurs papiers, et l'un d'entre eux vit en Espagne. Tous ont refusé de reparler de ce voyage et ont demandé à Modou de parler pour eux. « La partie la plus importante pour lui, affirme-t-il au nom de son camarade, c'est de raconter vraiment la situation de tous ceux qui ont perdu la vie en mer qui et qui ne sont pas arrivés jusqu'ici. Ce sont des personnes qui étaient chargées d'une mission, d'un objectif, pour apporter de l'espérance à leur famille. » En 2024, au moins 2 475 personnes migrantes sont mortes en Méditerranée et plus de 500 depuis le début de l'année. À lire aussiTunisie: dans le camp du «kilomètre 23» démantelé, les migrants ne savent pas où aller
Donald Trump a fait campagne sur la promesse de relancer la production d'hydrocarbures aux États-Unis, reprenant à son compte le fameux slogan « Drill baby drill », (« Fore, bébé fore »), et tant pis pour l'environnement. Fin mars, son administration a de nouveau autorisé l'exploitation pétrolière et gazière des réserves naturelles de l'Arctique en Alaska. Mais même au très conservateur Texas, source de plus de 40% de la production pétrolière des États-Unis, cette politique du tout pétrole est loin de faire l'unanimité. De notre envoyé spécial au Texas, Nous voici à Beaumont, tout à l'est du Texas. La Louisiane est toute proche. C'est ici même au tout début du XXe siècle qu'a été découvert un immense gisement pétrolier qui a lancé une véritable ruée vers l'or noir. À tel point que la ville consacre un musée à l'événement : « Après trois mois de travail acharné, les frères Hamill percent le secret de la plus importante découverte pétrolière de l'histoire. Le 10 janvier 1901, l'éruption projette du pétrole brut sur 30 mètres de haut », commente un film diffusé dans le musée. Le célèbre gisement est depuis longtemps épuisé, mais comme nous l'explique Heather qui travaille au musée, l'or noir reste au cœur de l'économie locale : « Le pétrole est essentiel pour Beaumont. L'université de la ville forme les gamins du coin aux métiers de l'industrie. Les usines pétrochimiques n'arrêtent pas de s'étendre et de recruter. Les gens de la région font jusqu'à deux heures de trajet par jour juste pour venir ici travailler dans nos raffineries. »Devant la grande raffinerie ExxonMobil de Beaumont, nous rencontrons Mike qui vient de finir son « shift » : « Si vous regardez une carte de Beaumont, vous allez voir que la raffinerie représente un tiers de la ville. C'est énorme ! » Alors, on lui demande ce qu'il pense de la politique pro-pétrole de Donald Trump : « Je ne suis pas la politique, pour tout vous dire, je ne vote même pas. Mais pour mettre les choses en perspective, pendant le Covid, Exxon a augmenté ses employés de 12%, alors que toutes les autres entreprises étaient en difficulté et dépendaient du gouvernement ! Donc pourquoi ne pas travailler ici ! »« Je suis préoccupé par l'environnement »Le musée de Beaumont propose une reproduction de la ville telle qu'elle était au moment de la découverte du premier gisement pétrolier. Il y a même un forgeron. « Quand l'industrie pétrolière est née, les forgerons fabriquaient la plupart des outils, les foreuses, rappelle l'intéressé, Rob Flurry. Et cette forge en particulier fabriquait des chariots, c'était le seul moyen de transporter le pétrole. Bien sûr, après, les voitures sont arrivées et les forgerons ont dû s'adapter. »Rob Flurry, lui, a fait le chemin inverse : « J'ai travaillé dans l'industrie pétrolière presque toute ma vie. Le pétrole a eu son moment, mais aujourd'hui, je suis préoccupé par l'environnement : il est temps de faire les choses plus proprement. Mais dans le climat politique actuel, ce n'est pas vraiment à l'ordre du jour, mais je suis sûr que ça reviendra ! » Comme quoi au Texas, on trouve de tout, même un forgeron écolo dans un musée du pétrole.À lire aussiEtats-Unis: la baisse des prix du pétrole et la crainte d'une récession freinent l'exploration
Alors que la paix entre Palestiniens et Israéliens n'a jamais semblé aussi lointaine, une grappe d'étudiants palestiniens a fait le choix de suivre un cursus d'« études israéliennes ». Au programme : cours d'hébreu, études de grands textes du judaïsme et de la littérature israélienne, histoire et sociologie d'Israël. La prestigieuse université de Birzeit, en bordure de Ramallah, affiche clairement ses objectifs : « Mieux connaître l'occupant » pour mieux le combattre sur le terrain des idées. De notre correspondante à Ramallah,C'est un cours d'hébreu... à la palestinienne. Il démarre par une distribution de baklawas. Grand sourire, une étudiante annonce ses fiançailles tout en promenant un plateau de pâtisseries. Gourmand, Esmat Mansour, le professeur, se sert tout en ne perdant pas de vue ses objectifs pédagogiques : « Mazel tov ! Mazel Tov ! » Les yeux rieurs encadrés de lunettes, il confie à voix basse : « L'hébreu rappelle de mauvais souvenirs aux étudiants. Pour eux, c'est la langue des checkpoints. Alors, j'essaie autant que je le peux de détendre l'atmosphère pendant le cours. Moi, j'adore l'hébreu et mon rôle, c'est de faire aimer cette langue à mes étudiants. Je leur dis souvent qu'en maîtrisant l'hébreu, ils vont gagner en force et en confiance en eux. Si tu ne sais pas t'exprimer en hébreu, les Israéliens te mépriseront. »L'hébreu, le quinquagénaire a eu tout le loisir de l'apprendre en prison où il a passé vingt années de sa vie pour participation au meurtre d'un Israélien établi dans une colonie. Il avait pour camarade de cellule un certain Yahya Sinwar, ancien numéro un du Hamas et instigateur des attaques du 7-Octobre qui ont fait basculer la région dans un chaos dont on ne voit plus la fin.Mais sur ce lourd passé, l'homme préfère se faire discret : « Mes étudiants sont curieux et veulent en savoir plus sur l'expérience de la prison, mais l'université n'est pas le lieu pour le faire. Ici, je ne parle que des bons aspects de la prison. Avoir pu apprendre l'hébreu est l'une de ces bonnes choses. »« C'est normal de vouloir en savoir plus sur les Israéliens »Lui qui dit croire désormais en une « solution politique » au conflit, prodigue la matière phare du cursus : l'hébreu à raison de neuf heures par semaine. Révisions du vocabulaire de base et apprentissage de quelques adages en hébreu, le cours se déroule dans une ambiance bon enfant teintée de salves d'humour noir. Après la lecture d'un texte évoquant la protection de la nature et des animaux, un étudiant lance, cynique : « Ils sont fantastiques, les Israéliens ! Ils font attention à tout, la nature, les animaux ! Sauf à nous ! Nous non, on ne compte pas ! Pourquoi ? Aucune idée ! ». Les rires fusent. « Les plus tragiques des désastres sont ceux qui provoquent des rires », soutient le poète palestinien Mohammed El-Kurd dans son recueil « Rifqa ». Ici, on rit beaucoup. Tout en rondeurs et sourires lui aussi, Rabih Bader, 27 ans, dit vouloir entamer un travail de recherche consacré à ce qu'il appelle la « judaïsation de l'histoire palestinienne » par les Israéliens. Impossible donc de faire l'impasse sur l'hébreu : « C'est normal de vouloir en savoir plus sur les Israéliens. Eux savent tout de nous. Ils ont de très bons départements d'études palestiniennes dans leurs universités. Ils étudient non seulement l'arabe, mais même les différents dialectes palestiniens. Ils sont super spécialisés, à nous d'en faire de même. » Oreilles dressées pour écouter les cours, plusieurs étudiants gardent un œil en permanence sur leurs smartphones. Les dernières informations sont égrenées à haute voix : arrestations, incursions de l'armée israélienne ou rumeurs de fuites de documents au sein du Shin Bet, l'appareil de renseignements israéliens, la salle de classe a aussi des airs de rédaction. On commente, on se perd en conjectures et souvent, on ironise, encore et encore, sur la situation. Un programme lancé il y a dix ansPour accéder à cette rieuse salle de classe, il en aura fallu de la patience. Ici comme dans beaucoup d'endroits de Cisjordanie occupée, la méfiance règne. Avant de nous autoriser à nous mêler à leurs étudiants, les responsables de l'université de Birzeit annoncent avoir fait « leur enquête » sur nous. Un mois et demi d'échanges d'e-mails, de messages WhatsApp, de smileys, de vœux pour l'Aïd, de rencontres et de tractations plus tard, les portes de ce programme académique inédit s'ouvrent enfin à notre micro.Sous un portrait de Shireen Abou Aqleh – ancienne étudiante et professeur à Birzeit, mais surtout journaliste star d'Al Jazeera abattue en plein reportage à Jénine par l'armée israélienne – Najat Abdulhaq, sémillante responsable du département de la communication de l'université explique sa prudence. Smartphone en main, elle montre des photos des différents raids de l'armée israélienne sur le campus. Les dizaines d'étudiants arrêtés, les salles de classes retournées et les drapeaux arrachés l'incitent à la prudence désormais. Dans ce contexte hautement explosif, comment étudier sereinement la société israélienne ? Quand ce programme a été lancé il y a dix ans, un dilemme s'est posé d'emblée : peut-on étudier la société israélienne tout en évitant la « normalisation » ? La solution est vite trouvée. Les seuls Israéliens autorisés à donner cours ici sont des Palestiniens, citoyens d'Israël, comme Areen Hawari, directrice d'un centre de recherches à Haïfa, en Israël. Petite, coupe au carré, elle confie que cette escapade académique hebdomadaire en Cisjordanie occupée est paradoxalement une bouffée d'air pour elle : « Je suis heureuse d'enseigner ici à Birzeit. Je suis palestinienne et cela fait partie de notre projet de libération. Oui, cela fait partie de notre projet de libération de pouvoir produire des études qui soient critiques du colonialisme d'un point de vue académique. Je suis très enthousiaste. » Composant 20% de la population israélienne, les Palestiniens d'Israël sont minoritaires. Présentés comme une cinquième colonne qui menace la sécurité de l'État hébreu, ces professeurs – malgré les checkpoints qu'ils doivent franchir pour venir enseigner en Cisjordanie occupée – trouvent ici paradoxalement un répit de quelques heures dans le climat de suspicion généralisée qui prédomine en Israël. « J'ai un passeport israélien, mais je me sens palestinienne et je porte le poids de la douleur des Palestiniens moi aussi. Notre souhait, c'est qu'Israël ne soit pas un État que pour les juifs, mais pour tous les citoyens. On veut un État démocratique », poursuit Areen Hawari. Combattre la colonisation par les armes du savoirUn département d'études israéliennes peut-il se concevoir sans professeurs israéliens juifs ? Pour Asma, étudiante aussi appliquée qu'impliquée, la question ne se pose pas : « On n'a pas de professeur juif effectivement, mais le problème ce n'est pas la confession en soi. On ne veut pas avoir de profs sionistes. Mais ça n'empêche pas qu'on les lise. On ne peut pas comprendre les Israéliens si on ne lit pas Theodor Herzl et d'autres penseurs du sionisme ». Le sionisme. Le terme revient beaucoup en cours. « Plus de terre, moins d'Arabes », lance une étudiante pour le définir. Une question survient alors : « Peut-on étudier un domaine que l'on n'aime pas ? » Sans circonvolutions, Asma répond avec l'aplomb des punchlines propres à sa génération : « On est un peu comme les médecins qui étudient le cancer. Les médecins n'aiment pas le cancer, mais ils l'étudient pour pouvoir le combattre. » Tous, ici, professeurs comme étudiants, ont l'impression de combattre la colonisation par les armes du savoir. Fondée à l'aube du XXe siècle, l'Université de Birzeit a une longue tradition d'engagement pour la cause palestinienne. Les Français l'ont découverte à la (dé)faveur du déplacement de Lionel Jospin sur le campus le 26 février 2000. Pris à partie par des étudiants scandalisés par ses propos sur le Hezbollah qu'il a qualifié de « terroriste », le Premier ministre français essuie jets de tracts et de pierres. La scène donne des sueurs froides à son personnel de sécurité et vient rappeler combien chaque mot est miné dans cette région du monde. Un programme financé par le Centre arabe de recherche et de sciences politiques de DohaUn quart de siècle plus tard, rien n'a changé. L'Orient reste plus que jamais « compliqué » et suscite l'intérêt redoublé de programmes de recherches du monde entier. À commencer par celui des riches pétromonarchies du Golfe désormais convaincues de la nécessité d'investir dans le savoir en plus de la pierre et des clubs de football européens. La petite trentaine d'étudiants qui suit le programme bénéficient ainsi d'une bourse financée par le Centre arabe de recherche et de sciences politiques de Doha. Un institut dirigé par l'intellectuel palestinien Azmi Bishara également citoyen d'Israël où il fut député. Recherche, journalisme, diplomatie, les secteurs en mesure d'accueillir ces rares étudiants palestiniens connaisseurs en profondeur de la société israélienne sont nombreux et stratégiques.Casquette vissée sur la tête, main qui caresse tantôt un chapelet tantôt une cigarette, Mohanad, le regard clair – lui aussi ancien prisonnier comme 40% des hommes palestiniens et dont le nom sera tu pour des raisons de sécurité – confie pourtant avoir du mal à savoir ce qu'il fera de son diplôme. « Tu sais, nous en Palestine, on ne sait plus se projeter. Là, je suis avec toi, mais demain qui sait où je serai ? J'ai été emprisonné deux fois. Je peux être emprisonné à nouveau à tout moment. Depuis le 7-Octobre, on parle même de nous faire partir d'ici de façon massive. C'est difficile de pouvoir réfléchir à l'avenir ». « L'impossible futur ; comment la colonisation israélienne sape les rêves d'avenir de la jeunesse palestinienne ». Un thème de recherche académique en soi…
Inondations, pluies intenses et destruction de routes ou de maisons : c'est ce qui attend la Colombie jusqu'au mois de juin, d'après l'institut météorologique du pays. La saison des pluies, qui a débuté le mois dernier avec le phénomène de la Niña, a déjà causé de nombreux dégâts et a fait au moins deux morts dans la ville de Medellin, le 30 avril. Le maire de la ville a déclaré l'état d'urgence pour catastrophe naturelle et un appel aux dons a été lancé pour venir en aide aux sinistrés. De notre correspondante à Medellin,Le bruit de la pluie est devenu le quotidien des habitants de l'arrondissement San Antonio Desperado de Medellin. Chaque année, les précipitations sont de plus en plus fortes. En ce début de la saison hivernale, les conséquences sont déjà visibles. Alejandro Castagno est agriculteur de père en fils. Ce quadragénaire est natif de San Antonio Desperado et il a été témoin de plusieurs inondations, dont la dernière en date, au début du mois d'avril : « Les affluents de ruisseaux sont obstrués, bouchés à cause de l'abattage des arbres, donc de nombreux bassins se retrouvent avec des sortes de barrages qui bloquent l'eau. La matière végétale s'accumule et se déverse partout et inonde les maisons qui sont proches des ruisseaux. C'était le cas dans le district d'Astilleros. »Natalia Mesa, sa voisine, s'inquiète de la fissure qui traverse la route près de chez elle : « Regardez, quelqu'un a essayé de boucher le trou. Ici, on voit des débris et de la terre, mais comme les camions continuent de passer dessus, notamment les poids lourds, eh bien la fissure continue de se creuser. Le trou dans le sol est énorme, surtout qu'il se trouve sur une faille géologique. D'ailleurs, juste en face, avant, il y avait une très belle maison. La famille a dû être évacuée et la maison détruite. »Risque de précipitations supérieures à la normalePour prévenir ces phénomènes, les pompiers de Medellin sont en train de cartographier le secteur. À l'aide d'un drone, deux pompiers scannent la montagne pour détecter les éventuelles fissures ou mouvements de plaques tectoniques d'une des zones inondées, il y a quelques jours. « Dans ce type de cas, il est avant tout question de glissements de terrain. C'est parce que ce sous-sol est devenu une sorte de nappe phréatique. Il pleut tellement que le terrain ne parvient plus absorber l'eau. Du coup, l'eau commence à se déplacer vers le bas de la montagne, à travers ces chemins sur le côté. Le cours d'eau augmente, ça peut se transformer en un barrage et finir par déborder. Avec les débris et blocs de rochers, ça se transforme en coulées de boue », explique le capitaine Juan Guillermo Usma, sous-commandant du corps des pompiers de Medellin.Pour faire face à ces phénomènes climatiques dits du Niño et de la Niña, les autorités utilisent un système d'alerte, « le Siata ». « Nous avons une surveillance en temps réel via le satellite, mais même si cela aide, il est parfois difficile d'avoir des prévisions précises, notamment concernant la quantité de précipitations attendues, admet Carlos Quintero, directeur du département de gestion des risques et des catastrophes de Medellin. Le sujet des catastrophes naturelles est un sujet ambigu, complexe. Tout ce que nous pouvons établir, ce sont des scénarios de risque d'origine naturelle. »D'après l'Institut de météorologie colombien (Ideam), la saison de fortes pluies en Colombie s'étendra jusqu'à la fin juin. Dans son rapport, l'organisme prévoit des précipitations supérieures de 20 à 50% à la normale au cours de mai.
En Syrie, après 54 ans d'une dictature qui appliquait une censure implacable aux médias et éliminait toute voix critique, une nouvelle ère s'ouvre pour les journalistes en Syrie. L'agence de presse et les chaînes officielles, qui ne servaient qu'à diffuser la propagande du régime, ont été renversées et de nombreux reporters exilés se réinstallent progressivement en Syrie. Ahmed al-Charaa, le nouveau maître de Damas, a promis de faire respecter la liberté d'expression. Si certains veulent y croire et investissent dans la création d'un nouveau paysage médiatique pour la Syrie, d'autres restent méfiants. Travailler et émettre depuis Damas, en plein cœur de la Syrie. Une scène encore impensable il y a quelques semaines pour Mohamed Al Dughaim, producteur de la chaîne Syria TV, un des médias d'opposition les plus suivis en Syrie, dont le siège est à Istanbul en Turquie. « Nous sommes actuellement dans l'hôtel Sheraton, à Damas, et nous avons transformé une partie des chambres de l'hôtel en studio temporaire pour Syria TV, indique-t-il. Nous sommes arrivés à Damas progressivement avec les forces rebelles au fil des offensives militaires, d'abord Alep, puis Hama, puis Homs, et enfin Damas. C'est la première fois que l'on parle de Damas en étant à Damas. C'est un très beau sentiment pour tous les syriens et pour tous les journalistes. »Financée par le Qatar, Syria TV compte 250 employés répartis entre la Syrie et la Turquie. Sur la terrasse de l'hôtel, un plateau télé a été érigé. La chaîne diffuse des informations en direct 3 à 4 h par jour depuis Damas. Pour le producteur originaire d'Idlib, c'est le début d'une nouvelle ère. « Aujourd'hui, on peut parler de tout en Syrie sans être inquiété, sans que les services de renseignement ne vous convoquent, et sans risquer d'être emprisonné. L'avenir des médias en Syrie est bien meilleur qu'à l'époque de Bachar al-Assad. »Après 54 ans de dictature durant lesquels aucune critique du pouvoir n'était tolérée, la nouvelle administration dirigée par Hayat Tahrir Sham (HTS) – l'un des groupes rebelles qui a repris Damas – a annoncé début janvier s'engager en faveur de la liberté d'expression, avec quelques limites. « Dans la nouvelle Syrie, nous garantissons la liberté de la presse, mais il existe des lignes rouges sur certaines questions, comme la diffusion de la haine au sein de la société, ou tout ce qui touche à des sujets susceptibles d'attiser les tensions sectaires. Ne pas préserver la cohésion sociale est aussi une ligne rouge », explique Ali Al Rifai, directeur des relations publiques au ministère de l'Information. Le ministère a aussi annoncé que les journalistes ayant collaboré avec le régime devront rendre des comptes. Dans les cafés de la capitale, de nombreux Syriens se retrouvent pour débattre à haute voix de l'avenir du pays. Une scène, elle aussi, inimaginable il y a peu. « Nous sommes heureux d'avoir cette nouvelle liberté d'expression. J'ai beaucoup confiance dans la société syrienne qui est aujourd'hui très éveillée. Rien ne passe inaperçu. Il y a une pression populaire contre toute décision qui serait inappropriée », raconte Colette Bahna, écrivaine et activiste pour les droits des femmes, qui savoure cette liberté retrouvée. Pour de nombreux syriens, la prudence reste de mise. Seul le temps permettra de savoir si ces promesses de liberté dureront.À lire aussiSyrie: à Jaramana, la vie reprend dans une atmosphère de peur et de méfiance
Depuis l'attentat qui a fait 26 morts dans le Cachemire Indien le 22 avril, la tension entre l'Inde et le Pakistan est à son comble. Après l'escalade diplomatique, les deux pays sont au bord de l'affrontement militaire. Les Cachemiriens, eux, font les frais de cet affrontement. Des maisons sont rasées et des familles déchirées au nom de la lutte contre le terrorisme et le Pakistan. Un silence lourd règne à Pulwama, au sud du Cachemire. Le 26 avril, les forces de sécurité indiennes sont intervenues dans ce village, où un habitant est soupçonné d'être lié à l'attentat. De nombreuses maisons y ont été dynamitées et depuis leurs occupants vivent dans les ruines. « L'armée est arrivée ici à sept heures du matin. Ils nous ont demandé d'évacuer la maison et nous ont conduits à la mosquée. Ils nous ont laissés partir à midi et lorsque nous sommes revenus les maisons étaient en ruine. S'il y avait un militant impliqué, pourquoi s'en prendre à tous les voisins ? », se demande Abdul Rashid. L'homme de 68 ans a tout perdu lors de cette opération de représailles indiscriminée, une méthode courante en Inde, bien qu'en dehors de tout cadre légal. « Ils ont fait exploser notre maison. C'était énorme, même la mosquée tremblait. On a eu très peur, certains habitants se sont évanouis. Il a fallu de l'eau pour les ranimer. Ils se sont tous mis à pleurer », se souvient-il.Depuis que l'Inde a désigné le Pakistan comme responsable de la tuerie du 22 avril, beaucoup d'Indiens jugent que la priorité est de punir leur voisin. Les Cachemiriens, eux, voient revenir dans l'indifférence leur pire cauchemar : être pris entre les feux des exactions des groupes militants et de la répression de l'armée indienne. « Le mariage de mon frère était prévu dans dix jours, mais ils ont tout détruit. On nous a juste ordonné de quitter la maison. S'ils nous avaient prévenus, on aurait peut-être pu sauver certaines choses. Ils transforment cet endroit en Palestine. C'est une injustice totale », se désole Haseena, mère de famille de 42 ans.Dans l'escalade des sanctions, les deux pays ont décidé du renvoi mutuel de leurs ressortissants. Bien que rares, les familles mixtes Indo-Pakistanais se retrouvent aujourd'hui écartelées. « J'étais sorti pour mon travail et j'ai reçu un appel de ma famille. Ils avaient reçu une notification de la police demandant à ma femme et mes deux filles de quitter le pays », raconte Bachir. Il est Pakistanais et vit dans le Cachemire Indien. Avec sa femme, ils ont trois enfants dont deux sont nés au Pakistan et l'un en Inde. Bachir et sa famille refusent d'être séparés et sont depuis terrés chez eux dans l'angoisse. « Cette séparation est insupportable. Qu'ils nous tuent, ce serait mieux, ce serait fini. Comment peuvent-ils séparer un fils de 10 ans de sa mère ? Que va devenir mon fils tout seul en Inde ? », s'inquiète-t-il. L'embrasement renforce la suspicion contre les musulmans indiens, soupçonnés de sympathie avec la cause indépendantiste du Cachemire, le seul État à majorité musulmane du pays. De nombreux cas de harcèlement par la police ou des groupes extrémistes hindous sont signalés. À lire aussi«Les habitants stockent des vivres»: les Cachemiriens se préparent à un potentiel conflit entre l'Inde et le Pakistan À écouter aussiDécryptage: Inde et Pakistan, un regain de tensions particulièrement inquiétant
Médias dans la ligne, encadrement patriotique pro-Kremlin de la jeunesse, passeportisation intensive... Plongée dans la vie de la partie de la région de Kherson administrée par la Russie, à l'heure où le plan de cessation des hostilités de Washington veut faire accepter les conquêtes militaires de l'armée de Vladimir Poutine comme un état de fait. De notre envoyée spéciale à Genishensk,Djankoï, un des postes de contrôle des entrées et sorties entre la partie de la région de Kherson où flotte le drapeau russe et la Crimée annexée en 2014. C'est notamment par là que sont entrés les soldats de Vladimir Poutine lancés à l'assaut de l'Ukraine en février 2022. Plus de trois ans après, ce nœud stratégique reste sous très haute surveillance. Contrôle systématique des identités, fouille minutieuse des véhicules et des bagages, potentiel examen poussé des téléphones et de leurs contenus, auxquels s'ajoute la menace planante d'un interrogatoire par le FSB (les services russes de sécurité intérieure).Pour la presse internationale accréditée en Russie, l'accès est soumis à une autorisation qui doit être sollicitée auprès des autorités locales.La partie de la région sous contrôle russe vit, elle, avec un couvre-feu strict de 22 heures à 6 heures. À Genishensk, la capitale administrative des autorités russes, située à 80 km de Djankoï, personne ne plaisante avec la règle : on doit passer ses dernières commandes au restaurant avant 19h, pour être sûr que chacun, clients comme membres du personnel, soit rentré chez soi à l'heure fixée.« Guerre idéologique »La ville est gardée à toutes ses entrées par des barrages militaires, et dans les rues, la présence des forces de sécurité (soldats, police militaire, garde nationale..) est imposante. La journée, malgré le soleil printanier, pas de promeneurs visibles le long des sentiers longeant la mer d'Azov ou bien dans les allées ombragées de la ville. On se déplace dans l'espace public pour vaquer à ses affaires avec un but précis, et la population locale tient ses conversations dans les magasins à voix basse, presque en murmurant. Les regards sur les étrangers de passage sont lourds de questions et d'inquiétude.Les armes parlent surtout dans une zone dite « d'accès spécial » le long d'une distance de 30 kilomètres en bordure du Dniepr. Ce jeudi 1er mai, selon un message sur Telegram de Vladimir Saldo, le dirigeant régional nommé par Moscou, une frappe de drones ukrainiens a tué au moins sept personnes et fait plus de 20 blessés dans la ville d'Olechky.Même si le bruit des armes est bien plus loin, à Genishensk on vit aussi toujours à l'heure de la guerre. Et pas seulement sur le plan militaire : « Jusqu'à aujourd'hui encore, nous menons une guerre idéologique »,explique Oksana Kalachnikova, cheffe du département de politique intérieure au sein de l'administration installée par la Russie, ainsi que la responsable du comité d'organisation de la célébration du 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. « Et dans certains endroits, nous menons très activement une guerre de l'information, car il est clair qu'il y a encore ici des opposants, des pro-ukrainiens. »Radio Tavria, mise en place en 2023, est l'un des instruments de ce combat revendiqué. Elle diffuse en journée de la musique, des débats, et des bulletins d'actualités quasiment toutes les heures. Une édition peut ainsi débuter par le rapport quotidien rédigé par les forces armées russes, repris in extenso par la présentatrice :« Au cours de la journée écoulée, les formations armées ukrainiennes ont perdu dans la direction de Kherson plus de 90 militants ; des unités du groupement de troupes Dniepr ont vaincu les effectifs et détruit l'équipement d'une brigade d'assaut, de deux brigades de défense côtière et d'une brigade de défense. Les pertes ennemies comprennent un véhicule blindé de transport de troupes, deux véhicules blindés de combat, neuf véhicules, trois pièces d'artillerie, deux stations de guerre électronique, une station radar, une batterie et deux dépôts de munitions ».La suite concerne notamment les dernières annonces du gouverneur, les mesures prises par l'administration locale. Un contenu au total très similaire à ce qu'on peut lire, entendre ou voir dans les médias fédéraux légitimistes russes. Radio Tavria est là seule à diffuser officiellement dans cette partie de territoire annexé par la Russie en septembre 2022, à la suite de référendums condamnés et jugés fictifs et illégaux par l'Ukraine, soutenue notamment par l'administration Biden, l'Union européenne ainsi que l'Assemblée générale de l'ONU par un vote de 143 voix pour, cinq contre et 35 abstentions. Dans cette ville côtière qui fût longtemps une ville de villégiature comme en témoigne la présence de nombreux hôtels, il est quasiment impossible d'avoir accès à d'autres sources d'information que les médias officiels : internet passe très mal et les VPN ne fonctionnent quasiment pas.« Formater toute une nouvelle génération loyale au Kremlin »Pour renforcer davantage son emprise, la Russie mise sur l'avenir et intensifie tout particulièrement ses efforts financiers et humains en direction de la jeunesse. Les écoles sont l'objet d'une attention spéciale et pour cause : l'administration locale revendique de vouloir formater toute une nouvelle génération loyale au Kremlin. Sur la façade de l'une d'entre elles, le portrait fraîchement peint de Daria Douguina, la fille de l'idéologue ultranationaliste Alexandre Douguine, tuée en août 2022 dans la région de Moscou dans l'explosion de sa voiture. Journaliste et politologue, elle affichait comme son père un soutien ouvert à l'offensive russe en Ukraine.L'école numéro 3 de la ville fleure bon le neuf, et sa directrice Zoya Anatolevna Yasintseva la fait fièrement visiter : « Regardez, nous avons mis des tables de ping-pong ici », détaille-t-elle. « Nous avons aussi des espaces dédiés à l'entrainement pour l'aviron, et nous avons même une élève qui a ramené une médaille d'or d'une compétition à Moscou ». Zoya Anatolevna Yasintseva invite à entrer dans une classe d'adolescents de 14 -15 ans, réunis sous la houlette de membres d'un des nombreux mouvements de jeunesse encouragés par l'administration locale, le mouvement panrusse des volontaires pour la victoire, présent aussi dans les frontières internationalement reconnues de la Russie. C'est sa responsable locale, Yana Yakoucheva, étudiante de 20 ans à la faculté de médecine de Génishensk, qui s'adresse aux élèves. L'activité du jour : écrire aux combattants, actuels ou anciens, de l'armée russe : « Vous commencez par les mots "bonjour, cher soldat" ou “bonjour, cher vétéran” », conseille Yana Yakoucheva. « Après cela, vous pouvez écrire des mots de soutien, des mots de gratitude ».La jeune femme ne ménage pas ses efforts pour convaincre son jeune public de rejoindre son mouvement en vantant ses nombreuses activités. Avec notamment comme argument, un séjour cet hiver à Saint-Pétersbourg : « J'ai eu l'honneur d'être invitée le 27 janvier dernier aux commémorations de la fin du siège de Léningrad », dit-elle debout devant le tableau. « C'était vraiment cool, des émotions que je ne peux même pas décrire ». Clou du déplacement à ses yeux : « J'ai pu apercevoir deux présidents, Alexandre Loukachenko et Vladimir Vladmirovitch Poutine ».« Affiches dans les écoles pour rejoindre les formations militaires dans toute la Russie »Dans une autre classe, des élèves de 8 - 9 ans en uniforme, cheveux nattés ou ramassés en queue de cheval pour les fillettes, coupés net pour les petits garçons. Tous assis sages comme des images le long d'un mur où est notamment accroché le portrait de Vladimir Poutine. C'est le jour d'une leçon dont on leur a répété à quel point elle était essentielle : ce qu'on appelle la « conversation sur les choses importantes », soit un cours sur le patriotisme. L'institutrice précise en entrée en matière comme premier point cardinal : « Nous devons avoir foi en la vérité. Seule la vérité est nécessaire. Vous devez y croire. »Elle lance ensuite une vidéo sur fonds de chanson patriotique connue vantant la Russie martiale, le tout sur des images montrant Moscou et ses bâtiments officiels, ainsi que les parades militaires qui y défilent. « Voilà la capitale de notre patrie », dit l'enseignante aux enfants. Elle aussi, enfin, fait écrire aux élèves dans un silence studieux des lettres aux soldats russes « qui se battent pour nous, notre pays et votre futur », dit-elle, et fait réciter des poèmes patriotiques russes.Dans les couloirs, on se bouscule et on chahute comme dans n'importe quel établissement scolaire. Mais dans l'entrée de l'école, des affiches invitent à rejoindre des écoles militaires dans toute la Russie. Une table est aussi dressée pour mettre en valeur à la vue de tous les premières contributions scolaires sur les commémorations du 9 mai 1945 célébrant la capitulation de l'Allemagne nazie. Depuis le lancement de l'offensive contre l'Ukraine en 2022, les forces russes ont sécurisé des cérémonies du 9 mai dans les territoires conquis, avant même leur annexion. En cette année particulière, qui marque les 80 ans de la victoire des Alliés, l'administration locale présente un très large éventail d'efforts de formation des jeunes et des adultes, et de préparation de très nombreuses cérémonies de commémoration et événements, dont elle avance qu'elles seront évidemment très suivies. La comptabilité est en tout cas soigneusement entretenue et présentée par Oksana Kalachnikova : « L'année dernière, environ 15 000 personnes ont participé aux événements consacrés à la célébration du 9 mai. Ce chiffre ne concerne que la seule ville de Genichensk. Et cette année, je pense que nous allons largement battre ce record. »Le Kremlin s'attache depuis 2022 à faire un parallèle historique entre sa guerre en Ukraine et la Seconde Guerre mondiale. Y adhérer est une des démonstrations de loyauté essentielles exigées par le pouvoir.Une autre, tout aussi fondamentale pour Moscou, est l'acquisition de la citoyenneté russe. Là aussi, Oksana Kalachnikova vante les chiffres locaux en matière de passeportisation : « En avril de cette année, 16 000 passeports russes ont été délivrés au cours du seul premier trimestre. On parle désormais de plus de 250 000 passeports déjà attribués dans la région. Je pense que nous approchons le chiffre de 300 000. Cela représente la quasi-totalité de la population adulte de la région de Kherson car selon les statistiques officielles, elle compte 380 000 habitants. Ce travail a été récemment intensifié et nous constatons une dynamique positive, car c'est impossible de refuser la citoyenneté d'un État, qui fait tant pour vous ».Pour expliquer les chiffres qu'elle présente, l'administration installée par la Russie met en avant ses efforts pour reconstruire et rénover des routes et des bâtiments, avec l'idée que la qualité de vie serait aujourd'hui bien meilleure qu'avant.Ce passeport russe est surtout devenu nécessaire pour toute une série de procédures administratives. Selon des ONG, les civils des territoires annexés subissent des pressions pour le prendre. Kiev dénonce des méthodes « illégales » qui violent sa souveraineté. L'Union européenne a déclaré qu'elle « ne reconnaîtrait pas les passeports russes délivrés dans les régions d'Ukraine tenues par Moscou ».S'ajoute une date butoir : par oukaze de Vladimir Poutine signé le 20 mars dernier, les habitants de Genishensk comme ceux de tous les territoires sous administrés par la Russie ont jusqu'au 10 septembre dernier délaipour prendre un passeport russe. Au-delà, ceux qui ne l'ont pas fait seront considérés comme des migrants illégaux. Et devront partir.
Il incarne la volonté trumpiste de représenter « l'Amérique oubliée » et son électorat populaire et blanc. J.D. Vance a grandi dans l'Ohio, dans la « rust belt », nom donnée aux régions désindustrialisées, mais sa famille est originaire de l'est du Kentucky dans les montagnes des Appalaches. Dans cette région pauvre et reculée, l'arrivée de J.D. Vance à la vice-présidence suscite la fierté des habitants qui espèrent des retombés économiques. De notre envoyé spécial à Jackson dans le Kentucky,Dans ces vallées qui s'enchaînent, recouvertes de végétation, Jessica Ellis rentre chez elle dans sa maison au bord de cette route sinueuse, à quelques kilomètres de l'ancienne demeure des grands-parents de J.D.Vance et de leur cimetière familial. Jessica, électrice de Donald Trump, explique que tout le monde ici se réjouit de l'arrivée de J.D. Vance à la vice-présidence :« Il comprend la situation ici. Il va pouvoir aider cette région d'une façon qu'on ne peut même pas imaginer. »J.D. Vance a raconté son histoire familiale entre ces montagnes du Kentucky et les plaines désindustrialisées de l'Ohio, à quelques centaines de kilomètres au nord. Dans son livre Hillbilly Elegy, il y revendique fièrement ce terme de « Hillbilly» qui peut se traduire par « péquenaud », terme péjoratif employé pour désigner les gens de cette région plus isolée. « Il y a un cliché qui dit qu'on serait pieds nus et stupides, mais comme vous pouvez le voir, je porte des chaussures, il y a aussi l'idée qu'on ne compte pas, mais J.D. a prouvé qu'on n'est pas stupides », ajoute Jessica.L'espoir d'être mieux représentéVingt-huit pour cent des habitants de ce comté vivent sous le seuil de pauvreté alors que la moyenne nationale est de 12%. Dans le centre du village, la vitrine d'une épicerie affiche un drapeau « Trump, sauvez l'Amérique à nouveau ». Le propriétaire Kenneth Patrick en attend également beaucoup du vice-président : « Il va peut-être nous aider à ramener des usines ici dans le comté de Breathitt, je l'espère, on a besoin de croître, on est en train de devenir un village fantôme et c'est effrayant. »Ici, J.D. Vance c'est l'espoir d'être mieux représenté et écouté à Washington, comme l'explique Stephen Bowling, le directeur de la bibliothèque publique et historien du comté : « Pendant des générations, on a permis aux autres d'écrire notre histoire. Les gens venaient dans les montagnes pour des pratiques économiques extractivistes. Ils ont pris le charbon puis sont partis, ils ont pris le bois puis sont partis, comme pour le sel. Tout ça a retiré le pouvoir, la stabilité économique et la richesse, donc maintenant la possibilité d'avoir une voix à Washington est importante pour les habitants. »Avant son investiture, J.D. Vance est revenu ici en visite, confirmant pour les habitants le dicton local : « Le garçon peut quitter la montagne, mais la montagne ne peut pas quitter le garçon. »À lire aussiPrésidentielle américaine: J.D. Vance, d'anti-Trump à colistier du candidat républicain
Les Canadiens votent ce lundi 28 avril pour des élections législatives anticipées que les libéraux emmenés par l'actuel Premier ministre, Mark Carney, devraient gagner au terme d'une campagne marquée par le conflit sans précédent avec les États-Unis. Les attaques répétées de Donald Trump contre son voisin suscitent beaucoup d'incompréhension et de colère parmi les Canadiens, à tel point que certains boycottent leur voisin. De notre envoyée spéciale à Ottawa,Les chutes du Niagara pour faire oublier Broadway à sa fille ? Rachel Doeran et sa famille devaient passer leurs vacances aux États-Unis. À cause de Donald Trump, changement de destination : « Le changement s'est fait en dernière minute. On ne pouvait pas faire grand-chose de spécial, mais on a fait un petit tour chez nous. Ça nous a donné l'occasion de faire des choses que l'on n'aurait peut-être pas faites. On doit montrer la fierté canadienne. Je ne peux pas changer grand-chose, mais je peux choisir où dépenser mon argent. »Plus d'un Canadien sur deux a annulé un séjour aux États-Unis ces dernières semaines, d'après un sondage Abascus Data. Certains renoncent également à Netflix ou à Amazon. « C'est très pratique, car vous êtes livré chez vous. Même les croquettes de mon chien, je les achetais sur internet et je les recevais chez moi. Maintenant, je vais dans un supermarché canadien. Vous trouvez les mêmes produits en magasin. Il faut juste changer ses habitudes, s'organiser un peu mieux quand on fait ses courses. Une fois que cette histoire de droits de douane sera réglée, j'arrêterai. Mais pour l'instant, je fais de mon mieux pour soutenir les entreprises canadiennes », explique Daniel Martel, greffier de 31 ans. 70% des Canadiens évitent les produits américainsDans les supermarchés canadiens, ont fleuri ces derniers temps des feuilles d'érable, des étiquettes rouges et blanches qui indiquent aux clients que les produits vendus sont fabriqués au Canada. Selon un sondage paru dans la presse locale, plus de 70% des Canadiens évitent d'acheter des aliments américains. C'est le cas de David McCann, 72 ans, ancien ouvrier dans l'automobile : « Oh oui, quand je fais mes courses, je fais attention et j'achète autant que possible des produits canadiens. Et pour les aliments qu'on ne trouve pas ici, comme certains fruits et légumes, en hiver par exemple, j'achète des produits chiliens, mexicains ou espagnols. Je ne suis pas en colère contre les Américains, mais contre leur gouvernement. Donald Trump se prend pour un roi. Mais c'est un clown ! » Problème : les produits canadiens sont parfois plus chers. Et puis ce n'est pas toujours facile de s'y retrouver entre ce qui est fabriqué au Canada par une compagnie américaine et ce qui est produit par une entreprise canadienne, mais avec des matières premières venues des États-Unis. Des Canadiens ont créé des applications qui permettent d'y voir clair. La guerre avec leur voisin stimule aussi la créativité des artistes canadiens. Comme le chanteur Jim Cuddy avec son dernier titre : Nous étions les meilleurs amis du monde. À lire aussiÉlections au Canada: portés par leur opposition à Trump, les libéraux de Carney s'avancent en favoris
La 137ᵉ édition de la foire de Canton qui a débuté le 15 avril et se termine le 5 mai, réunit 31 000 exposants, presque tous orientés vers le marché de l'exportation. La première semaine était consacrée aux produits et machineries industrielles, à l'électroménager, aux produits électroniques, aux véhicules, au BTP. Les taxes douanières sont devenues un sujet sensible pour tous ces exportateurs, qui cherchent déjà des alternatives au marché américain. De notre correspondante à Pékin, Parmi les milliers de stands de produits industriels qui offrent les promesses de nombreux échanges à venir, Wang Lian, qui exporte des onduleurs solaires, nous raconte avoir vu un changement d'attitude de la part de ses clients américains : « Cela a clairement un impact, y compris sur nos clients. Ils ne viennent même plus chercher leurs marchandises. Les produits sont prêts, mais ils refusent de les prendre. Et bien sûr, ils nous demandent de baisser nos prix. »Aujourd'hui, il s'agit d'avoir le regard tourné ailleurs, notamment vers l'Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient et l'Europe, dit-elle : « Oui, nous devons absolument nous développer sur d'autres marchés. Nous ne pouvons pas nous accrocher uniquement aux États-Unis. Si les États-Unis ne sont pas favorables à notre entreprise, nous devons bien sûr envisager d'autres options, n'est-ce pas ? »Lily, qui exporte des câbles électriques, souhaite que les droits de douane soient simplement supprimés, car cela ne profite à personne. « Certains nouveaux clients américains nous ont dit qu'ils cherchaient des usines en dehors de la Chine. C'est ça la situation actuelle. Les États-Unis n'y gagnent rien. Ce que nous faisons en Chine n'est qu'une légitime défense : ils ont fait le premier pas, et nous ne faisons que riposter. Je soutiens sans réserve la décision de la Chine. »Tirer parti de cette situationLes acheteurs, eux aussi, s'interrogent, tentent de trouver leur compte. OJ, un jeune entrepreneur canadien, nous dit que s'il fallait choisir entre faire affaire avec les États-Unis ou la Chine, la question ne pose pas : « À l'heure actuelle, la Chine. En tant qu'homme d'affaires, je vais continuer à travailler avec la Chine, car c'est un endroit très, très diversifié, très beau. Il y a tellement de technologie. Ça se développe chaque jour. »Craig, un acheteur australien, explique que même s'il ne ressent pas directement le poids des taxes pour le moment, il a des inquiétudes quant à l'avenir. Mais il souligne aussi qu'il va tenter de tirer parti de cette situation. « C'est un sujet brûlant. Je vais franchement faire pression sur eux pour obtenir des prix plus bas. Ça reste vraiment notre travail. Nous allons donc chercher à obtenir des coûts de production moins élevés de la part de la Chine dès maintenant. »Faute d'accords trouvés le plus rapidement possible, tout le monde se prépare à mettre des alternatives en place, tout en gardant les yeux rivés sur les échanges entre les deux grandes puissances économiques.À lire aussiGuerre commerciale: inquiétudes, fierté et résilience des exportateurs chinois à la Foire de Canton
Un projet de Wolfgang Porsche, petit-fils du fondateur du célèbre constructeur automobile allemand et président du conseil de surveillance de Porsche AG, fait polémique à Salzbourg. Le milliardaire veut aujourd'hui faire construire un tunnel privé de 500 mètres de long sous la colline du Kapuzinerberg pour accéder à sa villa. De notre correspondante à Vienne, Les ouvriers s'activent devant la « Villa Zweig ». La demeure dans laquelle vécut l'écrivain Stefan Zweig de 1919 à 1934 a été rachetée en 2020 par Wolfgang Porsche pour 8,4 millions d'euros. Outre ces travaux de rénovation, le milliardaire de 81 ans a un autre projet tout aussi spectaculaire : la construction d'un tunnel privé pour pouvoir la rejoindre sans avoir à emprunter l'actuelle route, étroite et fréquentée par les touristes. Ce tunnel passerait sous la colline du Kapuzinerberg.Pour cela, Wolfgang Porsche a signé, il y a un an, un contrat avec l'ancien maire conservateur de Salzbourg, Harald Preuner. Il prévoyait le paiement d'une somme forfaitaire de 40 000 euros pour le droit de servitude sous la colline. Tout a été fait dans les règles et cette polémique n'a pas lieu d'être, estime l'ancien édile.« La famille et l'entreprise Porsche est l'un des plus gros employeurs de la ville et du land de Salzbourg. Et il faudrait, je crois, réfléchir à la manière dont nous traitons les personnes qui ont, non seulement, beaucoup investi dans la ville durant des générations, mais qui ont en plus fait ici tout ce qui était légal et pris toutes les précautions nécessaires. Lui reprocher aujourd'hui d'acheter cette villa, de la rénover enfin, et de l'aménager correctement n'a pas de sens », défend Harald Preuner.Un projet situé sur un site protégéCommandée par le nouveau maire et payée par la famille Porsche, une expertise a conclu que la somme de 40 000 euros pour le droit de servitude était appropriée. Mais celle-ci n'a pas calmé les oppositions, car ce projet pose des questions plus larges, estime Ingeborg Haller, cheffe de file des Verts au conseil municipal, à la tête de la fronde : « Ce projet est problématique d'abord parce que le Kapuzinerberg est une montagne urbaine qui est très importante pour le microclimat de la ville. C'est un site protégé et une oasis verte. Et puis c'est aussi une question d'égalité de traitement, car d'autres personnes vivent ici. Tout cela pose la question de savoir comment, en tant que ville, nous gérons notre propriété foncière. »À Salzbourg, tout le monde connaît la Villa Zweig et les avis sur ce projet de tunnel privé sont partagés. « Rénover cette maison coûte beaucoup d'argent, la ville n'a pas cet argent et presque personne ne peut se le permettre, à part lui. Alors s'il a besoin d'une voie d'accès, je ne vois pas de problème », balaie une habitante. Un autre se souvient qu'il y a quelques années, « il y avait l'idée de construire un tunnel public à travers le Kapuzinerberg, cela n'a pas été fait. Mais un tunnel privé pour rejoindre une maison, c'est possible. C'est comme s'il y avait les riches et le reste. »Une décision du conseil municipal est attendue en mai et à ce stade, elle reste incertaine. Si la gauche s'alliait, le projet pourrait bel et bien être retoqué.
Aux États-Unis, l'administration Trump poursuit sa politique d'expulsion à grande échelle. Des centaines de migrants accusés d'être membres de gangs ont ainsi été envoyés de manière expéditive dans une prison géante au Salvador. Partout dans le pays, les services de contrôle de l'immigration procèdent à des arrestations de migrants illégaux, d'autres voient leur statut de résident révoqué brutalement. À tel point qu'un climat de peur règne au sein de la communauté latino. Particulièrement au Texas où elle est très nombreuse. De notre correspondant à Houston,Devant l'université de Houston-Downtown, nous rencontrons Gladys, 21 ans dont 20 ans passés aux États-Unis. Mais elle n'a pas encore la nationalité puisqu'elle est née au Guatemala : « J'ai peur pour tous les sans-papiers. Ils vivent dans la peur. Les gens n'osent plus sortir dans la rue, quand on frappe à la porte, ils n'osent plus ouvrir de peur que ce soit la police de l'immigration. J'ai vu des gens emmener leur passeport ou la monnaie de leur pays d'origine sur eux au cas où ils se feraient expulser. » Et ces personnes planifient leur vie quotidienne comme si elles pouvaient être expulsées à tout moment. « Oui, à tout moment », confirme Gladys.Dans ce climat, on est surpris de la décontraction de Martin. « Je ne parle pas espagnol, lui pas très bien anglais, mais avec l'aide des mains, on arrive à se comprendre. » Cela fait 32 ans qu'il vend ses fruits et ses légumes sur ce marché de Houston, mais il n'a ni la nationalité américaine, ni de permis de résidence : « Non, pas de carte verte. Je suis Mexicain. Il n'y a pas de problème ! Ça fait 32 ans que je suis ici, et je n'ai jamais eu de problème avec les services de l'immigration. »À lire aussiLes États-Unis mettent fin au statut légal de plus de 500 000 étrangers et leur ordonnent de quitter le paysPeur d'être arrêté à tout momentSur le parking du marché, Maria remplit son coffre. Elle a trois enfants, trois garçons. Eux ont la nationalité américaine. Pas elle. Alors le simple fait de sortir faire des courses est une source d'angoisse : « J'ai très peur. On ne sait jamais ce qui peut se passer en cas de contrôle routier. C'est très effrayant. Imaginer que je puisse être détenue alors que mes enfants sont à l'école, c'est… ». Elle s'arrête un instant puis reprend : « Le beau-père de mon frère a été arrêté la semaine dernière avec d'autres membres de sa famille. Et on ne sait rien, on ne peut même pas leur rendre visite. Ils sont seuls et personne ne sait ce qui va leur arriver. »Les papiers de Gladys sont en règle alors, elle joue parfois les éclaireurs : « J'ai une amie mexicaine qui m'a appelée un jour pour me demander d'aller voir si ICE [les services de contrôle de l'immigration, NDLR] était près d'un magasin. Je suis allée voir et c'était vrai : il y avait quatre voitures des services de l'immigration ! Les gens couraient de peur d'être arrêtés et expulsés. J'ai prévenu mon amie, et comme son appartement se trouve juste derrière ce magasin, elle n'a pas osé sortir de la journée. Elle n'est même pas allée travailler ce jour-là. »À lire aussiÉtats-Unis: l'administration Trump prive des milliers d'immigrés de la sécurité sociale en les déclarant morts
La radio, outil ludique et pédagogique d'éducation aux médias et à l'information. C'est ce que propose depuis une dizaine d'années le réseau social éducatif European School Radio, installé dans les locaux de l'université internationale de Thessalonique en Grèce. Cette structure éducative vient d'organiser mi-avril un festival radiophonique destiné aux enfants et aux adolescents grecs, avec des jeunes venus de France, d'Allemagne ou encore de Chypre. Comment s'informent-ils ? Comment abordent-ils les fausses informations ? De notre envoyé spécial à Neos Marmaras,L'événement de cette mi-avril, c'est la soirée d'ouverture d'un festival radiophonique destiné aux jeunes qui regroupe près d'un millier de participants en Grèce. Jeunes Français, Allemands ou Grecs sont venus réaliser un podcast pour documenter, comme des apprentis journalistes, leur passage au festival, un projet baptisé Kids radio Europe. Casque sur les oreilles et enregistreur à la main, Jade, 16 ans, profite d'une excursion dans la forêt pour se fondre dans le rôle de reporter et capturer l'atmosphère sonore. Face à la multitude d'informations qui circulent sur les réseaux sociaux, l'adolescente se dit méfiante. « Quand j'entends ma sœur parler de ce qui a eu lieu, de ce qui s'est passé sur TikTok, j'ai tendance à aller sur Internet voir si c'est réel ou pas. C'est plus simple quand ça vient de médias officiels pour moi parce qu'il y a des gens derrière qui ont revérifié l'info », estime la jeune fille.Ses jeunes collègues grecs, Johanna, 16 ans, et Anna, 15 ans, affirment également la culture du doute. « Pour l'actualité, je m'informe bien sûr un peu via la télévision, mais surtout via Internet. Je consulte plusieurs sites pour être sûr que les informations soient fiables. Quand les journalistes grecs exagèrent, lorsqu'ils en font des tonnes, je ne leur fais pas confiance », raconte Johanna. « C'est principalement la télé que je suis les informations. Ici, à la télévision, je trouve que les journalistes exagèrent beaucoup. Ils rendent les sujets beaucoup trop dramatiques. Cela peut pousser les gens à croire ne sont pas vraies. Je pense que ça va être encore pire dans le futur avec l'intelligence artificielle. Nous, les jeunes, on l'utilise, mais elle peut aussi contenir de fausses informations », selon Anna.D'où l'intérêt pour leurs encadrants d'initier enfants et adolescents à l'univers de l'information. Myrto Stamelaki dirige ce projet européen d'éducation aux médias au sein de l'association les Francas. Elle en résume la mission éducative. « Comprendre comment fonctionne le monde des médias, comment on peut aller chercher une information, vérifier une source. Notre objectif principal, c'est développer l'esprit critique », explique-t-elle. L'initiation aux médias et à l'outil radio passe aussi par la dimension ludique. Laura, 12 ans, informe ses auditeurs des péripéties du séjour, via un carnet de voyage. Documenter le monde tel qu'il est et non tel qu'on voudrait qu'il soit. Voilà peut-être pour ces collégiens et lycéens européens l'une des leçons de ce festival radiophonique.À écouter aussiAppels sur l'actualité: semaine de la presse et des médias à l'école
Il n'a peut-être jamais été aussi difficile d'être homosexuel, bisexuel ou transgenre en Turquie. Depuis plusieurs années, le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan s'en prend directement et de plus en plus violemment aux ONG de défense des droits des LGBT. Les autorités turques, qui ont décrété 2025 « année de la famille », préparent actuellement une loi qui pourrait aboutir à la criminalisation de l'homosexualité dans l'espace public. De notre correspondante à Ankara,Le 13 janvier dernier, Recep Tayyip Erdogan présentait les priorités de son gouvernement pour « l'année de la famille » – c'est ainsi que le président turc a désigné l'année 2025. Le ton, l'intention et les cibles étaient claires. « À ce stade, nous le voyons de façon très nette. La cible principale des politiques de désexualisation dans lesquelles les LGBT sont utilisés comme un bélier est la famille. Cette anomalie, qu'ils ont d'abord voulu légitimer en parlant de choix personnels, s'est transformée en une injonction fasciste », a clamé le président turc. Qui parle aussi régulièrement de « pervers » et de « déviants » pour attaquer la communauté LGBT, qu'il compare à la peste.La Marche des fiertés, autrefois autorisée, est interdite depuis plus de dix ans, tout comme le drapeau arc-en-ciel. Mais en cette « année de la famille », le pouvoir veut aller plus loin. Un projet de loi en préparation prévoit entre autres de punir de un à trois ans de prison le fait « d'encourager ou de faire l'éloge en public d'attitude et de comportement contraire au sexe biologique de naissance et à la moralité publique ».Si le texte passe en l'état, les conséquences sur le quotidien des LGBT de Turquie seront radicales. « Si deux lesbiennes ou deux gays qui se tiennent la main dans la rue ou un individu de sexe biologique masculin qui porte une jupe ou se maquille, tout cela sera criminalisé, tout cela sera puni de prison », explique Kerem Dikmen, coordinateur du programme Droits de l'homme de l'ONG Kaos GL.Les minorités sexuelles de Turquie affrontent d'année en année un climat politique de plus en plus hostile et répressif. Ce climat n'est pas seulement lié à la montée, ailleurs en Europe et dans le monde, de gouvernements de droite, conservateurs et populistes. « Le fait que Donald Trump soit au pouvoir aux États-Unis ou Victor Orban en Hongrie arrange les affaires du pouvoir turc. Mais au-delà de cela, le pouvoir en Turquie a aussi son propre agenda politique. D'une part, en s'en prenant au mouvement LGBT comme au mouvement féministe, il offre des gages aux franges les plus radicales de son électorat et donc consolide sa base. D'autre part, il se sert des LGBT pour attaquer toute l'opposition, des partis d'opposition à la société civile, en usant de la polarisation », estime Abdullah Ikbal Arslanbas, avocat pour l'association 17 mai, une ONG LGBT basée à Ankara.Recep Tayyip Erdogan accuse notamment le Parti républicain du peuple (CHP), le parti du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, incarcéré le mois dernier, d'être pro LGBT. Dans le but de dénigrer la principale formation d'opposition aux yeux des Turcs conservateurs, qui ne votent pas tous pour le pouvoir en place.À lire aussiHongrie: Orban fait modifier la Constitution pour restreindre un peu plus les droits des LGBT+ À lire aussiTurquie: «Le pouvoir a commencé à s'attaquer aux lignes rouges de la communauté LGBT+»
Plus de cinq ans après la chute du groupe État islamique (EI), la question du retour des familles des jihadistes étrangers dans leurs pays n'est toujours pas réglée. De nombreuses femmes radicalisées et leurs enfants se trouvent toujours en Syrie sans pouvoir revenir dans leur pays d'origine faute de cadre juridique. Certains sont pris en charge dans le camp d'Orkesh, un centre créé par l'administration autonome kurde dans le nord de la Syrie il y a trois ans. Ce centre de réhabilitation qui peut accueillir 150 personnes propose trois programmes éducatifs, récréatifs et alimentaires destinés à changer la mentalité de ces jeunes étrangers qui ont grandi au sein de familles aux idées religieuses extrémistes. De notre envoyé spécial à Orkesh,Dans le camp d'Orkesh, en Syrie, 145 jeunes de 13 nationalités étrangères vivent confinés autour d'une petite cour où ils se retrouvent pour pratiquer des sports simples, des salles de classe et leurs chambres collectives. Dans l'une de ces chambres, le Français Ilyes, 22 ans, s'adonne à sa passion pour le dessin, une opportunité qui lui est offerte par sa présence dans le camp. Une activité qui lui permet aussi de s'évader en griffonnant dans son cahier ses rêves d'une vie plus « normale ». Après trois ans dans le centre de déradicalisation, séparé de sa mère et de ses deux grands frères, eux incarcérés au camp de Roj, l'espoir d'un retour en France s'éloigne de plus en plus.« Le rapatriement, c'est juste un rêve. À chaque fois, lorsque je réfléchis au moment où je serai libre, en France, je me l'imagine. Mais c'est uniquement de l'imagination, cela ne va pas devenir réel. Au début, quand je suis venu ici, je pensais vraiment que j'allais aller en France. J'ai attendu, j'ai attendu, je vois le temps qui passe et jusqu'à présent, je suis toujours là », confie le jeune homme.Hamza, lui, est arrivé en Syrie à l'âge de trois ans avec sa mère, bien avant la proclamation du groupe EI. Le natif de Toulouse raconte comment, en 2018, il a vu celle qui l'a élevée épouser un combattant de l'EI avant de mourir lors d'un combat. Le jeune homme, orphelin de mère, tente alors, à l'âge de 16 ans, de gagner la France par ses propres moyens en rejoignant l'ambassade de France en Turquie. Avant d'être grièvement blessé par une mine et d'être arrêté par les forces kurdes. Depuis, il est interné au centre de réhabilitation, une prison à ses yeux. « C'est un "centre", entre guillemets. Mais nous, qui sommes dedans, nous savons ce qui se passe. Ce n'est pas un centre. Quel centre ferme la porte à 11 heures. Quel centre dans lequel tu manges des trucs bidons. Moi, je suis en Syrie. Tant que je ne rentre pas dans mon pays, je ne veux rien », raconte-t-il.Un responsable de l'administration du centre d'Orkesh, qui a choisi de rester anonyme, considère les jeunes et les enfants présents comme des victimes, n'ayant commis aucune faute. Si ce n'est d'avoir été emmenés par leurs parents d'une vie sécurisée vers un environnement marqué par l'extrémisme. « À l'arrivée des enfants, nous rencontrons de grosses difficultés pour interagir avec eux, mais avec le temps, nos liens s'améliorent et il y a une réponse positive au programme de réadaptation. Cependant, la difficulté principale réside dans la question du retour dans leurs pays d'origine », explique-t-il. Malgré tout ce travail, l'administration du camp espère qu'un jour les pays d'origine des enfants accepteront de les rapatrier après leur passage par ces programmes de réhabilitation.À lire aussiSyrie: dans le camp d'Orkesh, les enfants de combattants étrangers de l'EI rêvent de liberté
Le marché intérieur est atone, les ventes reculent en Chine et l'entreprise a traversé, à l'automne dernier, une des plus graves crises de son histoire. Volkswagen, le géant automobile allemand, fort de ses dix marques, va réduire ses effectifs de 35 000 personnes d'ici à 2030. Autant dire que l'annonce par l'administration Trump de droits de douane de 25 % sur les voitures importées tombe au pire moment pour Volkswagen qui vend un million de véhicules aux États-Unis. RFI s'est rendu au siège du groupe à Wolfsburg pour savoir comment la population et les salariés perçoivent cette mauvaise nouvelle. De notre envoyé spécial à Wolfsburg,À l'arrivée à la gare de Wolfsburg, au centre de l'Allemagne, la vue est imprenable sur le gigantesque site de Volkswagen (VW), l'équivalent de 650 stades de foot. De l'autre côté, la ville avec son charme d'après-guerre très discret. En cette journée printanière, de nombreux retraités prennent le soleil sur des bancs de la zone piétonnière. Ils ne sont pas menacés par les droits de douane, mais concernés. Volkswagen fait partie de leur ADN, comme pour cet Italien d'origine, Nicola Motta, qui a fait toute sa carrière dans l'entreprise. « Volkswagen, c'est tout pour moi. Regardez le dos de mon téléphone. Là, c'est mon village en Calabre et en dessous l'usine de Wolfsburg », montre-t-il.Le retraité est fier de ses deux fils, tous les deux ingénieurs chez Volkswagen, à Wolfsburg même et en Chine. Mais aussi inquiet pour eux. « Si ça va mal pour Volkswagen, ça nous concerne aussi. On s'inquiète avec ce président américain. Nous n'avons pas confiance en lui. Le matin, il dit blanc, à midi noir et le soir autre chose », explique-t-il.L'ingénieur Torsten Bleibaum travaille depuis trente ans chez Volkswagen. Pour lui, la crise sociale de l'automne dernier était bien plus grave que les actuels droits de douane américains. « Je ne peux pas confirmer dans mon entourage le pessimisme ambiant dans les médias actuellement, même s'il est peut-être justifié, estime-t-il. Pour beaucoup, ces droits de douane, c'est beaucoup trop abstrait. Je ne crois pas que ça soit si dramatique. »Au café Pinocchio, Silvestro Gurrieri sirote un espresso. Ce Sicilien est arrivé dans les années 1970 à Wolfsburg où il a fait toute sa carrière. Membre du parti social-démocrate et du puissant syndicat IG Metall, Volkswagen est sa deuxième famille. « Ces droits de douane de Donald Trump sont une catastrophe totale. Ça nous frappe fortement et on s'inquiète. Volkswagen a surmonté la crise de l'an dernier et maintenant ces problèmes surgissent sur lesquels nous avons peu d'influence », regrette-t-il.Alexander Jordan est le nouveau député de la circonscription. Ce chrétien-démocrate a fait carrière chez un sous-traitant de l'industrie automobile et connaît bien le secteur. « Les inquiétudes sont palpables même si la situation reste calme. Il n'y a pas de conséquences directes pour l'instant après l'introduction de ces droits de douane, mais elles se profilent à l'horizon », redoute-t-il.Les droits de douane de 25 % en vigueur depuis le début du mois pour les voitures exportées aux États-Unis s'appliqueront en mai à 150 produits fabriqués par les sous-traitants du secteur automobile. VW a entamé des négociations directes avec les États-Unis pour obtenir des taxes douanières plus avantageuses en échange d'une production plus importante de l'entreprise sur le sol américain, notamment pour Audi. À lire aussiTransport maritime : le grand plongeon après les tarifs douaniers américains
Donald Trump poursuit ses politiques contre l'immigration. Après des accords passés avec certains pays d'Amérique latine, plusieurs vols ont été affrétés pour des expulsions de migrants et les autorités américaines poursuivent leurs opérations pour arrêter les personnes sans titre de séjour. Donald Trump est aussi revenu sur les politiques de son prédécesseur en autorisant les forces de l'ordre à effectuer des opérations dans des écoles publiques ou des églises pour les communautés concernées. Les craintes des arrestations sont anxiogènes et se répercutent sur les enfants. De notre correspondant à Atlanta, Lecture, calculs et écriture : dans ce groupe, les enfants alternent entre les différents ateliers. Tous des élèves en primaire et d'origine hispanique. Ils viennent plusieurs fois par semaine pour du soutien scolaire organisée par une association. Celle-ci a demandé à ce que tous les interlocuteurs restent anonymes pour des raisons de sécurité. Une des responsables constate de plus en plus d'angoisse chez les familles à cause des expulsions : « Je travaille dans un autre centre et une des filles pleurait beaucoup. J'ai parlé à sa mère et lui ai demandé s'il y avait des problèmes à la maison. Elle m'a répondu que non, mais que sa fille a vu les expulsions aux infos et elle est inquiète de ce qui pourrait m'arriver. »L'après-midi terminé, les parents se massent dans le couloir. Une mère raconte l'inquiétude de ses deux enfants : « Avec tout ce qu'il se passe, entendre parler de l'immigration à l'école, aux infos ou sur internet, mes enfants savent que je n'ai pas de papiers et sont toujours inquiets quand ils sortent de la maison. Ils me demandent : "Si les autorités viennent chez nous, qu'est-ce qu'il va se passer pour eux". Car ils sont nés ici, mais pas moi et pas leur père. Alors, ils nous demandent avec qui ils vont rester si les autorités m'emmènent. Ils sont inquiets et parfois me disent qu'ils préféreraient retourner au Pérou d'où je viens et c'est très triste. »À lire aussiLes États-Unis mettent fin au statut légal de plus de 500 000 étrangers et leur ordonnent de quitter le pays« Les autorités de l'immigration rentrent dans les écoles »La plupart des parents n'ont pas de titre de séjour comme cette autre mère inquiète d'être séparée de ses enfants, mais au moins dit-elle les deux plus grands sont majeurs : « Quand tous mes enfants étaient plus jeunes ça m'inquiétait beaucoup, mais maintenant, je suis un peu plus tranquille, car mes deux fils les plus âgés pourraient s'occuper de leurs deux petites sœurs. »Les salles de cours désormais vides, un autre responsable détaille la peur des parents d'envoyer leurs enfants à l'école. Depuis l'annonce de Donald Trump d'autoriser les arrestations dans ces lieux. « On a vu sur les réseaux sociaux et sur d'autres médias que les autorités de l'immigration rentrent dans les écoles et arrêtent les enfants pour leur poser des questions sur leurs parents pour savoir s'ils ont des titres de séjour ou pas. »Des écoles ont demandé à l'organisation de ne plus garer son bus floqué de son nom en espagnol sur un parking qui donne sur la rue pour ne pas attirer l'attention des autorités.À lire aussiÉtats-Unis: le fisc et les services d'immigration vont collaborer pour faciliter les expulsions
Le Kremlin a indiqué, mercredi 16 avril 2025, ne pas être « prêt » à dire quand expirerait le fragile moratoire concernant les frappes sur les infrastructures énergétiques, conclu avec Kiev sous la pression de Washington, peu avant sa date de fin attendue. Kiev comme Moscou s'accusent presque quotidiennement de le violer. Dans la région de Krasnodar, les civils oscillent entre chocs, inquiétude et lassitude. De notre envoyée spéciale à Kropotkine et Krasnodar,Rue principale baptisée « Lénine », monument de Lénine au centre, immeubles et jardins nourriciers... Kropotkine est une classique petite ville ouvrière russe, située à presque trois heures de voiture de la capitale régionale Krasnodar, dans le sud du pays. Une ville jusqu'à cet hiver sans histoire, avec ses quatre usines d'agroalimentaire et ses sociétés de construction salariant une grande partie de la population.Sauf que l'autre gros employeur, à une dizaine de kilomètres du centre, est un vaste complexe pétrolier : une station de stockage et surtout, la plus grande station de pompage de pétrole CPC (Caspian Pipeline Consortium) sur le territoire de la Fédération de Russie. Caspian Pipeline Consortium est détenu notamment à 24% par la Russie, 19% par le Kazakhstan et à hauteur de 15% par le géant américain des hydrocarbures Chevron, selon le site internet de la société. Cet oléoduc long de plus de 1 500 kilomètres transporte principalement du pétrole du Kazakhstan, via la Russie, vers la mer Noire, qui est ensuite transporté vers l'Europe.Un complexe pétrolier viséLe 17 février dernier, premier choc et premières unes sur la ville et son complexe pétrolier à la télévision fédérale russe : la station s'est retrouvée sous le feu. Selon un communiqué du Caspian Pipeline Consortium, l'attaque a été menée « par sept drones remplis d'explosifs et de composants métalliques » afin de « perturber l'installation et faire des victimes parmi le personnel opérationnel de la station ». « Tous les actionnaires du consortium international, y compris les représentants des entreprises américaines et européennes, ont été informés de l'attaque », a précisé le CPC. La station de pompage visée, la plus grande sur le parcours de cet oléoduc, avait cependant été « mise hors service », et l'oléoduc fonctionnait en puissance « de pompage réduite ».Cette première attaque était intervenue quelques jours à peine avant la toute première rencontre entre des émissaires russes et américains à Djeddah pour évoquer la fin de la guerre en Ukraine. Elle avait immédiatement provoqué une légère hausse des prix du baril de Brent et fait réagir jusqu'au sommet du pouvoir. Vladimir Poutine avait saisi l'occasion pour souligner les risques de flambée du prix de l'or noir, argument qu'il sait particulièrement sensible aux oreilles de Donald Trump.Une attaque d'ampleur mi-mars et une ville sous le choc Dans la nuit du 18 au 19 mars, le complexe pétrolier est à nouveau attaqué. Cette fois, le dépôt pétrolier prend feu et l'incendie se propage sur 2 000 m². Tout Kropotkine peut en dérouler le scénario. Assises l'une contre l'autre sur la banquette d'un café pâtisserie à la devanture bleu pastel, Viktoria, 51 ans, et Ekaterina, 32 ans, sont deux amies qui travaillent dans la même boulangerie de la ville.« Dans la nuit, vers environ deux heures du matin, nous avons été réveillées par un bruit, mais il n'était pas très proche, explique Victoria, et au réveil, nous avons vu les informations locales sur Telegram et Instagram qui parlaient de ce qui s'était passé. Et c'est là que nous avons commencé à réaliser. Vers midi, nous avons vu une colonne de fumée, alors nous sommes allées sur place. Tous les habitants de la ville y étaient. Nous avons vu cet immense incendie, comment les sauveteurs et les pompiers se battaient contre le feu. C'était évidemment une image terriblement effrayante. » Une image qui a longtemps occupé les esprits, ajoute Victoria : « On en parlait partout, au travail, à la maison, tout le temps. Certains étaient indignés, d'autres avaient peur, se demandaient quoi faire, s'il fallait partir et si oui, où. »Les pompiers ont lutté contre l'incendie pendant une semaine. « On nous a recommandé de porter des masques, d'éviter de rester dehors le plus possible, et de fermer les fenêtres », raconte Ekaterina. « Mais nous n'avons vu personne se promener avec un masque, et en règle générale, personne n'a rien fait. Nous espérions que ça irait quand même », ajoute-t-elle.Pendant ces sept jours, un nuage noir a plané au-dessus de la ville, avant que la pluie n'apporte des cendres partout, sur le sol et sur les voitures. Désormais, Victoria pense aussi aux conséquences sur son environnement. « Toute cette fumée et ses produits, c'est évidemment resté, dit-elle, et ça s'est installé sur nos arbres, sur les plantes qui commencent à bourgeonner. En plus, nous sommes en pleine période de plantation des cultures. Donc, nous respirons et mangeons cette pollution, c'est inévitable. »La vie semble avoir repris son cours à Kropotkine, mais même après plus de trois ans de ce que le Kremlin appelle toujours une « opération spéciale », les deux amies ont toujours du mal à donner un sens à ces attaques : « Personne n'aurait imaginé qu'une telle catastrophe puisse se produire si près de chez nous, dit Victoria, sous l'œil approbateur d'Ekaterina, personne ne pensait même au fait qu'une guerre était en train de se dérouler. Tout était calme, tout allait bien. »À la sortie du café où RFI les a rencontrées, pourtant, le bâtiment juste à côté attire l'œil : c'est un point de recrutement de l'armée russe. À Kropotkine comme dans d'autres petites villes de Russie, on signe des contrats pour aller se battre en Ukraine. Dans la région, la guerre se manifeste par d'autres signes, petits mais réguliers. Cette fois sur les téléphones portables, via les messages d'alerte des services locaux du ministère des Situations d'urgence. Entre deux alertes météos sur des vents violents et du gel localisé, en pleine nuit ou au petit matin, on peut lire : « Attention, alerte drones sur le territoire. » Avec parfois un avertissement supplémentaire : « Attention danger ! Abritez-vous dans une pièce sans fenêtres ! »« La situation est devenue plus alarmante »Krasnodar, la capitale de la région, vit en apparence très paisiblement et très éloignée du conflit qui se déroule pourtant à quelques centaines de kilomètres. Les « Z » en soutien à l'assaut russe en Ukraine, si nombreux dans les premiers mois de 2022, n'apparaissent presque plus dans l'espace public. À peine les aperçoit-on sur les tramways de la ville. Pourtant, la guerre, raconte Véra, est dans toutes les conversations. Cette cheffe d'entreprise, native de la ville, a déménagé il y a trois ans à Moscou, mais revient au maximum tous les deux mois à Krasnodar. Elle mesure très précisément la différence d'atmosphère.« La situation est devenue plus alarmante », raconte-t-elle d'un ton égal, le temps d'une promenade dans un jardin de la ville. « On voit des hélicoptères dans le ciel, des militaires sur les routes. Tous mes amis en parlent. Nous pensons que c'est extrêmement dangereux pour nous ici. J'ai aussi beaucoup de proches dans la région de Rostov qui me racontent qu'ils entendent des explosions, et qui connaissent des gens qui ont été blessés. En général, je considère que la probabilité d'attentats est élevée, et que la situation est instable. J'ai même des amis qui ont maintenant peur de partir en vacances en Crimée, même s'ils y sont allés avec plaisir pendant de nombreuses années », poursuit Véra.Les autorités locales et certains professionnels du tourisme affirment en tout cas que dans la péninsule annexée par la Russie depuis 11 ans, les réservations pour cette saison touristique sont au plus haut. C'est impossible à vérifier de source indépendante.La station de pompage de Kropotinskaya a, elle, dû réduire ses activités. Le 10 avril dernier, le consortium propriétaire déclarait par voie de presse s'attendre à ce qu'elle puisse être remise en service fin mai.
La coopération franco-allemande passe un nouveau cap. Désormais, le deux pays coopèrent sur la question de l'origine des objets culturels d'Afrique subsaharienne détenus dans les musées des deux pays. Il y a un an, un fond a été lancé et trois projets sélectionnés. Les diverses équipes de chercheurs se sont réunies pour la première fois la semaine dernière à Berlin. De notre correspondante,Une conférence ouverte au public en plein centre de Berlin, puis deux journées de travail entre chercheurs, ont officiellement lancé le fond franco-allemand de recherche sur la provenance des objets culturels d'Afrique subsaharienne. Au total, plusieurs dizaines de chercheurs vont travailler pendant trois ans. Ils viennent de France, d'Allemagne, mais aussi du Cameroun, du Sénégal, du Bénin, du Mali ou encore de Tanzanie, des pays qui ont été colonisés par ces deux puissances au XIXe et au XXe siècle. Julie Sissia est responsable scientifique de ce fond. Elle nous en explique le concept :« Les gouvernements français et allemands ont fait le constat qu'il était nécessaire pour ces deux pays, qui renferment les collections d'objets d'Afrique subsaharienne parmi les plus importantes en Europe, de mettre en commun les ressources des chercheurs de provenance et aussi les ressources dans les universités et dans les musées, pour faire la lumière sur les circulations des objets qui participent d'un phénomène de colonisation qui est, on le sait, un phénomène européen. Les histoires ne sont pas exclusivement nationales, quand bien même la France et l'Allemagne ont des histoires coloniales qui sont très différentes. La colonisation allemande s'est arrêtée plus tôt, elle a commencé plus tard que celle de la France. »À lire aussiRestitution des œuvres d'art africaines: la France et l'Allemagne lancent un fonds de recherche« L'effet Macron » propulse trois projets de rechercheCe projet de recherche franco-allemand n'aurait pas vu le jour sans l'impulsion donnée par le président Emmanuel Macron sur la question de la restitution des biens culturels aux pays africains. Après son discours de Ouagadougou, en 2017, le président français a restitué 26 biens au Bénin. Pour Hamady Bocoum, ancien directeur du musée des Civilisations noires de Dakar, cette étape a été cruciale :« Il faut reconnaître que finalement, c'est la parole du prince qui a le plus porté. Je veux parler de ''l'effet Macron'', quand il a déclaré ne pas pouvoir accepter qu'une large part du patrimoine culturel des pays d'Afrique soit en France. Il a projeté de les restituer dans les cinq ans, ce qui n'a pas pu être fait, mais il a quand même ouvert les vannes. J'ai la naïveté de penser que les lignes vont bouger malgré de réelles résistances. »Désormais, c'est une nouvelle étape scientifique qui commence. Le fond franco-allemand a sélectionné trois projets de recherche. L'un d'entre eux se concentre sur plus d'une centaine de restes humains, des crânes, des os, des squelettes pillés par les colons dans les actuels Cameroun, Tanzanie et Namibie. Des restes humains conservés dans les collections de l'université de Strasbourg. Sylvain Djache Nzefa coordonne la route des chefferies au Cameroun, et il participe à ce projet de recherche :« Ils viennent de la Tanzanie, du Cameroun, mais il y a un travail encore beaucoup plus poussé que les historiens sont en train de faire sur leur origine exacte. Ces restes humains font partie de quelle communauté ? On parle de 1902, 1905, pour le Cameroun. Comment était le territoire ? Comment étaient organisées les chefferies traditionnelles ? Voilà de quoi il s'agit. »À lire aussiLa restitution des œuvres d'art africainDes objets culturels et objets du quotidien seront analysésUn autre projet vient de débuter. Il concerne les objets culturels issus de la communauté banama et spoliés dans ce qui était le Soudan français au tournant du XXe siècle. Une partie de ces objets se trouvent au musée du Quai Branly à Paris. Une autre, encore plus importante, à Hambourg, en Allemagne. La plupart ont été « rapportés » par l'ethnologue allemand Leo Frobenius, dont il faut désormais analyser les archives. C'est l'une des taches du chercheur allemand Richard Kuba :« On a énormément de matériel visuel, des photographies, des croquis, des aquarelles. Un but de ce projet, c'est d'utiliser ces images, mais aussi les archives écrites, les journaux de voyages qu'on a, qui sont extrêmement difficiles à déchiffrer parce que c'est un monsieur qui a une écriture à la main compliquée. De ramener ça, de le mettre en contexte avec les objets qu'il a collectés au Mali en 1907 et 1908 de la région des Banamas. »Le troisième projet se concentre sur des objets du quotidien, des instruments de musique, des objets cultuels, des ustensiles de cuisine, familiers, mais souvent méconnus dans leurs sociétés d'origine et dans les lieux où ils sont conservés. Les chercheurs souhaitent les relier de nouveau à leurs communautés, et notamment aux femmes, et donner la parole à celles et ceux qui ont été exclus dans l'histoire coloniale.Au final, ces différents projets de recherche donneront lieu à des publications, à des expositions. Mais le but est aussi de créer une dynamique scientifique, avec d'autres pays qui, comme la France et l'Allemagne, possèdent des collections issues d'Afrique subsaharienne.
Le démantèlement de l'État comme programme de gouvernement. Le président argentin Javier Milei l'affirme : son plan tronçonneuse ne s'arrêtera que lorsqu'il sera arrivé à bout de l'État argentin. Depuis son élection, il a réduit les dépenses publiques d'un quart, supprimé la moitié des ministères et les postes de milliers de fonctionnaires. Au fur et à mesure des vagues de licenciements, ce sont aussi des politiques publiques qui disparaissent. De notre correspondant à Buenos Aires, « Ils m'ont virée… » Ils m'ont virée après 25 ans, répète Nora Farías, en larmes. Devant la porte du ministère du Capital humain à Buenos Aires, des agents de police contrôlent l'identité des travailleurs. « Ils nous traitent comme des délinquants sur le lieu où nous sommes venus travailler pendant des années. » Le vendredi précédent, à 22h30, plus de 1 800 employés du ministère ont appris par mail qu'ils étaient licenciés. « C'est d'une cruauté… Nous n'avons pas été convoqués, personne n'assume ses responsabilités. On a simplement reçu un mail générique qui dit qu'on est licencié. »Nora ne recevra aucune indemnité. En tant qu'agent contractuel de la fonction publique, elle a enchaîné pendant plus de deux décennies des contrats d'un an renouvelable. À son arrivée au pouvoir, le président Javier Milei a réduit la durée de ces contrats à trois mois, et à chaque échéance, des milliers de postes sont supprimés. « En décembre dernier, ils nous ont fait passer un examen en nous promettant que si on le validait, notre contrat serait renouvelé pour un an. »Malgré cette promesse, le poste de Lucía vient d'être supprimé. Comme 96% des quelque 40 000 fonctionnaires soumis à ce test d'aptitude, elle l'avait pourtant validé : « Ce test est une honte, c'était juste une manière de nous mettre sous pression. Je pense qu'ils nous sous-estiment tellement qu'ils pensaient que nous n'allions pas le valider. C'est pour cela qu'ils n'ont pas tenu leur promesse sur les renouvellements de contrat. »Le grand ménage dans les ministèresAprès onze ans dans la fonction publique, Lucía se retrouve à chercher du travail en pleine crise économique : « On est touchés personnellement, car il faut qu'on paye notre loyer, qu'on achète à manger, mais à côté de cela, en licenciant des fonctionnaires, ils sont en train de supprimer de facto des politiques publiques. Et il faut comprendre que cela signifie que les personnes vulnérables n'auront plus personne à qui s'adresser. »Comme Lucía et Nora, Gustavo Grosso travaillait pour un département du ministère chargé d'accompagner, de subventionner des projets communautaires. Le département a été dissout et l'intégralité de ses employés licenciés : « Les projets sur lesquels je travaillais avaient pour but de financier des bibliothèques, des radios communautaires ou des terrains de foot pour des clubs. Les conséquences sont considérables, et elles seront de plus en plus criantes dans le futur. »En tant qu'anarcho-capitaliste, Javier Milei rêve d'une société sans État où les relations humaines seraient entièrement régulées par la main invisible du marché, rappelle Laura Villaflor, qui a, elle aussi, vu son poste supprimé. « Chaque fonctionnaire en moins fait reculer la présence de l'État sur le territoire, et participe donc de l'extermination de l'État, qui est le cœur du projet politique de Javier Milei. »Pour l'année 2025, Javier Milei a annoncé la couleur : la « deep motosierra », ou « tronçonneuse profonde » supprimera ou fusionnera soixante organismes de l'État.À lire aussiArgentine: des milliers de manifestants dénoncent le révisionnisme de Javier Milei sur la dictature
Bis repetita. Deux ans et demi après le Qatargate, un nouveau scandale ébranle le Parlement européen. Le géant chinois des telecoms Huawei est soupçonné d'avoir soudoyé des parlementaires pour influencer les décisions de l'Union européenne sur la 5G. À l'époque du Qatargate, l'institution européenne avait pourtant annoncé une série de mesures pour garantir son intégrité et plus de transparence. Mais leur mise en application se heurte à la nouvelle majorité politique en place depuis les élections de juin dernier. De notre correspondante à Strasbourg,En décembre 2022, au moment du scandale du Qatargate, tout le Parlement européen ne parlait plus que de cela et s'en indignait. Mais l'affaire Huawei n'a pas le même retentissement, comme le déplore Daniel Freund, eurodéputé vert allemand : « Il y a des employés qui ont été arrêtés, 23 appartements et bureaux qui ont été perquisitionnés par la justice belge. C'est devenu tellement banal, tellement ordinaire. Pour moi, le lobbying fait partie de la démocratie. En tant que politique, on a besoin de recommandations aussi, des positions des ONG environnementales, des entreprises. Mais il y a une zone grise. On a le droit d'accepter des cadeaux, on peut se faire inviter ».Une zone grise que connaît bien le principal mise en cause dans l'affaire Huawei, Valerio Ottati. Avant de devenir lobbyiste pour le géant chinois, il avait travaillé comme assistant parlementaire auprès d'eurodéputés italiens. Pour éviter les dérives, des mesures fortes avaient pourtant été annoncées dans la foulée des révélations du Qatargate, ce que nous rappelle la médiatrice du Parlement européen Teresa Anjinho. « Par exemple, l'obligation pour les anciens députés d'attendre six mois avant d'aller travailler dans le privé pour éviter qu'ils utilisent leurs liens avec le Parlement. On a aussi acté la création d'un comité d'éthique interinstitutionnel. L'idée étant d'avoir les mêmes règles dans toutes les institutions européennes et de créer une culture commune en matière de transparence et d'intégrité », énumère-t-elle.La création de ce comité d'éthique interinstitutionnel a été actée il y a un an, à l'issue d'un vote du Parlement, mais depuis, plus rien. La faute aux conservateurs du Parti populaire européen (PPE), selon Daniel Freund qui est à l'initiative de ce comité. « Les conservateurs ici au Parlement – le PPE – bloquent tout. C'est le vice-président PPE qui ne convoque pas la première réunion, la même semaine où des employés du groupe PPE se font arrêter par la police pour accusation de corruption, ils essaient de démanteler toute l'architecture anti-corruption du Parlement européen. Franchement, cela me choque », dénonce-t-il.Interrogé sur les raisons de ce blocage, l'eurodéputé allemand conservateur du PPE, Sven Simon, par ailleurs vice-président de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen, évoque des raisons politiques. « Entre-temps, il y a une élection. Si la nouvelle majorité n'est pas en faveur de ce comité, elle peut faire voter sa suppression. Par ailleurs, nous craignons que ce comité ne respecte pas la séparation des pouvoirs et qu'il soit instrumentalisé pour écarter l'opposition politique », argumente-t-il. Pour la médiatrice du Parlement, c'est un mauvais signal envoyé aux citoyens européens qui sont de plus en plus défiants envers les institutions, de l'Union européenne notamment.À lire aussiLa société Huawei soupçonnée par la justice belge de corruption au Parlement européen
Au croisement de plusieurs influences, les Samaritains forment une communauté à part au Proche-Orient. S'ils s'affichent toujours en faveur de la paix entre Palestiniens et Israéliens, la réalité est plus compliquée pour eux : la guerre actuelle les pousse à un certain écartèlement. Reportage lors des célébrations de la Pâque des Samaritains, vendredi 11 avril, aux abords de la ville de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie occupée. Les fêtes de Pessah pour les Juifs et la Semaine sainte des Chrétiens coïncident. Dans ce contexte, une communauté passe un peu sous les radars, celle des Samaritains. Ils sont environ 820 à ce jour, établis pour moitié à Naplouse en Cisjordanie occupée, l'autre moitié étant dans la banlieue de Tel Aviv en Israël. Un tableau d'autant plus compliqué qu'ils se revendiquent descendants des premiers Israélites, mais non-Juifs et sont détenteurs à la fois de la nationalité palestinienne et israélienne.Sur les hauteurs du Mont Gerizim, c'est jour de fête pour la communauté des Samaritains. Drapé dans sa longue tunique et sa barbe blanche, le prêtre Hosni Wassaf salue avec déférence chacun des fidèles. « La Pâque samaritaine est l'occasion de célébrer notre sortie de l'esclavage imposée par Pharaon. C'est la fête de notre libération. Et chaque Samaritain au monde doit participer à cette célébration », explique l'homme de 80 ans.Des bûchers sont allumés et des agneaux sacrifiés. Gaza n'est qu'à une centaine de kilomètres d'ici. Alors, malgré les sourires, l'amertume n'est pas loin, elle non plus. Sa petite fille, tenue par la main, Hind Ragheb, dit ne pas pouvoir s'empêcher de penser à ses compatriotes sous les bombes. « À cause de la guerre et de la situation politique dans laquelle nous sommes, on va avoir du mal à vraiment profiter de cette journée de fête, malheureusement. J'espère que Dieu prêtera patience aux mères de Gaza qui ont perdu des enfants ou leurs maris », implore-t-elle.À la fois Palestiniens et Israéliens, les Samaritains sont sur une ligne de crête. « On croit en la solution à deux États. Un État palestinien aux côtés d'Israël. Il ne peut pas y avoir de paix sans l'existence des deux pays. Et nous, nous voulons la paix », affirme le prêtre de la communauté.À cause de la guerre, les officiels palestiniens invités ont préféré décliner l'invitation. Les Israéliens ont fait un autre choix, eux : occuper le terrain. Des grappes de policiers et soldats en uniforme arrivent. Et enfin de façon plus inattendue, Yossi Dagan, le représentant des colons établis en Cisjordanie occupée. Lui, qui prône l'annexion des territoires palestiniens, multiplie les selfies et les discours politiques. « Cet évènement est une célébration des Samaritains, mais pas que. C'est aussi une fête pour tous les Juifs de Judée-Samarie. On est ici dans un village israélien. Je ne viens pas à titre privé ici, mais en tant que représentant de l'État d'Israël », clame Yossi Dagan.Ce jour-là, armes en bandoulières, plusieurs partisans du Grand Israël, comme Ariel et son ami Elad : « On pense qu'une fois qu'on aura reconstruit le Temple de Jérusalem, on y tiendra, à l'avenir, des célébrations similaires à celle d'aujourd'hui », croit savoir Ariel. « Les Samaritains font partie de nous en quelque sorte », abonde Elad.Confrontés au fait que les Samaritains se disent en faveur d'une solution à deux États, Elad a une réponse bien à lui. « Je vais te dire un truc. Ils sont politiquement corrects. Ils vivent sous autorité palestinienne, mais ils ont de nombreux proches à Holon près de Tel Aviv. Alors, ils essayent de passer entre les gouttes », clame-t-il en s'esclaffant. Tandis que les incursions des colons et de l'armée se multiplient à Naplouse – fief des Samaritains – la pression pour qu'ils prennent position n'a jamais été aussi forte. À lire aussi«L'éducation est notre seule arme»: en Cisjordanie occupée, des écoles publiques rouvrent progressivement
Ces derniers mois, de nombreux chantiers de reconstruction à Mossoul se sont achevés et les portes de ces bâtiments emblématiques de la ville se préparent à rouvrir. Parmi eux, plusieurs églises restaurées avec l'aide d'ONG internationales. Mais la reconstruction de ces bâtiments historiques, détruit par l'organisation de l'État islamique (EI) ou lors de l'offensive pour libérer la ville, ne suffit pas à redonner vie à ce patrimoine chrétien. On estime que 90 % de la population chrétienne mossouliote n'est pas rentrée après la fin de la guerre. De notre correspondant à Bagdad,Dans la vieille ville de Mossoul, le quartier chrétien historique n'en a plus que le nom. Mahmoud est propriétaire d'une échoppe dans cette ville d'Irak. Lui est sunnite, mais il regrette la vie du quartier d'avant l'arrivée de l'organisation de l'État islamique (EI). « Leurs maisons étaient dans ce quartier-là. Avant, il y avait beaucoup de chrétiens, mais maintenant, ils sont très peu nombreux. Avant Daesh, la situation était très bonne ici. Les musulmans avec les chrétiens, c'était une seule maison pour tous », se souvient-il.Seule une trentaine de familles chrétiennes serait rentrée depuis la chute du groupe EI : elles étaient plus de 1 200 avant 2014. Pourtant, depuis six ans, le patrimoine chrétien détruit se relève progressivement avec l'aide d'organisations internationales. Le père Najeeb Musa Mikhail, archevêque de Mossoul, y voit un espoir de faire revivre la communauté chrétienne. « C'est important de préparer un lieu avant que les gens viennent, ce sont des symboles qui encouragent les gens à rentrer et qui leur donne confiance », explique-t-il en français.Mais le père Najeeb est très conscient que la reconstruction de ces lieux de culte ne suffit pas : « Quand ils commencent à rentrer, ils n'ont plus d'emplois, leur place a été occupée par d'autres. Aujourd'hui, c'est le travail du gouvernement d'avoir la possibilité de vivre et aussi la reconstruction de leurs maisons. 80 % des maisons des chrétiens sont par terre. Ils préfèrent rester à Erbil, à Dohouk ou dans le nord. En fait, c'est une question de confiance, beaucoup de familles disent tous les 10-20 ans, on recommence de nouveau à zéro », regrette-t-il.Une partie de cette communauté a trouvé refuge à 80 km de Mossoul, à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. Sue s'y est installée dans le quartier chrétien d'Ainkawa. Elle a fui, en 2013, un climat de violence qui ne cessait de se dégrader, selon elle, à la suite du renversement de Saddam Hussein. « À partir de 2003, beaucoup de pressions ont été exercées contre les chrétiens, on était menacés, et la violence a augmenté sous plein d'aspect. Il y avait des kidnappings, des meurtres et des menaces », se remémore-t-elle.Pendant 10 ans, elle a porté le hijab à l'extérieur pour éviter d'attirer l'attention. Avant de tout abandonner, juste avant l'entrée des jihadistes du groupe EI dans Mossoul. Une décennie plus tard, elle ne veut toujours pas rentrer. « Il y a de la peur, il y a un manque de confiance, il y a la situation économique. Ici, c'est sécurisé, les autres nous rassurent. Mais peut-être que cette mentalité ne va durer qu'un temps, mais qu'à la fin rien n'aura changé », se demande-t-elle. Elle craint que les violences reprennent un jour, mais ajoute en souriant qu'une paix durable n'est pas complètement impossible. À lire aussiMoyen-Orient: les communautés chrétiennes entre persécutions, exil et instrumentalisation
Au Japon, l'Exposition universelle d'Osaka débute samedi 12 avril, réunissant 158 pays jusqu'à la mi-octobre. En 1970, déjà, cette ville avait accueilli un tel événement et, à l'époque, il avait un succès considérable. Un nombre record de visiteurs – près de 65 millions – et des louanges dans le monde entier en raison de sa qualité. Mais 55 ans plus tard, l'ambiance n'est plus du tout la même dans l'archipel. L'heure est à l'indifférence, cette fois, voire au mécontentement. Les enquêtes d'opinion le disent et le répètent depuis des mois : trois Japonais sur quatre n'ont aucune intention de se rendre à cette Exposition qui n'intéresse pas 65 % des sondés. À l'image de ces Tokyoïtes, rencontrés au hasard : « Pour être honnête, cet événement à venir me laisse assez indifférente », estime par exemple cette passante. « Jamais personne ne m'a parlé de cette Expo. Ce n'est pas un sujet de conversations pour les gens », selon cet homme. « En 1970, l'Exposition a fait l'unanimité et marqué les esprits. Je m'en souviens bien. Le pays a vécu un moment magnifique. Mais aujourd'hui, on ne sent pas du tout un tel engouement » regrette celle-ci.Visiblement, pour l'heure, en tout cas, cette Exposition universelle ne passionne pas grand monde au Japon. La prévente des billets d'entrées l'a illustré : les organisateurs espéraient en écouler 14 millions avant même le début des festivités, mais, à ce jour, moins de neuf millions ont trouvé acquéreurs. Car dans le pays, l'unanimité n'est pas de mise face à cet événement, comme cela avait été le cas, il y a 55 ans.Beaucoup de gens s'y opposent, comme ces habitants de la capitale. « La mascotte de l'Expo est sympa, mais, franchement, je n'ai jamais compris pourquoi on dépensait autant d'argent pour un tel événement. Il me semble qu'il y a d'autres priorités », explique cette Tokyoïte.« Cela va coûter beaucoup plus cher que prévu. Parce qu'on nous a menti à l'époque ou parce que cela a été géré par des incompétents ? Il faudrait qu'on nous explique », demande ce passant vindicatif. « Je suis totalement opposée à cette exposition, car si elle s'avère déficitaire, comme les Jeux olympiques de Tokyo, il y a quatre ans, c'est nous, les contribuables, qui allons à nouveau devoir payer l'addition », affirme cette autre habitante de la capitale japonaise.Un aménagement qui coûtera le double de l'estimation initialeL'aménagement du site coûtera plus d'un milliard d'euros, soit près du double de l'estimation initiale qui avait été faite en 2017. En raison de l'inflation, de la hausse du prix des matériaux de construction, notamment. Quant aux dépenses d'exploitation – plusieurs centaines de millions d'euros –, elles ont crû de 40 %. Le secteur privé paiera un tiers de l'addition finale, mais les deux tiers restants seront à la charge des pouvoirs publics, du gouvernement central ainsi que de la ville et la région d'Osaka.Sur les réseaux sociaux, beaucoup de Japonais dénoncent à la fois l'ampleur des budgets consacrés par les autorités à cette Exposition et l'envolée de son coût. En la matière, le pire est peut-être à venir. Car les dépenses d'exploitation sont censées être couvertes à hauteur de plus de 80 % par les recettes provenant de la vente des billets d'entrée et des produits dérivés. Donc l'événement basculera dans le rouge si le grand public n'est pas au rendez-vous. Or, au gouvernement y compris, on reconnaît que l'objectif initialement fixé ne pourra vraisemblablement pas être atteint. À savoir accueillir 28 millions de visiteurs.À lire aussiJapon: des prix plus élevés pour les touristes étrangers, une mesure qui divise
La ville de Soumy, à seulement une trentaine de kilomètres de la frontière russe, est presque quotidiennement la cible des bombardements. Les civils paient le prix fort. Il y a deux semaines, une explosion décimait tout un quartier résidentiel. De notre envoyée spéciale à Soumy,À Soumy, en Ukraine, dans ce quartier à quelques minutes de voiture du centre-ville, la vie s'est arrêtée le 24 mars dernier, lorsqu'une puissante explosion a soufflé les vitres d'une vingtaine de bâtiments, dont une école. Tous ont cru à une frappe russe, mais il pourrait s'agir d'un acte de sabotage ou d'un accident, survenu dans un dépôt de munitions dont tous ignoraient l'existence.Alors que les autorités ne donnent pas de détails sur les faits, Oleh, un sapeur-pompier qui était sur place, revient sur les lieux dévastés. « C'est l'école. Vous voyez dans quelles merveilleuses conditions nos enfants vont maintenant pouvoir étudier. Au moment de l'attaque, ils étaient dans l'abri, environ 40 enfants et la force du souffle était telle que la porte s'est bloquée », raconte-t-il.Quelle que soit l'origine de l'explosion, les Ukrainiens en rendent la Russie responsable. Parmi ces enfants, Diana, neuf ans, revenue sur les lieux avec son père Oleksyi, raconte ce qu'elle a vécu : « Je me suis envolée de ma chaise. J'étais simplement restée assise dans l'abri, pendant le cours. Et puis il y a eu un grand bruit, le plafond s'est fissuré, il y avait du verre partout et de la fumée. J'ai bondi de ma chaise et mon père a commencé à m'appeler quelques minutes plus tard. Il m'a dit que je pouvais partir, alors avec Klinka - Klinka, c'est mon amie -, on a ouvert la porte et on a couru immédiatement. »Au-delà des conséquences de cette explosion, Oleh le pompier s'inquiète de méthodes toujours nouvelles employées par les Russes pour détruire les infrastructures ukrainiennes. « C'est tout le temps comme ça. Soit des établissements médicaux, soit le secteur résidentiel. Ce n'est pas le seul cas. Les Russes lancent constamment des bombes sur des immeubles résidentiels de neuf étages, des roquettes sur des zones résidentielles. Mais il y a un nouveau truc. Depuis début mars, leurs drones attaquent de manière chaotique différentes parties de la ville, en plein milieu de la journée, les jours fériés, et il y a des frappes sur des aires de jeu, des frappes directement sur les routes. Je ne sais pas. C'est juste pour terroriser la population d'une manière ou d'une autre », explique-t-il.Ce 24 mars à Soumy, un miracle s'est produit, selon Oleh. Même s'il y a eu plus d'une centaine de blessés, personne n'est mort. Mais depuis, à travers la région, des dizaines d'autres bombardements se sont produits, et les habitants de Soumy vivent dans l'angoisse d'en être à nouveau victimes.À lire aussiLes Ukrainiens restent toujours sous le feu russe et dans l'absence de réponse américaine
En Europe, les Italiens occupent une place à part face au risque de guerre et la volonté européenne de se réarmer. Ils sont 62% à estimer qu'il y a d'autres dépenses plus urgentes que la défense. Un pacifisme qui conjugue deux héritages : celui du communisme et du catholicisme. Le 5 avril, une grande manifestation se tenait à Rome contre le plan de réarmement annoncé à l'échelle européenne. De notre correspondant à Rome, Ils sont des dizaines de milliers à avoir défilé, samedi 5 avril, dans le centre de Rome, à deux pas du Colisée, avec un slogan : « Non à la guerre et au plan de réarmement européen » proposé début mars par la Commission européenne. Sur la scène, celui qui a organisé la manifestation, Giuseppe Conte, l'ancien chef du gouvernement italien et patron du mouvement Cinq étoiles : « Je crois qu'il y a ici une idée forte et claire que tout le monde a en commun. Nous disons non à ce plan fou de réarmement. Nous disons non à 800 milliards d'euros qui seront dépensés non pas pour un plan sérieux de défense européenne, mais pour armer les pays membres. »Dans la foule, on est venus de toute l'Italie. Nadia et Maria ont pris le train depuis Naples pour venir dénoncer la rhétorique belliqueuse de certains pays européens. Dans ses mains, Nadia tient un montage-photo fait pour l'occasion : « C'est un char conduit par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, qui roule sur l'Agenda 2030, les objectifs que l'ONU a fixés pour qu'ils soient atteints d'ici à cette date. Et parmi ceux-là, le numéro seize, c'est justement la paix. C'est la page. »Un peu plus loin dans la foule, Stefano distribue des tracts anti-Otan. Antimilitariste depuis des années, il se bat notamment contre les nombreuses bases de l'Alliance atlantiquedisséminées sur le sol italien : « La société a besoin d'investissements dans la santé, l'éducation. Nous n'avons pas besoin de tout cela. Nous avons seulement besoin de paix. »Les catholiques aussi présentsOutre les courants de gauche et pacifistes, une autre frange de l'Italie est foncièrement contre la guerre : les mouvements catholiques. Il y a quelques semaines, une grande marche est partie de la ville de Saint-François, Assise, en Ombrie, jusqu'à Rome. Mouvement parmi les plus importants de la galaxie catholique italienne, la communauté Sant'Egidio est connue pour ses médiations de paix et son travail humanitaire.Mario Giro est le responsable des relations internationales de l'association. Il nous explique d'où vient cette forte opposition des Italiens à la guerre : « Il y a une explication politico-culturelle. Disons la culture catholique, et aussi ce qui reste de l'ancienne culture communiste, sont foncièrement contre la guerre, surtout les catholiques. Après, disons, l'enseignement des papes du siècle dernier. »Face à la course aux armements, l'Italie veut maintenir une voix singulière au sein de l'Europe, celle d'un pays médiateur. Ce pacifisme, plus ancré que chez ses voisins, a des racines profondes qui se résument dans sa Constitution de 1948, où il est écrit noir sur blanc que l'Italie répudie la guerre.Un reportage à retrouver dans notre intégralité dans Accent d'Europe ou l'application PureRadio.
Des droits de douane de 104 %... La porte-parole de la Maison Blanche a annoncé mardi 8 avril cette hausse de taxes sur les importations chinoises, qui sont entrées en vigueur ce mercredi. C'est le dernier épisode de l'escalade de la guerre commerciale lancée par Donald Trump contre le monde entier. Ces taxes pourraient se répercuter sur les consommateurs américains avec une hausse des prix, alors que les biens importés sont omniprésents dans le quotidien des Américains. Placard après placard, tiroir après tiroir, Richard retourne les assiettes, verres et tout autre ustensile qu'il trouve dans sa cuisine pour savoir où ils ont été fabriqués à commencer par les tasses. « Celles-ci ont été fabriquées en Angleterre. En dessous j'ai des bols qui viennent d'Italie, et en dessous : des assiettes fabriquées en Chine. Dans le placard d'à côté, je pense que ça vient de Thaïlande », dit-il.Un appartement rempli de produits venus d'ailleursEn ce qui concerne les récents droits de douane annoncés, 10% pour les tasses d'Angleterre, l'Italie comme l'Union européenne 20% et la Thaïlande 36%. Mais la cuisine de Richard ne serait pas la seule touchée... Dans le salon se trouvent quatre vélos. « Je crois que les quatre ont été faits en Chine, mais je ne suis pas sûr. Mais bien sûr, tous les accessoires, que ce soit la sacoche, le porte-bagage, les lumières, le porte-gourde, j'imagine que très peu sont fabriqués ici », indique-t-il.Autour de son cou, Richard porte une paire d'écouteurs sans fil et comme tous ses appareils électroniques, fabriqués à l'étranger. « Mon téléphone Google a été fait au Vietnam, mais en fait, la vraie question c'est de savoir dans quel pays sud-asiatique ils ont été fabriqués ».« Made in USA », un souvenir d'une autre époqueMais le retraité parvient facilement à trouver des produits fabriqués aux États-Unis, comme des meubles en bois, des appareils électroménagers ou sa boîte à outil. « Elle vient de la maison où j'ai grandi. Et tous les outils ont tous écrits "fabriqué aux États-Unis" car c'était l'époque d'avant. Mais parmi tous les outils que j'ai acheté moi-même, je pense qu'aucun n'a été fabriqué ici ». raconte-t-il.Des taxes dont l'utilité interrogeL'ancien avocat ne comprend pas la stratégie de Donald Trump. « Même avec toutes les recherches que je fais, je n'ai rien trouvé qui montre que cela va m'être bénéfique. Et si ça va l'être pour le pays dans le long terme, je ne sais pas comment et quand ça le serait. Et je doute fortement que Donald Trump lui-même le sache ».Et s'il n'y avait que des produits américains dans son appartement ? Richard plaisante la pièce serait plus spacieuse et moins encombrée.À lire aussiDroits de douane: l'administration Trump persiste et signe malgré de premières dissensions en interne
Basée à Prague depuis 30 ans, Radio Free Europe est dans la tourmente ces dernières semaines, Elon Musk et Donald Trump ayant décidé que ce média public américain, tout comme Voice of America, ne devait plus être financé par l'État. Cette radio diffuse dans une trentaine de langues et cible prioritairement des pays où la presse n'est pas libre. Le gouvernement tchèque est rapidement monté au créneau pour défendre cette station et ses journalistes, mais les derniers développements ne sont guère encourageants. Le satellite permettant la transmission de la chaîne de télévision en langue russe de Radio Free Europe en Russie, Current Time, a été éteint jeudi 3 avril par les États-Unis. Propagandiste en chef du Kremlin, Margarita Simonian, directrice du média Russia Today, n'a pas caché sa joie à l'annonce de la fin du financement de Radio Free Europe, allant même jusqu'à parler d'un jour de fête pour la Russie.À Prague, en République Tchèque, l'arrêt des subventions, même s'il est contesté en justice, a pour conséquence la mise au chômage technique d'une partie du personnel. « Radio Free Europe Radio Liberty a une mission très particulière. Nous opérons dans des régions dans lesquelles la liberté de la presse n'est plus autorisée, ou bien est fortement restreinte. Grâce à notre travail, nous sommes devenus une bouée de sauvetage pour les membres de notre audience. Nos auditeurs sont en quête d'informations fiables et précises sur ce qui se passe dans leur propre pays et dans le monde », estime Stephen Capus, son directeur, qui refuse de baisser les bras. L'audience de Radio Free Europe est estimée à 50 millions de personnes par semaine, avec un fort impact également sur les réseaux sociaux. Preuve s'il en fallait que ce média américain, important durant la guerre froide, conserve un certain prestige et une certaine raison d'être, encore aujourd'hui.Le média américain, qui a renouvelé sa rédaction hongroise et qui possède encore des services roumains et bulgares, dérange dans de nombreux pays. Son antenne kirghize, Radio Azattyk, a été interdite par Bichkek en 2023. La documentariste tchèque Veronika Janatková vient de produire un film sur le travail d'un des journalistes de cette antenne. « C'est absolument essentiel, souligne-t-elle. Au Kirghizistan, cette affaire de corruption, qui est au cœur du documentaire, traîne depuis 2019. Mais une enquête journalistique de ce type n'aurait probablement pas été possible là-bas. En 2023, Radio Free Europe/Radio Azattyk, la section kirghize, a déjà été interdite dans le pays. Le fait qu'il ait existé une institution soutenant ce type de recherche et de journalisme en faisait le seul espace où de telles informations pouvaient être publiées. »Le chef de la diplomatie tchèque, Jan Lipavský, a tenté de motiver ses homologues européens à sauver cette radio basée à Prague depuis 30 ans. Mais rien n'est encore acquis pour l'heure, surtout que le budget annuel représenté en 2024 environ 142 millions de dollars.À lire aussiRépublique tchèque: Prague appelle à des discussions au sein de l'UE pour sauver Radio Free Europe
L'assèchement de l'Indus, le fleuve qui traverse les deux provinces greniers à blé du Pakistan, le Pendjab et le Sind, fait craindre le pire pour les récoltes de la fin de l'hiver. Selon les autorités, la pénurie d'eau pourrait atteindre 35% dans les semaines à venir. Selon de récentes prévisions, les barrages d'eau dans la région atteindraient le niveau zéro d'ici à un mois. La situation est alarmante. Les pénuries croissantes d'eau deviennent la norme chaque année au Pakistan, qui se trouve sur la ligne de front du changement climatique. Il y a plus d'un mois, les autorités de la province du Pendjab ont décidé de pénaliser le gâchis d'eau dans le secteur privé. De notre correspondante dans le Pendjab, Sonia Ghezali, et avec la collaboration de Shahzaib Wahlah« Allume la pompe. » Chaque jour, c'est le même rituel pour Mohammad Awais Mubarak : il ordonne à ses employés d'enclencher le système électrique de pompage de l'eau souterraine. Pour irriguer son champ de huit hectares de fraises, de blé et de maïs, il n'a pas d'autre choix, les canaux reliés à la rivière Ravi étant complètement secs.Mohammad Awais Mubarak possède des terres agricoles. « L'assèchement de la rivière a entraîné une baisse du niveau de la nappe phréatique. Dans le passé, nous pouvions obtenir de l'eau à 23 mètres de profondeur. Aujourd'hui, il faut aller à au moins 46 mètres. Et le coût pour creuser un nouveau puits s'élève à plus de 3 300 euros, alors qu'avant, cela coûtait la moitié de cette somme. De plus, les puits s'assèchent rapidement et nous devons constamment en creuser de nouveaux », confie-t-il.L'agriculteur cultive ses huit hectares de terres depuis plus de 20 ans. Mohammad Awais a dû s'adapter à l'assèchement de la rivière et à ses conséquences : « Les années précédentes, nous cultivions beaucoup de riz ici, mais maintenant, nous pensons que nous ne pourrons plus en cultiver et que nous devrons passer au maïs, parce que cela demande moins d'eau. »À lire aussiLe Pakistan sur la ligne de front du réchauffement climatiqueLe recyclage de l'eau désormais imposéÀ Lahore, la capitale provinciale, les autorités locales ont décidé de passer à l'action. Elles ont imposé depuis quelques semaines aux entreprises, aux usines et aux stations de lavage automobiles, l'installation d'un système de recyclage de l'eau. L'Agence de la protection de l'environnement a pour mission de faire appliquer ces mesures. Ses agents sillonnent la ville en quête de contrevenants. Ce jour-là, ils s'arrêtent dans une station de lavage. Les employés sont en train de laver une voiture à grande eau grâce à l'aide d'un long tuyau.« Où se trouve votre système de recyclage ? Arrêtez votre travail maintenant. Où stockez-vous l'eau sale ? », demande l'un des agents. Un employé désigne une cale en sous-sol : « Il y a un réservoir souterrain ici. » « Où va l'eau ensuite ? », reprend l'agent. « Dans les canalisations », répond l'employé. « Vous n'avez pas de système de recyclage ? », questionne l'agent. Il n'y a, en fait, aucun système de recyclage. Un des agents tend au propriétaire une amende de 164 euros, soit trois fois les recettes journalières de sa station de lavage.L'inspecteur Khurram ordonne la fermeture immédiate des locaux jusqu'à nouvel ordre. Il déplore le gâchis d'eau répandu dans la province : « L'eau doit être recyclée et réutilisée. Sans ce système, les pompes à essence, les stations de lavage ou les industries ne sont pas autorisées à fonctionner, car le niveau de la nappe phréatique s'épuise très rapidement. »L'inspecteur n'est pas confiant quant à l'avenir. Selon lui, les pénuries ne feront que s'aggraver, le gâchis d'eau étant ancré dans les habitudes domestiques, lesquelles ne font l'objet d'aucun contrôle. Selon de récentes études, d'ici à 2040, le Pakistan pourrait devenir le pays dont les réserves d'eau seront les plus faibles de la région.À écouter aussiComment s'adapter aux prochaines pénuries d'eau ?
Aux États-Unis, les taxes douanières « réciproques » voulues par Donald Trump sont entrées en vigueur le 2 avril 2025. Elles s'ajoutent à d'autres droits de douanes déjà en vigueur visant notamment le Canada, la Chine et le Mexique. Le président américain assure que ces mesures vont booster l'économie de son pays, mais en réalité, les industriels, les commerçants, les consommateurs s'inquiètent. Certaines petites entreprises payent déjà le prix de ces dispositifs, qu'elles répercutent sur leurs prix de vente. De notre correspondante à New-York,« C'est très difficile de prévoir quoi que ce soit » : Annie Bassin l'avoue, cela fait plusieurs semaines qu'elle vit avec la peur au ventre, inquiète de devoir mettre la clé sous la porte. Avec son mari néerlandais, cette New-Yorkaise est à la tête d'une petite entreprise de huit employés, lancée il y a huit ans. Le couple fabrique et vend une boisson bio à base de gingembre dont il vante les bienfaits pour la santé. Mais depuis que Donald Trump a imposé des taxes douanières, les bouteilles qu'ils importent de Chine leur coûtent plus cher. « On avait déjà eu 25% de taxes douanières en 2016, et là, c'est 20% de plus ! »Fabriquer leurs bouteilles aux États-Unis leur coûterait trois fois plus. Alors, pour faire face à cette situation, Annie et son mari Allard van Hoorn ont dû faire des choix difficiles : « Malheureusement, on va licencier 80% de notre staff. C'est triste, mais c'était devenu irresponsable de continuer sur le même modèle. C'est trop risqué. » Pour Annie, « c'est très dur, parce que ce n'est pas juste de la théorie, la vie de ces gens est affectée ».Changer de stratégieUne situation d'autant plus difficile que depuis sa création, la petite entreprise ne cessait de prospérer et réalisait un chiffre d'affaires annuel d'un million de dollars. Des revenus en baisse depuis l'élection, selon Annie, car les Américains font plus attention à leurs dépenses. La politique de Donald Trump a tout chamboulé : « Les taxes douanières, ce n'est pas génial, mais au moins, on sait à quoi on a affaire et on peut s'adapter. Mais l'imprévisibilité, les changements de politique toutes les cinq minutes... C'est quasiment impossible de gérer un business dans ces conditions. Au moindre souci, nous sommes vulnérables. »Alors, pour sauver leur entreprise, Annie et Allard ont décidé de changer de formule. Ils ferment leurs locaux et confient l'emballage et l'expédition de leurs produits aux États-Unis à une autre société. Et surtout, ils ont décidé de s'expatrier. « C'est crucial pour nous d'être flexibles, de serrer les dents pour survivre, explique la commerçante. C'est compliqué de rester ici. On est fiers de ce qu'on a construit et on est certains de pouvoir refaire la même chose dans un environnement plus sain. »Tout en gardant sa branche américaine, le couple mise désormais sur le marché européen. Ils comptent ouvrir une autre petite entreprise de production de boissons à base de gingembre en Grande-Bretagne, puis au Portugal. Avec, peut-être, un retour aux États-Unis dans quatre ans.À lire aussiLes producteurs européens de vins et spiritueux inquiets face à la bataille des taxes
C'était l'une des principales réformes de société promises par le gouvernement Scholz. Il y a un an, l'Allemagne dépénalisait la consommation et la culture du cannabis à des fins récréatives. 150 clubs de consommateurs ont depuis ouvert à travers le pays. Les cannabis sociaux clubs, comme on les appelle dans le pays, sont la base de la réforme, censés garantir la qualité des produits distribués légalement tout en luttant contre le marché noir. De notre envoyée spéciale à Erfurt, Nous sommes mercredi, jour de distribution dans le Cannabis Social Club d'Erfurt, en Allemagne. Deux sortes de fleurs de cannabis sont proposées par le club, cultivées par les membres sous strict contrôle sanitaire. La première récolte, en janvier, a donné 30 kilogrammes, la distribution, deux jours par semaine, est limitée à 20 grammes par membre et par mois, à raison de cinq euros le gramme, c'est deux fois moins que sur le marché noir. Les membres sont satisfaits. « Je suis tout à fait satisfait. Super bon goût et effet très agréable », apprécie l'un d'entre eux. « L'avantage, c'est qu'on ne doit pas se fournir sur le marché noir. On n'a plus l'impression de faire quelque chose d'interdit. On peut acheter de la bonne qualité. Et le prix est beaucoup plus avantageux qu'au marché noir », estime un autre. « Alors la quantité distribuée pourrait être un peu plus élevée. Souvent, ça m'est arrivé, surtout quand j'avais mon cancer, de me faire arrêter par la police. J'avais du cannabis sur moi. Et qu'ont-ils fait ? Bien sûr, ils me l'ont confisqué ! Je me sens bien plus libre maintenant, clairement », confie un membre.En Allemagne, 450 clubs ont déposé une demande d'autorisation, dont les deux tiers des dossiers sont toujours sans réponse. Hermann Klatt, le président du Cannabis Club d'Erfurt, se souvient des difficultés rencontrées. « Il faut avoir les gens qui s'y connaissent, et qui sont prêts à investir leur temps, beaucoup de temps. On a dû rassembler 250 000 euros de fonds privés, sans banques, sans soutien, rien », se remémore-t-il.Mais la légalisation très encadrée est encore fragile. À Berlin, les partis conservateurs ont promis un retour à la prohibition sous le gouvernement Merz. « Nous, dans le gouvernement régional bavarois, on a dit dès le départ que la légalisation du cannabis est une erreur et nous n'avons pas changé de position », affirme Joachim Herrmann, membre de la très conservatrice CSU bavaroise.À Erfurt, l'inquiétude est palpable. « Le vrai danger, c'est que dans les négociations de coalition, le SPD ne laisse tomber les consommateurs de cannabis, pour obtenir des concessions des conservateurs sur d'autres questions. Vous voyez bien, les gens qui viennent ici s'approvisionner en cannabis, ce ne sont pas des criminels. Mais si on revenait à la prohibition, ils seraient tous criminels », s'exclame-t-il. Selon les estimations, 17 % des adultes consomment en Allemagne du cannabisÀ écouter aussiAccents d'Europe: quel bilan pour le cannabis légal en Allemagne?
Le territoire de 15 000 mètres carrés frontalier de la Pologne, de la Lituanie et de la Biélorussie et relié à la Russie à travers les 70 kilomètres du corridor de Suwalki, est à la fois une forteresse ultra-militarisée au bord de la mer Baltique et un territoire qui entretenait avant la guerre en Ukraine et les sanctions occidentales des liens étroits avec l'Europe. Reportage dans ce territoire « baromètre » des relations UE-Russie. De notre envoyée spéciale à Kaliningrad,Kaliningrad, fin de journée, un stade dans la ville. Une partie de football dans la lumière claire du printemps malgré le froid, des coureurs sur la piste et deux adolescents de 17 ans qui déboulent, sourire aux lèvres, mais visage sérieux. Pavel et Eugène sont venus s'entraîner pour leurs futurs concours d'écoles supérieures. Membres d'un des clubs militaro-patriotiques de la ville, ils visent des établissements d'études militaires supérieures prestigieux en Russie.Pavel postule à l'École navale de Saint-Pétersbourg, « parce que je considère qu'être militaire dans notre pays est un honneur » dit-il ; Eugène à l'École supérieure d'artillerie de Moscou. Ce dernier se définit comme « un patriote qui veut défendre son pays jusqu'à la dernière goutte de son sang ». Eugène se dit aussi « convaincu que les Iskander sont des armes de haute technologie capables d'accomplir n'importe quelle mission et fier que nos scientifiques puissent réaliser de telles performances avec cette arme ».Les Iskander sont déployés à Kaliningrad depuis 2018. Ces missiles sont capables d'envoyer des charges conventionnelles ou nucléaires à 500 kilomètres et peuvent donc atteindre rapidement plusieurs pays voisins directs de cette enclave. Cette fierté de les héberger sur le territoire de Kaliningrad, également siège de la flotte russe de la mer Baltique, est évidemment partagée par le dirigeant de leur club qui a demandé à être présenté sous le pseudonyme sous lequel il dit être connu sur les réseaux sociaux et dans la région, celui de Maxim Maximosvky, 37 ans, fonctionnaire dans le civil, volontaire bénévole pour ce club.« Les Iskander, c'est bien que tout le monde y pense et les craigne », avance-t-il. « C'est même très bien. C'est notre totem de protection. Bien sûr, nous sommes un os dans la gorge de l'Europe. » Reste que Maxim Maximosvky se présente comme très proche de la ligne de l'État russe en affirmant : « On ne peut pas dire que Kaliningrad est entourée par des pays ennemis. Pour moi, ils sont, comme Vladimir Poutine les a désignés, des pays "inamicaux". Il n'y a pas si longtemps, la population locale voyageait librement et souvent juste pour la journée en Pologne, en Lituanie, en Allemagne, par bus. La région était très tournée vers l'Europe, et ses habitants largement perçus dans le reste de la Russie comme presque Européens, tout en étant des citoyens russes. Mais quand les frontières ont fermé, ils sont devenus indésirables en Europe. Les citoyens de Kaliningrad se sont donc rappelés qui ils étaient et ont réorienté leur vie. »La nouvelle donne post-2022En juin 2022, la tension est montée en flèche entre Kaliningrad et ses voisins. Appliquant les sanctions européennes contre la Russie, la Lituanie a bloqué le transit par voie ferrée de certaines marchandises vers ce territoire. Moscou a dénoncé un « blocus ». Jusque-là, tous les mois, une centaine de trains de passagers et de marchandises non militaires reliaient Kaliningrad à la Russie continentale, en passant par la Biélorussie, alliée de Moscou, et la Lituanie, membre de l'Union européenne (UE) et de l'Otan depuis 2004. La mise en place de ce transit était l'une des conditions imposées à la Lituanie lors de son adhésion à l'UE.Après une énorme exposition médiatique, les tensions officielles sont retombées. Mais aujourd'hui, Kaliningrad est surtout reliée pour le trafic des biens à la Russie par des ferrys venus de Saint-Pétersbourg, et si personne ne se plaint tout haut de ruptures d'approvisionnement, on soulève des problèmes de transit. Sous couvert d'anonymat, une cadre d'une usine de viandes a ainsi affirmé à RFI que ses camions vers la Russie continentale pouvaient être bloqués des jours entiers pour de longs contrôles douaniers organisés par la Lituanie, handicapant ainsi ses exportations, très dépendantes de dates limites de consommation. En 2023, des médias d'investigation comme Siena ont eux révélé que des engrais biélorusses sous le coup de sanctions européennes continuaient de transiter par le pays balte. Le ministère des Transports avait, dans la foulée, annoncé un renforcement des contrôles à toutes ses frontières.L'inflation, elle, déjà très élevée en Russie, bat des records à Kaliningrad : + de 10 % rien qu'en décembre, selon les chiffres officiels de l'institut national russe Rosstat.Fondateur il y a plusieurs dizaines d'années d'une entreprise de transport par camion, Serguey Gos affirme, lui, avoir réussi à gérer la nouvelle donne économique sans dommages durables. « Avant 2022, nous travaillions avec presque tous les pays européens, Italie, Autriche, Allemagne, France. De notre pays, nous amenions de la tourbe, du bois, beaucoup de matières premières, et nous importions certains composants. » Aujourd'hui, ce chef d'entreprise affirme avoir réorienté en quelques mois ses activités via les pays classés comme amicaux par la Russie : Turquie, Kazakhstan, Chine. Sa flotte de camions reste très européenne, mais pour ses nouveaux semi-remorques, il dit se fournir désormais auprès d'une usine locale.Si Serguey Gos dit avoir parfaitement encaissé économiquement le choc de 2022 émotionnellement, c'est à ses yeux une autre affaire. « La manière dont les choses se sont passées entre nos collègues occidentaux et nous a été très laide. Et malheureusement, on s'en souvient encore. On attendait une commande d'équipement, elle était payée, et tout d'un coup, l'argent nous a simplement été renvoyé et on nous a dit qu'on ne recevrait rien. On devrait toujours se souvenir, avant de claquer la porte, qu'on pourrait devoir la rouvrir un jour. » Un discours qui résonne avec celui du Kremlin. Celui-ci milite pour la levée des sanctions, mais affirme toujours que ce n'est pas par nécessité économique, mais pour des raisons de principe.À Kaliningrad, peu s'attendent à du changement en la matière. Serguey Gos résume l'état d'esprit général par cette formule : « les sanctions n'ont pas été imposées pour ensuite être annulées rapidement ». Les Européens ont eux réaffirmé leur position la semaine dernière : pas de levée de sanctions avant un retrait « inconditionnel » des forces russes d'Ukraine. Les tensions, elles, continuent à s'accumuler. Un représentant réputé de la communauté d'affaires de Kaliningrad a ainsi annulé une interview prévue avec RFI « en raison du dernier discours d'Emmanuel Macron ». Le président français avait, quelques heures, auparavant, dans une allocution télévisée, fustigé « l'agressivité » de Moscou « qui viole nos frontières » et face à laquelle « rester spectateur serait une folie ». Devant 15 millions de téléspectateurs, Emmanuel Macron avait aussi affirmé que la Russie était « devenue une menace pour la France et pour l'Europe », une Russie qu'il accusait de « tester nos limites dans les airs, en mer, dans l'espace et derrière nos écrans. Cette agressivité ne semble pas connaître de frontières ».La Pologne ainsi que les pays baltes sont aujourd'hui engagés dans de coûteux travaux de fortification de leurs frontières avec la Russie. Poussés par l'inquiétude d'un conflit dans quelques années avec Moscou, ces dernières semaines la Lituanie annoncé quitter la Convention d'Oslo interdisant les bombes à sous-munitions, tandis que la Pologne et les trois pays baltes ont eux déclaré vouloir se retirer de celle bannissant les mines antipersonnel.À lire aussiSites énergétiques visés: Kiev et Moscou font état de «violations» et se tournent vers Washington