Européen de la semaine

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Chaque semaine, la rédaction Europe de RFI, fait le portrait d’un Européen qui est au cœur de l’actualité. Un portrait qui permet de découvrir les acteurs du monde dans lequel nous vivons et d’éclairer les évènements que nous commentons et dont nous témoignons dans les journaux de RFI.

Rfi - Juliette Gheerbrant


    • May 30, 2025 LATEST EPISODE
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    Alain Berset, le Suisse qui veut faire exister le Conseil de l'Europe

    Play Episode Listen Later May 30, 2025 4:37


    Habituellement discret, le Conseil de l'Europe s'est fait entendre la semaine dernière : Alain Berset, son secrétaire général, a fait la Une, il y a quelques jours, pour avoir riposté aux pays européens qui aimeraient avoir les mains libres sur leurs politiques migratoires.  Alain Berset a dit stop. Dans un communiqué, il rappelle à l'Italie, au Danemark, à la Pologne ou encore à l'Estonie que la Cour européenne des droits de l'Homme est sacrée. Alain Berset est monté au filet pour réaffirmer l'indépendance de la plus haute juridiction de l'UE. « Il est comme ça », réagit Richard Werly, le correspondant en France du quotidien suisse Blick. « Lors de son long passage au Conseil fédéral suisse, il s'est toujours singularisé, d'une part par une voix forte, c'est-à-dire par sa capacité à prendre ses responsabilités et à les assumer. Et la deuxième chose, c'est un homme de valeur. C'est un homme qui est socialiste, ne l'oublions pas. Et pour lui, les conventions internationales, le multilatéralisme, l'ordre international sont des choses qui doivent être défendues ».Ancien président de la Confédération helvétiqueAlain Berset a présidé la Confédération helvétique jusqu'à la fin de l'année 2023. Et pour Pascal Sciarini, professeur de science politique à l'université de Genève, il a laissé un bon bilan aux yeux : « Il s'est imposé comme un des personnages forts de ce gouvernement collégial qui comporte sept membres. Il est entré très jeune. D'ailleurs, il a commencé très jeune sa carrière politique. Et il a été vraiment un personnage constant dans l'exécutif suisse. Pas flamboyant, mais pas populiste non plus, plutôt rigoureux, pragmatique. Et je crois que, ce qui a beaucoup marqué son mandat, c'est la crise du Covid-19 ». Ministre de la Santé pendant le Covid, il a marqué les esprits, notamment avec cette petite phrase sur la durée du confinement prononcée lors d'une conférence de presse : « Nous souhaitons donc agir aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire ». La maxime est devenue virale, jusqu'à devenir un slogan sur des tee-shirts et des drapeaux.« Bon papa de la nation »Pendant la crise du Covid, Alain Berset a su tenir tête aux cantons, attachés à leurs prérogatives. Avec le bon ton. « Il a vraiment assuré un peu un rôle de bon papa de la nation », raconte le professeur Pascal Sciarini. « À la fois tout à fait humble, sincère, authentique, mais très rassurant. Ça, je pense que c'est vraiment son principal fait d'armes ». Le journaliste Richard Werly, lui, retient les réformes sociales pour lesquelles il n'a pas hésité à aller contre son propre camp : « Il reste celui qui a, tout en étant un élu socialiste, accepté les différentes réformes, notamment de l'Assurance maladie, de la retraite. Des réformes qui toutes tendent à faire que les gens cotisent plus. Donc, c'est un socialiste qui, à l'échelle européenne, est tout à fait pragmatique en termes budgétaires ». Des scandales...La fin de son mandat à la tête de la Confédération a été émaillé de plusieurs scandales. Alain Berset a été victime d'une tentative de chantage exercée par une ancienne maîtresse. Un cas à part en Suisse. « Il est l'un des rares politiciens suisses de haut niveau qui ait provoqué quelques polémiques pour sa vie personnelle », rappelle Richard Werly. « Il a utilisé des véhicules de fonction pour rendre visite à une compagne à une époque de sa vie. C'est quelqu'un qui clairement a pris la lumière aussi sur le plan personnel, à tel point qu'il a fallu sécuriser la maison familiale à Fribourg, ce qui est assez rare en Suisse ».Mais toujours populaireMalgré ces casseroles, Alain Berset est resté populaire, tempère le chercheur Pascal Sciarini : « Les sondages ont montré qu'il restait tout à fait populaire auprès d'une majorité de la population. Et arriver à un tel soutien majoritaire dans le pays, je crois démontre qu'il a vraiment été apprécié pendant son mandat ».Pilote d'avion À 53 ans, marié, et père de trois enfants, il est toujours accessible, vous pouviez le croiser en train de faire ses courses. Ancien jeune champion d'athlétisme, il est passionné d'aviation. Il pilote sur son temps libre. Parfois un peu trop librement. En juillet 2022, il est intercepté par deux Rafale français pour avoir survolé une base militaire.Quel avenir après le Conseil de l'Europe ? Certains lui prêtent une autre vie d'homme d'affaires. Pourquoi pas siéger au conseil d'administration de plusieurs grandes entreprises. D'autres le voient bien encore diriger une institution internationale comme une agence de l'ONU ou un poste d'envoyé spécial des Nations unies, lui qui a passé dans sa jeunesse le concours diplomatique pour intégrer le ministère suisse des Affaires étrangères. 

    Luis Montenegro, un Premier ministre portugais en quête d'alliés

    Play Episode Listen Later May 23, 2025 1:12


    Au Portugal, après les législatives anticipées du 18 mai, l'actuel Premier ministre Luis Montenegro doit prendre la tête d'un gouvernement minoritaire. Si son Alliance démocratique de centre-droit est arrivée en tête, elle n'atteint toujours pas la majorité absolue et va devoir composer avec un paysage politique chamboulé, où les socialistes sont en net recul et l'extrême droite bat des records. « Non, c'est non ». Luis Montenegro a martelé ce slogan à chaque fois qu'il était interrogé sur la question d'une éventuelle alliance avec le parti ultranationaliste Chega. Mais après le résultat obtenu par cette formation (58 députés, autant que le Parti socialiste, mais quatre sièges des circonscriptions de l'étranger n'ont pas encore été pourvus), ce « non » pourrait être plus nuancé. Dans un contexte où l'Alliance démocratique se retrouve sans majorité absolue au Parlement, « cette position de principe peut souffrir quelques aménagements cosmétiques », avance Yves Leonard, historien et politologue, spécialiste de l'histoire contemporaine du Portugal.La formation d'André Ventura, grand admirateur de Donald Trump, a franchi pour la première fois la barre des 20% et est en passe de devenir le premier parti d'opposition. Au sein même du Parti social-démocrate de Luis Montenegro, certains plaident pour une stratégie qui consiste à s'assurer du soutien sans participation de Chega au gouvernement. « Il y a effectivement une nuance qui se met en place parce que les alternatives pour le Premier ministre sortant ne sont pas simples et toutes désirables », souligne Yves Leonard.Jusqu'à présent, le Premier ministre sortant, à la tête d'un gouvernement minoritaire, s'est assuré de soutiens au cas par cas pour faire passer des textes de loi au Parlement. Le président Marcelo Rebelo de Sousa, qui a entamé les consultations avec les chefs des partis politiques, a déjà prévenu qu'il prendrait son temps pour s'assurer de la viabilité du prochain exécutif et de sa capacité à faire adopter son programme.Messages aux électeurs d'extrême droiteSans attendre le résultat de ce scrutin anticipé, Luis Montenegro a donné des signaux forts aux électeurs de Chega, sur les thèmes de la sécurité et de l'immigration, chères à l'extrême droite. Début mai, il a largement médiatisé l'annonce de l'expulsion prochaine de 14 000 personnes en situation irrégulière. « La droite modérée portugaise a eu, à peu près, la même stratégie que la droite et le centre-droit européen vis-à-vis du défi de la droite radicale », analyse Antonio Costa Pinto, professeur de sciences politiques à l'université de Lisbonne, relevant que le PSD sous la direction de Luis Montenegro avait adopté une position plus dure vis-à-vis de l'immigration, plaçant le parti un peu plus à droite, sur fond de défi lancé par la popularité grandissante de Chega.« Luis Montenegro est un politicien mainstream de centre-droit, mais qui, vis à vis du défi de la droite radicale, ne va pas hésiter à faire des concessions », pronostique le politologue portugais. Le chef du parti social-démocrate de 52 ans, présenté comme discret, sans charisme, mais obstiné, a appelé, au soir de l'élection, à « dialoguer et faire passer l'intérêt national au-dessus de tout ».Avocat de formation, l'homme à la carrure solide, aux yeux verts et à la fossette au milieu du menton, a longtemps été voué aux seconds rôles au sein du parti. Ce passionné de football a aussi été maître-nageur dans la station balnéaire d'Espinho, où il a grandi et vit encore avec son épouse et leurs deux enfants. Par deux fois, il s'est présenté à la mairie, mais a échoué face au candidat socialiste. Conseiller municipal à 24 ans, élu député cinq ans plus tard, ce conservateur pragmatique de culture libérale et entrepreneuriale, a essuyé plusieurs échecs avant de prendre les rênes du PSD en 2022 et de devenir Premier ministre à la tête d'un gouvernement minoritaire deux ans plus tard.« Onction du suffrage »À la suite de révélations par la presse d'une affaire de possibles conflits d'intérêt autour de contrats publics accordés à des entreprises liées à sa famille, il a perdu une motion de confiance au Parlement et a décidé de démissionner. En dépit du scandale, Luis Montenegro a réussi son pari. Il sort vainqueur de ce scrutin, obtenant une majorité plus large, mais toujours pas absolue. « Le facteur éthique n'a pas joué un rôle important. Son problème personnel n'a pas beaucoup intéressé la société portugaise​​​​​​ », note Antonio Costa Pinto.« En sciences politiques, on sait que toutes ces questions d'affaires, de conflits, d'intérêts, et de corruption, ne pénalisent pas forcément leurs auteurs lors des élections. La liste est longue, à commencer par Donald Trump », note Yves Léonard. « Non seulement il n'est pas sanctionné pour cette affaire-là, mais les électeurs lui ont majoritairement donné quitus, permettant à son parti d'obtenir une majorité un peu plus large, un peu plus confortable. Comme c'est souvent le cas, l'onction du suffrage l'immunise d'une certaine manière », complète le politologue.Cette affaire restera quand même une épine dans le pied de Luis Montenegro, que l'opposition et en particulier, l'extrême droite de Chega ne se privera pas d'utiliser. Dans cette période de fortes turbulences et d'incertitudes sur la scène politique portugaise, qui connaitra des élections municipales en septembre et présidentielle en janvier, le Premier ministre ne peut qu'être certain d'une seule chose : il ne pourra pas y avoir d'élections législatives avant mai 2026. Le Portugal vient d'en connaître trois en trois ans. 

    Présidentielle en Pologne: duel entre un europhile polyglotte et un historien nationaliste

    Play Episode Listen Later May 16, 2025 4:43


    Les Polonais votent ce dimanche 18 mai pour choisir leur président. Portraits croisés des deux favoris du scrutin : l'europhile libéral Rafal Trzaskowski face au nationaliste Karol Nawrocki.  Rafal Trzaskowski est le candidat de la Coalition civique du Premier ministre Donald Tusk. Il est à plus de 30% dans les enquêtes d'opinion. À 53 ans, ce candidat télégénique, qui arbore une légère barbe poivre et sel, est le maire de Varsovie depuis six ans. Très actif sur les réseaux sociaux, il a étudié au Royaume-Uni et à Paris, et a été député européen. C'est un europhile convaincu, avec des convictions sociétales très ouvertes, qu'il a mis en sourdine dans cette campagne.« Il a un peu caché ses sentiments envers ces groupes de gauche, raconte Bartosz Wielinski, rédacteur en chef adjoint au grand journal Gazeta Wyborcza. Pour gagner des élections en Pologne, il faut aussi convaincre des forces conservatrices qui dominent à la campagne polonaise. » Rafal Trzaskowski a d'ailleurs multiplié les déplacements dans les villages ruraux pour convaincre de nouveaux électeurs. Les voix progressistes continueront à voter pour lui, faute d'alternative. Son expérience à la mairie de Varsovie l'a rendu très accessible. « Il est plutôt discret, mais il n'hésite pas à venir vers les gens et à répondre aux questions, aux interrogations de gens, relève Krzysztof Soloch, spécialiste de la Pologne et professeur à Sorbonne-Université. C'est quelqu'un d'abordable et qui a un côté un peu populaire, tout à fait proche de gens. » Rafal Trzaskowski vient d'une famille d'intellectuels de Varsovie et parle cinq langues, dont le français. Ses opposants l'ont attaqué là-dessus jusqu'à le surnommer « Bonjour », mais le candidat lui-même en a ri.« Les Polonais d'abord »Son principal rival est Karol Nawrocki, le candidat du PiS, le parti d'opposition Droit et Justice. Son slogan de campagne : « La Pologne d'abord, les Polonais d'abord ». Cet historien de 42 ans était un inconnu sur la scène politique. « Est-ce qu'il a réellement la carrure de Donald Trump ? Je ne crois pas, relativise le chercheur Krzysztof Soloch. Est-ce qu'il partage les idées de Trump ? Oui, sans doute. Il est extrêmement réticent à la fédéralisation de l'Union européenne, donc il défend une Europe des nations, la souveraineté, un mot clé aussi pour Trump. Il y a plein de similitudes entre Nawrocki et Trump. » Le candidat, inconnu avant cette campagne, est très entouré par les cadres du PiS.Ses livres et ses enquêtes sur les crimes du régime communiste lui ont valu d'être sur la liste des personnes recherchées par la Russie. À 42 ans, costumes et coiffure classiques, marié et père de trois enfants, c'est un passionné de boxe. Mais pour Krzysztof Soloch, ce candidat a un problème de proximité et d'authenticité : « Il essaie de montrer un peu son côté accessible, qu'il aime bien le foot, les promenades en famille. Mais c'est un candidat qui, pour beaucoup de Polonais, reste mystérieux ». Sans compter qu'il traîne aussi plusieurs casseroles. Karol Nawrocki s'est attribué un luxueux logement de fonction dans le complexe du musée de la Seconde Guerre mondiale qu'il dirigeait, alors que son appartement se trouvait à cinq kilomètres de son bureau. Il a été éclaboussé par un autre scandale immobilier. Durant la campagne, on a découvert qu'il avait acheté à bas prix un logement auprès d'un homme âgé. « Tout ce qu'il essaie de faire maintenant, c'est de cacher ce scandale, de trouver quelque chose de différent pour les médias et promettre que ça ne va plus se répéter. Mais cela ne marche pas », raconte le journaliste polonais Bartosz Wielinski, qui estime que ces révélations qui vont peser au moment du vote. Karol Nawrocki a déjà perdu des points dans les sondages. L'inconnue de la participationUn troisième homme aimerait bien s'inviter dans ce duel. Slwomir Mentzen, candidat de l'extrême droite, est un homme d'affaires millionnaire, antimigrants, anti-avortement et eurosceptique. Mais, à force d'outrances, il a dégringolé dans les sondages et n'est plus aussi sûr d'être le faiseur de roi. Dimanche 18 mars, les Polonais voteront d'abord contre un candidat que par adhésion, expliquent la plupart des interlocuteurs croisés à Varsovie. Ce qu'il faudra surveiller aussi, c'est le vote des 500 000 Polonais vivant à l'étranger, électorat clé pour Rafal Trzaskowski. Enfin, la principale inconnue demeure ce que décideront les 10% d'indécis. À lire aussiPrésidentielle en Pologne: «L'enjeu est absolument considérable pour Donald Tusk et sa coalition»

    Lars Klingbeil, l'étoile montante de la politique allemande

    Play Episode Listen Later May 9, 2025 4:00


    Il est désormais le deuxième homme le plus puissant d'Allemagne, après le chancelier Friedrich Merz, élu dans la douleur mardi 6 mai. Lars Klingbeil est devenu cette semaine vice-chancelier et surtout ministre des Finances, un poste-clé. Il a réussi, à 47 ans seulement, à se hisser aux premiers rangs du pouvoir Le jour de ses 47 ans, le 23 février dernier, Lars Klingbeil assiste à la défaite cuisante de son parti. Le SPD (Parti social-démocrate), qu'il codirige, n'obtient que 16,4% des suffrages aux élections législatives en Allemagne. Pourtant, quelques semaines plus tard, Lars Klingbeil scelle un accord de coalition avec le conservateur Friedrich Merz, qui deviendra chancelier, et réussit le tour de force de s'imposer comme vice-chancelier et ministre des Finances, un poste stratégique.Lars Klingbeil est un animal politique. Ce géant de 1,96 m « peut être décrit comme un nounours, au visage rond et sympathique, qui s'exprime très bien, mais c'est quelqu'un qui a une volonté de puissance étonnante », résume Patrick Moreau, spécialiste de la droite et de l'extrême droite allemande.S'il a réussi à transformer la défaite électorale de février en une victoire personnelle, c'est qu'il est « un fin stratège », renchérit Étienne Dubslaff, maître de conférences à l'Université Paris-Nanterre et spécialiste du SPD. « Il a réussi à faire porter le chapeau à sa coprésidente Saskia Esken (…) et à s'imposer comme l'homme fort du parti au sortir des élections. Il a dirigé les négociations avec les chrétiens-démocrates [pour la future coalition, NDLR], et s'est rendu incontournable ».Il représente la nouvelle générationNé à Soltau, dans le bassin industriel de Basse-Saxe, Lars Klingbeil se présente dans sa biographie comme le « fils d'un soldat professionnel et d'une vendeuse ». Issu d'un milieu relativement modeste, cet amateur de football et de musique rock a fait des études de sciences politiques et de sociologie avant d'entrer en politique. Il fait ses armes auprès de l'ancien chancelier social-démocrate Gerhard Schröder, est élu pour la première fois député à 27 ans, et participe à la campagne qui propulse Olaf Scholz à la chancellerie en 2021, date à laquelle Lars Klingbeil prend la codirection du SPD.Depuis, il s'évertue à écarter la vieille garde. Il veut incarner une nouvelle génération. Peu expérimenté dans le domaine des finances, il aura fort à faire dans une Allemagne en pleine récession. Lors de sa première prise de parole mercredi, Lars Klingbeil a promis de remettre son pays sur le chemin de la croissance en attirant les investissements privés et de présenter un budget d'ici à l'été.Il pourra compter sur le fonds exceptionnel de 500 milliards d'euros, voté par les députés en mars, en s'affranchissant des contraintes de la dette, afin de rénover notamment les infrastructures. Quels que soient ses choix, c'est un homme « capable de faire des compromis », selon Étienne Dubslaff. « Avec Merz, les relations ne sont pas chaleureuses. Ce n'est pas l'amour fou, mais ils devraient s'entendre ».À lire aussiAllemagne: Friedrich Merz finalement élu chancelier après un second tour historiqueKlingbeil vise la chancellerieQuelle orientation Lars Klingbeil va-t-il donner à son parti ? Pour Patrick Moreau, Lars Klingbeil est « difficile à cerner ». « À l'origine classé à l'aile droite du SPD, il pourrait marquer l'identité du parti à gauche pour rénover la sociale-démocratie, car c'est aussi sa voie vers le pouvoir ». Étienne Dubslaff tempère. Selon lui, « Klingbeil consolidera sa position dominante au SPD en misant sur une ligne plus centriste, pariant que Merz aille plus à droite ».L'objectif est de préparer l'après. Lars Klingbeil vise la chancellerie. « Il est très ambitieux, assure Patrick Moreau. Il a besoin de temps pour refaire son image. Il a été très critiqué après la défaite du SPD aux législatives. Mais maintenant qu'il a éliminé la vieille garde, il va monter son équipe et préparer son parti à la grande confrontation qui aura lieu plus tôt qu'on ne l'imagine ».La prochaine élection doit avoir lieu théoriquement dans quatre ans, mais le nouveau chancelier Friedrich Merz, élu dans la douleur en début de semaine par les députés, est impopulaire, et Lars Klingbeil pourrait bien en profiter pour avancer ses pions. Rien ne semble lui faire peur. Dans une récente interview à Die Zeit, ce gros fumeur, en rémission d'un cancer de la langue, expliquait : « On regarde la vie d'une autre manière quand on a été proche du précipice (…) Cela donne beaucoup de force ».À lire aussiFragilisé par une élection chaotique, le chancelier allemand à Paris puis Varsovie

    George Simion, le candidat trumpiste de l'extrême-droite roumaine

    Play Episode Listen Later May 2, 2025 4:59


    Les électeurs roumains retournent dans les bureaux de vote ce dimanche 4 mai, cinq mois après l'annulation de l'élection présidentielle pour des soupçons d'ingérence étrangère. Călin Georgescu arrivé en tête du premier tour en novembre dernier, étant exclu du scrutin, c'est George Simion qui reprend le flambeau de l'extrême-droite roumaine. Cet ancien hooligan reconverti dans la politique bénéficie du soutien de l'administration Trump et ne cache pas son admiration pour le président américain.  C'est sur les gradins des stades de football que George Simion se fait d'abord connaître et constitue les premiers réseaux qui l'amèneront à diriger l'extrême-droite roumaine. Car, avant de fonder le parti Alliance pour l'Unité Roumaine (AUR, ce qui signifie « or » en roumain), il dirige le groupe de supporter « ultra » de l'équipe nationale et se distingue par son goût de la provocation et des affrontements violents. « Il s'oriente ensuite vers la contestation du néo-communisme de l'ancien président Ion Iliescu et de ses conseillers, qu'il accuse d'avoir trahi la révolution roumaine de 1989, raconte Sergiu Miscoiu, professeur en Sciences politiques à l'Université de Kluj. Puis il fait de l'agitation pour l'union de la Moldavie avec la Roumanie, ce qui lui vaudra d'ailleurs d'être persona non grata en Moldavie. » Dernière étape de son avènement politique, décisif celui-là, la pandémie de Covid qui lui permet de fédérer toute une myriade de groupes anti-vaccination et anti-confinement. Aux élections de 2020, à la surprise générale, l'AUR remporte 9 % des voix. George Simion s'impose comme la figure montante d'une extrême-droite roumaine qui surfe sur le rejet des élites et des figures traditionnelles de la classe politique, dominée par les libéraux et les socialistes.  Seconde chance Pour l'échéance électorale de 2024, George Simion choisit d'adopter une stratégie bien connue au sein de l'extrême-droite européenne : celle de la dédiabolisation. « Il polit son discours, adopte un profil plus présidentiable et noue des contacts à l'international, décrypte Sergiu Miscoiu. Il choisit de bannir du parti les éléments les plus radicaux, dont Călin Georgescu. » La stratégie ne réussit pas à George Simion, puisqu'il est distancé dans les urnes par l'homme qu'il a justement banni de son parti. Le candidat de l'AUR n'arrive qu'en quatrième position avec 13 % des suffrages tandis que son ancien allié, boosté par une campagne Tik-Tok aussi virale que virulente, arrive en première position avec 22 % des voix. La suite de l'histoire est connue : en raison de soupçons d'ingérence étrangère, l'élection est annulée. Călin Georgescu sera ensuite inculpé d'incitation à troubler l'ordre constitutionnel et de fausses déclarations sur ses comptes de campagne – et disqualifié pour le nouveau scrutin. Paradoxalement, ce que l'extrême-droite roumaine qualifie aussitôt de « coup d'État »  va offrir une seconde chance à George Simion, qui reprend le flambeau et se présente une nouvelle fois au nom de ses électeurs, et de ceux de Georgescu.Un candidat « MAGA »Avec cette fois un nouvel élément qui pèse lourdement sur la campagne électorale : le retour à la Maison Blanche de Donald Trump. Car la nouvelle administration américaine, en particulier le vice-président J.D. Vance, prend fait et cause pour l'extrême-droite roumaine en dénonçant l'annulation de l'élection de novembre et la disqualification de Călin Georgescu. Un soutien retentissant qui ravit George Simion, malgré les débuts pour le moins erratiques de l'administration Trump. « Le fait que ces débuts soient chaotiques, aux yeux de George Simion, montre précisément que le milliardaire américain essaie de s'attaquer à des forces plus grandes et donc cela n'affaiblit pas le rattachement à Trump, pointe Florent Parmentier, secrétaire général du Cevipof, à Sciences-Po. George Simion ne voit d'ailleurs aucun inconvénient à voir le président américain « lâcher » l'Ukraine face à la Russie de Vladimir Poutine, lui-même s'étant élevé à plusieurs reprises contre l'aide militaire à Kiev. « Les valeurs conservatrices véhiculées par le mouvement MAGA (Make America Great Again) vont également dans le bon sens à ses yeux, décrypte Florent Parmentier. Car George Simion se pose lui aussi en pourfendeur du "wokisme" et de tout ce qui lui semble véhiculé et imposé par les élites européennes. »S'il accédait à la présidence à l'issue du second tour prévu le 18 mai prochain, George Simion pourrait ainsi adopter une politique similaire à celle d'un Viktor Orban, le très eurosceptique Premier ministre hongrois. Dans la limite, toutefois, des pouvoirs limités qu'offre à la présidence la Constitution roumaine. « Sans sortir de l'Union européenne, il pourrait contribuer à semer la "zizanie" à Bruxelles, estime le politologue Sergiu Miscoiu. Et tenter de nouer des contacts directs avec les États-Unis bien sûr, mais aussi avec la Turquie ou la Chine – grosso modo avec des pays qui sont hostiles à l'UE et plus largement à la démocratie libérale. » Pour l'heure, George Simion est annoncé largement vainqueur du premier tour qui aura lieu ce dimanche 4 mai, puisqu'il est crédité de 30 à 35 % des voix.  Mais, au second tour, les choses s'annoncent nettement plus compliquées : le champion de l'extrême-droite roumaine sera vraisemblablement opposé au candidat unique du camp pro-européen, qu'il s'agisse du maire de Bucarest, Nicusor Dan, ou de l'ancien président du Sénat Crin Antonescu. À lire aussiPrésidentielle en Roumanie: «L'inquiétude» est le mot marquant de cette élection, dit Claudiu Năsui À lire aussiRevue de presse des Balkans: À la Une, la Roumanie rejoue sa présidentielle ce week-end

    Özgür Özel, l'apparatchik devenu homme providentiel en Turquie

    Play Episode Listen Later Apr 25, 2025 4:28


    Il est devenu le visage et la voix de l'opposition à Recep Tayip Erdogan en Turquie : Özgür Özel est l'Européen de la semaine sur RFI. Cet ancien pharmacien mène le mouvement de protestation déclenché par l'arrestation du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu le 19 mars dernier. Özgür Özel a repris le flambeau de l'opposition au président turc. C'est lui qui harangue les dizaines de milliers de manifestants dans les rues d'Istanbul depuis plus d'un mois. Pour Özgür Özel, cette lutte dépasse les questions politiques ; c'est la démocratie qui est en jeu. « La lutte ici n'est plus une lutte entre partis politiques », expliquait-il dans une interview à l'AFP le 9 avril dernier. « La démocratie et l'autocratie s'affronteront et seront soumises au vote. Si nous gagnons, la Turquie se transformera soudainement en une démocratie où l'État de droit, la liberté de la presse, la liberté d'expression, la séparation des pouvoirs et un Parlement fort existeront. »Un inconnu devenu incontournableQuand ce député est choisi pour diriger le CHP, le Parti républicain du peuple, en novembre 2023, son nom n'évoque pas grand-chose aux Turcs. Aujourd'hui, Özgür Özel est une personnalité politique incontournable. Il a achevé sa mue dans la crise avec Recep Tayyip Erdoğan. « C'est quelqu'un qui n'a cessé finalement de s'affirmer depuis qu'il a pris la tête du parti kémaliste et depuis finalement les débuts de sa carrière politique, il a su indiscutablement faire sa place », note Jean Marcou, titulaire de la chaire Méditerranée-Moyen-Orient à Sciences Po Grenoble. « Et aujourd'hui, d'une certaine manière, c'est la configuration des faits qui confirme cette position de Özgür Özel ». La transformation d'Özgür Özel a commencé en 2014 lors de l'accident minier de Soma qui a fait plus de 300 morts, pour Ahmet Insel, un ancien professeur d'économie à l'université de Galatasaray : « À ce moment-là, il était très mobilisé et il a organisé beaucoup de mobilisations sociales. Et peut-être à ce moment-là, on l'a vu apparaître comme une figure politique. »Candidat de substitution ? Est-ce qu'il pourrait devenir le prochain candidat de l'opposition à la présidentielle ? Inimaginable il y a encore quelques mois, l'hypothèse prend forme. Özgür Özel était censé jouer le rôle du numéro 2 aux côtés d'Ekrem Imamoglu. Mais la répression du pouvoir turc rebat les cartes. L'apparatchik est-il en train de devenir l'homme providentiel ? « Un candidat aux capacités supérieures à la moyenne, mais pas excellent qui serait investi à la place d'Imamoglu, avec l'accord d'Imamoglu, a beaucoup de chance parce que du coup, les électeurs vont voter pour Imamoglu », remarque l'économiste turc Ahmet Insel. « On découvre ses capacités de tribun alors qu'Erdoğan est désormais totalement dépendant des textes qui déroulent devant ses yeux dans les discours qu'il fait. Özel arrive parfaitement à tenir pendant des longs moments sans texte. » Mais plusieurs obstacles pourraient venir compliquer ses ambitions, rappelle le chercheur Jean Marcou : « Son élection a été contestée. Les autorités turques essayent actuellement de lancer une procédure pour faire nommer des administrateurs au parti en prétendant que son élection était illégitime. Effectivement, lui aussi pourrait connaître certains problèmes de ce côté-là. »Classe moyenneDiscret sur sa vie privée, Özgür Özel a 50 ans, il vient de province, de Manisa près d'Izmir. C'est un laïc, marié, père d'une fille et il a eu un vrai métier avant la politique, pharmacien. Voix rauque, souriant, c'est aussi un fan de foot, supporter du club de Fenerbahçe. Et un profil en phase avec la société turque.« Il a une image d'une famille de classe moyenne », précise Ahmet Insel. « Ni riche ni pauvre, donc il correspond un peu à l'image qu'aime avoir un peu les classes moyennes des grandes villes qui constituent maintenant le gros des troupes des électeurs puisque la Turquie est devenue la population turque n'est plus une population rurale, c'est une population à plus de 75% urbaine ». Özgür Özel est parvenu à canaliser la colère la population turque. Son principal défi maintenant est de faire vivre le mouvement dans la durée et malgré la répression du pouvoir.

    Nicușor Dan, le mathématicien face à l'extrême droite en Roumanie

    Play Episode Listen Later Apr 18, 2025 4:10


    Il portera l'une des voix pro-européennes à la prochaine présidentielle en Roumanie. Nicușor Dan est notre Européen de la semaine. Le maire de Bucarest est candidat aux élections des 4 et 18 mai face au favori d'extrême droite, George Simion. Nicușor Dan tente le plus gros pari politique de sa vie. Nicușor Dan tente sa chance dans cette élection à rebondissement. La présidentielle a été annulée au premier tour : le candidat pro-russe Călin Georgescu est soupçonné de financement illégal de sa campagne. Nicușor Dan s'est présenté en indépendant avec comme leitmotiv la justice sociale. « Je suis candidat, explique-t-il dans un clip de campagne, parce que la Roumanie est pleine d'injustices, on ne peut pas obtenir d'argent public, les impôts élevés sur le travail restent impunis, gaspillés par l'État, les enfants n'ont pas accès à l'école, les villages n'ont pas de médecins, les institutions sont faibles et les Roumains sont déçus par la classe politique actuelle. »Nicușor Dan a eu une autre vie avant la politique. C'est d'abord un génie des mathématiques. Il remporte la médaille d'or lors des Olympiades internationales de mathématiques en 1987 et 1988. Nicușor Dan a aussi étudié en France. Mais c'est à son retour à Bucarest dans les années 90 qu'il se lance dans l'action sociale.« Peu à peu, Nicușor Dan se dirige vers la défense de la vie urbaine saine en s'inspirant de plusieurs villes françaises, mais aussi en portant un projet associatif », rappelle Sergiu Miscoiu, professeur de sciences politiques à l'université de Cluj, en Roumanie. « Il fonde en 2006 l'association Sauver Bucarest qui se confronte directement avec les spéculateurs immobiliers. Il devient un peu connu en tant que militant de cette association. » Un combat qui l'amène jusqu'à l'Assemblée en 2016 puis, quatre ans plus tard, à la mairie de Bucarest. Son action contre les « mafias immobilières » de la capitale assure sa popularité.Candidat surpriseÀ 55 ans, Nicușor Dana a vu une porte s'ouvrir devant lui. C'est au moment de l'annulation du premier tour en décembre dernier que plusieurs personnalités de l'USR, le parti libéral et europhile, lâchent leur candidate Elena Lasconi pour soutenir Nicușor Dan. Un coup de théâtre, un de plus dans cette élection. « J'ai été surpris, raconte Stelian Negrea, journaliste d'investigation à Newsweek Romania. Il venait de remporter un deuxième mandat à la mairie de Bucarest et son annonce a été une surprise pour tout le monde. »Un candidat surprise… et atypique. Posé, calme, dans ses costumes passe-partout, « Nicușor Dan est tout le contraire » de la classe politique traditionnelle, note le professeur Sergiu Miscoiu. « Il réfléchit peut-être un peu trop, même pour certaines réponses, mais cela crée aussi l'impression de quelqu'un qui est découplé du système politique traditionnel et donc qui a une sorte d'honnêteté dans sa manière de fonctionner. » Il se présente comme intègre, mais il a été épinglé dans la presse pour sa proximité avec un homme d'affaires pro-russe. Très discret sur sa vie privée, on sait qu'il vit avec sa compagne sans être marié, ce qui pourrait le handicaper auprès de l'électorat traditionnel dans le pays.Bien implanté à Bucarest, Nicușor Dan manque d'ancrage hors de la capitale. Mais ce ne sera pas un problème. « La Roumanie compte près de 9 millions de comptes TikTok », explique le journaliste Stelian Negrea. « Beaucoup d'entre eux vivent en zone rurale. Avec une campagne TikTok ciblée, on peut atteindre ces zones rurales, et cela ne devrait pas être un handicap pour lui. Chaque femme âgée de la campagne possède un compte TikTok et y est très active ! » Si le candidat de l'extrême-droite George Simion est donné vainqueur du premier tour, l'élection va en réalité se jouer entre deux candidats pro-européens : Nicușor Dan ou bien Crin Antonescu de la coalition au pouvoir. Celui qui passera le premier tour est quasiment assuré de l'emporter au second.

    Danemark: Mette Frederiksen, la «dame de fer» qui résiste aux projets expansionnistes de Donald Trump

    Play Episode Listen Later Apr 4, 2025 4:02


    Elle tient tête à Donald Trump et semble prête à poursuivre le bras de fer avec le président américain sur le Groenland : Mette Frederiksen est l'Européenne de la semaine. La Première ministre du Danemark résiste face au projet de la Maison Blanche de faire main basse sur le territoire contrôlé par Copenhague. Mette Frederiksen était au Groenland cette semaine, invitée officiellement par le nouveau Premier ministre groenlandais. Visite symbolique et politique forte avec un message clair à faire passer. « Les États-Unis ne doivent pas s'emparer du Groenland. Le Groenland appartient aux Groenlandais »,a-t-elle déclaré.Popularité en hausseSa fermeté face à Donald Trump est saluée dans le pays. Sa résistance lui donne un coup de boost dans les sondages. « Elle est bien plus populaire auprès des électeurs danois qu'elle ne l'était auparavant, explique Elisabet Svane, éditorialiste politique au grand journal danois Politiken. Son gouvernement a été très impopulaire, car les gens ne comprenaient pas pourquoi les libéraux de droite et la gauche pouvaient collaborer. Ces partis, habituellement éloignés les uns des autres, sont généralement des adversaires politiques. » Une fermeté que les Danois ont déjà vue : pendant la crise du Covid, elle avait marqué les esprits. Mette Frederiksen n'avait pas hésité à ordonner l'abattage de tous les visons du pays. Avant de s'excuser, en larmes, devant les caméras.À lire aussiGroenland: les déclarations de Trump créent la stupeur, le Danemark se dit «ouvert au dialogue»« Dame de fer scandinave »Mette Frederiksen est surnommée la « dame de fer scandinave ». Dès son arrivée au pouvoir, elle mène une politique anti-migrants. Pourtant, elle était autrefois appelée « Mette la rouge ». Ses passages aux ministères de l'Emploi et de la Justice l'ont changé. Mais ce virage idéologique est aussi stratégique : Mette Frederiksen a voulu contrer l'essor des nationalistes du Parti du peuple danois. « Si les sociaux-démocrates voulaient conserver leur position de premier parti au Danemark, elle a décidé qu'il fallait combler l'écart entre eux, raconte Niels Dahl, il analyse la politique danoise au quotidien Jyllands-Posten. Donc, sur le plan politique, elle a fortement orienté son parti vers la droite, avec une politique très stricte en matière d'immigration. Et en même temps, elle a orienté sa politique économique un peu plus à gauche, ce qui a été un facteur clé de sa victoire électorale en 2019. »Politique précoce Mette Frederiksen s'est engagée en politique très jeune. À 15 ans à peine, elle rejoint le Parti social-démocrate. Une ascension express : à 24 ans, elle est élue au Parlement. À 41 ans, elle devient la plus jeune Première ministre du pays. Avec un style parfois autoritaire. « Elle aime obtenir ce qu'elle veut ! Et elle n'a pas peur de faire pression, surtout au sein de son parti, explique le professeur Rune Stubager. Elle veut que les députés suivent la ligne du parti et s'y tiennent. On l'accuse de concentrer trop de pouvoir autour d'elle, tant au sein du parti qu'au sein du gouvernement. » Pour le journaliste Niels Dahl, la force de Mette Frederiksen, c'est justement d'aimer le pouvoir : « Elle aime l'avoir et elle aime l'exercer. Elle n'a jamais hésité à user de son pouvoir si elle en avait l'occasion pour faire ce qu'elle jugeait nécessaire. Et je pense que c'est en quelque sorte sa plus grande qualité : sa capacité à accomplir des choses, sa volonté de le faire quand elle le juge nécessaire. »Cuisine traditionnelle et maison à la campagneDiscrète sur sa vie privée, Mette Frederiksen est mère de deux enfants et s'est remariée avec un réalisateur de cinéma. Elle aime cuisiner des plats traditionnels danois et le fait savoir sur Instagram. Elle a acheté une ferme à la campagne dans laquelle l'attend sa vie d'après la politique.Candidate à sa succession ? À 47 ans, elle a encore du temps devant elle. Cela fait plus de cinq ans qu'elle est au pouvoir et Mette Frederiksen devrait rester au pouvoir. Les prochaines élections sont prévues en novembre. Elle a de fortes chances de remporter un troisième mandat avec peut-être une nouvelle coalition. La suite pourrait aussi l'amener à un gros poste à la tête de l'Union européenne ou bien à l'Otan. À lire aussiCes alliés des États-Unis qui commencent à dire «non» à Donald Trump

    Aleksandar Vucic, le président serbe face à une contestation sans précédent

    Play Episode Listen Later Mar 14, 2025 3:49


    La Serbie retient son souffle à la veille d'une manifestation contre la corruption qui s'annonce massive. À l'appel des étudiants serbes qui se mobilisent depuis novembre dernier, des centaines de milliers de personnes sont attendues à Belgrade ce samedi 15 mars, avec le risque d'un embrasement entre partisans et adversaires du président serbe.  C'est un mouvement de contestation massif qui s'est emparé de la Serbie depuis plusieurs mois, avec comme point de départ l'incident tragique de la gare de Novi Sad le 1er novembre dernier. L'effondrement de l'auvent de la gare, qui venait tout juste d'être rénové, a fait 15 morts et suscite une émotion et une indignation majeure en Serbie.  « Cet incident meurtrier est un catalyseur extrêmement fort parce qu'il concentre tout ce que le régime commet en termes de violations de l'État de droit, en termes de pratiques clientélaires, en termes de corruption endémique », pointe Sophie Gueudet, chercheuse à l'École supérieure Sant'Anna de Pise et spécialiste des Balkans. Ce sont les étudiants serbes qui vont prendre la tête de cette contestation avec un blocage des universités et des manifestations de plus en plus massives.Une mobilisation qu'Aleksandar Vucic ne parvient pas à endiguer malgré les concessions accordées au fil des mois : l'inculpation d'une douzaine de responsables, la démission du Premier ministre et la publication d'une partie des contrats passés avec l'entreprise chinoise chargée des travaux. D'un côté, Aleksandar Vucic tente d'apaiser la colère et de l'autre, il essaie de décrédibiliser la contestation. « C'est vraiment un registre de l'exercice du pouvoir par le régime Vucic : essayer de tourner en dérision les contestataires en les faisant apparaître comme des fauteurs de trouble, qu'il s'agisse de manifestants écologistes comme par le passé, ou des étudiants dans le cas présent », décrypte Sophie Gueudet. « Vous avez aussi l'emprunt par le régime d'Alexander Vucic de toute une rhétorique empruntée à la Russie de Vladimir Poutine : qualifier ces mouvements de "révolution de couleur", qualifier les manifestants "d'agents de l'étranger" de sorte à disqualifier la légitimité de leurs revendications. »À lire aussiSerbie: à Belgrade, qui se prépare à accueillir une manifestation d'envergure, la tension monte Rallier les zones ruralesAleksandar Vucic est au pouvoir depuis 2014 en tant que Premier ministre puis en tant que président et il a affronté déjà plusieurs mouvements de contestation, mais jamais de cette ampleur. Avec une difficulté de taille : les étudiants serbes ont pris le soin d'aller mobiliser dans les zones rurales traditionnellement proches du président serbe en organisant des marches de plusieurs centaines de kilomètres en amont des manifestations.  « Le fait d'aller chercher les campagnes, c'est vraiment l'idée de mobiliser l'ensemble de la société », souligne Pauline Soulier, chercheuse associée à l'Institut de Recherche Montesquieu à l'Université de Bordeaux. « Et dans les campagnes, il y a quand même un ralliement plus fort à Aleksandar Vucic… Pour l'instant, cela fonctionne : les étudiants sont très bien accueillis dans les petites et moyennes villes. Les gens leur apportent leur soutien, de la nourriture et des médicaments. »Une Église orthodoxe diviséeFace à cette contestation sans précédent, Aleksandar Vucic conserve cependant des atouts importants. Aujourd'hui âgé de 55 ans, le président serbe a été ministre de Slobodan Milosevic et a commencé sa carrière au sein de la mouvance ultra-nationaliste. Admirateur déclaré de Vladimir Poutine, il exerce un contrôle étroit sur l'appareil d'État et sur les médias. Il a également le soutien de l'Église orthodoxe serbe. Pour le moment en tout cas, car cette Église qui peut jouer un rôle politique crucial en Serbie est divisée face à la contestation.  « Les étudiants en théologie ont d'abord rejoint le mouvement, mais ils ont rapidement été sommés de se retirer », observe Pauline Soulier. « Néanmoins, le bas-clergé est plutôt favorable au mouvement étudiant, tandis que le haut-clergé soutien le président serbe, et notamment le patriarche qui est proche idéologiquement de Vucic. Il y a donc vraiment un tiraillement au sein de l'Église entre les partisans de Vucic et les partisans des manifestants. »La mobilisation qui aura lieu demain s'annonce en tout cas décisive – car les étudiants veulent en faire le point d'orgue de leur mobilisation. De son côté, Aleksandar Vucic a demandé à ses partisans de se mobiliser également dans les rues de Belgrade, accusant ses opposants de vouloir provoquer des violences. Pas question pour le président serbe de renoncer au pouvoir et d'envisager, comme le demande l'opposition, la formation d'un gouvernement de transition.  À lire aussiSerbie: un vent de révolte menace le régime

    Christian Stocker, un «quasi-inconnu» à la tête de l'Autriche

    Play Episode Listen Later Mar 7, 2025 4:36


    L'Autriche a un nouveau chancelier et un gouvernement en ordre de marche depuis cette semaine et c'est la fin d'une crise politique sans précédent pour le petit pays alpin. Après cinq mois de négociations et de blocage, c'est un député quasiment inconnu du grand public qui a été désigné chancelier. Christian Stocker aura la rude tâche de conduire la coalition tripartite formée par les conservateurs, les socialistes et les libéraux. Avec une ambition : tenir à l'écart du pouvoir une extrême droite autrichienne en pleine ascension.   Tout commence par les élections législatives de septembre en Autriche et le résultat historique du parti FPÖ (extrême-droite) qui arrive en première position avec 29% des voix. Pour lui barrer la route, les conservateurs de l'ÖVP tentent de monter une coalition avec les socialistes et les libéraux… sans y parvenir. Au bout de quatre mois de tractations, et en désespoir de cause, les conservateurs se tournent vers Christian Stocker qui est alors le secrétaire général de l'ÖVP. Cet ancien avocat de 64 ans est un homme politique discret dont très peu de monde avait jusqu'alors entendu parler.« Il a commencé sa carrière au niveau national assez tard puisqu'il a été élu député pour la première fois en 2019 », rappelle Andreas Eisl, chercheur à l'Institut Jacques Delors. « Avant cela, il a fait une carrière d'avocat, avec parallèlement un travail politique essentiellement au niveau local. » Maire adjoint de Wiener Neustadt, petite ville autrichienne d'environ 40 000 habitants, Christian Stocker n'a aucune expérience gouvernementale, et ne brille ni par son charisme ni par ses talents d'orateur. Sa seule particularité est d'apprécier la pêche à la ligne et le saxophone. « Si on le compare avec des personnages comme le conservateur Sebastian Kurz qui a été chancelier de 2017 à 2021, il n'a pas vraiment l'air d'être charismatique », pointe Andreas Eisl. « Je pense qu'au début ce n'était pas vraiment prévu qu'il devienne chancelier. » Chancelier « par défaut »Lui-même a été le premier surpris de se retrouver dans cette position. Christian Stocker raconte d'ailleurs qu'en janvier, lorsqu'il apprend qu'il va diriger les négociations pour tenter de devenir chancelier, il est à Vienne en jeans et en pull-over et qu'il doit donc demander en catastrophe à ce qu'on lui apporte un costume et une cravate ! L'ancien avocat est un candidat par défaut, « un pis-aller » peut-on lire dans la presse autrichienne. Dans un premier temps, il surprend et suscite même l'indignation en tentant de négocier avec l'extrême droite. Ces pourparlers n'aboutissent pas, mais il parvient ensuite à mettre d'accord les socialistes et les libéraux et réussit là où le chancelier sortant, Karl Nehammer, avait lamentablement échoué. Ses talents de négociateur et son sens du compromis ont sans doute joué un rôle, mais Christian Stocker a aussi largement bénéficié du contexte et notamment du contexte international. « D'abord, il n'était pas possible qu'il échoue à nouveau », décrypte Jérôme Segal, enseignant et chercheur franco-autrichien. « Le pays était en crise depuis 154 jours. Il n'y avait pas de gouvernement, c'était simplement une gestion des affaires courantes. Et les événements internationaux avec les premières décisions de Trump et la guerre en Ukraine rendaient vraiment nécessaire qu'un gouvernement soit nommé. »À lire aussiAutriche: trois partis annoncent un gouvernement pro-européen et sans l'extrême droiteL'extrême droite en embuscadeChristian Stocker parvient donc à un compromis avec les socialistes et les libéraux du parti Neos, chacun obtenant des concessions permettant de passer outre leurs divergences initiales. Les conservateurs engrangent des mesures fortes sur l'immigration – avec la suspension du regroupement familial, les socialistes obtiennent le plafonnement des loyers, et les libéraux une augmentation des cotisations de retraite. L'enjeu pour le nouveau chancelier sera de maintenir en vie ce « mariage à trois », cette coalition tripartite qui n'a jamais eu de précédent en Autriche. « Cette coalition va bénéficier forcément d'un état de grâce pendant les quelques semaines ou mois à venir et je pense que les Autrichiens vont vouloir juger sur pièce », estime Jérôme Segal. « Mais en embuscade se trouve déjà le FPÖ : ils ont obtenu 29% en septembre et les sondages actuels montrent qu'ils continuent de monter et qu'ils sont déjà au-dessus de 30%. Donc, il n'y aura aucun cadeau fait par l'extrême droite face à ce gouvernement de coalition. »L'extrême droite autrichienne réclame déjà, d'ailleurs, des élections anticipées, dénonce un « gouvernement de perdants » et se dit prête à revenir aux urnes dès que possible. Le FPÖ parie pour cela sur les questions budgétaires, défi majeur qui va se poser au nouveau chancelier. Car, pour continuer à gouverner, Christian Stocker va devoir ramener dans les clous européens un déficit qui frise les 4% du PIB. Et cela s'annonce d'autant plus périlleux que l'Autriche, comme l'Allemagne, traverse actuellement une période de récession. Avec son économie tournée vers l'exportation, le pays alpin peut s'inquiéter du risque de guerre commerciale apporté par le nouveau président américain. En attendant, l'extrême droite autrichienne portée par les sondages espère s'emparer dès le mois d'avril prochain de la mairie de Vienne… Une mairie tenue traditionnellement par les socialistes, mais qui semble à la portée, désormais, du parti d'extrême droite. 

    Les attaques trumpistes, énième défi pour le président Zelensky

    Play Episode Listen Later Feb 21, 2025 4:25


    À quelques jours du troisième anniversaire de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, Volodymyr Zelensky voit son principal allié le traiter de « dictateur sans élection », et assiste impuissant à la reprise de contact entre Washington et Moscou. Une débâcle diplomatique pour le président ukrainien qui voit s'effondrer les unes après les autres toutes les lignes rouges qu'il avait fixées sous l'administration Biden. Volodymyr Zelensky aura tout fait pour amadouer Donald Trump depuis qu'il a remporté l'élection présidentielle afin d'éviter un lâchage américain et le scénario auquel on assiste actuellement. Multipliant les déclarations flatteuses pour le président américain, promettant un accès privilégié des États-Unis aux terres rares ukrainiennes… L'offensive de charme n'a pas fonctionné et s'est même soldée par un fiasco absolu. En quelques jours, le président ukrainien a assisté impuissant au franchissement, par son meilleur allié, de toutes les lignes rouges qu'il avait fixées et que soutenait la précédente administration américaine. Washington exclut l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan sans lui apporter de garanties de sécurité, qualifiant « d'illusoire » la possibilité pour l'Ukraine de revenir à ses frontières de 1991. En outre, les États-Unis acceptent de parler à Moscou sans convier l'Ukraine à la table des négociations.Un coup de massue pour les Ukrainiens et pour leur président. « Volodymyr Zelensky est tout simplement sous le choc de ce qui est en train de se passer, souffle la journaliste Alya Shandra, rédactrice en chef du site Euromaidan Press. C'est une véritable douche froide. Nous savions que Trump pouvait être néfaste pour l'Ukraine, mais personne n'imaginait que cela irait aussi vite. Son administration a une approche prédatrice vis-à-vis de l'Ukraine et de ses ressources, et je pense qu'il n'y a rien que Zelensky puisse faire actuellement pour changer la situation. »Un président marqué par la guerreUn Volodymyr Zelensky impuissant face au dirigeant américain et qui accuse le coup après trois années de guerre menée par la Russie. L'évolution physique du président ukrainien depuis bientôt quatre ans en dit long sur la fatigue éprouvée par le président ukrainien. Sur les images, le contraste est frappant entre le comédien souriant, élu en 2019 à l'âge de 41 ans, et le président de guerre qu'il est devenu.« L'absence de sommeil, les mauvaises nouvelles qui s'accumulent, le niveau d'inquiétude et d'angoisse qui peut être celui d'un président qui a refusé de fuir Kiev dans les premiers jours de guerre, tout cela a dû peser très lourd sur ses épaules, note Florent Parmentier, spécialiste de l'Europe de l'Est et secrétaire général du Cevipof. Incontestablement, c'est un homme qui a dû faire des choix terribles et qu'on ne souhaiterait à personne d'avoir à faire. Il est aujourd'hui dans une situation où il est lâché par ses partenaires internationaux et où il fait, en outre, l'objet de critiques sur le plan intérieur. »Décisions contestéesCar ce président, usé par la guerre et lâché par son principal allié, traverse également une phase difficile sur la scène intérieure. Certaines de ses décisions ont fait l'objet de critiques acerbes. Notamment le limogeage de Valery Zalounjy, le très populaire chef des armées, nommé ambassadeur au Royaume-Uni, ainsi que sa propension à de concentrer les pouvoirs au sein de son cabinet. De même, les sanctions prises contre Petro Porochenko ont suscité de nombreuses réserves au sein de la classe politique ukrainienne et de la société civile. Président ukrainien de 2014 à 2019, l'homme d'affaires s'est vu interdit de quitter le territoire ou d'apparaître à la télévision, ce qui a été interprété comme une forme de punition politique de la part de son successeur.« Avant l'invasion à grande échelle en 2022, l'administration Zelensky avait déjà lancé des poursuites contre Porochenko, mais avec la guerre, il y a eu une sorte de trêve parce qu'il fallait rester unis face à l'agresseur, décrypte la journaliste Alya Shandra. Puis il y a eu ces sanctions qui ont mis fin à cette trêve. Certains y voient une façon de préparer d'éventuelles élections, mais c'est étrange, car Porochenko est très bas dans les sondages. Cela ressemble plutôt à la continuation d'une vendetta personnelle contre lui. »L'offensive verbale de TrumpPour la Russie de Vladimir Poutine, l'impopularité supposée de Volodymyr Zelensky et le report sine die des élections rendent illégitimes le président ukrainien. Des accusations infondées dans la mesure où l'Ukraine ne peut organiser de scrutin tant que la guerre se poursuit, et que son territoire est partiellement occupé. Mais qui sont pourtant reprises telles quelles par Donald Trump, lequel a ainsi qualifié de « dictateur sans élection » le président ukrainien. Pour Volodymyr Zelensky, le président américain est désormais pris dans une « bulle de désinformation » venue de Russie.Il est vrai que le président américain multiplie les contre-vérités sur l'Ukraine depuis sa conversation téléphonique, le 12 février dernier, avec Vladimir Poutine. Ainsi a-t-il affirmé que la cote de confiance dont bénéficie son homologue ukrainien est de 4%, bien loin des 57% dont bénéficie Volodymyr Zelensky, selon l'Institut international de sociologie de Kiev. Après trois années de guerre, le président ukrainien est loin des sommets de popularité atteints dans les premières semaines du conflit. Mais il conserve le soutien d'une majorité de la population – soutien qui devrait probablement s'accroitre du fait des attaques formulées par Donald Trump, et de leur troublante similitude avec la propagande russe. À écouter aussiL'offre américaine de soutien à l'Ukraine correspond à «une volonté de vassalisation économique»

    Allemagne: clap de fin pour Olaf Scholz?

    Play Episode Listen Later Feb 14, 2025 4:05


    Dimanche 23 février, les électeurs allemands voteront dans le cadre des élections fédérales anticipées suite à l'éclatement de la coalition « feu tricolore » emmenée par Olaf Scholz. Un scrutin qui pourrait bien rester dans les annales de la politique allemande, car si l'on en croit les sondages, l'AfD, l'Alternative pour l'Allemagne, formation d'extrême droite, pourrait devenir la deuxième force politique du pays. Un changement brutal après la chute du gouvernement d'Olaf Scholz, tête de liste du parti social-démocrate pour ces élections, pris de cours durant son mandat par un contexte géopolitique aux multiples impacts pour un pays qui voit ses certitudes s'effondrer les unes après les autres. Ces élections pourraient bien marquer la fin de la carrière politique d'Olaf Scholz. À soixante-six ans, le chancelier sortant, ancien ministre des Finances dans le dernier gouvernement d'Angela Merkel, qui fut également maire de Hambourg entre 2011 et 2019, pourrait bien tirer sa révérence si sa formation, le SPD, le Parti social-démocrate, subit une défaite historique, ce que prédisent les sondages.Une coalition vouée à l'échecIl faut dire que la coalition « feu tricolore » qu'il dirigeait, avec le Parti social-démocrate, les Verts et le Parti libéral-démocrate, était plus ou moins vouée à l'échec, surtout dans un contexte de crises énergétique, économique et géopolitique. ​​​​​​ « C'était une coalition un peu contre-nature, estime Étienne Dubslaff, docteur en civilisation allemande et en histoire contemporaine et maître de conférences à l'Université Paris Nanterre. Il y a bien certains points communs, notamment dans la politique sociétale — ce sont trois partis plutôt libéraux somme toute, ils sont favorables par exemple au mariage gay ou encore plus ou moins favorables à la légalisation du cannabis. C'est anecdotique, mais néanmoins, ça joue quand même un rôle. Donc, là-dessus, ces trois partis pouvaient tout à fait s'entendre. En revanche, il y a toujours eu de graves dissensions, notamment entre les Verts et les Libéraux, autour des questions économique et financière. »Le déficit public : un verrou qui a eu raison de la coalitionEt ce sont justement ces questions d'ordre économique et financière qui ont fait imploser la coalition. Les sociaux-démocrates et les Verts souhaitaient faire sauter le verrou de la dette publique, un thème tabou en Allemagne. Mais mettre fin à ce verrou était indispensable, selon Olaf Scholz, pour relancer l'économie allemande, qui pourrait connaître une troisième année de récession en 2025, ce qui serait une première.Mais son ministre des Finances, également chef du FDP, le parti libéral, était totalement opposé à cette idée contraire aux principes de son parti. Et c'est ce point de crispation qui a fait éclater en novembre dernier la coalition « feu tricolore ». Une situation dont n'est pas vraiment responsable Olaf Scholz, détaille Marie Krpata, chercheuse au Cerfa, le Comité d'études des relations franco-allemandes à l'Ifri : « Avant lui, Angela Merkel a été au pouvoir pendant seize ans. Et un certain nombre de décisions ont été prises qui finalement ont fragilisé l'Allemagne. Et cela ne date pas d'Olaf Scholz en tant que chancelier, puisqu'en effet, la dépendance par rapport à la Russie sur le plan énergétique, c'était bien avant Olaf Scholz. Sous Angela Merkel aussi, il y a eu un sous-investissement dans l'armée allemande et aujourd'hui, on se rend compte de l'impact négatif que cela peut avoir. Alors effectivement, les sociaux-démocrates ont aussi été au gouvernement sous Angela Merkel, mais il est un peu trop simple de dire que la faute finalement est celle d'Olaf Scholz. »À écouter dans DécryptageÉconomie, politique: la fin du modèle allemand?Olaf Scholz : un candidat hors sujet ?Fini donc la coalition « feu tricolore », et pourtant, Olaf Scholz décide malgré tout de prendre la tête de la liste du SPD pour les prochaines élections. Mais le problème, c'est que les thèmes qui lui sont chers ne sont pas les thèmes qui dominent la campagne électorale. L'Allemagne a besoin de relancer son économie, d'investir dans des secteurs clés selon lui, mais ce sont d'autres questions qui dominent les débats, comme l'explique Marie Krpata : « Le thème de l'immigration est aujourd'hui un des thèmes phares de cette campagne électorale, qui plus est après un certain nombre d'attaques au couteau et différents attentats qu'il y a pu y avoir précédemment. Ce sujet de l'immigration et ce sujet de la sécurité aujourd'hui domine cette campagne électorale, même si, évidemment, la question de l'économie, de la compétitivité joue un rôle, mais aussi l'ingérence étrangère, avec Elon Musk qui soutient l'AfD effectivement. »  Alors, bien que donné vainqueur après le premier débat face à Friedrich Merz, le chef des chrétiens-démocrates, et donc tête de liste de la CDU-CSU, Olaf Scholz, ne devrait pas être reconduit pour un éventuel gouvernement Scholz 2. L'ancien maire de Hambourg devrait donc quitter la scène politique prochainement, laissant derrière lui un parti social-démocrate qui pourrait bien mettre des années à se remettre d'un score qui s'annonce comme le plus mauvais de son histoire.À lire aussiLégislatives allemandes: la stratégie périlleuse du favori des sondages Friedrich Merz

    Législatives allemandes: la stratégie périlleuse du favori des sondages Friedrich Merz

    Play Episode Listen Later Feb 7, 2025 4:01


    L'Allemagne est polarisée alors que la campagne des législatives anticipées entre dans sa phase finale. Le favori des sondages, le patron de la CDU/CSU, Friedrich Merz, fait face à un front de contestation, y compris au sein de son propre parti, depuis qu'il a tenté, à deux reprises, de faire adopter des mesures sur l'immigration avec les voix de l'AfD. En décidant de s'appuyer par deux fois sur l'extrême droite pour tenter de faire passer au Bundestag des textes contre l'immigration, Friedrich Merz a brisé un tabou et provoqué un séisme politique. Ses propositions de contrôles permanents aux frontières et de refoulement des demandeurs d'asile « sans-papiers » n'ont été adoptées qu'avec les voix de l'AfD. Jusque-là, aucun parti n'avait encore rompu le « cordon sanitaire » autour de l'extrême droite allemande.Dans un entretien à Ouest-France, le patron de la CDU répète qu'il exclut « toute coalition, tout arrangement, toute forme de coopération avec l'AfD ». Cela sera-t-il suffisant pour rassurer les électeurs modérés du parti ? « Il est très clair que la CDU et ses électeurs ne pourraient pas accepter une véritable alliance avec l'AfD, sous peine d'éclatement du parti. M. Merz le sait et il ne prendra pas ce risque », commente Éric-André Martin, spécialiste de l'Allemagne, ancien directeur de programme à l'Ifri. Mais en choisissant de mettre l'accent sur l'immigration et en faisant voter sa motion grâce aux voix de députés d'extrême droite, il a suscité des réactions hostiles dans l'opinion et provoqué des manifestations importantes dans le pays. « Il polarise et il rendra les choses plus difficiles pour lui s'il ressortait victorieux des élections », souligne Éric-André Martin.  En dépit de ce faux pas, dont les conséquences pourront se mesurer le 23 février, Friedrich Merz et son Union chrétienne démocrate restent les favoris des sondages. Friedrich Merz conserve ses chances de prendre la place d'Olaf Scholz à la Chancellerie. Si la CDU/CSU continue de mener la course en tête, le durcissement du ton sur l'immigration, dans la foulée de l'attaque au couteau perpétrée le 22 janvier par un jeune Afghan à Aschaffenbourg, en Bavière, provoque de vives réactions. En faisant adopter une motion non contraignante sur l'immigration avec l'aide de l'extrême droite, puis en échouant à faire voter une proposition de loi visant à refouler tous les migrants à la frontière et à restreindre le regroupement familial, il semble avoir perdu des points. De 34-35 % d'intentions de vote, la CDU passe aujourd'hui à 29-30 %. À lire aussiAllemagne: mobilisation massive contre l'alliance entre la droite et l'extrême droiteCDU toujours en têteLe candidat des Verts à la chancellerie, le ministre de l'Économie Robert Habeck, cité par Deutschlandfunk, a déclaré qu'il ne pouvait pas imaginer que les événements de la semaine dernière « n'aient aucune influence sur la décision de vote des Allemands ». Face aux critiques et mouvements de protestation, lors du Congrès de la CDU lundi 3 février, Friedrich Merz a continué de se justifier : « La grande majorité de la population est d'accord avec nous que les choses ne peuvent pas continuer ainsi, par exemple, en matière de politique migratoire. La minorité sociale et politique, de plus en plus petite en Allemagne, se bat actuellement désespérément pour conserver son pouvoir de décision dans notre pays ».  Ses prises de position divisent pourtant jusqu'au sein même de la CDU. À cette occasion, sa vieille rivalité avec Angela Merkel a refait surface. L'ancienne chancelière est sortie de sa réserve pour dénoncer le tournant pris par la droite allemande. « Il n'a pas pu éviter la confrontation avec les Merkeliens », souligne le politologue allemand Werner Patzelt, membre de la CDU, qui estime que les « chances de Friedrich Merz de sortir vainqueur de ce conflit » sont grandes.Douze députés chrétiens-démocrates ont pourtant refusé de voter une proposition de loi de la CDU aux côtés de l'AfD vendredi 31 janvier, faisant échouer d'adoption du texte. « Il a toujours critiqué la politique d'immigration d'Angela Merkel de même que sa politique sociale. Il a promis aux membres de la CDU de changer ce programme politique et c'est exactement ce qu'il a fait la semaine passée », avance le politologue, considéré comme un influenceur de la nouvelle droite, professeur de sciences politiques au Mathias Corvinus Collegium à Bruxelles, un établissement financé par l'État hongrois.Le rapprochement de circonstance du député de Rhénanie-du-Nord-Westphalie avec l'AfD risque de compliquer les choses, bien au-delà des tiraillements entre les divers courants du parti. Friedrich Merz doit s'attendre à ce que la constitution de coalitions soit délicate. Après le vote de la semaine dernière, des membres du SPD se sont prononcés contre une éventuelle coalition avec l'Union chrétienne démocrate. Les négociations avec les autres partis risquent d'être tendues et la CDU devra sans doute réduire ses ambitions. Rien ne dit qu'il pourra, au final, mener sa politique d'immigration très stricte, reconnait Werner Patzelt. « Cela dépend évidemment du score qu'il atteindra, mais les négociations qui suivront le scrutin seront délicates, parce que les socio-démocrates savent que l'Union chrétienne-démocrate n'a pas d'alternative, donc le poids du SPD sera très important. Par ailleurs, la CDU/CSU risque de ne pas pouvoir effectuer la plupart de son programme politique ». À lire aussiAllemagne: en pleine tourmente, la CDU prépare un plan d‘action en cas de victoire aux électionsNégociations délicates en perspectiveLa CDU de Friedrich Merz porte un programme libéral au plan économique et conservateur au plan social, radicalement opposé à celui des sociaux-démocrates sur la quasi-totalité des sujets fédéraux. La percée de l'AfD dans les sondages contribue aussi au durcissement de son programme sur les questions migratoires. Lors de leurs congrès, les démocrates-chrétiens ont adopté un catalogue de 15 mesures à mettre en œuvre « immédiatement » en cas de victoire au scrutin législatif, parmi lesquelles le renvoi de tous les étrangers qui se présentent sans papiers à la frontière, y compris les demandeurs d'asile, et le placement en rétention illimitée d'étrangers délinquants. Ces projets risquent de se heurter au droit européen. Selon les règles de Dublin, l'Allemagne n'est pas autorisée à rejeter purement et simplement les demandeurs d'asile sans examen des demandes.Si l'élu rhénan de 69 ans a toujours été profondément européen, sur cette question de l'immigration comme sur d'autres, il risque d'être en opposition à Bruxelles. Éric-André Martin n'exclut pas des tensions à venir avec les partenaires européens et en particulier la France sur les questions financières. Le millionnaire rhénan, ancien président de la succursale allemande de BlackRock, cherche à replacer au centre du débat public la question de l'économie. Parmi les dossiers qu'il aura à traiter s'il parvient à la Chancellerie, Friedrich Merz devra s'employer à rétablir la compétitivité de l'économie allemande.« La marge de manœuvre qui est la sienne ne lui permettra pas, ou difficilement, d'être ouvert à des questions de financements européens communs. Il va devoir produire des résultats, il aura une forte pression qui réduira sa marge de manœuvre et il sera moins enclin au compromis et à la discussion sur des questions européennes qui ne seront pas pour le moment prioritaires par rapport à l'agenda purement national qui sera le sien », pronostique Éric-André Martin.  À lire aussiAllemagne: Alice Weidel, l'inquiétant visage d'une extrême droite décomplexée

    Allemagne: Alice Weidel, l'inquiétant visage d'une extrême droite décomplexée

    Play Episode Listen Later Jan 31, 2025 3:59


    À trois semaines des élections fédérales anticipées du 23 février en Allemagne, le parti chrétien-démocrate (CDU) est donné vainqueur dans les sondages, devant le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) dirigé par Alice Weidel.  Économiste de formation et présidente du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) depuis plus de deux ans, Alice Weidel a su propulser son groupe politique sur le devant de la scène. Une première en Allemagne depuis la Seconde Guerre mondiale pour un parti d'extrême droite. Surnommée « la Dame de fer » ou encore « la princesse de glace », Alice Weidel incarne cette extrême droite allemande qui attire de plus en plus d'électeurs. Une extrême droite qui semble renier ses relents nazis tout en souhaitant mettre un terme à l'immigration en Allemagne. Allant même jusqu'à vouloir renvoyer les « immigrés » dans leur pays.À 45 ans, Alice Weidel, petite-fille de juge nazi, homosexuelle assumée, qui vit en couple avec une Suissesse d'origine sri-lankaise avec qui elle élève deux enfants, est en passe de provoquer un séisme sur la scène politique allemande. « Il n'y a pas une Madame Weidel, il y a plusieurs Madames Weidel, souligne Patrick Moreau, docteur en histoire, docteur d'État en sciences politiques et chercheur au CNRS. Elle évolue beaucoup à travers le temps. À l'origine, c'est une conservatrice tout à fait classique. Elle est sur une ligne traditionaliste, à part sa sexualité. Elle va commencer à se radicaliser en observant ce que faisait le FPÖ en Autriche, qui est en fait le modèle de l'AfD. C'est-à-dire une politique dans lequel le fait de monter au créneau et de sans arrêt s'attaquer au système permettrait de mobiliser de plus en plus de gens qui sont mal dans leur peau. »Savoir incarner les revendications de ses militantsCréé en 2013, l'AfD évolue donc, à partir de 2015, avec l'arrivée d'électeurs d'extrême droite. Une frange que certains appellent aujourd'hui les « racialistes », très présente dans l'ex-Allemagne de l'Est. Une évolution dont va s'accommoder Alice Weidel, qui assume son racisme, même si selon elle, il ne s'agit pas d'un racisme que l'on pourrait qualifier de primaire. « Elle considère que l'islam, l'immigration, les immigrés venus d'Afrique notamment, mais aussi du Moyen-Orient, vont l'empêcher d'assumer son mode de vie occidental, son homosexualité, son "féminisme" d'une certaine manière, puisqu'il s'agirait de population qui voudraient abaisser les femmes, les enfermées et qui seraient très rétrogrades sur les questions sociétales », détaille Paul Maurice, secrétaire général du Comité d'études des relations franco-allemandes à l'Institut français des relations internationales (Ifri). Si tous les partisans de l'AfD ne partagent pas cette rhétorique, Alice Weidel colle parfaitement au sentiment collectif de cette formation. « Elle n'incarne pas la majeure partie des électeurs qui votent pour l'AfD, qui se trouvent majoritairement à l'est, qui sont des gens issus des catégories populaires, ou des classes moyennes, qui vont voir leur niveau de vie baisser avec l'augmentation des coûts de l'énergie. Elle est libérale, elle a travaillé pour des grandes entreprises multinationales, elle vit en Suisse pour ne pas payer d'impôts… Mais elle arrive malgré tout à incarner. Je pense qu'il y a aussi la capacité pour le parti lui-même d'incarner la seule alternative face aux politiques menées par les partis traditionnels et notamment par la coalition "feu tricolore" ces trois dernières années », poursuit Paul Maurice.L'AfD, futur élément central de la politique allemande ?L'AfD est aujourd'hui en position de force. Deuxième formation la plus plébiscitée par les électeurs derrière le parti Chrétien-démocrate (CDU), le parti d'extrême droite a bénéficié d'un coup de pouce inespéré d'une personnalité qui fascine Alice Weidel, un certain Elon Musk. « Il a une responsabilité sur deux points, explique Paul Maurice. Premièrement, en mettant à disposition son réseau social X, anciennement Twitter. On voit aujourd'hui que l'AfD est le premier parti chez les jeunes. Les jeunes électeurs sont très sensibles aux réseaux sociaux. D'autre part, il légitime un parti qui, jusque-là, était le paria de la vie politique allemande. Il donne une légitimité, comme représentant du gouvernement de Donald Trump, comme garantie transatlantique de la viabilité de l'AfD et comme garant économique. C'est l'homme le plus riche du monde, un entrepreneur qui a une entreprise, Tesla, qui a une "mégafactory" dans le Brandebourg. C'est un garant économique qui va rassurer en partie certains milieux économiques jusque-là opposés à l'extrême droite, mais qui pourraient être tentés par son discours. »Face à la montée, semble-t-il, inexorable de l'AfD, la CDU reprend de plus en plus d'élément de langage de la formation d'extrême droite. Un choix dangereux, estime Patrick Moreau et qui pourrait avoir l'effet contraire :« C'est très problématique. Les risques sont forts qu'une partie des électeurs estiment que, si l'original étant venu de l'AfD, alors on peut voter AfD. »À lire aussiAllemagne: un vote parlementaire rompt le «cordon sanitaire» contre l'extrême-droite

    Biélorussie: indéboulonnable mais vieillissant, le président Loukachenko brigue un 7e mandat

    Play Episode Listen Later Jan 24, 2025 4:00


     Dimanche 26 janvier, les électeurs biélorusses sont appelés à voter dans le cadre de l'élection présidentielle. Comme le dénonce depuis des décennies la communauté internationale, c'est par un processus électoral ni libre, ni équitable, qu'Alexandre Loukachenko devrait être reconduit pour un nouveau mandat, son septième consécutif à la tête d'un pays considéré comme un satellite de la Russie. Un pays déserté par une opposition victime d'une répression féroce. Il est au pouvoir depuis 1994. Alexandre Loukachenko est aujourd'hui le plus ancien dirigeant des ex-républiques de l'espace soviétique. À 70 ans, il continue de diriger d'une main de fer un régime considéré par beaucoup comme le plus autoritaire en Europe et se présente sans véritable opposant dans ce scrutin présidentiel. Il devrait logiquement être reconduit pour un septième mandat à la tête d'un pays dont le régime s'est encore plus durci depuis août 2020, après une dernière élection entachée de nombreuses fraudes.« Souvent, quand on parle de Biélorussie, on parle d'une forme d'accord tacite qui existait plus ou moins avec les classes moyennes biélorusses, en tout cas qui a permis l'émergence de ces classes moyennes biélorusses, qui pouvaient circuler à l'époque assez librement, qui pouvaient donc gagner leur vie assez facilement. Mais en échange, il ne devait évidemment pas manifester d'ambitions politiques. C'est ce pacte qui, du point de vue d'Alexandre Loukachenko, a été rompu en 2020, quand beaucoup de citoyens biélorusses ont exprimé des revendications politiques », estime Olga Gille-Belova, docteur en sciences politiques et maître de conférences à l'université Bordeaux-Montaigne.Une opposition muselée, en exil ou en prisonLa répression féroce qui a suivi ces manifestations sans précédent a permis à Alexandre Loukachenko d'écarter toute opposition. Si certains de ces opposants ont été arrêtés et sont désormais en prison, d'autres sont parvenus à fuir. « Dès l'automne 2020, des Biélorusses par milliers, des dizaines de milliers même, ont fui le pays par peur de répression, par peur de l'emprisonnement, par peur des tortures, par peur des menaces sur leur famille, et beaucoup sont arrivés en Lituanie, en Pologne et également en Géorgie, détaille Ronan Hervouet, sociologue, professeur à l'université de Bordeaux-Montaigne et qui mène actuellement des recherches sur les exilés biélorusses. Ces personnes, au début, continuaient de participer à des formes de mobilisation, de manifestation, de soutien aux prisonniers politiques, etc. Mais rapidement, ils se sont rendu compte qu'ils ne se sentaient pas en sécurité, même dans les pays d'accueil. Ils avaient peur que leur mobilisation à l'étranger puisse nuire à leurs proches. Aujourd'hui, la mobilisation, l'action contre le régime apparaissent extrêmement difficile à mener collectivement, à l'intérieur du pays comme depuis l'étranger. »Une dépendance à la Russie qui va de pair avec la répressionSvetlana Tikhanovskaïa, considérée comme la cheffe de file de l'opposition biélorusse et adversaire du président sortant en 2020, continue de se battre mais en exil. Ainsi, Alexandre Loukachenko est sans opposant aujourd'hui et compte rester sur la même ligne, c'est-à-dire avancer main dans la main avec la Russie de Vladimir Poutine, dont la Biélorussie aujourd'hui ne peut se passer. « Il y a une dépendance beaucoup plus importante qui s'est instaurée à l'égard de la Russie. La dépendance militaire, la dépendance stratégique, la dépendance économique, qui existaient déjà auparavant, se sont beaucoup renforcées depuis 2022 », énumère Olga Gille-Belova.Alexandre Loukachenko applique aujourd'hui la méthode Poutine. C'est donc la peur qui domine dans le pays. À tel point que, cette année, personne de s'attend à ce que les Biélorusses mécontents sortent s'exprimer dans les rues après cette élection. « Il y a un tel degré de répression… Tout a été traqué et continue d'être traqué. Il y a 1 250 prisonniers politiques, mais il y en a qui ont pris des peines d'un an de prison, de deux ans de prison. Certains sont sortis, mais il y a d'autres qui entrent. En fait, ça ne s'arrête pas depuis 2020. La répression à l'intérieur du pays est telle qu'une mobilisation apparaît complètement impossible », explique Ronan Hervouet.Alexandre Loukachenko va donc enchaîner un septième mandat, personne n'en doute. Mais à 70 ans, il n'est pas éternel. Et s'il peut encore enchaîner un ou deux mandats, la question de sa succession se pose aujourd'hui. Ce qui semble être la seule issue possible pour un changement de pouvoir à la tête de la Biélorussie.À lire aussiBiélorussie: un «simulacre d'élection» dans un pays avec «des milliers de prisonniers politiques»

    Mute Egede, le dirigeant du Groenland face aux visées expansionnistes de Trump

    Play Episode Listen Later Jan 17, 2025 4:31


    Dirigeant du Groenland depuis 2021, Mute Egede veut sortir le territoire autonome du giron danois, mais il refuse également de céder aux pressions de Donald Trump. Le président américain considère pourtant le Groenland comme un territoire crucial pour la sécurité et pour les intérêts américains, et n'a pas exclu de recourir à la force pour s'en emparer.  « Nous ne voulons pas être Danois, nous ne voulons pas être Américains, nous voulons être Groenlandais et c'est bien sûr notre peuple qui décidera lui-même de son avenir » :  voilà par quels mots le Premier ministre du Groenland a réagi, ce lundi 13 janvier, aux déclarations fracassantes de Donald Trump. Pas question pour le jeune dirigeant du territoire autonome de se laisser impressionner par le milliardaire américain… alors que celui-ci s'apprête à revenir à la Maison Blanche.Issu d'une famille de pêcheurs, Mute Egede a repris l'entreprise de son père avant de se lancer en politique… et sa carrière a été pour le moins foudroyante puisqu'il a remporté les élections en 2021 à l'âge de 34 ans. Une victoire qu'il a remportée en promettant, notamment, de stopper un projet de mine d'uranium dans le sud du Groenland. « Le projet était en cours de planification depuis une bonne dizaine d'années, mais comme il s'inquiétait des conséquences pour l'environnement, il a pris la décision d'y mettre fin, pointe Marc Lanteigne, spécialiste de l'Arctique à l'Université de Tromsö en Norvège. Mute Egede est favorable à l'exploitation minière, mais seulement dans des circonstances très contrôlées, et surtout, il ne veut pas que cette exploitation mette en danger l'écosystème du Groenland. »Une grande proximitéAvec son parti de gauche écologiste Inuit Ataqatigiit, Mute Egede a ainsi devancé les socialistes du parti Siumut qui ont gouverné le Groenland quasiment sans discontinuer durant les trente dernières années. Lunettes fines, barbe bien taillée et costumes impeccables, il joue la carte de la respectabilité tout en maintenant une certaine proximité avec ses électeurs. « Au Groenland, il y a une proximité très forte avec les politiciens et pour cause, puisqu'il y a 31 parlementaires pour 56 000 habitants », pointe Pia Bailleul, post-doctorante au Fonds Latour rattaché à Sciences-Po. « Mute Egede est donc très accessible, on peut le croiser faisant ses courses avec sa femme et ses enfants… Et il est jeune, ce qui crée un sentiment de proximité. Je ne dirais pas qu'il est charismatique, mais il est respecté. Il est considéré comme quelqu'un de sérieux qui défend les intérêts groenlandais. » Une indépendance… sur le long termeOutre leurs préoccupations environnementales, Inuit Ataqatigiit et Mute Egede ambitionnent de conduire le Groenland à l'indépendance, mais pas n'importe comment, et pas à n'importe quel rythme : il faut d'abord que le territoire puisse avoir les moyens financiers de cette indépendance. « À l'heure actuelle, environ la moitié du budget national est financé par un subside danois, et il faudrait s'en passer pour être totalement indépendant », remarque Pia Bailleul. « Et donc ce qu'ils proposent, c'est de développer l'industrie touristique et l'industrie minière, pour remplacer l'aide danoise. Mais il va falloir encore vingt ou trente ans de développement de ces industries pour que ce soit réaliste. Ils sont donc partisans d'une indépendance sur le long terme qui soit raisonnée. »À écouter dans Grand reportageGroenland : les enjeux politiques du changement climatiqueDéclarations tonitruantesUn rythme et une ambition qui pourraient cependant être bousculés par les déclarations tonitruantes de Donald Trump. Au Groenland, on reste encore sous le choc de ces propos de début d'année… même si le milliardaire américain avait déjà proposé en 2019 de racheter le Danemark.Pour l'instant, Mute Egede a répondu avec fermeté à ces déclarations – en écartant toute idée de passer sous contrôle américain… mais sans rejeter pour autant les opportunités d'une plus grande coopération avec les États-Unis. « Ce qu'il a expliqué, c'est que le Groenland se trouvait sur un point de tension entre la Russie et les USA, décrypte l'anthropologue Pia Bailleul. Mais il a aussi dit que c'était une place stratégique et qu'il allait essayer d'en tirer parti… Il veut que le Groenland tire son épingle du jeu sans se laisser faire. »  Tout cela dans un contexte électoral particulier puisque des élections doivent avoir lieu au Groenland d'ici au mois d'avril. Mute Egede espère être reconduit à son poste, mais la campagne électorale sera forcément bousculée par les déclarations de Donald Trump et par le retour à la Maison Blanche d'un président américain qui estime impératif de s'approprier le Groenland.À lire aussiLe Groenland, terre de matières premières de plus en plus convoitées 

    Croatie: l'insaisissable Zoran Milanovic

    Play Episode Listen Later Jan 10, 2025 4:01


    Ce dimanche 12 janvier doit se tenir le second tour de l'élection présidentielle en Croatie. Et si l'on s'en tient aux sondages de ces dernières semaines, le président sortant Zoran Milanovic devrait être réélu pour un second mandat consécutif. Si tel est le cas, il devra encore composer avec l'opposition qui est majoritaire au Parlement. Qui est Zoran Milanovic, cet ancien fonctionnaire croate qui a notamment travaillé pour la mission croate auprès de l'Union européenne et de l'Otan à Bruxelles dans les années 1990 et qui, aujourd'hui, tient un discours anti-Otan, anti-européen et qui est présenté comme pro-russe ? Celui que beaucoup surnomment aujourd'hui le « Trump des Balkans » ? Zoran Milanovic est tout sauf un inconnu, en tout cas dans les Balkans. Ce juriste de formation, né en 1966 à Zagreb, qui brigue un second mandat présidentiel, avait par exemple déjà dirigé le pays en tant que Premier ministre entre 2011 et 2016. À l'époque, à la tête du parti social-démocrate, il avait mené une politique de gauche. Zoran Milanovic avait alors des positions modérées et plutôt progressistes sur des aspects sociétaux, comme par exemple sur la question de l'égalité des genres, même s'il était accusé par l'aile gauche de son parti de mener une politique économique trop libérale. Mais comme l'explique Romain Le Quiniou, directeur général d'Euro Créative, un think tank sur l'Europe centrale et orientale, ce Milanovic-là n'est pas celui qui a pris la présidence du pays en 2020 : « Monsieur Milanovic a réussi à être élu président de la République et à changer de discours. Il disait qu'il voulait être un président avec de l'attitude. Et finalement, il a gardé cette ambition : essayer d'être un président qui dit ce qu'il pense, qui parle franchement, qui n'a pas peur des outrances, qui n'a pas peur de dire la vérité. Un président un petit peu anti-système. Mais on n'a pas forcément compris que c'était un virage que Monsieur Milanovic n'avait pas utilisé seulement pour gagner cette présidentielle en 2020, mais qu'il utilisait cette position pour rester au pouvoir également. »Un président opposantÉlu pour un premier mandat en 2020, il devient alors le premier opposant du gouvernement d'Andrej Plenković, membre du HDZ, l'Union démocratique croate, formation de droite qui gouverne de manière presque continue le pays depuis l'indépendance en 1991. Zoran Milanovic s'oppose aux restrictions mises en place pendant la pandémie, s'oppose à l'aide militaire à l'Ukraine, soutien des positions russes, critique l'Otan et l'Union européenne. Des positions pas forcément partagées par ses compatriotes, mais qui ont eu leur effet, estime Florian Bieber, politologue et spécialiste des Balkans : « La majorité des Croates n'est pas pro-russe. Je crois que les gens soutiennent Zoran Milanovic plutôt pour le fait qu'il est populiste, qu'il dit les choses comme il pense. Il a l'image de quelqu'un qui n'a aucune crainte de dire ce qu'il pense. » Cette liberté de ton plaît aux Croates. Et Zoran Milanovic est devenu maître en la matière. Il faut dire qu'aujourd'hui, comme le détail l'historien et spécialiste des Balkans Joseph Krulic, c'est le seul pouvoir que détient le président croate : « Depuis une réforme constitutionnelle de juillet 2001, le président croate, bien qu'il soit élu au suffrage universel depuis 1992, n'a en gros aucun pouvoir exécutif. Donc, il est relativement paralysé. Mais il a le ministère de la parole et il se le permet, notamment en politique extérieure. »À lire aussiPrésidentielle en Croatie: le président sortant Zoran Milanovic et son rival Dragan Primorac accèdent au second tourUne élection qui permet l'équilibre des pouvoirsIl n'y a pas que cette liberté de ton qui plaît aux Croates. Ils veulent aussi éviter une concentration des pouvoirs. Et la présence de Zoran Milanovic à la tête de la République permet de bénéficier en quelque sorte d'un contre-pouvoir face au gouvernement conservateur d'Andrej Plenković. Un gouvernement qui soutient l'Ukraine, qui est en phase avec l'Union européenne et l'Otan. Bref, tout l'inverse des positions de Zoran Milanovic qui, pourtant, bénéficie de nombreux soutiens dans la classe politique croate. « Il a gagné beaucoup de soutien suite à ses critiques très fortes contre le gouvernement actuel et spécialement le Premier ministre, Andrej Plenković, analyse Florian Bieber. Donc, il est évident qu'il va encore plus critiquer le gouvernement. Et donc on peut s'attendre à beaucoup de batailles entre lui et le gouvernement actuel, et pas seulement en matière de politique étrangère, mais aussi en matière de politique intérieure. »Zoran Milanovic devrait en toute logique être reconduit à la tête de la République croate pour les cinq ans à venir. Cinq ans de bras de fer avec le gouvernement, mais aussi avec l'Otan et l'Union européenne. En somme, un mandat qui s'inscrit dans la continuité pour celui que l'on surnomme le « Trump des Balkans ».À lire aussiCroatie: l'extrême droite au pouvoir, vue de la ville symbole de Vukovar

    António Costa, un adepte du compromis au service de l'Union européenne

    Play Episode Listen Later Dec 20, 2024 5:01


    Il a vécu son baptême du feu en présidant son premier Conseil européen à Bruxelles ce jeudi 19 décembre : António Costa veut secouer les habitudes prises ces dernières années à Bruxelles…  La « méthode Costa », faite de compromis et de relationnel, lui a plutôt réussi au Portugal, mais peut-elle fonctionner à Bruxelles dans un contexte de fortes tensions économiques et politiques ?   Lunettes rondes, cheveux argentés et sourire communicatif : António Costa est visiblement satisfait de « son » premier Conseil européen en tant que président de l'institution. Il faut dire que l'ancien Premier ministre portugais a déjà réalisé un petit exploit en concluant en une seule journée ce conclave des dirigeants européens… une « méthode Costa » déjà saluée par ses interlocuteurs de l'Union européenne. « Je pense que nous avons réussi à concentrer le travail des dirigeants sur la discussion stratégique et politique, en confiant la préparation du sommet à nos ambassadeurs », s'est donc félicité l'ancien Premier ministre à l'issue de ce premier Conseil européen, tandis qu'aux étages du bâtiment Justus Lipsius, les dirigeants européens ne cachaient pas leur soulagement de pouvoir rentrer dans leurs pays respectifs aussi rapidement. « Il a voulu ramasser le Conseil européen sur une seule journée alors que jusqu'à présent, c'était sur deux jours », salue Pascale Joannin, directrice générale de l'Institut Robert Schuman. « C'est vraiment la première mesure tangible que l'on voit de la "méthode Costa" — l'idée étant de permettre aux 27 de se voir, d'échanger, mais de le faire plus rapidement, même si l'agenda est chargé. »Origines indiennes Un premier point positif donc pour ce nouveau président du Conseil européen, nommé le 1ᵉʳ décembre dernier pour un premier mandat de deux ans et demi — renouvelable une seule fois. Aujourd'hui âgé de 63 ans, António Costa a grandi au Portugal dans une famille très politisée et engagée contre la dictature de Salazar, une histoire familiale qui l'a beaucoup marqué, de même que les origines indiennes de son père. « Orlando da Costa était originaire d'une famille de Goa, un comptoir indien resté portugais jusque dans les années 1960, et il a ensuite vécu un temps au Mozambique, il a donc eu une histoire familiale liée à la colonisation portugaise », raconte Victor Pereira, chercheur à l'Institut d'histoire contemporaine de l'Université nouvelle de Lisbonne. « Autre élément important dans cette histoire familiale : son père était écrivain et il militait au Parti communiste portugais, qui était le principal parti d'opposition pendant la dictature de Salazar. Sa mère, Maria Antonia Palla, était une journaliste engagée à gauche. Elle a fait notamment des reportages sur les avortements clandestins, ce qui lui a valu des mésaventures avec la justice, mais aussi une réputation de journaliste courageuse et engagée. »Une première grève à 14 ansC'est donc très jeune qu'António Costa s'engage en politique, il a d'ailleurs organisé sa première grève à l'âge de 14 ans pour dénoncer l'éviction d'une professeure dans son collège. Passionné de football — il soutient le Benfica —  et de cinéma, il devient avocat, milite au Parti socialiste et entre pour la première fois au gouvernement en 1995 à l'âge de 34 ans, sous la houlette d'António Guterres, l'actuel secrétaire général de l'ONU. Il est maire de Lisbonne pendant huit ans, un mandat qu'il met à profit pour revaloriser et dynamiser la capitale portugaise. Puis, en 2015, il devient Premier ministre en formant une alliance à gauche qui est alors totalement inédite au Portugal. Cet amateur de puzzle à 1 000 pièces déploie alors des talents de négociateur hors pair afin d'y parvenir. « Il va réussir à gouverner durant quatre ans avec une formation de gauche radicale et avec les communistes, dont les relations avec les socialistes portugais ont toujours été très tendues, décrypte Victor Pereira. Et ce alors que c'est la droite qui était arrivée en tête aux élections ! En outre, il parvient à rompre avec la politique d'austérité de ses prédécesseurs tout en améliorant la situation financière du pays. »Un « miracle portugais » qui finit mal pour António Costa : le dirigeant portugais est contraint de démissionner, fin 2023, lorsque son nom apparaît dans une affaire de corruption. L'enquête n'aboutit pas, mais l'ancien avocat doit renoncer à ses ambitions nationales et finit par rebondir au niveau européen, en profitant du départ de Charles Michel pour diriger le Conseil européen.À lire aussiDémission du Premier ministre portugais emporté par un scandale de corruptionLa « méthode Costa »À Bruxelles, l'ancien Premier ministre n'arrive pas en terrain inconnu. Il a été député européen, et, surtout, il a participé durant huit ans aux Conseils européens dont il connaît toutes les ficelles. Il bénéficie d'une réputation flatteuse : on le sait adepte du compromis — qualité indispensable à Bruxelles. Il maîtrise plusieurs langues, dont le français et l'anglais. Et il a un très bon sens des relations humaines, ce qui pourra lui être utile pour « pacifier » les relations avec Ursula von der Leyen, qui étaient notoirement exécrables avec Charles Michel. « Il souhaite que cette rivalité entre institutions n'existe plus, et qu'il n'y ait plus ces chicaneries et ces mauvaises manières qui ont pu exister auparavant », observe Pascale Joannin, de l'Institut Robert Schuman. « Même si l'on n'est pas toujours d'accord et même si les objectifs ne sont pas toujours les mêmes, il veut éviter que s'installe une rivalité avec la présidente de la Commission comme cela a été le cas durant le mandat de Charles Michel. »   La « méthode Costa », ce sera également plus d'entretiens bilatéraux avec les dirigeants européens — plus de relationnel pour que l'Europe fonctionne mieux… Et pour cela, António Costa veut organiser des « retraites informelles » en plus des traditionnels sommets à Bruxelles. Avec moins de journalistes, et sans déclaration finale. La première de ces « retraites » sera consacrée aux questions de Défense, et devrait avoir lieu en février prochain à Bruxelles.À lire aussiUkraine: l'UE réaffirme son soutien à Kiev pour une paix juste, «pas à n'importe quel prix»

    Géorgie: Mikhaïl Kavelachvili, un ex-footballeur propulsé à la présidence d'un pays en pleine crise

    Play Episode Listen Later Dec 14, 2024 4:02


    Alors que les manifestations perdurent depuis plus de deux semaines contre la décision du gouvernement de suspendre jusqu'à 2028 les négociations d'adhésion de la Géorgie à l'Union européenne, l'ex-footballeur Mikhaïl Kavelachvili a été élu samedi 14 décembre pour succéder à la présidente pro-européenne Salomé Zourabichvili. Quarante-six sélections, neuf buts en équipe nationale, sacré trois fois champion de Géorgie avec le Dinamo Tbilissi… Mikhaïl Kavelachvili, 53 ans, est considéré dans son pays comme un des attaquants les plus talentueux de sa génération. Passé par Manchester City, il a fait carrière dans des clubs suisses — du Grasshopper Zurich au FC Bâle — avant de retirer ses crampons en 2007. Reconverti en agent, pour aider ses jeunes compatriotes à partir jouer à l'étranger, il brigue en 2015 la présidence de la Fédération géorgienne de football. Mais, faute de diplômes suffisants (il n'a pas fait d'études supérieures), il est écarté de ce poste.C'est alors qu'il bascule en politique : en 2016, il devient député pour Le Rêve géorgien, un parti national-populiste fondé par l'oligarque Bidzina Ivanichvili, qui a fait fortune en Russie et est devenu en une dizaine d'années le véritable homme fort du pays.S'il n'a a priori pas le CV pour être président, il est un fidèle du parti et a le physique de l'emploi. « Le Rêve géorgien utilise beaucoup le sport dans sa propagande », constate Thorniké Gordadzé, ancien ministre de l'Intégration européenne entre 2010-2012, et chercheur à l'Institut Jacques Delors et au sein du think tank géorgien Gnomon Wise. « Parmi les députés du Rêve géorgien, il y a des haltérophiles, des rugbymen, des joueurs de basket, plusieurs footballeurs, des lutteurs. C'est un parti populiste qui capitalise beaucoup sur la renommée des sportifs géorgiens. Kavelachvili fait partie de cette stratégie. »Footballeur devenu député d'extrême droiteEn tant que député, Mikhaïl Kavelachvili a notamment défendu la loi dite « des agents étrangers », calquée sur la Russie, selon laquelle les ONG qui reçoivent plus de 20 % de leur financement de l'étranger doivent s'enregistrer en tant « qu'organisations servant les intérêts d'une puissance étrangère. » Une décision adoptée par la majorité parlementaire du Rêve géorgien qui avait provoqué des manifestations massives à Tbilissi au printemps 2024.  « Mikhaïl Kavelachvili représente l'aile la plus radicale du Rêve géorgien, juge Thorniké Gordadzé. Il faisait même partie d'un groupe de députés qui étaient les avant-coureurs de la stratégie anti-occidentale et anti-européenne du Rêve géorgien. Ils ont repris la rhétorique, le narratif russe sur la menace LGBTQ+, sur l'Europe et les États-Unis comme étant les ennemis des traditions géorgiennes, et les occidentaux comme étant promoteurs et instigateurs de la guerre en Ukraine… Il est de cette mouvance. »Pour la première fois, le futur président n'est pas élu au suffrage universel direct, mais nommé par une Commission électorale d'élus, suite à un changement constitutionnel décidé en 2017 à la demande du Rêve géorgien. Ainsi, le parti au pouvoir contrôlera la dernière institution qui lui échappait encore. En effet, l'actuelle présidente, Salomé Zourabichvili, une diplomate pro-européenne, est devenue la porte-voix de ceux qui s'opposent à l'éloignement de la trajectoire européenne de la Géorgie, acté par l'actuel Premier ministre, Irakli Kobakhidzé, qui a annoncé il y a deux semaines reporter l'adhésion de la Géorgie à l'UE à 2028. Une décision qui a déclenché de nouvelles manifestations massives à Tbilissi et dans tout le pays, soutenues par Salomé Zourabichvili qui réclame de nouvelles élections depuis les législatives du 26 octobre, entachées de fraudes. À lire aussiSalomé Zourabichvili, présidente de la Géorgie: «Je reste la seule institution indépendante et légitime» Président : une fonction symbolique qui tombe dans l'escarcelle du pouvoir« Depuis que le Rêve géorgien est au pouvoir, nous avons eu deux présidents de la République. Les deux ont fini par prendre leurs distances et s'opposer à Bidzina Ivanichvili, qui dirige le pays comme son entreprise et ne tolère pas d'indépendance d'esprit, estime Thorniké Gordadzé, qui ne cache pas son opposition au pouvoir en place. Donc, cette fois, Ivanichvili a choisi Mikhaïl Kavelachvili, parce qu'il n'a pas les compétences, qu'il lui est fidèle et ne se servira pas de l'institution contre lui. »Le mandat de Salomé Zourabichvili arrivant à son terme le 29 décembre, « il n'est pas très étonnant que le Rêve géorgien choisisse une personnalité plus favorable à la ligne du gouvernement », nuance Taline Ter Minassian, directrice de l'Observatoire des États post-soviétiques. Elle souligne que « malgré les sincères aspirations d'une partie de la population à rejoindre l'Union européenne, la Géorgie reste très dépendante de la Russie » dans ses approvisionnements en blé ou en gaz naturel, ainsi que pour l'exportation de son vin.Selon cette spécialiste des pays du Caucase, au-delà des questions idéologiques qui divisent le pays et des soupçons de fraude électorale non élucidés, le gouvernement géorgien actuel défend une posture pragmatique, de realpolitik, au vu de la géographie et des intérêts vitaux de la Géorgie.Quel futur pour la contestation ?La présidence en Géorgie est une fonction essentiellement symbolique, aux ressources très limitées. Mais il lui reste des prérogatives, garanties par la Constitution. Notamment une qui pourrait s'avérer déterminante pour l'avenir de la contestation dans les rues : si le gouvernement souhaitait décréter l'état d'urgence, pour imposer un couvre-feu par exemple — et ainsi faire taire la contestation de manière légale — il aurait besoin de la signature du président.Une signature impossible à obtenir de l'actuelle présidente pro-européenne, Salomé Zourabichvili, qui a par ailleurs déclaré qu'elle ne quittera pas le palais présidentiel tant que de nouvelles élections législatives ne sont pas convoquées, le Parlement élu étant « illégitime » selon elle et, par extension, le président choisi par un collège électoral le 14 décembre l'est également. Une position que n'a pas manqué de critiquer le président élu, Mikhaïl Kavelachvili : « Le président actuel a ouvertement insulté et méprisé notre document le plus important, la Constitution de la Géorgie, et continue de la violer à ce jour. En conséquence, notre société s'est divisée. La radicalisation et la polarisation sont alimentées, d'autant plus que nos "amis" malveillants contribuent à exacerber ce processus. »La Géorgie aura-t-elle deux présidents ? Les prochaines semaines risquent d'être mouvementées.À écouter dans GéopolitiqueGéorgie, la fin du rêve européen ?

    Raffaele Fitto, l'homme modéré de Fratelli d'Italia

    Play Episode Listen Later Nov 29, 2024 4:51


    Son nom fait grincer des dents à gauche. L'Italien Raffaele Fitto devient commissaire européen en charge de la politique de cohésion dans la nouvelle équipe d'Ursula von der Leyen, qui entre en fonction le 1er décembre. Pour la première fois, un homme issu de l'extrême droite, du parti de Giorgia Meloni, obtient même un des huit sièges de vice-président au sein de la Commission. Mais qui est vraiment Raffaele Fitto ? Le loup est-il entré dans la bergerie comme le redoutent certains ? Symboliquement, c'est un tournant. Et la gauche de l'hémicycle européen pouvait difficilement ne pas s'en indigner. Mais, à y regarder de plus près, Raffaele Fitto n'est ni un néo-fasciste, ni un extrémiste. Il est même l'une des figures les plus modérées du parti Fratelli d'Italia, et c'est bien pour cela que Giorgia Meloni l'a proposé à Bruxelles. « C'est la personnalité la plus "sérieuse" de son gouvernement. Quand il a été nommé ministre des Affaires européennes en 2022, il était l'un des rares à ne pas faire partie des fidèles ou de la garde rapprochée de Giorgia Meloni », explique Giulia Sandri, conseillère scientifique à l'Université libre de Bruxelles et collaboratrice au Cevipol. « Raffaele Fitto était l'élu le plus expérimenté : au niveau local, national, mais aussi européen. Il a donné au gouvernement de Meloni une dimension de respectabilité et d'expérience. »Grâce à lui, à Bruxelles, Giorgia Meloni continue de consolider sa quête de légitimité auprès de l'establishment politique : « La stratégie de rapprochement de Meloni vis-à-vis des institutions européennes, c'est de montrer que son parti n'est plus eurosceptique, pro-Russie ou anti-atlantiste comme il l'était avant. Et même si Fratelli d'Italia a des positions souverainistes et une vision assez spécifique de l'intégration européenne, il veut montrer qu'il respecte les institutions européennes et peut-être un partenaire sérieux. » Raffaele Fitto sert cet objectif.À lire aussiUnion européenne: la nouvelle Commission attend son feu vert sur fond de turbulencesDans les pas de son pèreIl est en fait l'incarnation du glissement qui s'est opéré du centre vers la droite conservatrice en Italie et ailleurs. C'est un homme issu d'une famille bourgeoise du sud de l'Italie. Son père était le président régional des Pouilles, un homme populaire, qui meurt dans un accident de voiture quand Raffaele Fitto a 19 ans. C'est là que Raffaele Fitto entre en politique et hérite du capital politique du paternel. Il va faire ses classes au sein du parti de la démocratie chrétienne. Le nouveau commissaire européen en conserve la modération, la foi catholique et une certaine sensibilité européenne, dans la tradition de De Gasperi, l'un des Pères de l'Europe.Mais dans les années 90, la démocratie-chrétienne, le bateau amiral du centre-droit italien, fait naufrage suite à l'opération « Mains propres » qui révèle la corruption endémique de la classe politique de la péninsule. C'est alors que Raffaele Fitto rejoint Silvio Berlusconi, l'entrepreneur providentiel qui va permettre de tourner la page. Et c'est sous la bannière du parti Forza Italia que Raffaele Fitto va devenir président de la région des Pouilles, comme son père, puis député, avant d'être propulsé ministre des Affaires régionales de 2008 à 2011 dans le quatrième gouvernement du « Cavaliere ».C'est là que Raffaele Fitto sympathise avec celle qui est alors ministre de la Jeunesse : Giorgia Meloni. Mais il ne partage pas avec elle son idéologie, si on en croit Lorenzo Castellani, spécialiste des institutions politiques à l'Université LUISS de Rome : « Il est avant tout un politicien de carrière et a fait un choix pragmatique. Quand le parti de Berlusconi s'est morcelé, dans les années 2015-2016, il s'est uni à Georgia Meloni, parce que, en tant qu'élu bien ancré dans son territoire, il a senti le vent tourner. Certains ont rallié la Ligue de Matteo Salvini, lui a choisi ce petit parti, Fratelli d'Italia. C'était un bon pari. » La meilleure carte de MeloniRaffaele Fitto ne fait donc pas partie du cercle rapproché, intime, de Giorgia Meloni : « Ils se reconnaissent mutuellement comme des politiciens fiables, de parole », abonde le chercheur, spécialiste des droites italiennes. « En somme, elle peut compter sur lui. Il n'est pas enclin aux coups de tête, aux déclarations gênantes ou grandiloquentes, il travaille discrètement et n'aime pas être sous les projecteurs. Il n'est certainement pas un homme de combat, plutôt de compromis. » Sans doute, Raffaele Fitto était la meilleure carte que Meloni pouvait jouer au niveau européen. D'autant qu'il a été eurodéputé de 2014 à 2022 et occupait actuellement le poste de ministre pour les Affaires européennes de l'Italie. C'est lui qui a été chargé de mettre en œuvre le plan de relance européen pour la péninsule.C'est donc un homme expérimenté qui aura la charge de la politique de cohésion de l'Europe, le développement des territoires, la gestion des fonds structurels. Un portefeuille de 392 milliards d'euros pour la période 2021-2027. Lors de son audition devant le Parlement européen, l'Italien s'est engagé sur plusieurs fronts. En matière de politique de cohésion, il a fait la promesse de maintenir une gestion partagée avec les régions et de se concentrer sur les territoires les plus pauvres. Il a défendu une approche sur mesure pour les îles et les régions périphériques, soulignant l'importance de créer des opportunités pour retenir les jeunes dans ces territoires. Sur les questions de gouvernance, il s'est engagé à créer un mécanisme d'accès direct aux fonds de cohésion pour les autorités locales et régionales.Raffaele Fitto est aussi quelqu'un qui est réputé à Bruxelles pour savoir construire des ponts entre son groupe (les Conservateurs et réformistes européens dont il est coprésident), le PPE (droite) et Renew (centre). De quoi servir aussi les intérêts de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui n'a pas de majorité garantie au Parlement et devra composer avec les voix de l'extrême droite.

    Robert Habeck, nouveau champion des écologistes allemands

    Play Episode Listen Later Nov 22, 2024 4:40


    96% des voix en sa faveur : c'est le score presque unanime récolté par Robert Habeck pour devenir le candidat des écologistes allemands aux élections fédérales qui auront lieu en février prochain. Mais le ministre sortant de l'Économie et du Climat aura un sacré défi à relever : relancer un parti écologiste en plein doute à trois mois de ces élections anticipées. C'est plein d'ambition que Robert Habeck se lance dans cette campagne électorale… même si, pour l'heure, les Verts sont plutôt à la traîne dans les sondages. Les « Grünen » sont crédités de 10 à 12 % des voix, en repli très net par rapport aux dernières élections.Robert Habeck en est conscient, mais il dispose de plusieurs atouts pour tenter de remonter la pente : il a du charisme, il est très à l'aise sur les tribunes électorales comme sur les plateaux télévisés, et il a des convictions environnementales fortes sans être dogmatique. « C'est quelqu'un qui sait écouter et qui sait aussi reconnaître des erreurs ont été faites », décrypte Éric-André Martin, spécialiste de la vie politique allemande et ancien secrétaire général du Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa). « Je prendrai comme exemple la loi sur le chauffage domestique de 2023, qui avait suscité beaucoup d'oppositions et de réticences dans la population. Il a su reconnaître que ce n'était pas le moment et il a su reculer. Il a des convictions très fortes sur la transition énergétique et sur l'opposition au nucléaire, mais c'est quelqu'un qui sait quand même ménager les sensibilités. »Un « super-ministère » de l'Économie et du ClimatAvant de se lancer en politique, Robert Habeck a été professeur de philosophie et écrivain à succès. C'est à l'âge de 33 ans, au début des années 2000, qu'il décide de s'engager auprès des Verts pour une raison très simple : il n'y a pas de piste cyclable dans son quartier !  Dix ans plus tard, il devient ministre de la Transition énergétique dans la région septentrionale du Schleswig-Holstein. Il échoue à deux reprises pour devenir le candidat des Verts à la chancellerie, mais il devient ministre de l'Économie et du Climat et numéro deux du gouvernement lors de la victoire de la coalition « tricolore » en 2021.Ses objectifs sont alors très ambitieux pour la transition énergétique de l'Allemagne, mais tout sera chamboulé en 2022 lorsque la Russie envahit l'Ukraine. « La conséquence de la guerre en Ukraine, ça a été de priver l'Allemagne du gaz russe, un gaz bon marché, ce qui a fortement perturbé le calcul politique et économique qui avait été fait au départ », rappelle Éric-André Martin. « Robert Habeck a su réagir en faisant preuve de pragmatisme puisqu'il a très vite entamé une tournée auprès des pays qui pourraient suppléer au gaz russe. Il est notamment allé dans les pays du Golfe pour essayer de conclure des contrats d'approvisionnement en gaz et, dans ce dossier, il a fait preuve d'un très grand réalisme. »À lire aussiL'Allemagne «court à la pénurie de gaz», alerte le ministre de l'ÉconomieCoalition avec la CDU ? Ce réalisme lui a été vivement reproché par la gauche du parti écologiste allemand, mais il lui permet aussi aujourd'hui de courtiser les électeurs centristes – et même d'envisager, ce qui paraitrait impensable en France, une coalition de gouvernement non pas avec les socialistes, mais avec la CDU, le parti conservateur qui devrait arriver en tête du prochain scrutin…Une ambition réaliste et même souhaitable aux yeux de Daniel Cohn-Bendit, l'ancien eurodéputé écologiste qui a assisté le week-end dernier au Congrès des Verts allemands à Wiesbaden. « Cette coalition serait un compromis historique pour faire passer la transition écologique et pour faire passer une position migratoire qui tienne compte des angoisses de la population, mais qui respecte le droit international. Je crois que c'est un défi intéressant et que Robert Habeck, par sa personnalité et son intelligence, est le personnage pour arriver à ce genre de coalition. »À lire aussiCongrès des Verts en Allemagne: des divisions sur la question migratoireBien entendu, Robert Habeck suscite l'hostilité d'une bonne partie de la droite allemande en raison de ses convictions écologiques – et pour la base militante de la CDU, il est en grande partie responsable des difficultés actuelles de l'économie allemande. Mais, sur d'autres sujets, il peut trouver des points de convergence, notamment sur l'aide militaire à l'Ukraine, dont il est un farouche partisan. « Il a été le premier à dire qu'il fallait livrer des armes à Kiev, lors de la dernière campagne électorale en 2021 », pointe Daniel Cohn-Bendit. « À l'époque, tout le monde lui est tombé dessus au sein de son propre parti et de l'ensemble de la classe politique allemande – y compris la CDU… Et c'est lui qui avait raison ! » Officiellement, Robert Habeck affirme qu'il vise la chancellerie, mais c'est un objectif hors de portée pour les Verts. Son objectif sera en réalité de talonner ou même de dépasser le SPD lors du scrutin de février.Avec un espoir : rester au gouvernement pour continuer sur la voie de la transition énergétique. Car, malgré la guerre en Ukraine et les très fortes turbulences économiques rencontrées par l'Allemagne, le pays a tenu son objectif de faire monter la part de renouvelables dans son « mix énergétique », en le faisant passer de 42% en 2021 à plus de 50% en 2023.À écouter dans Grand reportageBerlin, ville éponge: sur la voie de l'adaptation au changement climatique

    Inondations en Espagne: Carlos Mazon, président de la région de Valence, sous le feu des critiques

    Play Episode Listen Later Nov 15, 2024 4:00


    En Espagne, deux semaines après des crues meurtrières qui ont fait plus de 224 morts, un homme cristallise les polémiques pour sa gestion de la crise : Carlos Mazon, le président de la région de Valence, épicentre de cette catastrophe naturelle. Il comparaissait ce vendredi 15 novembre devant le Parlement valencien. Carlos Mazon a présenté ses « excuses » et admis des « erreurs », mais il ne démissionnera pas. Auditionné pour sa mauvaise gestion de la catastrophe, le comportement du président de région suscite d'autant plus d'indignation que ce 29 octobre, jour où la tempête s'est abattue sur Valence, il était injoignable. La presse a révélé que Carlos Mazon s'était rendu à un déjeuner avec une journaliste, entre 14 h et 18 h, et qu'il était arrivé à 19 h 30, en retard de plus d'une heure à une réunion avec les secours. L'alerte n'a donc été lancée qu'à 20 h 11, alors que la crue était déjà en cours et que des villes comme Paiporta, épicentre des dégâts qui concentre un tiers des victimes, était déjà inondée.« Il a menti plusieurs fois sur son agenda, probablement — c'est ce que tout le monde pense — parce que cette journaliste est son amante », indique Guillermo Fernandez Vasquez, politologue à l'Université de Madrid. « Surtout, les gens n'ont pas été avertis et vivaient donc leur vie normalement. Ce qui explique pourquoi, quand ces terribles torrents d'eau ont afflué, de nombreuses personnes sont mortes dans la rue, dans les parkings, chez eux, partout. »Pourtant, l'agence nationale météorologique (AEMET) avait placé la région valencienne en vigilance rouge pour « risque très élevé », dès 7 h 30 du matin. Il aura fallu 12 h pour que les notifications massives sur les téléphones portables des habitants des zones à risque (système ES-Alert) soient envoyées. Une mesure de prévention qui aurait permis de sauver des vies. Lors de son intervention de 1 h 30 au Parlement régional ce vendredi 15 novembre, Carlos Mazon n'a pratiquement pas fait d'autocritique sur sa gestion, il ne s'est pas exprimé sur son rendez-vous avec la journaliste et a accusé la Confédération hydrographique de Jucar, un organisme national qui dépend du ministère de la Transition écologique, d'avoir fait un « black out d'information » dans ses communications avec l'administration locale. Le président régional de Valence réclame par ailleurs 31 milliards d'euros au gouvernement pour l'aide à la reconstruction. Près de 300 personnes s'étaient réunies pour demander sa démission. À lire aussiEspagne: le président de la région de Valence s'excuse mais ne démissionne pas après les inondationsLes conséquences d'une politique climatosceptique Outre cet épisode dramatique, le président de la région de Valence est surtout connu pour ses liens avec Vox, le parti d'extrême droite espagnole. Carlos Mazon est l'un des premiers représentants du Parti populaire, la droite traditionnelle espagnole, à avoir noué une alliance de gouvernement au niveau régional avec cette formation nationaliste farouchement climatosceptique. Un accord qui n'a pas été sans conséquence sur la gestion des crues autour de Valence. « L'une des premières choses que les deux partis ont signées dans l'accord, c'était d'en finir avec les mesures qui visaient justement à lutter contre le changement climatique », rappelle Maria Elisa Alonso Garcia, spécialiste des partis espagnols à l'Université de Lorraine. « Avant que Mazon ne soit élu à la tête de la région, il y avait une coalition entre les socialistes et les écologistes. En 2023, ils ont mis en place une unité d'urgence spéciale pour Valence qui cherchait à coordonner les services en cas de crise climatique, d'inondations et d'incendies, explique la chercheuse. Ils avaient même alloué un budget de 9 millions d'euros. Ils avaient trouvé les locaux, les experts, etc. Mais la première chose qu'a faite Mazon en arrivant au gouvernement avec Vox a été de démanteler ce système et de s'en vanter sur les réseaux sociaux, disant que ce projet était du gaspillage des deniers publics, qu'ils allaient utiliser l'argent pour d'autres choses. »Ces derniers jours, il a également été rendu public le fait qu'un quart des postes chargés de la protection civile et des interventions d'urgence au sein de l'administration de la région de Valence étaient vacants depuis un an et n'avaient pas été remplacés. Depuis la catastrophe, les débats ont pris une tournure très politiqueLa droite et la gauche espagnole s'écharpent sur qui — de la région ou de l'État — est le principal responsable. Carlos Mazon, appuyé par le Parti populaire, ne cesse de mettre la faute sur le gouvernement central, dirigé par un socialiste, Pedro Sanchez, qu'il accuse d'inaction. Or, l'Espagne est un pays décentralisé, très polarisé, où la gestion de crise est une prérogative avant tout régionale : il aurait fallu que Carlos Mazon déclenche le niveau d'alerte 3 pour obtenir de l'aide du gouvernement. Le président régional de Valence n'a pas signifié qu'il en avait besoin.De son côté, Pedro Sanchez, le chef du gouvernement n'a pas non plus déclaré l'état d'urgence qui aurait permis d'outrepasser l'autorité de la région. Le Premier ministre espagnol était probablement échaudé par son expérience pendant la pandémie de Covid, quand il était passé en force et avait imposé le confinement aux régions : énormément de tensions entre Madrid et les communautés autonomes avaient paralysé la vie politique pendant des mois. Derrière la tragédie valencienne, il y a donc des enjeux institutionnels et politiques, qui devraient servir de leçons dans les prochaines crises climatiques. 

    Kemi Badenoch, une tenante de la droite dure à la tête des conservateurs britanniques

    Play Episode Listen Later Nov 8, 2024 4:32


    C'est un virage à droite toute qui se confirme à la tête des conservateurs britanniques avec la désignation de Kemi Badenoch. Âgée de 44 ans, élevée au Nigeria, elle devient la première femme d'origine africaine à occuper un tel poste au Royaume-Uni. Son ambition : relancer un parti très affaibli après la débâcle subie aux dernières élections législatives.   Désignée avec près de 57% des suffrages pour succéder à l'ancien Premier ministre Rishi Sunak, elle promet de revenir aux valeurs fondamentales du Parti conservateur britannique. Députée depuis 2017, plusieurs fois ministre depuis 2019, Kemi Badenoch est l'une des figures d'une aile droite qui a pris le dessus au sein du parti.« Pour être entendus, nous devons être honnêtes sur le fait que nous avons commis des erreurs et que nous avons laissé nos principes de base nous échapper », a-t-elle ainsi déclaré après sa victoire face à Robert Jenrick, qui s'était, lui aussi, positionné à la droite du parti. Avant d'arriver à la tête des Tories, cette informaticienne de formation a eu un parcours hors du commun.Aujourd'hui âgée de 44 ans, mère de trois enfants, elle a grandi au Nigeria au sein d'une famille plutôt aisée – son père est médecin, sa mère universitaire. Dans les années 1990, ses parents décident de l'envoyer au Royaume-Uni en raison des turbulences politiques et économiques qui secouent le Nigeria. Et, dès les années 2000, elle s'inscrit au Parti conservateur où elle rencontre son futur mari, Hamish Badenoch, un banquier d'origine écossaise.Elle va rapidement gravir les échelons au sein d'un parti qui souhaite se montrer plus inclusif sous la houlette de David Cameron. « Il y avait eu un ensemble de dispositifs et de mesures pour promouvoir les minorités ethniques, mais aussi les femmes au sein du Parti conservateur, décrypte Agnès Alexandra-Collier, professeur en civilisation britannique à l'université de Bourgogne. Et on a vu apparaître plusieurs personnalités issues de minorités ethniques comme Priti Patel ou Rishi Sunak, tous deux d'ascendance indienne. Kemi Badenoch parvient à réconcilier ces deux stratégies d'un parti qui se veut inclusif et qui poursuit sa progression idéologique vers la droite de l'échiquier politique. »Franc-parler et « vrai conservatisme »Au-delà de ce parcours, il y a la personnalité de la nouvelle dirigeante conservatrice, reconnue pour son charisme et son franc-parler, mais parfois critiquée pour ses déclarations à l'emporte-pièce. « Kemi Badenoch tient des propos assez provocateurs, mais, à la différence d'autres personnalités à laquelle elle est parfois comparée, c'est aussi quelqu'un d'assez réfléchi dans ses déclarations, sans l'agressivité et la virulence que l'on perçoit souvent à l'aile droite de la classe politique », nuance toutefois Agnès Alexandra-Collier.Sur le fond, Kemi Badenoch propose un retour à ce qu'elle appelle le « vrai conservatisme » : favorable au Brexit, elle veut réduire l'immigration illégale, limiter le rôle de l'État, favoriser les entreprises. Enfin, elle affirme vouloir lutter contre le « wokisme », c'est-à-dire l'influence supposée des idées gauchistes au sein de la société. Et elle met en avant deux modèles : Winston Churchill et surtout Margaret Thatcher, la première femme à avoir dirigé le Parti conservateur (elle fut désignée en 1975) et le Royaume-Uni (de 1979 à 1989).« La référence à Margaret Thatcher est un peu une référence obligatoire pour tout leader du Parti conservateur, pointe Thibaud Harrois, maître de conférences en civilisation britannique à l'université Sorbonne Nouvelle. Mais c'est aussi une façon pour elle d'assumer cet héritage libéral, de montrer qu'elle ne cherchera pas à transiger avec ce libéralisme, et qu'elle n'est pas du tout dans la lignée plus modérée de certains conservateurs. »Le double pari des ToriesC'est donc un virage à droite assumé que propose Kemi Badenoch avec un double objectif : incarner une opposition frontale au nouveau gouvernement travailliste et reconquérir les électeurs séduits par Reform UK, le parti de Nigel Farage, positionné à la droite des Tories. Un double pari risqué pour la nouvelle dirigeante conservatrice, qui s'est fixé comme objectif de ramener son parti au 10 Downing Street, en 2029, lors des prochaines élections législatives.Pour ce faire, elle devra remettre sur pied un Parti conservateur qui vient de subir sa pire défaite depuis des décennies – et qui se voit pris en tenaille sur sa droite par le Reform Party, et sur sa gauche par le Parti libéral-démocrate, revenu en force à la Chambre des Communes avec 72 députés. Avec seulement 121 sièges, le parti dont elle prend la direction aura du mal à exister face à un Parti travailliste, qui bénéficie d'une large majorité (402 députés).Lorsque le Parti conservateur avait abandonné le pouvoir en 1997 au bénéfice des Travaillistes de Tony Blair, il avait mis 14 années à retrouver le pouvoir. La tâche s'annonce ardue pour Kemi Badenoch, qui pourrait bénéficier cependant des débuts plus que laborieux du gouvernement de Keir Starmer, déjà confronté à de nombreuses polémiques depuis que le dirigeant du Labour est entré au 10 Downing Street.

    Géorgie: Bidzina Ivanishvili, le prince de l'ombre

    Play Episode Listen Later Nov 1, 2024 4:41


    Il est Géorgien et se nomme Bidzina Ivanishvili. Il est l'homme le plus riche du pays et président d'honneur du parti Rêve géorgien, au pouvoir depuis 2012. Il est vu comme l'homme qui tire les ficelles de la turbulente vie politique de ce pays du Caucase déchiré entre l'aspiration à l'intégration européenne et le renforcement de la sphère d'influence russe. À Tbilissi, il est difficile d'échapper à sa présence pour une raison simple et bien visible : son immense villa s'étale sur une colline dominant le quartier historique de la capitale. On y trouve, dit-on, un héliport, des appartements privés, un bureau panoramique, une galerie d'art où est exposé son Picasso à 95 millions de dollars... Il y a même un zoo privé et un aquarium dans lequel il cajole lui-même, de son propre aveu, un requin et une raie manta.Le maître des lieux de ce palais de verre et d'acier porte des costumes de prix et des cheveux poivre-et-sel toujours impeccablement brossés en arrière. Calme, assumant une allure un peu pincée de colonel en civil, Bidzina Ivanishvili règne sur sa famille, sur son clan, sur son argent et sur son pays avec la même rigidité. De l'avis de nombre de ses adversaires qui l'ont connu dans le passé, c'est un homme qui aime exercer le pouvoir et qui, pour ce faire, s'appuie sur un entourage obscur. Mais c'est aussi un chef de parti très soucieux de préserver ses intérêts privés.« Le qualificatif d'homme politique ne convient pas toujours à Ivanishvili parce que c'est une personnalité de l'ombre, explique ainsi le politologue Thorniké Gordadzé, enseignant à Sciences-Po, qui a été ministre dans le gouvernement ayant précédé l'arrivée en politique de l'oligarque. C'est quelqu'un qui déteste les réunions, qui n'aime pas parler aux diplomates et qui préfère rester chez lui. En revanche, il a un contrôle total à la fois sur le parti et le cabinet des ministres qui étaient ses anciens employés : son ancien garde-du-corps a été ministre de l'Intérieur puis chef des renseignements, son avocat ministre de la Justice, le dentiste de son épouse ministre de la Santé… Et on peut multiplier les exemples. »La guerre ou la paixBidzina Ivanishvili dirige donc, de fait, les gouvernements successifs de la Géorgie depuis 2012. Et c'est lui qui, à l'aide de sa machine électorale et de ses obligés, a engagé la Géorgie dans la voie actuelle.Vers quel but ? Après avoir voté le 26 octobre au milieu d'une violente bousculade de journalistes et de garde-du-corps, il a formulé ainsi ce qui, à ses yeux, était l'enjeu des législatives, qui sont depuis si controversées : « Soit nous choisissons un gouvernement qui vous servira, vous, le peuple géorgien, la société géorgienne, notre patrie, et s'occupera réellement de notre pays, soit nous choisissons des agents de l'étranger qui ne feront qu'obéir aux ordres de pays étrangers. »Des forces occultes seraient donc à l'œuvre, selon lui, pour pousser la Géorgie à la guerre, comme elles auraient poussé l'Ukraine à la guerre en 2022 : tel était d'ailleurs son axe de campagne, telle est son obsession, tel est son croquemitaine préféré.« L'homme est assez friand des théories du complot, explique Thorniké Gordadzé. Comme lui-même adore être dans l'ombre, il pense que le monde est gouverné par un nombre restreint de personnalités qui n'apparaissent pas : il le nomme le "Parti global de la guerre". Ce petit nombre contrôlerait Joe Biden, Ursula von der Leyen et la plupart des dirigeants et des chefs de gouvernement européens. Et dans cette configuration, il serait la seule personne qui protégerait la Géorgie d'une nouvelle guerre contre la Russie. »Un pied à MoscouLa Russie, qui occupe encore une partie du pays depuis 2008 et qui est dans toutes les têtes en Géorgie, est en effet l'autre patrie de Bidzina Ivanishvili. Champion de la libre entreprise et de l'Europe hier, célébré par les milieux d'affaires occidentaux, il a même eu, pendant un temps, la nationalité française. Ce fils de mineur a bâti sa fortune à Moscou dans les années 1990, les grandes années du dépeçage de l'Union soviétique. Et de l'avis des bons connaisseurs du pays, on ne sort pas indemne ou totalement affranchi du Kremlin.Pourtant, ses partisans et lui-même se taisent obstinément sur le sujet. Alors, son penchant pour Moscou ne serait-il qu'une rumeur malveillante ? Non, il s'agit d'un projet politique, estimait la présidente géorgienne Salomé Zourabichvili. Les prochaines étapes pour son parti et lui, a-t-elle ainsi déclaré le 29 octobre 2024 sur RFI, « ils les ont annoncé au cours de la campagne électorale : l'arrestation des opposants, l'interdiction des partis politiques d'opposition, la mise en œuvre ''rigoureuse'' – comme ils disent – de la loi russe sur les ''agents étrangers'' qui pratiquement revient comme en Russie à la mise à pied et le placement sous contrôle de la société civile dans ses différentes formes, les ONG, les organisations humanitaires ou les médias... Et voilà, c'est bouclé, c'est un régime russe. »Un régime, donc, qui serait au service exclusif de l'empire politique et financier de Bidzina Ivanishvili. On comprend pourquoi le site Politico le surnomme « l'homme qui s'est acheté un pays ».

    Maia Sandu, la présidente moldave face à l'influence russe

    Play Episode Listen Later Oct 26, 2024 4:18


    C'est un second tour très délicat qui se profile le 3 novembre prochain pour Maia Sandu, la présidente pro-Europe de la Moldavie. Arrivée en tête du premier tour de l'élection présidentielle, le 20 octobre dernier, Maia Sandu est fragilisée par la victoire étriquée du référendum sur l'Union européenne organisé le même jour : seulement 50,4 % des voix en faveur de l'Union européenne. C'est seulement au bout d'une nuit électorale éprouvante pour les nerfs que le verdict est tombé, avec une victoire du « oui » sur le fil du rasoir, obtenue grâce à l'apport tardif des voix de la diaspora. Pour le camp pro-européen, l'essentiel est sauf puisqu'avec ce « oui », l'objectif d'adhésion à l'Union européenne sera bien gravé dans le marbre de la constitution moldave.Mais l'impact politique de ce vote étriqué sera forcément négatif, tant la présidente s'était personnellement impliquée dans la bataille du référendum. Maia Sandu ne s'y est pas trompée, qui fustigeait dans le courant de la nuit, alors qu'un décompte encore provisoire accordait la victoire au « non », une « attaque sans précédent contre la démocratie, à coups de désinformation et d'achat de voix. »Aujourd'hui âgée de 52 ans, Maia Sandu conserve toutefois une base électorale importante - elle a tout de même obtenu 42 % des voix au premier tour et elle reste aux yeux de ses électeurs une présidente à la fois intègre et compétente. « J'ai voté pour elle parce qu'à mon avis, c'est la présidente idéale pour la Moldavie, nous confiait avec enthousiasme Tatiana, une habitante de Chisinau rencontrée lors de la journée d'élection du 20 octobre. Elle est intelligente, elle parle plusieurs langues, elle a rencontré les plus grands dirigeants de la planète. Et puis elle est intègre ! Elle se bat contre la corruption dans tous les domaines. »À lire aussiMoldavie: la présidente Sandu en tête du premier tour, courte victoire du «oui» au référendum sur l'UE« Elle n'a pas tenu ses promesses »De fait, cette ancienne économiste de la Banque mondiale a un CV impressionnant et continue de vivre simplement, dans le modeste appartement qu'elle occupe avec sa mère. Les détracteurs de Maia Sandu lui reprochent cependant de ne pas avoir mesuré les conséquences de l'inflation qui a suivi la guerre en Ukraine (29 % en 2022).« Elle devait augmenter les retraites, mais ce sont les prix qui ont augmenté, souffle Parascovia, une ancienne institutrice de 76 ans qui a été obligée de reprendre un travail pour subvenir à ses besoins. « Moi, j'ai travaillé plus de 40 ans et maintenant, j'ai une retraite de 4 300 lei [environ 200 euros, NDLR] ! Comment pourrais-je payer mon loyer, acheter mes médicaments ? Maia Sandu n'a pas tenu ses promesses et elle m'a beaucoup déçue. C'était des paroles, beaucoup de paroles, mais pas de résultats. » Lors de son élection en 2020, Maia Sandu s'est engagée à réformer la justice et à combattre la corruption. Elle se présentait comme une candidate favorable à l'Europe, mais n'a pas tout de suite rompu avec la Russie. « À partir de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, en 2022, la Moldavie ne pouvait plus rester à l'écart et rester amie avec tout le monde, l'Occident et la Russie, ce qu'elle faisait depuis son indépendance, il y a 30 ans, se rappelle Vladislav Kulminiski, ancien vice-Premier ministre de Maia Sandu. Dès lors, son discours et son attitude ont changé : elle a dit que la menace venait de la Russie et que pour préserver la paix en Moldavie, il fallait rejoindre l'Union européenne. »Basculement pro-européenSandu rompt alors avec la Russie, se tourne résolument vers le camp occidental et voit son activisme diplomatique couronné de succès, puisque l'Union européenne accepte d'ouvrir des négociations d'adhésion avec la Moldavie en juin dernier.Revers de la médaille, ce choix pro-occidental suscite l'inquiétude d'une partie de la population, attachée à la neutralité de la Moldavie. « La propagande russe a imposé l'idée que l'UE veut dire l'Otan, décrypte Catherine Durandin, professeur honoraire à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). La propagande insiste sur le fait que l'UE va entraîner la Moldavie dans la guerre en Ukraine. Or, la population veut la paix à tout prix et a peur de ce glissement vers l'UE et vers l'Otan. »Autre angle d'attaque du camp pro-russe, tout comme en Géorgie : l'idée qu'une adhésion à l'UE menacerait les valeurs traditionnelles – valeurs fondées sur la religion orthodoxe et une conception conservatrice de la famille. « L'Union européenne est présentée par la propagande pro-russe comme un monde décadent qui rendrait obligatoire, par exemple, les mariages homosexuels, pointe Catherine Durandin. L'UE est également associée à un irrespect des valeurs familiales. Et la propagande insiste sur la vie privée de Maia Sandu qui est une femme célibataire et sans enfants. »Le second tour qui aura lieu le 3 novembre prochain s'annonce d'autant plus délicat pour Maia Sandu qu'elle ne dispose que d'une très faible réserve de voix. Tandis que son adversaire, l'ancien procureur général de Moldavie Alexander Stoianoglu, va pouvoir compter sur le ralliement de quasiment tous les candidats défaits au premier tour, favorables comme lui à une relation apaisée avec la Russie.À lire aussiLa Moldavie face à des scrutins cruciaux pour l'ancrage européen du pays

    Dasha Navalnaya dans les pas de son père

    Play Episode Listen Later Oct 19, 2024 4:27


    Elle vient tout juste d'avoir son diplôme mais elle a déjà une sacrée expérience politique. Dasha Navalnaïa est notre Européenne de la semaine. La fille aînée d'Alexeï Navalny, l'opposant russe mort en détention en février dernier, s'est engagée dans le prolongement du combat mené par son père jusqu'à prêter main forte à la campagne de Kamala Harris. En 2023, âgée d'à peine 23 ans, Dasha Navalnaya donne une conférence Ted en Géorgie et se met dans les pas de son père. Alexeï Navalany était à l'époque encore en vie dans sa prison : « Si être la fille de mon père m'a appris quelque chose, c'est de ne jamais céder à la peur et à la tristesse. La Russie est ma maison et je vous le promets : je continuerai à m'exprimer, à dire la vérité et à me battre jusqu'à ce que la Russie devienne un pays libre et démocratique. Libérez Alexeï Navalny ». C'est aussi elle qui reçoit au nom de son père le prix Sakharov au Parlement européen en 2021. Très jeune mais déjà très politique. À tel point qu'elle est aujourd'hui l'une des rares voix de l'opposition russe en exil.D'étudiante en Californie à soutien de Kamala HarrisSon vrai prénom est Daria mais tout le monde la connaît sous son diminutif Dasha. Elle vient de finir ses études dans la prestigieuse université américaine de Stanford en Californie après une enfance évidemment particulière. La première fois que la police est entrée dans l'appartement familial, elle avait 10 ans. « C'est l'engagement politique de son père au péril de sa vie qui est le fait le plus marquant de cette enfance », note Cyrille Bret chercheur à l'institut Montaigne, spécialiste de la Russie. « Cela détermine sa prise de position dans la politique russe bien sûr, mais aussi dans la politique américaine ». Son diplôme de psychologie et de sciences politiques en poche, Dasha Navalnaya a fait un choix surprenant : elle vient de s'engager pour Kamala Harris. Pour s'occuper de sa campagne en Pennsylvanie comme nous l'apprend le journal britannique The Times. Militante de terrain Dasha Navalnaya est « field organiser », une coordinatrice sur le terrain chargée d'organiser la mobilisation des électeurs et l'animation des sections locales du parti démocrate. Depuis le mois d'août, elle s'est engagée en Pennsylvanie, un État clé pour l'élection de novembre. Un premier job annoncé discrètement sur son compte Linkedin. Si elle n'a pas soutenu officiellement Kamala Harris, c'est quand même un choix surprenant, même pour le chercheur Cyrille Bret : « c'est évidemment un engagement politique dans la continuité des valeurs défendues par son père. Mais en même temps, c'est une façon de s'ancrer dans le paysage politique américain, ce qui risque de la discréditer assez durablement sur la scène politique russe ».Quel rôle en Russie ? À l'étranger, c'est déjà l'une des principales figures anti-Poutine, aux côtés de sa mère. Dasha Navalnaya a donné plusieurs interviews marquantes, au magazine allemand Spiegel ou la télé américaine CNN.  Elle a aussi mené une série d'entretiens très politiques avec des jeunes sur sa chaîne YouTube. Mais c'est surtout sur son compte Instagram et avec ses 264 mille followers que Dasha partage sa vie quotidienne d'une jeune de son temps, malgré les menaces qui pèsent sur elle. Alors peut-elle vraiment jouer un rôle politique en Russie en vivant aux États-Unis ? « Si elle voulait jouer un rôle politique actif en Russie, c'était plutôt le chemin du martyr de son père qu'il aurait fallu suivre », relève le chercheur Cyrille Bret. « Pour qu'une figure de ce type-là, de l'exil, diplômé de Stanford, ait un rôle politique en Russie, il faudrait tout simplement qu'il y ait un changement de régime à Moscou ». On se pose la même question pour sa mère Ioulia. Et c'est difficile de mesurer auprès des Russes l'impact des prises de paroles de la veuve de Navalny, qui vit cachée quelque part en Europe. Pour Cyrille Bret, les jeunes russes, même s'ils entendaient Dasha Navalnaya, ne la suivraient probablement pas : « La population jeune des grands centres urbains de Russie est évidemment plus enclin à rejoindre la contestation du régime. Mais c'est intégralement une génération Poutine. C'est Vladimir Poutine qui a façonné la culture politique du pays. Et cette culture politique est aujourd'hui faite pour rendre inaudible toute parole qui viendrait de l'étranger ». Dasha Navalnaya, elle, l'assure, elle retournera vivre un jour à Moscou, sa ville préférée.

    Ildar Dadine, itinéraire d'un opposant russe mort pour l'Ukraine

    Play Episode Listen Later Oct 12, 2024 4:14


    Il avait choisi de prendre les armes contre son propre pays pour défendre l'Ukraine. Et sa mort sur le front, dans la région de Kharkiv, a suscité une immense émotion dans les rangs de l'opposition russe. Ildar Dadin était en effet une figure emblématique de la lutte contre Vladimir Poutine, des premières manifestations contre les fraudes électorales au refus de la guerre en Ukraine. Mort les armes à la main contre les soldats de son propre pays, Ildar Dadine était devenu un symbole de l'opposition russe bien des années auparavant. En 2015, il fut le premier à être condamné à une peine de prison ferme simplement pour avoir manifesté dans les rues de Moscou. Deux ans et demi de prison en vertu d'un article du code criminel russe adopté sous la pression de Vladimir Poutine. L'arrestation et la condamnation d'Ildar Dadine sera le signe avant-coureur de la machine répressive qui allait progressivement broyer l'opposition russe.« Ildar Dadine était un militant acharné contre l'injustice et pour la défense des droits et des libertés en Russie », témoigne Olga Prokopieva, présidente de l'association Russie-Libertés. « Et pour avoir manifesté à plusieurs reprises il a été condamné à plusieurs années de prison. Pour nous, il incarnait la résistance non-violente face à fraudes électorales et à la dérive répressive du régime poutinien. » Le symbole est tel que l'article 212.1 qui permet à la justice de condamner un individu pour avoir manifesté à plusieurs reprises sans autorisation préalable sera surnommé « loi Dadin » par les opposants et les médias russes.Menaces de viol et simulacre de noyadeNé en avril 1982 dans la région de Moscou, Ildar Dadine devient agent de sécurité après son service militaire et se met à militer au début des années 2010. Comme il le raconte lui-même dans un entretien accordé des années plus tard à l'ONG russe OVD-Info, ce sont les fraudes électorales qui le poussent à s'engager. « J'ai manifesté pour la première fois sur la place Bolotnaya à Moscou, en décembre 2011… J'étais indigné par la victoire frauduleuse de Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine, et j'avais réalisé que nous étions trompés par le pouvoir ».  Cet engagement le conduit en prison où il sera battu et torturé – simulations de noyade et menaces de viol, des sévices qu'il dénoncera publiquement. « À cette époque-là, les mauvais traitements s'appliquaient surtout aux prisonniers de droit commun, qui avaient peu accès à des avocats et encore moins aux médias », explique Anne Le Huérou, maîtresse de conférence à l'Université de Nanterre, et spécialiste de la Russie. « Ildar Dadine, lui, était déjà un petit peu connu, il savait que des organisations existaient qu'ils pouvaient solliciter, comme le Comité contre la torture… Il n'a pas eu peur, il a réussi à rendre visible son cas et à décrire de manière très précise tout ce dont il a été victime ».« Tuer le tueur »Sa détention et les sévices qui lui ont été infligés ne brisent pas sa détermination et sa volonté de résister au régime poutinien. Et il continuera de militer et de manifester dans les années qui suivent sa libération. Puis, le 24 février 2022, Vladimir Poutine lance l'invasion à grande échelle de l'Ukraine. Comme nombre d'opposants à la guerre, sur lesquels plane désormais le risque d'une condamnation à plusieurs années de prison, il se résout à fuir la Russie. Il passe par la Pologne puis se rend en Ukraine où il s'engage, sous le pseudonyme « Ghandi », dans les bataillons de volontaires russes.« Il a pris les armes tout en disant qu'il était pacifiste, qu'il détestait l'idée de tuer quelqu'un, mais qu'il devait s'opposer de la façon la plus efficace possible à un mal aussi immense que celui représenté par la Russie lorsqu'elle attaque l'Ukraine, pointe Cécile Vaissié, professeure en études russes à l'Université de Rennes-II. « Et il avait cette phrase : "la seule façon que je vois de s'opposer aux crimes commis par la Russie, c'est malheureusement de tuer le tueur"… Il aurait pu rester tranquillement dans l'immigration, il aurait pu rester à Varsovie comme d'autres le font encore maintenant. Mais il a dit qu'il se devait de prendre la défense du plus faible, y compris quand il s'agit de se battre contre les troupes de son propre État ».Divergences stratégiquesPour se battre, Ildar Dadine rejoint le Bataillon de Sibérie puis il intègre la Légion liberté de la Russie, un groupe de volontaires russes qui veut défendre l'Ukraine bien sûr mais qui veut également préparer la chute de Vladimir Poutine. À leurs yeux, seule une défaite militaire de la Russie pourra permettre de renverser le président russe et son régime – et la guerre en Ukraine ne serait de ce point de vue que le prélude à cette lutte armée sur le sol russe. Une stratégie qui suscite un vif débat au sein de l'opposition en exil – ce qui ajoute aux divisions qui contribuent à l'affaiblir. « Certains leaders de l'opposition se sont positionnés pour un soutien à cette lutte armée - y compris financièrement pour ceux qui en auraient les moyens – et c'est le sens de l'appel lancé récemment par Gary Kasparov, décrypte Anne Le Huérou, de l'Université de Nanterre. « Mais d'autres sont résolument contre, et estiment qu'il n'y aurait rien de pire que d'ajouter une guerre civile à cette guerre d'agression que mène la Russie. Ceux-là considèrent que ce n'est tout simplement pas possible aujourd'hui de vaincre le régime de Vladimir Poutine par une résistance armée ».C'est le cas notamment, des partisans d'Alexeï Navalny. Mort en prison en février 2024 l'opposant avait toujours refusé de lancer des appels à l'action violente et prônait une contestation pacifique du pouvoir en place. Loin des débats et des dissensions qui agitent aujourd'hui l'opposition russe en exil, Ildar Dadine avait choisi d'agir, au péril de sa vie. Son itinéraire de militant l'aura conduit des rassemblements pacifiques de l'hiver 2011-2012 aux tranchées de la guerre en Ukraine – un raccourci tragique et emblématique de ce qu'auront vécu, en moins d'une décennie, les militants russes de l'opposition anti-Poutine.À lire aussiGuerre en Ukraine: mort de l'opposant russe Ildar Dadine qui combattait auprès des forces de Kiev

    Mark Rutte, un politique aguerri et élastique pour diriger l'Otan

    Play Episode Listen Later Oct 5, 2024 4:19


    Il a pris la tête de l'Otan mardi 1er octobre : le Néerlandais Mark Rutte est le nouveau visage de l'Alliance atlantique. Celui qui affiche une longue expérience politique a placé son mandat sous le signe du soutien à l'Ukraine, où il s'est rendu pour son premier déplacement. À lire aussiÀ Kiev, Mark Rutte, le nouveau chef de l'Otan, promet le soutien nécessaire pour que l'Ukraine «l'emporte»À lire aussiOtan: le Néerlandais Mark Rutte succède au Norvégien Jens Stoltenberg

    Ilan Shor, oligarque moldave en fuite et porte-voix de Moscou

    Play Episode Listen Later Sep 28, 2024 4:13


    En Moldavie, à trois semaines de la présidentielle et du référendum sur l'adhésion à l'Union européenne, les pro-russes se mobilisent. Dimanche dernier, ils ont défilé dans les rues de Chisinau « pour une Moldavie sans l'Union européenne ». Derrières ces rassemblements : un homme, condamné dans son pays à 15 ans de prison, l'oligarque en fuite, Ilan Shor. Réfugié à Moscou, le trentenaire y pilote ouvertement les mouvements anti-européens. Deux des plus grands noms de la pop russe ont honoré l'événement de leur présence : un « congrès des forces d'opposition de Moldavie » s'est tenu en avril au prestigieux hôtel Carlton de Moscou, à deux pas du Kremlin. Désigné président du nouveau bloc « Victorie » qui regroupe des mouvements eurosceptiques et pro-russes, devant quelque 300 délégués et partisans, Ilan Shor a accusé la présidente moldave Maia Sandu de « couper délibérément le cordon ombilical des liens (de la Moldavie) avec la Russie et l'Union eurasiatique ». Fervent promoteur d'une voie russe pour son pays, l'homme d'affaires et ancien député ne cache pas ses liens avec le pouvoir russe.En début d'année, c'est aussi à Moscou, lors d'une rencontre avec le vice-président du Conseil de la Fédération de Russie, Konstantin Kossachev qu'il a annoncé la création d'une ONG destinée à œuvrer au rapprochement entre les deux pays. « Ma mission, expliquait-il sur Pervy Canal, la première chaine de télévision russe, est de montrer que la véritable coopération, l'amitié et les relations avec notre ami historique et partenaire, la Fédération de Russie, sont pour la Moldavie le seul moyen de sortir de l'effondrement et de la situation de crise dans laquelle l'actuel régime pro-occidental moldave l'a placée. »Mais s'il vit en Russie, c'est aussi parce qu'il est recherché par la justice moldave, qui l'a condamné à 15 ans de prison pour fraude et blanchiment. Lui, se dit victime de représailles politiques et a fui, en 2019, en Israël, pays dont il possède la nationalité. Dans son pays, il est accusé d'avoir détourné un milliard de dollars à trois banques moldaves, dans une affaire qualifiée de « vol du siècle ». « Ilan Shor, c'est l'escroc-aventurier typique de l'espace post-soviétique, il a le profil de l'homme d'affaires fraudeur qui a émergé après l'effondrement de l'Union soviétique », note Ryhor Nizhnikau, chercheur à l'institut finlandais des relations internationales. Mais il est aussi, selon lui, « le principal outil russe de déstabilisation de la Moldavie ». Outil de déstabilisationSelon une étude du groupe de réflexion moldave WatchDog, citée par Euractiv, Ilan Shor et un autre oligarque en fuite auraient dépensé plus de 136 000 euros dans le courant de l'été pour diffuser sur les réseaux sociaux des messages de soutien à la Russie. Cela face au processus d'intégration européen de la Moldavie. Selon le quotidien Washington Post, des responsables occidentaux estiment que l'homme d'affaires entretient des liens avec le FSB. Entré en politique en 2015, Ilan Shor a été élu maire d'Orhei, une ville du centre de la Moldavie, qu'il a administrée à coup de subventions. Il y a investi ses deniers pour rénover les routes, installer l'éclairage public ou y créer un parc d'attraction.Aujourd'hui, réfugié à Moscou, il diffuse par tous les moyens le narratif russe en Moldavie. « Des dizaines de millions d'euros sont dépensés. Pour la Moldavie, ce sont des sommes colossales. L'argent provient de Russie et d'autres sources difficilement identifiables, avance le politologue moldave Alexei Toulboure. Cet argent représente une menace et un danger énorme pour la démocratie et pour l'avenir européen du pays. Ilan Shor et son parti, ce sont des éléments de la guerre hybride menée contre notre État, et cela, bien sûr, constitue une menace pour nous », estime le directeur de l'Institut d'histoire orale de Moldavie.À la demande du gouvernement moldave, au cours de l'été 2023, la Cour constitutionnelle, a reconnu l'activité de son parti « Shor » comme illégale. Le principal intéressé a lui-même saisi la Cour européenne des droits de l'homme pour contester la légitimité de l'interdiction de son parti.Marié à une pop-star russe, le trentenaire est né en Israël, ses parents y ayant immigré à la fin des années 1970, avant de retourner en Moldavie à la chute de l'URSS. Son père lui a légué une chaîne de magasins duty-free en Moldavie. Il a aussi été président du conseil d'administration de la Banca de Economii et membre du conseil d'administration de l'aéroport international de Chisinau.« Homme politique à usage unique » ?Dans une interview au journaliste russe Alexei Venediktov, ex-rédacteur en chef de la radio Écho de Moscou (fermée en 2022) sur RTVI, l'oligarque de 37 ans a expliqué qu'il visait le poste de Premier ministre. Cela à l'issue des législatives de l'an prochain, où le parti de centre-droit pro-européen PAS au pouvoir, pourrait perdre sa majorité.Ilan Shor est-il assuré d'un avenir politique sérieux ? Ryhor Nizhnikau en doute, estimant qu'il est à classer plutôt du côté des « hommes politiques à usage unique ». Si jamais les forces pro-russes remportaient les élections législatives, « l'intérêt d'avoir un homme comme Ilan Shor en serait amoindri. Si cela se produisait, les Russes lui diraient qu'ils n'ont plus besoin de ses services », affirme le chercheur.En attendant, les activités d'Ilan Shor représentent une menace pour la démocratie moldave, selon Alexei Toulboure. Celui-ci rappelle qu'au printemps 2023, à coups de grosses sommes d'argent, l'homme d'affaires a pu imposer sa candidate Evghenia Guțul, une personnalité jusque-là inconnue du public, à la tête de la région autonome de Gagaouzie. Quelques mois plus tard, « les mesures d'urgence prises par le gouvernement ont permis d'éviter que les partis contrôlés par Ilan Shor, ne remportent les élections locales grâce à l'argent et à la corruption », rappelle le politologue. Deux jours avant le scrutin, la Commission pour les situations d'urgence de Moldavie avait interdit aux quelque 600 000 candidats du parti Chance, un clone du parti Shor interdit, de prendre part aux élections. La décision a ensuite été annulée par un tribunal.Objet de sanctions européennes et américaines, recherché par la justice de son pays, Ilan Shor continue de mener, à distance, une campagne pro-russe et eurosceptique en Moldavie. Il a depuis peu acquis la nationalité russe. Il possède aussi la citoyenneté israélienne.À l'approche de la présidentielle du 20 octobre et du référendum sur l'adhésion à l'Union européenne, une mission de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est rendue en Moldavie. Elle note que « la désinformation, le financement illicite et l'achat de votes soutenus par le Kremlin constituent une menace sérieuse pour la souveraineté, la sécurité et l'intégrité électorale en Moldavie ».

    Maria Kolesnikova, figure de l'opposition qui dépérit dans une geôle biélorusse

    Play Episode Listen Later Sep 21, 2024 4:08


    Le dirigeant biélorusse Alexandre Loukachenko a gracié lundi 37 personnes emprisonnées pour « extrémisme », un terme employé pour qualifier les opposants. Mais des centaines d'autres restent derrière les barreaux, certains avec de graves problèmes de santé. C'est le cas de l'une des figures du mouvement de protestation de 2020, Maria Kolesnikova. La co-lauréate du prix Sakharov, a passé quatre ans en prison, dont un an et demi à l'isolement, sans communication avec le monde extérieur. Aux dires de celles qui sont passées par la prison pour femmes n°4 de Gomel, elle continue à sourire à celles dont elle arrive à croiser le regard. Mais elles sont peu nombreuses. Maria Kolesnikova, condamnée à onze ans de réclusion, est détenue dans un isolement quasi complet, privée de tout contact avec le monde extérieur. Sa famille n'a plus de nouvelles directes depuis un an et demi. Du fait, sans doute de ces conditions de détention éprouvantes, la jeune femme de 42 ans a subi une intervention chirurgicale à l'estomac en 2022, qui lui a fait perdre 15 kg. Aujourd'hui, elle n'en pèserait plus que 45 alors qu'elle mesure 1,75 m, selon les témoignages d'anciennes prisonnières ayant recouvré la liberté, récoltés par sa sœur. « Lorsqu'ils la déplacent, elle est toujours sous la garde de six agents de sécurité. Ils créent une sorte de vide autour d'elle. Et quand ils doivent l'emmener en dehors de la prison, ils instaurent une sorte de loi martiale, avec interdiction pour les prisonnières de regarder par les fenêtres », relate Tatsiana Khomich, jointe par téléphone dans un lieu qu'elle préfère ne pas dévoiler. Selon sa sœur, Maria est détenue dans une cellule disciplinaire d'environ 4m², seule, et souffre de malnutrition. « J'ai très peur, je ne comprends pas pourquoi ils font cela, pourquoi ils exercent une telle pression sur elle et la maintiennent à l'isolement. Pourquoi faire mourir une personne de faim ? », s'inquiète Tatsiana Khomich.« La décision d'être libre exige de prendre ses responsabilités », avait affirmé l'opposante dans un entretien à la BBC à l'été 2020. Cheveux blonds coupés court, large sourire aux lèvres souvent rehaussées de rouge, Maria Kolesnikova s'était imposée comme l'une des figures du trio féminin emmené par la candidate à la présidentielle d'août 2020, Svetlana Tikhanovskaïa. Si cette dernière avait réussi à quitter le pays sur fond de répressions après les manifestations contre la réélection contestée d'Alexandre Loukachenko, Maria Kolesnikova avait été arrêtée quelques jours plus tard. Les autorités avaient alors tenté de l'expulser du pays, en l'emmenant de force à la frontière, mais elle avait résisté, déchiré son passeport et refusé de quitter la Biélorussie.« Je n'ose imaginer ce qu'elle traverse »Avant de revenir en Biélorussie où elle a pris part au mouvement démocratique en 2020, Maria Kolesnikova, qui menait une carrière de flûtiste, a vécu en Allemagne. En 2016, elle y a intégré le trio de musique contemporaine Vis-à-vis à Stuttgart. « Elle me disait toujours, tu sais, dans mon pays si tu fais quelque chose de travers ou si tu dis quelque chose qui heurte le pouvoir, tu vas en prison. Elle avait conscience des conséquences de ses actes », se souvient la chanteuse de l'ensemble, Natalia Lopez, qui organise régulièrement des concerts en hommage à son amie emprisonnée. « Aujourd'hui, je n'ose imaginer ce qu'elle traverse. Je sais que Loukachenko libère des gens, mais je pense que Maria n'en fait pas partie ». Ces deux derniers mois, le régime biélorusse a gracié plus de cent prisonniers politiques, dont certains avec des problèmes de santé. Mais les figures de l'opposition telles que Maria Kolesnikova, Viktor Babariko, le candidat arrêté avant la présidentielle, dont elle avait dirigé la campagne ou Serguei Tikhanovsky, continuent de purger leurs peines dans des conditions difficiles.« Alexandre Loukachenko comprend qu'ils constituent une menace pour lui et en tout cas, il fixerait un prix à payer pour leur libération que les pays occidentaux jugeraient probablement trop élevé », estime Pavel Slunkin, ancien diplomate biélorusse qui vit en exil. « Maria possède un grand capital social, c'est une politicienne aimée et admirée. À l'inverse, Alexandre Loukachenko ne peut se vanter d'aucun coup d'éclat, il n'a pas déchiré son passeport. C'est quelqu'un qui vit protégé derrière de hauts murs, il n'a pas l'image d'un héros. Et je pense qu'il ressent de la jalousie envers ces personnalités et qu'il a un besoin de se venger », avance l'ancien haut fonctionnaire biélorusse. Selon les estimations des ONG, plus de 1 400 personnes sont détenues en Bélorussie pour des motifs politiques. Tatsiana Khomich, garde l'espoir d'une grâce présidentielle pour tous les prisonniers politiques, mais dans l'immédiat, elle espère surtout qu'il reste encore un peu d'humanité chez les gardiens de prison, où la santé de sa sœur se dégrade de jour en jour.

    Bart de Wever, le nouvel homme fort en Belgique

    Play Episode Listen Later Sep 14, 2024 4:09


    Il est pressenti pour devenir le prochain chef du gouvernement en Belgique : Bart de Wever est notre Européen de la semaine. Plus de trois mois après les élections législatives, le président de la N-VA, les conservateurs flamands, est devenu un personnage central dans la vie politique belge. Le roi l'a nommé « formateur » du futur gouvernement. Une équipe qui tarde à venir, mais les Belges ont l'habitude. Bart de Wever et son parti ont remporté les élections de juin, il prétend donc au poste de Premier ministre. « Avant les élections, j'ai clairement dit que j'étais candidat pour le siège », déclarait-il l'été dernier. « Je l'ai dit pendant la campagne électorale. Et maintenant, j'essaie de réaliser cette ambition ». Il a déjà essayé une première fois de trouver un accord avec 4 autres partis avant de jeter l'éponge. Le voilà reparti pour un tour. Pourquoi ce blocage ? « La situation est bien sûr très difficile. Il y a un grand trou budgétaire en Belgique, il faut trouver près de 30 milliards sur les prochaines années », explique Dave Sinardet, il est professeur de sciences politiques à l'université Saint-Bruxelles. « Et il y a quand même 5 partis autour de la table allant d'un parti social-démocrate flamand à un parti de droite libérale francophone. Donc pas vraiment évident de réconcilier les différents points de vue ». Et le blocage pourrait encore durer : des élections communales sont prévues en octobre… Plusieurs chefs de parti sont déjà en campagne, dont Bart de Wever à Anvers. Personne ne veut lâcher du lest d'ici là.Personnage incontournableBart de Wever est tombé dans le bain politique très tôt. Son grand-père avait été secrétaire de la Ligue nationale flamande, un parti flamand d'extrême droite de l'entre-deux-guerres. Son père militait pour l'autonomie de la région flamande. En 2010, il prend la tête du N-VA et remporte toutes les élections. Il est maire d'Anvers. Aujourd'hui, c'est un personnage incontournable de la vie politique belge. « C'est la personnalité numéro un depuis les années 2010 », raconte Alexandre Noppe, journaliste politique au journal belge Le Soir. « Il est au centre des négociations depuis longtemps, tout le monde le connaît, donc il est prêt à devenir le Premier ministre de la Belgique. C'était quelque chose de complètement inenvisageable il y a plusieurs années. Bart de Wever a évolué vers un profil de politicien plus à droite, certes, mais aussi plus ouvert à travailler en collaboration avec les francophones ».Droite radicale devenue droite libéraleLe parcours politique de Bart de Wever est marqué par sa proximité avec les mouvements d'extrême-droite et par son discours indépendantiste. Mais il a adouci son programme souligne le politologue flamand Dave Sinardet : « Au début, c'était vraiment un parti nationaliste flamand assez radical et ils sont graduellement évolués vers un parti de droite libéral conservateur qui est aussi ouvert finalement à gouverner la Belgique et qui n'est plus seulement focalisé sur l'autonomie flamande ».Fan de déguisement À 53 ans, il est père de 4 enfants, sa femme est enseignante. On lui connaît une grande passion : l'empire romain, il ne manque jamais une occasion de citer Cicéron ou Jules César. Et il adore aussi se déguiser. On l'a vu en costume de panda, de lion, en St-Nicolas ou encore en empereur romain.Pragmatique et claniquePour savoir à quoi ressemblera sa gouvernance s'il devient chef de gouvernement dans quelques mois, il faut regarder ce qu'il a fait dans sa ville d'Anvers qu'il dirige depuis bientôt 12 ans. Le journaliste Alexandre Noppe a enquêté sur ses réseaux et sa méthode pour Le Soir. II décrit un homme pragmatique et très clanique : « Il fonctionne avec un cercle très restreint au niveau du parti, donc au niveau national ou au niveau de la ville d'Anvers. Il a un cercle proche, très politique, principalement masculin, principalement de sa génération, donc entre 45 et 60 ans. Dans sa méthode de travail, il va fonctionner de manière académique : thèse, antithèse, synthèse. Et quand une synthèse est faite sur un thème d'actualité politique, la NVA ne parle plus que d'une seule voix et ça c'est ce qui en fait une de ses forces. C'est que les tensions internes n'apparaissent pas dans le discours externe vers les médias, vers le citoyen ».Une attente mais loin du recordEt les Belges dans tout ça ? Comment ils vivent cette attente ? Ils ont l'habitude, pas comme en France. Pour mes interlocuteurs, il est « encore un peu tôt pour s'alarmer ! ». Passer Noël, là ça deviendrait inquiétant... Rappelons que la Belgique tient un record avec 540 jours sans gouvernement, c'était en 2010.

    Sahra Wagenknecht, la «conservatrice de gauche» au cœur du jeu politique allemand

    Play Episode Listen Later Sep 7, 2024 4:16


    La presse allemande a qualifié de « coup de tonnerre » le score très élevé obtenus par le parti d'extrême droite AfD lors des élections régionales qui se sont tenues le 1er septembre en Saxe et en Thuringe. Mais c'est bien le BSW qui va se trouver au centre du jeu politique dans ces deux régions. Ce parti qualifié par les observateurs « d'ovni politique » a été fondé il y a un moins d'un an par Sahra Wagenknecht, une personnalité issue de la gauche radicale très populaire en Allemagne de l'Est. Sahra Wagenknecht ne cachait pas sa jubilation après le scrutin du 1ᵉʳ septembre : avec 11 % des voix en Saxe et plus de 15 % en Thuringe, l'ancienne économiste peut se targuer d'avoir largement rempli son pari. En moins d'un an, son parti BSW (qui signifie Alliance Sahra Wagenknecht) a obtenu 6 % aux élections européennes avant d'arriver en troisième position, derrière l'AFD et la CDU, lors de ce scrutin régional très observé.Derrière ce succès fulgurant, il y a d'abord et avant tout une personnalité détonante : née en Allemagne de l'Est en 1969, Sahra Wagenknecht s'est fait un nom et une réputation au sein de la gauche radicale, mais aussi sur les plateaux de télévision où elle s'est très vite distinguée. « Elle a un charisme indéniable et en même temps une force de conviction assez forte, pointe Eric-André Martin, spécialiste de l'Allemagne. C'est quelqu'un qui a une légitimité pour faire de la politique dans les nouveaux Länder, dans la mesure où elle a été formée à l'école communiste. »À lire aussiEn Allemagne, un nouveau parti radical à gauche pour contrer l'extrême droiteEn 1989, elle prend sa carte du SED, le parti communiste encore au pouvoir… juste avant la fin du régime est-allemand. Puis, elle poursuit sa carrière au sein du PDS, au sein duquel se retrouvent les communistes de l'ex-RDA. Dans les années 2000, elle accompagne son futur mari, Oskar Lafontaine, dans la création de Die Linke, qu'elle quitte avec fracas à la fin 2023. À ses yeux, le parti de gauche radicale s'est par trop éloigné de la classe ouvrière - alors qu'elle-même a adopté des convictions plus que conservatrices sur certaines thématiques, et notamment sur l'immigration.« Elle est restée fidèle à ses idéaux marxistes sur le plan économique, mais elle a un discours ultraconservateur, très décomplexé sur les migrants, décrypte Elisa Goudin-Steinmann, professeure en études germaniques à la Sorbonne. Elle fustige les gens qui roulent à vélo et qui "boivent du lait d'avoine" comme elle l'a dit dans un récent discours, bref cette gauche des grandes villes qui défend les minorités et les LGBT, mais qui auraient renoncé aux fondamentaux de la gauche : la défense du peuple, des travailleurs, etc. Elle est restée fidèle à une partie du programme communiste, et a effectué un virage à droite sur d'autres questions. Cela en fait une sorte d'ovni politique assez étonnant. »« Faiseuse de roi »Un cocktail politique un peu particulier, mais qui fonctionne très bien dans les régions de l'ex-RDA, où se trouve le vivier électoral de la nouvelle formation. Cet électorat est sensible à ses déclarations sur la lutte contre l'immigration, mais aussi sur la guerre en Ukraine. Accusée par ses détracteurs de faire en Allemagne le jeu du Kremlin, Sahra Wagenknecht veut réduire, en effet, le soutien apporté à Kiev depuis février 2022.« C'est aussi dans la continuité de ses origines et de son militantisme est-allemand, souligne Eric-André Martin. Dès le départ, c'est-à-dire dès 2022, elle a considéré que cette guerre en Ukraine méritait une approche beaucoup plus nuancée de la part des Occidentaux. Et elle s'est opposée à la politique de soutien à travers des fournitures importantes d'armes et l'absence de perspectives diplomatiques. » Sahra Wagenknecht n'a pas hésité, durant la campagne électorale pour ces élections régionales, à en faire une condition pour une éventuelle alliance au sein des Länder. « Elle a clairement dit que si on voulait faire coalition avec elle, elle ne le ferait qu'avec un parti qui milite pour une solution diplomatique en Ukraine et qui s'oppose au déploiement d'armes américaines sur le territoire allemand. »Cette condition pourrait fortement compliquer les tractations qui vont s'ouvrir entre le BSW et la CDU – le Parti conservateur étant au niveau national un fervent partisan du soutien à l'Ukraine. Mais la CDU n'a pas d'autre choix que de négocier avec l'ancienne communiste. Arrivée en première position en Saxe et en deuxième position en Thuringe, le parti chrétien-démocrate aura besoin d'elle pour faire barrage à l'AFD. « Elle a une position qui est très importante parce qu'elle va être une "faiseuse de rois", relève Elisa Goudin-Steinmann. Au sein de la CDU, plusieurs personnalités ont déjà annoncé déjà qu'elles accepteraient de travailler avec elle, mais il faudra voir comment ils réussiront à trouver des compromis. Une alliance entre chrétiens-démocrates et une ancienne communiste, ce serait tout de même un attelage un peu bizarre. » Un premier test à l'échelon régional qui se prolongera le 22 septembre prochain avec les élections au gouvernement régional du Brandebourg (région de Berlin). Au-delà de ces élections régionales, Sahra Wagenknecht espère s'implanter au niveau national – et ambitionne de continuer à marquer des points lors des législatives qui auront lieu, au niveau fédéral, à l'automne 2025. Des sondages effectués avant les scrutins régionaux du 1er septembre lui accordaient de 8 % à 9 % des intentions de vote, devant Die Linke et le FDP, et seulement à quelques points derrière les Verts.À lire aussiAllemagne: le BSW, un cocktail politique inédit fait de gauche sociale et de droite anti-immigration

    Kaja Kallas, la «dame de fer» de l'Estonie à la tête de la diplomatie européenne

    Play Episode Listen Later Jul 6, 2024 4:13


    C'est elle qui a été choisie pour incarner la diplomatie européenne : Kaja Kallas doit succéder à l'espagnol Josep Borrell pour devenir la Haute représentante de l'Union européenne. Agée de 47 ans, l'ancienne avocate dirige l'Estonie depuis 2021 mais elle s'est fait connaitre sur la scène internationale à partir de février 2022, avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie.  Dans les semaines qui suivent le déclenchement du conflit, Kaja Kallas acquiert une stature et une renommée qui vont bien au-delà de la place démographique et économique de l'Estonie. En consacrant 30 % du budget de la défense de son pays à l'aide militaire à l'Ukraine – aucun pays européen n'en fait autant, et en défendant à chaque occasion une ligne très claire : il faut soutenir l'Ukraine coûte que coûte et ne rien céder à la Russie. « Elle s'est montrée très courageuse en mettant l'accent sur les choses importantes », pointe Margaret Seselgyte, directrice de l'Institut de relations internationales de l'Université de Vilnius. « Elle a parlé de l'aide à l'Ukraine mais aussi du gel des avoirs russes malgré l'absence de consensus à ce sujet. Elle a donc fait preuve de créativité et d'une position très ferme en ce qui concerne la guerre en Ukraine. »À lire aussiL'Estonienne Kaja Kallas, résolument anti-Poutine, à la tête de la diplomatie européenneUne position très ferme qui s'explique par la situation géographique de l'Estonie, coincée entre la mer Baltique et la Russie, mais aussi par l'histoire familiale de Kaja Kallas. Aujourd'hui âgée de 47 ans, la dirigeante estonienne est née sous l'URSS mais n'a que des souvenirs d'enfance de cette époque. En revanche, son arrière-grand-père a participé à la première indépendance du pays en 1920. Et, après la Seconde guerre mondiale, plusieurs membres de sa famille sont déportés par le pouvoir soviétique – ce que Kaja Kallas ne cesse de rappeler lorsqu'elle parle de « l'occupation russe » de son pays.  « Ma mère, déportée en Sibérie alors qu'elle était bébé, a souffert des crimes de guerre que la Russie a infligés à beaucoup trop de gens. En théorie, on parlait de paix, mais il s'agissait d'une paix selon les termes russes, c'est-à-dire des atrocités de masse, des répressions, de la colonisation. »Dans les pas de son pèreSa mère et sa grand-mère vont revenir de déportation au bout de dix ans. Et sa famille va de nouveau marquer l'histoire politique de l'Estonie : son père devient Premier ministre après la fin de l'URSS, puis commissaire européen durant une dizaine d'années. Kaja Kallas fait d'abord une carrière d'avocate, mais marche vite dans les pas de son père en devenant députée européenne pour le Parti de la Réforme, le parti libéral fondé par Siim Kallas en 1994. Elle devient Première ministre en 2021 et se fait donc très vite remarquer à l'international pour sa pugnacité…Paradoxalement, tandis que sa renommée ne cesse de croître sur la scène européenne, son étoile commence à pâlir en Estonie. Notamment en raison de difficultés économiques mais aussi d'un scandale retentissant lié à son mari. « Son mari avait des relations d'affaires avec la Russie, ce qui a suscité une controverse très grave, rappelle Margaret Seselgyte de l'Université de Vilnius. « D'un côté elle critiquait tous ces pays qui refusaient de sanctionner Moscou, et de l'autre elle n'était pas totalement transparente sur les affaires de son mari. Elle a prétendu qu'elle n'était pas au courant  mais cela n'a pas suffi et il y a eu un très grand scandale politique en Estonie mais aussi dans toute la région balte car ici les gens sont très sensibles à tout ce qui touche à la Russie. »Une victoire pour les pays de l'EstMais ces difficultés n'entament en rien son crédit sur la scène européenne – et son nom s'impose tout naturellement pour succéder à Josep Borrel. Kaja Kallas convoite un temps le poste de secrétaire général de l'Otan, mais renonce pour laisser la place au Néerlandais Mark Rutte, et se concentre alors sur le poste de Haut représentant de l'UE. À son expérience diplomatique et politique, à son incontestable expertise sur le dossier ukrainien, s'ajoutent des qualités personnelles : Kaja Kallas parle non seulement le russe et l'estonien, mais elle est à l'aise également en français et en anglais. Seule interrogation : sera-t-elle capable de s'occuper d'autres dossiers que celui de l'Ukraine ? « La politique étrangère de l'Union européenne va au-delà de l'Ukraine et des sanctions contre la Russie », relève Nicole Gnesotto, vice-présidente de l'Institut Jacques Delors. « Et donc, effectivement, certains peuvent se demander si, vis à vis de la Méditerranée, du Maghreb, ou des crises en Afrique, elle aura autant de dynamisme pour porter la politique étrangère de l'Union européenne. »À lire aussiEstonie: la Première ministre dans la tourmente après la révélation des liens entre son mari et la RussieLe défi est d'autant plus délicat à relever que la diplomatie européenne est loin d'être univoque, en particulier sur la question du Proche-Orient et du conflit à Gaza. En témoignent les difficultés qu'aura rencontrées sur ce sujet Joseph Borell, depuis l'attaque terroriste du 7 octobre 2023. Une certitude : la nomination de Kaja Kallas à ce poste prestigieux, l'un des « top jobs » de l'Union européenne, constitue un signal très fort envoyé aux pays baltes et aux anciens pays du glacis soviétique…  « Je pense que c'est un grand succès pour l'Estonie mais aussi pour tous les pays de la région », se félicite Margaret Seselgyte. « Cela signifie que l'UE n'a plus peur de tenir compte de ce que nous disons depuis des années de la Russie, alors que nous avons longtemps été critiqués pour notre soi-disant paranoïa… Le fait que Kaja Kallas soit nommée, c'est une forme de justice qui nous est rendue ! Et symboliquement et émotionnellement, c'est pour nous une grande victoire. »

    Keir Starmer, l'artisan du recentrage travailliste aux portes du pouvoir

    Play Episode Listen Later Jun 29, 2024 4:49


    Il dirige le Labour depuis 2020 et a choisi de recentrer le programme et le discours du parti travailliste britannique. Stratégie payante pour Keir Starmer qui devrait, sauf coup de théâtre, remporter les élections anticipées organisée au Royaume-Uni le 4 juillet prochain.    Tous les instituts de sondages lui accordent une très large avance face aux conservateurs de Rishi Sunak, pour lesquels ces élections anticipées s'annoncent désastreuses. Une avance que Keir Starmer essaie à tout prix de conserver en restant d'une très grande prudence durant les derniers jours de campagne. C'est la stratégie que la presse britannique décrit comme celle du « vase Ming » : porter un vase précieux sur un parquet ciré en essayant d'éviter tout faux... Avec ses cheveux poivre et sel, sa coiffure sage et son air quelque peu coincé, Keir Starmer est l'homme idéal pour jouer ce rôle de candidat sérieux bien qu'un peu falot. Peu charismatique, travailleur, et pas vraiment du genre à plaisanter, il est l'antithèse de Boris Johnson, l'ancien Premier ministre conservateur. Cet ancien avocat de 61 ans, fan de football et père de deux enfants, est issu d'un milieu modeste, ce qui a forgé en partie son caractère et ses convictions. « Son père était un ouvrier qualifié, un homme très compétent, mais dans son village du Surrey, une région plutôt chic, je pense que les gens méprisaient son père », raconte le journaliste britannique Tom Baldwin, auteur de Keir Starmer : the biography (non traduit). « Il travaillait dans une usine, et cette sorte de snobisme est quelque chose dont Keir Starmer a souffert, et qu'il porte encore aujourd'hui. Il est donc le premier dirigeant travailliste depuis très longtemps à parler de classe sociale et de mépris social. Il en fait une question de respect pour les travailleurs ordinaires et cela constitue une grande partie de son langage aujourd'hui. »Après des études brillantes, Keir Starmer choisit de devenir avocat et se spécialise dans la défense des droits de l'homme, avant de devenir procureur général d'Angleterre et du Pays de Galles à la fin des années. En 2015 il se lance en politique et devient député pour le parti travailliste. Quatre ans plus tard le Labour de Jeremy Corbin est sèchement battu dans les urnes : Keir Starmer prend la tête du parti et replace au centre de l'échiquier une formation qui semblait alors incapable de revenir aux affaires. « Il a d'abord écarté un certain nombre de proches de Jeremy Corbyn qui étaient encore dans les instances du parti », rappelle Pauline Schnapper professeur à la Sorbonne Nouvelle et spécialiste du Royaume-Uni. « Il a donc exclu Corbyn lui-même, et il a recentré les éléments de politique qui étaient les plus impopulaires chez lui, et notamment tous les sujets de politique étrangère sur lesquels Corbyn était clairement en dehors du consensus britannique général, que ce soit sur la Russie, sur les Etats-Unis, sur l'Ukraine. »« Purge » chez les travaillistes« Une purge » au sein du Parti Travailliste, qui permet également à Keir Starmer de lutter contre les accusations d'antisémitisme formulées à l'époque contre le Labour. Le nouveau dirigeant travailliste complète ce recentrage par un volet économique, en renonçant notamment au programme de nationalisations défendu par Jeremy Corbyn. À l'image du New Labour de Tony Blair dans les années 1990, le parti travailliste façonné par Keir Starmer se veut « business friendly » et donc proche des entrepreneurs.  « C'est un programme prudent pour deux principales raisons, décrypte Pauline Schnapper. « Il y a une raison électorale qui consiste à ne pas faire peur aux électeurs et notamment à ceux qui avaient voté conservateur. Et comme c'est une tactique qui pour l'instant semble très bien marché il n'y a pas de raison de la modifier. Il y a aussi que la situation économique actuelle est tellement mauvaise que les travaillistes font attention de ne pas faire miroiter des dépenses inconsidérées. Les caisses sont vides et c'est la raison pour laquelle Keir Starmer insiste sur la nécessité de faire tout ce qu'il faut pour que la croissance reparte et que du coup, les rentrées fiscales soient plus importantes. »À l'approche des élections, Keir Starmer profite d'un contexte politique très favorable avec l'effondrement du parti conservateur. Mais, aux yeux du journaliste Tom Baldwin il a eu aussi le mérite de définir une stratégie et de s'y tenir. « Ce n'est pas une mince affaire de garder le cap sans se prendre les pieds dans le tapis, et c'est difficile d'être perçu comme quelqu'un de solide ! Ce n'est peut-être pas spectaculaire, mais c'est une vertu sous-estimée en politique. »  Keir Starmer l'a répété durant la campagne : il est candidat pour être Premier ministre et pas directeur de cirque. Message adressé à son aile gauche mais aussi aux électeurs du parti Tory… Sauf coup de théâtre cette stratégie rassurante et prudente devrait conduire l'ancien avocat au 10 Downing Street et à la tête du premier gouvernement travailliste depuis 14 ans.

    Rishi Sunak, le «fossoyeur» des Tories

    Play Episode Listen Later Jun 22, 2024 3:59


    Il pourrait être celui qui va tourner la page de 14 ans d'hégémonie des conservateurs au Royaume-Uni. Le Premier ministre britannique a fait un pari très risqué en appelant à des élections le 4 juillet prochain. Rishi Sunak joue gros ! Les sondages donnent la gauche largement en tête. Alors pourquoi mettre son mandat en jeu maintenant alors que l'opinion est contre lui ? « Peut-être que Rishi Sunak a vu une fenêtre de tir avec de bonnes nouvelles économiques et le début des déportations de migrants au Rwanda », estime Simon Usherwood, professeur en politique et relations internationales à The Open University près de Londres. « Et tout cela l'a poussé, je pense à tenter sa chance même si la situation paraît désespérée. » Une campagne calamiteuseRishi Sunak comptait sur son bilan pour une opération éclair. « Je peux comprendre que les gens soient frustrés… », assurait le Premier ministre dans une interview, il y a quelques semaines. « Bien sûr qu'on n'a pas tout bien fait. Aucun gouvernement ne l'a fait et je sais que ça reste difficile pour beaucoup de personnes. Je suis à ce poste depuis 18 mois et je pense que particulièrement sur le terrain économique, les gens peuvent constater que l'inflation est revenue à la normale, que l'économie se porte bien et que les salaires augmentent. C'est pour ça que nous avons des élections maintenant. » C'est raté. Sa campagne est un vrai chemin de croix. Des sondages calamiteux, la concurrence directe du candidat anti-immigration Nigel Farage, sans compter sa grosse bourde lors des commémorations du débarquement en France. Rishi Sunak a quitté les cérémonies avant la fin.Désamour avec la population Les enquêtes d'opinion sont cruelles : pour deux tiers des Britanniques, Rishi Sunak est un mauvais Premier ministre. À son arrivée à Downing Street, certains espéraient pourtant qu'il apporterait un vent nouveau chez les Tories : fils d'immigrés indiens devenus millionnaires, hindoue, ancien étudiant à Stanford aux États-Unis avant d'être banquier. Aurélien Antoine, professeur des universités, voit plusieurs explications à ce désamour : « Rishi Sunak paie déjà les conséquences des politiques passées qui n'ont pas donné de résultats. C'est celles de Boris Johnson ou encore le fiasco du passage éclair au 10, Downing Street de Liz Truss », développe le directeur de l'Observatoire du Brexit. « Lui-même a fait un certain nombre d'erreurs majeures. Tout dernièrement, par exemple, l'idée du retour de la conscription pour les jeunes à partir de 18 ans a été très mal vécue. Ou encore cette image de millionnaire. Du plus mauvais effet dans un Royaume-Uni qui souffre. » L'objectif aujourd'hui pour les Tories, ce n'est plus de gagner les élections, mais de limiter la casse.Quel avenir pour Rishi Sunak ?Au lendemain de la débâcle annoncée du 4 juillet, certaines mauvaises langues laissent entendre qu'il pourrait s'exiler en Californie. Rishi Sunak y a travaillé, il a une Carte verte et une belle maison à plus de 7 millions de dollars à Santa Monica. Mais à 44 ans, le conservateur assure qu'il veut rester au Parlement. Encore faut-il qu'il conserve son siège. « Il n'est pas garanti qu'il se maintienne dans sa circonscription du Yorkshire », prévient le chercheur Aurélien Antoine. « Au Royaume-Uni, depuis quelques décennies, on n'aime pas trop les "losers", on les voit plus trop réapparaître. Ce sera évidemment très compliqué, donc on le verra sans doute être intéressé par des emplois privés ou de conseils, comme ce fut le cas par exemple pour Tony Blair. Il se fera sans doute discret dans les prochaines années. »Succession chez les ToriesLes candidats pour reprendre la tête des Tories sont sortis du bois, l'ex-Première ministre Liz Truss ou bien encore la très droitière Suella Braverman. La succession a commencé. Le virage à droite toute du parti aussi. « Quel que soit celui ou celle qui va diriger le parti, une chose est claire : c'est que l'aile modérée des conservateurs va perdre du terrain », analyse Simon Usherwood. « Et donc ce sont les plus libéraux, ceux qui sont le plus à droite, qui vont donner le ton et devenir les futurs candidats ». Après 14 ans à la barre, les Tories sont rattrapés par l'usure du pouvoir et menacés par une concurrence toujours plus à droite.

    Herbert Kickl (Autriche): le chancelier du peuple ?

    Play Episode Listen Later Jun 15, 2024 4:42


    Dimanche 9 juin, le FPÖ, le parti de la liberté d'Autriche qui est aussi appelé le Parti libéral autrichien, s'est imposé lors des élections européennes avec vingt-cinq pourcents des voix. Un résultat un peu en deçà des projections faites avant le scrutin, mais qui démontre que ce parti qui a gouverné plusieurs fois en coalition est de retour après des années de crise suite notamment au scandale de l'Ibizagate. Un retour au premier plan qui est en grande partie le fruit du travail mené depuis 2021 et même avant par Herbert Kickl, le patron de cette formation. Une figure politique du pays, très radical dans ses positions, et qui a déjà occupé un poste ministériel de 2017 à 2019. Il n'a pas un parcours typique, pas de diplômes, mais il s'est très vite engagé en politique. Herbert Kickl, aujourd'hui âgé de cinquante-cinq ans, a fait ses classes dans l'académie du FPÖ entre 1995 et 2001 avant d'en être nommé directeur adjoint, puis directeur jusqu'en 2006. L'occasion pour lui de devenir un personnage incontournable, notamment la plume de Jörg Haider, l'ancien patron du FPÖ, puis le secrétaire général du parti jusqu'en 2018. Entre temps, Herbert Kickl a été ministre de l'Intérieur dans le dernier gouvernement de coalition entre le FPÖ et le Parti populaire autrichien avant qu'éclate le scandale de l'Ibizagate en 2019.Un scandale que résume Jérôme Segal, essayiste et historien franco-autrichien, maître de conférences à Sorbonne Université, également chercheur et journaliste à Vienne : « L'Ibizagate en deux phrases, c'est un enregistrement qui est paru en 2019, montrant qu'en 2017, à Ibiza, les deux principaux représentants du FPÖ se montraient prêts à vendre le pays à un oligarque russe en échange de contrats de chantier public, etc, en faveur de à la Russie. »À lire aussiÉlections européennes: en Autriche, le parti d'extrême droite FPÖ donné favoriL'Ibizagate, un tournant pour Herbert KicklLa publication de ses enregistrements va avoir l'effet d'une bombe, provoquant des élections anticipées et mettant fin brutalement à la carrière d'Heinz-Christian Strache qui dirigeait jusqu'alors le FPÖ et qui était au moment des faits vice-chancelier d'Autriche. C'est alors qu'Herbert Kickl va définitivement mettre la main sur cette formation d'extrême-droite, détaille Jérôme Segal : « Herbert Kickl, lorsqu'il prend les rênes du parti de manière officielle en 2021 (même s'il en était déjà la figure montante), juste après l'Ibizagate, décide de faire porter la faute de ce scandale à Strache. Une manière de dire que lui n'était pas du tout au courant et qu'il n'est pas du tout dans cet esprit-là. Et c'est comme ça que petit à petit, il a pu gagner la confiance de nombreux Autrichiens. »Après ce tournant, Herbert Kickl va choisir une tactique assez unique en son genre, comme l'explique Patrick Moreau, docteur en histoire et docteur d'État en sciences politiques, chercheur au CNRS et spécialiste de l'extrême-droite autrichienne : « Je dirai qu'il y a une méthodologie. Il faut prendre comme contre-exemple Marine Le Pen et sa pratique politique qui consiste à dédiaboliser le parti. Herbert Kickl lui a fait la réflexion résolument inverse. Il est partisan de la provocation permanente. Il considère que c'est le seul moyen, dans une société de consensus comme l'est la société autrichienne, de mobiliser tous les éléments protestataires, tous les éléments antisystèmes. C'est quelqu'un qui, avec une plume extrêmement acérée, avec des discours très violents, mobilise les masses.  Et ce discours passe très bien dans une partie de la société autrichienne. »Le FPÖ, la droite de l'extrême-droite européenneProvocateur, raciste, islamophobe, anti-immigration, pro-russe et partisan d'une sortie de l'Union européenne, Herbert Kickl est considéré comme la droite de l'extrême-droite étant donné la radicalité de ses positions. Un discours qui séduit et qui a permis à son parti de s'imposer aux élections européennes avant des législatives qui se profilent en septembre prochain.Un retour aux affaires de ce parti représenterait-il une menace pour la démocratie ? Pour Jérôme Segal, il existe encore des garde-fous : « Personnellement, je pense que la menace est réelle parce qu'on sait qu'ils ont des appuis très forts au ministère de l'Intérieur, dans les services de renseignement. Donc l'Autriche pourrait éventuellement pâtir d'une arrivée au pouvoir de l'extrême droite. En même temps, l'extrême droite serait forcément alliée, comme elle l'a été récemment entre 2000 à 2006, et à nouveau entre 2017 et 2019. Mais c'est délicat de savoir dans quelle mesure les conservateurs laisseraient les coudées franches à l'extrême droite. Actuellement, je pense que le pays est moins en danger qu'il ne l'a été, par exemple en 2017-2019 lorsque Herbert Kickl était ministre de l'Intérieur. »Dans l'optique des prochaines élections législatives, Herbert Kickl veut profiter de l'élan de son parti pour accentuer son avance dans les sondages. Et quelle que soit l'issue de ce scrutin, que son parti soit au pouvoir ou pas, il tirera son épingle du jeu, soit en rejetant la faute d'une mauvaise gestion à une éventuelle alliance entre les sociaux-démocrates et les conservateurs, soit en pointant du doigt les conservateurs si son parti s'allie avec eux et que la situation ne s'améliore pas.

    Le Parlement européen, puissance montante de l'Union européenne

    Play Episode Listen Later Jun 8, 2024 3:58


    Les élections européennes, qui s'achèvent ce dimanche 9 juin, sont hors normes avec quelque 370 millions d'électeurs pour un vote qui se décline dans 27 pays différents. Et c'est à l'issue de ce scrutin que se dessineront les nouveaux rapports de force au sein de l'hémicycle. Paradoxalement, la seule institution européenne élue directement par ses citoyens est aussi la moins bien connue de l'UE.  Elle joue pourtant un rôle de plus en plus important depuis la révision des Traités européens. Beaucoup d'électeurs pensent que le Parlement européen joue encore aujourd'hui un rôle essentiellement symbolique – et le caractère très national des élections européennes n'aide certainement pas à lutter contre ce préjugé.Ce fut certes le cas à l'époque où le Parlement n'était pas élu directement, et même après les premières élections directes qui furent instaurées en 1979. Mais, depuis le Traité d'Amsterdam de 1997, et surtout depuis le Traité de Lisbonne entré en vigueur en 2009, les eurodéputés jouent un véritable rôle de législateurs.  « Les lois européennes doivent toujours être adoptées par deux institutions : le Parlement qui représente les citoyens, et le Conseil qui représente les États membres », explique Jaume Duch, porte-parole du Parlement européen. « La Commission est en charge de présenter les propositions, mais c'est le Parlement et le Conseil qui doivent se mettre d'accord pour adopter les lois européennes. Donc, la plupart des lois qui nous affectent tous en tant que citoyen européen sont des lois qui passent par le Parlement européen, qui doivent être adoptées, modifiées, adoptées par ce Parlement européen. »À ce rôle de législateur s'ajoutent deux fonctions majeures : le contrôle du budget européen et l'investiture de la Commission européenne. Les 720 Européens qui seront désignés ce 9 juin devront approuver la nomination de chaque commissaire, et bien sûr celle du président ou de la présidente de la Commission. « Selon les traités, c'est le Conseil européen et donc les dirigeants des 27 États membres qui vont faire la proposition officielle pour le prochain président de la Commission », rappelle Jaume Duch.« Mais après, c'est le Parlement qui vote, c'est le Parlement qui élit. Et d'ailleurs, les traités prévoient logiquement qu'en cas de refus, le Conseil européen aura un délai d'un mois pour présenter une autre candidature. Donc, la personne qui voudra présider la Commission doit d'abord se faire nommer par les dirigeants européens… Mais après, elle doit obtenir une majorité absolue, plus de 361 voix au sein du Parlement européen. »À lire aussiLe Parlement européen adopte une législation inédite sur la liberté des médiasL'enjeu crucial du 9 juin Ursula von der Leyen, l'actuelle présidente de la Commission qui souhaite être reconduite pour un deuxième mandat, va devoir rassembler une majorité sur son nom… et c'est donc l'un des enjeux majeurs de cette élection. En 2019, l'ancienne ministre allemande de la Défense a été investie avec seulement 9 voix d'avance, et à l'issue de ces nouvelles élections il va lui falloir de nouveau batailler pour obtenir une majorité, ce qui n'a rien de garanti.   « Même si le Parti populaire européen qui fédère les partis de droite arrive vainqueur, comme les sondages le prévoient, il devra bien composer comme il l'a fait par le passé avec les sociaux-démocrates qui devraient être le deuxième groupe le plus important à l'issue des élections », décrypte Sébastien Maillard, conseiller spécial de l'Institut Jacques Delors. « Et tout l'enjeu est de savoir quel sera le troisième groupe : les centristes libéraux emmenés par la majorité macroniste en France ?  Ou bien, s'ils font un piètre score, le groupe des Conservateurs et Réformateurs qui sera dominé par Giorgia Meloni ? »À lire aussiUrsula von der Leyen, tête de liste du PPE pour les élections européennesPour l'heure, la dirigeante italienne a pris soin de ne pas dévoiler ses intentions pour l'après-10 juin. Mais deux possibilités s'offrent à la patronne du parti Fratelli d'Italia, qui devrait sortir en position de force de ces élections, et voir son nombre d'eurodéputés passer de 10 à une bonne vingtaine. Deux scénarios s'offrent à la Giorgia Meloni : accepter une alliance au coup par coup avec la droite conservatrice et avec Ursula von der Leyen, ou bien répondre à l'appel lancé par Marine le Pen, pour une alliance des extrêmes-droites à Strasbourg.Divergences au sein de l'extrême-droite« Ce deuxième scénario ne paraît pas crédible pour deux raisons », estime pour sa part Sébastien Maillard, « car il y a des divergences idéologiques et tactiques entre les différentes composantes de l'extrême-droite européenne. La guerre en Ukraine les a vraiment divisées puisque Georgia Meloni est pro-Otan et pour le soutien à l'Ukraine, ce qui n'est pas le cas du RN et des autres composantes du groupe Identité et Démocratie. Par ailleurs, Marine Le Pen a besoin d'être dans un groupe important, qui pèse au sein du Parlement européen – et encore plus depuis la rupture avec l'extrême-droite allemande. En revanche, Georgia Meloni n'est pas du tout dans la même position que Marine Le Pen : elle est au gouvernement, elle a besoin de rassurer ses partenaires, y compris vis-à-vis des marchés financiers. Tactiquement, elle a moins besoin de Marine Le Pen que Marine Le Pen n'a besoin d'elle ».Pas d'alliance formelle, mais une influence accrue : les formations d'extrême-droite pourraient remporter 25% des sièges au sein du Parlement ! Cela pèsera lourdement sur l'agenda et sur les orientations de la politique européenne dans les années à venir. Avec, notamment, un durcissement à prévoir sur les questions d'immigration et un désintérêt croissant pour la transition énergétique et la défense de l'État de droit.À lire aussiÀ l'heure des grandes manœuvres au Parlement européen

    Walter Baier, un «Spitzenkandidat» communiste bien seul à la tête de la gauche radicale

    Play Episode Listen Later Jun 1, 2024 4:24


    Dans le sillage des élections européennes du 9 juin, il y aura aussi les postes clés dans les institutions européennes à renouveler. Le plus important : la présidence de la Commission. Ursula von der Leyen est candidate à sa succession, mais elle n'est pas seule en lice. Parmi les prétendants issus de sept partis, les « Spitzenkandidaten » (ou têtes de liste), il y a le communiste Walter Baier du Parti de la gauche européenne (PGE). Fait étonnant, l'économiste âgé de 70 ans est un parfait inconnu en Europe. Walter Baier est un véritable ovni à Bruxelles, il n'a jamais été député européen ou joué un rôle dans les institutions européennes. Confronté à ce manque d'expérience, il a tenté d'en faire un atout, lors d'un débat avec ses concurrents :« L'Europe, ce n'est pas seulement Bruxelles. L'Europe, ce sont 27 pays et des millions de citoyens. La gauche européenne veut être la voix de ces citoyens, qui ne sont que rarement entendus à Bruxelles. »Pour en savoir plus sur ce candidat, il faut chercher du côté de l'Autriche, son pays natal, où on apprend qu'il est une figure bien connue du communisme autrichien. À partir des années 1970, Walter Baier gravit un par un les échelons du KPÖ, parti encore totalement aux ordres de Moscou. À cette époque, bien avant la chute du mur en 1989, Russes et Allemands de l'Est se servent d'ailleurs de leurs camarades autrichiens pour faire des affaires de l'autre côté du rideau de fer.Communisme autrichienWalter Baier incarne ce passé sulfureux :« C'est un fonctionnaire communiste depuis très longtemps, il vient d'une famille communiste. D'ailleurs, c'est l'incarnation de la vieille domination de l'URSS sur les partis communistes en Europe, estime le chercheur Patrick Moreau. Dans les documents que j'ai à ma disposition sur le financement du KPÖ, on voit que la Russie versait depuis fort longtemps 250 000 dollars chaque année au KPÖ. Naturellement, Walter Baier était au courant de ça. Il était à la fois l'homme du SED, le parti dominant en Allemagne de l'Est, et il était l'homme de Moscou. » De cette époque faste du parti communiste autrichien, des dizaines de millions d'euros restent d'ailleurs à ce jour introuvables.Cette proximité avec la Russie influence encore aujourd'hui les combats politiques de Walter Baier. Il suffit de prendre l'exemple la guerre en Ukraine. Walter Baier prône une « solution politique » et dit que « la fin des combats ne peut plus résulter du champ de bataille ». Bien qu'il se prononce en faveur de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de l'Ukraine, Walter Baier reste flou sur le sort des régions occupées par la Russie. « Il suit en réalité la ligne du président russe Vladimir Poutine qui consiste à dire qu'il faut impérativement négocier la paix au plus vite, analyse Patrick Moreau. Ce qui impliquerait donc une partition de l'Ukraine, c'est-à-dire de facto : ce que la Russie a pris à l'Ukraine devrait revenir à la Russie. »À lire aussiSuivez les résultats des élections européennes 2024Rempart contre l'extrême droiteL'un des thèmes de campagne du candidat du PGE est la lutte contre l'extrême droite. Walter Baier se voit comme un rempart contre la montée du populisme et accuse Ursula von der Leyen de flirter avec l'extrême droite. L'actuelle présidente de la Commission n'a en effet pas fermé la porte à une éventuelle collaboration entre son groupe de centre droit, le Parti populaire européen (PPE) et le groupe ultranationaliste des Conservateurs et Réformistes européens (CRE).« Il ne peut y avoir le moindre compromis avec l'extrême droite, lance alors le candidat dans un débat entre les "Spitzenkandidaten" à l'adresse d'Ursula von der Leyen. J'étais choqué de vous entendre dire que la coopération avec eux dépendrait du résultat des élections. Pour moi, la question sociale est essentielle. Tant que nous n'offrons pas une vie digne, des logements abordables et des emplois stables aux gens, nous ne serons pas capables de vaincre l'extrême droite en Europe. »Pas l'unanimitéPeut-il marquer des points sur ce terrain de la lutte contre l'extrême droite ? « Il est crédible sur ce point, les partis communistes ont une tradition fortement antifasciste, dit Andreas Eisl, chercheur à l'institut Jacques Delors et Autrichien comme Walter Baier, mais c'est un sujet mis en avant aussi par d'autres partis européens, notamment les sociaux-démocrates. Pour proposer quelque chose de crédible, il faut de l'unité. C'est l'un des grands problèmes de la gauche radicale qui reste très fragmentée. »Walter Baier ne fait en effet pas l'unanimité au sein de sa famille politique. Si ses camarades français du PCF soutiennent sa candidature, ce n'est pas le cas de La France insoumise, ni des Espagnols de Podemos et encore moins du Die Linke allemand. Pour eux, Walter Baier fait partie de la vieille garde communiste, dont ils préfèrent prendre leurs distances.À lire aussiEn Autriche, l'immigration au cœur des européennes

    Anders Vistisen, le candidat danois qui rejette l'Europe

    Play Episode Listen Later May 25, 2024 4:22


    Dans tout juste trois semaines se tiennent les élections européennes. Parmi les têtes d'affiche cette année, un certain Anders Vistisen, qui fait office de candidat pour la présidence de la Commission européenne, le fameux « Spitzenkandidat », pour le groupe Identité et démocratie (ID), qui regroupe plusieurs formations d'extrême droite au Parlement européen. Anders Vistisen est également la tête de liste du Parti populaire danois, une formation en perte de vitesse, à l'image du groupe ID. C'est le petit jeune des « Spizenkandidat » cette année, c'est-à-dire des candidats des groupes au Parlement européen qui briguent la présidence de la Commission. Mais Anders Vistisen n'en a cure, lui qui était déjà le plus jeune eurodéputé élu en 2014, lorsqu'il avait tout juste 26 ans. Eurosceptique, préconisant pendant des années le « Daxit », la sortie du Danemark de l'Union européenne, fortement islamophobe, il est le candidat désigné du groupe ID au Parlement européen, le groupe d'extrême droite Identité et démocratie qui regroupe les Allemands de l'AFD, les élus du Rassemblement national ou encore les Italiens de la Ligue du Nord, le parti de Matteo Salvini.Une tête de liste inconnue au niveau de l'Union européenne et pas seulement, détaille Rune Stubager, professeur en sciences politiques à l'Université d'Aarhus au Danemark : « Il n'est pas tellement plus connu au Danemark. Il a fait l'essentiel de sa carrière à Bruxelles en tant qu'eurodéputé et n'a donc pas été très présent sur la scène politique nationale. C'est la première fois qu'il se présente en tant que tête de liste de son parti au Danemark. Nous n'en savons donc pas beaucoup plus sur lui. Mais pour autant que je sache, il a en quelque sorte grandi au sein du Parti populaire danois, dans son organisation pour les jeunes. Il s'est ensuite présenté au Parlement européen, a été élu et maintenant, il est considéré comme le meilleur candidat pour être tête de liste aux élections européennes. »Un personnage peu charismatique, mais consensuelMais pourquoi le groupe ID a choisi Anders Vistisen pour occuper ce rôle, sachant que parmi les élus membres d'Identité et démocratie, des figures politiques plus connues auraient pu être désignées ? Pour Cyril Coulet, spécialiste des pays nordiques et ancien chercheur à l'Institut suédois de relations internationales, c'est justement parce qu'il n'est pas trop connu et trop clivant qu'ID l'a choisi : « C'est une personnalité somme toute assez consensuelle par rapport aux idées défendues par ces formations politiques qui, par ailleurs, vient d'une petite formation qui ne peut pas prétendre à une quelconque hégémonie d'un point de vue idéologique sur le contenu de la position du groupe Identité et démocratie. Et donc c'est un choix de réseau avec une personnalité qu'on peut qualifier d'a priori peu charismatique. »Sa formation en perte de vitesseAnders Vistisen profite de cette position pour se faire connaître et entendre, car même s'il est le « Spitzenkandidat » de son groupe, il n'est pas pour autant assuré d'être à nouveau élu député européen, sa formation des Démocrates danois étant en perte de vitesse ces dernières années. Une situation surprenante pour un parti qui avait obtenu plus de 26% des voix en 2014, mais logique étant donné les problèmes accumulés ces dernières années, détaille Rune Stubager : « Le parti a connu des hauts et des bas. Il a obtenu un très bon résultat aux élections législatives de 2015, mais a ensuite décidé de ne pas rejoindre le gouvernement qui a été formé. Ce qui semble avoir déçu un grand nombre de ses électeurs, parce qu'ils avaient l'impression d'avoir la possibilité d'accéder au pouvoir, ce que n'a pas fait le parti. Cette formation est alors entrée dans une période de conflit interne. Dans ce même laps de temps, nous avons assisté à la création de deux nouveaux partis qui se disputent le même type d'électeurs : la Nouvelle droite et les Démocrates danois. On peut donc dire qu'ils souffrent à la fois de problèmes internes et d'une concurrence externe. »Quid de l'avenir d'Anders Vistien ?En perte de vitesse sur la scène nationale, ce parti pourrait bien ne plus être représenté au Parlement européen après le scrutin du mois de juin. Une situation qui n'inquiète pas Cyril Coulet qui estime qu'Anders Vistisen est à même de rebondir : « Il a fait toute sa carrière au Parlement européen, mais il a eu aussi des mandats locaux et c'est quelqu'un qui fait partie de l'appareil politique, mais vraiment du sommet de l'appareil politique du Parti populaire danois. Donc aujourd'hui, ce serait un revers, sans doute que ça porterait atteinte à son crédit à l'intérieur. Et d'autre part, il a été en position de pouvoir briguer, à un moment donné, la présidence de ce parti. Évidemment, son devenir politique va être en partie lié au résultat de ces élections européennes dont il est aujourd'hui la tête de liste. Sans doute qu'un échec électoral viendrait fragiliser sa position à l'intérieur de sa formation politique. »Anders Vistisen joue sa survie politique lors de ce scrutin européen et pas seulement. ID, son groupe au Parlement européen, pourrait bien perdre de sa superbe face à l'autre groupe d'extrême droite, les Conservateurs et réformistes européens (ECR), qui, contrairement à ID, pourrait bien devenir un acteur incontournable pour les institutions européennes. À 36 ans, Anders Vistisen devra donc choisir entre poursuivre avec un parti et un groupe en perte de vitesse ou profiter de l'occasion pour réorienter sa carrière.À lire aussiÉlections européennes: l'avenir de l'UE en question?

    Nicola Procaccini, l'homme de confiance de Giorgia Meloni à Bruxelles

    Play Episode Listen Later May 17, 2024 3:56


    C'est l'un des principaux visages de l'extrême droite au Parlement de Bruxelles et de Strasbourg : Nicola Procaccini est notre Européen de la semaine sur RFI. À trois semaines des élections européennes, suite de notre tour d'horizon des personnalités qui comptent dans ce scrutin. L'eurodéputé italien est le vice-président du groupe des Conservateurs et réformistes européens. C'est aussi l'homme de confiance de Giorgia Meloni à Bruxelles. Nicola Procaccini est un proche parmi les proches de la cheffe du gouvernement italien. Ils se connaissent depuis leurs études quand ils étaient étudiants à la faculté à Rome. Ils militent ensemble au sein de l'organisation de jeunesse de l'Alliance nationale. Nicola Procaccini a ensuite suivi de près Giorgia Meloni dans son ascension politique. Il a par exemple été son porte-parole quand elle était la ministre de la Jeunesse de Silvio Berlusconi. Et son fauteuil au Parlement européen, il le doit à son amie : en 2019, Giorgia Meloni renonce à son siège, le voilà député européen. « Ils se connaissent depuis toujours, depuis qu'ils étaient gamins », raconte Giuseppe Bettoni, professeur de géographie politique à l'université Tor Vergata de Rome.« Georgia Meloni, encore aujourd'hui, vit sur la base d'un groupe très restreint d'amis. En dehors de ce cercle, il y a Nicola Proccacini, un autre homme de confiance pour elle. Et c'est sur lui sans doute que va reposer la confiance de tout le groupe de Frattelli d'Italia une fois que Georgia Meloni aura renoncé à sa charge, bien sûr. »Droite radicaleÀ 48 ans, Nicola Procaccini est quelqu'un de pragmatique, notamment sur les questions migratoires. Efficace et très présent, il a été classé 10e député européen le plus influent dans le Top 40 établi par Politico l'an dernier. Mais à côté de ça, pas de doute, il est d'une droite radicale. Lors d'un débat sur le fascisme en Europe, il a par exemple défendu les fascistes qui ont manifesté le 7 janvier à Rome : « L'objectif ici est de salir l'Italie et de diffamer les jeunes. Premièrement, ce n'était pas un défilé, mais une simple commémoration. Une commémoration qui existe depuis 40 ans et qui se tient chaque année. Alors oui, certains militants font le salut fasciste, mais ils sont de moins en moins nombreux… »L'objectif de Nicola Procaccini, numéro 2 sur la liste menée par Giorgia Meloni, est de reproduire au niveau européen ce qu'a fait son parti Fratelli d'Italie en Italie : unir les droites conservatrices. Et les Européennes s'annoncent bien pour les droites radicales selon les sondages. Le groupe ECR pourrait devenir la troisième force au Parlement européen. Avec un rêve : être une sorte de faiseur de rois entre la droite du PPE et la gauche.Giorgia Meloni, la tête d'afficheECR n'a pas voulu avoir de « spitzenkandidate », une tête d'affiche au niveau européen. En réalité, c'est bien Giorgia Meloni qui joue ce rôle. Son parti domine numériquement le groupe ECR. Et c'est indéniablement la plus connue des candidats. Elle est tête de liste en Italie, mais sans réelle intention de quitter Rome pour Bruxelles. Qu'importe, c'est bien elle qui négocie avec Ursula von der Leyen. En plus, selon l'universitaire Giuseppe Bettoni, les deux femmes s'entendent bien : « Il y a un très bon rapport avec Ursula von der Leyen et Giorgia Meloni, mais est-ce qu'Ursula von der Leyen va être le cheval sur lequel elle va tout tenter une fois qu'elle arrive, éventuellement si elle y arrive, à faire d'ECR la troisième force du Parlement européen qui peut décider qui va être le roi ? C'est clair qu'ils font des calculs déjà, comme s'il s'agit d'une puissance à niveau politique et européen. » La présidente de la Commission européenne, candidate à sa succession, s'est déclarée prête à collaborer avec les élus ECR. Ces élections vont quoiqu'il arrive confirmer l'ascension des populistes européens et leur place de plus en plus incontournable à Bruxelles et Strasbourg.À lire aussiÉlections européennes: vers un glissement du côté de la droite radicale?

    Terry Reintke et Bas Eickhout, têtes de liste continentales des Verts pour les européennes

    Play Episode Listen Later May 11, 2024 4:08


    Ils mènent une campagne qui n'est pas des plus faciles pour les Verts : l'eurodéputée allemande Terry Reintke, 36 ans, et son collègue néerlandais Bas Eickhout, 47 ans, sont les têtes de liste des écologistes à niveau continental pour les élections européennes. Les sondages leur prédisent un recul substantiel par rapport au scrutins de 2019, où ils étaient parvenus à devenir le 4e groupe au Parlement européen. Si les Verts sont à la peine, c'est avant tout parce que le contexte géopolitique a changé. En 2019, les écologistes avaient le vent en poupe, avec la multiplication des manifestations pour la défense du climat. À l'époque, « l'émergence de mouvements comme Fridays for future a fait augmenter le soutien de la population partout en Europe à cette cause climatique​​​​​​, observe Jeanette Süss, chercheuse au Comité d'études aux relations franco-allemandes (Cerfa), à l'Institut français des relations internationales (Ifri). Mais avec la crise Covid, la guerre en Ukraine, la hausse des prix, l'inflation, bien d'autres sujets sont venus sur le devant de la scène et les Verts ils ont de plus en plus de mal à se battre pour cette cause climatique qui représente quand même l'ADN du parti. »Face aux divers mouvements de protestation qui ont secoué plusieurs États membres, la Commission européenne a fait des concessions sur le Pacte vert. « En 2019, on avait une Ursula von der Leyen qui nous annonçait son grand projet semblable au projet d'envoyer un homme sur la Lune. Imaginez un instant que JFK ait dit au bout de quatre ans : on est à mi-chemin, on peut s'arrêter là. Le Pacte vert était un bon début, mais nous ne sommes qu'au départ de ce marathon », considère Bas Eickhout lui-même. L'eurodéputé sait de quoi il parle : issu de la gauche écologiste, il a été chercheur à l'Agence néerlandaise pour l'amélioration de l'environnement avant d'être élu député européen en 2009. Deux ans plus tôt, il avait partagé le prix Nobel de la paix avec les autres co-auteurs du rapport du Giec sur le changement climatique.Aujourd'hui vice-président de la commission Environnement, Santé publique et Sécurité alimentaire, le Néerlandais est tête de liste pour la deuxième fois d'affilée ; en 2019, il avait mené la campagne européenne des Verts avec l'Allemande Ska Keller. Élu expérimenté, il connait bien les arcanes du Parlement. « Un bon choix », estime Camille Defard, responsable du centre énergie-environnement de l'Institut Jacques Delors. « C'est quelqu'un qui est très technique, qui connait très bien les dossiers et qui a une belle aura politique au sein de l'écosystème », observe-t-elle.Extrême droite cibléeDe onze ans sa cadette, Terry Reintke est en lice pour un troisième mandat. Lors de sa première élection en 2014, cette native de Gelsenkirchen dans la Ruhr, née un 9 mai, Journée de l'Europe, était alors la plus jeune eurodéputée de l'hémicycle. Elle est aujourd'hui la vice-présidente du groupe des Verts/Alliance libre européenne. Tout au long de la campagne, elle a insisté sur la menace que constitue, selon elle, la montée de l'extrême droite dans les sondages. « Cette menace existe, nous ne pouvons pas le nier », a-t-elle lancé, avant d'appeler les militants et les élus à ne pas rester les bras croisés en s'inspirant d'exemples comme la Pologne, où après huit années de gouvernement populiste Pis, le gouvernement est désormais dirigé par le pro-européen Donald Tusk.Dans plusieurs pays européens, dont la France et l'Allemagne, l'extrême droite pourrait arriver en première ou deuxième position aux élections européennes. Un mauvais signal pour les Verts, qui, de quatrième force au Parlement, pourraient être rétrogradés à la sixième place, derrière les formations d'extrême droite ID et ECR. « L'extrême droite arrive à monopoliser sur certains sujets et à présenter le Pacte vert comme une menace pour la compétitivité et comme un monstre bureaucratique », note Jeannette Süss. Face à cela, les Verts ont du mal à convaincre les électeurs sur le fait que compétitivité, croissance et environnement peuvent faire bon ménage. « Ils ont lancé un Pacte vert industriel, comme un contre-exemple de celui présenté par la Commission européenne ​​​​​​​», rappelle la chercheuse.Les Verts allemands à la peinePlus connue à Bruxelles qu'à Berlin, Terry Reintke, représentante de Die Grünen, les Verts allemands, eux-mêmes engagés dans une coalition social-démocrate-libérale affaiblie, a fort à faire. Sa désignation est « un pari sur sa capacité à mobiliser les électeurs allemands ​​​​​​​», estime Camile Defard, qui souligne le « poids disproportionné des libéraux par rapport à leur poids électoral dans l'inflexion de ce gouvernement de coalition. Ça ne profite absolument pas aux Verts parce qu'ils sont associés à un gouvernement qui n'arrive pas à faire passer les réformes qu'ils souhaitent. » À l'échelle nationale allemande, il y a beaucoup de discussions et de polarisation, souligne Jeannette Süss : « Les Verts ont du mal à s'imposer, notamment face aux libéraux, ce qui provoque des discussions houleuses autour de plusieurs mesures environnementales contraignantes. Par ailleurs, les sondages ne leur attribuent pas de véritable compétence sur le plan économique. »Les mouvements des agriculteurs ont placé les Verts en première ligne des critiques. Les écologistes se disent prêts à continuer à défendre le Green Deal, de plus en plus contesté par certaines catégories, telles que les agriculteurs. La tâche s'annonce délicate : « L'atmosphère, l'humeur du temps en Europe, n'est pas tellement positive pour les thèmes de l'environnement et du réchauffement climatique. Actuellement, l'écologie est un peu en défense plutôt qu'en attaque », note Daniel Boy, directeur de recherche numérique à Sciences Po. Dans ce contexte, souligne-t-il, les Verts ne seront pas en position d'en demander plus. « Rehausser encore plus l'ambition climatique n'est pas la priorité. La priorité, c'est la mise en œuvre des textes qui ont déjà été adoptés », abonde Camille Defard. « Les Verts pâtissent de leurs très grandes ambitions climatiques et du manque de moyens dont on dispose pour les réaliser, que ce soit au niveau européen, national ou local. »Défini au congrès de Lyon, le projet de programme électoral européen des écologistes européens reste ambitieux. Il souhaite que l'UE atteigne la neutralité climatique d'ici à 2040, soit dix ans plus tôt que prévu.

    Marie-Agnes Strack-Zimmermann, tête de liste Renew aux élections européennes

    Play Episode Listen Later May 4, 2024 4:09


    Elle est très connue en Allemagne et devra se faire un nom désormais sur la scène européenne : Marie-Agnes Strack-Zimmermann sera l'une des trois têtes de liste du groupe centriste Renew lors du scrutin du 9 juin, aux côtés de la Française Valérie Hayer et de l'Italien Sandro Gozi. Députée au Bundestag depuis 2017, membre du parti libéral allemand FDP, elle prône une aide militaire accrue à l'Ukraine et c'est sur ce point en particulier qu'elle devrait faire campagne. Ses premières prises de parole en tant que candidate aux européennes ont porté sur l'Ukraine et sur les questions de défense : pour Marie-Agnes Strack-Zimmermann, la guerre lancée par Vladimir Poutine a montré à l'Union européenne qu'elle devait s'affirmer en tant que puissance militaire. « Nous devons rester unis, nous devons créer une défense commune, a-t-elle ainsi lancé lors du premier débat organisé à Maastricht, le 29 avril, entre les têtes de liste des principaux groupes européens. Nous devons nous réveiller en tant qu'Union européenne, et nous devons le faire maintenant ! »Chevelure argentée, visage sec et parfois sévère, Marie-Agnes Strack-Zimmermann s'est fait un nom en Allemagne à la tête de la Commission de la défense du Bundestag. Une parlementaire de choc, appréciée pour sa pugnacité mais aussi pour son sens de la formule. « Il faut l'écouter en allemand, car alors on comprend combien elle est directe et comment elle s'est fait comprendre par le grand public, souligne Sandro Gozi, eurodéputé Renew qui sera à ses côtés l'un des porte-drapeaux du groupe centriste pour l'élection du 9 juin. Elle est invitée en permanence des talk-shows allemands parce qu'elle sait se battre dans les débats télévisés. Elle a un caractère très combatif, mais elle utilise aussi un langage très direct, sans jamais être vulgaire mais très franc. »Un chancelier hésitantAujourd'hui âgée de 66 ans, fan de moto et mère de trois enfants, Marie-Agnes Strack-Zimmermann rêvait quand elle était jeune de devenir journaliste radio. Mais elle fera carrière dans l'édition, avant d'opter pour la politique locale à Düsseldorf, puis nationale dans les rangs du parti libéral FDP. Et c'est donc au Bundestag, à la tête de la Commission de la défense qu'elle s'illustre, en critiquant la faiblesse du soutien militaire apporté à l'Ukraine par Olaf Scholz, le chancelier allemand.« Elle s'est positionnée face à un chancelier qui est extrêmement hésitant sur ces questions, décrypte Delphine Deschaux-Dutard, maîtresse de conférence à l'Université de Grenoble-Alpes et directrice adjointe du Centre d'études internationales sur la sécurité internationale (Cesice). Il y a des allers-retours depuis 2022, avec des phases où Olaf Scholz est très allant sur les questions de défense, et puis d'autres phases où il l'est moins - comme actuellement avec la question de la livraison des missiles Taurus. Et c'est là qu'elle peut jouer un rôle en tant que présidente de la Commission défense. » Les missiles Taurus, ces missiles de croisière que l'Ukraine demande à l'Allemagne mais qu'Olaf Scholz refuse de livrer, sont au cœur d'une bataille politique qui divise profondément la coalition « tricolore » au pouvoir à Berlin (Socialiste, Libéraux, Verts).Les missiles de la discorde« Marie-Agnes Strack-Zimmermann rejette les arguments avancés par Olaf Scholz, abonde Hans Stark, professeur à la Sorbonne et conseiller à l'Institut française de Relations internationales. Le chancelier pointe la portée de 500 kilomètres des Taurus, qui permettrait à l'Ukraine de frapper Moscou. Or, certains experts disent qu'il est possible de réduire cette portée. Olaf Scholz explique aussi qu'il faut des soldats allemands sur place pour contrôler l'emploi des Taurus. Là encore, les experts disent que d'autres peuvent le faire à la place des Allemands… Ce sont ces contradictions que dénonce Marie-Agnes Strack-Zimmermann – alors qu'à ses yeux la livraison des Taurus permettrait aux Ukrainiens de frapper le pont de Kertsch, et donc d'affaiblir le ravitaillement des troupes dans le sud de l'Ukraine. »Dans ce débat qui déchire la coalition au pouvoir à Berlin, Marie-Agnes Strack-Zimmerman est devenue l'une des voix les plus critiques et les plus redoutées du chancelier allemand. À Strasbourg et à Bruxelles, c'est vers Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, que pourraient se diriger désormais les flèches acérées de la députée allemande. Dans les premiers entretiens donnés en tant que tête de liste Renew pour les élections européennes, la candidate n'a pas ménagé sa compatriote, l'accusant notamment d'avoir bien trop tardé à mettre la Défense au cœur des priorités européennes. Comme un avant-goût des joutes qui pourraient opposer les deux femmes au Parlement européen.

    Ursula von der Leyen, tête de liste du PPE pour les élections européennes

    Play Episode Listen Later Apr 27, 2024 4:24


    Ursula von der Leyen ambitionne d'être reconduite à la tête de la Commission européenne pour un nouveau mandat de cinq ans. Elle a reçu l'aval de sa famille politique le mois dernier lors du congrès du PPE à Bucarest. Figure la plus connue des institutions européennes, l'Allemande, tête de liste du Parti populaire européen, pour l'élection de juin, a su manœuvrer face aux crises qui ont émaillé son mandat, mais elle est aussi critiquée pour ses méthodes de gestion jugées trop autoritaires. Louée ou vilipendée, Ursula von der Leyen est aujourd'hui le visage de l'Union européenne. « C'est l'une des femmes les plus connues au monde. Joe Biden ne doit plus réfléchir à qui téléphoner lorsqu'il veut régler des affaires européennes », souligne l'eurodéputé belge germanophone Pascal Arimont. Quasi inconnue sur la scène internationale il y a cinq ans, la ministre de la Défense d'Angela Merkel avait été élue présidente de la Commission européenne, avec une majorité de neuf voix seulement. Elle était arrivée là un peu par hasard, placée par les 27 en dépit des usages, poussée, en particulier, par le président français Emmanuel Macron, qui s'était opposé à la nomination de Manfred Weber, pourtant chef de file du PPE, arrivé en tête des européennes. À l'époque, irrité par la manière dont elle avait été désignée, Pascal Arimont, bien que membre du PPE, avait voté contre sa candidature. Cinq ans après, il a revu son jugement, la gratifiant d'un « bon 7 sur 10 », pour « sa manière de donner un visage à une Europe soumise à ces multiples crises des cinq années dernière, surtout la guerre en Ukraine, le Covid. C'est vraiment une bosseuse. Ça se voit aussi dans la multitude des textes sur lesquels on a dû travailler ».L'Allemande, âgée de 65 ans, mère de sept enfants, est « une politicienne très expérimentée, parfois dure, qui défend ses objectifs. Elle a fait avancer les réponses européennes dans des situations particulièrement difficiles », note Daniela Schwarzer, directrice du programme européen du German Marshall Fund à Berlin et membre du Conseil d'administration de l'Institut Jacques Delors. Entre l'épidémie mondiale de Covid et la guerre en Ukraine, Ursula von der Leyen a dû affronter une multitude de crises. Au cours de son mandat, elle s'est notamment illustrée pour la mise en place du Pacte vert, l'achat commun de vaccins et sa défense acharnée de l'Ukraine.Un mandat émaillé de polémiquesMais son mandat a aussi connu une série de scandales. « Quand on travaille beaucoup, on fait aussi des erreurs », relève Pascal Arimont. Durant la pandémie, elle est mise en cause dans le « Pfizergate », avec ces SMS échangés avec le PDG du groupe pharmaceutique qui fabrique des vaccins achetés avec les fonds publics européens, qui donne lieu à une enquête du Parquet européen. Plus généralement, on lui reproche une gestion opaque, trop centralisée. Le député français MoDem Philippe Latombe a récemment signé un billet dans la Tribune intitulé « Pourquoi Ursula von der Leyen ne doit pas rester présidente de la Commission européenne ».L'élu centriste français y dénonce « le tropisme atlantiste de la présidente la Commission européenne (qui) la pousse à des choix discutables au regard des intérêts des citoyens européens ». Il cite « le manque de transparence »dans l'attribution des contrats avec Pfizer, mais aussi l'épisode de la nomination avortée de l'Américaine Fiona Scott Morton à la direction générale de la concurrence ou l'attribution du poste d'envoyé spécial pour les PME à Markus Pieper, un député allemand de la CDU, sa famille politique. « Elle le nomme contre l'avis de tout le monde et sans écouter ce que disent les parlementaires européens. Et ça n'est pas elle qui le démet à l'arrivée, c'est Pieper qui dit :  je ne pourrais pas exercer mes fonctions dans ce cadre de défiance. Elle n'a pas écouté qui que ce soit. Ça n'est pas normal », dénonce Philippe Latombe.Contestée au sein de sa familleUrsula von der Leyen « est contestée, y compris dans l'aile droite de son parti », relève Thibault Muzergues, conseiller politique à l'International Republican Institute pour l'Europe et l'Euro-Med à Rome. Certains groupes nationaux appartenant au PPE, à l'instar des Républicains français, ont voté contre elle, en mars, au congrès de Bucarest, où sa candidature a été entérinée. Ses détracteurs l'accusent d'être trop à gauche et de faire la part belle aux socialistes et aux centristes de Renaissance au Parlement européen. « Elle a eu un positionnement, où elle a, effectivement, donné des gages à la gauche, un peu par inclination, mais aussi par nécessité », note le politiste, soulignant la proximité de l'ancienne ministre de la Famille puis de la Défense allemande avec Angela Merkel, « qui a toujours préféré faire faire des coalitions sur sa gauche, plutôt que de travailler l'aile droite de la CDU ». Par ailleurs, « pour avoir des majorités dans le Parlement européen sortant, il était nécessaire de s'appuyer sur la gauche », précise l'auteur de Postpopulisme (2024, Les éditions de l'Observatoire).À la tête de la Commission, Ursula von der Leyen a impulsé des chantiers ambitieux. Elle a porté le Pacte vert, ce plan d'investissement qui doit faire de l'Europe un continent neutre en carbone en 2050. D'ambitieuses réformes ont été adoptées dans les transports et l'énergie, mais d'autres dispositions se sont heurtées à des résistances. L'une des dispositions du Pacte vert, la loi sur la restauration de la nature, est critiquée par une partie de la droite, qui y voit une menace pour l'agriculture, la compétitivité ou le pouvoir d'achat.« Ce qui manque un peu, c'est le deal dans le Green deal, qu'on donne de l'air aux entreprises et qu'on les aide à développer tout ce tissu économique nouveau », souligne l'eurodéputé Pascal Arimont, parmi les moins critiques du bilan d'Ursula von der Leyen.À l'approche des Européennes, la Commission a lâché du lest et a fait des concessions sur ces textes destinés à défendre l'environnement. « Aujourd'hui, en tant que candidate, on voit qu'elle est moins ambitieuse sur ces questions pour faire plaisir à son parti, mais aussi parce qu'il y a le risque que l'extrême-droite sorte renforcée de ces élections européennes. Pour moi, c'est une déception parce qu'elle a quand même défendu son programme et ses priorités pendant cinq ans », regrette Daniela Schwarzer.Concessions à la droiteÀ l'approche du scrutin de juin, la présidente de la Commission est l'une des cibles préférées de l'extrême droite et des eurosceptiques. En fin d'année dernière, elle a fait l'objet d'une campagne d'affichage anti-européenne du gouvernement hongrois. On pouvait y voir Ursula von der Leyen à côté d'Alexander Soros, le fils du milliardaire George Soros, bête noire de Viktor Orban, accompagné du slogan : « Ne dansons pas sur l'air qu'ils sifflent ! ». Visiblement pas rancunière, quelques semaines plus tard, la présidente de la Commission décidait, à la veille d'un sommet crucial pour l'Ukraine, de débloquer 10 milliards de fonds bloqués pour en raison d'entraves à l'État de droit en Hongrie. Plusieurs élus européens l'ont alors critiquée pour avoir « cédé au chantage » de Viktor Orban. Le Parlement européen a décidé de contester ce dégel des fonds devant la Cour de justice de l'Union européenne. Les conservateurs du PPE, et leur chef de groupe Manfred Weber, ne s'y sont pas opposés. « Elle a un devoir de transparence maximale », souligne l'eurodéputé Pascal Arimont.L'avenir politique d'Ursula von der Leyen va dépendre des résultats des élections européennes et des alliances qui pourront être formées au Parlement, où les forces d'extrême droite risquent d'être plus nombreuses. Elle doit mener une campagne en jouant les équilibristes, promettant des mesures de nature à satisfaire la droite, sans renier son bilan écologique et social.À lire aussiUnion européenne: le congrès du PPE, première épreuve de vérité pour Ursula von der Leyen

    Pello Otxandiano, l'indépendantiste basque qui ne veut pas encore du pouvoir

    Play Episode Listen Later Apr 19, 2024 4:16


    Ce dimanche 21 avril se tiennent les élections régionales au Pays basque. Pour la première fois depuis le retour de la démocratie, une autre formation nationaliste que le parti nationaliste basque pourrait bien l'emporter. Il s'agit d'Euskal Herria Bildu, une formation que beaucoup estiment être liée à l'ancien groupe terroriste ETA. Un parti souverainiste, indépendantiste et radical de gauche qui a placé comme tête d'affiche pour ce scrutin un certain Pello Otxandiano. C'est un personnage sorti de nulle part pour nombre d'Espagnols, mais qui, en l'espace de quelques années, a fait preuve d'une ascension fulgurante. Pello Otxandiano, né dans le village qui porte le nom de sa famille, ingénieur de 41 ans, défenseur de la langue et de la culture basque, amant de la nature et de la montagne, pianiste autodidacte, père de deux enfants, a su, en un peu plus de dix ans, s'imposer comme la figure à même de convaincre les électeurs basques que son parti pouvait être celui du changement. « Il illustre le renouvellement de EH Bildu, qui est un parti associé au souvenir du terrorisme de l'ETA, développe Benoît Pellistrandi, historien et spécialiste de l'Espagne. En choisissant Pello Otxandiano, le parti a voulu procéder à un changement d'image. Cet homme, tout en étant dans le milieu militant du parti, a fait ses classes chez les jeunes de Bildu, c'est-à-dire le groupe Sortu, et permet à EH Bildu de récupérer le vote de l'ensemble de la gauche, et de la gauche radicale, qui s'est effondré aux pays basques, et de pouvoir prétendre gagner les élections, à défaut peut-être de pouvoir gouverner la région. Donc, Pello Otxandiano, il est absolument essentiel dans le changement, non pas d'identité, mais d'image du groupe politique EH Bildu. »Un candidat qui sait convaincre les jeunes électeursUn changement d'image, mais aussi un renouvellement de l'électorat. Car l'ETA a cessé toute activité criminelle depuis 2011 et a même annoncé sa dissolution en 2018. Et pour une partie de l'électorat basque, la proximité entre EH Bildu et l'organisation terroriste basque indépendantiste d'inspiration marxiste-léniniste n'est pas un facteur qui compte. « Je ne pense pas que ce soit lui qui fasse gagner les élections, considère Maria Elisa Alonso, politologue, enseignante et chercheuse à l'Université de Lorraine. C'est vraiment le parti, parce qu'après que l'ETA a abandonné les armes, ce parti-là s'est vraiment inscrit dans une dynamique démocratique. Et c'est vrai que ce parti a réussi à faire tout un travail de renouvellement des cadres. Mais surtout, cette formation attire énormément les jeunes électeurs qui n'ont pas connu les années noires de l'ETA et qui finalement se sentent très proches de EH Bildu. Parce que ce parti répond aux demandes des jeunes, il se met du côté de l'environnement, en faveur du progrès social, donc il est très proche des demandes des jeunes. »Encore trop tôt pour prendre la direction de la régionEH Bildu était légèrement en tête des derniers sondages avant le scrutin de dimanche. Et comme le précise Maria Elisa Alonso, cette avance est en grande partie due au fait que ce parti su convaincre les jeunes électeurs. Mais il y a également le travail local au niveau des nombreuses mairies gérées par cette formation qui a permis d'attirer de nouveaux électeurs. Ce travail doit se poursuivre pour pouvoir convaincre à terme plus de cinquante pour cents de l'électorat. Ce n'est qu'alors que EH Bildu envisagerait de prendre la présidence de la région.« EH Bildu n'est pas opposé à l'idée de ne pas gagner le gouvernement de la région, de laisser les socialistes et le parti nationaliste basque gouverner encore une législature parce que EH Bildu a un projet de long terme et ils ont compris que ce serait d'une certaine façon la meilleure façon d'user et les socialistes et les nationalistes basques traditionnels que de les laisser gouverner encore quatre ans », observe Benoît Pellistrandi.Pello Otxandiano assume parfaitement la position de son parti. L'ancien idéologue de EH Bildu sait que le temps joue en leur faveur et qu'il est important de préserver les équilibres politiques au niveau national. Car si le PNV, le Parti nationaliste basque, ne dirige pas la région avec l'aide des socialistes, le gouvernement de Pedro Sanchez pourrait perdre leur appui, ce qui mettrait en péril une législature déjà très compliquée. Ce pourrait aussi compliquer la donne pour EH Bildu.À lire aussiAu Pays basque espagnol, les indépendantistes grands favoris des élections régionales

    Peter Pellegrini à la tête de la Slovaquie: la revanche de l'éternel numéro 2 de Robert Fico

    Play Episode Listen Later Apr 12, 2024 4:02


    Il a été élu, le week-end du 6-7 avril, à la tête de la Slovaquie. Peter Pellegrini s'est imposé à la présidentielle. L'ancien Premier ministre l'a emporté face au diplomate pro-européen Ivan Korcok. C'est aussi une victoire pour l'actuel chef de gouvernement, le nationaliste Robert Fico, dont Peter Pellegrini a toujours été l'un de ses meilleurs alliés. Toute sa carrière politique, cet économiste de formation l'a faite sous la bannière du SMER-SD, le parti de Robert Fico. Peter Pellegrini a été élu député en 2006 avant d'enchaîner les postes : ministres aux Finances ou encore aux Sports, président du Parlement, avant de devenir Premier ministre, à la place de… Robert Fico !À 48 ans à peine, le voilà élu président de la Slovaquie. Un parcours fulgurant grâce notamment à une certaine souplesse idéologique pour Juraj Marusiak, chercheur en sciences politiques à l'Académie slovaque de sciences à Bratislava : « C'est un homme politique très pragmatique, et la plupart du temps, il a agi comme un technocrate. Il a toujours été en quelque sorte le numéro 2 du parti SMER et il a toujours été dans l'ombre de son mentor politique, Robert Fico. »Un modérateur ? Peter Pellegrini s'est présenté ces derniers mois comme un modérateur dans la coalition gouvernementale. Il s'est porté garant de l'adhésion de la Slovaquie à l'Union européenne et à l'Otan, malgré son refus d'aider l'Ukraine. Au soir de son élection, il a aussi promis « d'unifier » le pays, très divisé : « Je serai aux côtés de la Slovaquie et les intérêts slovaques seront toujours prioritaires pour moi, quelle que soit l'opinion des gens. »À la présidence du pays, Peter Pellegrini continuera à servir Robert Fico : un discours pro-russe et nationaliste. S'il a fini par lancer son propre parti, le HLAS, Peter Pellegrini n'a jamais vraiment rompu avec son mentor politique. Mais le nouveau président pourrait finalement prendre des libertés par rapport au chef du gouvernement.À lire aussiSlovaquie: la guerre en Ukraine, thème central du deuxième tour de l'élection présidentielle« Il va essayer de créer son propre chemin », estime le Milan Nic, analyste slovaque au Conseil allemand de relations internationales, un centre de réflexion basé à Berlin. « J'imagine que Peter Pellegrini va essayer d'aider le gouvernement, mais que dans le même temps, il pourrait être un bon partenaire pour ses homologues étrangers, atténuer les dérives de Fico et apporter un autre canal de dialogue pour garder la Slovaquie dans l'orbite de l'Union européenne et de l'Otan, même si Robert Fico se rapproche de Viktor Orban ou de Moscou », explique-t-il.« Il sera dépendant du soutien politique de Robert Fico », juge au contraire Juraj Marusiak, parce que Fico sera le garant de sa réélection et de sa la poursuite de sa carrière politique. Donc il ne va jamais faire quoi que ce soit contre lui. »Des passions qui détonnentPeter Pellegrini est un amoureux des voitures. La passion lui a été transmise par son père, mécanicien. Il aime tout ce qui a un moteur et a un brevet de pilote. C'est aussi un célibataire qui va s'installer dans le palais présidentiel. Un magazine l'a même élu homme le plus sexy du pays. Peter Pellegrini prendra ses fonctions le 15 juin prochain.La Slovaquie, une « nouvelle Hongrie » ? Certains observateurs craignent que la Slovaquie devienne une nouvelle Hongrie. Une vision « exagérée » pour Milan Nic : « Je pense que Robert Fico n'est pas comme Viktor Orban. Il continuera une politique populiste, mais j'espère, et je le crois, que le système démocratique slovaque, et la société civile, dont les médias, sont suffisamment forts. »Le chercheur slovaque appelle le reste de l'Europe à garder un œil sur son pays. Car en face, la Russie bien sûr, mais aussi la Hongrie ne rateront aucune occasion d'attirer la Slovaquie dans leur sphère d'influence.

    Anniversaire en prison pour le militant des droits de l'homme russe Oleg Orlov

    Play Episode Listen Later Apr 5, 2024 4:03


    Oleg Orlov, figure historique de la défense des droits de l'homme, vient de passer son 71ème anniversaire en détention. Militant infatigable, co-président de Mémorial, l'ONG co-lauréate du prix Nobel de la Paix 2022, il a été condamné, en février 2024, à deux ans et demi de prison pour « discrédit de l'armée » à travers ses dénonciations de la guerre en Ukraine. Ses proches s'inquiètent de son état de santé. Dans sa cage en verre de la salle d'audience du tribunal moscovite où il était jugé, Oleg Orlov était plongé dans un gros livre gris. En signe de protestation contre un procès dont l'issue était déterminée à l'avance, il lisait démonstrativement « Le Procès » de Frantz Kafka, refusant de prendre une part active aux débats, comme le faisaient les dissidents soviétiques.Seule concession, il a prononcé un « dernier mot », transformant l'audience en tribune : « Nous nous souvenons de l'appel d'Alexeï (Navalny) : ''N'abandonnez pas''. Je voudrais ajouter : ne perdez pas courage, ne perdez pas votre optimisme. Après tout, la vérité est de notre côté. Ceux qui ont conduit notre pays dans le gouffre où il se trouve aujourd'hui représentent le vieux, le décrépit, le dépassé. Ils n'ont aucune image de l'avenir, mais uniquement de fausses images du passé, des mirages de la ''grandeur impériale''. »« La vérité est de notre côté »Oleg Orlov était accusé d'avoir signé une tribune contre les autorités russes parue sur le site de Mediapart, qu'il a ensuite traduite en russe et publiée sur Facebook. Il y accusait les troupes russes de tuer en masse les civils ukrainiens et déplorait la « victoire » en Russie des « forces les plus sombres », celles qui « rêvaient d'une revanche totale », après la chute de l'Union soviétique. « Je suis jugé pour un article de presse dans lequel j'ai qualifié le régime politique établi en Russie de totalitaire et de fasciste », a expliqué le militant à son procès. « Cet article a été écrit il y a plus d'un an. À l'époque, certaines de mes connaissances pensaient que j'exagérais. Mais aujourd'hui, il est évident que je n'exagérais pas. Dans notre pays, l'État contrôle à nouveau non seulement la vie sociale, politique et économique, mais il revendique également un contrôle total sur la culture, la pensée scientifique et envahit la vie privée. Il devient omniprésent ».Depuis la dissolution par la justice de Memorial, en décembre 2021, puis le début de l'invasion russe en Ukraine deux mois plus tard, beaucoup de membres de l'ONG ont été poussés à l'exil. Mais Oleg Orlov a fait le choix de rester. « Il ne voulait pas fuir, il voulait rester dans son pays, mais il n'a jamais condamné ceux qui ont fait le choix inverse. Il m'a même conseillé de le faire », raconte Natalia Morozova, juriste de Memorial, aujourd'hui réfugiée en France.« Il y a quelque part en lui cette idée selon laquelle il est plus facile pour un homme honnête d'être en prison que de porter, en liberté, la responsabilité de ce que fait son pays. Je pense qu'ils voulaient qu'il émigre pour éviter ce procès et ces discours flamboyants à son procès, qui resteront dans les annales judiciaires », affirme Svetlana Gannouchkina, une autre figure majeure de la défense des droits humains en Russie, placée, comme lui, sur la liste des « agents de l'étranger », et qui a aussi fait le choix de poursuivre son travail à Moscou auprès des migrants.Lors de son « dernier mot » au tribunal, Oleg Orlov s'est aussi adressé à ses juges : « N'avez-vous pas peur de voir ce que devient notre pays, que vous aimez, vous aussi, probablement ? N'avez-vous pas peur que non seulement vous et vos enfants, mais aussi, que Dieu nous en préserve, vos petits-enfants, aient à vivre dans cette absurdité, cette dystopie ? »« Il avait conscience des risques qu'il prenait, il avait la possibilité de partir, mais il a décidé de rester. En ce sens, je lui tire mon chapeau, c'est un héros », souligne pour sa part un vétéran de la défense des droits de l'homme, Lev Ponomarev, exilé en France. « C'est une personnalité héroïque avec une âme très douce. Il ne le montre pas souvent, mais c'est quelqu'un de très fiable, qui vient en aide quand on en a besoin », souligne Svetlana Gannouchkina.« Un héros à l'âme douce »Biologiste de formation, Oleg Orlov s'engage dans la dissidence au début des années 1980, diffusant d'abord seuls des tracts artisanaux contre l'invasion soviétique en Afghanistan. Quelques années plus tard, il rejoint le groupe à l'origine de la création de Memorial. C'est à cette époque qu'il fait la connaissance de Lev Ponomarev et de Svetlana Gannouchkina. « C'étaient les années de la Perestroïka, les organisations poussaient comme des champignons », se remémore l'octogénaire, qui se rappelle avoir vu, pour la première fois dans les locaux de Literaturnaïa Gazeta, ce « jeune homme à la chevelure châtin coupée au carré », qui s'est mis à venir régulièrement aux réunions de l'ONG naissante Memorial. Il se mettra à travailler avec elle sur le conflit du Haut-Karabakh, avant de se plonger dans les enquêtes sur les atrocités commises par la Russie lors des guerres en Tchétchénie.« C'est un militant des droits de l'homme irréprochable, très dur, très honnête. Les gens, comme lui, qui viennent des sciences sont plus structurés. Si Memorial faisait des enquêtes très minutieuses et très documentées, c'est grâce à lui », indique Lev Ponomarev.Otage volontaireEn 1995, il s'était constitué otage, avec d'autres militants, pour obtenir la libération des 1 500 patients détenus par des terroristes tchétchènes dans l'hôpital de Boudionnovsk. En 2007, il est enlevé avec un groupe de journalistes par des hommes armés et masqués dans un hôtel d'Ingouchie. Il a raconté, par la suite, avoir été soulagé lorsque les assaillants ont commencé à les battre violemment. « Cela a été un soulagement colossal pour moi, quand ils ont commencé à nous battre. Vous comprenez que s'ils nous battent, c'est qu'ils ne vont pas nous tuer », avait-il expliqué dans un long entretien à la journaliste Katerina Gordeeva. Une telle réaction suscite l'admiration de Natalia Morozova, qui y voit « un signe de courage extrême ».Tout au long de sa vie, son engagement auprès de Memorial a valu à Oleg Orlov de nombreuses poursuites judiciaires, des peines administratives de prison et de nombreuses attaques physiques. Mais ça ne l'a jamais arrêté. « Chez lui, il y a quelque chose de plus fort que la peur. C'est un homme doté d'une énorme conscience », souligne Svetlana Ganouchkina. « Oleg est l'un des rares d'entre nous à se définir comme patriote russe. Ce concept étant monopolisé par les nationalistes, peu d'entre nous se définissent comme tels. Dire qu'il a discrédité l'armée n'a absolument aucun sens. Il a lui-même évacué certains de nos militaires de Tchétchénie », affirme la défenseure des droits de l'homme.Aujourd'hui, ses collègues s'inquiètent de son état de santé, qui s'est dégradé en détention. Pour avoir accès aux pièces de son dossier pour son procès en appel, Oleg Orlov est emmené quotidiennement au tribunal, ce qui l'oblige à quitter le centre de détention avant l'heure du petit déjeuner et n'y rentrer que tard la nuit, sans avoir droit à un repas chaud. « Une petite vengeance de la part de la juge, parce qu'il a fait de son procès une sorte de tribune », selon Natalia Morozova. « Sa santé est menacée de séquelles irréversibles », il a attrapé un rhume et son audition s'est détériorée, avertit l'ONG.Amoureux de la nature, pêcheur, adepte des randonnées en canoé en Carélie, Oleg Orlov est aussi peintre amateur. À l'occasion de son 71ème anniversaire, Memorial a appelé ses soutiens à lui envoyer des vœux accompagnés d'une photo d'un tableau qui leur est cher. La branche française de l'ONG prévoit d'organiser une exposition des œuvres du dissident dans les semaines qui viennent.   

    Péter Magyar, le membre du Fidesz qui défie le Premier ministre hongrois

    Play Episode Listen Later Mar 23, 2024 4:00


    En Hongrie, le système Orban remis en cause par l'un des siens. Péter Magyar, ancien cadre du Fidesz, vient de fonder un nouveau mouvement politique, « Debout Hongrois », qu'il souhaite transformer en parti centriste. À 43 ans, à peine sorti sur la scène publique, avec ses révélations sur les coulisses du pouvoir et sa dénonciation de la corruption, il a rapidement séduit une partie de l'électorat. En quelques semaines, Péter Magyar s'est hissé sur le devant de la scène politique hongroise et ne ménage pas ses critiques envers la classe dirigeante : « Il y a une crise morale, politique et économique en Hongrie. La majorité des Hongrois ont perdu confiance dans l'ensemble de l'élite politique qui dirige le pays depuis 30 ans », a-t-il lancé depuis une scène installée en plein cœur de Budapest, devant une foule imposante, le 15 mars dernier. Le quadragénaire à l'allure sportive, tiré à quatre épingles, a choisi le jour de la fête nationale où les Hongrois commémoraient la rébellion de 1848 contre l'empire des Habsbourg, pour lancer son mouvement.Avocat, haut fonctionnaire, diplomate, membre du parti de Viktor Orban, le jeune technocrate n'a jamais occupé de fonction politique. « Il est en quelque sorte un outsider de la politique tout en étant également un homme du sérail », note Matyas Kohán, commentateur de la vie politique hongroise. « Il a été diplomate. Il a représenté la Hongrie auprès de l'UE à Bruxelles, puis il a occupé des postes opérationnels et a travaillé dans diverses entreprises d'État, sans jamais avoir joué de rôle politique direct. Au fond, il surfe sur les vagues de désillusion et de mécontentement qui touchent à la fois l'opposition et le camp gouvernemental », explique ce chroniqueur au Mandiner, un site d'informations conservateur qui assume sa proximité avec le gouvernement Orban.À lire aussiHongrie: issu du Fidesz au pouvoir, Péter Magyar défie Viktor Orban« Les vrais responsables se cachent derrière les jupes des femmes »Le public a commencé à entendre parler de Péter Magyar en février, dans la foulée d'un scandale impliquant son ex-épouse, l'ancienne ministre de la Justice Judith Varga. Cette dernière, qui devait mener la campagne des élections européennes du Fidesz, a annoncé son retrait de la vie publique, après la démission de la présidente Katalin Novak, accusée d'avoir discrètement accordé une grâce à un ancien directeur adjoint d'un foyer pour enfants, condamné à plus de trois ans de prison pour avoir couvert les agissements de son supérieur.Péter Magyar s'insurge alors contre ce qu'il présente comme un lâchage brutal des deux femmes les plus influentes du pays. En signe de protestation, il démissionne de deux entreprises publiques où il occupait des postes de direction et du conseil de surveillance de la banque MBH, une des institutions financières les plus importantes du pays. Il affirme ne plus vouloir faire partie d'un système dans lequel « les vrais responsables se cachent derrière les jupes des femmes ».Le lendemain, il va plus loin dans la critique du système Orban, sur la chaîne YouTube Partizan, un des rares médias indépendants. Face à l'intervieweur, d'un ton posé, Péter Magyar détaille pendant plus d'une heure et demie la corruption dans les milieux politiques et économiques hongrois. Il raconte les pots-de-vin lors des appels d'offres ou les pressions qu'il a subies lors de son divorce. Il s'en prend particulièrement au très influent membre du cabinet de Viktor Orban Antal Rogán, baptisé par ses détracteurs « ministre de la Propagande », qui contrôle aussi la totalité des services de renseignement du pays.« En 48 heures, cette interview a été regardée plus de deux millions de fois. C'est presque la moitié du nombre total des électeurs hongrois », souligne Botond Feledy, collaborateur de ce média et chercheur au Centre for Euro-Atlantic Integration and Democracy à Budapest. Il lève alors le voile sur le système en donnant une « image très dure ».13% d'intentions de votePéter Magyar est aujourd'hui l'une des figures les plus en vue en Hongrie. Ses révélations tiennent le pays en haleine. Selon un sondage Index, il est crédité de 13% d'intentions de vote chez les électeurs qui le connaissent. Se définissant comme conservateur de droite qui ne « supporte plus de voir les dirigeants piller et détruire le pays », ses chances de succès auprès des électeurs du Fidezs ne sont pourtant pas garanties, selon Matyas Kohán : « Le Fidesz est suffisamment solide pour qu'il ne soit pas un candidat attractif pour ses électeurs. Mais cela ne signifie en aucun cas qu'il n'aurait pas le pouvoir de mobiliser un grand nombre d'électeurs, peut-être même 500 000 ou 700 000 nouveaux électeurs parmi ceux qui étaient jusque-là passifs. Ses apparitions publiques au cours des deux dernières semaines ont attiré sur lui une attention dont les politiciens de l'opposition ne peuvent que rêver », souligne le journaliste du Mandiner.Péter Magyar va-t-il réussir, en tant qu'ancien membre du Fidesz, à attirer les électeurs conservateurs déçus par le gouvernement ? « C'est la grande question pour son avenir politique », estime Botond Feledy, qui note que pour l'instant, les sondages indiquent qu'il ne parvient pas à ravir plus de 2% des voix des électeurs du parti de Viktor Orban. La plupart de ses soutiens sont des électeurs de gauche. « Des sondages internes menés par certains partis politiques montrent que l'écrasante majorité de ses partisans actuels n'ont pas voté pour le Fidesz, lors des dernières élections législatives », note Matyas Kohán. Sa nouvelle formation politique serait donc a priori plus gênante pour l'opposition que pour le parti du pouvoir. « Si sa présence sur la scène politique contribue à fragmenter un peu plus l'opposition, ça ne sera pas une révolution, mais s'il réussit à attirer les déçus du Fidesz, ce sera autre chose », pronostique le chercheur, qui souligne que « ça ne semble pas encore le cas ».Parmi les points de son programme : le rétablissement du ministère de l'Éducation, supprimé par le gouvernement actuel, le retour à l'indépendance de l'audiovisuel et l'adhésion de la Hongrie au parquet européen chargé de contrôler l'utilisation des fonds européens. Contrairement au Premier ministre Viktor Orban, il a appelé à un dialogue constructif avec Bruxelles.Avec sa notoriété grandissante et ses révélations sur le système, les attaques personnelles se multiplient. Il est aujourd'hui cité dans une affaire de violences domestiques révélée dans la presse d'opposition. S'il ne parvenait pas à le gérer, cet épisode « pourrait très bien amener à la fin de sa carrière politique », pronostique Matyas Kohán. Manipulation politique ou faits avérés ? Quoi qu'il en soit, il va devoir apprendre à gérer les attaques personnelles, ce que n'est pas encore le cas, note Botond Feledy qui constate qu'il n'a pas su garder son calme face à un journaliste d'opposition qui souhaitait le questionner sur cette affaire de violences domestiques. « Il a toutes les qualités requises pour lancer un mouvement », affirme le chercheur. « Reste à apprendre à répondre aux attaques personnelles d'une façon plus diplomatique. »

    André Ventura, nouveau champion de l'extrême-droite européenne

    Play Episode Listen Later Mar 17, 2024 4:27


    Il a créé la surprise au Portugal en raflant 18% des voix et une cinquantaine de sièges de députés lors des élections législatives anticipées du 10 mars. André Ventura, fondateur du parti Chega, est devenu l'un de nouveau champions de l'extrême-droite européenne aux côtés de Marine le Pen en France, de Georgia Meloni en Italie ou de Viktor Orban en Hongrie. Les sondages prédisaient certes une percée de l'extrême droite portugaise, mais le résultat est tout de même spectaculaire pour un parti qui ne comptait qu'un seul député en 2019. Une percée qui est sans doute l'œuvre d'un seul homme : André Ventura, 41 ans, un juriste de formation dont le parcours, pour le moins étonnant, pourrait d'une certaine façon rappeler celui de Donald Trump… Car, comme l'ancien président américain, c'est grâce à la télévision qu'il s'est fait connaître du grand public.« Il a fait des études de droit et il a même fait une thèse qui est aux antipodes des idées qu'il défend maintenant », détaille Victor Pereira, historien et chercheur à l'Institut d'histoire contemporaine de l'Université nouvelle de Lisbonne. « Il a ensuite commencé une carrière de commentateur à la télévision dans des émissions qui traitent de crimes puis il s'est fait un nom dans une émission qui commente non pas tant les matchs de football que les résultats et les différentes affaires qui entourent le milieu sportif. »Les débuts en politique d'André Ventura sont difficiles : en 2017, il se présente aux élections municipales dans la banlieue de Lisbonne sous l'étiquette PSD (centre droit), mais il est battu. « Il marque cependant les esprits avec des petites phrases sur la communauté tsigane », explique Victor Pereira, « et il se fait connaître comme cela, avec des propos xénophobes. »À lire aussiLégislatives au Portugal: avec André Ventura, l'extrême droite revient sur le devant de la scène politiqueUn succès auprès des jeunesDes phrases percutantes, polémiques, un bagout médiatique et un talent certain pour utiliser les réseaux sociaux : André Ventura cartonne auprès des jeunes, avec des thèmes qui le placent très vite dans le camp des populistes d'extrême droite.« Il insiste sur la défense des valeurs chrétiennes, sur la lutte contre la corruption, contre le “wokisme”, ce type de panique morale qu'il essaye de susciter », note Victor Pereira. « À l'étranger, notamment dans les grands rassemblements d'extrême droite, il s'aligne sur les idées de “grand remplacement”, sur les idées d'invasion et donc il s'aligne sur l'extrême droite populiste. Sur la politique économique, il est sûr des solutions plutôt libérales et il ne se pose pas en défenseur des travailleurs et de l'État-providence, à la différence du Rassemblement national en France. Il est encore sur un modèle assez libéral, mais son programme est souvent assez confus et répond surtout assez démagogiquement aux différentes inquiétudes des Portugais. »À lire aussiLégislatives au Portugal: la percée de l'extrême droite « est un vote de protestation contre les élites »La fin de « l'exception portugaise »En 2019, il quitte le PSD et fonde Chega (« Ça suffit ! », en portugais). Il n'obtient qu'un siège aux élections législatives (qu'il occupe lui-même), mais va profiter pleinement des scandales de corruption qui vont toucher le gouvernement socialiste. Surtout, il parvient à mettre fin à ce que l'on a appelé « l'exception portugaise », à savoir la faiblesse de l'extrême droite dans un pays très marqué par la Révolution des œillets (dont on fêtera le cinquantenaire le 25 avril prochain), et où la figure de Salazar a longtemps joué un rôle de repoussoir.Mais, au début des années 2020, deux choses vont faciliter l'ascension fulgurante de Chega : d'une part, le renouvellement des générations et la mémoire déclinante de la dictature ; d'autre part, la vague populiste qui submerge les démocraties occidentales. « Il s'est engouffré dans une brèche européenne et mondiale », décrypte Yves Léonard, enseignant à Sciences-Po Paris et spécialiste du Portugal, « reprenant un certain nombre de thèmes utilisés par d'autres leaders comparables tels que Matteo Salvini en Italie, Viktor Orban en Hongrie, Jair Bolsonaro au Brésil, Donald Trump aux États-Unis… Il y a eu au Portugal une banalisation de certaines thématiques que Chega a dédiabolisées. »Prêt à gouverner en coalition avec le centre droitLe 10 mars dernier, profitant du recul socialiste (passé de 42 % en 2022 à 28 % des voix) et du score maigrelet du PSD (29 % des voix), Chega devient la troisième force politique du pays, avec 18 % des suffrages et 48 sièges. André Ventura se dit aussitôt prêt à gouverner en coalition avec le centre droit, ou à l'issue d'un nouveau scrutin.« La stratégie de Ventura consiste à respecter certains fondamentaux comme la lutte anti-corruption, l'immigration zéro, la xénophobie », pointe Yves Léonard, « mais aussi à s'affirmer comme un parti de gouvernement attrape-tout, ce qui permet de picorer des thèmes et à siphonner des électorats de partis concurrents. C'est une stratégie que Ventura a beaucoup observée chez Giorgia Meloni, en Italie, ou chez Viktor Orban, en Hongrie. Et là, sur un point de départ qui offre des analogies, il peut s'en inspirer et espérer s'imposer dans un délai relativement court. »Pour l'heure, le chef de file de la droite traditionnelle portugaise, Luis Montenegro, a refusé de s'allier à Ventura : « non, c'est non ! » a répété durant toute la campagne le dirigeant du PSD. Mais son résultat mitigé à l'issue du scrutin du 10 mars ne lui laisse que très peu de marge de manœuvre, et d'autre solution que de tenter de former un gouvernement minoritaire. De nouvelles élections ne sont donc pas à exclure, ce qui donnera certainement l'occasion à André Ventura de poursuivre son irrésistible ascension. En attendant, Chega s'est déjà fixé comme objectif d'envoyer le plus d'élus possible au Parlement européen à l'occasion des élections du 9 juin. 

    Nicolas Schmit, porte-drapeau des socialistes européens

    Play Episode Listen Later Mar 9, 2024 4:30


    À trois mois des élections européennes, les grandes formations politiques se mettent en ordre de bataille, avec la désignation d'Ursula von der Leyen comme tête de liste du Parti populaire européen et celle du Luxembourgeois Nicolas Schmit, qui a été choisi par le Parti socialiste européen. Un négociateur chevronné, spécialiste des questions sociales... mais souffrant d'une faible notoriété en dehors des cercles européens.  Âgé de 70 ans, l'actuel Commissaire européen à l'Emploi est méconnu du grand public, mais il dispose d'une solide expérience au sein des institutions européennes et des qualités de négociateur qui lui seront utiles, après le scrutin, pour la répartition des « top jobs » européens. Un CV respectable, mais une carrière plutôt effacée et un manque de notoriété qui pourrait nuire aux socialistes, surtout en face d'Ursula von der Leyen, l'actuelle présidente de la Commission. L'Eurodéputée socialiste, Sylvie Guillaume estime cependant que Nicolas Schmit a toutes les qualités requises pour mener cette bataille. « Je connais son attachement, sa créativité. Il a été très présent, par exemple quand nous étions en période de Covid-19 et qu'il fallait soutenir les États et soutenir les personnes dans leur emploi. Et donc j'ai trouvé que sa réaction et sa capacité à convaincre étaient assez impressionnantes. » Pour Nicolas Schmit, les questions sociales devront être au cœur de la campagne – notamment celle du logement des plus précaires. Mais le chef de file du camp socialiste place également l'environnement au centre de son discours – ce qu'il a fait le 2 mars dernier à Rome au moment de sa désignation en présence d'Olaf Scholz, de Pedro Sanchez et de Mette Frederiksen, les dirigeants allemands, espagnols et danois. « Contrairement aux conservateurs, qui ont les yeux rivés sur les sondages, les feux de forêts et les inondations n'attendent pas les études d'opinion », a-t-il ainsi déclaré, accusant le PPE d'Ursula von der Leyen de vouloir renoncer au Pacte vert sous la double pression de l'opinion et de l'extrême droite.Pas de compromis avec l'extrême-droiteCar le camp socialiste a également décidé de brandir la menace de l'extrême droite pour rallier ses électeurs, en reprochant aux partis de droite traditionnelle de vouloir pactiser avec les groupes nationalistes et eurosceptiques du Parlement. « Il n'y a pas d'ambigüité pour nous et il n'y aura pas de coopération, que ce soit avec le groupe Identité et Démocratie ou avec le groupe ECR des Conservateurs et réformistes… Ni aujourd'hui, ni jamais ! » s'est ainsi emporté Nicolas Schmit sous les applaudissements du Congrès de Rome.Pour autant, la faisabilité d'un retournement d'alliance au sein du prochain Parlement européen et d'un rapprochement entre le PPE et le groupe ECR de Georgia Meloni, dénoncée à l'avance par les socialistes, semble faible aux yeux de Pascale Joanin, directrice de la Fondation Robert Schumann. « Cela peut marcher dans certains pays comme l'Italie, où, en effet, on voit que Georgia Meloni essaye de se dédiaboliser et de paraître plus européenne qu'elle ne le prétendait auparavant. Mais ce rapprochement ne peut marcher en Pologne, car le PiS et en guerre déclarée avec Donald Tusk, le nouveau Premier ministre polonais qui appartient au PPE. Or, le PiS est l'autre grande composante du groupe ECR avec les Fratelli d'Italia de Meloni. Et dans ce contexte, un accord ne marcherait pas du tout, en tout cas pas durant la prochaine législature. »Répartition des postes européensD'après les sondages, les Socialistes européens devraient conserver à peu près le nombre d'eurodéputés qu'ils ont actuellement (141 élus) soit environ 20% des voix. Une deuxième place derrière les conservateurs du PPE – ce qui devrait a priori écarter Nicolas Schmit de la présidence de la Commission européenne, puisque celle-ci échoit à la formation arrivée en tête à l'issue du scrutin. « Pour être élu, le président de la Commission doit bénéficier d'un large accord du Parlement européen qui va bien au-delà de sa famille politique », nuance cependant Christine Verger, vice-présidente de l'Institut Jacques Delors. « Or, en 2019, Ursula von der Leyen n'a eu que neuf voix d'avance. Et si elle n'avait pas été désignée, faute d'accord au Parlement européen, le candidat socialiste qui était à l'époque le Néerlandais Franz Timmermans, aurait eu ses chances. Étant donné le vote assez surprenant qui a eu lieu au congrès du PPE à Bucarest, avec un certain nombre de délégations qui n'ont pas voté pour la présidente de la Commission, qui sait ce qui se passera l'été prochain ? »À Bruxelles et à Strasbourg, on table plutôt cependant sur une reconduction d'Ursula von der Leyen. Et, dans ce cas de figure, l'objectif de Nicolas Schmit sera d'assurer aux siens un autre poste important au sein de l'UE, à l'issue des Européennes. « Charles Michel, l'actuel président du Conseil européen, ne peut pas se représenter puisqu'il a fait deux mandats », pointe Pascale Joanin « et les socialistes aimeraient peut-être en effet avoir le poste. Et puis, ils peuvent avoir des prétentions sur un certain nombre de portefeuilles dans la prochaine commission. » Et, dans la répartition de ces « top jobs » Nicolas Schmit, le porte-drapeau des socialistes européens, pourra non seulement faire valoir le nombre d'eurodéputés de son groupe, mais aussi mettre à profit ses qualités de négociateur, lui qui a participé pour le Luxembourg à la négociation des Traités européens de Nice et de Maastricht.À écouter aussiÉlections européennes: les socialistes lancent leur campagne pour lutter contre l'extrême droite

    Czeslaw Siekierski, le ministre polonais de l'Agriculture face à la colère paysanne

    Play Episode Listen Later Mar 2, 2024 4:34


    Les agriculteurs polonais ont de nouveau manifesté massivement cette semaine dans les rues de Varsovie et maintiennent la pression à la fois sur leur gouvernement et sur la Commission européenne. Face à la crise, le ministre de l'Agriculture polonais Czeslaw Siekerski est en première ligne : il menace Kiev d'étendre l'embargo à tous les produits agricoles ukrainiens… et il implore Bruxelles d'aider les agriculteurs de son pays. C'est sans doute la plus grave crise traversée par Donald Tusk depuis sa nomination en décembre dernier. Et, pour l'affronter, le nouveau Premier ministre polonais compte sur l'homme qu'il a nommé au ministère de l'Agriculture. Czeslaw Siekerski, 71 ans, est un homme d'expérience – aussi à l'aise dans les couloirs des administrations européennes qu'auprès des agriculteurs. « Il travaille dans le domaine de la recherche agricole depuis les années 70 », note Vitaliy Krupin, économiste à l'Institut du développement rural de l'Académie polonaise des sciences, « et il a fait sa thèse à l'Université des Sciences de la Vie à Varsovie, il est donc très calé sur les questions d'économie agricole. Ensuite, il est entré en politique et quand la Pologne est devenue membre de l'Union européenne, il a été plusieurs fois élu au Parlement européen. »Un cursus utile pour négocier avec Bruxelles, mais aussi pour dialoguer sur les barrages routiers formés par les agriculteurs en colère. Car, depuis le mois de janvier, la crise agricole n'a cessé d'empirer, les exploitants polonais multipliant les points de blocage sur les routes et surtout à la frontière ukrainienne. « Il semble que tout le monde ait été surpris par la situation », analyse Vitaliy Krupin, « et personne ne s'attendait à ce que ces manifestations prennent une telle ampleur, à ce que la mobilisation soit aussi large et active. Dans un premier temps, je pense que le gouvernement n'a pas su comment réagir. À présent, il semble qu'il ait décidé de se mettre aux côtés des agriculteurs. Et quand Czeslaw Sikierski s'est rendu à Bruxelles cette semaine, il s'est fait l'écho de leurs revendications, et il a dit que son gouvernement les soutenait. »Des solutions techniquesDans la ligne de mire du ministre polonais, il y a le Pacte Vert européen, que les agriculteurs polonais vouent aux gémonies – à l'image de leurs homologues d'autres pays européens. Mais il y a surtout l'afflux des produits agricoles ukrainiens, qui transitent par la Pologne depuis le début de la guerre contre la Russie, faute de pouvoir passer par la mer Noire comme auparavant. Des produits qui arrivent sans droits de douane - décision prise par l'Union européenne pour soutenir l'économie ukrainienne, et qui sont accusés de déstabiliser le marché agricole polonais. Pour y remédier, le nouveau gouvernement formé par Donald Tusk demande deux choses : une aide financière de Bruxelles pour compenser les pertes des agriculteurs polonais, et des solutions techniques pour s'assurer que les produits ukrainiens ne fassent que transiter par la Pologne. « Le chef de gouvernement polonais veut des résultats et des décisions concrètes », pointe Krzysztof Soloch, professeur à la Sorbonne et spécialiste de l'Europe de l'Est. « Comment sécuriser ces transferts de produits alimentaires ukrainiens à travers le territoire polonais ? Il y avait plusieurs solutions : des camions qui devaient être plombés et qui devaient être sécurisés à travers des balises GPS…. Il y avait également aussi la question des quotas qui devaient être mis en place. »La Pologne espère aboutir rapidement à un accord avec l'Ukraine sur ces questions. Ce sera tout l'enjeu de la rencontre qui doit avoir lieu à la fin du mois entre Donald Tusk et Volodymyr Zelensky. Le temps presse car, si le gouvernement polonais assure que le soutien diplomatique et militaire à l'Ukraine n'est pas impacté par cette crise agricole, au sein de la population polonaise en revanche une certaine lassitude est en train de naître. « Au début de la guerre, il y a deux ans, plus de 72 % des Polonais étaient favorables à l'accueil d'Ukrainiens chez eux et aujourd'hui, ils ne sont plus que 52 %. Donc, on observe une érosion au sein de la population polonaise. » Et puis le nouveau gouvernement polonais va bientôt affronter des élections locales très importantes... et bien sûr les européennes en juin. La Coalition civique de Donald Tusk espère un bon résultat, sur la lancée de sa victoire aux législatives, mais la crise agricole pourrait lui coûter des voix. Au bénéfice notamment de la Confédération, le parti polonais d'extrême droite qui espère profiter dans les urnes de cette colère paysanne.À lire aussiEn Pologne, la fronde agricole contre les produits venus d'Ukraine se poursuit

    Ioulia Navalnaya: l'héritière naturelle d'Alexeï Navalny

    Play Episode Listen Later Feb 24, 2024 3:28


    Elle veut reprendre le combat mené par son mari. Ioulia Navalnaya, la veuve d'Alexeï Navalny, est passée au premier plan après la mort du célèbre opposant à Vladimir Poutine. Longtemps restée discrète derrière son époux, elle a repris le flambeau sans hésiter. Deux jours à peine après l'annonce de la mort d'Alexeï Navalny, elle apparaît dans une vidéo sur YouTube. Ses traits sont tirés mais la voix ferme. Le message est clair, la volonté aussi : « En tuant Alexeï, Poutine a tué la moitié de moi-même, la moitié de mon cœur et la moitié de mon âme. Mais il me reste l'autre moitié, et elle me dit que je n'ai pas le droit d'abandonner. Je continuerai la cause d'Alexeï Navalny, je continuerai à me battre pour notre pays. »Une déclaration forte. Jusqu'à présent, elle refusait de s'engager politiquement dans les pas de son mari. Mais son envie de reprendre le combat n'a pas étonné Andreï Kozovoï, professeur d'histoire russe et soviétique à l'université de Lille. « Je n'ai pas été vraiment surpris parce qu'on en a entendu parler au moment de la campagne électorale qui n'a pas eu lieu de Navalny en 2018 », note l'auteur du livre Égéries rouges, 12 femmes qui ont fait la révolution russe, aux éditions Perrin. « Elle a participé à un certain nombre de meetings. Et puis bien sûr, on a entendu parler après l'empoisonnement de Navalny en août 2020. Donc c'est quelqu'un qui est déjà connu et c'est quelqu'un qui est connu aussi pour son caractère, même si encore une fois, elle est restée dans l'ombre de Navalny. »Une succession logique aussi pour Olga Prokopieva. « Ce qui est assez surprenant, c'est qu'elle le fasse aussi rapidement parce qu'elle doit être complètement bouleversée par la mort de son mari, par la perte d'un être cher », constate, admirative, la présidente de l'association Russie Libertés qui a organisé une manifestation de soutien à Paris. Elle est admirative de la détermination de la veuve d'Alexeï Navalvny. « Mais ça montre encore plus à quel point elle est décidée à mener le combat d'Alexeï Navalny, à quel point elle est forte. Et c'est encore plus encourageant. »Une opposante plus « rassembleuse » que son mari ? La force de Ioulia Navalnaya est peut-être de s'adresser à plus de monde que son mari. « Elle semble se montrer assez fédératrice, et ça, c'est important », espère Olga Prokopieva. « Parce que le mouvement d'Alexeï Navalny se trouvait toujours un peu à part. Et ça leur était souvent reproché. Donc j'espère que Ioulia Navalnaya saura être plus proche des mouvements de la société civile et pourra mieux coordonner les actions ensemble. »Une vie en exil pour la nouvelle cible numéro 1 du KremlinOn sait peu de choses sur sa vie privée. Cette économiste de formation âgée de 47 ans s'occupait jusqu'à présent de ses deux enfants. Ioulia Navalnaya vit en exil quelque part en Europe dans un endroit tenu secret. Pour une bonne raison. L'ennemi public numéro 1 du Kremlin désormais, c'est elle.« Elle a certainement de quoi inquiéter le Kremlin puisqu'on l'a vu effectivement par le fait qu'il y a déjà eu un certain nombre de rumeurs qui se sont diffusées, des opérations de décrédibilisation qui ont été lancées dans les médias », confirme le professeur Andreï Kozovoï.« Elle inquiète évidemment parce qu'elle a cette aura, ce pouvoir de peut-être effectivement rassembler, fédérer les différents courants qui, on le sait en Russie, se sont désunis. C'est au cours des semaines qui vont venir qu'on va voir si effectivement l'annonce de la mort de Navalny, l'émotion suscitée en Russie à l'étranger, va permettre de donner de vrais résultats sur le long terme. »Quel soutien en Russie ?Sera-t-elle entendue en Russie alors qu'elle vit en exil ? Les vidéos publiées par l'équipe Navalny sont suivies dans le pays et ça devrait continuer. Le handicap principal de Ioulia Navalnanya serait peut-être d'être une femme. « Il faut que le public russe soit prêt à ce qu'une femme représente l'opposition », remarque l'opposante Olga Prokopieva. « Je pense que pour ceux qui ont jusque-là soutenu Navalny, c'est quelque chose d'acceptable, parce que ce sont plutôt des gens assez jeunes, modernes. Pour conquérir de nouveaux publics, ça peut être un peu compliqué pour une femme. Mais en effet, sa position de martyr lui donne déjà une empathie, une sympathie dès le début. »Ioulia Navalnanya a, en tout cas, reçu le soutien immédiat des Occidentaux, particulièrement des Européens. La nouvelle figure de l'opposition russe en exil s'exprimera d'ailleurs mercredi prochain devant le Parlement européen de Strasbourg.

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