Invité Afrique

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Du lundi au vendredi, Christophe Boisbouvier reçoit un acteur de l'actualité africaine, chef d'Etat ou rebelle, footballeur ou avocate... L'invité Afrique, c'est parfois polémique, mais ce n'est jamais langue de bois.

Rfi - Jeanne Richard


    • Sep 15, 2025 LATEST EPISODE
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    Drogue: «L'Afrique de l'Ouest est devenue un centre névralgique pour le trafic mondial»

    Play Episode Listen Later Sep 15, 2025 8:25


    Journée spéciale sur le commerce mondial de la drogue aujourd'hui sur RFI. Focus tout de suite sur l'Afrique avec Flore Berger, de L'Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée. Elle est spécialiste du trafic de drogue en Afrique. Elle nous explique pourquoi les narcotrafiquants n'aiment pas les coups d'État. Et elle nous révèle quel rôle jouent ces trafiquants dans certaines libérations d'otages au Sahel. Elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Pourquoi l'Afrique de l'Ouest est-elle devenue une plaque tournante pour la cocaïne entre l'Amérique latine et l'Europe ? Flore Berger : Oui, alors géographiquement c'est intéressant pour lier les deux zones. Mais aussi il y a des vulnérabilités importantes qui font que c'est devenu un centre logistique. Donc il y a moins de surveillance dans les territoires, un manque de ressources dans les ports principaux d'Afrique de l'Ouest, évidemment, des niveaux de corruption élevés. Donc, tout ça explique le fait que l'Afrique de l'Ouest soit devenue un centre névralgique pour le trafic mondial. Est-ce que les réseaux jihadistes d'Afrique de l'Ouest et du Sahel sont impliqués dans ce trafic ou dans celui d'autres drogues ? Alors pas spécialement. Déjà, il faut dire que la plupart des flux de cocaïne arrivent en Afrique de l'Ouest par les voies maritimes et repartent vers l'Europe par les voies maritimes. Mais il y a une partie qui est déchargée et qui prend la route, qui traverse notamment le Mali et le Niger en particulier, la Libye aussi. Et donc c'est sur ces routes de trafic qu'on a aussi la présence de réseaux jihadistes. Donc ce ne sont pas les acteurs principaux du trafic, ce ne sont pas ceux qui organisent ou ce ne sont pas les logisticiens, les intermédiaires… Mais comme ils ont une forte présence dans ces zones de transit, le long des routes, on sait qu'ils taxent la marchandise et taxent les trafiquants pour que ceux-ci puissent utiliser les routes qu'ils contrôlent. Donc on sait que les groupes jihadistes font ça pour tout type de biens licites et illicites. Donc les commerçants de carburant, les compagnies de transport, les éleveurs avec leurs animaux. Donc tout le monde qui veut utiliser leur territoire doit les payer. Donc, ce n'est pas spécifique au trafic de drogue. À lire aussiEn Afrique de l'Ouest, le trafic de drogues s'accompagne désormais d'une consommation hors de contrôle Est-ce que le trafic de drogue en Afrique est plus important dans les pays instables et en guerre civile ? Pas forcément. Et on voit qu'il y a certains trafics, comme on vient de parler du vol de bétail, qui sont renforcés, qui augmentent lors de périodes d'intense violence ou d'instabilité. C'est aussi le cas du trafic d'armes ou de carburant, par exemple, qui sont des ressources clés pour les groupes armés. Mais pour la cocaïne, c'est différent dans le sens où ce trafic prospère plutôt dans des zones où il y a un équilibre assez délicat, c'est-à-dire que trop d'instabilité va compliquer les flux et désorganiser les réseaux. C'est quelque chose qu'on a vu après, par exemple, le coup d'État au Niger en juillet 2023. Il y avait des réseaux de protection établis entre les autorités et les trafiquants. Et donc ces réseaux ont été éclatés du jour au lendemain. Aussi avec les périodes de grands conflits comme on a vu au nord du Mali dans la deuxième partie de 2023. Toutes ces périodes d'instabilité ne sont pas très bonnes pour le business, parce que les réseaux doivent soit trouver de nouveaux itinéraires, soit de nouveaux intermédiaires, recréer des relations de protection, et donc trop d'instabilité n'est pas forcément bon pour ce trafic-là. C'est-à-dire que les trafiquants de drogue du Niger ont été déstabilisés par le putsch de juillet 2023 ? Oui, oui. Donc, on a vu une diminution du trafic au Niger après le coup d'État, notamment de certains intermédiaires clés qui étaient impliqués dans le trafic de drogue depuis longtemps. Donc, avec la protection des autorités, il y a même des trafiquants, par exemple un en particulier qui s'est reconverti, on va dire, dans l'orpaillage, le trafic de l'or, parce que voilà, les protections au niveau de l'État pour le trafic de cocaïne n'étaient plus en place. À lire aussiTrafic de drogues: le Kenya, de plateforme logistique à marché de consommation émergent Quelle est la répression la plus efficace ? Pour la répression, donc, on sait spécifiquement pour le trafic de cocaïne qu'il y a vraiment des intermédiaires clés qui souvent sont connus de tous, qui opèrent depuis des décennies, par exemple au Mali ou au Niger, et puis des réseaux étrangers qui viennent des Balkans, qui s'implantent en Afrique de l'Ouest. Et donc eux sont vraiment les acteurs clés de cet écosystème et ils sont difficiles à remplacer parce que ce sont eux qui ont les connexions, ce sont eux qui ont les relations haut placées, ce sont eux qui sont au cœur de la logistique et des opérations. Et donc si on focalise la répression sur eux, donc il y aura clairement un impact sur ce marché illicite, au moins dans le moyen terme, jusqu'à ce que d'autres prennent leur place. Vous parlez des chefs de réseau, notamment de ces réseaux balkaniques qui viennent de Bosnie, d'Albanie, du Monténégro. C'est ça ? Voilà. Et qui ont évidemment des interlocuteurs, par exemple au Mali, au Niger ou les pays côtiers. Et est-ce qu'il y a déjà eu des arrestations du côté de ces chefs de réseaux ou pas ? Alors c'est un peu ça le souci principal, c'est que ce sont souvent eux qui ont établi des liens de protection avec l'accord des autorités. Par exemple, au Mali, ce sont des personnalités qui sont bien connues des services de renseignement et qui sont même parfois utilisés par les autorités, par exemple, quand il y a des otages et qu'il faut se lier ou faire des négociations entre groupes armés et autorités. Donc ce sont ces mêmes personnes-là qui sont appelées, du fait de leurs capacités à parler et aux groupes armés sur le terrain et aux autorités. Et donc c'est assez rare que des poursuites à leur encontre voient le jour. À lire aussiDe la culture de la coca au dealer européen, qui contrôle le trafic de cocaïne?

    Cheikh Lô: «La musique est sacrée pour moi, je pourrais même dire que c'est une religion»

    Play Episode Listen Later Sep 13, 2025 5:50


    Légende de la musique en Afrique et bien au-delà, Cheikh Lô fête ce week-end ses 50 ans de carrière et ne compte pas s'arrêter en si bon chemin, puisque son nouveau disque Maame sera publié le 26 septembre. Mais avant cette sortie, le chanteur, batteur et guitariste sénégalais a accepté de revenir sur des anecdotes de sa vie artistique. RFI : Vous célébrez 50 ans de carrière, 50 ans d'exploration musicale. Vous êtes un éternel optimiste. Quel est votre secret pour garder cette fraîcheur ? Cheikh Lô : Je vais fêter mes 70 ans ! Mais actuellement, j'ai 26 ans. Je me suis rendu compte que la musique nourrit l'âme. Ça te tient. Tu ne vieillis pas. C'est un environnement. Je ne sais pas comment l'expliquer. Va par exemple aux îles des Caraïbes ou Cuba, tu trouveras des vieux chanteurs qui jouent jusqu'à présent, parce que leur musique est positive, immortelle. Vous êtes né à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, de parents sénégalais en 1955. Comment est-ce que la musique vous a attrapé ? Au moment où je suis né, ce n'était pas le Burkina Faso, c'était la Haute-Volta. Je suis né là-bas. J'ai grandi là-bas. J'avais la chance, car à l'époque mon grand frère avait un tourne-disque. Il avait pratiquement toutes les musiques d'Afrique de l'Ouest avec les bagages et les ressources du Congo. Et en même temps, il y avait la radio à la maison. Donc, on écoutait beaucoup de Volta Jazz, l'orchestre de renommée à Bobo-Dioulasso qui était le plus grand orchestre de l'époque. Vous y avez commencé votre carrière en tant que batteur... À l'âge de 20 ans, j'avais des amis dans le même quartier qui avaient des guitares. On passait des heures là-bas. Un jour, à ma grande surprise, le bassiste même du Volta Jazz est venu. Il grattait vraiment bien. Il a commencé à jouer et j'ai commencé à chanter. Dans la foulée, vous allez passer une audition et intégrer le groupe... Pour une soirée. Mais avant que la salle soit pleine, j'avais un peu le stress. Mes pieds tremblaient un peu. J'avais chanté un morceau de Laba Sosseh qui s'appelle « Seyni ». Après avoir fini de chanter, le chef d'orchestre et saxophoniste Mustapha Maïga me dit : « Petit, tu es intégré dans le groupe à partir d'aujourd'hui. » Vous aimez tellement cette chanson que vous l'avez enregistrée des années plus tard. Votre carrière est immense. Vous avez joué dans des clubs, dans des hôtels. Vous avez été batteur dans des studios d'enregistrement en France. Mais arrêtons-nous sur un moment important, la sortie de l'album Né La Thiass. Ce n'est qu'après, en 1995, que j'ai réalisé l'album Né La Thiass en collaboration avec Youssou N'Dour. Né La Thiass, c'est la destinée. Youssou N'Dour était amoureux de ce morceau. Tout de suite, j'ai fait une tournée pour la promotion de cet album avec le groupe Né La Thiass, parce que je n'avais pas encore fondé mon propre groupe. Avec le Super Étoile de Youssou N'Dour, on a fait les répétitions à Dakar et puis une tournée européenne un mois plus tard. Quand les nouvelles générations viennent vous voir, que leur répondez-vous ? Qu'il ne faut jamais rien lâcher dans la vie ? Si ce sont des jeunes qui viennent, je leur dis : « Allez faire une formation ». Dans tout métier, pour savoir où tu poses les pieds. Tout est possible. Impossible n'est pas français, mais tout est possible aujourd'hui. Il faut y croire pour y arriver. Dernière question : dans un monde en tension, à quoi sert la musique ? À quoi sert votre musique ? La musique rapproche et même les montagnes. C'est un médicament. Cela adoucit les mœurs. La musique, elle est sacrée pour moi. On pourrait même dire que c'est une religion aussi. Il n'y a pas de mensonge en musique. À l'au-delà, nul ne peut mentir. Tu ne peux pas tricher avec la musique parce qu'il y a des conventions. C'est divin. Cheikh Lô Maame (World Circuit Limited) 2025 Facebook / Instagram / YouTube

    Akere Muna: «Le Cameroun est dans un gouffre financier, moral, difficile à digérer»

    Play Episode Listen Later Sep 12, 2025 8:19


    Au Cameroun, c'est dans un mois, le 12 octobre, que les douze candidats s'affronteront dans les urnes pour briguer la présidence de la République. Onze candidats de l'opposition vont donc défier le président sortant Paul Biya, mais il n'y aura qu'un seul tour. Du coup, le candidat Akere Muna propose à ses partenaires de l'opposition de créer un collectif pour trouver un candidat consensuel. Et il s'adresse plus particulièrement à Maurice Kamto, l'opposant dont la candidature a été rejetée. Pourquoi ce choix ? En ligne de Yaoundé, maître Muna répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Il y a trois semaines, vous avez défrayé la chronique en demandant au Conseil constitutionnel de déclarer Paul Biya inéligible à cause de sa supposée dépendance physique et cognitive. Mais vous avez été débouté. Est-ce que vous n'êtes pas déçu par cet échec ? Akere Muna : Non, pas du tout parce que tous ceux qui pensent qu'à 92 ans et après 42 ans d'exercice, on est, n'est-ce pas, aussi frais que quelqu'un de 49 ans, mais tant pis, je pense qu'on a pu démontrer au monde entier la situation qui prévaut au Cameroun. Tout le monde l'a vu, le président, dans ses sorties. Nous avons fourni des vidéos qui montrent le président à Washington. Il ne sait pas où il est, il ne sait pas ce qu'il doit faire. On doit tout lui dire. Et puis on l'a montré complètement embrouillé devant Mo Ibrahim. Et puis on l'a montré, il y a beaucoup d'incidents. Sa femme qui lui demande de lever la main pour saluer, on lui rappelle ce qu'il faut faire. On a même montré un rapport fait par des experts américains sur ce que l'on doit attendre d'un monsieur de 92 ans. C'est un rapport de douze pages quand même. On est devant le destin de 30 millions de Camerounais. Le Cameroun est dans un gouffre financier et moral, difficile à digérer. Vous êtes originaire du nord-ouest du Cameroun. Vous avez été bâtonnier des avocats du Cameroun. Vous êtes l'une des grandes figures de l'ONG Transparency International. Si vous êtes élu, quelles seront vos deux priorités ? La lutte contre la corruption et la crise du nord-ouest et du sud-ouest. Parlant de la lutte contre la corruption, je vous dis que moi président de la République, dans les cinq jours, je ferai sortir des caisses de Glencore [une société minière, NLDR] 800 milliards. Je ferai payer par Glencore à l'État du Cameroun 800 milliards de francs CFA. C'est le résultant de ventes de pétrole à un prix décoté, le résultant de trafics de toutes sortes, de la corruption reconnue par Glencore lui-même. Et dites-vous bien, personne n'est poursuivi. Donc ça, ce serait votre première priorité ? Oui, la première. La seconde, c'est la crise du nord-ouest et du sud-ouest car je connais les racines de ce problème. Moi, originaire du nord-ouest, je connais le problème. Vous êtes onze candidats face à Paul Biya. Mais il n'y a qu'un seul tour. À un mois du scrutin, est-ce que vous croyez encore à la possibilité d'un candidat consensuel de l'opposition ? Je crois que les onze candidats savent qu'il faut donner l'espoir aux Camerounais. Et sur cette base-là, je pense qu'il y a toujours une solution. Moi, j'y travaille et je pense qu'un candidat consensuel, ça peut être deux ou trois ou quatre, mais je pense qu'au final, il faudra attendre que la campagne officielle commence, donc le 27 septembre, pour voir ce qu'il va se passer. Je pense que l'on peut être optimiste du fait que l'on va trouver des candidats qui pourront… Parce qu'en fait, ces élections, c'est un référendum sur pour Biya ou contre Biya. C'est aussi simple que ça. À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: le parti au pouvoir présente «l'armée» de Paul Biya pour la campagne En 2018, le principal challenger de Paul Biya était Maurice Kamto, mais aujourd'hui, il est déclaré inéligible. Quel rôle peut-il jouer dans la recherche d'un candidat consensuel de l'opposition ? Je pense qu'il peut être vraiment la personne qui demande à tous les candidats : « Mettons-nous ensemble et sortons un candidat qui va mener le lot », pour la simple raison que lui, il sera quelqu'un de désintéressé puisqu'il n'est pas candidat. Donc ce rôle-là, il peut le jouer. Il peut proposer une réunion à vous tous, les onze candidats, pour que vous vous mettiez d'accord, c'est ça qu'il pourrait faire ? Oui mais voilà, comme je dis souvent, le problème de ce côté du monde, c'est ce qu'il y a beaucoup de chefs, mais pas assez d'Indiens. Donc peut-être que lors d'une séance comme ça, il faudrait quand même faire un gouvernement, je n'en sais rien, mais je pense qu'il a… Lors d'une séance comme ça, il faudrait quoi dites-vous ? Il faudrait peut-être penser à déjà faire un « shadow government ». Un gouvernement fantôme… Oui. À écouter aussiCameroun: «Après l'échec des hommes, il faut que les femmes prennent le pouvoir» Pour un candidat consensuel de l'opposition, est-ce que vous seriez prêt à renoncer à votre candidature et à vous rallier à un autre candidat ? Mais cette question trouve sa réponse en 2018. Je l'ai déjà fait. Pour Maurice Kamto… Ça c'est vrai, je l'ai déjà fait. Avec une seule différence que maintenant, je fais dans le cadre d'un collectif. On est tous ensemble, voilà la direction qu'on va prendre. Et dans ce cadre-là, je pense que c'est plus facile de le faire. Et pour quel candidat vous pourriez vous désister ? Mais je vous dis que ça sortirait d'un collectif, donc je ne peux pas maintenant commencer à dire tel ou tel autre. Mais pour l'instant, ce collectif, on ne le voit pas… Peut-être qu'on ne le voit pas. Mais le fait que vous n'entendez pas la radio ne veut pas dire qu'elle n'émet pas. Il y a des signes annonciateurs d'un tel collectif ou pas ? Moi j'en vois. Et le secret pour l'efficacité de cette stratégie, c'est la discrétion. Vous conviendrez avec moi. Donc pour l'instant, vous ne pouvez pas en parler sur l'antenne ? Voilà. À lire aussiCameroun: l'opposition partagée sur la désignation d'un candidat consensuel à la présidentielle

    Cameroun: «Après l'échec des hommes, il faut que les femmes prennent le pouvoir»

    Play Episode Listen Later Sep 11, 2025 14:31


    Au Cameroun, Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya est la seule femme parmi les douze candidats à la présidentielle du 12 octobre. Mais les Camerounais connaissent bien cette opposante politique, qui a repris les rênes de l'UDC, l'Union démocratique du Cameroun, après le décès en 2020 de son mari, Adamou Ndam Njoya. Longtemps députée nationale, Madame Tomaïno Ndam Njoya est aujourd'hui la maire de Foumban, la grande cité de l'ouest du Cameroun. Quelle est son ambition pour son pays ? RFI : Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya, si vous êtes élue, quelles seront vos deux priorités ? Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya : C'est la crise du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui est la toute première des premières. Parce que le Cameroun aujourd'hui est en guerre contre les Camerounais. Et évidemment, la grande deuxième priorité serait les réformes institutionnelles. Parce que depuis 2021, nous avons demandé que le code électoral soit modifié. Nous avons fait un travail de fond. Malheureusement, le pouvoir en place, comme il sait que c'est à travers des fraudes électorales qu'il s'en sort, c'est un problème d'arbitraire. Cette réforme du code électoral, vous l'avez demandée en direct au président Paul Biya lors de ses vœux du Nouvel An. C'était il y a quelques mois. Qu'est-ce qu'il vous a répondu ? Le président a dit qu'il n'était pas au courant que nous avions fait ce travail, et je lui ai répondu que nous allons mettre ce travail à sa disposition, ce que nous avons fait. Et jusqu'aujourd'hui, nous n'avons pas eu un retour. Vous êtes la seule femme candidate à ce scrutin. Si vous êtes élue, qu'est-ce qui changera pour les femmes camerounaises ? Les femmes camerounaises disent : aujourd'hui, 65 ans, ça suffit. Parce que c'est depuis les indépendances au Cameroun que les femmes sont discriminées. Nous n'avons pas de lois qui protègent les femmes, la famille, les enfants. Les femmes sont celles qu'il faut au Cameroun pour apporter la paix. Parce que le Cameroun est divisé. Aujourd'hui, il y a un manque de confiance entre Camerounais, entre les Camerounais et les institutions. Et donc après l'échec des hommes, il faut que les femmes prennent le pouvoir et elles sont prêtes. Voilà 43 ans que Paul Biya gouverne et il est candidat pour un huitième mandat. Face au système Biya, est-ce que vous ne partez pas battue d'avance ? Pas du tout. Le système Biya est là parce qu'il a les moyens de l'État, il a le confort. Mais dans la grande majorité, les Camerounais veulent des élections justes et transparentes. Donc quand on voit le bilan des 43 années de Monsieur Paul Biya, on comprend très vite pourquoi les Camerounais aspirent au changement. La guerre du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, c'est inadmissible. Quelle est la fonction d'un président de la République ? D'abord, incarner l'unité nationale, ce qu'il ne fait pas. Il doit arbitrer le fonctionnement des institutions républicaines, ce qui n'est pas le cas. Tout le monde voit que le régime n'apporte plus rien. Nous sortons d'une grande tournée au niveau national et nous ramenons que les Camerounais veulent le changement, mais par la paix. Qu'est-ce qui vous rend optimiste ? Est-ce que c'est le fait qu'il y ait des fissures au sein du parti au pouvoir et du gouvernement ? Est-ce que c'est l'âge du capitaine ? Normalement, c'est autant de signes qui montrent que si on était vraiment dans une République, l'âge n'aurait pas été un problème parce que nécessairement on aurait compris qu'il faut un mandat renouvelable une seule fois. Donc ça fera partie de nos résolutions urgentes de limiter le mandat présidentiel. Et maintenant, le fait qu'il y ait des problèmes dans la maison, c'est tout à fait normal aussi. C'est-à-dire que, dans le fond, c'est un régime qui a trop duré et les Camerounais souhaitent pouvoir prendre les rênes pour que le Cameroun redevienne cette Afrique en miniature, ce pays respecté dans la sous-région et dans le monde. Et c'est pour ça que nous parlons d'une nouvelle ère. Nous, on est là pour la rupture, c'est-à-dire un nouveau Cameroun, l'ère de la liberté, l'ère de la responsabilité… Parce qu'il y a tribalisme, détournement de fonds publics, corruption, qui laissent de côté la valorisation du travail, l'effort, la méritocratie. Ce sont des valeurs que nous devons retrouver au Cameroun. Les Camerounais sont prêts pour cette rupture. Alors face à Paul Biya, il y a onze candidats de l'opposition et un seul tour. Pour un candidat consensuel de l'opposition, est-ce que vous seriez prête à renoncer à votre propre candidature et à vous rallier à un autre candidat ? Bien sûr, c'est le principe. Parce que, quand on dit consensus, c'est une personne, mais qui est là dans le cadre d'une équipe, par rapport à un plan d'action commun consensuel. Et parmi les dix autres candidats de l'opposition, vous avez déjà en tête l'une ou l'autre de ces personnes pour qui vous pourriez vous rallier ? Celui qui va recueillir le plus de consensus, suivant des critères objectifs qui sont défendables devant le peuple, aura la confiance de l'Union démocratique du Cameroun.

    Adolphe Muzito (RDC): «Nous pourrons financer les infrastructures, équiper l'armée et améliorer les salaires»

    Play Episode Listen Later Sep 10, 2025 8:58


    En République démocratique du Congo, une augmentation des salaires des agents de l'État est à l'étude dans le budget 2026. C'est ce qu'annonce aujourd'hui sur RFI le vice-Premier ministre congolais en charge du Budget Adolphe Muzito. L'opposant modéré, qui est arrivé quatrième à la présidentielle de 2023 avec son parti Nouvel Elan, est entré au gouvernement il y a un mois. En ligne de Kinshasa, l'ancien inspecteur des finances Adolphe Muzito répond aux questions de Christophe Boisbouvier. À lire aussiRDC: Félix Tshisekedi réclame «la reconnaissance des génocides perpétrés sur le territoire congolais»

    Grand Barrage en Éthiopie: «L'absence de règles claires de sa gestion en période de stress hydrique» fait débat

    Play Episode Listen Later Sep 9, 2025 9:31


    Avec près de 2 kilomètres de longueur et 150 mètres de hauteur, le Grand Barrage de la Renaissance éthiopienne va dompter les eaux du Nil Bleu et va devenir aujourd'hui, jour de son inauguration par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, la plus grande installation hydroélectrique du continent africain. Mais l'Égypte affirme que cet ouvrage est, pour elle, une « menace existentielle ». Les explications de Sonia Le Gouriellec, qui est maîtresse de conférence en science politique à l'Université catholique de Lille, en France.  RFI : Qu'est ce qui va changer avec ce barrage dans la vie quotidienne des Éthiopiens ? Sonia Le Gouriellec : Je pense qu'il y a un gain énergétique important pour les Éthiopiens parce qu'ils pourront ainsi à la fois avoir de l'électricité dans leur pays et en exporter dans le reste de la région. D'autant que je crois que près de la moitié des Éthiopiens n'ont pas accès à l'électricité aujourd'hui. Tout à fait. Et puis on est dans un pays avec une démographie très forte, 130 millions d'habitants. Donc, il y a un véritable enjeu, effectivement, de fournir de l'électricité et puis aussi d'atteindre les ambitions économiques du pays, puisqu'il y a de nombreuses zones économiques spéciales qui ont été ouvertes et dont le but est de pouvoir fournir de l'électricité à tout le monde. Alors, l'Égypte est très hostile à ce barrage. Elle affirme qu'il représente une menace existentielle. Est-ce que ces craintes sont fondées ? Alors effectivement, depuis le début, l'Egypte est opposée à la construction de ce barrage. A tel point qu'on a parlé à une époque de bombardements du barrage. Et la crainte aujourd'hui, je dirais, c'est plutôt politiquement une déstabilisation de la région par l'Egypte. L'existence du barrage, ce n'est pas ça qui est véritablement contesté, puisque le barrage, il va être inauguré ce mardi. Donc il est construit, il est fait. C'est une grande réalisation. Ce qui est aujourd'hui véritablement en débat, c'est l'absence de règles claires et contraignantes de sa gestion en période de stress hydrique. L'Egypte a toujours eu une position très constante sur cette question. Toutes les exploitations possibles en amont devraient avoir un accord écrit juridiquement contraignant, avec des règles claires d'opérations, de comment on va gérer au fur et à mesure ces eaux, notamment en période de sécheresse. Et ça, pour l'instant, c'est absent. Donc, bien que Abiy Ahmed, le Premier ministre éthiopien, ait invité le Soudan et l'Egypte à venir à l'inauguration, pour eux, ça, c'est de la diplomatie, c'est des accords à l'oral, mais il n'y a rien de véritablement fixé. Et ça, ça les ennuie beaucoup. Et ce qu'on craint, c'est que le conflit puisse s'exporter sur d'autres terrains, par exemple en Somalie. Donc, la grande crainte de l'Égypte et du Soudan, c'est qu'en cas de sécheresse, les Éthiopiens ne libèrent pas le volume d'eau nécessaire qui est stocké par ce barrage pour lutter contre cette sécheresse. C'est ça ? Exactement. Et qu'on ne s'en tienne qu'à des paroles alors qu'il faudrait quelque chose d'écrit. Or, pour l'instant, vous n'avez aucun document. Il y a une absence de règles claires, contraignantes sur la gestion des eaux du Nil. En juin 2013, le président égyptien de l'époque, l'islamiste Mohamed Morsi, a déclaré publiquement que, contre ce barrage, aucune option n'était exclue. Est-ce que son successeur, son tombeur, le maréchal al-Sissi, pourrait ordonner le bombardement du barrage ? Alors je ne sais pas ce qui relève effectivement du discours politique d'annonce pour effrayer et de ce qui est techniquement possible. Il me semble que, déjà à l'époque de Morsi, ce n'était pas techniquement possible d'imaginer un bombardement. En revanche, ce qui est tout à fait possible et ce qui est en train d'être fait, c'est une façon de déstabiliser un peu plus l'Éthiopie. Et c'est quelque chose qu'on voit par exemple en Somalie en ce moment. L'Egypte a renforcé sa coopération militaire avec la Somalie, en proposant d'ailleurs de remplacer les troupes éthiopiennes par des troupes égyptiennes. Le conflit s'exporte sur ce territoire, comme ça a souvent été le cas. Et l'envoi de 3000 soldats égyptiens à la frontière du Somaliland qui s'est rapproché de l'Éthiopie, c'est peut-être une pression militaire de l'Égypte sur l'Éthiopie, c'est ça ? Tout à fait. Pression militaire sur l'Éthiopie, pression militaire aussi avec l'Érythrée puisqu'on voit qu'il y a un soutien assez explicite de l'Érythrée. Vous avez eu beaucoup de visites d'Egyptiens en Érythrée, vous l'avez eu également à Djibouti. Donc les Éthiopiens ont souvent vu la politique égyptienne dans la Corne de l'Afrique comme une volonté d'encercler l'Éthiopie. Alors autant ça pouvait parfois paraître étonnant, autant là c'est vrai qu'on peut créditer effectivement ce discours. Et ce bras de fer avec le maréchal al-Sissi, est-ce que le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed peut en tirer un avantage politique dans son pays ? Oui bien sûr, parce qu'au niveau interne en Éthiopie actuellement, la situation est instable. Et donc ce projet de barrage sur le Nil est véritablement un totem national. Et c'est ce qu'il essaye de montrer en interne en Ethiopie. Donc effectivement, plus les pays comme l'Egypte vont vouloir contrer ou faire plier l'Ethiopie, plus ça peut être un drapeau nationaliste pour les Éthiopiens. Néanmoins, il y a beaucoup de crises actuellement en Éthiopie parce qu'il y a eu la guerre au Tigré entre 2020 et 2022, et vous avez encore des affrontements aujourd'hui en région Amhara et en région de l'Oromia. Alors il y a les médias pro Abiy Ahmed qui glorifient le moment, ça très clairement, mais on voit un petit peu moins ce barrage dans les médias du Tigré, en pays Amhara, etc, puisqu'ils sont véritablement concentrés sur les défis internes et les conflits qui ont lieu actuellement. À lire aussiGrand barrage de la Renaissance: des revenus d'un milliard de dollars par an pour l'Éthiopie?

    Sommet africain sur le climat: «Cela permet à l'Afrique de parler d'une seule voix», estime Aïssatou Diouf

    Play Episode Listen Later Sep 8, 2025 4:36


    Le deuxième Sommet africain sur le climat s'ouvre lundi 8 septembre à Addis-Abeba, où 45 chefs d'État et 25 000 délégués sont attendus pour cet évènement porté par les Nations Unies, l'Union africaine et l'Éthiopie. Celle-ci vient d'ailleurs de présenter sa candidature pour organiser le COP en 2027. L'un des objectifs du sommet de deux jours est de présenter les solutions concrètes en faveur du climat pour le continent africain, d'unifier aussi la voix des États en vue de la COP qui se tiendra en novembre au Brésil. La sénégalaise Aïssatou Diouf Notre invitée est une militante et une référence en Afrique pour les questions environnementales et responsable des politiques internationales et du plaidoyer au sein de l'ONG ENDA Énergie. Elle répond à Guillaume Thibault. RFI : Aïssatou Diouf, pourquoi ce 2ᵉ sommet africain est capital ? L'enjeu pour le continent, c'est à la fois de prendre le train en marche, mais surtout de parler d'une seule voix ? La Semaine africaine du climat est une plateforme stratégique pour l'Afrique, car elle permet aux pays, à la société civile et même au secteur privé de parler d'une seule voix, de défendre nos priorités face aux négociations mondiales. C'est donc le moment de démontrer que le climat peut être un levier de développement et d'emploi pour le continent. Donc, ce sommet va aligner les efforts des pays africains et surtout catalyser des actions concrètes, notamment sur les enjeux que j'ai cités précédemment. Quel message vous tirez du premier sommet qui s'est tenu il y a deux ans au Kenya, à Nairobi ? Les financements promis lors de ce sommet tardent à arriver et surtout, la mise en œuvre sur le terrain est encore très insuffisante. C'est pourquoi, à mon avis, cette édition doit aller beaucoup plus loin pour que les populations africaines voient réellement les bénéfices et les intérêts de ces sommets. Vous attendez beaucoup des discussions sur les questions de transition énergétique. Pour quelle raison est-ce essentiel ? Vous savez, la transition énergétique est un enjeu vital. Nous avons encore plus de 600 millions de personnes sans accès à l'électricité. Donc le défi, il est double. Premièrement, c'est répondre à cette urgence sociale tout en réduisant notre dépendance aux énergies fossiles. Mais également, on sait tous que l'Afrique doit l'aborder aussi comme une opportunité de développement en misant sur ses immenses ressources en solaire, en éolien, en hydraulique. Rappeler également que cette transition doit être juste. Le mot juste a tout son intérêt. Ça doit guider ce processus, cette transition-là. Donc, elle ne peut pas reposer uniquement sur nos budgets nationaux qui sont déjà très contraints. Donc, cela appelle à une solidarité internationale entre les pays du Nord et les pays du Sud. L'argent reste le nerf de la guerre. Dans un récent rapport, les Nations unies indiquent que 2 000 milliards de dollars ont été investis juste l'année dernière, en 2024, dans les énergies propres, mais que le continent africain n'a quasiment rien touché. Pourquoi l'Afrique reste à la marge. Donc, ce qu'il faut aujourd'hui, c'est à l'échelle internationale, réfléchir sur les mécanismes qui sont adaptés aux réalités du continent, amener aujourd'hui les banques de développement à avoir des mécanismes appropriés pour financer cette transition énergétique, le développement des énergies renouvelables et qu'enfin les pays développés respectent leurs engagements financiers. À lire aussiSommet africain sur le climat: le continent se veut source d'innovation et de solution Est-ce que vous imaginez parfois un système de sanctions pour tous ces pays qui promettent des financements, mais qui au final ne les versent jamais ? Maintenant, on sait comment le système onusien est organisé et structuré. Il est très difficile aujourd'hui de sanctionner ces États-là. Par contre, aujourd'hui, on sait que les citoyens constituent une force incontournable qui demande de la redevabilité à leurs Etats. Je pense qu'on peut s'appuyer sur ces citoyens là pour demander aux Etats de rendre compte, mais surtout aux Etats, de respecter leurs engagements. Est-ce qu'aujourd'hui, on pourrait imaginer ou c'est une utopie ? Les Etats Unis d'Afrique du climat ? Pourquoi est-ce que les Etats ont tant de difficultés à s'accorder, à avoir un vrai impact sur des discussions ou sur des négociations, notamment lors des COP ? Je pense qu'on va tendre vers cela. On n'a pas le choix. Si aujourd'hui l'Afrique veut impacter au niveau des discussions à l'échelle internationale, on doit parler d'une seule et même voix. On doit avoir des positions coordonnées portées par nos leaders politiques. Pourquoi est-il difficile d'avoir ce travail de coordination ? On n'a pas tous le même niveau de développement. Ce sont des aspects également géopolitiques où chaque Etat essaie de se positionner. Un pays, par exemple, qui découvre le pétrole et le gaz, va vouloir forcément l'exploiter, alors que les impacts du réchauffement climatique sont là. Il faudrait qu'à l'échelle de l'Union africaine, que nous arrivions à avoir des politiques au niveau continental très coordonnées, qui puissent impacter durablement nos communautés, mais également qu'au niveau international, dans les débats et dans les discussions, que nous puissions peser. Est-ce que la COP 30 qui va se tenir au mois de novembre au Brésil, Je pense qu'il y a beaucoup de pays africains qui sont sortis très déçus de la COP de l'année dernière à Bakou. Cette COP qui se tient en terre brésilienne, plus précisément en terre amazonienne, c'est une symbolique fort pour les pays en développement, notamment la question des forêts, la question de la taxe carbone et j'espère que les conclusions qui seront issues de la Semaine africaine du climat vont être portées par nos décideurs politiques pour pouvoir impacter les conclusions de la COP de Belem. À lire aussi Aïssatou Diouf, militante tout terrain de la cause climatique

    L'écrivain libyen Mohammed Alnaas «cherche ce que la spécificité libyenne a de commun avec les sociétés arabes»

    Play Episode Listen Later Sep 6, 2025 6:26


    « Un goût du thé amer », le second roman de l'écrivain Mohammed Alnaas, récemment traduit en français et édité chez « Le bruit du monde », revient à l'époque du slogan : « le pouvoir aux mains du peuple » et décrit une situation ubuesque et des querelles permanentes entre les habitants d'un village, Géhenne, dans la Libye des années 1990, du temps de la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste de Mouammar Kadhafi. Quant au narrateur, dans cette fable moderne et audacieuse, il s'adresse à son lecteur tout en prenant un plaisir à se jouer de lui. Mohammed Alnaas joint par Houda Ibrahim.    Vos romans s'attaquent à des sujets qui décrivent les spécificités de la société libyenne, une société restée longtemps fermée aux autres. L'écriture est-elle pour vous est un acte d'auscultation de cette société afin de la raconter, de l'exposer ? La société libyenne est restée méconnue des étrangers pendant un certain temps, et peut-être même est-elle restée méconnue d'elle-même. En dehors du sujet politique, il existe un manque de connaissances sur la Libye et le peuple libyen lui-même, que ce soit sous le régime de Mouammar Kadhafi ou même pendant la guerre civile qui a suivi la révolution de février 2011. L'enjeu ici, est que moi, en tant qu'individu, je me comprends mieux que je ne comprends la société libyenne, mais mon histoire personnelle est aussi l'histoire de la société, et en comprenant la société, je me comprends moi-même. Il est vrai que la société libyenne a ses spécificités, comme toutes les sociétés, mais l'idée est de toujours chercher, ce que cette spécificité a de commun avec les sociétés arabes, voire des sociétés de plus grande ampleur. Afin d'écrire sur l'être humain et son histoire, tout en écrivant sur le Libyen et en essayant de le comprendre. Dans votre second roman, Un goût de thé amer, à travers l'histoire d'un village, Géhenne, symbolisez-vous la guerre sans fin qui se déroule en Libye ainsi que le déchirement social ? Personnellement, je n'aime pas que le texte lui-même soit le reflet de la réalité. Le lecteur a certes le droit de percevoir ces intersections entre la réalité et le roman. Or, elles sont nombreuses. L'auteur pose les règles du jeu dès le début, indiquant que l'histoire n'est pas symbolique, mais vraie. Ce qui incite le lecteur à y croire. Il existe bel et bien des intersections entre les combats qui se déroulent dans le village de Géhenne et la guerre civile libyenne. Il semble que le point commun entre l'imaginaire et le réel réside dans une certaine absurdité de la scène elle-même. À lire aussiLa Libye lance le premier appel d'offres pétrolier depuis 17 ans La satire est-elle pour vous le meilleur moyen de raconter cette société ? J'ai débuté dans l'écriture par la satire. Il y a toujours une touche d'humour noir dans mes écrits, que ce soit dans mon précédant roman « Du pain sur la table de l'oncle Milad », ou dans ce roman même. Et auparavant aussi dans le recueil de nouvelles que j'avais écrit sur la guerre civile, la plupart de ces nouvelles avaient un ton dramatique ou sombre. Concernant ce projet, parfois, il n'y a pas de meilleure façon de décrire ce qui se passe, que la satire. Vous dédiez votre roman au fameux écrivain et penseur libyen Sadek alyhoum, quelle valeur représente-t-il pour vous ? Le roman est bien sûr dédié à El-Sadek, je le dédie également à d'autres auteurs et artistes satiriques qui m'ont personnellement influencé, comme Mohammed Al-Zawawi, le plus grand illustrateur de caricature libyen. Le roman lui-même a été initialement écrit dans le style de Mohammed Al-Zawawi, ainsi que celui de Mohammed Tamliya, l'écrivain satirique jordanien, et d'Ibrahim Hmaydan, l'écrivain satirique libyen. Tous ont influencé ma compréhension du rôle de la satire, de la comédie. Contrairement à beaucoup de Libyens qui admiraient les idées et les écrits critiques d'El-Sadek Al-Nayhoum, j'admirais moi sa satire, en particulier son recueil Histoires pour enfants. Il m'a profondément influencé par son style satirique et par sa façon de dessiner certains personnages libyens considérés comme stéréotypés. Ce stéréotype est déjà présent dans les dessins de Mohammed Al-Zawawi. Dans mon roman, un personnage comme Hajja Mabrouka, ressemble à ceux de Mohammed Al-Zawawi, d'El-Sadek Al-Nayhoum et même d'Ibrahim Hmaydan. Ces personnages ne sont pas nés de nulle part ; ils sont une sorte d'accumulation résultant de mes lectures et de mes observations sur la manière dont les Libyens qui m'ont précédé ont abordé la comédie. À lire aussiAu pays des hommes, un chef-d'œuvre de la littérature contemporaine Dans Un goût de thé amer, vous dénoncez également, un système économique installé par le régime Kadhafi et qui réduit en quelque sorte l'être humain à un être dépendant, sans aucune initiative, vous dénoncez cette volonté du pouvoir d'écraser l'être libyen ? Les politiques du régime Kadhafi ont transformé la Libye depuis la proclamation de l'Autorité populaire. Car le colonel souhaitait créer une nouvelle société. L'ironie est que l'objectif de cette nouvelle société était de susciter un esprit d'initiative en toutes choses. Dans toutes ses idées, par exemple, il affirme dans le Livre vert : « L'école est servie par ses élèves », ce qui signifie que l'école n'a pas besoin de personnel d'entretien ni d'employés, mais que ce sont les élèves qui s'en chargent… D'où le concept « des partenaires, et non pas d'employés ». Le régime repose fondamentalement sur l'initiative populaire pour prendre le pouvoir. Soit le peuple ne voulait pas prendre le pouvoir, soit Kadhafi n'a utilisé ces idées que pour accroître son emprise sur le peuple. L'ironie est que le peuple libyen a refusé de prendre l'initiative ou n'a pas trouvé le moyen de le faire. Le régime a véritablement influencé la formation de l'homme libyen. Toutes les politiques adoptées par le colonel Kadhafi et les fonctionnaires travaillant sous ses ordres ont conduit à la création d'une société déformée qui ne se connaît pas elle-même et qui est incapable de trouver des solutions aux problèmes auxquels elle est confrontée. La liberté d'expression en Libye est toujours entravée, même au niveau de la littérature, comment relevez-vous ce défi ? Aujourd'hui, les restrictions imposées aux écrivains libyens se multiplient. Elles sont sociales, religieuses, politiques et sécuritaires. Les restrictions se multiplient et sont pour la plupart inconnues. L'écrivain se retrouve à nager dans un puits dont il ignore le fond. Ceux qui aiment nager explorent eux-mêmes à ce moment-là les dangers, et je suis de ceux qui aiment nager. Nous explorons des idées en cours de route et je relis toujours la scène, mais c'est surtout pour des raisons de sécurité personnelle. Lorsque j'écris, je ne reconnais pas ces restrictions et je les ignore également lorsque je publie. Je ne les regarde pas.

    Lucia Bird Ruiz: «Un tiers de la cocaïne européenne transite par l'Afrique de l'Ouest»

    Play Episode Listen Later Sep 5, 2025 4:40


    Ils se nomment le clan Kavac ou Skaljari : ces groupes mafieux d'Europe de l'Est aux ramifications mondiales, ont fait de l'Afrique de l'Ouest une nouvelle base pour gérer le trafic illégal de cocaïne à destination de l'Europe. Dans son dernier rapport, l'Initiative mondiale contre la criminalité transnationale pointe les méthodes de développement de ces organisations, notamment la corruption, le rôle des intermédiaires, et l'accroissement de la consommation de cocaïne dans la zone. L'espagnole Lucia Bird Ruiz est directrice de l'Observatoire des économies illicites en Afrique de l'Ouest, c'est elle qui a rédigé ce rapport. RFI : Pour la première fois, des enquêtes indiquent que l'Afrique de l'Ouest est devenue un pivot central du trafic de cocaïne pour des groupes mafieux qui sont basés en Europe de l'Est ? Lucia Bird Ruiz : Oui, et c'est au Cap-Vert que ces réseaux ont commencé à s'implanter. Puis, c'est depuis 2019 que ces groupes ont lancé des opérations dans les pays côtiers de l'Afrique de l'Ouest, opérant principalement sur des routes maritimes. Ce sont des groupes parmi les acteurs les plus importants du commerce mondial de la cocaïne d'aujourd'hui. Ils utilisent la violence, la corruption et donc l'implantation en Afrique de l'Ouest, c'est très concernant pour la région. Est-ce qu'on peut citer quelques-uns de ces groupes, qui ont d'ailleurs des liens parfois avec la mafia italienne ?   Par exemple, les clans Kavak et Skaljari, les deux organisations criminelles les plus puissantes du Monténégro, qui sont à l'origine de plusieurs assassinats, ont opéré à l'Afrique de l'Ouest. Et ces réseaux ont des liens avec les mafias italiennes, particulièrement la Ndrangheta. Pourquoi ces groupes ont besoin de l'Afrique de l'Ouest pour développer le trafic de cocaïne ? Le marché de consommation en Europe, ça devient chaque jour plus grand. Mais aussi la pression en Europe sur les routes directe en provenance d'Amérique latine s'est accrue et donc l'Afrique de l'Ouest est devenue de plus en plus importante pour ce trafic. Un tiers de la cocaïne européenne pourrait transiter actuellement par l'Afrique de l'Ouest. Et on prévoit que ce chiffre atteindra la moitié d'ici à 2030. Concrètement, comment est-ce que ces groupes mafieux travaillent en Afrique de l'Ouest ? Il y a deux points-clés à souligner. Le premier, c'est les intermédiaires. C'est vraiment un élément-clé de leur stratégie. Ce sont des nationaux des Balkans qui sont envoyés en Afrique de l'Ouest pendant des mois pour superviser les opérations, en travaillant avec les acteurs locaux, pour faciliter la logistique. Par exemple, un important réseau avait un intermédiaire basé à Freetown en Sierra Leone, qui supervisait l'importation, l'emballage dans des conteneurs, l'établissement d'une société en Sierra Leone et l'exportation vers la Belgique. Ils ont des moyens financiers quasi illimités, le trafic de cocaïne est tellement puissant qu'ils sont capables de s'implanter partout ? Certains de ces groupes ont corrompu les plus hauts niveaux de l'Etat. Par exemple, en Albanie, un ancien membre du Parlement a été arrêté pour son soutien à une organisation criminelle. Et en Afrique de l'Ouest, on s'attendrait à ce qu'ils utilisent des techniques similaires. Comment est-ce qu'ils font transiter la cocaïne d'Afrique de l'Ouest vers l'Europe ? Comme on l'a dit, ils utilisent la voie maritime dans les conteneurs où s'est très compliqué de faire de la surveillance. Mais aussi, ils utilisent des petits bateaux. Par exemple, on a un dirigeant bosniaque d'un groupe qui a parlé avec ses complices de trafic de plus de trois tonnes de cocaïne dans la Guinée-Bissau et les îles Canaries, dans un petit bateau. Vous indiquez dans votre rapport que ces intermédiaires sont parfois payés en cocaïne. Il y a une crainte que ce système entraîne une hausse de la consommation dans la sous-région ? Les produits de synthèse restent les plus largement consommés dans la plupart des pays, mais la consommation de cocaïne, en particulier du crack, augmente également dans de nombreux pays. Et donc, ils vendent la cocaïne dans le marché local et ça pousse la consommation dans la région. Ils s'adaptent aux moyens financiers des habitants de l'Afrique de l'Ouest ? Le prix dans la sous-région a baissé dans beaucoup de pays. Au Ghana, les prix réels, donc en tenant compte de l'inflation, ont chuté de 60 % entre 2019 et 2023. Ce n'est pas la même tendance dans tous les pays de la région, mais dans beaucoup de pays. Et ça inclut le Sénégal, la Guinée. La consommation est vraiment dans une phase d'augmentation. Comment est-ce que les Etats d'Afrique de l'Ouest, comment les autorités au Sénégal, en Sierra Leone ou en Guinée-Bissau peuvent lutter contre la puissance de ces réseaux mafieux ? Il faut vraiment renforcer les systèmes de renseignement pour bien comprendre les opérations de ces groupes, et aussi créer des partenariats stratégiques, des partenariats intercontinentaux entre forces de l'ordre en Afrique de l'Ouest. C'est un défi énorme pour la région parce que c'est une implication pour la santé publique, mais aussi pour la corruption et peut-être à l'avenir sur la violence parce que ces groupes sont tellement violents dans beaucoup de régions du monde. À lire aussiL'Afrique de l'Ouest, nouvelle plaque tournante du trafic de cocaïne vers l'Europe, selon un rapport

    Tchad: «La dichotomie entre agriculteurs et éleveurs ne suffit plus à décrire la réalité»

    Play Episode Listen Later Sep 4, 2025 9:45


    Avec notre Grand invité Afrique ce matin, nous allons parler de la coexistence éleveurs - agriculteurs au Tchad. Le gouvernement a lancé le projet d'un code pastoral, afin d'endiguer les conflits intercommunautaires pour l'accès aux ressources, de plus en plus meurtriers. La dernière mouture de 2014 n'a jamais été promulguée, car trop contestée. Et là, encore, il y a une levée de boucliers, en particulier de la part de l'Église catholique, qui accuse le gouvernement de ressortir ce texte, et de prendre le parti des éleveurs. Dans une lettre au vitriol, les évêques dénoncent un projet « scélérat » et « paysanicide », et ils ont refusé de participer à un atelier sur le sujet. Pourquoi cette opposition véhémente ? Comment améliorer la coexistence entre ces deux groupes ? Fulbert Ngodji, chercheur chez International Crisis Group (ICG), travaille notamment sur ces questions de pastoralisme et de transhumance.   RFI : Les évêques du sud du Tchad dénoncent un texte « scélérat » qu'il faut « mettre à la poubelle ». Comment est-ce que vous expliquez cette sortie très virulente de la part des prélats ?   Fulbert Ngodji : Pour comprendre la réaction des évêques des provinces du sud du Tchad, il faut déjà revenir sur un certain nombre d'éléments de contexte. En 2022, à l'issue du dialogue national inclusif et souverain, la question des conflits agropastoraux avait été identifiée comme une priorité nationale. Et donc, c'est dans ce cadre-là que le ministère de l'Élevage a engagé un processus de révision du code pastoral. L'idée était d'organiser des consultations régionales destinées à recueillir l'avis d'un certain nombre de parties prenantes, y compris celui des autorités ecclésiastiques. Donc, il faut rappeler que le texte avait déjà été adopté à l'Assemblée nationale en 2014, dans un climat de vives tensions, de controverses entre les députés du nord, région qui est historiquement associée à l'élevage, et ceux du sud, la partie du pays qui est aussi associée à l'agriculture.   Et justement, à l'époque, le président Idriss Déby n'avait pas promulgué ce texte qui était pourtant adopté par l'Assemblée. Donc pourquoi est-ce que ce débat revient aujourd'hui ?    Effectivement, à l'époque, le président Idriss Déby avait suspendu le texte en déclarant sa nullité. Mais aussi cela avait été suivi d'un avis d'inconstitutionnalité par le Conseil constitutionnel. Et donc la défiance des évêques repose sur la crainte, en fait, que cet atelier zonal ne soit qu'une formalité qui viserait à valider un texte perçu comme déséquilibré et favorable aux éleveurs.   Quels sont les points qui sont particulièrement contestés ?    C'est important de noter que l'élevage au Tchad constitue le deuxième pilier de l'économie nationale, juste après le pétrole, et que le projet du code pastoral, peut-être qu'il avait été pensé dans une logique de soutien à ce secteur stratégique. Mais en fait, cette rationalité économique entre véritablement en tension avec la réalité sociale du pays, dans laquelle l'agriculture reste le principal moyen de subsistance des populations rurales, en ce sens qu'elle assure leur sécurité alimentaire dans un contexte déjà marqué par la précarité. Et donc, effectivement, il y a un certain nombre de dispositions du projet et de ce code qui pose problème. Par exemple, l'article neuf confère un droit prioritaire aux ressources dans les zones d'attache et dans les zones d'accueil aux éleveurs. Et donc ces dispositions sont perçues comme injustes en ce sens qu'elles viennent fragiliser déjà les systèmes de partage coutumiers de ces ressources, en leur substituant un régime de priorisation juridique qui risque d'alimenter les tensions.   À lire aussiTchad: les violences agropastorales ont atteint un niveau sans précédent depuis 2021 Ce que dit le gouvernement, c'est qu'il y a un besoin important d'encadrer la transhumance et les pratiques pastorales, parce qu'il y a des conflits qui sont de plus en plus nombreux ?   Depuis plusieurs décennies déjà, les flux pastoraux du nord vers le sud se sont intensifiés sous l'effet non seulement du réchauffement climatique, mais aussi de la croissance démographique et de l'augmentation du cheptel, aujourd'hui estimé à plus de 5 millions de têtes. Et donc ce mouvement a modifié la nature même de la transhumance et les provinces du sud, qui étaient initialement des zones d'accueil temporaires, tendent à devenir des zones d'attaches permanentes, en ce sens qu'il y a de plus en plus un mouvement de sédentarisation qui s'observe. Et donc, dans ce nouveau contexte, la dichotomie entre agriculteurs et éleveurs ne suffit plus à décrire la réalité. Il existe aujourd'hui des éleveurs qui sont agriculteurs et des agriculteurs qui sont éleveurs avec des intérêts qui sont imbriqués. Donc justement, il y a un problème non seulement de cadre réglementaire, mais en fait, il devrait davantage penser la question des dynamiques émergentes que ce code-là ne semble pas encore intégrer. Et donc, par exemple, quand j'étais dans le sud du Tchad il y a juste deux ans, en fait, les acteurs ont dénoncé le fait que les éleveurs étaient de plus en plus armés et qu'ils gardaient du bétail appartenant à des hauts cadres de l'armée ou de l'administration centrale. Mais le problème, c'est celui de la faiblesse de l'État qui a tendance à accentuer les tensions.   Donc les bergers sont de plus en plus fortement armés. Les communautés locales, elles aussi, s'érigent en autodéfense. C'est pour ça que les conflits se multiplient et sont particulièrement mortels ?  Au-delà de cela, il convient de noter quand même que le projet de la révision de ce code-là, de ce code pastoral, intervient dans un contexte déjà tendu. Succès Masra qui est quand même une figure centrale de l'opposition tchadienne, qui est originaire du sud, avait été arrêté à la suite d'un conflit qui avait éclaté dans un village du sud du pays. Cela est venu renforcer la perception selon laquelle l'État est plutôt pro éleveurs. Donc le contexte est plutôt tendu et c'est ça qui pourrait aussi expliquer le caractère assez virulent des propos des évêques.  À lire aussiTchad: l'avenir des activités agropastorales en débat

    Jean Kaseya, directeur de l'Africa CDC: «En moyenne, nous avons une nouvelle épidémie par jour»

    Play Episode Listen Later Sep 3, 2025 4:34


    Le Mpox continue de se propager de manière inquiétante en Afrique. En 2025, les cas ont dépassé ceux de 2024. Ce sont plus de 21 000 cas de Mpox qui sont détectés dans treize pays africains, et cela risque de doubler d'ici la fin de l'année. Les coupes des aides en provenance des États-Unis et d'Europe ont fragilisé les systèmes de santé. Au total, 700 000 doses de vaccin ont été administrées, mais les stocks sont insuffisants. La Sierra Leone représente 41% des infections récentes, et la RDC est aussi en première ligne avec 24 000 cas détectés depuis début 2024. On en parle ce matin avec notre Grand invité Afrique : Jean Kaseya, directeur de l'Africa CDC (les centres africains de contrôle et de prévention des maladies). RFI : Avec les coupes budgétaires de l'aide occidentale, est-ce que vous avez déjà mesuré un impact direct sur la réponse aux épidémies ? Jean Kaseya : Je suis très clair là-dessus. Ces coupes peuvent ou sont en train d'accélérer une possible pandémie venant d'Afrique. Le nombre d'épidémies ne fait qu'augmenter d'une année à l'autre. Nous avons toujours ces problèmes d'accès aux médicaments et aux vaccins. Et ça, ce sont des conditions réunies en plus des changements climatiques, en plus de l'insécurité, pour déclencher une pandémie. Mais je sens partout, dans tous les pays où je passe, un réveil. J'étais à Lusaka, en Zambie, il y a quatre jours. Il y a deux jours, j'étais à Luanda et maintenant, je suis à Abidjan. Je vois comment les pays se mobilisent pour trouver des ressources internes et c'est partout en Afrique le cas. Justement, est-ce que ces pays arrivent à trouver des fonds ? Je vais vous donner l'exemple de la RDC où j'ai eu à rencontrer le président Tshisekedi, qui m'a informé que le pays a décidé de mettre en place une taxe de 2 % sur tous les produits importés. En plus de cela, ils ont mis une taxe sur les salaires de toutes les personnes qui travaillent de 2,5 %. Au total, cela va donner autour de 1,5 milliard de dollars additionnels chaque année. Ça, ce sont des ressources concrètes. Le président Mahama me parlait d'un programme qu'on appelle Mahama Cares Ghana. Les pays africains avancent dans la réalité. À lire aussiÉpidémie de mpox: malgré une baisse constatée en Afrique, la vigilance reste de mise En Sierra Leone, le testing est à 100 % et le pays semble se distinguer par une gestion plus efficace du Mpox ? C'est d'abord un grand effort au niveau communautaire pour mobiliser les relais communautaires. C'est former les agents de santé par rapport à la surveillance. C'est mettre en place la vaccination qu'il faut. C'est détecter la comorbidité, ça peut être le VIH ou d'autres maladies. C'est aujourd'hui l'occasion de dire et de tordre le cou à tous ceux-là qui pensent que les Africains n'aiment pas les vaccins. Ce n'est pas vrai. Aujourd'hui, dans la plupart des pays, le taux de testing est de 100 % puisque les gens acceptent de se faire tester pour savoir s'ils sont malades. Là où le vaccin est disponible, le taux de couverture est très élevé. On parle beaucoup d'un sous-groupe du virus appelé le clade 1b, réputé plus mortel : 2000 décès enregistrés depuis 2024. Qu'est-ce qui distingue cette souche des précédentes ? Nous avons tout le temps des mutations qui se font, et nous avons maintenant des combinaisons différentes dans un même endroit au Libéria, où on a eu le clade 2a et 2b au même moment. Nous avons par exemple la RDC où nous avons eu la combinaison de ces différents clades. Ce sont toutes ces combinaisons qui font qu'on ne sait pas la bombe qui peut sortir demain. À lire aussiGuinée: l'épidémie de mpox s'étend dans le pays, un an après son apparition Cet été, le CDC Africa a dévoilé son premier cadre stratégique climat et santé, pourquoi et pour quoi faire ? 70 % des épidémies que nous avons en Afrique sont ce qu'on appelle les épidémies zoonotiques. Donc ça vient de l'animal vers l'homme, interchangeables. Nous avons vu que c'est le changement climatique qui est à la base de tout cela. En plus, nous avons le choléra. Ce choléra est dû principalement aux effets liés aux inondations et à d'autres changements climatiques. Donc voilà pourquoi nous avons décidé de lancer ce plan qui lie le climat et la santé pour mieux combattre les épidémies. Justement, le choléra connaît une recrudescence majeure. Au Soudan, Alima [The Alliance for International Medical Action] estime que si rien n'est fait, la maladie pourrait tuer plus que les armes… Entre 2022 à 2024, il y a eu doublement des cas. On est passé de 104 000 cas à 254 000 cas. Sachant que la saison des pluies va commencer dans quelques jours, je m'attends à ce que si ça continue comme ça, nous puissions avoir plus de 300 000 cas. De janvier à août, nous avons 4900 décès, alors que toute l'année 2024, on n'a eu que 4700 décès. Donc, ça signifie que le choléra actuellement devient un problème de santé publique majeur que nous devons arrêter. Comment faites-vous pour lutter contre les deux épidémies de Mpox et de choléra en même temps, sans diluer les moyens et l'attention ? Malheureusement, nous n'avons pas que ces deux épidémies. Nous en avons d'autres. Nous avons la rougeole, des cas d'Ebola, de Marburg et d'autres épidémies encore. En moyenne, nous avons une nouvelle épidémie par jour et ça, ça fait beaucoup pour nous.

    Filippo Grandi: en RDC, «la situation reste catastrophique pour les civils»

    Play Episode Listen Later Sep 2, 2025 9:09


    Crises de financement, déplacements et retours forcés, négociation de paix à Doha : de retour à Genève après une tournée dans les Grands Lacs, le patron du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés est le Grand invité Afrique de RFI ce mardi 2 septembre. Filippo Grandi appelle à dépolitiser la question des réfugiés dans la région et ne cache pas ses inquiétudes. 

    Rentrée scolaire en RDC: «Le principal défi c'est la rémunération des fonctionnaires» selon J.Malukisa

    Play Episode Listen Later Sep 1, 2025 8:11


    En République démocratique du Congo, la rentrée scolaire, c'est ce lundi 1er septembre. La mesure-phare de Félix Tshisekedi quand il est arrivé au pouvoir en 2019, c'était l'école primaire gratuite. Quel est le bilan aujourd'hui ? Et comment va se passer cette rentrée dans les territoires de l'est qui sont occupés par les rebelles du M23 et leur allié rwandais ? Jolino Malukisa est le directeur du pilier gouvernance à l'institut congolais de recherches Ebuteli. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. À lire aussiRDC: une rentrée des classes marquée par la crise économique et l'insécurité dans l'est du pays

    Congo Food Week: «Ce festival est organisé pour servir une cause humanitaire», dit Don Divin Fosh

    Play Episode Listen Later Aug 30, 2025 5:35


    La cinquième édition du plus grand festival culinaire de la République Démocratique du Congo se tient à Kinshasa. Le Congo Food Festival, qui ferme ses portes ce dimanche 31 août, a pour but de concilier art, plaisir et solidarité avec les déplacés du pays. Quelque 21,8 millions Congolais vivent aujourd'hui dans une insécurité alimentaire extrême à l'est de la RDC. Notre invité, Don Divin Fosh, l'un des organisateurs de cet événement, nous explique comment on célèbre la gastronomie tout en luttant contre la faim.  À lire aussiLa RDC confrontée à l'effondrement des financements humanitaires À lire aussiRDC: l'aide humanitaire en péril face au manque de financements internationaux

    Présidentielle en Ouganda: «Tout indique qu'une force brutale est mise en place pour réprimer l'opposition»

    Play Episode Listen Later Aug 29, 2025 9:24


    En Ouganda, après 40 ans de règne, Yoweri Museveni sera à nouveau candidat à la présidentielle de janvier prochain. À l'âge de 80 ans, il briguera donc un 7° mandat. Ainsi en a décidé mercredi 27 août le parti au pouvoir, NRM, lors d'un congrès à Kampala. Jusqu'où le président ougandais va-t-il durcir la répression contre ses opposants ? Pourquoi vient-il de signer un accord avec Donald Trump pour accueillir les migrants des pays tiers dont les Américains ne veulent plus ? Kristof Titeca est professeur de sciences politiques à l'université d'Anvers, en Belgique. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : En janvier prochain, est-ce qu'on va assister à un remake de janvier 2021, c'est-à-dire un duel entre Yoweri Museveni et Bobi Wine ? Kristof Titeca : Oui et non. Oui parce que, encore une fois, c'est une confrontation entre le président Museveni et Bobi Wine. Mais aussi non, parce que beaucoup de choses ont changé sur le terrain. Lors des dernières élections de 2021, il y avait un véritable élan en faveur de Bobi Wine. Il apportait quelque chose de nouveau à la scène électorale. Il était vu comme le représentant d'une large partie de la société ougandaise, les exclus du système. Mais aujourd'hui, ceci n'est plus le cas. Il a perdu son élan. Beaucoup considèrent que Bobi Wine et son parti sont devenus une partie intégrante de l'establishment. Il y a eu des exemples frappants. Par exemple, l'année passée, il y avait eu un scandale de corruption qui a éclaté au Parlement ougandais. La présidente du Parlement avait distribué des fortes sommes d'argent au chef de l'opposition. C'était Mathias Puga, qui était le leader du parti de Bobi Wine au Parlement. Mais aussi à la décharge de Bobi Wine, le gouvernement et le parti au pouvoir ont mené une campagne d'enlèvement qui était particulièrement brutale contre les membres du parti de Bobi Wine. Il y avait environ 1000 membres de son parti qui ont été enlevés. La plupart ont été torturés aussi. Et cette pression a lourdement pesé sur Bobi Wine et son parti. Est-ce que l'opposition a une petite chance de gagner au mois de janvier prochain ou pas ? Non, pas du tout. Tout indique qu'il y a eu une décision qui a été prise d'utiliser plus que jamais la force brutale pour réprimer l'opposition. À lire aussiOuganda: la police hausse le ton en vue de la campagne pour la présidentielle du 12 janvier Alors, il y a Bobi Wine, mais il y a aussi l'autre grand opposant, c'est Kizza Besigye, l'ancien médecin personnel de Yoweri Museveni. Au mois de novembre dernier, il a été enlevé au Kenya, transféré de force en Ouganda et placé en prison. Est-ce qu'il a une chance d'être libéré et de pouvoir se présenter en janvier prochain ? Je ne crois pas. Donc, l'arrestation de Kizza Besigye fait partie de cette stratégie de considérer les élections comme un exercice militaire. Je ne crois pas qu'il y a la moindre perspective de le voir libéré avant les élections, les autorités semblent avoir pris la décision de l'écarter définitivement de la scène politique en le maintenant en prison. Et ce que je peux dire, c'est que l'Ouganda, la Tanzanie et le Kenya semblent avoir formé une coalition pour externaliser, mutualiser la répression de leur opposition, de leurs activistes. Par exemple, récemment en Tanzanie, il y avait des activistes qui sont venus du Kenya et l'Ouganda, c'était Boniface Mwanga du Kenya, Agathe Atuhaire de l'Ouganda. Ils ont été torturés et maltraités en Tanzanie. La semaine dernière, l'Ouganda a signé avec les États-Unis un accord par lequel il accepte d'accueillir les migrants de pays tiers, dont les Américains ne veulent plus. Pourquoi ce cadeau à Donald Trump ? Oui. Depuis une dizaine d'années, ce sont les réfugiés qui sont devenus une ressource géopolitique importante. Et donc le gouvernement et Museveni ont bien compris ceci. Ils ont adopté une politique de la porte ouverte radicale vis-à-vis des réfugiés. Et ceci est bien sûr perçu comme très utile par la communauté internationale. Donc, l'Ouganda a été largement salué comme un pays accueillant vis à vis des réfugiés et comme un modèle de relocalisation des réfugiés dans leur propre région. Et c'est dans cette logique qu'il faut comprendre l'accord avec les États-Unis, ou même des négociations potentielles pour accueillir des personnes venant de Gaza. En faisant ceci, le gouvernement cherche à se rendre utile et même indispensable géopolitiquement, dans un contexte où ce gouvernement a perdu un peu de sa crédibilité, en raison de ses tendances autoritaires. Alors, vous parlez des réfugiés éventuels venus de Gaza. Selon certaines sources, les Américains tenteraient de convaincre l'Ouganda d'accueillir des Palestiniens de Gaza. Est-ce que vous avez des informations qui vont dans ce sens ? Non, je n'ai pas d'information sur ce dossier. La seule chose que je peux dire, ce n'est pas la première fois qu'il y a un deal. Il y a eu un accord sur les réfugiés et sur les migrants entre Israël et l'Ouganda. En 2018, il y avait un accord avec Israël pour accueillir des réfugiés qui étaient en Israël, venant du Soudan et de l'Érythrée.

    France-Algérie: pour le cardinal Jean-Paul Vesco, «Il y a besoin d'une reconnaissance fraternelle»

    Play Episode Listen Later Aug 28, 2025 8:06


    Pour sortir de la crise actuelle entre la France et l'Algérie, « les gestes mémoriels d'Emmanuel Macron ne suffisent pas », disent en substance le cardinal-archevêque d'Alger et le recteur de la Grande Mosquée de Paris, qui signent, dans le journal Le Monde, un appel conjoint à la fraternité entre les deux pays. Et les deux chefs religieux, le chrétien et le musulman, pensent qu'il existe un chemin pour parvenir à cette fraternité entre les deux peuples de France et d'Algérie. En ligne d'Alger, le cardinal-archevêque Jean-Paul Vesco répond aux questions de Christophe Boisbouvier. À lire aussiFrance-Algérie: Macron et Tebboune appelés dans une lettre ouverte à résoudre la crise diplomatique

    Achille Mbembe: «Une élection libre et indépendante n'est pas possible en ce moment au Cameroun»

    Play Episode Listen Later Aug 27, 2025 17:07


    « Il faut s'attaquer à la question du tribalisme et en finir avec la fixation contre les Bamilékés », affirme le philosophe et essayiste camerounais Achille Mbembe, avant la présidentielle du 12 octobre dans son pays. Achille Mbembe, qui vient de publier La communauté terrestre chez La Découverte et qui dirige la Fondation de l'innovation pour la démocratie, lancée par Emmanuel Macron il y a trois ans, s'exprime sur deux faits majeurs avant l'élection au Cameroun : l'éviction de l'opposant Maurice Kamto et la candidature du président Paul Biya à un huitième mandat. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI :  Le mois dernier, sur RFI, deux ministres du gouvernement camerounais se sont contredits sur l'opportunité pour le président Biya d'être candidat à un huitième mandat. C'est un signe politique ou pas ? Achille Mbembe : Il ne faut sans doute pas négliger ces symptômes, mais il ne faut pas se perdre non plus dans le présentisme. Je crois que tout s'est arrêté au Cameroun depuis le début des années 1990. Depuis lors, c'est l'inertie qui prévaut. Je crois qu'il est temps de dresser tout de même un bilan des 43 années au pouvoir de Monsieur Paul Biya. Je crois que ce bilan est calamiteux parce que le gaspillage et la dissipation caractérisent ce demi-siècle de pouvoir personnel à la tête du pays. Les fissures qui apparaissent au sommet de l'Etat, est-ce que ce n'est pas lié à l'âge du capitaine ? Je ne veux pas manquer de respect à l'égard d'un vieillard. Dans un pays normal, il aurait été congédié depuis très longtemps. Mais le Cameroun n'est pas un pays normal. Parce qu'il me semble que la formidable capacité de résilience de ce peuple, cette extraordinaire énergie, tout cela a été investi dans de mauvais objets, comme on le voit bien dans cette espèce de fixation sur les origines tribales, les origines ethniques, cette espèce de péché originel, je dirais, de la politique au Cameroun. Le rejet de la candidature de Maurice Kamto par le Conseil constitutionnel, c'était au début de ce mois, est-ce que l'opposant n'aurait pas pu éviter cette mésaventure si son parti MRC avait concouru aux élections précédentes, afin qu'il ait le nombre d'élus nécessaires pour appuyer cette candidature ? Ils auraient trouvé sans doute d'autres motifs pour l'éliminer. Il faut s'attaquer à la question du tribalisme, en particulier la peur des Bamilékés. Il faut dire les choses comme elles sont. Je crois que l'obsession, la fixation anti Bamiléké instrumentalisée est devenue une technologie de pouvoir. Je crois qu'elle explique bien davantage l'éviction du professeur Kamto que toutes ces histoires, disons tactico-tactiques. Cabral Libii, Joshua Osih, Bello Bouba, Issa Tchiroma, Patricia Ndam Njoya, Akere Muna et bien d'autres… Les candidatures se multiplient dans l'opposition avant ce 12 octobre. Or, il n'y aura qu'un tour. Est-ce que l'opposition vit toujours dans la malédiction de la division ou pas ? Au fond, une élection libre et indépendante n'est pas possible en ce moment au Cameroun. Et donc il va falloir travailler sur le très long terme, en mettant au cœur de la démarche politique la formation des gens, parce que tout cela ne relève pas du spontané. On l'a vu au Sénégal, en Afrique du Sud, dans tous les pays où un mouvement d'émancipation a pu prendre corps. Et donc c'est vrai, je constate comme vous que c'est une opposition qui a de la peine à faire corps. Mais c'est tout le peuple camerounais qui peine à faire corps, qui peine à se mouvoir à l'unisson et qui peine à se transformer en un collectif, en une communauté de sécurité capable de s'auto-défendre. Et donc il manque ce terreau, ce matériau fondamental que constitue un peuple réveillé qui peut se mettre debout par-delà, justement, sa pluralité, sa multiplicité. Et la satrapie, pendant 43 ans, s'est efforcée justement de rendre impossible ce mouvement. Peut-être un jour ce peuple deviendra-t-il un collectif. Un collectif comparable au Pastef, au Sénégal ? Mais c'est justement ce type d'effort qu'il faut. Je ne dis pas qu'il faut aller copier au Sénégal. Chaque pays a ses particularités. Je parle de l'idée de la capacité de penser en commun. Le Cameroun est un pays aujourd'hui, après 43 ans d'un pouvoir personnel, qui est dans un état d'insécurité existentielle. La satrapie a infligé à ce peuple tant de coups, qu'il se trouve aujourd'hui dans une situation de profond handicap, à la fois cognitif et émotionnel. Et c'est la raison pour laquelle nous agissons tantôt comme des envoûtés, tantôt comme des bouffons. Comment peut-on imaginer qu'à 93 ans, on veuille se porter candidat pour un nouveau mandat de sept ans, qui portera donc le concerné, au cas où il survit à tout cela, à la centaine au bout du mandat ? C'est de la bouffonnerie. À lire et à écouter aussiCameroun: «L'élection présidentielle d'octobre sera sans doute un scrutin historique»

    Guinée: «L'illusion du coup d'État pour plus de liberté s'est transformée en prison à ciel ouvert»

    Play Episode Listen Later Aug 26, 2025 12:22


    Et si les activistes guinéens Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah étaient toujours en vie ? Plus d'un an après leur enlèvement par des militaires à Conakry - c'était le 9 juillet 2024 - un ancien député guinéen proche du régime du général Mamadi Doumbouya affirme qu'ils se portent bien, mais qu'ils restent gardés au secret. Réaction aujourd'hui d'un autre leader de la société civile guinéenne : Abdoul Sakho, Coordinateur national du Forum des Forces Sociales de Guinée, a été enlevé lui aussi par des militaires, a subi de terribles sévices, mais a eu la chance d'être relâché. Aujourd'hui, il vit en exil et témoigne au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Le 18 février dernier au soir, vous dites avoir été enlevé à votre domicile de Conakry par des hommes en treillis lourdement armés, venus à bord d'une dizaine de véhicules non immatriculés. Qu'est-ce qui s'est passé ensuite ? Abdoul Sakho : D'abord, ce n'est pas une question de dire, c'est une question de fait. Effectivement, j'ai été enlevé la nuit du mardi 18 février. Ça a été un moment de cauchemar, un moment de terrorisme, de traumatisme, aussi bien pour moi mais aussi pour ma famille. Ils n'ont pas pu passer par la porte, ils sont passés par le toit et ont menacé ma pauvre maman qui a été jetée d'ailleurs de la cuisine. Ils ont sommé ma fille, qui n'avait pas onze ans d'ailleurs, à se coucher sur le ventre, ma petite sœur également. Ils m'ont giflé, avec six personnes qui sont tombées du plafond, lourdement armées, qui m'ont molesté devant ma famille, m'ont sorti de la maison. Il faut noter qu'ils étaient cagoulés. Et de là, destination inconnue. Et quand vous avez été mis dans ce véhicule, vous avez été transporté jusqu'où ? Ils ont dit dès le départ qu'ils ont « le colis », ils communiquaient avec quelqu'un à distance. Et j'ai été conduit dans trois lieux différents. Je sais que c'est à Conakry, parce que de la maison à là où l'on me conduisait, ça n'était pas aussi loin que ça. Et dans les trois lieux différents, c'était les séances de torture, des séances d'interrogatoire, des séances d'évanouissement, des séances de réanimation. Avez-vous été violemment torturé ? C'est hors de l'imagination. C'est hors de description. De mon corps, tout, tout… Le dos, les mains, torturé avec la technique de l'eau. Quand on m'a attaché les mains au dos, totalement ligoté, on me faisait coucher sur le dos. Je me rappelle de cela à chaque fois, quand je m'étouffe, je m'évanouis. Et en cours de route, quelqu'un a dit « maintenant, c'est fini pour toi ». Et quelqu'un a dit « lui, il ne s'agit pas de le présenter à un juge ou de mettre à une prison. C'est fini pour lui ». Est-ce que vous pensez que des pressions internationales vous ont permis de rester en vie ? Absolument, absolument. Il faut saluer la promptitude des partenaires de façon générale, le courage aussi à ne pas parler avec des mots entre les lignes. Il faut le saluer, notamment celui de l'ambassade des Etats-Unis et tous les partenaires d'ailleurs. Et c'est cette chaîne de solidarité locale et internationale, avec la grâce de Dieu, qui m'a permis aujourd'hui d'avoir la vie sauve. Parce que mon cas est une illustration parfaite de cette conjugaison des efforts. Vous n'êtes pas le seul Guinéen à avoir été kidnappé ces quinze derniers mois à Conakry. Quels sont aujourd'hui vos camarades pour lesquels vous êtes le plus inquiet ? Honnêtement parlant, malgré la douleur dans ma chair, malgré le traumatisme que ma famille a vécu, quand je vois cet exemple sur mon cas, je me demande aujourd'hui… Ceux qui détiennent les camarades, je veux parler de Foniké Menguè, de Mamadou Billo Bah, de Habib Marouane Camara le journaliste, de Sadou Nimaga, un expert minier, je veux parler même d'un parolier, un simple parolier qu'on appelle Djéliman Kouyaté, et d'autres anonymes encore... Je me demande si ceux qui les détiennent, ceux qui nous enlèvent, ceux qui menacent, je me demande si ces gens-là sont des pères de famille. Est-ce que ces gens-là ont des mamans ? Est-ce qu'ils pensent à la douleur que les familles de ceux-ci vivent aujourd'hui ? C'est extraordinaire. Honnêtement parlant, l'illusion du coup d'Etat [du 5 septembre 2021] pour plus de liberté s'est transformée en prison à ciel ouvert pour tous les Guinéens aujourd'hui. C'est pour cela, pour les familles de nos collègues-là, sans parler de tout ce que moi j'ai subi en termes de techniques de tortures, en termes de menaces de mort… C'est pour cela que j'imagine aujourd'hui dans quelles conditions ces collègues sont. C'est pour cela qu'il faut davantage que le monde libre, le monde des libertés conjugue les efforts pour la dignité humaine dans le respect des lois. Alors, il y a quelques jours, un ancien député pro Alpha Condé, Taliby Dabo, qui est aujourd'hui rallié aux militaires du CNRD, a affirmé face caméra que vos camarades Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah étaient toujours vivants, se portaient bien, mais restaient gardés au secret pour des raisons de sécurité nationale. Qu'est-ce que vous pensez de ce témoignage ? D'abord, c'est la bonne nouvelle, déjà. Je trouve cela comme un ouf de soulagement qu'on nous dise qu'ils vivent bien. Mais au-delà de cela, je pense que c'est une piste sérieuse qu'il ne faut pas négliger. Parce que ce n'est pas n'importe qui, c'est quelqu'un qui peut être dans le secret des autorités de la transition. Oui, mais cet ancien député Taliby Dabo, ce n'est pas un militaire du CNRD lui-même... Absolument. Il ne s'agit pas d'un militaire. Mais je me demande s'il peut s'évertuer de dire cela comme ça, sans pour autant avoir des raisons solides, sans pour autant avoir des informations assez soutenues. Donc il soutient ces allégations.

    Ibrahima Lissa Faye: «Il y a des menaces réelles sur la survie de la presse au Sénégal»

    Play Episode Listen Later Aug 25, 2025 5:21


    La démocratie sénégalaise pourrait-elle perdre l'un de ses piliers, sa presse, libre, qui est pourtant une référence dans toute l'Afrique de l'Ouest ? Les nouvelles préoccupantes sur la santé économique des médias sénégalais se multiplient. Dernière en date : un plan de restructuration dans le groupe Futurs médias de Youssou N'Dour, annoncé par la direction, à la suite de graves difficultés financières. D'où vient cette situation de fragilité ? Que faire ? Ibrahima Lissa Faye est responsable de la Coordination des associations de presse du Sénégal. Il est l'invité de Laurent Correau. RFI : Est-ce qu'il faut s'inquiéter de l'état du quatrième pouvoir, de l'état de la presse, au Sénégal, aujourd'hui ? Ibrahima Lissa Faye : Il y a de quoi s'inquiéter parce qu'il y a des menaces réelles sur la survie de la presse au Sénégal. Depuis plus de 17 mois, les entreprises de presse ont une trésorerie déficitaire parce qu'il y a eu un ensemble de mesures inappropriées prises par l'État qui fragilise la survie des entreprises de presse et qui les met dans une situation extrêmement compliquée. Et aujourd'hui, toutes les entreprises de presse privées vivent avec des arriérés de salaires, des arriérés de location et du matériel vétuste qui n'a pas pu suivre une maintenance correcte. Donc, il y a des risques d'extinction de certains médias. Un journal sénégalais titrait récemment « GFM, Walf et Sud, les géants de la presse sénégalaise s'effondrent ». Est-ce que ça va jusque-là ? Est-ce que vous diriez qu'effectivement ces trois groupes, qui sont des piliers de la démocratie sénégalaise autant que des éléments de son patrimoine intellectuel, sont menacés ? Ils sont bien menacés, que ce soit Sud, Wal Fadjri et GFM, les fleurons médiatiques du Sénégal sont menacés. Parce que si vous prenez par exemple Sud, les employés étaient sur le point d'aller en grève. Et si c'était le cas, c'est clair que le titre allait disparaître. Pour ce qui est de GFM, la direction a annoncé une mesure sociale pendant un licenciement technique de beaucoup de travailleurs, et le syndicat refuse et a sorti un communiqué pour dénoncer cela. Pour Wal Fadjri, ils sont dans les mêmes difficultés que tout le monde. Donc, pour vous dire que la situation est quasi pareille dans toute la presse privée.   Qu'est-ce qui provoque ces difficultés financières des médias ? En réalité, c'est à cause du gel des contrats publicitaires venant des entreprises publiques et parapubliques, mais également aussi le blocage depuis 2024 du Fonds d'appui et de développement de la presse, le FADP, mais également aussi la situation économique extrêmement tendue du pays qui fait que, en fait, le privé, sa marge publicitaire, c'est juste autour de 15%/20 %. Et donc, avec 15%/20 %, on ne peut même pas gérer les charges courantes. Qu'est-ce qui peut être fait pour essayer de renverser cette situation ? Moi, je pense qu'en fait, le pouvoir et les acteurs des médias doivent discuter. Mais surtout que le ministre descende de son piédestal pour parler avec les acteurs des véritables problèmes et qu'au plus haut niveau qu'il y ait une volonté aussi de trouver des solutions. Les acteurs proposent, mais au niveau de l'État, on n'a pas de répondant. Nous sommes face à un mur qui est là et qui, malheureusement, ne nous offre aucune opportunité. Il y a tout de même des mesures positives qui ont été prises par les nouveaux pouvoirs publics : l'enregistrement des médias sur une plateforme pour plus de transparence ou l'actualisation de la loi sur la publicité. Oui, ça, ce sont des mesures importantes. Il faut les saluer. Nous ne sommes pas d'accord sur la démarche. Il aurait pu quand même le faire avec les acteurs. Les médias sénégalais sont considérés comme des références pour l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest. Comment est-ce que vous voyez les conséquences de ce risque d'effondrement de la presse privée sénégalaise pour la démocratie dans la région, de manière plus générale ? Ce que j'ai l'habitude de dire, c'est que si aujourd'hui on néglige les médias sénégalais jusqu'à ce que les fleurons mettent la clé sous le paillasson, il y a des forces obscures – nous sommes dans une région très menacée, avec une insécurité qui est là – qui pourraient en tout cas s'accaparer nos médias ou venir avec une autre offre qui peut ne pas nous arranger. Nous nous battons pour que ces fleurons de la presse sénégalaise demeurent, pour que, en fait, l'identité de la presse sénégalaise continue et perdure. On n'est pas là pour un pouvoir ou pour des lobbys. La presse est là pour l'information, elle est là pour les populations. Et donc, c'est important que cette presse-là garde cette indépendance pour qu'elle puisse servir tout le monde.

    Aboubacar Demba Cissokho: «Le Fespaco est un reflet de la société africaine»

    Play Episode Listen Later Aug 23, 2025 5:29


    Fespaco : Par-delà les écrans, c'est le titre d'un livre qui vient de paraître en juillet 2025 aux éditions Baobab, au Sénégal. Son auteur, le journaliste et critique de cinéma Aboubacar Demba Cissokho, y raconte comment il a vécu le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou depuis qu'il a commencé à le couvrir en 2003, au Burkina Faso. Son récit est agrémenté de faits historiques, d'anecdotes, d'entretiens, et aussi d'interrogations sur l'identité de ce rendez-vous majeur du monde du cinéma africain.   À lire aussiFespaco 2025: le réalisateur burkinabè Dani Kouyaté remporte l'Étalon d'or de Yennenga

    Me Drissa Traoré (FIDH): «Les sanctions américaines» peuvent freiner «le financement de la CPI»

    Play Episode Listen Later Aug 22, 2025 7:17


    La Cour pénale internationale encore visée par les États-Unis. Le département d'État américain a adopté mercredi 22 août de nouvelles sanctions contre la CPI, accusant quatre juges d'avoir lancé des poursuites contre des ressortissants des États-Unis et d'Israël. Parmi lesquelles le mandat d'arrêt contre le Premier ministre Benyamin Netanyahu pour la guerre contre la population de Gaza. La CPI qualifie la décision américaine d'« attaque flagrante contre l'indépendance d'une institution judiciaire impartiale ». La réaction du secrétaire général de la Fédération internationale de droits de l'Homme (FIDH) Maître Drissa Traoré, au micro de Sidy Yansané. À lire aussiWashington sanctionne de nouveau la CPI pour ses enquêtes impliquant États-Unis et Israël À lire aussiLe Sénégal demande aux États-Unis un retrait des sanctions contre quatre magistrats de la CPI

    La Guinée devient un point de départ des migrants car «les jeunes ont perdu confiance en la République»

    Play Episode Listen Later Aug 21, 2025 7:08


    Les départs clandestins de pirogues depuis les côtes guinéennes vers l'archipel espagnol des Canaries se sont multipliés, en conséquence de l'accord migratoire conclu entre la Mauritanie et l'Espagne l'an dernier. Pourtant, la traversée depuis la Guinée peut durer une dizaine de jours et est extrêmement dangereuse. En 2024, l'ONG espagnole Caminando Fronteras dénombre 10 457 morts dans l'Atlantique. Entretien avec Elhadj Mohamed Diallo, ancien exilé, qui dirige désormais l'Organisation guinéenne de lutte contre la migration irrégulière.  RFI : La Guinée est devenue une alternative pour les candidats à la migration clandestine, notamment depuis la ville côtière de Kamsar. Pourquoi ce phénomène, selon vous, a-t-il pris de l'ampleur dans la ville ? Elhadj Mohamed Diallo : D'abord, la ville de Kamsar est une ville portuaire, où la pêche est beaucoup développée. La plupart des jeunes maîtrisent parfaitement l'océan. Ce sont des pêcheurs qui maîtrisent la conduite des pirogues.  La situation aux îles Canaries est telle que des journalistes espagnols sont venus enquêter jusqu'en Guinée pour identifier les familles des disparus, racontez-nous.  Lorsque des Guinéens sont arrivés dans les îles des Canaries – le troisième convoi au départ de Kamsar -, il y a eu un accident. Sept personnes sont décédées, dont deux enfants. Donc les journalistes se sont intéressés à la question. Ils nous ont contactés et ils sont venus sur le terrain pour identifier trois familles parmi les sept et après, ils sont venus à Conakry. On les a mis en contact avec des familles de disparus, et eux nous ont mis en relation avec des organisations qui travaillent sur les questions d'identification dans les autres pays. Il y a plusieurs familles qui sont identifiées, on est en train de mettre en place le collectif des familles de disparus. Et une fois que vous les identifiez, qu'est-ce que vous faites ? Parfois, un jeune décède dans un autre pays, mais la famille n'est pas identifiée. Donc, ils nous contactent. On accompagne la famille pour qu'elle puisse rapatrier le corps au pays et inhumer le jeune. On les accompagne aussi dans leur deuil et dans les démarches administratives. Lorsqu'un corps est identifié, il y a un tas de dossiers qu'il faut aller retirer à la justice ou à la mairie. Parfois, les familles ne sont pas informées. Nous accompagnons les familles dans toutes ces démarches, s'ils décident de rapatrier le corps ou pour qu'ils aient les documents nécessaires pour engager des procédures auprès des tribunaux. À lire aussiGuinée: une nouvelle route dangereuse pour la migration vers les Canaries au départ de Kamsar Alors concrètement, comment ça se passe ? Ce sont des passeurs qui sont, disons, des « professionnels » et qui ouvrent un nouveau point de passage ? Ou est-ce que ce sont des pêcheurs ou des personnes sur place, à Kamsar, qui se lancent dans le marché de la migration par opportunisme ? Le premier convoi, c'était des pêcheurs. Comme le Sénégal  est un pays frontalier, on se dit que s'il y a des voies de passage depuis le Sénégal, nous aussi Guinéens pouvons tenter. Donc c'est comme ça qu'ils ont commencé. Un groupe d'individus étaient là en train de travailler, ils se sont réunis, ils ont formé leur convoi et ils sont partis. Ca a même échappé aux autorités. Pour le moment, on n'a pas pu avoir des informations sur les passeurs, on est en train de faire des recherches. Mais bon, vous savez, c'est une question très compliquée de former un groupe de réseaux. Ça peut être des compatriotes qui étaient déjà en Mauritanie ou au Sénégal et qui reviennent en Guinée, ou ça peut être aussi des gens issus du réseau marocain qui se ramifie jusqu'en Guinée. Ce sont des réseaux qui sont vraiment professionnels. On doit planifier le terrain, il faut identifier qui doit être impliqué, qui ne doit pas être impliqué aussi. Ça va prendre du temps. Mais quand même, il y a eu pour le moment trois ou quatre convois qui sont partis et le mois dernier, les autorités ont arrêté pas mal de groupes de personnes qui étaient prêtes à partir. Deux convois ont été arrêtés au mois de juillet. Un autre convoi a été arrêté en Mauritanie où il y avait des Guinéens, des Sénégalais et d'autres nationalités. Vous voulez dire qu'en fonction des politiques migratoires des pays pourtant voisins, le point de départ peut changer ? Pas forcément les politiques migratoires en soi. Ça peut être peut-être la façon dont on est en train de réprimer les migrants, ou bien comment on est en train de durcir un peu les politiques migratoires. C'est une chaîne, en fait. Ça a commencé par le Maroc, puis le Maroc a « fermé » sa voie d'accès. Puis la Mauritanie, le Sénégal où ça devient de plus en plus difficile. Finalement, les points de départ s'éloignent de plus en plus. Et certainement demain, quand on va « fermer » la Guinée, peut-être que c'est Sierra Leone, le Liberia ou la Côte d'Ivoire qui seront concernés. En ce qui concerne le réseau des passeurs, ce n'est pas seulement la Guinée qui doit y travailler. Il faut que les pays collaborent, que ça soit une coordination entre les États parce que ces passeurs sont des criminels. Ça, il faut le dire. Quand vous voyez ce qui se passe aujourd'hui en Tunisie, vous comprendrez pourquoi les pays doivent coopérer pour pouvoir travailler sur cette question. Est-ce que vous avez pu dresser un profil des personnes qui prennent la mer ? Ce sont des familles avec des enfants, parce qu'ils sont convaincus qu'avec des enfants, on vous donne des papiers en règle dès votre arrivé. Donc, ils prennent toute la famille pour partir. En majorité, c'est des jeunes de 17 à 35 ans. Mais il y a également des vieux, des femmes, des enfants, des intellectuels, des étudiants, des non-étudiants... C'est les mêmes personnes, des fois, qui avaient envie de partir mais qui n'en avaient pas la possibilité. Avec 15 millions de francs guinéens [1 500 €, NDLR], ils vont migrer depuis Kamsar.  À lire aussiMauritanie: «Notre politique vis-à-vis de la migration irrégulière est restée la même» Alors même que la communication habituelle des autorités et la sensibilisation communautaire martèlent que le risque de partir clandestinement, c'est très dangereux, que la Guinée ou même l'Afrique en général, a besoin de bras pour se construire et que les politiques migratoires, vous l'avez dit, sont de plus en plus dures. Pourquoi, selon vous, les jeunes continuent de tenter « l'aventure », comme on l'appelle en Afrique de l'Ouest ? On est tous d'accord que d'abord, la migration, c'est un fait naturel. Deuxièmement, il y a une communication sur les réseaux sociaux qui dit que l'Allemagne ou la France ont besoin de plus de main-d'œuvre et les jeunes ont besoin de travailler. Mais quand vous prenez le cas spécifique de la Guinée, la majeure partie des jeunes Guinéens ont perdu confiance non seulement en l'intellectuel guinéen, mais aussi en la République de Guinée. Même s'ils avaient des milliards en poche, ils n'auraient pas envie d'investir dans ce pays parce qu'il y a une totale perte de confiance. Même si ces jeunes sont des intellectuels, même si vous leur trouvez un travail, ils vont chercher un moyen de transport pour quitter le pays parce qu'ils n'ont plus confiance en la République. À une époque, on avait des tee-shirts qui disaient La Guinée est mon avenir. Il y a un jeune qui m'a interpellé un jour, en me disant : « Tu penses qu'il y a une possibilité de réussir dans ce pays où un Premier ministre te dit qu'une région n'a pas le courant parce qu'un Chinois est mort ? » [en 2018, l'ex-Premier ministre Kassory Fofana avait justifié l'absence d'électricité à Kankan par le décès prématuré de l'investisseur chinois choisi pour le projet, NDLR] Vous voyez la mentalité ? Au début de ce mois, 49 Sénégalais ont quitté la Mauritanie en pirogue, se sont perdus en mer et ont finalement pu atteindre les îles Canaries en s'accrochant à une barge remorquée par un navire européen. Comment vous expliquez une telle détermination chez les jeunes Africains, avec pourtant un énorme risque de se faire arrêter ou pire, de mourir, tout simplement ? Vous interrogez dix jeunes aujourd'hui sur pourquoi ils sont prêts à prendre ces risques-là. Ils vous diront que dans l'état actuel des choses, ils sont comme déjà morts. Donc pour eux, il vaut mieux aller mourir ailleurs et peut-être réussir, que de rester ici et mourir. C'est comme un jeune avec ses parents, s'il n'a plus confiance, il va quitter la maison. Donc quand on n'a plus confiance en notre nation, on va forcément la quitter. C'est ce qui arrive en l'Afrique de l'Ouest, surtout au Sénégal et en Guinée. Quand dans un pays, même manger devient un luxe, ça devient un problème. Il y a donc la communication sur les réseaux sociaux et aussi cette question politique qui motive de nombreux jeunes à partir. Et on comprend parfois leur motivation, ils veulent tout simplement vivre en paix. À lire aussiLa France peut-elle se passer d'immigration ?

    Soudan: «Le choléra risque de tuer plus que les armes au Darfour du Nord»

    Play Episode Listen Later Aug 20, 2025 8:34


    Au Soudan, la guerre continue de faire rage. Depuis deux ans, le conflit a fait des dizaines de milliers de morts et des millions de déplacés à travers tout le pays. Au-delà des appels au cessez-le-feu, ce sont désormais les alertes humanitaires qui se font le plus entendre. En plus de la malnutrition qui s'installe, l'épidémie de choléra s'étend, alors que l'aide humanitaire peine à entrer dans le pays. Entretien avec docteur Rodrigue Alitanou, directeur des opérations de l'ONG Alima. Il répond aux questions de Sidy Yansané.  RFI : À l'occasion de la journée mondiale de l'aide humanitaire mardi 19 août 2025, les Nations Unies indiquent un nombre record de 383 travailleurs humanitaires tués dans le monde l'an dernier. Le Soudan affiche le plus lourd bilan après Gaza. Est-ce qu'on peut dire que la guerre au Soudan est devenue l'une des pires crises humanitaires au monde ? Dr Rodrigue Alitanou : Absolument. Le Soudan aujourd'hui est considéré comme la pire crise humanitaire au monde selon les Nations Unies. Depuis le 15 avril 2023, où cette nouvelle guerre a commencé, elle a déjà fait des dizaines de milliers de personnes tuées et des dizaines de millions de personnes déplacées, avec aussi beaucoup d'humanitaires touchés par cette crise. L'ONU dénonce d'ailleurs « l'expression honteuse de l'inaction et de l'apathie internationales ». C'est un constat que vous partagez ?  Oui, parce que malgré toutes les difficultés déjà que les populations subissent au Soudan, l'acheminement de l'aide humanitaire n'est pas effectif et on a des difficultés à pouvoir envoyer les travailleurs humanitaires [sur le terrain], les approvisionnements pour les hôpitaux, et tout ce qui est nécessaire à ce que l'aide humanitaire soit effective dans les différentes régions. La semaine dernière, c'est l'Union européenne, conjointement avec le Japon, le Royaume-Uni et le Canada, qui appelait à laisser entrer l'aide humanitaire « de toute urgence » et à protéger les civils. Mais le même jour, le général al-Burhan s'engageait à ne faire « ni compromis ni réconciliation, quel qu'en soit le prix » avec les FSR de son adversaire Hemedti. Est-ce qu'il n'y a pas là un aveu d'impuissance de la communauté internationale ?  Sans faire de la politique, oui. Il y a des déclarations, mais il n'y a pas d'actions qui suivent de la part des différents belligérants. Il y a une forme d'impuissance, mais on ne peut pas baisser les bras, on ne doit pas baisser les bras, parce que l'enjeu est de taille. Si on ne fait rien, si l'aide humanitaire n'est pas acheminée dans les différentes régions en proie à la violence au conflit au Soudan, ce sont les populations qui vont en pâtir. En plus d'être sur le podium des États où meurent massivement les travailleurs humanitaires, le Soudan est désormais en tête des pays les plus touchés par le choléra. Comment l'épidémie a progressé aussi vite ? Avec cette crise qui avait jusqu'alors comme résultante l'insécurité alimentaire, la malnutrition, la famine par endroits, la situation est désormais exacerbée par cette épidémie de choléra sans précédent qui s'intensifie de semaine en semaine et touche des adultes comme des enfants, avec une vitesse de propagation assez fulgurante dans les camps de déplacés. J'étais sur place, j'ai vu des arrivées massives des populations dans des camps de déplacés déjà débordés, des populations exténuées par des atrocités et qui ont déjà un niveau d'immunité assez bas. Les populations affamées et assoiffées, parce qu'il y a des ressources très limitées, dorment à même le sol, serrées sous des toits de fortune. Des camps de déplacés caractérisés par une promiscuité totale, sans assainissement et sans suffisamment d'eau. Les gens vivent avec moins de trois litres d'eau par jour. Comme les latrines sont insuffisantes, il y a un phénomène de défécation à l'air libre qui s'est installé. Absolument tout est réuni pour que cette épidémie soit entretenue, spécifiquement dans les États du Darfour et notamment dans le Nord-Darfour, où le conflit a pris une autre dimension depuis mars. Cette épidémie risque d'être hors de contrôle si rien n'est fait. À lire aussiLe Soudan en guerre frappé par l'une des pires épidémies de choléra de son histoire La région du Darfour reste l'épicentre de l'épidémie, mais vos confrères de Médecins sans frontières craignent une propagation, comme vous, bien au-delà des camps de déplacés, au point de créer une combinaison mortelle avec la malnutrition qui frappe aussi le pays.  Effectivement, la situation est préoccupante dans les camps de déplacés, mais également dans les populations hôtes. Aujourd'hui, on parle de milliers de personnes exposées, notamment dans le Nord-Darfour avec 640 000 enfants menacés. Ce sont les chiffres de l'UNICEF de la semaine dernière. Il y a une propagation au-delà des camps qui est déjà effective, plus de 32 États sont aujourd'hui menacés ou atteints du choléra. La situation dans la ville d'El-Facher est particulièrement grave, car elle est sous contrôle de l'armée régulière, mais encerclée par les paramilitaires FSR qui empêchent les convois humanitaires d'y entrer. À votre connaissance, combien de personnes y vivent actuellement et surtout comment survivent-elles ? La ville d'El-Facher est effectivement particulièrement sous tension parce qu'elle est assiégée depuis les affrontements qui ont commencé en avril et qui ont vu migrer de la ville des dizaines de milliers de personnes vers Tawila. Environ un million de personnes sont assiégées dans cette ville où tout manque. Les populations n'ont pas de voies d'approvisionnement, il y a plus de 70% des hôpitaux qui ne fonctionnent pas, l'accès aux soins est délétère. C'est aussi le cas de l'accès aux services de base, tout ce qui est nourriture et eau potable. Des centaines de milliers de personnes sont exposées à cette situation. Et les habitants, les témoignages que RFI a pu recueillir parlent d'enfants qui meurent quotidiennement de malnutrition ou de mauvaises conditions de vie... Exactement. Et c'est la résultante directe de cette guerre. On parle de près de 20 % des enfants souffrant de malnutrition, notamment dans des zones fermées, sans accès aux soins déjà pour la malnutrition. Le choléra vient maintenant s'ajouter et affecte la majorité des personnes, dont les enfants qui sont les couches les plus vulnérables. Vous avez indiqué qu'entre 70 et 80 % des hôpitaux et des centres médicaux du pays sont détruits. Ils sont même systématiquement visés par les belligérants, est-ce que vous arrivez à comprendre pourquoi les belligérants visent systématiquement les infrastructures médicales ? Nous sommes face à une guerre aveugle où les populations, malheureusement, sont devenues des cibles, tout comme les travailleurs humanitaires. Aujourd'hui, plusieurs centres de santé sont attaqués, particulièrement chez Alima. On a été obligés à maintes reprises de relocaliser nos activités, notamment à El-Facher où aujourd'hui, on n'arrive plus à travailler dans l'hôpital général. On s'est déplacé dans un autre endroit, qui a été aussi bombardé à plusieurs reprises, donc on a dû se déplacer de nouveau. Mais ce n'est pas seulement les infrastructures de santé, même les maisons des populations sont touchées. Cela montre clairement la volonté des différents groupes à prendre en étau les populations civiles dans cette guerre aveugle. Si rien n'est fait, le choléra aujourd'hui risque de tuer plus que les armes au Nord-Darfour. Dernièrement, j'ai rencontré sur le terrain une femme enceinte qui a marché 75 km, elle a dû accoucher à son arrivée. Et j'imagine aujourd'hui cette femme qui a pu survivre à toutes ces atrocités, contracter le choléra, fatal aussi bien pour elle que son enfant. Il faut faire tout son possible pour éviter ce risque à tout prix. D'autant que pour résorber le choléra, il faut beaucoup boire ou alors il faut des antibiotiques. Donc ça a l'air d'être un traitement simple, mais pour autant les populations manquent de tout cela… D'une part les financements sont très minimes et d'autre part les voies d'approvisionnement des différentes zones où sévit le choléra aujourd'hui sont coupées par la guerre. C'est un cocktail qui fait que le choléra risque de l'emporter.  Quel a été l'impact du retrait des financements de l'aide américaine d'USAID ? L'impact a été très très sec. Déjà en février, plus de 60 % des organisations humanitaires ont dû arrêter brusquement leurs activités et ça a eu un impact sur le déploiement des quelques aides qui arrivent à venir au Soudan. Depuis cette épidémie, on voit encore plus l'impact puisqu'on n'est que très peu d'organisations pouvant opérer et déployer des soins pour les populations. On a intérêt à tous se mobiliser pour que les financements puissent suivre assez rapidement puisque rien que pour le choléra, nous enregistrons aujourd'hui plus de 1000 morts depuis le début de l'épidémie au Soudan cette année. Il faut que ces chiffres arrêtent de grimper, et même possiblement toucher d'autres pays de la sous-région plus durement que le Soudan.  À lire aussiL'Unicef alerte sur une épidémie meurtrière de choléra en Afrique de l'Ouest et du Centre ► Rodrigue Alitanou est directeur des opérations au sein l'ONG Alima

    Mali: cinq ans après le putsch, «on est arrivé à un point de non-retour» dans la limitation des libertés fondamentales

    Play Episode Listen Later Aug 19, 2025 10:59


    Il y a cinq ans au Mali, les militaires renversaient le président Ibrahim Boubacar Keïta. Ils mènent ensuite un second coup d'État pour renverser le président de transition Bah N'Daw qu'ils avaient installé au pouvoir, tout en occupant les postes clés. La lutte contre le jihadisme, la dissolution des partis politiques, le souverainisme comme moteur politique. Cinq après, quel est le bilan ? Oumar Berté est chercheur associé à l'Université de Rouen en politique et droit public. RFI :  La semaine dernière, la junte malienne a annoncé l'arrestation de plusieurs militaires au sein de l'armée, au moins 55 d'après les sources de RFI. Tous sont accusés d'avoir voulu « déstabiliser les institutions de la République ». Comment appréciez-vous ces événements alors que les militaires viennent de marquer leur cinquième année au pouvoir ? Oumar Berté : C'est la première fois que les autorités militaires au pouvoir au Mali enregistrent ce que l'on pourrait appeler un véritable coup d'État au sein de l'armée malienne. Ces arrestations interviennent dans un contexte assez particulier pour l'armée car elle enregistre en ce moment d'énormes attaques de groupes armés rebelles, mais aussi terroristes. On peut s'interroger si cette situation qui arrive dans ce contexte ne pourrait pas avoir une implication sur l'armée malienne, comme une désorganisation de la chaîne de commandement, voire un règlement de comptes au sein de l'armée, comme cela s'est passé en 2013. Parmi les suspects interpellés, il y a un citoyen français, un certain Yann Vézilier, que Bamako accuse d'être un espion, mais surtout d'être celui qui, selon le communiqué de la junte, « a mobilisé les généraux Abass Dembélé et Nema Sagara ». Paris, de son côté, dément ces accusations et le présente comme un simple membre de son ambassade au Mali. Là encore, que dire de ce nouveau bras de fer entre les deux pays ? Toutes les fois où il y a une situation concernant les autorités au pouvoir qui serait susceptible de les mettre en difficulté, elles cherchent toujours à y impliquer la France. Et à chaque fois, ça fait mouche, considérant que la France serait toujours derrière tout ce qui arrive au Mali pour déstabiliser les autorités au pouvoir. C'est un classique, en réalité.  À lire aussiMali : cinq ans après le putsch, le pays reste plongé dans l'incertitude Le principal argument des militaires pour justifier le putsch de 2020 était la lutte contre la menace jihadiste et les groupes armés, ainsi que la reconquête de l'ensemble du territoire malien. Aujourd'hui, quel bilan faites-vous de cette lutte et de cette reconquête ? Des efforts remarquables ont été faits, notamment dans la formation des militaires. Mais la situation sécuritaire du pays est particulièrement préoccupante aujourd'hui. Du nord au sud, le centre, l'ouest, toutes les parties du pays enregistrent des attaques des groupes armés. Au cœur même de Bamako, une attaque coordonnée d'une grande envergure a même détruit et mis hors d'usage l'avion présidentiel.  L'armée française, arrivée en 2013 au Mali, a été expulsée du pays au profit du groupe de mercenaires russe Wagner. Son principal fait d'armes, aux côtés des Forces maliennes, c'est sa victoire dans la ville de Kidal, reprise aux rebelles il y a bientôt deux ans. Mais suite à cela, les partenaires russes ont essuyé de nombreuses défaites jusqu'à annoncer leur départ en juin dernier. Que peut apporter de nouveau son remplaçant, toujours russe, Africa Corps ? Wagner n'a pas atteint les objectifs qui lui étaient assignés. Il y a aussi des questions financières à ne pas exclure. La Russie veut prendre directement le contrôle de cette question, d'autant plus qu'au-delà de la question des finances que l'État malien verse pour ce groupe mercenaire, il y a l'accaparement des sites miniers que Wagner engrangeait au profit de la société. Il va sans dire que c'est l'État russe qui va maintenant s'en approprier. Sur le plan de la conservation des acquis démocratiques, il y a objectivement un net recul. Les partis politiques sont dissous, les médias sont régulièrement sanctionnés. Selon vous, à quel moment situez-vous la bascule de la junte, si on peut le dire ainsi ? En réalité, le gouvernement de transition du Mali a basculé en 2021 lorsque Assimi Goïta a repris la tête du pays. On est arrivé aujourd'hui à un point de non-retour, c'est-à-dire que les autorités de transition sont complètement décomplexées dans la limitation des libertés fondamentales. Le Mali, avec ses deux voisins, le Burkina Faso et le Niger, ont décidé de quitter la CEDEAO pour former l'Alliance des États du Sahel (AES). Quels sont les bénéfices de cette alliance pour le Mali ? À l'exception de quelques rencontres, il n'y a en réalité aucune action concrète que l'Alliance des États du Sahel a pu mettre en place. Aujourd'hui, l'AES ne dispose d'aucun fonds pour financer quoi que ce soit. Au-delà de la solidarité entre les trois pays et de la facilitation de la coopération militaire dans la lutte contre le terrorisme, qui peine d'ailleurs à trouver les résultats escomptés, en réalité l'alliance des États du Sahel n'a pas vraiment mis en place d'actions concrètes. À lire aussiMali : cinq ans après le putsch, le pays reste plongé dans l'incertitude

    Centrafrique: «Les conditions ne sont pas réunies pour des élections»

    Play Episode Listen Later Aug 18, 2025 4:38


    En Centrafrique, le premier tour de la présidentielle, celui des législatives, ainsi que les élections municipales et régionales, auront bien lieu le 28 décembre 2025. Mais, pour l'opposant Anicet-Georges Dologuélé, ancien Premier ministre et président du parti Urca, les conditions ne sont pas réunies - aujourd'hui - pour que ce quadruple scrutin se tienne dans de bonnes conditions. Il revient sur ces questions au micro de Liza Fabbian. RFI : Le gouvernement centrafricain promet des élections à bonne date, c'est-à-dire le 28 décembre, selon le calendrier qui a récemment été adopté. Ces dernières seront « organisées de manière convenable ». Êtes-vous aussi confiant que les autorités de votre pays ? Anicet-Georges Dologuélé : Nous sommes en train de parler d'une autorité nationale des élections (ANE) qui a des problèmes qui sont dénoncés par tout le monde. On est à quatre mois et demi de ces élections-là. L'ANE n'a pas un kopeck pour les organiser. Elle est incapable d'organiser le fichier électoral. La révision de la liste traîne depuis près d'un an. Et c'est cette ANE-là qui ne pouvait pas organiser les deux élections présidentielles et législatives qui sont organisées depuis 1993. On va y rajouter à la fois les municipales et les régionales. Cela fait quatre élections en même temps. Pour une institution qui a des problèmes d'organisation, c'est beaucoup trop. Lors de son discours pour la fête de l'indépendance, le 12 août, le président Touadéra a dit continuer à tendre une main fraternelle et patriotique à l'opposition démocratique. Ce sont ses mots. Allez-vous la saisir, cette main tendue ? En fait, il a inversé les choses. C'est nous qui demandons le dialogue depuis deux ans. Nous avons demandé par écrit. Nous avons demandé en utilisant l'entregent de la Minusca et il ne nous répond pas directement. Mais il annonce dans les discours qu'il est prêt au dialogue. Et dans le même discours, il nous présente toujours comme des ennemis de la paix et de la démocratie. Nous nous sommes rendu compte de ce déficit de confiance qui est énorme. C'est pour cela que nous avons proposé, par écrit, qu'il puisse accepter qu'on sollicite un chef d'État de l'Afrique centrale qui puisse nous accueillir. Comme ça, ça met tout le monde à l'aise pour que l'on puisse dialoguer sans arrière-pensée. À lire aussiCentrafrique: le calendrier électoral validé pour un quadruple scrutin fin décembre Mais demander à un médiateur extérieur et donc un dialogue direct avec le président, est-ce que ce n'est pas un peu irréaliste ? Cela fait deux ans que nous demandons le dialogue. Je pense que pour prendre la décision de dialoguer avec son opposition, cela lui prend cinq secondes. Et nous, nous n'avons pas les capacités de convoquer un dialogue. Mais selon vous, sans ce dialogue, est-il impossible pour les opposants de prendre part aux élections ? L'ANE ne fonctionne pas. C'est l'ANE qui organise les élections. Comment pouvons-nous aller à des élections en sachant que cela va mal se passer ? Ce n'est pas nous qui le disons. Ce sont des experts internationaux. Aujourd'hui dans la Constitution, ils nomment, lui et son président de l'Assemblée nationale, six membres sur onze du Conseil constitutionnel. C'est trop. Nous voulons la réforme de ces deux institutions. Et dans la Constitution, il y a un certain nombre d'articles qui vont entraîner de graves problèmes. Nous voulons discuter de ces articles-là. Dans l'option d'un boycott des élections, est-ce qu'il n'y a pas un risque d'acter le troisième mandat que vous dénoncez ? Est-ce que le président Touadéra a les moyens de financer les élections en Centrafrique ? Depuis 1993, notre pays n'a jamais pu financer lui-même ses élections. Je suis député, membre de la commission finances. Il y a zéro centime dans le budget pour financer les élections à venir. Nous avons besoin du financement de l'Union européenne et de la France. Nous avons aussi besoin de l'apport de la Minusca. Les élections sont une compétition. Dès lors qu'il n'y a pas de compétiteurs, pourquoi sortir l'argent du contribuable des pays de l'Union européenne pour aller faire de Touadéra un empereur ? Je pense qu'il n'aura pas les financements nécessaires pour faire ce qu'il croit vouloir faire. Alors est-ce que vous demandez aux bailleurs de suspendre leur financement s'il n'y a pas de dialogue avec l'opposition ? Je pense que sans même que nous le demandions, ils ont des représentants à Bangui. Ils se rendent compte qu'il y a des problèmes graves. La Minusca apporte beaucoup, mais quand il y a eu le référendum, elle ne s'est pas sentie concernée parce qu'elle voyait que c'était une violation de la démocratie. Donc, elle n'a pas participé au référendum. Nous pensons que pour les élections, même si c'est dans son mandat, les conditions ne sont pas réunies. Et pour l'intérêt du peuple centrafricain, elle ne participera pas aux opérations. Selon les termes de la Constitution de 2023, les binationaux ne peuvent pas se présenter à la présidentielle. Est-ce que vous envisagez d'abandonner votre nationalité française ? C'est-à-dire que l'on se concentre trop sur cette question de binationalité. Mais la Constitution a des éléments beaucoup plus graves que ça. Par exemple, la Constitution dit que ceux qui ne sont pas centrafricains d'origine, donc de père et de mère centrafricains, ne peuvent pas se présenter. Un binational peut renoncer à une nationalité. Mais comment faire pour ceux dont le père ou la mère sont d'un autre pays ? Pourquoi amener ces problèmes artificiels là où cela se passait bien depuis 65 ans ? Je pense que le dialogue, c'est pour voir tous ces articles qui posent problèmes Voilà pourquoi nous réclamons ce dialogue. À lire aussiCentrafrique: le dialogue politique et la participation de l'opposition aux élections du 28 décembre en suspens

    Madeline Robert: «Cette jeune génération de cinéastes africains trouve son chemin de diverses manières»

    Play Episode Listen Later Aug 16, 2025 5:39


    La 37e édition des états généraux du film documentaire s'ouvre dimanche 17 août à Lussas, dans le sud-est de la France. Avec une programmation « Jeune création d'Afrique subsaharienne » à travers trois films sélectionnés (réalisés par Cyrielle Raingou, Nelson Makengo et David Bingong). Madeline Robert, productrice et programmatrice de la sélection, est interrogée par Houda Ibrahim.

    Cameroun: «L'élection présidentielle d'octobre sera sans doute un scrutin historique»

    Play Episode Listen Later Aug 15, 2025 4:37


    Le 12 octobre prochain, les Camerounais sont appelés aux urnes pour l'élection présidentielle dans un climat toujours marqué par une insécurité persistante et les incertitudes entourant la succession du président Paul Biya, au pouvoir depuis plus de quatre décennies. Dans ce contexte, l'International Crisis Group (ICG) vient de publier un rapport qui alerte sur les risques de violences avant et après le vote. Enrica Picco, la directrice Afrique centrale du centre de recherche international et qui anime le podcast Afrique 360° pour ICG, est l'invitée de Liza Fabbian.   RFI : Comment qualifier l'élection qui aura lieu le 12 octobre prochain au Cameroun ? Enrica Picco : L'élection présidentielle d'octobre sera sans doute un scrutin historique pour deux raisons principales : l'exclusion du candidat de l'opposition Maurice Kamto, par décision du Conseil constitutionnel au début du mois d'août. Mais aussi les appels à ce que le président Paul Biya passe finalement la main après 42 ans au pouvoir et avec son âge déjà très avancé. Pour la première fois, ces appels ne viennent pas seulement de l'opposition ou de la société civile, mais viennent aussi de personnalités très importantes du parti au pouvoir, le RDPC, et aussi d'une partie de l'Église catholique. Donc, ça, ce sont les deux éléments qui nous font parler d'une élection différente du scrutin de 2018.  Il y a un certain tabou autour de la succession de Paul Biya. Pourquoi est-ce problématique ?  Le président Paul Biya n'a jamais voulu toucher au sujet de sa succession. Il y a eu l'hypothèse que son fils Franck Biya puisse le remplacer, hypothèse qui a été mise de côté. Le président a toujours, avec un système de répression ou de cooptation, calmé toutes les velléités d'autres membres du parti au pouvoir de prendre sa place. Donc, le sujet, évidemment, est resté très important, surtout parce que durant les derniers mandats, il a délégué de plus en plus à son cercle restreint au gouvernement et à la présidence. Donc, ça a aussi créé des tensions très fortes qui créent des luttes de pouvoir en interne, qui, finalement, empêchent la gestion des affaires de l'État et, en général, le développement économique, les réformes dont le pays aurait besoin.  Vous évoquez aussi dans votre rapport les nombreux remaniements au sein de l'armée camerounaise ces derniers temps. Dans quel objectif cela a été fait, selon l'International Crisis Group ?  Le coup d'État au Gabon en août 2023 était sans doute un signal que le président Biya a pris en considération de manière très évidente parce que tout de suite après, il a commencé à faire des remaniements au sein de l'armée pour casser tout type de réseaux de connexions qui pourraient mettre des officiers, des hauts gradés de l'armée, dans des conditions d'organiser quelque forme de résistance au pouvoir. Et ça montre que le président Biya est bien déterminé à empêcher que tout type de mécontentement au sein de l'armée puisse se transformer en quelque chose de plus dangereux pour le pays.  Concernant les élections à venir elles-mêmes et l'organisation du scrutin, quelles sont les principales failles, les principaux risques identifiés par l'ICG ?  Le premier point, c'est sans doute l'indépendance des institutions électorales : je me réfère surtout à Elecam, Elections Cameroon, mais aussi au Conseil constitutionnel, dont les membres sont, dans la plupart des cas, nommés par le président et sont ou ont été membres du parti présidentiel ou très proches de l'entourage présidentiel. L'autre sujet, c'est le bulletin électoral. Maintenant, chaque candidat a un bulletin séparé et une réforme vers un bulletin unique où tous les candidats sont listés sur le même papier, n'a pas été mise en place depuis les scrutins de 2018. Cela aurait évité des fraudes et aurait aussi évité les problèmes de ne pas trouver le bulletin du candidat qu'on cherche dans les centres de vote le jour des élections. Après, il y a aussi évidemment les problèmes de dépouillements qui donnent également lieu a tout type de recours dans un temps très, très limité : 72 heures, ce temps, n'est pas suffisant pour vérifier la situation et pour récolter des preuves sur le dépouillement des votes en province et dans les autres régions du pays.  Le scrutin a lieu dans seulement deux mois au Cameroun. Quelle est la priorité ?  Évidemment, le temps d'ici au scrutin n'est plus suffisant pour réformer le système électoral. Mais il y a encore assez de temps pour des gestes politiques qui pourraient montrer une volonté de transparence et de crédibilité. Une mesure, ce serait la libération des prisonniers politiques de l'opposition qui sont en prison à Yaoundé depuis le scrutin de 2018 et l'adoption d'un code de bonne conduite pour essayer de mettre un frein aux discours haineux et ne pas faire monter des tensions autour des élections qui pourraient amener à des protestations violentes et des manifestations avant ou après les scrutins. Les séparatistes anglophones ont annoncé déjà qu'ils feront des opérations de ville-morte qui feront tout ce qui est dans leur pouvoir pour empêcher les votes dans les zones qu'ils contrôlent. Donc, pour nous, la priorité, c'est vraiment la protection des civils : empêcher que la population anglophone, mais aussi les fonctionnaires qui travaillent pour les institutions électorales dans ces zones, ne soient pas exposés aux violences d'un côté ou de l'autre. Dans ces régions, pour la cessation des hostilités, c'est la seule manière de protéger les civils et de leur permettre d'aller voter s'ils veulent, mais surtout de ne pas avoir de victimes civiles pendant la semaine électorale. 

    Soudan: «Il va falloir autre chose que simplement une supériorité militaire pour régler ce conflit»

    Play Episode Listen Later Aug 14, 2025 4:33


    Une rencontre secrète a eu lieu, lundi 11 août, en Suisse, à Zurich, entre le chef de l'armée soudanaise, le général Abdel Fattah al-Burhan et l'émissaire américain pour l'Afrique, Massad Boulos. La rencontre a duré trois heures selon le gouvernement soudanais. Elle portait sur le plan américain pour un cessez-le-feu global au Soudan ainsi que sur l'acheminement d'une aide humanitaire, particulièrement vers el-Fasher, la capitale du Darfour nord assiégée par les paramilitaires des Forces de soutien rapide. Le chercheur Roland Marchal revient sur la position de la diplomatie américaine et sur ces nouveaux efforts pour tenter de négocier une sortie à la crise soudanaise. RFI : Qu'est-ce qu'on sait de ce plan pour un cessez-le-feu global qui aurait donc été proposé par les États-Unis lors de cette rencontre ? D'abord, les discussions ont eu lieu avec une seule des deux parties en l'occurrence avec le général al-Burhan, qui est le chef de l'armée soudanaise. On ne sait pas si d'autres discussions ont lieu parallèlement ou vont avoir lieu avec les Forces de soutien rapide commandées par le général Hemedti. Ce qu'on pense savoir, c'est que la diplomatie américaine s'efforce de faciliter l'accès humanitaire et qu'il y a à faire des deux côtés. C'est-à-dire que l'accès humanitaire est freiné tant du côté des RSF que du côté de l'armée soudanaise. Et donc il faut lever toute une série d'obstacles pseudo bureaucratiques pour permettre à l'aide d'arriver là où elle doit arriver. Le deuxième problème, c'est évidemment quel type de cessez-le-feu et de relance politique peut avoir lieu. Les renseignements qu'on a aujourd'hui sur la réunion ne permettent pas d'éclairer ça très bien. On sait que le général al-Burhan va sans doute défendre une exclusion totale des FSR et sans doute le jugement d'Hemedti et de tous ceux qui lui ont été le plus proche. Mais il est sûr que dans des discussions confidentielles, le général al-Burhan peut dessiner une voie qui n'a pas encore été empruntée jusqu'à présent. Et pourquoi a-t-il accepté cette fois-ci de rencontrer les Américains ? Est-ce que ça s'explique notamment par les avancées du coup des forces soudanaises sur le terrain ? Oui et non. Oui, évidemment, le gouvernement soudanais n'est plus dans la position de faiblesse dans laquelle il était il y a un an. Mais d'un autre côté aussi, il y a des critiques de plus en plus fortes qui sont exprimées vis-à-vis du général al-Burhan. Il y a des sanctions parce qu'apparemment, des armes chimiques auraient été utilisées par l'armée soudanaise contre les populations. Et puis d'autre part aussi parce que, au moins d'un point de vue militaire, on est tout à fait conscient que d'un côté comme de l'autre, il y a une escalade dans la technologie qui est utilisée et qu'il va falloir autre chose que simplement une supériorité militaire pour régler ce conflit. Et puis aussi, il y a une inquiétude, peut-être que le général al-Burhan a peut être une inquiétude vis-à-vis de ses propres troupes, le fait que le contrôle des milices est quand même difficile, et donc c'est peut-être aussi un bon moment pour lui d'essayer de marquer des points diplomatiquement en soulignant combien les preuves contre les Forces de soutien rapide sont multiples concernant l'assassinat de civils, des massacres de masse, etc. Mais est-ce qu'il n'y a pas des contreparties qui pourraient être demandées au général al-Burhan, comme par exemple son départ ou la mise en place d'un gouvernement civil ? On ne sait pas réellement quelle est l'expertise dont se prévaut l'envoyé américain Massad Boulos. Donc on ne sait pas si ce sont des discussions à haut vol, sans entrer dans des détails, ou si l'envoyé spécial américain a une vision extrêmement précise des forces en présence, se souvient qu'il y a des forces civiles qui se sont opposées à Omar el-Béchir en 2019, et également des forces civiles qui aspirent à gouverner, qui aspirent à un changement. Donc, la question est de savoir si les Américains vont se contenter finalement d'une négociation avec les deux parties armées, ou est-ce qu'ils iront beaucoup plus loin. Sur un véritable régime civil de transition qui inclura ou n'inclura pas des personnalités proches des deux parties combattantes aujourd'hui. Est-ce qu'avec ces discussions, on peut espérer que l'aide humanitaire circule mieux au Soudan et plus particulièrement vers El Fasher, la capitale du Darfour-Nord ? Du côté du gouvernement soudanais, les choses sont à la fois plus simples puisqu'il y a une autorité, il y a une chaîne de commandement et plus compliqué parce qu'il y a la chaîne de commandement de l'armée, mais il y a aussi beaucoup de milices qui sont sur les routes, qui ont leur propre check-point. C'est un véritable chemin kafkaïen pour obtenir toutes les autorisations pour les Nations unies de quitter Port-Soudan, où l'aide humanitaire arrive pour l'envoyer dans des lieux qui sont, il faut le rappeler, pour certains, contrôlés par le gouvernement, puis pour d'autres endroits qui sont plus sympathisantes des Forces de soutien rapide, et dans ce cas-là, il y a des oppositions très fortes qui se manifestent. L'envoyé spécial américain peut trouver des moyens et des arguments pour convaincre le général al-Burhan d'agir de façon un peu plus déterminée, de faire respecter la chaîne de commandement, puisqu'il prétend être le gouvernement. Ce sera sans doute beaucoup plus compliqué du point de vue des Forces de soutien rapide, dans la mesure où, s'il y a l'image d'un commandement central, il y a quand même une très grande faiblesse de la chaîne de commandement, ce qui fait que les milices sur le terrain peuvent établir des check-points et n'en ont rien à faire des papiers, fussent-ils signés par Hemedti ou son frère.

    Tchad: Ndolembai Njesada demande au président Mahamat Idriss Déby «d'amnistier totalement Succès Masra»

    Play Episode Listen Later Aug 13, 2025 4:38


    Au Tchad, l'opposant et ancien Premier ministre, Succès Masra, a été condamné, samedi 9 août, à vingt ans de prison ferme et à verser un milliard de francs CFA de dommage et intérêts à l'État tchadien pour diffusion de messages à caractère haineux et xénophobe, et complicité de meurtre, en lien avec le conflit intercommunautaire de Mandakao, ce massacre qui a coûté la vie à 42 personnes en mai dernier. Ses avocats ont jusqu'au 19 août pour se pourvoir en cassation. Ce jugement représente bien sûr une forte secousse pour les Transformateurs, le parti fondé par Succès Masra. Ndolembai Njesada, le vice-président des Transformateurs, chargé des affaires politiques, des relations bilatérales et de la diaspora, répond aux questions de Liza Fabbian. RFI : Le chef de votre parti, Succès Masra, vient d'écoper d'une peine de 20 ans de prison. Ce verdict marque-t-il la fin de votre parti ? Ndolembai Njesada : Il est vrai que cette condamnation nous tombe dessus comme un coup de marteau, mais cela n'est pas une entrave à la lutte que nous menons. Le parti ne se résume pas à une personne. Nous parlons de l'intelligence collective, c'est une idéologie qui ne se résume pas à une seule personne. Le peuple tchadien a soif de justice. Le peuple tchadien a soif de sécurité. Le peuple tchadien a soif d'égalité. Le peuple tchadien a besoin de manger et ce sont ces valeurs que nous défendons au-delà de la personne. Donc, nous nous sommes préparés à ce genre d'événement. Nous allons nous organiser pour continuer la lutte. On a appris hier soir la démission du vice-président des Transformateurs, Sitack Yombatina. N'est-ce pas une première conséquence de la condamnation de Succès Masra ? Je ne pense pas et je pense que c'est une question sur laquelle Sitack pourra se prononcer. Mais je ne crois pas que cela ait un lien de causalité avec l'arrestation, et le verdict de Succès Masra. C'est juste une question de décision personnelle, donc je ne vais pas me hasarder là-dessus. Ce sera pour lui une autre lutte, d'une autre manière et qui renforcera d'une manière globale la lutte des Transformateurs. À vos yeux, cette peine de 20 ans de prison, c'est un verdict politique ? Bien évidemment, puisque si nous partons sur la base juridique, les chefs d'accusation qui ont été retenus contre Succès Masra. C'était au sujet de propos à caractère xénophobes et racistes et complicité de meurtre. Malheureusement, durant les trois jours de procès, l'audio auquel ils ont fait référence n'a jamais été présenté par les juges. Et donc, si nous parlons d'une justice indépendante et libre, nous devrions avoir un non-lieu pour innocenter ce monsieur puisqu'il n'y a pas ce lien de causalité. Malgré tout, il a été condamné à 20 ans de prison avec ceux qui ont été accusés de meurtre. Or, je ne pense pas que le Code pénal tchadien donne les mêmes charges pour ce genre d'accusations. Donc c'est un problème purement politique. Je crois que l'heure est arrivée pour que nous cherchions une solution politique, pour que le peuple tchadien en sorte grandi afin que nous avancions enfin sur le chemin, de la réconciliation et de la paix pour le développement de notre nation. Sur le plan judiciaire, est-ce que vous comptez donner une suite à cette procédure ? Oui, bien évidemment, les avocats se préparent à faire appel et nous espérons que durant l'appel, les juges sortiront par la grande porte en se rendant compte qu'ils ont pris une décision qui n'a pas de sens et qu'il faut purement et simplement jeter à la poubelle pour enfin réunir le cœur des Tchadiens et avancer. Nous sommes très dérangés et perturbés par cette condamnation et nous allons continuer à nous battre aussi longtemps que nous avons ce souffle en nous , pour que la justice soit rendue à notre président, Succès Masra. Est-ce que selon vous ce jugement contrevient à l'accord de Kinshasa qui avait donc été signé sous les auspices du médiateur Félix Tshisekedi et de la CEEAC ? C'est du bon sens. Monsieur Masra qui fut donc le dernier Premier ministre de la Transition du gouvernement de la réconciliation, est arrêté et condamné à 20 ans de prison. L'accusation s'appuie sur un audio qui a été enregistré en 2023, donc antérieurement à l'accord de Kinshasa. Ça veut dire que l'accord de Kinshasa est devenu caduque. Et donc il est nécessaire que ses parrains - en la personne du président Tshisekedi et les pays membres du CEEAC - s'en mêlent activement, pour pouvoir sauver encore ce qu'on peut sauver de cette nation. Ce verdict marque-t-il selon vous une réelle fermeture de l'espace politique au Tchad ? Si nous parlons d'une réconciliation nationale en tendant la main et que ceux qui saisissent cette main se font tirer dans les filets de la prison, bien évidemment, il semble y avoir une restriction politique. Mais j'espère que le maréchal Mahamat Idriss Déby se rendra compte de l'État dans lequel nous sommes en ce moment et rouvrira des voies de communication sincères pour que vraiment le peuple se sente plus en sécurité et ait plus confiance dans ceux qui défendent la Constitution tchadienne. Qu'attendez-vous du président de la République ? Est-ce qu'une grâce vous semble possible ? Ou un accord ? Nous n'espérons pas une grâce. Nous allons demander au Président d'entrer en lui-même pour une introspection et de regarder le paysage politique et d'amnistier totalement Succès Masra. Il suffit simplement que les juges puissent réviser  cette condamnation. Et purement et simplement jeter cette décision à la poubelle puisque le président Masra n'est pas coupable de ce qui lui est reproché.

    Anatole Collinet Makosso: «Ce n'est pas à l'Union africaine d'imposer un vote» sur la candidature du Congo à l'Unesco

    Play Episode Listen Later Aug 12, 2025 13:26


    La bataille de l'Unesco bat son plein. En octobre, lors d'un premier tour, trois candidats vont s'affronter pour succéder à la Française Audrey Azoulay au poste de Directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco). En lice, la Mexicaine Gabriela Ramos, l'Égyptien Khaled el-Enany et le Congolais de Brazzaville Edouard-Firmin Matoko. La France soutient le candidat égyptien et le Premier ministre du Congo-Brazzaville n'hésite pas à regretter « l'ingratitude de la France à l'égard de son pays ». Anatole Collinet Makosso répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : En mars prochain, Monsieur le Premier Ministre, aura lieu l'élection présidentielle. Est-ce que le chef de l'État, Denis Sassou-Nguesso, qui cumule déjà plus de 40 ans de pouvoir, sera candidat à un nouveau mandat ? Anatole Collinet Makosso : Le président américain Franklin Roosevelt vous avez déjà donné un enseignement : que ce n'est pas au milieu du gué qu'on change de cheval, ou qu'un bon cavalier ne peut pas laisser sa cavalerie au milieu du gué. Donc, pour nous qui avons encore la chance d'avoir à la tête de nos États des hommes d'une certaine expérience qui ont connu l'Afrique dans tous ces états, nous ne voyons pas pourquoi nous devons nous priver de leur expérience et de leur sagesse. C'est pour cette raison que nous pensons que Denis Sassou-Nguesso reste justement le candidat idéal. Donc, vous nous annoncez qu'il sera candidat ? Je ne vous annonce rien. Il a la réquisition populaire sous réserve de ce qu'il dira lui-même. Mais jusqu'à preuve du contraire, son peuple le réclame comme candidat parce que son peuple estime qu'il n'a pas besoin de subir un saut dans l'inconnu. Depuis le lendemain de la présidentielle de 2016, deux des principaux adversaires politiques du chef de l'État, Jean-Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa, sont en prison. Ils ont été condamnés à 20 ans et beaucoup les considèrent comme des prisonniers politiques. Est-ce qu'une grâce présidentielle est envisageable d'ici le mois de mars prochain ? Lorsqu'on aura vu par exemple que dans certains pays, les hommes politiques ou coupables d'infractions qui auraient été jugés ont bénéficié comme ça d'une grâce présidentielle, peut-être que nous en tirerons les leçons et ça nous servira peut-être d'exemple. Autre opposant politique, Lassy Mbouity du parti Les Socialistes. Le 11 mai dernier, quelques jours après l'annonce de sa candidature, il a été enlevé chez lui par des hommes armés et encagoulés, puis tabassé pendant neuf jours avant d'être relâché. Est-ce que ce n'est pas le signe qu'il règne aujourd'hui à Brazzaville, une violente campagne d'intimidation contre certaines personnalités qui voudraient compétir l'année prochaine ? Si on me cite un seul établissement sanitaire qui avait reçu Monsieur Lassy Mbouity, même de passage, même en hospitalisation de jour, eh bien il faut donc qu'on me cite un seul établissement sanitaire par lequel Monsieur Lassy Mbouity est passé. S'il n'y a aucune information à ce sujet, je considère tout le reste comme étant une légende. En octobre prochain, l'Unesco va élire son prochain Directeur général. Il y a trois candidats : la Mexicaine Gabriela Ramos, l'Égyptien Khaled el-Enany et votre compatriote Edouard Firmin Matoko. Celui-ci ne s'est déclaré candidat qu'au mois de mars dernier, deux ans après son rival égyptien. Est-ce que ce n'est pas trop tard ? Est-ce que ce n'est pas un handicap ? Dans quel pays et dans quelle institution on présente la candidature deux ans avant la période de l'élection ? Notre compatriote a présenté sa candidature dans les délais. Le candidat égyptien Khaled el-Enany a un CV assez impressionnant puisqu'il a été ministre égyptien des Antiquités. Quels sont les atouts du candidat congolais Édouard Firmin Matoko face à ce candidat prestigieux ? Son expérience au sein de la maison. Près de 30 ans, cadre de l'Unesco et pour avoir préservé le patrimoine culturel partout dans le monde, y compris en Égypte. Et, au regard de tout son parcours, on pense qu'au moment où l'Unesco traverse une période de turbulences avec le désengagement de certains États - et pas des moindres -, nous pensons qu'il faut que ce soit quelqu'un de la maison qui puisse conduire ces réformes en douceur et en profondeur. Est-ce que le candidat égyptien n'est pas soutenu par plusieurs pays comme la France et aussi par l'Union africaine ? Soutenu par l'Union africaine, je ne sais pas. L'élection se passe à l'Unesco, donc ce n'est pas à l'Union africaine d'imposer un vote là où on requiert la volonté souveraine des États. Deuxièmement, cette candidature, qu'elle soit soutenue par la France, c'est un fait. Nous notons, ce n'est pas la première fois que la France voterait contre le Congo. Si la France peut être indifférente à la candidature portée par Brazzaville, capitale de la France libre d'hier, mais il y a des pays comme l'Angola qui ont le sens de la gratitude, qui ne peuvent pas oublier que, au moment où ils célèbrent aujourd'hui le 50ᵉ anniversaire de l'indépendance, Brazzaville et le Congo ont joué un rôle très important pour leur indépendance, que nous allons tous célébrer aujourd'hui. Les pays comme l'Afrique du Sud ne peuvent pas manquer de gratitude au moment où nous allons célébrer bientôt le 35ᵉ anniversaire de la fin de l'apartheid. Il se souviendra du symposium littéraire contre l'apartheid organisé à Brazzaville. Il y a des pays qui ont encore le sens de la mémoire, de la gratitude. Ce que la France oublie, les autres pays ne l'oublient pas.

    Guinée: l'opposant Cellou Dalein Diallo veut s'organiser pour «s'opposer à cet autre coup d'État» de la junte

    Play Episode Listen Later Aug 11, 2025 13:59


    En Guinée, l'opposition se cherche une stratégie en vue du référendum constitutionnel du 21 septembre. Si le oui passe à cette consultation, le général Doumbouya, qui a pris le pouvoir par la force il y a quatre ans, pourra être candidat à la présidentielle qui suivra. Quel va être le mot d'ordre de l'opposition ? Cellou Dalein Diallo préside l'UFDG, l'Union des forces démocratiques de Guinée, le principal parti d'opposition. En ligne d'Abidjan, où il vit actuellement en exil, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Le 21 septembre, plus de 6 millions de Guinéens sont appelés à se prononcer par référendum pour ou contre la nouvelle Constitution. Est-ce que vous allez appeler à voter oui ou non ? Cellou Dalein Diallo : L'UFDG ne se sent pas concerné par cette opération parce que, d'abord, la junte n'a jamais accepté qu'il y ait un dialogue pour définir les termes dans lesquels le retour à l'ordre constitutionnel soit réorganisé. Et elle a toujours fait ce qu'elle a voulu. Et donc, l'UFDG et les coalitions dont on est membre ne se sentent pas concernés. Est-ce à dire que vous allez appeler à l'abstention ? Nous sommes en train de nous concerter puisque, au-delà de nos coalitions, il y a beaucoup d'autres partis politiques et d'organisations de la société civile qui n'acceptent pas cette Constitution imposée, dans la mesure où elle comporte une violation des engagements pris et du serment que le général avait prêté : de ne pas candidater, ni lui-même, ni les membres du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), ni les membres du gouvernement. Donc, nous sommes en train de voir comment nous pourrions nous organiser pour effectivement s'opposer à cet autre coup d'État contre le peuple de Guinée, contre les droits et libertés des Guinéens de choisir librement leurs dirigeants. Parce que vous suivez sans doute toutes ces mobilisations, toutes ces « mamaya » comme on le dit chez nous, pour promouvoir, justifier la candidature de Mamadi Doumbouya qu'on veut présenter comme un homme providentiel qui doit continuer justement ce chantier, alors que sa gouvernance a été catastrophique pour le peuple de Guinée, marquée par une violation massive et récurrente des droits humains et des libertés fondamentales, marquée par les disparitions forcées. Vous connaissez Foniké Mengué, Billo Bah, Marouane Camara, Sadou Nimaga. Il y a au moins quatre acteurs majeurs de la société civile et des journalistes qui sont portés disparus et dont on n'a pas de nouvelles jusqu'à maintenant. Je ne parle pas de la corruption et de détournement des deniers publics. Avec la manne minière – comme vous le savez, la bauxite aujourd'hui s'exporte – ils vont faire peut-être 200 millions de tonnes cette année, contre une vingtaine de millions en 2015. Et donc, il y a de l'argent. Mais justement, vous pourriez appeler à voter non ? Non, mais les conditions d'un scrutin juste et transparent ne sont pas réunies. Je vous rappelle que c'est le ministère de l'Administration du territoire dirigé par un général, appuyé de ces préfets qui sont tous militaires et de ces sous-préfets qui sont à 60% issus des forces de défense et de sécurité, qui vont organiser ce référendum. Et donc, dans un environnement où il y a une terreur qui s'abat sur le peuple de Guinée, où il y a la peur, la corruption et donc l'expression de la volonté populaire ne sera jamais prise en compte. Donc, nous, nous ne sommes pas pour cette mascarade, tout juste pour doter le pays d'une Constitution qui permettra à Doumbouya de confisquer le pouvoir. Voilà plus de trois ans, Cellou Dalein Diallo, que vous vivez en exil en Afrique de l'Ouest, notamment parce que vous êtes poursuivi par la justice guinéenne. Et il y a six semaines, vous avez tenté de vous faire recenser à Abidjan afin de pouvoir voter au référendum du 21 septembre prochain, mais cela n'a pas marché. Qu'est-ce qui s'est passé alors ? On m'a dit « non », que des instructions ont été données par les autorités de Conakry de ne pas me recenser. Je suis allé à un bureau, on m'a renvoyé. On a même fermé le bureau dès mon arrivée pour plier tout et partir. Et donc, je n'ai pas pu me recenser. Pour justifier votre non-recensement, le Premier ministre actuel, Monsieur Bah Oury, a affirmé sur RFI, il y a quelques jours qu'il y avait vous concernant un problème en termes de résidence et qu'il fallait que vous attestiez d'une résidence d'une certaine durée ce que vous n'aviez pu faire et qu'il n'y a aucune volonté d'exclure qui que ce soit de ce processus. Le rôle de Bah Oury est de justifier ce que la junte a pris comme décision. Alors moi, je disposais de tous les documents requis. Donc, ce que le Premier ministre dit, c'est de la contre-vérité. Il y a un peu plus d'un an, c'était en juin 2024 sur RFI, vous nous avez dit : je vais rentrer bientôt à Conakry. Or, vous n'êtes toujours pas rentré. Pourquoi ? Les conditions de mon retour ne sont pas encore réunies. Il y a trop de haine et de harcèlement. Vous voyez tout ce qu'ils font tous les jours pour empêcher la tenue du Congrès, pour refuser que je m'enrôle dans le fichier électoral, pour déclencher des poursuites fantaisistes contre moi. Donc, j'attends qu'il y ait moins de passion et de haine. Mais dans tous les cas, ma place est là-bas auprès du peuple pour mener le combat contre les dérives qui s'annoncent.

    Bokar Ture: «Pour mon père Stokely Carmichael, la Guinée était le coin le plus révolutionnaire d'Afrique»

    Play Episode Listen Later Aug 9, 2025 18:12


    De Stokely Carmichael, figure des luttes noires du XXème siècle, on connaît surtout le combat aux États-Unis, comme dirigeant des Black Panther. On sait moins qu'en 1968, Carmichael a rejoint la Guinée avec son épouse, la chanteuse sud-africaine Miriam Makeba. Il est alors devenu un proche collaborateur du président ghanéen en exil Kwame Nkrumah et s'est engagé aux côtés de la révolution guinéenne. Bokar Ture, fils de Stokely Carmichael, a accordé un entretien à RFI : il raconte les années africaines de la vie de son père. RFI : Votre père a été un acteur important des luttes noires du XXème siècle. Aux États-Unis, où il a été l'un des responsables des Black Panther… mais aussi dans son parcours transatlantique puisqu'il vient s'installer en 1968 en Guinée. Parlez-nous d'abord de lui. D'où vient-il ? Comment est née cette conscience militante noire ?  Bokar Ture : Kwame Ture est né Stokely Carmichael à Trinidad et Tobago, connu aussi en français comme Trinité-et-Tobago, en 1941. Il immigre plus tard aux États-Unis pour retrouver sa mère -donc ma grand-mère- qui y était déjà installée quelques années plus tôt. Elle avait pu avoir sa nationalité américaine parce qu'elle était née à Panama. Comment a commencé cette conscience ? Déjà, il avait un penchant politique très tôt. Il y a une de ses tantes qui racontait une anecdote : quand il était jeune, il la poussait à aller voter pour un syndicaliste à l'île de Trinidad. Et au lycée, aux États-Unis, il fréquentait déjà des groupes gauchistes. Un de ses amis de classe était le fils du président du Parti communiste américain dans les années 1952. Et donc, très tôt, il a pu découvrir les discours marxistes. Et bien sûr, il vivait au sud du Bronx, à côté de Harlem. Et la 125e rue de Harlem est une rue reconnue pour des discours politiques de tout genre, de différents groupes.  Il a été l'un de ceux qui ont travaillé l'idée de Black Power. Il a même coécrit, en 1967 avec Charles Hamilton, un ouvrage qui le théorise, intitulé Black Power, the politics of Liberation in America.  Effectivement, le concept de Black Power existait avant. Il y avait un livre qui s'appelait Black Power par Richard Wright, qui a été écrit pendant les années 1950 et qui était un ouvrage dédié à Kwame Nkrumah. Mais personne n'a rendu l'idée de Black Power aussi populaire que Kwame Ture - Stokely Carmichael à l'époque. Notamment durant une marche contre la peur au sud des États-Unis, aux côtés de Martin Luther King, où il disait, plus ou moins : « On est fatigué de mendier notre liberté, comme on l'a fait ces dernières années dans les droits civiques. Maintenant, ce qu'on va faire, c'est de demander le Black Power », le pouvoir noir, qui était un appel à une autodétermination en termes de structures politiques et économiques pour les personnes noires descendantes d'africains aux États-Unis.  En 1968, votre père épouse une première femme, la chanteuse sud-africaine Miriam Makeba. Au-delà de la relation amoureuse qui s'est nouée entre eux, cette union reflète-t-elle aussi une pensée de votre père, de plus en plus tournée vers l'Afrique et vers le panafricanisme à cette époque ?  Ce n'est pas un tournant, c'est une continuité. Kwame Ture a toujours été Africain dans l'âme. Il vient d'un milieu où l'Afrique est centrale dans l'identité noire. Bien avant qu'il ne se marie avec Miriam Makeba. On le voit dans des photos au début des années 1960 avec ses camarades où il est en tenue africaine. Il se sentait toujours africain. Pour lui, être noir et africain, il ne voyait pas de distinction et toute sa vie était ainsi. Quand il a marié Tantie Miriam, comme je l'appelle, c'était juste une continuité. Après aussi, ma mère, Marlyatou Barry, qui était aussi une Guinéenne. C'était juste une continuité de sa façon de vivre.  Comment se fait concrètement la connexion entre votre père et le premier responsable guinéen, Ahmed Sékou Touré ? Stokely Carmichael, à l'époque, faisait une tournée mondiale et il a rencontré Shirley Graham Du Bois, qui était la veuve de W.E.B Du Bois, qui est aussi une légende de l'histoire de la lutte antiraciste et du développement du panafricanisme. Elle a invité Stokely Carmichael à venir en Guinée pour une conférence du Parti démocratique de Guinée pour rencontrer Kwame Nkrumah et Sékou Touré. Quand il est venu, il a rencontré les deux présidents. Il avait déjà beaucoup entendu parler de Kwame Nkrumah, parce que mon grand-père a travaillé dans un bateau un moment. Il est parti au Ghana et quand il est revenu à New York, il expliquait que c'était la première fois qu'il avait vu une nation noire, indépendante, avec sa propre armée, un président, etc. et il expliquait ceci à un jeune Stokely Carmichael. Cela a vraiment marqué sa pensée. Quelques années plus tard, ils se voient face à face avec Kwame Nkrumah. Après la conférence, en quittant la Guinée, il part dire au revoir à Sékou Touré, qui lui dit : « Écoute, mon fils. Ici, c'est chez toi, tu peux revenir quand tu veux. C'est ta maison. »  Il part voir Kwame Nkrumah qui lui dit « Écoute, moi, je cherche un secrétaire politique, donc si ça t'intéresse, tu es toujours le bienvenu. » Un an et demi plus tard, deux ans pratiquement, il était de retour avec sa nouvelle épouse, Miriam Makeba.  Qu'est ce qui fait qu'il vient s'installer à Conakry à cette époque ?  Pour lui, c'était le coin le plus révolutionnaire en Afrique. Lumumba a été assassiné très tôt donc il n'y avait plus le Congo. Après, il y a eu le coup d'État contre Kwame Nkrumah en 1966. Modibo Keïta en 1968. Quand lui est arrivé, le seul autre pays, c'était la Tanzanie, mais qui était beaucoup moins radicale. Donc il a choisi la Guinée. C'était le pays qui s'alignait le plus avec sa pensée du pouvoir noir à l'échelle mondiale.  Il est aussi menacé aux États-Unis. C'est aussi pour cela qu'il quitte les États-Unis ? De toute façon, mon père était prêt à se martyriser. Il a vu Malcolm X tué, il a vu Martin Luther King tué et les agences voulaient sa tête. Il a échappé à pas mal d'attentats. Mais ce n'était pas la raison centrale. Déjà, il y avait l'invitation. Ensuite, il ne voyait pas les États-Unis comme le centre de cette lutte à laquelle il a dédié sa vie. Il voyait l'Afrique comme étant une partie essentielle. Pour lui, en venant en Guinée, il rejoignait l'Afrique, il rejoignait la révolution africaine qui pouvait donner la dignité à tout le peuple noir à travers le monde.  Diriez-vous qu'il y a un vrai projet politique international derrière cette volonté de s'installer en Guinée ?  Il a toujours eu ce projet. Quand il parlait de Black Power, déjà, dans le livre dont vous avez parlé, il parlait aussi des colonies en Afrique. Dans Black Power, lui et Charles Hamilton faisaient le parallèle entre la situation que vivaient les Afro-Américains aux États-Unis et la situation que vivaient les Africains en Afrique et aux Caraïbes aussi. Il faisait ce parallèle. Dans sa tête, c'était quelque chose qui était un combat international dès le début.  Quelles sont les idées sur lesquelles votre père, Stokely Carmichael – Kwame Ture, une fois qu'il change de nom – et Ahmed Sékou Touré se retrouvaient ?  On parle de personnes qui avaient la même vision d'une Afrique unie, une Afrique libre où il n'y a pas d'inégalités. Ils étaient tous deux penchés vers des idées socialistes. Ils étaient totalement alignés idéologiquement. Sékou Touré était un de ses mentors, une de ces personnes qui l'ont formé dans cette idéologie.  Ils se retrouvent dans l'idée, qui est défendue par Ahmed Sékou Touré à l'époque, d'authenticité africaine ? À 100 %. Et il s'intègre à 100 %. Je peux vous dire que moi, par exemple, j'ai très peu de souvenirs de mon père en habit occidental. Il s'habillait en tenue africaine, cousue en Afrique. Il s'est enraciné dans la population africaine. Ce qui était quand même unique parce que tout le monde était tourné vers une façon de vivre occidentale. Et lui non, il voulait se réapproprier son héritage culturel.  Et la volonté de promouvoir les cultures africaines, de leur donner leur vraie place ? C'est exactement cela, revaloriser la culture africaine, la culture noire, se réapproprier celle-ci. Et ne pas avoir de complexes vis-à-vis des cultures européennes, dominantes et autres.  Depuis le début de cet entretien, on joue avec deux noms pour parler de votre père, Stokely Carmichael, Kwame Ture. À un moment donné de sa vie, il décide de passer du nom de Stokely Carmichael à celui de Kwame Ture. C'est une démarche qui dit aussi beaucoup de choses sur le lien qu'il a avec Kwame Nkrumah et Ahmed Sékou Touré.  Effectivement. Il y avait un précédent aux États-Unis. Il y avait pas mal d'Afro-Américains, notamment dans son milieu révolutionnaire, qui changeaient de nom. Notamment Malcolm X, Mohamed Ali. Bien sûr, le nom est inspiré de Kwame Nkrumah et de Sékou Touré. L'anecdote, c'est qu'il était en Tanzanie lors d'un entretien radio. Après l'entretien, apparemment, un vieil homme venu à pied d'un village lointain est venu le voir et lui a dit : « Écoute mon fils, j'ai vraiment aimé ton entretien. Mais il y a une chose : ton nom sonne un peu bizarre, un peu féminin, il faut le changer ». Il a alors pris le nom de Kwame Nkrumah et de Sékou Touré. Lorsqu'il venait l'annoncer à Sékou Touré et lui dire : « J'ai pris le prénom de Kwame », Sékou Touré lui a répondu : « C'est bien, parce qu'à chaque fois que nous avons des débats, tu prends toujours son parti. » Il lui a répondu : « Mais j'ai pris le nom Touré comme nom de famille. ». Ce qui était approprié, car c'étaient ses deux mentors. À lire aussiKwame Ture, le destin hors du commun d'un Black Panther parti s'installer en Guinée [1/2] Comment est-ce que vous décririez les liens qu'il entretenait avec Kwame Nkrumah et Ahmed Sékou Touré ? En Kwame Nkrumah, il voyait un symbole de cette lutte. Il était prêt à le suivre. Il a mené quelques opérations au Ghana pour essayer de voir s'il pouvait réinstaurer Kwame Nkrumah au pouvoir. Il était très proche de lui. Et Sékou Touré était comme un père pour lui. En 1970, votre père vit l'un des moments charnières de l'histoire de la Première République guinéenne, à savoir l'attaque contre Conakry du 22 novembre 1970. Savez-vous comment il a vécu ces journées ?  Je sais qu'il était un participant dans l'action de repousser les troupes portugaises. Il était armé ce jour et a dû utiliser son arme. Selon ce que j'ai appris, il était un des premiers à alerter les autorités, y compris le président, du fait qu'il y avait une attaque qui venait. Ca tirait sur sa case, donc il devait quitter sa maison. Lui et Miriam Makeba ont dû se réfugier quelque part d'autre où il l'a laissée et lui est ressorti pour aider à défendre la ville.  Cette opération conjointe de militaires portugais et de rebelles guinéens a conduit à la plus grande vague d'arrestations en Guinée de toute la Première République. La vie du pays va être rythmée pendant de longs mois par des confessions publiques de personnes présentées comme les complices d'un « complot impérialiste » aux ramifications tentaculaires. Comment est-ce que votre père se positionnait par rapport à cette thèse du complot permanent contre la Guinée ? Et plus généralement, quel regard portait-il sur l'État policier qu'était aussi devenu la Guinée de cette époque ?  C'est quelque chose de très complexe et malheureusement, la Guinée ne s'est toujours pas réconciliée avec ce passé et les positions sont assez ancrées. Maintenant, si on parle de Kwame Ture précisément, pour lui, c'était un régime panafricaniste, le seul régime panafricaniste radical. Et malgré toutes ses erreurs, c'était celui qui pouvait tenir jusqu'au bout cette conviction qu'il avait lui-même. Il était totalement d'accord avec le fait qu'il fallait conserver ce régime pour qu'il ne bascule pas dans un régime néocolonialiste.  À tout prix ? À tout prix.  En 1974, il y a un autre évènement important pour l'Afrique et plus généralement pour le monde noir, c'est le combat en Afrique, à Kinshasa, entre Mohamed Ali et George Foreman. Dans un livre de mémoires, votre père indique qu'il a été invité par Mohamed Ali lui-même à venir à Kinshasa pour le combat. Est-ce que vous savez ce que représentait cet affrontement pour votre père ?  Mohamed Ali était son ami. Il y avait ce symbole de Mohamed Ali qui représentait l'Africain fier et George Foreman qui était un peu l'opposé de cela. Mais après, il a rencontré George Foreman et il disait que George Foreman l'avait séduit avec son charme, l'a embrassé et tout. Je pense qu'au-delà du symbolique, mon père était beaucoup plus intéressé par ce qui se passait au Congo démocratique, c'est-à-dire le Zaïre à l'époque, et le fait que c'était sous le régime de Mobutu Sese Seko, auquel il était farouchement opposé par ce qu'il représentait en termes de corruption et d'alignement avec les puissances coloniales. Qui sont de manière générale les acteurs politiques qui fréquentaient le salon de votre père dans ces années 1970 et au début des années 1980, pendant la Première République en Guinée ? On parle d'un melting pot qui ne dit pas son nom. Que ce soit des artistes - Miriam Makeba et Nina Simone, qui était une de ses amies très proches - ou des activistes de partout dans le monde. Qui venaient à Conakry et qui venaient le rencontrer ? Qui venaient à Conakry ou qui y vivaient. Parce que vous savez qu'à une époque, Conakry était un centre du monde noir où on conciliait l'art, les mouvements de libération, etc. Il y avait un grand nombre de personnes qui y vivaient, comme Amilcar Cabral, comme Kwame Nkrumahn, avant même il y avait Félix-Roland Moumié du Cameroun, pour ce qui est de la politique. Concernant les arts et la littérature, il y avait Ousmane Sembène qui y vivait, il y avait Maryse Condé qui y vivait. C'était vraiment un centre… et il se retrouve chez lui avec toutes ces personnes, plus ou moins de différentes sphères. Moi, je peux raconter avoir vu des activistes exilés sud-africains, Tsietsi Mashinini, qui a commencé la révolte estudiantine de Soweto, qui était parmi d'autres exilés sud-africains. Il y avait beaucoup d'Afro-Américains, bien sûr, des Black Panthers exilés. Il y avait la diplomatie guinéenne, des diplomates de pays gauchistes et souverainistes, il y avait tout un monde. Mais aussi, il faut savoir que Kwame Ture était vraiment penché vers la masse, la masse populaire. Donc autour de tout ça, on voit un chef villageois qui est assis ou on voit la personne déshéritée du quartier qui est là, assise, qui peut recevoir un repas. Parce que notre maison était comme un centre communautaire pour la jeunesse du quartier. Il amenait tous les enfants du quartier à la plage chaque dimanche. Puis se retrouvait peut-être un mardi à saluer un chef d'État. Puis avait une conférence avec un groupe communautaire. Moi, j'ai vu tout cela dans cette maison. C'était quelque chose de magique. Il recevait où, justement ? Dans son salon, dans son bureau ? Y avait-il un rituel autour de la réception de ses amis politiques ? Déjà, il avait une véranda où il était assis… parce que c'était un bibliophile. Il lisait beaucoup, il écrivait beaucoup. Il ne lisait pas pour le plaisir, mais il lisait pour ses conférences. Après, il y a des gens qui venaient pour le rencontrer. Je sais qu'il y a eu Charles Taylor qui était venu de nulle part pour le rencontrer. C'était vraiment un melting pot.    À cette époque, votre père continue aussi ses voyages et ses tournées, il n'est pas tout le temps à Conakry ? Il était très organisé. Sur toutes ses photos, il écrivait les dates et les lieux. On se demande comment il pouvait parcourir toutes ces distances en si peu de temps. Un jour, on le voit au Connecticut. Le lendemain, on le voit à Paris, banni, chassé. En Angleterre, peut-être, d'où il est banni et chassé. Parce que c'était très compliqué pour lui d'avoir accès a beaucoup de pays. Après, on le voit en Californie... Il était partout. Sékou Touré disparaît en 1984. Mais votre père continue, lui, son engagement pour ses idées au sein du Parti démocratique de Guinée. Qu'est-ce qui a marqué ces années de militantisme politique sous Lansana Conté ? Le contexte a vraiment changé !  Et c'est là que l'on voit vraiment les convictions de l'homme. Parce que, du jour au lendemain, tout a changé. Il a été arrêté par le régime de Lansana Conté. Donc, il a perdu les privilèges qu'il avait, bien sûr, où il connaissait le président et était sous sa tutelle. Mais malgré cela, il a décidé de rester en Guinée. La moitié de sa vie guinéenne, quinze ans, s'est passée ainsi. Il a décidé malgré tout de rester en Guinée, d'être actif dans la vie politique guinéenne et la vie sociale de la Guinée.  … Et de rester fidèle à ses convictions.  Exactement. Vous êtes à l'époque enfant. Quel souvenir est-ce que vous gardez de ces années, de votre maison à Conakry, de ceux qui y passaient ? Quelle était l'ambiance ? Vous disiez tout à l'heure que tout le quartier se retrouvait chez vous…  C'est cela. Mon père était d'une gentillesse rare, d'un altruisme qu'on ne retrouve pas très souvent. Donc effectivement, c'était pour moi quelque chose de très formateur. Comment quelqu'un peut traiter un chef d'État avec le même respect qu'il traite la personne la plus déshéritée du quartier. Et toutes ces personnes pouvaient se retrouver chez lui, devant lui, avec le même respect, ou peut-être même le déshérité avec un peu plus d'amour.  Vous appelez régulièrement les Guinéens à se souvenir de votre père, Stokely Carmichael / Kwame Ture. Avez-vous le sentiment que son histoire a été oubliée en Guinée ?  Je parle de manière générale. Il y a une politique de mémoire en Guinée qui doit être améliorée. Stokely Carmichael est un pont unique entre l'Afrique et l'Amérique. On parle d'un personnage qui a passé la moitié de sa vie en Guinée. À ce stade, l'État guinéen n'a pas fait une seule initiative pour se réapproprier de l'héritage de cette personnalité.  Donc il y a un vrai chantier ? Il y a un chantier.  Une dernière question plus personnelle. Quel père a été Stokely Carmichael ? Quelle image retenez-vous de lui ?  Un père adorable, d'une gentillesse rarissime, qui m'a beaucoup appris, que j'ai profondément aimé. Quelqu'un qui était attaché à tout ce qui est beau dans le monde, à commencer par les enfants. ►A lire pour aller plus loin : BERTHO Elara, Un couple panafricain, Editions Rot-Bo-Krik, 2025 À (ré)écouterElara Bertho: «Replacer Conakry au centre des imaginaires, c'était un peu l'idée de cet ouvrage»

    Présidentielle en Guinée: «Rien n'indique que Mamadi Doumbouya a renoncé à sa promesse»

    Play Episode Listen Later Aug 8, 2025 14:28


    En Guinée, il est de plus en plus probable que le numéro un du pays, le général Mamadi Doumbouya, sera candidat à la future élection présidentielle. « Les dispositions qui vont être proposées au peuple par référendum le 21 septembre n'interdisent pas sa candidature », déclare aujourd'hui sur RFI le Premier ministre Bah Oury, qui espère que cette présidentielle pourra avoir lieu avant la fin de l'année. Bah Oury s'exprime aussi sur les disparitions forcées de Foniké Menguè et de Mamadou Billo Bah, il y a plus d'un an. En ligne de Conakry, le Premier ministre guinéen répond aux questions de Christophe Boisbouvier.   RFI : Le 21 septembre est programmé le référendum constitutionnel en prélude à une prochaine élection présidentielle. Dans la charte de transition, le général Mamadi Doumbouya avait promis de ne pas se présenter à cette future élection. Pourquoi a-t-il changé d'avis ?   Bah Oury : Bon, pour le moment, aucune information officielle n'a été délivrée sur ce sujet. Mais ce qui est sûr, les dispositions constitutionnelles qui vont certainement être proposées à la population le 21 septembre prochain n'interdisent pas la candidature principalement de Monsieur Mamadi Doumbouya.   Et justement, pourquoi renonce-t-il à sa promesse de 2021 quand il avait pris le pouvoir ?   Pour le moment, rien n'indique qu'il a renoncé à sa promesse. Laissons-lui le temps, le moment venu, de s'exprimer et de donner des motivations dans n'importe quel sens qu'il pencherait, il va expliquer cela à la population guinéenne.   Mais pensez-vous qu'il y a un doute sur sa candidature à venir à la prochaine présidentielle ?   Permettez-moi de lui laisser le soin, le moment venu, de s'exprimer sur sa position.   Alors pour constituer le fichier des votants à ce référendum du 21 septembre, les autorités ont procédé à un recensement biométrique. Il y aura 6 700 000 votants. Mais les autorités ont oublié de recenser le numéro un de l'opposition, l'ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo. Pourquoi cet oubli ?   Je pense qu'il a un problème en termes de résidence. Et vous savez, si vous êtes non-résident dans une ville ou dans une collectivité, il faut que vous attestiez d'une résidence d'une certaine durée. Donc, il n'y a aucune volonté d'exclure qui que ce soit dans ce processus.   Dans ce projet de Constitution, il est prévu que, pour le président, le mandat de sept ans sera renouvelable une fois, sans plus de précisions. Est-ce que, par rapport à l'avant-projet initial qui était beaucoup plus restrictif, il n'y a pas la porte ouverte à une présidence à vie ?   Non, pas du tout. Au contraire, les dispositions d'intangibilité ont été renforcées pour empêcher, de manière juridique, toute possibilité de procéder à des modifications de ces dispositions d'intangibilité. Et la question des mandats fait partie de ces dispositions d'intangibilité.   Et si le « oui » passe, est-ce que la présidentielle aura lieu dans les semaines suivantes ?   L'objectif, comme l'a dit le général Mamadi Doumbouya, l'année 2025 est une année électorale. Le référendum n'est pas une élection, donc ceci explique cela.   Donc la présidentielle avant la fin de l'année ?  Inchallah.  Vous avez une date ?   Non. On respectera les procédures réglementaires et législatives pour la fixation de n'importe quelle date après le référendum.   Il y a treize mois, le 9 juillet 2024, les deux leaders de la société civile, Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, ont été enlevés à Conakry par des hommes armés et en uniforme. Est-ce que vous avez de leurs nouvelles ?   Nous cherchons toujours et de la manière la plus sérieuse. Nous cherchons à avoir des renseignements sur leur sort, sur les lieux où ils pourraient être. Et je dis que cela, c'est une préoccupation aussi bien du président de la République que du gouvernement dans sa globalité.   Est-ce que Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah sont encore en vie ?   Je souhaite ardemment que Billo et Foniké soient en vie.   Ce jeudi 7 août viennent d'entrer en vigueur les nouvelles surtaxes douanières des États-Unis à l'égard de leurs partenaires commerciaux. Quel est l'impact pour votre pays, la Guinée ?   Notre économie est une économie relativement pas importante au regard de la puissance de l'économie américaine, et nous exportons beaucoup plus des matières brutes comme la bauxite. Et dans les prochains mois, le fer. Et comme vous le savez, ça rentre dans des combinaisons de transformation dans des pays qui pourraient être peu ou prou affectés par ces hausses de tarifs. Mais nous, c'est relativement marginal puisque notre partenaire économique privilégié pour les matières premières, c'est la Chine. Donc notre économie n'est pas directement affectée au premier rang.  

    Droits de douane américains: «Il y a eu une fixation politique, à l'évidence, sur l'Afrique du Sud»

    Play Episode Listen Later Aug 7, 2025 7:51


    L'entrée en vigueur de la plupart des nouveaux droits de douane imposés par les États-Unis à leurs partenaires commerciaux, c'est aujourd'hui, jeudi 7 août 2025. Quel est l'impact de ces surtaxes pour le continent africain ? Y a-t-il des pays qui risquent d'entrer en récession ? « Oui », répond l'économiste Lionel Zinsou, qui a été Premier ministre du Bénin. Aujourd'hui, avec le grand banquier rwandais Donald Kaberuka, Lionel Zinsou est le patron de « South Bridge », en français, « Le Pont du Sud », une société de conseil financier. Il livre son expertise au micro de Christophe Boisbouvier.     RFI : Est-ce que ces surtaxes américaines risquent de ralentir la croissance du continent africain ?   Lionel Zinsou : Très faiblement, en fait. En revanche, ça va impacter quelques pays et spectaculairement l'Afrique du Sud. Mais ça ne concerne pas tout le continent.   25 pays africains devraient être touchés par ces augmentations de taxes. Quelles sont à vos yeux les pays qui vont être le plus impactés ? L'Afrique du Sud d'abord, c'est ça ?   Oui, L'Afrique du Sud… Certains pays qui avaient vraiment orienté leur commerce extérieur avec une grande confiance vers les États-Unis, comme le petit Lesotho. Au fond, tous ceux qui sont un peu plus industrialisés que les autres et qui avaient à exporter des produits d'une grande valeur, par exemple les exportations automobiles de l'Afrique du Sud, ça, ce sont des exportations à très forte valeur ajoutée, et c'est ça qui va être le plus impacté. Plus vous êtes industrialisé, plus vous allez en souffrir.   On se souvient de la rencontre glaciale à la Maison Blanche entre Donald Trump et Cyril Ramaphosa. Est-ce que les mesures douanières contre l'Afrique du Sud n'ont pas un caractère politique ?   Si, certainement. Derrière la sanction de 30 % de droits de douane, alors que pour les autres pays, c'est ou 10% ou 15%, il y a eu une fixation politique à l'évidence sur l'Afrique du Sud, très probablement liée à des sujets non-africains. Par exemple, le fait que l'Afrique du Sud ait traîné Israël devant la Cour pénale internationale avec un assez grand succès diplomatique. C'est probablement une rétorsion, un petit peu dans la même logique que pour le Brésil. Mais en Afrique du Sud, cela va avoir un impact. C'est un des pays qui ont malheureusement une croissance faible. Donc, ça risque effectivement de les mettre en récession. Cela étant, il y a des remèdes quand même à cette situation, parce que vous avez sans doute vu la réaction de la Chine. La Chine, aujourd'hui, elle importe surtout de l'Afrique, non pas des biens à forte valeur ajoutée et manufacturés, mais vraiment des matières premières. Et les Chinois ont une opportunité de commencer à acquérir des produits à valeur ajoutée venant d'Afrique. L'autre remède, c'est la zone de libre-échange continentale. On est en train de négocier, de faire tomber toutes les barrières douanières à l'intérieur du continent. Et donc les Africains commerçant avec les Africains, ça, ça va être à la fois un facteur de croissance significative et un remplacement pour les pays les plus industrialisés. Donc l'Afrique du Sud, qui est déjà un grand fournisseur du reste de l'Afrique, va l'être encore un peu plus.   Parmi les pays les plus touchés par les mesures de Washington, il y a les producteurs d'acier et d'aluminium. Est-ce que l'Algérie et l'Égypte ne risquent pas d'être très impactées ?   Alors, comme vous l'avez souligné, c'est quand même essentiellement un mouvement politique et vous savez que l'Égypte est un peu exonérée. Donc, avec l'Égypte, pour des raisons géopolitiques, c'est probablement plus confortable qu'avec l'Algérie. Mais si vous prenez un pays comme le mien qui va être taxé à 10 %...  Le Bénin…  Oui. Sur le textile. Alors c'est important parce que, après tout ce qui est produit de matières premières brutes, le textile, en fait, c'est ce qui avait fait le plus de progrès dans les échanges entre l'Afrique et les États-Unis. À raison de l'Éthiopie, mais aussi aujourd'hui de pays comme le Togo, le Bénin, qui ont de plus en plus de valeur ajoutée sur le textile. Mais vous voyez, quand vous achetez un polo de luxe à 100 € ou 100 $, il est sorti d'usine et monté sur un bateau à Cotonou à 10 $. Quand on va mettre 10 %, ça veut dire que ça va augmenter d'un dollar sur votre facture à vous, client, de 100 $. Parce que, en réalité, une très grande partie de la valeur ajoutée est faite dans le pays d'accueil. Et donc c'est aux États-Unis, les frais de marketing, les taxes américaines. Il y a aussi tous les intermédiaires, les transports, etc. Donc, il faut faire un tout petit peu attention. Ça ne va pas complètement désorganiser les marchés. Mais si vous exportez une voiture haut de gamme, japonaise ou allemande, qui vient des usines d'Afrique du Sud, c'est une tout autre affaire. Parce que là, pour le coup, la valeur ajoutée, elle vient d'Afrique. Ce ne sont pas les intermédiaires qui en prennent la plus grande partie. Et là, vous allez avoir un arrêt de la production, du chômage, etc. Mais il y a bien pire, évidemment. Le fait que les Américains, qu'ils aient supprimé l'aide alimentaire et sanitaire, ça, c'est encore plus grave. Parce que la fermeture de l'aide publique de l'USAID, notamment humanitaire, là, il y a mort d'homme. Ce qui est un peu différent des droits de douane. Et donc, politiquement, on voit bien qu'il va y avoir un coût politique pour les États-Unis.  

    Présidentielle au Cameroun: «Je pense à un étranglement de la démocratie dans notre pays»

    Play Episode Listen Later Aug 6, 2025 7:22


    Au Cameroun, Maurice Kamto ne pourra pas être candidat à la présidentielle du 12 octobre prochain. En effet, le Conseil constitutionnel a rejeté, mardi 5 août, la candidature de l'opposant, qui avait pourtant été déclaré deuxième au précédent scrutin. Quelles sont les premières réactions ? Et quelles sont les conséquences pour l'élection d'octobre ? Philippe Nanga est le coordinateur de l'ONG camerounaise Un Monde avenir, spécialisée sur les questions de démocratie et de droits de l'homme. En ligne de Douala, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Maurice Kamto interdit de candidature. Qu'est-ce que vous en pensez ? Philippe Nanga : Je pense à un étranglement de la démocratie dans notre pays tout simplement. Je pense au déni du droit de participer à la vie politique, au regard de ce rejet de la candidature de Monsieur Kamto. Alors, ce lundi, devant le Conseil constitutionnel, Maurice Kamto a longuement expliqué, en compagnie de ses avocats, qu'il avait respecté toutes les règles légales pour être investi par le Manidem. Mais cela n'a pas suffi, pourquoi ?  Ça n'a pas suffi parce que j'adhère à la thèse de ceux qui pensent qu'il s'agit d'une décision plus politique qu'une décision de droit. Il y avait quand même beaucoup d'évidences qui donnaient à Monsieur Kamto le droit de participer avec le dossier fourni au conseil électoral Elecam. Il avait pris soin, n'est-ce pas, d'éviter tout obstacle possible à sa participation à l'élection, parce qu'il y avait beaucoup de débats autour de sa candidature. Il avait plusieurs possibilités, mais il avait choisi la possibilité la plus sûre en allant vers un parti politique qui disposait de tous les moyens légaux pour présenter une candidature. Et donc j'avoue que c'est une grosse déception pour les acteurs qui suivent les questions de démocratie dans notre pays, comme nous, de constater qu'il y a une sorte d'acharnement sur un individu qui s'emploie à animer la vie politique dans notre pays, à construire la démocratie et à amener les Camerounais à s'approprier le droit de prendre part à la vie politique du pays. Personnellement, je connais le parti politique Manidem qui a porté sa candidature. C'est un parti que je suis. Je connais le président de ce parti dont on dénie aujourd'hui la qualité, avec qui nous avons régulièrement pris part aux rencontres officielles. Moi, en tant que coordinateur de l'ONG « Un monde avenir » et lui, en tant que président de son parti, c'est-à-dire le Manidem, je suis étonné que, au dernier moment, on ne lui reconnaisse plus cette qualité de président qu'il a pourtant régulièrement affichée partout où nous nous sommes retrouvés aux réunions officielles.   Alors visiblement, comme le conseil électoral Elecam en première instance, le Conseil constitutionnel a pris en considération la candidature d'une autre personne, Dieudonné Yegba, sous la bannière du Manidem, et a donc estimé qu'il ne pouvait pas y avoir deux investitures pour une même formation politique. Est-ce que l'argument vous paraît recevable ou pas ?    Pas du tout de mon point de vue. Parce qu'on ne peut pas prétendre qu'on ignorait qui était à la tête du Manidem. Monsieur Ekane, je le dis pour avoir été plusieurs fois à des rencontres officielles avec lui, étant à ces rencontres au titre de président du parti, et donc il y a toutes les évidences qui montrent que Monsieur Ekane est reconnu par le conseil électoral comme étant le président du parti. C'est ça qui est écœurant et choquant pour nous autres, parce que c'est extraordinaire de voir qu'il a suffi que le Manidem présente Monsieur Kamto comme candidat pour qu'on dénie à Monsieur Ekane Anicet, président de ce parti-là, cette qualité qui était pourtant reconnue jusqu'ici par toutes les instances, y compris le conseil électoral. J'ai envie de dire, c'est une sorte de séance de sorcellerie, comme on dit chez nous, que je viens de vivre, parce que je suis sûr que si le Manidem n'avait pas présenté Monsieur Kamto à la prochaine élection présidentielle, personne ne serait aujourd'hui en train de dénier la qualité de président à Monsieur Ekane.    Avec la disqualification de Maurice Kamto, c'est le principal opposant à Paul Biya qui est exclu de la présidentielle du mois d'octobre. Est-ce à dire qu'à vos yeux, l'opposition n'a plus aucune chance de gagner ?   Tout va dépendre de la posture de Monsieur Kamto. Parce qu'il faut dire que c'est une très très forte personnalité, très influente sur le plan politique. Et donc tout va dépendre de sa position, est-ce qu'il va se rallier à un candidat ? Mais s'il décide de se retirer de ce processus, il y a de fortes chances qu'il y ait une forte abstention. C'est pour ça que je dis que c'est la personne qui, pour l'instant, continue de tenir les cartes en main.   Et parmi les principaux candidats de l'opposition qui sont validés aujourd'hui, quel est celui dont Maurice Kamto se sent le plus proche ?   Je sais que plusieurs rencontres ont eu lieu entre les cadres de son ancien parti, notamment le MRC, et certains candidats à la présidence, notamment les candidats du Nord, Monsieur Bello et Monsieur Tchiroma. Ça, je le sais. Et je sais aussi qu'il n'est pas très éloigné des personnes comme Monsieur Akere Muna. Donc ça ne serait pas étonnant de le voir prendre une décision d'alliance avec un leader. Et j'ai vu quand même qu'il y avait des démarches avec certains leaders des autres partis, ceux qui viennent de faire défection dans le gouvernement, notamment l'ancien Premier ministre Bello Bouba et l'ancien ministre Issa Tchiroma.   À écouter aussiPrésidentielle au Cameroun: la candidature de Maurice Kamto «fait peur» au régime, dit Claude Assira

    Guerre civile au Liberia: «Il n'y a pas un groupe ethnique qui a échappé au massacre»

    Play Episode Listen Later Aug 5, 2025 15:12


    Plus de 20 ans après la fin de la guerre civile qui a fait 250 000 morts, le Liberia va-t-il enfin juger ses plus grands criminels de guerre ? Le président Joseph Boakai semble décidé à franchir ce pas historique. Il y a un mois, il a présenté les excuses de l'État aux innombrables victimes et un tribunal spécial pourrait voir le jour en 2027. De 1990 à 2003, le reporter-photographe Patrick Robert est allé maintes fois sur place. Il y a été grièvement blessé par balle. Aujourd'hui, il témoigne devant les tribunaux et dans un livre intitulé Chaque heure compte, la dernière tue (paru aux éditions Erick Bonnier). Il est l'invité de Christophe Boisbouvier. RFI : Dans votre livre, vous écrivez « Au Liberia, on tuait avec désinvolture et détachement ». En quoi cette guerre civile a-t-elle été différente des autres ? Patrick Robert : La première grosse différence, c'est que c'était une guerre totale commise avec la bonne conscience de gens qui font quelque chose avec la sensation qu'ils doivent le faire. La caractéristique d'une guerre civile, c'est que c'est une guerre d'amateurs. Ce sont des gens de la brousse qui, du jour au lendemain, se trouvent miliciens, combattants, une arme à la main. Et évidemment, les standards sont évidemment très éloignés des nôtres. Et c'était une guerre de villageois contre des citadins ? Pas que. C'était une guerre civile totale, d'ethnie contre ethnie, en fait. Vous racontez comment un milicien tue froidement un civil sous vos yeux, puis s'aperçoit que vous êtes là avec votre appareil photo et vous dit, tout sourire « Hey take my picture ! » (prends ma photo). Comment expliquez-vous une telle désinvolture ? Parce que ces gens simples avaient l'impression de faire leur travail afin d'accomplir leur mission. C'est tout le tragique de l'histoire. Moi, je ne pense pas qu'il y ait eu des crimes pour le plaisir de tuer… Oui, dans ces conditions-là, il y en a toujours. Mais je ne pense pas que l'ordre des politiciens était de le faire. Je pense que les chefs militaires, que ce soit Charles Taylor ou les autres, n'étaient pas plus émus que ça de la mort de leurs concitoyens. Mais je ne pense pas non plus qu'ils incitaient leurs miliciens à tuer aveuglément tout le monde. Je pense que c'est un pays où les gens étaient livrés à eux-mêmes avec une discipline inexistante. Il faut savoir aussi que Charles Taylor n'avait aucun moyen de communication avec ses troupes. Il avait un téléphone satellitaire que lui avait donné Félix Houphouët-Boigny, mais il n'avait pas de moyen de contacter ses soldats sur le front. Il n'y avait pas de téléphone cellulaire à l'époque et il n'avait pas de radio. Charles Taylor ne savait pas ce qui se passait sur le front. Il n'y allait pas lui-même. Il n'était pas un chef de guerre courageux. Ce n'était pas un bon chef de guerre. Son mouvement politique, le NPFL, a été bon tant qu'il avait Prince Johnson avec lui. Mais en fait, c'est Prince Johnson qui marquait les points sur le terrain. Comme Johnson a fait sécession et est parti dans son coin et a laissé tomber Taylor, Taylor n'a plus jamais avancé sérieusement sur le terrain et donc, parce que la situation a dégénéré, c'est devenu une guerre ethnique. Chaque ethnie avait son groupe armé avec son chef de guerre qui s'opposait aux autres. Alors, vous dites que chaque combattant faisait son travail, mais quand on abat une femme et ses enfants, ce n'est pas un travail comme un autre, non ? Non, je ne dis pas qu'il faisait son travail, je dis qu'il faisait ce qu'il pensait être son travail. Je pense que le milicien pensait que sa mission consistait à tuer des ennemis, quels qu'ils soient, hommes, femmes, enfants. Vous savez, dans une guerre ethnique, on est coupable de faire partie de l'ethnie adverse, quel que soit son âge ou son sexe. Les enfants, tant qu'ils peuvent porter une arme, ils sont en face de vous, donc ils sont des combattants. Les femmes, elles donnent naissance à des futurs combattants qui seront un jour en face de vos enfants. Et donc tout le monde est une cible légitime de ce point de vue de la guerre ethnique. C'est ça qui est effroyable. Comment se fait-il que, depuis 2003, il n'y ait jamais eu de procès de criminels de guerre au Liberia ? Je pense que les Libériens ont admis leur responsabilité collective. Ils ont admis que tout le monde avait perdu la tête. Et donc il n'y a pas un groupe ethnique qui a échappé au massacre commis par les leurs contre un autre groupe ethnique. Donc, il y a une sorte de nivellement par l'horreur, par le crime, qui fait que tout le monde s'est rendu coupable de choses répréhensibles devant la loi. Je pense qu'ils ont été tellement nombreux, dans tous les camps, à commettre des crimes que peut-être qu'ils n'ont pas très envie de remettre tout ça en cause et de se dire qu'il va falloir mettre les deux tiers du pays en prison. Mais je pense qu'aujourd'hui, les Libériens ont beaucoup évolué. Il y a un système démocratique qui s'est mis en place. Et en effet, je pense qu'ils ne doivent pas être très fiers de ce qu'ont fait leurs prédécesseurs pendant cette guerre civile. Et si en 2027, donc dans deux ans, un tribunal sur les crimes de la guerre civile s'ouvre à Monrovia, est-ce que vous serez prêt à venir témoigner ? Si on me le demande, oui, comme témoin de contexte pour expliquer mon expérience, c'est peut-être même un devoir puisque je l'ai vécue. Et quand vous avez témoigné au procès de Kunti Camara, c'était donc l'an dernier à Paris, est-ce que vous avez croisé son regard ? Il était très fuyant, il avait l'air totalement absent. Mais des criminels comme lui, il y en a des milliers au Liberia. La banalité de la mort ? Oui, la banalité de la mort. C'est une chose qui m'a beaucoup surpris au Liberia, comme en Sierra Leone d'ailleurs, parce qu'à cette époque-là, la mort était quelque chose de quotidien. On tuait les gens facilement sans que ça pose de problèmes éthiques, moraux. Cette banalité face à la mort, c'est peut-être un instinct de survie aussi, sinon personne ne s'en sortirait.

    Élections en Côte d'Ivoire: «La préservation de la paix» doit primer face au droit, pour Mgr Jacques Ahiwa

    Play Episode Listen Later Aug 4, 2025 7:42


    « Il faut aller à la palabre africaine », disent les évêques de Côte d'Ivoire, après l'exclusion de plusieurs personnalités de l'opposition de la présidentielle du 25 octobre prochain. Dans une lettre pastorale publiée il y a une semaine, la Conférence des évêques de Côte d'Ivoire appelle à une élection « juste et inclusive », à laquelle, outre le président sortant Alassane Ouattara, qui a déclaré sa candidature ce 29 juillet, ses principaux opposants pourraient, eux aussi, se présenter. Mgr Jacques Ahiwa répond aux questions de Christophe Boisbouvier depuis son archevêché de Bouaké. RFI : À trois mois de l'élection présidentielle, vous venez de publier une lettre pastorale dans laquelle vous ne cachez pas votre inquiétude. Pourquoi ? Mgr Jacques Ahiwa : Parce que nous sommes des pasteurs. Nous avons les quinze diocèses de Côte d'Ivoire. Nous sommes au contact des populations. Et ce sont un peu les craintes de ces populations que nous avons essayé d'analyser, de prendre en compte non seulement dans nos prières, mais aussi dans nos analyses pour apporter quelques éléments de réponse et surtout de propositions pour apaiser, aider à apaiser ces craintes-là. Et quelles sont ces craintes ? Les craintes, c'est la peur d'une élection émaillée de violence. Nous savons depuis un certain temps que chaque fois que, les élections sont annoncées, les populations ont la peur au ventre. Et donc ça nous remonte. Tout le monde nous dit "priez, priez pour nous, faites quelque chose". Et ce que nous pouvons faire, effectivement, en tant que pasteur, c'est de prier et puis d'apporter notre contribution à la construction, à la préservation de la paix. Monseigneur Jacques Ahiwa, dans votre lettre pastorale, il y a une semaine, vous appelez à une élection « juste et inclusive », est-ce à dire que pour l'instant ces deux conditions ne vous paraissent pas réunies ? De ce qui revient des différents états-majors, je parle des groupements politiques de la société ivoirienne, nous constatons que, jusqu'à présent, il y a des dinosaures, comme on dit, de la politique ivoirienne qui ne figurent pas sur la liste électorale. Et cela crée beaucoup de tensions. Chacun fait valoir ses arguments et cela crée beaucoup de crispations dans la population. Donc en termes d'inclusion, pour l'instant, je pense que nous n'y sommes pas encore arrivés. Il y a encore du travail à faire pour que cette élection soit la plus large possible. Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam, Charles Blé Goudé… Plusieurs dinosaures, comme vous dites, n'ont pas le droit de se présenter, car les autorités affirment qu'elles ne sont pas éligibles au regard de la loi ivoirienne. Quelle est la position de la conférence épiscopale à ce sujet ? La position de la conférence, elle porte sur la loi, sur la loi fondamentale. Nous avons fait notre analyse sur la base de la loi, mais aussi de l'environnement. Ceux qui estiment qu'ils ne sont pas éligibles ont les éléments pour argumenter. Mais nous, en tant qu'acteur aussi de la vie sociale, en regardant ce qui se passe, en analysant les crispations, parce que chacun fait valoir ses arguments, on aurait souhaité que les discussions se poursuivent pour voir dans quelle mesure cette exclusion ou bien ce manque qui pourrait permettre à ces candidats de compétir puisse trouver des solutions. Concernant l'éligibilité de ces opposants, et c'est toujours dans votre lettre épiscopale, vous appelez à concilier le respect du droit et le bon sens politique. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? Nous voulons dire que, quand les lois ne permettent pas de préserver la cohésion, il faut peut-être aller à la palabre africaine. La palabre africaine, c'est quand il y a un problème presque insoluble, on active des leviers, des mécanismes pour entendre tout le monde et résoudre la question. D'autant plus que, depuis un certain temps, depuis 2010, la Côte d'Ivoire a quelques fois eu recours à ce genre de procédé. Et nous le disons très bien dans notre lettre que ce n'est pas nouveau que les acteurs de la vie politique puissent s'asseoir autour de la même table au niveau de l'élection présidentielle pour trouver des solutions. On parle même d'arrangements politiques. C'est ce que nous appelons le bon sens politique au regard des crispations, au regard de toutes les plaintes et de tout ce qui est susceptible de créer des désordres jusqu'à mort d'homme. Vous le savez très bien, les dernières élections étaient émaillées de pas mal de violence. Pour éviter tout cela, nous en appelons au bon sens politique qui consiste à s'asseoir autour de la même table et à trouver les solutions pour résoudre définitivement cette question de l'éligibilité. Est-ce que vous faites référence à l'accord politique conclu sous l'égide du président sud-africain, Thabo Mbeki, afin que Monsieur Alassane Ouattara puisse être candidat en 2010 ? Oui, nous l'avons dit dans la lettre aussi, c'est très clairement signifié. Nous parlons des accords issus des négociations de la crise de 2002, qui ont permis à tous les candidats de se présenter, au point qu'en 2010, les élections ont connu quand même un engouement assez fort. Quand il y a contradiction entre le respect du droit et le bon sens politique, qu'est-ce qui doit primer à vos yeux ? C'est la sagesse africaine, la préservation de la paix. Il n'y a pas de sacrifice de trop pour préserver la paix. Si vraiment il faut mettre entre parenthèses, dans un premier temps, le droit pour sauver les vies humaines, je pense que le choix est clair. Il faut sauver d'abord les vies humaines et après trouver vraiment les meilleurs mécanismes pour écrire des lois consensuelles qui pourront être acceptées par tous. Alors ce que disent les autorités ivoiriennes, c'est que, si elles n'appliquent pas le droit de façon stricte et rigoureuse, elles risqueront ensuite d'être accusées d'autoriser les passe-droits. Oui, ça, c'est vrai. C'est ce qu'on a toujours dit. Mais vous le savez très bien, depuis toujours, la loi, elle a été la loi et c'est face à la rigueur de la loi qu'on a toujours sollicité des médiations hors loi pour régler des crises. Il se trouve que nous sommes pratiquement dans les mêmes situations de crise qu'auparavant. Alors, je pense qu'il vaut mieux, pour sauver des vies. Nous, notre objectif, c'est cela : comment préserver la paix ? Comment faire en sorte que chaque ivoirien, chaque habitant de ce pays puisse aller et venir sans crainte en temps d'élection comme en temps de non élection. Que chacun puisse vaquer normalement à ses occupations et que les élections ne soient pas sources de crainte, de peur et surtout de violence en Côte d'Ivoire. La vie de l'homme est plus que tout. La vie est sacrée et nous, évêques de Côte d'Ivoire, nous sommes au service de la vie. Et nous sommes les veilleurs pour que tout soit mis en œuvre, même s'il faut mettre entre parenthèses pour un moment la loi pour que la vie soit sauvée, il faut le faire. Ce ne sera pas la première fois et ce ne sera pas le premier cas de figure dans le monde entier. Et puis, dans votre lettre pastorale, Mgr Jacques Ahiwa, vous dénoncez, je cite, l'amateurisme de l'administration électorale. Faut-il à vos yeux remplacer la CEI, la Commission électorale indépendante, par autre chose ? La CEI dans sa configuration actuelle est assez critiquée par les différents acteurs de la vie politique et sociale en Côte d'Ivoire. Il y a donc un travail à faire pour avoir une CEI, d'autant plus qu'elle est permanente, une CEI qui puisse être acceptée par tous pour que les règles qu'elle dicte soient reçues et bien mises en œuvre. Je pense qu'on va y arriver, mais pour l'instant, telles que les choses se présentent, la CEI, quand on la regarde, elle est un peu déséquilibrée. Et donc, il y a ce travail d'équilibrage pour qu'elle soit la plus consensuelle possible.

    Cheikh Anta Babou: «L'importance de la diaspora des mourides était imprévue», car «ils étaient considérés comme des sédentaires»

    Play Episode Listen Later Aug 2, 2025 5:00


    Nous parlons ce matin de l'importante de la diaspora des mourides, une confrérie musulmane sénégalaise. Lundi dernier, des organisations de la diaspora ont célébré le Bamba Day. Un hommage rendu à Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur de la confrérie. Le 13 août, surtout, les fidèles mourides pratiqueront le grand magal, le pèlerinage annuel dans la ville sainte de la confrérie, Touba. C'est l'occasion pour nous de nous plonger dans un ouvrage qui vient de paraître : La Mouridiyya en marche : islam, migration et implantations, publié par les Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme. Le livre revient sur l'expansion internationale de la confrérie et en analyse certaines conséquences. Son auteur Cheikh Anta Babou est l'invité de Laurent Correau. RFI : Qu'est-ce qui explique l'importance de la diaspora et de l'émigration dans le mouridisme ? Pourquoi est-ce qu'on associe si souvent cette image du mouridisme à ces réseaux diasporiques ? Cheikh Anta Babou : Ce qui fait l'importance de cette diaspora mouride, c'est un phénomène imprévu. Les mourides, qui étaient un peu considérés comme des sédentaires naturels, des conservateurs qui sont perdus dans la modernité, ont profité de cette modernité qui n'était pas faite pour eux. Ils ont migré dans les villes de plus en plus, en grand nombre. Ils se sont installés, ils ont pris l'économie informelle. Et quand les conditions se sont présentées, ils ont quitté le Sénégal pour l'Afrique occidentale, pour l'Europe et maintenant pour les États-Unis dans les années 80. Donc comment ont-ils réussi à domestiquer cette modernité et à en profiter pour devenir une diaspora globale ? Et qu'est-ce qui l'explique selon vous ? Ce qui l'explique, c'est la mobilité avec Ahmadou Bamba. … Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du mouridisme. Effectivement. Vous savez que dans sa saga, la mobilité joue un rôle important. Ses exils, d'abord au Gabon où il a passé sept ans… il s'exile en Mauritanie… Les exils, au niveau du Sénégal. Donc c'est une certaine aura qui accompagne cette mobilité. Autre chose qui s'est développé : vous allez avoir des dahiras, ces organisations urbaines mourides. Ces dahiras ont été formés au Sénégal dans les années 40, dans les villes, originellement comme une organisation qui aide à développer, à préserver l'identité mouride menacée par la modernité occidentale dans les villes. Et quand les mourides ont voyagé, ils ont voyagé avec ces dahiras. Ce qui est intéressant avec ces dahiras, c'est qu'ils aident la religion à voyager. Ils donnent une mobilité à la culture mouride. Une fois à Paris, une fois à New York, une fois à Abidjan ou ailleurs, ces dahiras deviennent le creuset où les mourides se retrouvent chaque semaine, où la sociabilité mouride est développée, où les événements religieux sont célébrés. Donc cette sociabilité mouride, d'une certaine manière, est ancrée autour de ce creuset, le dahira mouride. Vous avez aussi une réflexion intéressante dans votre ouvrage sur la question de la deuxième génération et la façon dont cette deuxième génération vit la foi mouride. Qu'est-ce qui se passe avec la génération qui n'est pas celle des premiers migrants, mais celle de leurs enfants ? Vivre sa religion dans la diaspora est chère. C'est un investissement lourd en termes financiers, mais aussi en termes de temps, en termes d'émotion. Et beaucoup de ces parents, maintenant, se demandent, est-ce que mes enfants auront cette volonté d'avoir cet investissement que nous, nous avons produit pour que l'amour de Dieu continue à se perpétuer ? C'est la grande question. Mais il y a même des mourides moins jeunes qui commencent à s'interroger, surtout ce qu'on appelle les professionnels. Ils ne peuvent pas faire ces réunions sociales avec le dahira. Les investissements financiers ne posent pas de problème, mais pour la plupart de ces gens-là, c'est le temps à consacrer à ces événements qui pose problème. De sorte que la plupart d'entre eux se disent « je peux être mouride autrement. C'est-à-dire, je peux apprendre les khassaïdes de Serigne Touba chez moi. Pas nécessairement en communauté, comme c'est l'habitude dans les dahiras. Mais je peux également nouer une relation personnelle avec Ahmadou Bamba à travers ses ouvrages plutôt qu'avec sa descendance. C'est-à-dire ce lien-là qui se base sur la généalogie est en train de se déliter un tout petit peu. Les gens se disent « je peux être mouride sans me soumettre à un cheikh qui est un descendant d'Ahmadou Bamba », comme de tradition dans la mouridiyya. Ils se disent « je peux lire les khassidas, essayer de modeler ma vie par rapport à la vie d'Ahmadou Bamba. Quand je vais au Sénégal, je vais sur sa tombe, je prie chez lui et je prie sur sa tombe et pour moi, c'est suffisant. » Vous diriez qu'on voit une foi individuelle se développer un peu plus dans cette deuxième génération ? Dans cette deuxième génération où vous gérez vous-même cette foi… au lieu de la donner à gérer à la Communauté elle-même. Est-ce que les circulations entre Touba, la ville sainte des mourides et toutes ces villes de l'étranger, toutes ces terres d'immigration ont créé quelque chose ? Cette diaspora mouride est en train d'avoir un impact extrêmement important. Les mourides ont produit une culture mouride qui n'est pas celle qu'ils ont quitté au Sénégal. Il y a par exemple ce que les mourides appellent les « khassidas days ». … Les khassaïdes, ce sont les poèmes de Cheikh Ahmadou Bamba Oui, les poèmes d'Ahmadou Bamba… Ils ont ce qu'ils s'appellent les khassidas days.  C'est-à-dire une journée où différents groupes de dahiras se regroupent et chantent les khassidas toute la journée jusqu'à la nuit. Et ça, c'est du nouveau. C'est la solidarité diasporique. Mais cette solidarité a été réexportée au Sénégal où les gens font également leur khassida day. Mais également même sur l'investissement. Vous avez maintenant des ONG, des dahiras qui ne sont plus des dahiras classiques, mais des ONG. Il y en a un, Matlaboul Fawzeyni, qui a construit un hôpital. Ces mourides qui vivaient dans les zones rurales qui ont migré à Touba et par la suite ont migré en Europe ou en Amérique se sont rendus compte qu'ils ont besoin d'installations sanitaires modernes pour leurs parents qu'ils ont laissés derrière. Ils se disent, mais pourquoi pas investir sur ça ? Donc, ils ont construit le premier hôpital moderne au niveau de Touba et ils continuent à investir, par exemple sur l'éclairage public, sur l'assainissement. Ça ce sont des choses qui sont absolument nouvelles. Et l'argent qu'ils envoient également au Sénégal, qui est assez substantiel, tout cela également a un impact non seulement sur la mouridiyya, mais sur le Sénégal en général. À lire aussiSur les traces de l'exil de Cheikh Ahmadou Bamba (1/2)

    Paludisme: «La mise sur marché d'un produit dédié aux nourrissons» est «une avancée principale»

    Play Episode Listen Later Aug 1, 2025 7:32


    C'est un tournant dans le combat contre le paludisme chez les nourrissons et les tout-petits. Une société suisse vient de mettre sur le marché un médicament qui soigne les enfants atteints du paludisme à partir de l'âge de trois mois. Et dans les prochains jours, le Ghana va pouvoir déployer ce médicament certifié par l'OMS. Le docteur André-Marie Tchouatieu est l'un des responsables de la fondation suisse MMV spécialisée dans la lutte contre le paludisme, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.   À lire aussiSanté: le paludisme touche toujours largement l'Afrique et ne sera certainement pas éradiqué en 2030

    Présidentielle au Cameroun: la candidature de Maurice Kamto «fait peur» au régime, dit Claude Assira

    Play Episode Listen Later Jul 31, 2025 13:54


    Les Camerounais attendent l'avis du Conseil constitutionnel sur la participation ou non à la présidentielle du 12 octobre du principal opposant Maurice Kamto, après la décision en première instance de la commission électorale Elecam de l'en écarter. Quelle est la valeur juridique de cette exclusion de samedi dernier ? Quelles sont les chances de Maurice Kamto d'être repêché par les onze magistrats du Conseil ? Claude Assira est avocat au barreau de Yaoundé et défenseur des droits de l'Homme. Également enseignant à l'Université catholique d'Afrique centrale, il répond depuis Yaoundé aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Le principal événement de ce début de campagne, c'est l'éviction, du moins pour l'instant, du candidat Maurice Kamto, le principal opposant. Est-ce le signe qu'il fait peur au régime camerounais ? Maître Claude Assira : J'ai envie de vous répondre positivement. Oui, je pense qu'on peut dire sans risque de se tromper qu'il fait peur. Et ça, ce n'est pas seulement du fait de l'épilogue de samedi 26 juillet. La décision qui a été prise par le Conseil électoral Elecam, samedi 26 juillet, c'est surtout parce que c'est la chronique d'une fin qui était annoncée depuis le début. Tout le monde sait que, à la précédente élection présidentielle de 2018, il a été le principal challenger et qu'il est arrivé effectivement en position de numéro 2. Tout le monde sait également que depuis lors, depuis 2018 et de façon plus marquée encore en 2019, il a mené des actions et un combat, d'abord de revendications de la victoire. Et puis ensuite les actions sur le terrain juridique, sur le terrain politique. Et que tout au long de cet intervalle, on a vu la réaction du pouvoir, les objurgations des membres du gouvernement qui, à chacune de ses apparitions, traduisaient une certaine fébrilité, pour ne pas dire une crainte, une peur. On a vu parfois ce que je considère comme étant la machine de guerre de l'État se mettre en œuvre même pour des événements banals comme la convocation d'un événement politique interne à Yaoundé ou une de ses apparitions à Douala. Donc toutes ces choses sont autant de manifestations de la peur, de la crainte qu'on a pour ce seul nom. Il faut dire qu'aux côtés de cela, vous avez également, d'un point de vue de la crainte psychologique, beaucoup de ses partisans, qui sont particulièrement virulents et agités sur les réseaux sociaux, qui cristallisent autant de raisons d'avoir peur de la personne, de ce candidat. Bref, il y a toujours eu un tir de barrage, de sorte que les esprits des observateurs avisés étaient forcément prêts à ce qu'il puisse y avoir la touche finale qui serait apportée d'une façon ou d'une autre à sa candidature devant le tir de barrage systématique auquel il a eu à faire face. Ce qui fait qu'aujourd'hui, même si Elecam, qui tire son origine d'un décret de désignation du président de la République, j'allais dire du seul président de la République qui lui-même est à nouveau candidat… Donc il ne peut pas être complètement un organe considéré comme étant neutre. Quels que soient les efforts qu'il aurait faits, lorsqu'Elecam vient donc en bout de course consacrer tout ce que nous avons vu se dessiner, se profiler au fur et à mesure du temps, aucune concession ne lui a jamais été faite. La décision d'Elecam du 26 juillet apparaît évidemment comme étant la consécration de la volonté politique d'éliminer un adversaire dont on a peur aujourd'hui. Est-ce qu'Elecam, qui est donc l'organe en charge des élections, a motivé par écrit sa décision d'exclure la candidature de Maurice Kamto ? Elecam l'a motivée et a justifié cette motivation sur la demande des avocats de Maurice Kamto. Et le motif qui a été avancé alors, le seul motif qui a été invoqué à l'appui de la décision de rejet de sa candidature, c'est la multiplicité d'investiture par le parti qui a finalement accepté d'investir, Maurice Kamto, à savoir le Manidem. Alors l'argument d'Elecam, c'est donc de dire que le parti que Maurice Kamto représente, le Manidem, compte dans ses membres un autre candidat et qu'il ne peut pas y avoir une pluralité d'investitures au sein d'un même parti. Qu'est-ce que vous pensez de cet argument ? Comme je pense avoir essayé de vous l'indiquer, l'argument est tout simplement l'aboutissement d'un processus. Donc l'argument qui est soulevé par Elecam est très largement sujet à caution. Mais même en lui-même simplement, l'argument peut être très largement discutable lui aussi. Parce qu'il est effectivement fort probable qu'il y ait eu une deuxième investiture par un organe plus ou moins infiltré du Manidem. Et cette situation, il faut le dire encore, est aussi une certaine forme de flou organisé et entretenu par les pouvoirs de l'État. Je m'explique. Les partis politiques, les formations politiques sont considérés comme étant des associations. Or ces associations voient régulièrement l'interférence, j'allais dire l'ingérence du pouvoir politique au travers du ministère de l'Administration territoriale, qui croit devoir organiser le fonctionnement et la direction de ces associations. Ce n'est pas que le Manidem. On a vu le cas pour le PCRN. Ça a été le cas pour le CPP de Kah Walla et je pense pour d'autres formations encore. Or, nous savons tous qu'il y a un principe consacré par la Constitution qui est le principe de la liberté d'association, la liberté d'expression. Les partis politiques concourent, contribuent à l'expression de la démocratie. Et ils le font dans un cadre qui est organisé par la Constitution, qui est un cadre de liberté. Donc il n'y a que les associations qui, dans leur organisation, ont la possibilité de déterminer qui est leur mandataire, celui qui peut parler pour elles, ces associations. Pourtant, nous voyons toujours régulièrement, sans aucune explication ni justification juridique ou autre, l'interférence du pouvoir qui vient indiquer qui, selon lui, est la personne qu'il a choisie pour pouvoir être le représentant, c'est à dire son interlocuteur. Il n'est donc pas à exclure que, profitant de cette ambivalence, de cette ambiguïté organisée et entretenue, qu'il puisse y avoir effectivement quelqu'un d'autre qui, au sein de la même organisation du Manidem, ait pu éventuellement se prévaloir du titre qui lui a été donné dans les conditions que je viens de vous indiquer pour pouvoir brouiller les pistes. Et ainsi contrecarrer pour finaliser la mise en échec de la candidature de Kamto. Je pense que la procédure devant le Conseil constitutionnel nous permettra certainement d'être fixé. Il suffira de comparer, de voir quel était l'organe qui a présenté l'investiture de Maurice Kamto, celui qui a présenté l'investiture de l'autre, et j'incline à penser que c'est le président actuel, Monsieur Anicet Ekane, celui qui a donné l'investiture à Maurice Kamto, qui devrait pouvoir l'emporter si les choses sont faites avec justice et avec justesse. Alors, vous parlez du ministère de l'Administration territoriale de Paul Atanga Nji. Jusqu'au 22 juillet dernier, sur le site de ce ministère, le président du parti Manidem, c'était Anicet Ekane, mais depuis le 23 juillet, sur le même site, son nom est remplacé par celui de Dieudonné Yebga, le candidat surprise qui provoque aujourd'hui la disqualification de Maurice Kamto. Est-ce un signe de ce que vous appelez l'ingérence du ministère de l'Administration territoriale dans l'organisation des partis politiques ? L'ingérence est intervenue déjà bien auparavant et je crois qu'elle pourrait se manifester encore là, sauf que là, en l'occurrence, à la veille d'une transmission des dossiers à Elecam, cette ingérence, ou plutôt cette manipulation, apparaît comme étant une forfaiture désormais. Ce n'est plus une simple ingérence, mais là, c'est une forfaiture et une volonté manifeste d'induire en erreur. J'ai envie de vous indiquer que je ne sais même pas si cette activité, cette action de ces personnes, ces organes publics, devraient être considérés comme étant une action banale. Je pense qu'elles doivent interroger. L'actuel président de la République a mis au centre de son rôle politique historique qu'il voulait qu'on retienne que c'est lui qui a apporté la démocratie. Je ne suis pas sûr que ce qui est fait en son nom représente l'idée de la démocratie qu'il a envie de laisser. Donc si c'est pour lui, pour ce candidat-là, que toutes ces forfaitures sont faites, je crains qu'on salisse son nom pour l'histoire alors que c'est la seule chose au moins qu'il aurait pu laisser. Donc j'invite toutes les personnes qui jouent aux apprentis sorciers à faire attention et à rester aussi neutres que possible dans les fonctions publiques qui leur ont été confiées par le peuple. Alors Elecam écarte, du moins pour l'instant, Maurice Kamto, au prétexte que son parti Manidem avait deux candidats, mais Elecam accepte le candidat Paul Biya, alors que son parti RDPC avait lui aussi deux candidats le président sortant et l'élu local Theiller Onana. Est-ce qu'il n'y a pas deux poids, deux mesures ? Alors là, je ne pense pas. Parce que là, vous avez parlé de candidature. Mais s'agissant du motif de rejet de la candidature de Maurice Kamto, on a parlé plutôt d'investiture. Donc il ne faut pas confondre candidature et investiture. La déclaration de candidature est le fait d'un individu qui se présente au peuple. Or la déclaration d'investiture, c'est une formation politique qui adoube un candidat qu'elle a présenté, qui s'est réclamé de lui. Donc je ne pense pas que la même situation que celle que vous évoquez au Manidem soit comparable à ce qui se passe au RDPC, parce qu'il ne me semble pas que le parti RDPC ait donné une investiture à quelqu'un d'autre qu'à l'actuel président de la République. Suite à cette décision d'Elecam, Maurice Kamto a déposé ce lundi un recours devant le Conseil constitutionnel. Mais si le régime est décidé à écarter Maurice Kamto, est-ce que les magistrats du Conseil constitutionnel pourront prendre une décision contraire à la volonté du régime ? Là, vous me demandez encore une fois de prendre une boule de cristal pour pouvoir lire l'avenir. Et on peut juste se contenter de faire un certain nombre de conjectures. La première, ce serait d'imaginer que le Conseil constitutionnel est un organe indépendant, puisqu'on sait aujourd'hui que le pouvoir est relativement plus faible, plus vacillant, plus chancelant qu'il ne l'a été autrefois. Ça se voit non seulement au travers de l'âge relativement avancé du titulaire de la fonction aujourd'hui, mais cela se voit aussi au travers de la grande fébrilité dont ses partisans font montre de façon publique.  Il y a une grosse opposition à l'intérieur du camp. Donc je pense qu'aujourd'hui peut-être qu'une nouvelle philosophie pourrait éventuellement animer le fonctionnement du Conseil constitutionnel et ses décisions. On peut donc miser là-dessus et se dire qu'il s'agit peut-être d'un organe qui va être indépendant, même si, encore une fois, là aussi, son mode de désignation exclusivement confié au décret du président de la République peut aussi interroger sur son indépendance.  Mais faisons lui confiance et disons-nous que cela est possible au regard du contexte sociopolitique que je vous ai décrit. Mais d'un autre côté aussi, on peut parfaitement craindre, quand on voit l'irrédentisme dont ont fait preuve aujourd'hui les agents du pouvoir. Quand on sait que les institutions judiciaires ou juridictionnelles ont souvent eu par ailleurs à se voir dicter un certain nombre de leurs décisions ou de leurs attitudes, on peut parfaitement craindre que le Conseil constitutionnel, même si vraiment, par extraordinaire, il venait à en avoir envie, avoir envie de s'autonomiser, on peut craindre qu'il n'ait pas finalement les moyens de le faire, cela est aussi possible. Parfaitement. Maintenant, nous tous, nous observons l'histoire. Nous pouvons donc nous dire qu'au stade où nous sommes, peut être que le Conseil constitutionnel, aussi, investi d'une mission historique, peut avoir envie de se surpasser et de montrer, d'essayer de montrer aux uns et aux autres que les décisions qu'il va prendre doivent être empreintes de la confiance qu'on doit normalement à cette institution-là. Donc, il est possible que cette occasion leur soit donnée pour valider en ultime recours la candidature de Maurice Kamto. Je le souhaite en tout cas énormément. Issa Tchiroma Bakary, l'un des deux ministres démissionnaires, qui est à présent candidat à la présidentielle, réclame du Conseil constitutionnel qu'il fasse preuve d'impartialité et d'intégrité. Est-ce à dire que cet homme d'expérience a de sérieux doutes sur cette impartialité et cette intégrité des magistrats ? Il faut que vous rappeliez peut-être aussi que c'est le même Issa Tchiroma Bakary qui a défendu bec et ongles le même pouvoir auquel il a appartenu, donc je pense que, si aujourd'hui il vient nous dire le contraire, on ne peut pas faire autre chose que d'avoir foi en sa parole. Il est crédible sur ce qu'il indique. Les propos contradictoires sur RFI, il y a trois semaines, des ministres René Sadi et Fame Ndongo sur la candidature ou non de Paul Biya cette année, de quoi est-ce le signe à votre avis ? C'est un signe, j'allais dire un signe de plus sur un tout petit peu, j'allais dire la déliquescence de l'action de l'État, des pouvoirs de l'État. Sur beaucoup de sujets, auparavant, on a observé un camp, une division qui traduit les intérêts conflictuels qui, à chacune des décisions de justice ou non, démontrent parfaitement qu'il y a un clivage, une scission nette dans l'appareil gouvernant. Et que ce clivage est le fait de deux choses, un effet de cisaillement entre un président de la République qui est souvent absent, qui n'a plus vraiment les choses en main et qui a tout abandonné à chacun. Il n'y a, par exemple, jamais eu je pense, en sept ans un conseil des ministres rien que pour coordonner et contrôler l'action en interne du gouvernement. Donc chacun fait un peu sa petite tambouille dans son coin. Et la deuxième chose du cisaillement, c'est que tout le monde voit très bien que le pouvoir est vacant. Donc à l'intérieur, il y a des prétentions qui naissent. D'autres, il y en a qui essaient de combler ce vide là en faisant un peu plus, en dépassant leurs fonctions ou en essayant de rattraper ce qu'ils peuvent encore pour essayer de conserver leurs positions, leurs rentes de situation. Voilà, c'est tout ça qui crée forcément un cafouillage. Et comme il n'y a pas de coordination pour permettre de siffler la fin de la récréation, la peur qui est toujours très mauvaise conseillère finit par s'emparer des uns et des autres pour essayer de sauvegarder ce qui peut encore être sauvé des acquis. C'est tout ça qui explique un peu cette Bérézina de la communication.

    Présidentielle en Côte d'Ivoire: «Le RHDP n'avait pas d'autre candidat qu'Alassane Ouattara»

    Play Episode Listen Later Jul 30, 2025 6:14


    En Côte d'Ivoire, le suspense est terminé. Le président Alassane Ouattara sera candidat à un quatrième mandat le 25 octobre prochain. Il l'a annoncé mardi 29 juillet. Pourquoi a-t-il choisi ce moment pour sortir de son silence ? Et quelle peut être désormais la stratégie de ses deux principaux adversaires, Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo ? Le chercheur ivoirien Geoffroy-Julien Kouao a publié récemment Côte d'Ivoire : une démocratie sans démocrates ?, aux éditions Kamit. En ligne d'Abidjan, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Êtes-vous surpris par l'annonce de cette candidature d'Alassane Ouattara ? Geoffroy-Julien Kouao : Non, pas du tout surpris. Quand on sait très bien que nous avons seulement que trois mois qui nous séparent du 25 octobre, jour du scrutin, on ne pouvait pas penser autre chose que la candidature de Monsieur Alassane Ouattara au niveau du RHDP, le parti au pouvoir. Alassane Ouattara précise que sa santé lui permet d'être à nouveau candidat. Y-avait-il des doutes sur son état de santé ? Là, je ne le sais pas. Mais dans tous les cas de figure, l'état de santé n'est pas une des conditionnalités pour être candidat à l'élection présidentielle de Côte d'Ivoire. Et il précise que le pays fait face en ce moment à des défis sécuritaires, économiques et monétaires sans précédent. Est-ce la raison officielle de cette candidature à un quatrième mandat qui fait couler beaucoup d'encre en Côte d'Ivoire et dans la sous-région ? C'est une raison pertinente qu'il évoque, en ce sens que la sous-région ouest-africaine est confrontée depuis près d'une décennie à une menace terroriste. N'oublions pas que la Côte d'Ivoire, en 2016, a elle-même été attaquée par les groupes jihadistes à Grand-Bassam, et on le sait très bien, au nord de la Côte d'Ivoire, que ce soit au Burkina Faso et au Mali, le terrorisme est toujours présent. Donc c'est une justification pertinente. Cependant, je pense que le RHDP n'avait pas d'autre candidat que Monsieur Ouattara pour cette élection présidentielle. Pensez-vous que la menace terroriste que le président Ouattara met en avant, c'est un argument qui va suffire à convaincre tous ceux qui lui reprochent de vouloir briguer un quatrième mandat après quinze ans de pouvoir ? Non, je ne le pense pas. En ce sens que pour l'opposition, précisément le PPA-CI et le PDCI-RDA, c'est un mandat de trop qui viole les dispositions pertinentes de la Constitution. Ce que ne partage pas évidemment le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2020. Donc, la bataille sera non seulement politique, mais également juridique. Depuis quelques jours, la tension est forte entre la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso, suite à la mort en prison à Abidjan de l'influenceur burkinabé Alain Christophe Traoré, alias Alino Faso. Est-ce que l'annonce politique de ce mardi n'a pas aussi l'avantage de détourner l'attention de cette crise entre Abidjan et Ouagadougou ? Nous sommes en politique et en politique la communication est très importante. Et il est évident que, en annonçant sa candidature pour l'élection présidentielle hier, Monsieur Alassane Ouattara éclipse, sur le plan de la communication, la question du décès de Monsieur Alino Faso. Et donc tout ça peut s'inscrire dans le cadre d'une stratégie. Alors, après cette annonce de la candidature Ouattara, que peuvent faire ses deux principaux adversaires, Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo, qui ont constitué il y a un mois un front commun contre le parti au pouvoir RHDP ? Monsieur Laurent Gbagbo et Monsieur Tidjane Thiam ont toujours affirmé qu'ils vont s'opposer par les moyens légaux à la candidature de Monsieur Alassane Ouattara. C'est dans cette optique qu'ils projetaient une grande marche dans la ville d'Abidjan le 2 août prochain. Selon les informations que nous avons reçues hier, cette manifestation a été interdite. Dans tous les cas de figure, ils vont certainement organiser d'autres manifestations contre cette candidature de Monsieur Ouattara qu'ils jugent de trop. Et pensez-vous que, si ces deux personnalités ivoiriennes n'obtiennent pas la possibilité d'être candidates le 25 octobre prochain, leurs partis respectifs, le PDCI et le PPA-CI, vont réfléchir à un plan B ? Pour l'instant, la question du plan B n'est pas à l'ordre du jour au niveau du PDCI-RDA. Dans une interview avant-hier, Monsieur Tidjane Thiam a dit que le plan B n'est pas envisageable au niveau du PDCI. Quant au PPA-CI, Monsieur Ahoua Don Mello, un des cadres de ce parti, a annoncé sa candidature comme étant une candidature de précaution, dans l'hypothèse où celle de Monsieur Laurent Gbagbo ne serait pas acceptée. Mais pour la direction du parti PPA-CI, Monsieur Ahoua Don Mello agit contre les idées du PPA-CI, c'est-à-dire la ligne affichée qui est de présenter uniquement Monsieur Laurent Gbagbo comme candidat. Dans tous les cas de figure, des trois grands ténors de la politique ivoirienne depuis 30 ans, c'est-à-dire Monsieur Henri Konan Bédié, Monsieur Alassane Ouattara et Monsieur Gbagbo, c'est Monsieur Alassane Ouattara seul qui ira à cette élection. Et donc pour une première fois, nous aurons une élection avec un seul de ces ténors, ce qui enlève toute saveur à cette élection. À lire aussiGeoffroy-Julien Kouao: «Laurent Gbagbo a une seule obsession, 2025» et la présidentielle ivoirienne

    Libye: «La Turquie a embrayé sur une opération de charme vis-à-vis de la famille Haftar»

    Play Episode Listen Later Jul 29, 2025 4:40


    En Libye, la situation politique va-t-elle évoluer ces prochaines semaines ? À l'ouest, le Premier ministre du gouvernement d'union nationale, Abdelhamid Dbeibah, semble en perte de vitesse, suite aux affrontements entre milices qui ont touché Tripoli au mois de mai. Alors qu'à l'est, le maréchal Khalifa Haftar paraît, lui, monter en puissance. La Turquie par exemple, longtemps alliée des autorités de Tripoli, est en train de se rapprocher de lui. Comment expliquer ce probable basculement d'Ankara ? Quelles pourraient en être les conséquences ? Jalel Harchaoui est chercheur associé au Royal United Services Institute de Londres. Il est l'invité de Pierre Firtion. RFI : Est-on à la veille de changements majeurs en Libye ? Jalel Harchaoui : Il n'y a pas de changement spectaculaire. Ça a l'air d'être calme, ça a l'air d'être statique même depuis une demi décennie. En réalité, il y a beaucoup de variables qui évoluent. Il ne faut pas, à mon avis, prêter trop attention à cette impression de calme. Par exemple, il y a notamment l'espèce de pivotage de la part de la Turquie, qui est connue pour avoir soutenu le gouvernement de Tripoli en 2019 et sortir victorieuse de cette intervention en 2020. Depuis, la Turquie est restée enracinée militairement à l'ouest et a tout de suite embrayé sur un effort de séduction, une espèce d'opération de charme vis-à-vis de son ancien ennemi, c'est-à-dire la famille Haftar à l'est. Et ce changement est en train d'accélérer en ce moment, avec des conséquences très néfastes pour la Grèce notamment. Ça veut dire que la Turquie pourrait basculer véritablement dans le camp de l'est dans les prochaines semaines, les prochains mois ? C'est en train de se faire. Si vous regardez par exemple les vols cargo de nature militaire entre la Turquie et Benghazi, vous serez absolument époustouflé par la fréquence des vols militaires. Ce sont des ventes d'armes qui sont en train de se faire. C'est un argument qui est très séducteur aux yeux des Libyens parce que l'industrie d'armement de la Turquie est très appréciée dans la région et dans le monde même. La famille Haftar est en très bonne position, notamment fiscale. Elle a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent, vraiment des milliards et des milliards de dollars. Donc, le basculement dont vous parlez est en train de se faire, et il est en train de se faire de manière extrêmement fiévreuse, si bien que je m'en inquiète. C'est-à-dire que je trouve que finalement, le calcul de la Turquie, il n'est pas juste limpide, il est aussi naïf. C'est très dangereux parce que les Libyens, c'est leur pays quand même. Quand ils veulent acheter des armes sur les marchés noirs internationaux, ils le font. Ils ont de l'argent sur le côté. Donc, cette idée que la Turquie peut tellement se permettre d'être décontractée par rapport à Tripoli, qu'elle possède soi-disant déjà pour aller fricoter à l'est tout en gardant Tripoli, ça peut très très mal finir cette histoire. Dans ces conditions, le maréchal Haftar pourrait-il être tenté de profiter de l'affaiblissement du gouvernement de l'ouest pour lancer une nouvelle offensive sur Tripoli ? Pas à froid, ça ne se fera pas à froid parce que ce n'est pas possible en termes d'image, en termes de réaction violente de la part de certaines villes qui compte, autres que Tripoli. Je pense notamment à Misrata qui est une ville riche et surtout ultra militarisée, très anti Haftar. En revanche, il y a un scénario qui m'inquiète, ce serait que pour des raisons dues à la paranoïa, assez justifiée finalement du point de vue d'Abdelhamid Dbeibah, qu'il lance la phase deux de la campagne violente qu'il a démarré en mai, parce qu'il y a une phase deux qui est en train de couver, là, elle est en train de fomenter. S'il la lance et qu'il ne réussit pas, c'est-à-dire qu'il ne détruit pas la seule milice qui continue à lui tenir tête à Tripoli, s'il ne la détruit pas en 48 ou 72h, eh bien on aurait une espèce de bourbier urbain dans lequel la famille Haftar interviendra sans doute. Et ça, ça pourrait survenir dans les prochaines semaines, les prochains mois ? Oui, dans les prochaines semaines, parce que l'ONU n'a pas eu de feuille de route précise depuis deux ans à peu près. Et donc elle prépare le dévoilement, si vous voulez, elle va révéler au monde sa nouvelle feuille de route au mois d'août, autour du 15 août à peu près. Et si le langage de cette nouvelle feuille de route inclut des expressions comme nouveau gouvernement unifié à Tripoli, nouveau gouvernement, ça veut dire que dans le plan diplomatique proposé par l'ONU, eh bien, on préconise le départ de la famille de Dbeibah. Eh bien, ça voudra dire que Dbeibah aurait toutes les raisons du monde de lancer son attaque avant pour empêcher ce genre de langage diplomatique. Donc, on assiste à une situation un petit peu comme en avril 2019, parce que, à l'époque, l'envoyé spécial de l'ONU, Ghassan Salamé, était en train de préparer une bonne initiative de paix. Et bien cet argument avait fini par accélérer l'attaque physique, une attaque militaire donc, de la part du maréchal Haftar contre Tripoli. On a le sentiment que le maréchal Haftar travaille son image à l'international. Son fils, Saddam a récemment effectué une tournée diplomatique qui l'a amené notamment aux États-Unis, en Turquie, au Pakistan, en Égypte ou encore en Italie… Oui, c'est le fils le plus actif, le plus ambitieux, le plus audacieux. Le maréchal Haftar a six fils. Au moins six fils. Et Saddam est un des plus jeunes, mais en même temps un des plus voraces. Et donc ce qu'il essaye de faire, c'est s'ériger en tant que successeur presque non controversé avant la mort de son père. Les États étrangers sont contents de lui prêter le flanc, de le flatter, de ne pas le critiquer pour ses nombreuses activités de crime organisé, des choses comme ça, parce qu'on se dit de toute façon, il va sans doute pouvoir s'imposer comme non pas le remplaçant de son père à l'est et au sud, mais il va sans doute, avec le temps, puisqu'il est jeune, parvenir à s'affirmer et s'imposer comme le leader de toute la Libye pour la première fois depuis 2011.

    Union africaine: «Il y a des opportunités pour l'UA de montrer son efficacité»

    Play Episode Listen Later Jul 28, 2025 4:40


    Le président burundais, Évariste Ndayishimiye, a été désigné le 17 juillet envoyé spécial de l'Union africaine pour le Sahel. Sa mission sera de renouer le dialogue avec les trois pays de l'Alliance des États du Sahel, à savoir le Niger, le Mali et le Burkina Faso, qui sont suspendus de l'organisation depuis les coups d'État. Pourquoi Évariste Ndayishimiye a-t-il été choisi ? La nouvelle gouvernance de l'Union africaine souhaite-t-elle davantage impliquer les chefs d'État en exercice dans la résolution des conflits sur le continent ? Liesl Louw-Vaudran est conseillère principale à l'International Crisis Group pour l'Union africaine. Elle est l'invitée de Pierre Firtion. RFI : Comment analysez-vous la nomination d'Évariste Ndayishimiye comme envoyé spécial de l'Union africaine pour le Sahel ? Liesl Louw-Vaudran : Ça peut être un peu surprenant parce que, en fait, ce n'est pas dans l'habitude qu'un président de l'Union africaine, donc, João Lourenço de l'Angola, nomme un autre président en exercice en tant qu'envoyé spécial. Mais ça montre quand même que cette question du Sahel et de l'AES est très importante pour l'Union africaine. Et le fait que ces trois pays soient suspendus de l'Union africaine – ils ont aussi quitté la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest – est vraiment inquiétant. C'est presqu'existentiel pour l'unité africaine. Et l'Union africaine cherche depuis longtemps des moyens d'ouvrir le dialogue avec ces pays-là. Donc, c'est une très bonne chose que le président Lourenço lui-même prenne ça très au sérieux.  Mais pourquoi avoir choisi le président burundais ?   Le choix du président Évariste Ndayishimiye peut surprendre, comme je le disais, mais on pense que ça peut reposer sur plusieurs bases. Premièrement, ça peut créer une certaine continuité parce que le président burundais sera président de l'Union africaine l'année prochaine. Deuxièmement, il est aussi un ancien militaire, donc il sera peut-être plus à même de discuter avec les dirigeants de ces pays, même s'il est un peu d'une autre génération. Et je pense que, troisièmement, il est loin de la région, donc il peut être perçu comme plus neutre. Mais il faut dire qu'Évariste Ndayishimiye n'a pas vraiment d'expérience dans ce domaine de négociation, de dialogue. Il était président de la Communauté Économique des États de l'Afrique centrale aussi quand il y avait de nombreuses crises dans cette région. Donc, on n'a pas vu vraiment le fait qu'il a mis en œuvre sa capacité de dialogue. Donc, il manque de l'expérience. Quel va être précisément sa mission ? Ce sera d'abord, avant tout, on pourrait dire, de renouer le dialogue avec ces trois pays ? Je pense que c'est ça : c'est ouvrir le dialogue, créer la confiance, et puis faire des propositions certainement aux autres pays de l'Union africaine : comment engager ce processus de dialogue, comment aider les pays (si c'est possible). Et puis, éventuellement, réfléchir à leur retour. On parle là d'Évariste Ndayishimiye. En avril, c'était le Togolais Faure Gnassingbé qui a été nommé médiateur pour le conflit dans l'est de la RDC. Nommer des chefs d'État en exercice, c'est une des marques de fabrique de la nouvelle gouvernance de l'Union africaine ? Oui, c'est quelque chose de nouveau. Mais je pense que le choix de la Commission de l'UA, c'est d'abord d'essayer de trouver des anciens chefs d'État. Aujourd'hui, par exemple, pour le Soudan, pour d'autres crises, on réfléchit à essayer de trouver des anciens chefs d'État avec suffisamment de poids sur le continent. Mais il faut dire qu'il y a très peu d'options. Choisir un président en exercice, ça a aussi ses difficultés. On l'a vu avec l'Angola et la crise des Grands Lacs. Ce sont des chefs d'États qui ont leurs propres problèmes à gérer dans leur propre pays. Mais on a l'impression que l'Union africaine est un peu à court de solutions. Je pense que l'Union africaine cherche des mécanismes qui peuvent être efficaces, mais ce n'est pas facile. Sur les grandes crises du moment, l'Union africaine peine toujours à faire entendre sa voix et à imposer ses vues. Qu'est-ce qui bloque concrètement ? Vraiment, je pense que, concrètement, ce qui bloque, c'est d'abord la capacité de l'institution qui a vraiment un faible budget, un faible staff, et de multiples crises à gérer. Il y a un problème de subsidiarité. C'est-à-dire que, dans beaucoup de crises, c'est la région elle-même qui la prend en charge. Et très souvent, il y a tension entre l'Union africaine à Addis-Abeba et les régions, comme par exemple avec les Grands Lacs, avec la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), la Communauté est-africaine (EAC) et l'Union africaine qui n'a pas vraiment trouvé sa place là, à part avec cette médiation angolaise. Et je pense que, troisièmement, avec le rôle des acteurs extérieurs dans les crises, comme au Soudan par exemple, c'est très difficile pour l'Union africaine de peser dans un conflit où il y a des acteurs très puissants. Donc, ça échappe un peu à l'Union africaine. Et comme je le dis, il y a des conflits comme celui au Soudan du Sud où l'Union africaine peut éventuellement faire quelque chose. La Somalie, c'est pareil, il y a une force africaine, donc il y a des endroits et des opportunités pour l'Union africaine de montrer son efficacité. Même si dans des grandes crises très importantes comme celle du Soudan, pour le moment, l'Union africaine n'arrive pas à y avoir vraiment un rôle.

    Déforestation urbaine: à Kinshasa, «tous les espaces verts ont été déboisés»

    Play Episode Listen Later Jul 26, 2025 5:09


    En Afrique, la déforestation s'accélère, constate la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. Cette déforestation touche non seulement les forêts tropicales, mais aussi de plus en plus les forêts urbaines. C'est le cas de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, qui compte (environ) 17 millions d'habitants. On parle du constat et des conséquences de ce déboisement, avec l'urbaniste congolais Joël Kyana Basila, de l'Institut Supérieur de l'Urbanisme de Kinshasa. Il est l'invité d'Alexandra Brangeon.

    Au Niger, «le risque le plus important» pour la junte est «la grogne sociale», selon Seidik Abba

    Play Episode Listen Later Jul 25, 2025 4:35


    C'était il y a quasiment deux ans jour pour jour. Le 26 juillet 2023, le président nigérien Mohamed Bazoum, était renversé par un coup d'État. Le commandant de la garde présidentielle, Abdourahamane Tiani, devenait alors le nouvel homme fort du pays. Deux ans après, la junte militaire, qui avait promis à ses débuts de rendre le pouvoir aux civils, est toujours à la tête du pays. Abdourahamane Tiani a été investi en mars président pour un mandat de cinq ans renouvelables alors que les partis politiques ont eux été dissouts. L'ancien président Mohamed Bazoum est lui toujours détenu au sein du palais présidentiel. Quel regard porter sur l'évolution du Niger depuis deux ans ? L'essayiste nigérien Seidik Abba préside le Centre international de réflexions et d'études sur le Sahel. Il est ce matin l'invité de Pierre Firtion. RFI : Comment va le Niger, deux ans après le coup d'État qui a renversé Mohamed Bazoum ? Seidik Abba : Je pense que le bilan est mitigé pour les militaires. C'est clair que dans leur bilan, il y a quelques éléments positifs. Il y a aussi des éléments négatifs. Mais si on devait juger simplement à l'aune de leurs propres promesses, celle de la sécurité et d'une meilleure gouvernance, d'une gouvernance plus vertueuse, on peut dire que le bilan n'est même pas au rendez-vous.  Le général Tiani utilise de plus en plus la rhétorique souverainiste pour justifier de l'état du pays. Cette stratégie de communication n'est-elle pas destinée à masquer les échecs de la junte sur un plan économique et sécuritaire ? Oui, elle a pu prospérer au début. Au début, l'argument souverainiste a été avancé et a été mobilisateur, mais au fur et à mesure que les choses ont évolué, les populations ont compris qu'il fallait passer de la rhétorique et du slogan à des questions concrètes. La question de l'énergie n'a pas été totalement résolue. La question aussi du pouvoir d'achat simplement. Je crois que, au fur et à mesure que la situation va évoluer, l'argument souverainiste va montrer ses limites et la base sociale, l'audience et le soutien va continuer à s'effilocher. Et ça, je crois que c'est une des principales menaces qui guette le pouvoir militaire actuel. Sur le plan sécuritaire, le pays est en proie ces dernières semaines à des attaques répétées de l'EIS, l'État islamique au Sahara. Comment expliquer ce regain de violence et la réponse très limitée de l'armée nigérienne ? Il y a plusieurs facteurs. D'abord, au début, beaucoup d'unités combattantes aguerries avaient été rappelées pour défendre le pouvoir de Niamey après le coup d'État. Et je crois qu'elles n'ont pas encore totalement repris leur place compte tenu de la situation financière. Au Niger, 40% du budget repose sur des contributions extérieures. Donc aujourd'hui, il y a beaucoup de difficultés de trésorerie, beaucoup de difficultés qui impactent aussi la chaîne d'approvisionnement, la logistique des forces qui sont engagées. Et puis maintenant, il y a aussi le fait que, en dépit de tout ce qui est affirmé, la coordination avec les pays voisins, que ça soit les pays de l'AES, cette coordination n'est pas arrivée à un niveau de montée en puissance qui permet d'empêcher les incursions de groupes jihadistes et leur repli sur le territoire voisin. Quand vous mettez tous ces éléments – l'absence aussi de tout ce qui a pu être apporté par les pays étrangers, les forces internationales en matière de renseignements, si vous omettez toutes ces difficultés – vous arrivez à la situation que connaît aujourd'hui le pays. Seidik Abba c'est cette faible réponse sécuritaire qui explique ces mouvements de grogne que l'on a vus apparaître le mois dernier au sein de l'armée... Oui, les militaires qui ont organisé ces mutineries ont avancé des éléments factuels. Ce n'étaient pas des revendications politiques mais c'étaient des revendications sur leurs conditions professionnelles. La question de l'approvisionnement qui n'arrive pas souvent à temps, la question du paiement de salaire qui n'arrive pas souvent à temps et la question des équipements aussi. À lire aussiNiger: deux mouvements d'humeur de soldats en 72 heures Mais est-ce que le pouvoir craint, aujourd'hui, peut-être plus qu'avant de se faire renverser ? Non, je crois que la difficulté ne viendra pas de ce côté-ci. Pour moi, le risque le plus important pour les militaires, c'est la grogne sociale qui va naître. À force de maintenir la frontière avec le Bénin fermée alors que le pays n'a pas de façade maritime, ça crée une inflation dans les prix. Il n'y a pas d'embellie à l'horizon pour la situation financière du pays. Et ça, ça va impacter la grogne sociale. Abdourahamane Tiani a fait libérer le 1er avril des figures de l'ancien régime, expliquant vouloir œuvrer pour le pardon et la réconciliation. Mais Mohamed Bazoum est toujours détenu. Le pardon, oui, mais pas pour tout le monde... Oui, on peut le résumer comme ça. C'est un pardon aujourd'hui, à l'heure qu'il est, un peu sélectif. Je ne vois pas comment on peut pardonner et ouvrir une nouvelle page alors que l'ancien président est en détention depuis deux ans. Le pouvoir peut objecter qu'il a un dossier judiciaire sauf que le dossier judiciaire n'a jamais avancé. Et il est toujours détenu dans un endroit qui n'est pas un établissement pénitentiaire. Même cas par exemple pour l'ancien ministre de l'Intérieur, Hama Souley, qui est détenu. Il y a donc un pardon à la carte. Une grande partie de l'opinion a montré son scepticisme sur cette notion de pardon et son incompréhension pour dire, on pardonne à qui, pourquoi ? Dans la pratique, on voit que justement que c'est un pardon un peu sélectif. Et ça, à mon avis, ça n'arrange pas les choses dans le pays. À écouter aussiÀ la Une: au Niger, le général Tiani assoit son pouvoir

    Ousmane Ndiaye: en Afrique, «le mythe du militaire qui est non corrompu et patriote ne tient pas à l'épreuve des faits»

    Play Episode Listen Later Jul 24, 2025 4:33


    L'Afrique contre la démocratie, c'est le titre-choc de l'ouvrage du journaliste indépendant Ousmane Ndiaye, qui vient de paraître aux éditions Riveneuve. Dans cet essai vigoureux, l'auteur s'attaque au mythe de l'officier patriote et intègre qui fait un putsch pour sauver son pays. Il répond aussi à ceux qui affirment que la démocratie à l'occidentale n'est pas adaptée aux valeurs africaines. Ousmane Ndiaye, qui a été notamment le rédacteur en chef Afrique de TV5 Monde, répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Vous dites que l'un des arguments les plus forts des régimes putschistes d'Afrique de l'Ouest, c'est l'incapacité des régimes civils à repousser la menace jihadiste. Est-ce que ce n'est pas un bon argument ? Ousmane Ndiaye : C'est un argument cousu de fil blanc. Vous prenez un pays comme le Mali ou le Burkina Faso, mais la réalité c'est que les militaires ont toujours été au cœur de la gouvernance politique. Il n'y a pas eu d'un côté les civils qui gouvernent versus les militaires. Ensuite, deuxième chose, vous prenez un pays comme le Mali. Ça a été plus longtemps dirigé par des militaires que des civils. Vous parlez de ces généraux maliens qui ont passé plus de temps à faire de la politique qu'à faire la guerre. Et vous déconstruisez le mythe des militaires maliens intègres en rappelant qu'il y a dix ans, un général français, Bruno Heluin, a réalisé un audit accablant sur la corruption au sein de l'armée malienne... Il n'y a pas une différence. Il n'y a pas un clivage entre civils et militaires parce qu'on trouve cette constante dans les armées du Sahel. Donc le mythe kaki qui sauve qui est non corrompu, patriote, ça ne tient pas à l'épreuve des faits. Vous dites que, dans ce rapport, il est notamment écrit que l'armée malienne a reçu, à la fin des années 2000, quelque 800 pickups, mais qui ont tous disparu. Les moteurs ont été volés à des fins privées, c'est ça ? Oui, c'était un entretien qu'il m'avait accordé où il parlait de ces pickups qui ont été détournés et vendus. Alors ce que vous appelez le déni de démocratie, qui gagne plusieurs États africains et une partie de la jeunesse africaine, il s'appuie, dites-vous, sur le rejet de la France et non au modèle des démocraties occidentales. Mais de fait, est-ce que le général Mamadi Doumbouya n'a pas raison quand il dit à la tribune des Nations unies que ce modèle de démocratie n'est pas adapté aux valeurs africaines ? Il a tort pour plusieurs raisons. Quand vous prenez le cas de la Guinée, puisqu'on parle de Mamadi Doumbouya, le système de Sékou Touré ne peut pas dire que c'est un système basé sur le modèle occidental. Non ! Et je pense que ce n'était pas un système démocratique, c'était un régime dictatorial. Et puis c'est dangereux, l'idée de dire qu'on va adapter la démocratie aux valeurs africaines parce que ça suppose qu'intrinsèquement les valeurs africaines sont antidémocratiques, ce qui est terrible parce que cela relève d'un préjugé relevant d'une sorte de mépris, d'infériorité. Et puis parce que c'est totalement faux. À écouter aussiLe grand invité Afrique - «Les coups d'État en Afrique rencontrent une certaine audience auprès de la population» Vous écrivez, Ousmane Ndiaye que l'aveuglement anti-occidental est un outil de légitimation des nouvelles dictatures liberticides et sanguinaires du Mali, du Niger, du Burkina et de la Guinée. Mais vous, qui voyagez beaucoup, est-ce que vous pensez que les régimes militaires d'Afrique de l'Ouest sont majoritairement soutenus par les habitants de ces pays ? Il faut se méfier de cet argument de la popularité des régimes militaires. D'abord, dans une dictature, il n'y a pas d'opinion publique et donc c'est très compliqué de mesurer le niveau d'adhésion. Par contre, ce que je trouve populaire, c'est l'aspiration des africains à sortir d'une certaine domination postcoloniale. Ça, c'est une réalité. C'est une lame de fond. Il y a une captation par le discours militaire de ce sentiment légitime et de ce sursaut africain. Une partie de ces coups d'État est une sorte de hold-up sur des mouvements sociaux légitimes. Donc il est là, le coup de génie des nouveaux régimes militaires avec un argument-massue, c'est le rejet de l'Occident et de la France. Et cela marche. Dans votre livre, Ousmane Ndiaye, vous racontez comment les nouveaux dirigeants du Sénégal, notamment le Premier ministre Ousmane Sonko et le député Pastef Guy Marius Sagna soutiennent ouvertement le régime répressif du capitaine Traoré au Burkina Faso alors que l'un des prisonniers politiques les plus connus dans ce pays, maître Guy Hervé Kam, n'est autre que l'avocat d'Ousmane Sonko. Comment expliquez-vous ce que vous appelez ce basculement idéologique à Dakar ? Pour moi, c'est surtout un double standard, notamment dans les mouvements révolutionnaires progressistes de gauche qui considèrent que les standards démocratiques sont variables en fonction des situations. Et la contradiction du Pastef et de ses alliés, c'est que le Pastef s'est battu au Sénégal pour avoir de la liberté d'expression, pour avoir le droit de ne pas être dissous. Et pendant ce temps-là, les mêmes qui se battent, légitiment dans le pays voisin, le Mali ou le Burkina, un régime qui a décidé de dissoudre tous les partis politiques. Et je pense que c'est une des maladies du continent aujourd'hui. Ces doubles standards qui souvent s'expliquent au nom de l'anti-impérialisme. Je ne comprends pas pourquoi tout ce que le Pastef n'accepte pas au Sénégal en termes de restrictions, l'accepte ailleurs. À lire aussiBurkina Faso: l'avocat Guy-Hervé Kam de nouveau placé sous mandat de dépôt

    RSF inquiète pour la liberté de la presse au Bénin, en Côte d'Ivoire et au Sénégal

    Play Episode Listen Later Jul 23, 2025 4:33


    Un journaliste incarcéré au Bénin avec l'aide de la Côte d'Ivoire, des éditorialistes ciblés au Sénégal… Ces trois pays ont une longue tradition de respect de la liberté d'expression, mais la situation des journalistes se dégrade depuis des semaines au Sénégal et en Côte d'Ivoire. Au Bénin, cela fait maintenant plusieurs années que journalistes et médias sont régulièrement pris pour cible. Quelle est précisément la situation dans ces pays ? Comment en est-on arrivé là ? Sadibou Marong, le directeur du bureau Afrique de Reporters sans frontières répond à Pierre Firtion. RFI : L'histoire a défrayé la chronique. Hugues Comlan Sossoukpè est incarcéré depuis huit jours à Ouidah au Bénin. Ce journaliste critique du régime béninois vivait depuis 2019 au Togo avec le statut de réfugié politique. Mais le 13 juillet, il a été extradé par la Côte d'Ivoire alors qu'il participait à un forum à Abidjan. Les autorités ivoiriennes l'ont-elles piégé selon vous ? Sadibou Marong : Nous pouvons valablement parler de piège comme nous pouvons aussi parler d'une mission professionnelle de journaliste qui s'est finalement transformée en traquenard. Le journaliste béninois, Hugues Comlan Sossoukpè, qui est journaliste réfugié au Togo depuis quelques années et qui est aussi le directeur du média béninois d'investigation Olofofo, a officiellement été invité par le ministère ivoirien de la Transition numérique pour couvrir un événement sur l'innovation digitale. Il a été considéré comme un journaliste, et là, je cite les propos du ministère, « un journaliste reconnu de la sous-région dans ce domaine ». Comment expliquer un tel acte de la part des autorités ivoiriennes ? C'est compliqué, car c'est inédit. On pourrait même considérer qu'un tel acte pourrait étonner pratiquement tous les défenseurs de la liberté de la presse d'une manière générale. Surtout par exemple quand on sait que la Côte d'Ivoire, ces dernières années, était assez bien classée au classement mondial de la liberté de la presse avec des bonds assez intéressants. Il n'y a qu'en 2025 que le pays a assez reculé. Mais il est aussi clair que cette liberté de la presse en Côte d'Ivoire était encore étroitement liée au contexte politique. Il y a aussi l'influence de certains partis, des responsables politiques dans les médias qui devenaient très grands. Dans tous les cas, c'était quand même un environnement assez intéressant. Disons que les médias évoluaient en Côte d'Ivoire jusqu'à ce que l'on se rende compte effectivement qu'il y a eu un peu ce traquenard-là. Et on ne peut pas dire que les autorités n'ont pas été complices. On peut fondamentalement dire que les autorités ivoiriennes étaient au courant, avaient certainement dû être consultées et avaient donc donné leur accord et leur aval pour pouvoir livrer ce journaliste-là. Cela est extraordinairement grave d'autant plus que c'est un journaliste réfugié. On comprend aussi que c'est le début, peut-être, d'un durcissement de la situation. La Côte d'Ivoire va vers une élection présidentielle en octobre prochain et on a vu récemment des menaces contre des correspondants de la presse internationale de la part de certains partisans politiques. À lire aussiBénin: le journaliste Comlan Sossoukpè mis en examen et placé sous mandat de dépôt Cette dérive, elle est en revanche beaucoup plus visible au Bénin, où la presse est ciblée depuis plusieurs années... Le régime du président Patrice Talon à son arrivée était jugé relativement stable. Mais ces dernières années quand même, c'est un régime qui est nettement imprévisible par rapport à la liberté de la presse. Actuellement, dans le contexte actuel, on voit que les voix indépendantes et les journalistes critiques, même modérés, sont perçus avec une attention assez croissante. Le cas de Hugues Sossoukpè est là. Je pense que les autorités béninoises l'attendaient. Ils faisaient tout pour essayer de l'avoir. Mais auparavant, on a vu aussi une vague de suspension de médias et d'instrumentalisation des régulateurs. Le régulateur des médias, la HAAC, a pris des décisions qui sont pour nous très disproportionnées avec une vague de suspension des médias. Il y a eu des vagues de répression. Et comme on va vers une élection également dans ce pays-là, on voit les dispositions de surveillance qui s'intensifient. Le climat se charge lentement mais sûrement au Bénin. Le Bénin, la Côte d'Ivoire, on parle là de pays où la liberté d'expression a longtemps été respectée. C'est le cas aussi au Sénégal. La situation des journalistes s'était améliorée, on va dire entre 2024 et 2025, mais là, depuis quelques semaines, on dénombre à nouveau des attaques contre la presse. Au Sénégal, bien que le pays ait fait un bond de 20 places lors du dernier classement mondial de la liberté de la presse, nous avons commencé à observer beaucoup de faits nouveaux ces derniers mois. Il y a la question des détentions de commentateurs et de chroniqueurs dans les médias. Par exemple, il y a le journaliste Bachir Fofana et les commentateurs Badara Gadiaga, Abdou Nguer qui utilisent les médias pour jouir de leur liberté d'expression au Sénégal. Et tout cela, ce sont des choses qui reviennent. Et l'impression qu'on a, c'est plus qu'une sorte de contrôle du narratif, disons, des voix discordantes. Et ces voix discordantes, de notre point de vue, doivent pouvoir être acceptées dans un État démocratique. Maintenant, ce qui est le plus important pour nous, c'est l'appel que nous avons lancé aux autorités qui ont commencé à s'atteler à faire des concertations. Mais aussi à réconcilier les résultats des assises nationales dans la presse, des concertations, disons, du secteur de la communication. Il faut réconcilier tout cela. Et également aussi s'atteler à renforcer les capacités des organes de régulation des médias.   À lire aussiSadibou Marong (RSF): «Les journalistes des radios communautaires paient un lourd tribut dans la région du Sahel» À lire aussiSadibou Marong: «La situation des journalistes en Afrique subsaharienne ne s'est pas améliorée»

    Thierry Vircoulon: depuis le rapprochement France-RCA, «la propagande anti-française a diminué»

    Play Episode Listen Later Jul 22, 2025 4:28


    Après des années de brouille, la Centrafrique et la France ont repris leur partenariat en avril 2024 et une feuille de route a été signée entre les deux pays. Le président centrafricain s'est rendu en France à plusieurs reprises en 2024 et le 10 juillet dernier, le général français Pascal Ianni, à la tête du commandement de l'armée française pour l'Afrique, s'est rendu à Bangui. Il a évoqué avec le ministre centrafricain de la Défense Claude Rameau Bireau le partenariat entre les deux armées, en matière de formation. L'armée française accueille en ce moment une quinzaine d'officiers et sous-officiers centrafricains. Qu'est-ce qui a poussé Bangui à reprendre ses relations avec Paris ? Thierry Vircoulon est chercheur au centre Afrique de l'IFRI. RFI: c'est une première depuis neuf ans. Un général français s'est rendu à Bangui. Pascal Ianni qui est à la tête du commandement de l'armée française pour l'Afrique a fait le déplacement pour évoquer le partenariat entre les deux armées en matière de formation. C'est là un symbole fort, surtout quand on se rappelle le rôle joué par l'armée française dans le pays. Thierry Vircoulon : Oui, c'est en effet un retour après une longue période d'éclipse puisque la coopération militaire entre la France et la Centrafrique avait été réduite drastiquement et avait même quasiment disparu, alors que, en effet, la France a pendant longtemps, je pense surtout au 20ᵉ siècle, joué le rôle à la fois de créateur et de formateur de l'armée centrafricaine. Paris et Bangui ont relancé leurs relations en avril 2024. Après plusieurs visites du président Touadéra en France, ce déplacement, c'était là un moyen, côté français, d'acter en quelque sorte ce rapprochement ? C'est-à-dire qu'il y a eu une feuille de route qui a été signée entre Paris et Bangui pour reprendre les relations qui avaient été rompues. Enfin pas rompues officiellement, mais en tout cas qui étaient très mauvaises pendant plusieurs années. Et donc la feuille de route qui a été signée avait plusieurs axes et impliquait en effet qu'un certain nombre de coopérations soient renouées. Et on voit avec la visite du général Ianni que la coopération militaire fait partie de ces coopérations qui devaient être renouées. Qu'est-ce qui a poussé les autorités centrafricaines à reprendre ce partenariat avec la France ? Je ne sais pas. Et je me demande même, qu'est-ce qui a poussé les autorités françaises à reprendre ce partenariat avec Bangui ? Puisque que dans le fond, on ne voit pas cette feuille de route qui a été signée l'année dernière, on ne voit pas quel était son objectif stratégique dans la mesure où Paris n'a plus aucun intérêt en Centrafrique. Total et Bolloré sont partis. Ils ont vendu leurs actifs en Centrafrique depuis quelques années et donc il y a quasiment plus de société française là-bas. Il y a une communauté française qui est très limitée, donc on ne voit pas vraiment qu'est-ce qui a pu motiver Paris à vouloir renouer comme ça avec un régime qui est à bout de souffle. Est-ce qu'il n'y a pas un enjeu stratégique pour la France de ne pas laisser la Russie seule là-bas ? On sait que la France a été un petit peu, on ne va pas dire chassée, mais… Si, il faut dire chasser, oui, il faut dire chasser. La France a été chassée par la Russie, est-ce qu'il n'y a pas aussi un enjeu stratégique pour Paris ? Oui, alors on peut dire que c'est ça l'enjeu stratégique. Mais pour le moment, on n'a pas vraiment vu la perte d'influence de la Russie sur le régime centrafricain. Au contraire, le président Touadéra a été voir Vladimir Poutine au début de cette année. Les échanges continuent, si je puis dire. Mais surtout, la mainmise de Wagner reste totale sur l'appareil sécuritaire centrafricain. Donc, on ne voit pas ce que cette politique a amené pour le moment. La feuille de route a permis d'une part de libérer un citoyen français qui était dans les geôles centrafricaines, ça, c'est clair. On voit aussi, quand on monitore un peu les médias centrafricains, que la propagande anti-française a diminué. Donc, il y a eu des signes du gouvernement centrafricain en quelque sorte. Mais par contre, il n'y a aucun signe de diminution de l'emprise russe sur le régime centrafricain. Il y a un scrutin présidentiel qui se profile à l'horizon en décembre 2025. Est-ce que côté centrafricain, le président Touadéra ne cherche-t-il pas quand même des appuis avant cette échéance importante ? Il cherche des appuis, mais pas du côté français en tout cas. Puisque premièrement, la contribution financière de la France aux élections dont vous parlez devrait être extrêmement modeste, s'il y en a une. Et en fait, sa garantie de réélection, il est allé la chercher à Moscou et également aux Émirats arabes unis. Et surtout en introduisant des modifications de la Constitution qui mettent hors-jeu la plupart de ses adversaires politiques parce qu'avec les nouvelles règles juridiques qui ont été mises dans la Constitution la candidature de beaucoup d'entre eux ne devrait pas pouvoir être validée par la Commission électorale. À lire aussiCentrafrique: Paris et Bangui envisagent une reprise de leur coopération militaire

    Jacquemain Shabani: «La RDC est en train de s'engager pour que ce cycle de violences ne se répète plus»

    Play Episode Listen Later Jul 21, 2025 4:24


    Deux jours après la signature de la déclaration de principes entre le gouvernement congolais et l'AFC/M23 à Doha, sous la médiation du Qatar, place désormais à la mise en œuvre. Quel état d'esprit anime les deux parties ? Sont-elles prêtes à respecter les engagements pris ? Et concrètement, comment suivre ce processus de désescalade sur le terrain ?Jacquemain Shabani, vice-Premier ministre congolais, en charge de l'Intérieur, de la Sécurité, de la Décentralisation et des Affaires coutumières, a suivi les discussions à Doha pour le compte du gouvernement. Il est l'invité de RFI ce matin. Il répond aux questions de Patient Ligodi. RFI : Pourquoi parle-t-on d'un cessez-le-feu permanent et non pas d'un cessez-le-feu immédiat ? À partir de quand ce cessez-le-feu permanent est-il censé être entré en vigueur ? Jacquemain Shabani : Il est entré en vigueur depuis le communiqué du 23 avril. La déclaration des principes est revenue là-dessus pour insister et réaffirmer la volonté des parties sur ce principe-là. Et à quelle date est prévue la mise en place du mécanisme conjoint de vérification entre le gouvernement congolais et l'AFC/M23 ? Est-ce que la Monusco et le Qatar seront associés à ce mécanisme ? Ils seront nécessairement associés à ce mécanisme-là. Et tout cela va être explicité et décliné dans le communiqué de paix qui va bientôt être signé encore une fois à Doha. Dix jours à dater de la signature de la déclaration de principes, les équipes vont se retrouver pour la rédaction et la signature du prochain document qui est le communiqué de paix. Que se passera-t-il si l'une ou l'autre des parties ne respecte pas les dispositions de la déclaration de principes ? Depuis le communiqué du 23 avril, il y a autour de la médiation qatarie, un mécanisme d'observation et de vérification de l'état des lieux de la zone en conflit. Et il y a des rapports quotidiens qui se font, qui permettent aussi à cette médiation d'interpeller d'une certaine manière les différentes parties. Et à ce propos, les textes mentionnent que les parties s'engagent à faire en sorte que toutes les forces impliquées respectent le cessez-le-feu. Cela signifie-t-il que vous allez également influencer les Wazalendo et autres groupes armés qui combattent à vos côtés ? Nécessairement. Ici, il faut intégrer le fait que nous avons ce souci-là de stabilité, de la quiétude de nos populations qui vivent dans ces zones. Il est de notre devoir de l'influencer dans ce sens-là, et c'est le rôle que nous jouons au quotidien. Si vous suivez les activités des gouverneurs de province, c'est le rôle qu'ils sont en train de jouer. Dans la déclaration de principes, il est aussi question de la libération des prisonniers. L'AFC/M23 évoque plus de 700 détenus issus de ses rangs. Quand auront lieu les premières libérations ? Alors, cette question a été indiquée effectivement comme étant un des principes qui fera l'objet des échanges et des discussions pour la rédaction de l'accord de paix. Donc, il faut attendre encore quelques jours pour voir la signature de ce document final qui va définir et déterminer les conditions dans lesquelles les différents prisonniers, de part et d'autre, pourront être libérés. Cette question va être discutée et résolue dans l'accord de paix ou bien avant l'accord de paix ? Dans l'accord de paix. Si un accord global est signé effectivement d'ici au 17 août, quel avenir voyez-vous pour l'AFC/M23 ? Bon, je ne saurais moi-même ici aujourd'hui définir un avenir clair pour cette organisation, mais je crois que ça va faire l'objet des différentes discussions. Nous avons aussi identifié comme principe la nécessité d'un dialogue politique, donc nous verrons, entre autres, dans les différentes discussions. Mais c'est à eux aussi de s'exprimer et d'intégrer le processus dans lequel la République démocratique du Congo est en train de s'engager pour que, enfin, ce cycle de violences, de guerres et d'interventions de forces étrangères dans la déstabilisation de la République démocratique du Congo, ne se répète plus. Et de réaliser qu'il y a eu déjà auparavant un pacte républicain mis en place, arriver à l'intégrer, et à eux aussi en toute responsabilité de faire un choix pour le bonheur du peuple congolais et pour la stabilité de la République démocratique du Congo.

    Patrimoine soudanais: «C'est un pillage en règle pour détruire l'identité du Soudan»

    Play Episode Listen Later Jul 19, 2025 5:26


    L'Unesco s'est alarmée à plusieurs reprises d'un « niveau sans précédent » des « menaces sur la culture » au Soudan, s'appuyant sur les rapports de « pillages de musées, de sites patrimoniaux et archéologiques et de collections privées ». On en parle avec notre grande invitée Afrique ce samedi : Ikhlas Abdel Latif, directrice des musées à l'Autorité nationale des antiquités du Soudan, présente à Paris fin juin, pour participer à une réunion sur les vestiges historiques pillés ou menacés dans certains pays comme le Soudan, le Yémen ou la Libye. Ikhlas Abdel Latif affirme que tous les musées nationaux et privés dans les zones contrôlées par les paramilitaires des Forces de soutien rapide ont été pillés. Selon elle, il s'agit d'un « pillage organisé ».  RFI : Pourriez-vous nous mettre au courant de la destruction qui a touché le secteur des musées et du patrimoine au Soudan ? Ikhlas Abdel Latif : Il est certain que les infractions, la destruction et le pillage qui ont affecté les sites archéologiques et historiques tout comme les musées ont été une pratique répandue à grande échelle. À Khartoum il y a 13 musées qui dépendent de l'Autorité générale des antiquités et des musées du Soudan. Mais il y a d'autres musées, comme le Musée militaire, le Musée du Palais présidentiel, le Musée d'Histoire naturelle… Ils sont rattachés à nous, car nous avons une responsabilité technique et artistique sur tout le secteur des musées au Soudan. L'Autorité générale pour les antiquités et les musées est officiellement responsable de tous les musées au Soudan. Et donc, tous ces musées à Khartoum ont été vandalisés ? Tous les musées qui ont été sous contrôle de la milice des Forces de soutien rapide ont été pillés, y compris celui d'histoire naturelle, qui abritait des animaux rares vivants. Il a été détruit. Ce qui a entrainé la mort de ces animaux. De même pour le musée de la Guerre où une grande partie des chars historiques a été détruite. Celui du Palais républicain a également été dévasté. Tous ces musées sont situés dans la région de Khartoum. Parmi les musées affiliés officiellement à l'Autorité générale des antiquités et des musées, il y a celui de l'Ethnographie, qui représentait les tribus et l'identité du Soudan dans sa diversité, tout en mettant en valeur l'unité à travers cette diversité. Il a été entièrement ravagé. Quant au Musée du Khalife Abdulah al-Taachi d'Omdurman, qui retrace une partie de la colonisation ottomane, et jusqu'à la libération, il a été partiellement détruit.  Le musée national de Khartoum n'a pas non plus échappé à ce sort, des trésors inestimables, 100 000 pièces ont disparu ? Le Musée national soudanais à Khartoum est le plus grand du pays et l'un des plus importants. Il a été totalement pillé et vandalisé. Il abrite le plus grand entrepôt d'antiquités soudanaises. Le contenu du musée ainsi que l'entrepôt ont été pillés. Les objets n'étaient pas en exposition, mais emballés et disposés dans des caisses en raison des travaux en cours avant la guerre pour réhabiliter le lieu. Ce qui a facilité le pillage des pièces habituellement exposées. Quant au dépôt, il s'agit du plus grand des antiquités du Soudan. Malheureusement, les salles de stockage, également pillées, contenaient la plus grande quantité d'or du Royaume de Koshe. Tout cet or a été volé. Parmi les musées les plus importants également touchés, il y a celui de Nyala, au Darfour, le plus important de la région ? À Khartoum et sa région, nous avons des équipes qui travaillent à évaluer les pertes, mais en ce qui concerne les musées de Nyala et d'el-Geneina, ils sont toujours sous contrôle de la milice des FSR, tout ce que l'on sait, c'est que toutes les pièces du patrimoine qui se trouvaient à el-Geneina, ainsi qu'au musée privé du Sultan Bahr Eddine appartenant à la tribu Massalit, une tribu menacée par la milice, ont été entièrement pillées. Leur propre résidence l'a été également et les effets personnels de la famille du Sultan Bahr Eddine ont été emportés. Le musée de Nyala est considéré comme un musée national à l'échelle de la région du Darfour. Même les vitrines d'exposition ont été pillées et la milice y réside toujours. Il y a encore des musées que les Forces de soutien rapide utilisent comme résidence pour leurs hommes armés, ce qui expose les lieux et leur contenu à des dommages irréparables ? Oui, en effet, c'est bien ce que j'ai mentionné, le musée de Nyala est considéré comme leur siège. Le musée est au Darfour qui n'est pas encore libéré de leur présence. Les FSR sont une milice primitive qui ne comprend rien à la valeur de ces vestiges, à l'archéologie et à l'histoire. Alors oui, ils volent ces antiquités de manière systématique et étudiée : seules les antiquités distinctives et de très grande valeur ont été volées. Qui voulez-vous accuser ? Ceux qui financent les FSR et qui sont derrière eux. Je n'en dirai pas plus. Vous avez formé un comité pour récupérer et suivre les vestiges pillés ? J'ai formé ce comité en tant que présidente de la direction des musées, et la présidente de l'unité de suivi des vestiges pillés. Il y a un directeur sur le terrain à Khartoum. Ce comité s'occupe de tous les musées libérés dans la zone de Khartoum, et travaille sur l'évaluation des dommages. Il dresse l'inventaire de ce qui a été pillé et de ce qui reste. En même temps, il s'occupe aussi de la protection de ce qui reste. Espérez-vous récupérer ces objets pillés ? Nous y travaillons d'arrache-pied. Nous faisons tout notre possible. Depuis août 2023, nous avons pris rapidement des mesures pour surveiller ce qui se passe. L'Autorité générale des antiquités et des musées travaille main dans la main avec le gouvernement comme avec le procureur général, l'antenne locale d'Interpol, la police, la justice et le ministère des Affaires étrangères. Nous œuvrons tous à ce que la communauté internationale sache ce qui se passe à ce niveau. Nos partenaires à l'étranger ont proposé effectivement leur aide. Ils ont tous manifesté leur intérêt à l'échelle mondiale. Est-il vrai que l'on trouve ces vestiges en vente en ligne sur certains sites ? Je tiens à préciser que nos antiquités, jusqu'à maintenant n'ont pas fait leur apparition en ligne ou dans les maisons de ventes aux enchères. Ce qui indique le contrôle du gouvernement du Soudan, sur l'acheminement de ces objets volés. Nous considérons que c'est un pillage en règle pour détruire l'identité du Soudan. Ces vestiges ne sont pas uniquement un héritage soudanais, mais c'est aussi un legs international et humain. Le Soudan regorge de pièces qui portent non seulement l'histoire de la civilisation au Soudan, mais qui font également partie de l'héritage de l'humanité. Ces vestiges sont notre héritage et montrent notre union, nos liens et notre identité. Au Soudan nous avons plus de sept pays voisins, c'est l'un des plus grands pays d'Afrique et il faut savoir que la multiplicité des tribus chez nous fait partie d'un seul moule, celui de notre civilisation ancienne, la civilisation Koushite qui nous lie tous. Il s'agit donc d'une guerre systématique contre l'identité du peuple soudanais. Y a-t-il un mot pour conclure ? Oui, j'aimerais juste lancer un appel à la communauté internationale. Tous nos partenaires mondiaux sont à nos côtés, mais je réitère mon appel à cette communauté, aux Nations unies, à l'Unesco, pour qu'ils rappellent une nouvelle fois l'interdiction de faire commerce de toute œuvre du patrimoine historique du peuple soudanais. Et de multiplier la lutte contre le trafic illicite de ces vestiges.

    Présidentielle au Cameroun: «Quiconque observe la scène politique s'attendait à une candidature de Paul Biya»

    Play Episode Listen Later Jul 18, 2025 4:31


    Il l'a annoncé dimanche 13 juillet par un simple tweet : Paul Biya sera candidat le 12 octobre prochain pour un huitième mandat présidentiel au Cameroun. Le chef de l'État a ainsi mis fin à un faux suspense. À 92 ans et après 42 ans au pouvoir, il sera donc candidat à sa propre succession. Cette nouvelle candidature a aussitôt été dénoncée par l'opposition, qui y voit « un mépris pour le peuple » et un président qui s'accroche au pouvoir. Comment analyser cette nouvelle candidature ? Peut-elle encore rassembler ? Brice Molo est sociologue et historien, docteur à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et à l'Université de Yaoundé. Il est l'invité de Pierre Firtion. RFI : À 92 ans, Paul Biya a donc annoncé dimanche 13 juillet se porter candidat à un huitième mandat. Comment analysez-vous cette candidature ? Ce n'est pas vraiment une surprise ? Brice Molo : Non, pas vraiment. Il y a eu un petit moment d'attente. Mais quiconque observe la scène politique camerounaise s'attendait à une candidature de Paul Biya. Il y a déjà eu par le passé, même en 2018, un petit moment de latence. Mais la déclaration, elle, finit toujours par arriver à peu près au même moment de l'année, à chaque fois. Ce qui diffère cette fois avec 2018, c'est que sa candidature, on pourrait dire, a suscité quelques tensions au sein du camp présidentiel. Comment est-ce que vous les analysez ? Paul Biya avait laissé une sorte d'incertitude sur sa candidature en annonçant que le moment venu, il dirait s'il rentre au village ou s'il se présente pour un nouveau mandat. Cette phrase-là a été plusieurs fois reprise à la fois par des proches du régime, comme des analystes, en disant qu'il y avait quand même comme une incertitude là-dessus. Tout cela s'inscrit aussi dans un climat politique assez particulier, avec la démission annoncée de deux ministres, avec le décès de membres du gouvernement, et donc avec l'impression aussi, au sein de l'opinion, qu'il y a une forme d'érosion du pouvoir et d'usure même aussi due à l'âge de Paul Biya et à ses apparitions de moins en moins nombreuses dans l'espace public. L'absence de Paul Biya est compensée par l'hyper présence du secrétaire général de la présidence de la République [Ferdinand Ngoh Ngoh, NDLR], dont quelques observateurs ont dit que c'était lui le véritable porteur, ou en tout cas profiteur de la nouvelle candidature de Paul Biya. À lire aussiCameroun: Paul Biya annonce sa candidature à la présidentielle pour un huitième mandat Le président camerounais est apparu mardi à la télévision alors que l'opinion, et vous en parliez, s'interroge un peu sur son état de santé. Est-ce pour justement rassurer la population ? Est-ce qu'il y a là la volonté de faire passer un message ? De mon point de vue, il y a la volonté de faire passer un message. On estime que Paul Biya n'est pas là ou que c'est une candidature qui est portée par des personnes qui veulent se servir de son image et de son corps pour se maintenir au pouvoir ou profiter du pouvoir ou encore garder des positions de pouvoir. À travers les images qu'on a vues de Paul Biya recevant le nonce apostolique, il y a aussi la volonté de faire passer le message selon lequel il est et qu'il reste. À 92 ans et après 42 ans au pouvoir, Paul Biya peut-il encore rassembler selon vous ? Paul Biya rassemble. Son nom est encore associé aux instruments qui permettent de gouverner. L'administration publique camerounaise est restée jusqu'ici assez loyale. Donc Paul Biya rassemble encore. Pourquoi ? Parce qu'il a encore la possibilité de rétribuer et de punir. Et cela ne nécessite pas d'être toujours présent. On a vu, il n'y a pas si longtemps, des mouvements au sein de l'armée avec la nomination des généraux et la nomination au ministère de la Défense. Tant que Paul Biya aura la capacité de rétribuer et de punir, il sera souverain. Et donc Paul Biya pourra rassembler et rassemblera toujours autour de lui. Il ne manque pas de personnes en quête de notabilité, en quête de prébendes ou en quête de position de pouvoir au Cameroun. À lire aussiCameroun: les interrogations qui entourent la candidature à la présidentielle de Paul Biya Côté opposition, plusieurs leaders se sont déjà portés candidats. Est-ce qu'une candidature unique est-elle encore possible à vos yeux ? Certains rapprochements sont beaucoup plus faciles et envisageables que d'autres. Il est envisageable de voir une coalition entre Cabral Libii et Joshua Osih. Je pense que sur la question du fédéralisme, il y a des passerelles entre les deux. Mais une coalition entre Cabral Libii par exemple et Maurice Kamto est beaucoup moins envisageable parce qu'idéologiquement, on a quand même affaire à deux oppositions radicales. Donc il peut y avoir des coalitions, il faut analyser les compositions possibles et celles qui seraient beaucoup plus de l'ordre de l'impossible. À lire aussiÀ la Une: l'indéboulonnable Paul Biya au Cameroun

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