Du lundi au vendredi, Christophe Boisbouvier reçoit un acteur de l'actualité africaine, chef d'Etat ou rebelle, footballeur ou avocate... L'invité Afrique, c'est parfois polémique, mais ce n'est jamais langue de bois.
De Stokely Carmichael, figure des luttes noires du XXème siècle, on connaît surtout le combat aux États-Unis, comme dirigeant des Black Panther. On sait moins qu'en 1968, Carmichael a rejoint la Guinée avec son épouse, la chanteuse sud-africaine Miriam Makeba. Il est alors devenu un proche collaborateur du président ghanéen en exil Kwame Nkrumah et s'est engagé aux côtés de la révolution guinéenne. Bokar Ture, fils de Stokely Carmichael, a accordé un entretien à RFI : il raconte les années africaines de la vie de son père. RFI : Votre père a été un acteur important des luttes noires du XXème siècle. Aux États-Unis, où il a été l'un des responsables des Black Panther… mais aussi dans son parcours transatlantique puisqu'il vient s'installer en 1968 en Guinée. Parlez-nous d'abord de lui. D'où vient-il ? Comment est née cette conscience militante noire ? Bokar Ture : Kwame Ture est né Stokely Carmichael à Trinidad et Tobago, connu aussi en français comme Trinité-et-Tobago, en 1941. Il immigre plus tard aux États-Unis pour retrouver sa mère -donc ma grand-mère- qui y était déjà installée quelques années plus tôt. Elle avait pu avoir sa nationalité américaine parce qu'elle était née à Panama. Comment a commencé cette conscience ? Déjà, il avait un penchant politique très tôt. Il y a une de ses tantes qui racontait une anecdote : quand il était jeune, il la poussait à aller voter pour un syndicaliste à l'île de Trinidad. Et au lycée, aux États-Unis, il fréquentait déjà des groupes gauchistes. Un de ses amis de classe était le fils du président du Parti communiste américain dans les années 1952. Et donc, très tôt, il a pu découvrir les discours marxistes. Et bien sûr, il vivait au sud du Bronx, à côté de Harlem. Et la 125e rue de Harlem est une rue reconnue pour des discours politiques de tout genre, de différents groupes. Il a été l'un de ceux qui ont travaillé l'idée de Black Power. Il a même coécrit, en 1967 avec Charles Hamilton, un ouvrage qui le théorise, intitulé Black Power, the politics of Liberation in America. Effectivement, le concept de Black Power existait avant. Il y avait un livre qui s'appelait Black Power par Richard Wright, qui a été écrit pendant les années 1950 et qui était un ouvrage dédié à Kwame Nkrumah. Mais personne n'a rendu l'idée de Black Power aussi populaire que Kwame Ture - Stokely Carmichael à l'époque. Notamment durant une marche contre la peur au sud des États-Unis, aux côtés de Martin Luther King, où il disait, plus ou moins : « On est fatigué de mendier notre liberté, comme on l'a fait ces dernières années dans les droits civiques. Maintenant, ce qu'on va faire, c'est de demander le Black Power », le pouvoir noir, qui était un appel à une autodétermination en termes de structures politiques et économiques pour les personnes noires descendantes d'africains aux États-Unis. En 1968, votre père épouse une première femme, la chanteuse sud-africaine Miriam Makeba. Au-delà de la relation amoureuse qui s'est nouée entre eux, cette union reflète-t-elle aussi une pensée de votre père, de plus en plus tournée vers l'Afrique et vers le panafricanisme à cette époque ? Ce n'est pas un tournant, c'est une continuité. Kwame Ture a toujours été Africain dans l'âme. Il vient d'un milieu où l'Afrique est centrale dans l'identité noire. Bien avant qu'il ne se marie avec Miriam Makeba. On le voit dans des photos au début des années 1960 avec ses camarades où il est en tenue africaine. Il se sentait toujours africain. Pour lui, être noir et africain, il ne voyait pas de distinction et toute sa vie était ainsi. Quand il a marié Tantie Miriam, comme je l'appelle, c'était juste une continuité. Après aussi, ma mère, Marlyatou Barry, qui était aussi une Guinéenne. C'était juste une continuité de sa façon de vivre. Comment se fait concrètement la connexion entre votre père et le premier responsable guinéen, Ahmed Sékou Touré ? Stokely Carmichael, à l'époque, faisait une tournée mondiale et il a rencontré Shirley Graham Du Bois, qui était la veuve de W.E.B Du Bois, qui est aussi une légende de l'histoire de la lutte antiraciste et du développement du panafricanisme. Elle a invité Stokely Carmichael à venir en Guinée pour une conférence du Parti démocratique de Guinée pour rencontrer Kwame Nkrumah et Sékou Touré. Quand il est venu, il a rencontré les deux présidents. Il avait déjà beaucoup entendu parler de Kwame Nkrumah, parce que mon grand-père a travaillé dans un bateau un moment. Il est parti au Ghana et quand il est revenu à New York, il expliquait que c'était la première fois qu'il avait vu une nation noire, indépendante, avec sa propre armée, un président, etc. et il expliquait ceci à un jeune Stokely Carmichael. Cela a vraiment marqué sa pensée. Quelques années plus tard, ils se voient face à face avec Kwame Nkrumah. Après la conférence, en quittant la Guinée, il part dire au revoir à Sékou Touré, qui lui dit : « Écoute, mon fils. Ici, c'est chez toi, tu peux revenir quand tu veux. C'est ta maison. » Il part voir Kwame Nkrumah qui lui dit « Écoute, moi, je cherche un secrétaire politique, donc si ça t'intéresse, tu es toujours le bienvenu. » Un an et demi plus tard, deux ans pratiquement, il était de retour avec sa nouvelle épouse, Miriam Makeba. Qu'est ce qui fait qu'il vient s'installer à Conakry à cette époque ? Pour lui, c'était le coin le plus révolutionnaire en Afrique. Lumumba a été assassiné très tôt donc il n'y avait plus le Congo. Après, il y a eu le coup d'État contre Kwame Nkrumah en 1966. Modibo Keïta en 1968. Quand lui est arrivé, le seul autre pays, c'était la Tanzanie, mais qui était beaucoup moins radicale. Donc il a choisi la Guinée. C'était le pays qui s'alignait le plus avec sa pensée du pouvoir noir à l'échelle mondiale. Il est aussi menacé aux États-Unis. C'est aussi pour cela qu'il quitte les États-Unis ? De toute façon, mon père était prêt à se martyriser. Il a vu Malcolm X tué, il a vu Martin Luther King tué et les agences voulaient sa tête. Il a échappé à pas mal d'attentats. Mais ce n'était pas la raison centrale. Déjà, il y avait l'invitation. Ensuite, il ne voyait pas les États-Unis comme le centre de cette lutte à laquelle il a dédié sa vie. Il voyait l'Afrique comme étant une partie essentielle. Pour lui, en venant en Guinée, il rejoignait l'Afrique, il rejoignait la révolution africaine qui pouvait donner la dignité à tout le peuple noir à travers le monde. Diriez-vous qu'il y a un vrai projet politique international derrière cette volonté de s'installer en Guinée ? Il a toujours eu ce projet. Quand il parlait de Black Power, déjà, dans le livre dont vous avez parlé, il parlait aussi des colonies en Afrique. Dans Black Power, lui et Charles Hamilton faisaient le parallèle entre la situation que vivaient les Afro-Américains aux États-Unis et la situation que vivaient les Africains en Afrique et aux Caraïbes aussi. Il faisait ce parallèle. Dans sa tête, c'était quelque chose qui était un combat international dès le début. Quelles sont les idées sur lesquelles votre père, Stokely Carmichael – Kwame Ture, une fois qu'il change de nom – et Ahmed Sékou Touré se retrouvaient ? On parle de personnes qui avaient la même vision d'une Afrique unie, une Afrique libre où il n'y a pas d'inégalités. Ils étaient tous deux penchés vers des idées socialistes. Ils étaient totalement alignés idéologiquement. Sékou Touré était un de ses mentors, une de ces personnes qui l'ont formé dans cette idéologie. Ils se retrouvent dans l'idée, qui est défendue par Ahmed Sékou Touré à l'époque, d'authenticité africaine ? À 100 %. Et il s'intègre à 100 %. Je peux vous dire que moi, par exemple, j'ai très peu de souvenirs de mon père en habit occidental. Il s'habillait en tenue africaine, cousue en Afrique. Il s'est enraciné dans la population africaine. Ce qui était quand même unique parce que tout le monde était tourné vers une façon de vivre occidentale. Et lui non, il voulait se réapproprier son héritage culturel. Et la volonté de promouvoir les cultures africaines, de leur donner leur vraie place ? C'est exactement cela, revaloriser la culture africaine, la culture noire, se réapproprier celle-ci. Et ne pas avoir de complexes vis-à-vis des cultures européennes, dominantes et autres. Depuis le début de cet entretien, on joue avec deux noms pour parler de votre père, Stokely Carmichael, Kwame Ture. À un moment donné de sa vie, il décide de passer du nom de Stokely Carmichael à celui de Kwame Ture. C'est une démarche qui dit aussi beaucoup de choses sur le lien qu'il a avec Kwame Nkrumah et Ahmed Sékou Touré. Effectivement. Il y avait un précédent aux États-Unis. Il y avait pas mal d'Afro-Américains, notamment dans son milieu révolutionnaire, qui changeaient de nom. Notamment Malcolm X, Mohamed Ali. Bien sûr, le nom est inspiré de Kwame Nkrumah et de Sékou Touré. L'anecdote, c'est qu'il était en Tanzanie lors d'un entretien radio. Après l'entretien, apparemment, un vieil homme venu à pied d'un village lointain est venu le voir et lui a dit : « Écoute mon fils, j'ai vraiment aimé ton entretien. Mais il y a une chose : ton nom sonne un peu bizarre, un peu féminin, il faut le changer ». Il a alors pris le nom de Kwame Nkrumah et de Sékou Touré. Lorsqu'il venait l'annoncer à Sékou Touré et lui dire : « J'ai pris le prénom de Kwame », Sékou Touré lui a répondu : « C'est bien, parce qu'à chaque fois que nous avons des débats, tu prends toujours son parti. » Il lui a répondu : « Mais j'ai pris le nom Touré comme nom de famille. ». Ce qui était approprié, car c'étaient ses deux mentors. À lire aussiKwame Ture, le destin hors du commun d'un Black Panther parti s'installer en Guinée [1/2] Comment est-ce que vous décririez les liens qu'il entretenait avec Kwame Nkrumah et Ahmed Sékou Touré ? En Kwame Nkrumah, il voyait un symbole de cette lutte. Il était prêt à le suivre. Il a mené quelques opérations au Ghana pour essayer de voir s'il pouvait réinstaurer Kwame Nkrumah au pouvoir. Il était très proche de lui. Et Sékou Touré était comme un père pour lui. En 1970, votre père vit l'un des moments charnières de l'histoire de la Première République guinéenne, à savoir l'attaque contre Conakry du 22 novembre 1970. Savez-vous comment il a vécu ces journées ? Je sais qu'il était un participant dans l'action de repousser les troupes portugaises. Il était armé ce jour et a dû utiliser son arme. Selon ce que j'ai appris, il était un des premiers à alerter les autorités, y compris le président, du fait qu'il y avait une attaque qui venait. Ca tirait sur sa case, donc il devait quitter sa maison. Lui et Miriam Makeba ont dû se réfugier quelque part d'autre où il l'a laissée et lui est ressorti pour aider à défendre la ville. Cette opération conjointe de militaires portugais et de rebelles guinéens a conduit à la plus grande vague d'arrestations en Guinée de toute la Première République. La vie du pays va être rythmée pendant de longs mois par des confessions publiques de personnes présentées comme les complices d'un « complot impérialiste » aux ramifications tentaculaires. Comment est-ce que votre père se positionnait par rapport à cette thèse du complot permanent contre la Guinée ? Et plus généralement, quel regard portait-il sur l'État policier qu'était aussi devenu la Guinée de cette époque ? C'est quelque chose de très complexe et malheureusement, la Guinée ne s'est toujours pas réconciliée avec ce passé et les positions sont assez ancrées. Maintenant, si on parle de Kwame Ture précisément, pour lui, c'était un régime panafricaniste, le seul régime panafricaniste radical. Et malgré toutes ses erreurs, c'était celui qui pouvait tenir jusqu'au bout cette conviction qu'il avait lui-même. Il était totalement d'accord avec le fait qu'il fallait conserver ce régime pour qu'il ne bascule pas dans un régime néocolonialiste. À tout prix ? À tout prix. En 1974, il y a un autre évènement important pour l'Afrique et plus généralement pour le monde noir, c'est le combat en Afrique, à Kinshasa, entre Mohamed Ali et George Foreman. Dans un livre de mémoires, votre père indique qu'il a été invité par Mohamed Ali lui-même à venir à Kinshasa pour le combat. Est-ce que vous savez ce que représentait cet affrontement pour votre père ? Mohamed Ali était son ami. Il y avait ce symbole de Mohamed Ali qui représentait l'Africain fier et George Foreman qui était un peu l'opposé de cela. Mais après, il a rencontré George Foreman et il disait que George Foreman l'avait séduit avec son charme, l'a embrassé et tout. Je pense qu'au-delà du symbolique, mon père était beaucoup plus intéressé par ce qui se passait au Congo démocratique, c'est-à-dire le Zaïre à l'époque, et le fait que c'était sous le régime de Mobutu Sese Seko, auquel il était farouchement opposé par ce qu'il représentait en termes de corruption et d'alignement avec les puissances coloniales. Qui sont de manière générale les acteurs politiques qui fréquentaient le salon de votre père dans ces années 1970 et au début des années 1980, pendant la Première République en Guinée ? On parle d'un melting pot qui ne dit pas son nom. Que ce soit des artistes - Miriam Makeba et Nina Simone, qui était une de ses amies très proches - ou des activistes de partout dans le monde. Qui venaient à Conakry et qui venaient le rencontrer ? Qui venaient à Conakry ou qui y vivaient. Parce que vous savez qu'à une époque, Conakry était un centre du monde noir où on conciliait l'art, les mouvements de libération, etc. Il y avait un grand nombre de personnes qui y vivaient, comme Amilcar Cabral, comme Kwame Nkrumahn, avant même il y avait Félix-Roland Moumié du Cameroun, pour ce qui est de la politique. Concernant les arts et la littérature, il y avait Ousmane Sembène qui y vivait, il y avait Maryse Condé qui y vivait. C'était vraiment un centre… et il se retrouve chez lui avec toutes ces personnes, plus ou moins de différentes sphères. Moi, je peux raconter avoir vu des activistes exilés sud-africains, Tsietsi Mashinini, qui a commencé la révolte estudiantine de Soweto, qui était parmi d'autres exilés sud-africains. Il y avait beaucoup d'Afro-Américains, bien sûr, des Black Panthers exilés. Il y avait la diplomatie guinéenne, des diplomates de pays gauchistes et souverainistes, il y avait tout un monde. Mais aussi, il faut savoir que Kwame Ture était vraiment penché vers la masse, la masse populaire. Donc autour de tout ça, on voit un chef villageois qui est assis ou on voit la personne déshéritée du quartier qui est là, assise, qui peut recevoir un repas. Parce que notre maison était comme un centre communautaire pour la jeunesse du quartier. Il amenait tous les enfants du quartier à la plage chaque dimanche. Puis se retrouvait peut-être un mardi à saluer un chef d'État. Puis avait une conférence avec un groupe communautaire. Moi, j'ai vu tout cela dans cette maison. C'était quelque chose de magique. Il recevait où, justement ? Dans son salon, dans son bureau ? Y avait-il un rituel autour de la réception de ses amis politiques ? Déjà, il avait une véranda où il était assis… parce que c'était un bibliophile. Il lisait beaucoup, il écrivait beaucoup. Il ne lisait pas pour le plaisir, mais il lisait pour ses conférences. Après, il y a des gens qui venaient pour le rencontrer. Je sais qu'il y a eu Charles Taylor qui était venu de nulle part pour le rencontrer. C'était vraiment un melting pot. À cette époque, votre père continue aussi ses voyages et ses tournées, il n'est pas tout le temps à Conakry ? Il était très organisé. Sur toutes ses photos, il écrivait les dates et les lieux. On se demande comment il pouvait parcourir toutes ces distances en si peu de temps. Un jour, on le voit au Connecticut. Le lendemain, on le voit à Paris, banni, chassé. En Angleterre, peut-être, d'où il est banni et chassé. Parce que c'était très compliqué pour lui d'avoir accès a beaucoup de pays. Après, on le voit en Californie... Il était partout. Sékou Touré disparaît en 1984. Mais votre père continue, lui, son engagement pour ses idées au sein du Parti démocratique de Guinée. Qu'est-ce qui a marqué ces années de militantisme politique sous Lansana Conté ? Le contexte a vraiment changé ! Et c'est là que l'on voit vraiment les convictions de l'homme. Parce que, du jour au lendemain, tout a changé. Il a été arrêté par le régime de Lansana Conté. Donc, il a perdu les privilèges qu'il avait, bien sûr, où il connaissait le président et était sous sa tutelle. Mais malgré cela, il a décidé de rester en Guinée. La moitié de sa vie guinéenne, quinze ans, s'est passée ainsi. Il a décidé malgré tout de rester en Guinée, d'être actif dans la vie politique guinéenne et la vie sociale de la Guinée. … Et de rester fidèle à ses convictions. Exactement. Vous êtes à l'époque enfant. Quel souvenir est-ce que vous gardez de ces années, de votre maison à Conakry, de ceux qui y passaient ? Quelle était l'ambiance ? Vous disiez tout à l'heure que tout le quartier se retrouvait chez vous… C'est cela. Mon père était d'une gentillesse rare, d'un altruisme qu'on ne retrouve pas très souvent. Donc effectivement, c'était pour moi quelque chose de très formateur. Comment quelqu'un peut traiter un chef d'État avec le même respect qu'il traite la personne la plus déshéritée du quartier. Et toutes ces personnes pouvaient se retrouver chez lui, devant lui, avec le même respect, ou peut-être même le déshérité avec un peu plus d'amour. Vous appelez régulièrement les Guinéens à se souvenir de votre père, Stokely Carmichael / Kwame Ture. Avez-vous le sentiment que son histoire a été oubliée en Guinée ? Je parle de manière générale. Il y a une politique de mémoire en Guinée qui doit être améliorée. Stokely Carmichael est un pont unique entre l'Afrique et l'Amérique. On parle d'un personnage qui a passé la moitié de sa vie en Guinée. À ce stade, l'État guinéen n'a pas fait une seule initiative pour se réapproprier de l'héritage de cette personnalité. Donc il y a un vrai chantier ? Il y a un chantier. Une dernière question plus personnelle. Quel père a été Stokely Carmichael ? Quelle image retenez-vous de lui ? Un père adorable, d'une gentillesse rarissime, qui m'a beaucoup appris, que j'ai profondément aimé. Quelqu'un qui était attaché à tout ce qui est beau dans le monde, à commencer par les enfants. ►A lire pour aller plus loin : BERTHO Elara, Un couple panafricain, Editions Rot-Bo-Krik, 2025 À (ré)écouterElara Bertho: «Replacer Conakry au centre des imaginaires, c'était un peu l'idée de cet ouvrage»
En Guinée, il est de plus en plus probable que le numéro un du pays, le général Mamadi Doumbouya, sera candidat à la future élection présidentielle. « Les dispositions qui vont être proposées au peuple par référendum le 21 septembre n'interdisent pas sa candidature », déclare aujourd'hui sur RFI le Premier ministre Bah Oury, qui espère que cette présidentielle pourra avoir lieu avant la fin de l'année. Bah Oury s'exprime aussi sur les disparitions forcées de Foniké Menguè et de Mamadou Billo Bah, il y a plus d'un an. En ligne de Conakry, le Premier ministre guinéen répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Le 21 septembre est programmé le référendum constitutionnel en prélude à une prochaine élection présidentielle. Dans la charte de transition, le général Mamadi Doumbouya avait promis de ne pas se présenter à cette future élection. Pourquoi a-t-il changé d'avis ? Bah Oury : Bon, pour le moment, aucune information officielle n'a été délivrée sur ce sujet. Mais ce qui est sûr, les dispositions constitutionnelles qui vont certainement être proposées à la population le 21 septembre prochain n'interdisent pas la candidature principalement de Monsieur Mamadi Doumbouya. Et justement, pourquoi renonce-t-il à sa promesse de 2021 quand il avait pris le pouvoir ? Pour le moment, rien n'indique qu'il a renoncé à sa promesse. Laissons-lui le temps, le moment venu, de s'exprimer et de donner des motivations dans n'importe quel sens qu'il pencherait, il va expliquer cela à la population guinéenne. Mais pensez-vous qu'il y a un doute sur sa candidature à venir à la prochaine présidentielle ? Permettez-moi de lui laisser le soin, le moment venu, de s'exprimer sur sa position. Alors pour constituer le fichier des votants à ce référendum du 21 septembre, les autorités ont procédé à un recensement biométrique. Il y aura 6 700 000 votants. Mais les autorités ont oublié de recenser le numéro un de l'opposition, l'ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo. Pourquoi cet oubli ? Je pense qu'il a un problème en termes de résidence. Et vous savez, si vous êtes non-résident dans une ville ou dans une collectivité, il faut que vous attestiez d'une résidence d'une certaine durée. Donc, il n'y a aucune volonté d'exclure qui que ce soit dans ce processus. Dans ce projet de Constitution, il est prévu que, pour le président, le mandat de sept ans sera renouvelable une fois, sans plus de précisions. Est-ce que, par rapport à l'avant-projet initial qui était beaucoup plus restrictif, il n'y a pas la porte ouverte à une présidence à vie ? Non, pas du tout. Au contraire, les dispositions d'intangibilité ont été renforcées pour empêcher, de manière juridique, toute possibilité de procéder à des modifications de ces dispositions d'intangibilité. Et la question des mandats fait partie de ces dispositions d'intangibilité. Et si le « oui » passe, est-ce que la présidentielle aura lieu dans les semaines suivantes ? L'objectif, comme l'a dit le général Mamadi Doumbouya, l'année 2025 est une année électorale. Le référendum n'est pas une élection, donc ceci explique cela. Donc la présidentielle avant la fin de l'année ? Inchallah. Vous avez une date ? Non. On respectera les procédures réglementaires et législatives pour la fixation de n'importe quelle date après le référendum. Il y a treize mois, le 9 juillet 2024, les deux leaders de la société civile, Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, ont été enlevés à Conakry par des hommes armés et en uniforme. Est-ce que vous avez de leurs nouvelles ? Nous cherchons toujours et de la manière la plus sérieuse. Nous cherchons à avoir des renseignements sur leur sort, sur les lieux où ils pourraient être. Et je dis que cela, c'est une préoccupation aussi bien du président de la République que du gouvernement dans sa globalité. Est-ce que Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah sont encore en vie ? Je souhaite ardemment que Billo et Foniké soient en vie. Ce jeudi 7 août viennent d'entrer en vigueur les nouvelles surtaxes douanières des États-Unis à l'égard de leurs partenaires commerciaux. Quel est l'impact pour votre pays, la Guinée ? Notre économie est une économie relativement pas importante au regard de la puissance de l'économie américaine, et nous exportons beaucoup plus des matières brutes comme la bauxite. Et dans les prochains mois, le fer. Et comme vous le savez, ça rentre dans des combinaisons de transformation dans des pays qui pourraient être peu ou prou affectés par ces hausses de tarifs. Mais nous, c'est relativement marginal puisque notre partenaire économique privilégié pour les matières premières, c'est la Chine. Donc notre économie n'est pas directement affectée au premier rang.
L'entrée en vigueur de la plupart des nouveaux droits de douane imposés par les États-Unis à leurs partenaires commerciaux, c'est aujourd'hui, jeudi 7 août 2025. Quel est l'impact de ces surtaxes pour le continent africain ? Y a-t-il des pays qui risquent d'entrer en récession ? « Oui », répond l'économiste Lionel Zinsou, qui a été Premier ministre du Bénin. Aujourd'hui, avec le grand banquier rwandais Donald Kaberuka, Lionel Zinsou est le patron de « South Bridge », en français, « Le Pont du Sud », une société de conseil financier. Il livre son expertise au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Est-ce que ces surtaxes américaines risquent de ralentir la croissance du continent africain ? Lionel Zinsou : Très faiblement, en fait. En revanche, ça va impacter quelques pays et spectaculairement l'Afrique du Sud. Mais ça ne concerne pas tout le continent. 25 pays africains devraient être touchés par ces augmentations de taxes. Quelles sont à vos yeux les pays qui vont être le plus impactés ? L'Afrique du Sud d'abord, c'est ça ? Oui, L'Afrique du Sud… Certains pays qui avaient vraiment orienté leur commerce extérieur avec une grande confiance vers les États-Unis, comme le petit Lesotho. Au fond, tous ceux qui sont un peu plus industrialisés que les autres et qui avaient à exporter des produits d'une grande valeur, par exemple les exportations automobiles de l'Afrique du Sud, ça, ce sont des exportations à très forte valeur ajoutée, et c'est ça qui va être le plus impacté. Plus vous êtes industrialisé, plus vous allez en souffrir. On se souvient de la rencontre glaciale à la Maison Blanche entre Donald Trump et Cyril Ramaphosa. Est-ce que les mesures douanières contre l'Afrique du Sud n'ont pas un caractère politique ? Si, certainement. Derrière la sanction de 30 % de droits de douane, alors que pour les autres pays, c'est ou 10% ou 15%, il y a eu une fixation politique à l'évidence sur l'Afrique du Sud, très probablement liée à des sujets non-africains. Par exemple, le fait que l'Afrique du Sud ait traîné Israël devant la Cour pénale internationale avec un assez grand succès diplomatique. C'est probablement une rétorsion, un petit peu dans la même logique que pour le Brésil. Mais en Afrique du Sud, cela va avoir un impact. C'est un des pays qui ont malheureusement une croissance faible. Donc, ça risque effectivement de les mettre en récession. Cela étant, il y a des remèdes quand même à cette situation, parce que vous avez sans doute vu la réaction de la Chine. La Chine, aujourd'hui, elle importe surtout de l'Afrique, non pas des biens à forte valeur ajoutée et manufacturés, mais vraiment des matières premières. Et les Chinois ont une opportunité de commencer à acquérir des produits à valeur ajoutée venant d'Afrique. L'autre remède, c'est la zone de libre-échange continentale. On est en train de négocier, de faire tomber toutes les barrières douanières à l'intérieur du continent. Et donc les Africains commerçant avec les Africains, ça, ça va être à la fois un facteur de croissance significative et un remplacement pour les pays les plus industrialisés. Donc l'Afrique du Sud, qui est déjà un grand fournisseur du reste de l'Afrique, va l'être encore un peu plus. Parmi les pays les plus touchés par les mesures de Washington, il y a les producteurs d'acier et d'aluminium. Est-ce que l'Algérie et l'Égypte ne risquent pas d'être très impactées ? Alors, comme vous l'avez souligné, c'est quand même essentiellement un mouvement politique et vous savez que l'Égypte est un peu exonérée. Donc, avec l'Égypte, pour des raisons géopolitiques, c'est probablement plus confortable qu'avec l'Algérie. Mais si vous prenez un pays comme le mien qui va être taxé à 10 %... Le Bénin… Oui. Sur le textile. Alors c'est important parce que, après tout ce qui est produit de matières premières brutes, le textile, en fait, c'est ce qui avait fait le plus de progrès dans les échanges entre l'Afrique et les États-Unis. À raison de l'Éthiopie, mais aussi aujourd'hui de pays comme le Togo, le Bénin, qui ont de plus en plus de valeur ajoutée sur le textile. Mais vous voyez, quand vous achetez un polo de luxe à 100 € ou 100 $, il est sorti d'usine et monté sur un bateau à Cotonou à 10 $. Quand on va mettre 10 %, ça veut dire que ça va augmenter d'un dollar sur votre facture à vous, client, de 100 $. Parce que, en réalité, une très grande partie de la valeur ajoutée est faite dans le pays d'accueil. Et donc c'est aux États-Unis, les frais de marketing, les taxes américaines. Il y a aussi tous les intermédiaires, les transports, etc. Donc, il faut faire un tout petit peu attention. Ça ne va pas complètement désorganiser les marchés. Mais si vous exportez une voiture haut de gamme, japonaise ou allemande, qui vient des usines d'Afrique du Sud, c'est une tout autre affaire. Parce que là, pour le coup, la valeur ajoutée, elle vient d'Afrique. Ce ne sont pas les intermédiaires qui en prennent la plus grande partie. Et là, vous allez avoir un arrêt de la production, du chômage, etc. Mais il y a bien pire, évidemment. Le fait que les Américains, qu'ils aient supprimé l'aide alimentaire et sanitaire, ça, c'est encore plus grave. Parce que la fermeture de l'aide publique de l'USAID, notamment humanitaire, là, il y a mort d'homme. Ce qui est un peu différent des droits de douane. Et donc, politiquement, on voit bien qu'il va y avoir un coût politique pour les États-Unis.
Au Cameroun, Maurice Kamto ne pourra pas être candidat à la présidentielle du 12 octobre prochain. En effet, le Conseil constitutionnel a rejeté, mardi 5 août, la candidature de l'opposant, qui avait pourtant été déclaré deuxième au précédent scrutin. Quelles sont les premières réactions ? Et quelles sont les conséquences pour l'élection d'octobre ? Philippe Nanga est le coordinateur de l'ONG camerounaise Un Monde avenir, spécialisée sur les questions de démocratie et de droits de l'homme. En ligne de Douala, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Maurice Kamto interdit de candidature. Qu'est-ce que vous en pensez ? Philippe Nanga : Je pense à un étranglement de la démocratie dans notre pays tout simplement. Je pense au déni du droit de participer à la vie politique, au regard de ce rejet de la candidature de Monsieur Kamto. Alors, ce lundi, devant le Conseil constitutionnel, Maurice Kamto a longuement expliqué, en compagnie de ses avocats, qu'il avait respecté toutes les règles légales pour être investi par le Manidem. Mais cela n'a pas suffi, pourquoi ? Ça n'a pas suffi parce que j'adhère à la thèse de ceux qui pensent qu'il s'agit d'une décision plus politique qu'une décision de droit. Il y avait quand même beaucoup d'évidences qui donnaient à Monsieur Kamto le droit de participer avec le dossier fourni au conseil électoral Elecam. Il avait pris soin, n'est-ce pas, d'éviter tout obstacle possible à sa participation à l'élection, parce qu'il y avait beaucoup de débats autour de sa candidature. Il avait plusieurs possibilités, mais il avait choisi la possibilité la plus sûre en allant vers un parti politique qui disposait de tous les moyens légaux pour présenter une candidature. Et donc j'avoue que c'est une grosse déception pour les acteurs qui suivent les questions de démocratie dans notre pays, comme nous, de constater qu'il y a une sorte d'acharnement sur un individu qui s'emploie à animer la vie politique dans notre pays, à construire la démocratie et à amener les Camerounais à s'approprier le droit de prendre part à la vie politique du pays. Personnellement, je connais le parti politique Manidem qui a porté sa candidature. C'est un parti que je suis. Je connais le président de ce parti dont on dénie aujourd'hui la qualité, avec qui nous avons régulièrement pris part aux rencontres officielles. Moi, en tant que coordinateur de l'ONG « Un monde avenir » et lui, en tant que président de son parti, c'est-à-dire le Manidem, je suis étonné que, au dernier moment, on ne lui reconnaisse plus cette qualité de président qu'il a pourtant régulièrement affichée partout où nous nous sommes retrouvés aux réunions officielles. Alors visiblement, comme le conseil électoral Elecam en première instance, le Conseil constitutionnel a pris en considération la candidature d'une autre personne, Dieudonné Yegba, sous la bannière du Manidem, et a donc estimé qu'il ne pouvait pas y avoir deux investitures pour une même formation politique. Est-ce que l'argument vous paraît recevable ou pas ? Pas du tout de mon point de vue. Parce qu'on ne peut pas prétendre qu'on ignorait qui était à la tête du Manidem. Monsieur Ekane, je le dis pour avoir été plusieurs fois à des rencontres officielles avec lui, étant à ces rencontres au titre de président du parti, et donc il y a toutes les évidences qui montrent que Monsieur Ekane est reconnu par le conseil électoral comme étant le président du parti. C'est ça qui est écœurant et choquant pour nous autres, parce que c'est extraordinaire de voir qu'il a suffi que le Manidem présente Monsieur Kamto comme candidat pour qu'on dénie à Monsieur Ekane Anicet, président de ce parti-là, cette qualité qui était pourtant reconnue jusqu'ici par toutes les instances, y compris le conseil électoral. J'ai envie de dire, c'est une sorte de séance de sorcellerie, comme on dit chez nous, que je viens de vivre, parce que je suis sûr que si le Manidem n'avait pas présenté Monsieur Kamto à la prochaine élection présidentielle, personne ne serait aujourd'hui en train de dénier la qualité de président à Monsieur Ekane. Avec la disqualification de Maurice Kamto, c'est le principal opposant à Paul Biya qui est exclu de la présidentielle du mois d'octobre. Est-ce à dire qu'à vos yeux, l'opposition n'a plus aucune chance de gagner ? Tout va dépendre de la posture de Monsieur Kamto. Parce qu'il faut dire que c'est une très très forte personnalité, très influente sur le plan politique. Et donc tout va dépendre de sa position, est-ce qu'il va se rallier à un candidat ? Mais s'il décide de se retirer de ce processus, il y a de fortes chances qu'il y ait une forte abstention. C'est pour ça que je dis que c'est la personne qui, pour l'instant, continue de tenir les cartes en main. Et parmi les principaux candidats de l'opposition qui sont validés aujourd'hui, quel est celui dont Maurice Kamto se sent le plus proche ? Je sais que plusieurs rencontres ont eu lieu entre les cadres de son ancien parti, notamment le MRC, et certains candidats à la présidence, notamment les candidats du Nord, Monsieur Bello et Monsieur Tchiroma. Ça, je le sais. Et je sais aussi qu'il n'est pas très éloigné des personnes comme Monsieur Akere Muna. Donc ça ne serait pas étonnant de le voir prendre une décision d'alliance avec un leader. Et j'ai vu quand même qu'il y avait des démarches avec certains leaders des autres partis, ceux qui viennent de faire défection dans le gouvernement, notamment l'ancien Premier ministre Bello Bouba et l'ancien ministre Issa Tchiroma. À écouter aussiPrésidentielle au Cameroun: la candidature de Maurice Kamto «fait peur» au régime, dit Claude Assira
Plus de 20 ans après la fin de la guerre civile qui a fait 250 000 morts, le Liberia va-t-il enfin juger ses plus grands criminels de guerre ? Le président Joseph Boakai semble décidé à franchir ce pas historique. Il y a un mois, il a présenté les excuses de l'État aux innombrables victimes et un tribunal spécial pourrait voir le jour en 2027. De 1990 à 2003, le reporter-photographe Patrick Robert est allé maintes fois sur place. Il y a été grièvement blessé par balle. Aujourd'hui, il témoigne devant les tribunaux et dans un livre intitulé Chaque heure compte, la dernière tue (paru aux éditions Erick Bonnier). Il est l'invité de Christophe Boisbouvier. RFI : Dans votre livre, vous écrivez « Au Liberia, on tuait avec désinvolture et détachement ». En quoi cette guerre civile a-t-elle été différente des autres ? Patrick Robert : La première grosse différence, c'est que c'était une guerre totale commise avec la bonne conscience de gens qui font quelque chose avec la sensation qu'ils doivent le faire. La caractéristique d'une guerre civile, c'est que c'est une guerre d'amateurs. Ce sont des gens de la brousse qui, du jour au lendemain, se trouvent miliciens, combattants, une arme à la main. Et évidemment, les standards sont évidemment très éloignés des nôtres. Et c'était une guerre de villageois contre des citadins ? Pas que. C'était une guerre civile totale, d'ethnie contre ethnie, en fait. Vous racontez comment un milicien tue froidement un civil sous vos yeux, puis s'aperçoit que vous êtes là avec votre appareil photo et vous dit, tout sourire « Hey take my picture ! » (prends ma photo). Comment expliquez-vous une telle désinvolture ? Parce que ces gens simples avaient l'impression de faire leur travail afin d'accomplir leur mission. C'est tout le tragique de l'histoire. Moi, je ne pense pas qu'il y ait eu des crimes pour le plaisir de tuer… Oui, dans ces conditions-là, il y en a toujours. Mais je ne pense pas que l'ordre des politiciens était de le faire. Je pense que les chefs militaires, que ce soit Charles Taylor ou les autres, n'étaient pas plus émus que ça de la mort de leurs concitoyens. Mais je ne pense pas non plus qu'ils incitaient leurs miliciens à tuer aveuglément tout le monde. Je pense que c'est un pays où les gens étaient livrés à eux-mêmes avec une discipline inexistante. Il faut savoir aussi que Charles Taylor n'avait aucun moyen de communication avec ses troupes. Il avait un téléphone satellitaire que lui avait donné Félix Houphouët-Boigny, mais il n'avait pas de moyen de contacter ses soldats sur le front. Il n'y avait pas de téléphone cellulaire à l'époque et il n'avait pas de radio. Charles Taylor ne savait pas ce qui se passait sur le front. Il n'y allait pas lui-même. Il n'était pas un chef de guerre courageux. Ce n'était pas un bon chef de guerre. Son mouvement politique, le NPFL, a été bon tant qu'il avait Prince Johnson avec lui. Mais en fait, c'est Prince Johnson qui marquait les points sur le terrain. Comme Johnson a fait sécession et est parti dans son coin et a laissé tomber Taylor, Taylor n'a plus jamais avancé sérieusement sur le terrain et donc, parce que la situation a dégénéré, c'est devenu une guerre ethnique. Chaque ethnie avait son groupe armé avec son chef de guerre qui s'opposait aux autres. Alors, vous dites que chaque combattant faisait son travail, mais quand on abat une femme et ses enfants, ce n'est pas un travail comme un autre, non ? Non, je ne dis pas qu'il faisait son travail, je dis qu'il faisait ce qu'il pensait être son travail. Je pense que le milicien pensait que sa mission consistait à tuer des ennemis, quels qu'ils soient, hommes, femmes, enfants. Vous savez, dans une guerre ethnique, on est coupable de faire partie de l'ethnie adverse, quel que soit son âge ou son sexe. Les enfants, tant qu'ils peuvent porter une arme, ils sont en face de vous, donc ils sont des combattants. Les femmes, elles donnent naissance à des futurs combattants qui seront un jour en face de vos enfants. Et donc tout le monde est une cible légitime de ce point de vue de la guerre ethnique. C'est ça qui est effroyable. Comment se fait-il que, depuis 2003, il n'y ait jamais eu de procès de criminels de guerre au Liberia ? Je pense que les Libériens ont admis leur responsabilité collective. Ils ont admis que tout le monde avait perdu la tête. Et donc il n'y a pas un groupe ethnique qui a échappé au massacre commis par les leurs contre un autre groupe ethnique. Donc, il y a une sorte de nivellement par l'horreur, par le crime, qui fait que tout le monde s'est rendu coupable de choses répréhensibles devant la loi. Je pense qu'ils ont été tellement nombreux, dans tous les camps, à commettre des crimes que peut-être qu'ils n'ont pas très envie de remettre tout ça en cause et de se dire qu'il va falloir mettre les deux tiers du pays en prison. Mais je pense qu'aujourd'hui, les Libériens ont beaucoup évolué. Il y a un système démocratique qui s'est mis en place. Et en effet, je pense qu'ils ne doivent pas être très fiers de ce qu'ont fait leurs prédécesseurs pendant cette guerre civile. Et si en 2027, donc dans deux ans, un tribunal sur les crimes de la guerre civile s'ouvre à Monrovia, est-ce que vous serez prêt à venir témoigner ? Si on me le demande, oui, comme témoin de contexte pour expliquer mon expérience, c'est peut-être même un devoir puisque je l'ai vécue. Et quand vous avez témoigné au procès de Kunti Camara, c'était donc l'an dernier à Paris, est-ce que vous avez croisé son regard ? Il était très fuyant, il avait l'air totalement absent. Mais des criminels comme lui, il y en a des milliers au Liberia. La banalité de la mort ? Oui, la banalité de la mort. C'est une chose qui m'a beaucoup surpris au Liberia, comme en Sierra Leone d'ailleurs, parce qu'à cette époque-là, la mort était quelque chose de quotidien. On tuait les gens facilement sans que ça pose de problèmes éthiques, moraux. Cette banalité face à la mort, c'est peut-être un instinct de survie aussi, sinon personne ne s'en sortirait.
« Il faut aller à la palabre africaine », disent les évêques de Côte d'Ivoire, après l'exclusion de plusieurs personnalités de l'opposition de la présidentielle du 25 octobre prochain. Dans une lettre pastorale publiée il y a une semaine, la Conférence des évêques de Côte d'Ivoire appelle à une élection « juste et inclusive », à laquelle, outre le président sortant Alassane Ouattara, qui a déclaré sa candidature ce 29 juillet, ses principaux opposants pourraient, eux aussi, se présenter. Mgr Jacques Ahiwa répond aux questions de Christophe Boisbouvier depuis son archevêché de Bouaké. RFI : À trois mois de l'élection présidentielle, vous venez de publier une lettre pastorale dans laquelle vous ne cachez pas votre inquiétude. Pourquoi ? Mgr Jacques Ahiwa : Parce que nous sommes des pasteurs. Nous avons les quinze diocèses de Côte d'Ivoire. Nous sommes au contact des populations. Et ce sont un peu les craintes de ces populations que nous avons essayé d'analyser, de prendre en compte non seulement dans nos prières, mais aussi dans nos analyses pour apporter quelques éléments de réponse et surtout de propositions pour apaiser, aider à apaiser ces craintes-là. Et quelles sont ces craintes ? Les craintes, c'est la peur d'une élection émaillée de violence. Nous savons depuis un certain temps que chaque fois que, les élections sont annoncées, les populations ont la peur au ventre. Et donc ça nous remonte. Tout le monde nous dit "priez, priez pour nous, faites quelque chose". Et ce que nous pouvons faire, effectivement, en tant que pasteur, c'est de prier et puis d'apporter notre contribution à la construction, à la préservation de la paix. Monseigneur Jacques Ahiwa, dans votre lettre pastorale, il y a une semaine, vous appelez à une élection « juste et inclusive », est-ce à dire que pour l'instant ces deux conditions ne vous paraissent pas réunies ? De ce qui revient des différents états-majors, je parle des groupements politiques de la société ivoirienne, nous constatons que, jusqu'à présent, il y a des dinosaures, comme on dit, de la politique ivoirienne qui ne figurent pas sur la liste électorale. Et cela crée beaucoup de tensions. Chacun fait valoir ses arguments et cela crée beaucoup de crispations dans la population. Donc en termes d'inclusion, pour l'instant, je pense que nous n'y sommes pas encore arrivés. Il y a encore du travail à faire pour que cette élection soit la plus large possible. Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam, Charles Blé Goudé… Plusieurs dinosaures, comme vous dites, n'ont pas le droit de se présenter, car les autorités affirment qu'elles ne sont pas éligibles au regard de la loi ivoirienne. Quelle est la position de la conférence épiscopale à ce sujet ? La position de la conférence, elle porte sur la loi, sur la loi fondamentale. Nous avons fait notre analyse sur la base de la loi, mais aussi de l'environnement. Ceux qui estiment qu'ils ne sont pas éligibles ont les éléments pour argumenter. Mais nous, en tant qu'acteur aussi de la vie sociale, en regardant ce qui se passe, en analysant les crispations, parce que chacun fait valoir ses arguments, on aurait souhaité que les discussions se poursuivent pour voir dans quelle mesure cette exclusion ou bien ce manque qui pourrait permettre à ces candidats de compétir puisse trouver des solutions. Concernant l'éligibilité de ces opposants, et c'est toujours dans votre lettre épiscopale, vous appelez à concilier le respect du droit et le bon sens politique. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? Nous voulons dire que, quand les lois ne permettent pas de préserver la cohésion, il faut peut-être aller à la palabre africaine. La palabre africaine, c'est quand il y a un problème presque insoluble, on active des leviers, des mécanismes pour entendre tout le monde et résoudre la question. D'autant plus que, depuis un certain temps, depuis 2010, la Côte d'Ivoire a quelques fois eu recours à ce genre de procédé. Et nous le disons très bien dans notre lettre que ce n'est pas nouveau que les acteurs de la vie politique puissent s'asseoir autour de la même table au niveau de l'élection présidentielle pour trouver des solutions. On parle même d'arrangements politiques. C'est ce que nous appelons le bon sens politique au regard des crispations, au regard de toutes les plaintes et de tout ce qui est susceptible de créer des désordres jusqu'à mort d'homme. Vous le savez très bien, les dernières élections étaient émaillées de pas mal de violence. Pour éviter tout cela, nous en appelons au bon sens politique qui consiste à s'asseoir autour de la même table et à trouver les solutions pour résoudre définitivement cette question de l'éligibilité. Est-ce que vous faites référence à l'accord politique conclu sous l'égide du président sud-africain, Thabo Mbeki, afin que Monsieur Alassane Ouattara puisse être candidat en 2010 ? Oui, nous l'avons dit dans la lettre aussi, c'est très clairement signifié. Nous parlons des accords issus des négociations de la crise de 2002, qui ont permis à tous les candidats de se présenter, au point qu'en 2010, les élections ont connu quand même un engouement assez fort. Quand il y a contradiction entre le respect du droit et le bon sens politique, qu'est-ce qui doit primer à vos yeux ? C'est la sagesse africaine, la préservation de la paix. Il n'y a pas de sacrifice de trop pour préserver la paix. Si vraiment il faut mettre entre parenthèses, dans un premier temps, le droit pour sauver les vies humaines, je pense que le choix est clair. Il faut sauver d'abord les vies humaines et après trouver vraiment les meilleurs mécanismes pour écrire des lois consensuelles qui pourront être acceptées par tous. Alors ce que disent les autorités ivoiriennes, c'est que, si elles n'appliquent pas le droit de façon stricte et rigoureuse, elles risqueront ensuite d'être accusées d'autoriser les passe-droits. Oui, ça, c'est vrai. C'est ce qu'on a toujours dit. Mais vous le savez très bien, depuis toujours, la loi, elle a été la loi et c'est face à la rigueur de la loi qu'on a toujours sollicité des médiations hors loi pour régler des crises. Il se trouve que nous sommes pratiquement dans les mêmes situations de crise qu'auparavant. Alors, je pense qu'il vaut mieux, pour sauver des vies. Nous, notre objectif, c'est cela : comment préserver la paix ? Comment faire en sorte que chaque ivoirien, chaque habitant de ce pays puisse aller et venir sans crainte en temps d'élection comme en temps de non élection. Que chacun puisse vaquer normalement à ses occupations et que les élections ne soient pas sources de crainte, de peur et surtout de violence en Côte d'Ivoire. La vie de l'homme est plus que tout. La vie est sacrée et nous, évêques de Côte d'Ivoire, nous sommes au service de la vie. Et nous sommes les veilleurs pour que tout soit mis en œuvre, même s'il faut mettre entre parenthèses pour un moment la loi pour que la vie soit sauvée, il faut le faire. Ce ne sera pas la première fois et ce ne sera pas le premier cas de figure dans le monde entier. Et puis, dans votre lettre pastorale, Mgr Jacques Ahiwa, vous dénoncez, je cite, l'amateurisme de l'administration électorale. Faut-il à vos yeux remplacer la CEI, la Commission électorale indépendante, par autre chose ? La CEI dans sa configuration actuelle est assez critiquée par les différents acteurs de la vie politique et sociale en Côte d'Ivoire. Il y a donc un travail à faire pour avoir une CEI, d'autant plus qu'elle est permanente, une CEI qui puisse être acceptée par tous pour que les règles qu'elle dicte soient reçues et bien mises en œuvre. Je pense qu'on va y arriver, mais pour l'instant, telles que les choses se présentent, la CEI, quand on la regarde, elle est un peu déséquilibrée. Et donc, il y a ce travail d'équilibrage pour qu'elle soit la plus consensuelle possible.
Nous parlons ce matin de l'importante de la diaspora des mourides, une confrérie musulmane sénégalaise. Lundi dernier, des organisations de la diaspora ont célébré le Bamba Day. Un hommage rendu à Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur de la confrérie. Le 13 août, surtout, les fidèles mourides pratiqueront le grand magal, le pèlerinage annuel dans la ville sainte de la confrérie, Touba. C'est l'occasion pour nous de nous plonger dans un ouvrage qui vient de paraître : La Mouridiyya en marche : islam, migration et implantations, publié par les Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme. Le livre revient sur l'expansion internationale de la confrérie et en analyse certaines conséquences. Son auteur Cheikh Anta Babou est l'invité de Laurent Correau. RFI : Qu'est-ce qui explique l'importance de la diaspora et de l'émigration dans le mouridisme ? Pourquoi est-ce qu'on associe si souvent cette image du mouridisme à ces réseaux diasporiques ? Cheikh Anta Babou : Ce qui fait l'importance de cette diaspora mouride, c'est un phénomène imprévu. Les mourides, qui étaient un peu considérés comme des sédentaires naturels, des conservateurs qui sont perdus dans la modernité, ont profité de cette modernité qui n'était pas faite pour eux. Ils ont migré dans les villes de plus en plus, en grand nombre. Ils se sont installés, ils ont pris l'économie informelle. Et quand les conditions se sont présentées, ils ont quitté le Sénégal pour l'Afrique occidentale, pour l'Europe et maintenant pour les États-Unis dans les années 80. Donc comment ont-ils réussi à domestiquer cette modernité et à en profiter pour devenir une diaspora globale ? Et qu'est-ce qui l'explique selon vous ? Ce qui l'explique, c'est la mobilité avec Ahmadou Bamba. … Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du mouridisme. Effectivement. Vous savez que dans sa saga, la mobilité joue un rôle important. Ses exils, d'abord au Gabon où il a passé sept ans… il s'exile en Mauritanie… Les exils, au niveau du Sénégal. Donc c'est une certaine aura qui accompagne cette mobilité. Autre chose qui s'est développé : vous allez avoir des dahiras, ces organisations urbaines mourides. Ces dahiras ont été formés au Sénégal dans les années 40, dans les villes, originellement comme une organisation qui aide à développer, à préserver l'identité mouride menacée par la modernité occidentale dans les villes. Et quand les mourides ont voyagé, ils ont voyagé avec ces dahiras. Ce qui est intéressant avec ces dahiras, c'est qu'ils aident la religion à voyager. Ils donnent une mobilité à la culture mouride. Une fois à Paris, une fois à New York, une fois à Abidjan ou ailleurs, ces dahiras deviennent le creuset où les mourides se retrouvent chaque semaine, où la sociabilité mouride est développée, où les événements religieux sont célébrés. Donc cette sociabilité mouride, d'une certaine manière, est ancrée autour de ce creuset, le dahira mouride. Vous avez aussi une réflexion intéressante dans votre ouvrage sur la question de la deuxième génération et la façon dont cette deuxième génération vit la foi mouride. Qu'est-ce qui se passe avec la génération qui n'est pas celle des premiers migrants, mais celle de leurs enfants ? Vivre sa religion dans la diaspora est chère. C'est un investissement lourd en termes financiers, mais aussi en termes de temps, en termes d'émotion. Et beaucoup de ces parents, maintenant, se demandent, est-ce que mes enfants auront cette volonté d'avoir cet investissement que nous, nous avons produit pour que l'amour de Dieu continue à se perpétuer ? C'est la grande question. Mais il y a même des mourides moins jeunes qui commencent à s'interroger, surtout ce qu'on appelle les professionnels. Ils ne peuvent pas faire ces réunions sociales avec le dahira. Les investissements financiers ne posent pas de problème, mais pour la plupart de ces gens-là, c'est le temps à consacrer à ces événements qui pose problème. De sorte que la plupart d'entre eux se disent « je peux être mouride autrement. C'est-à-dire, je peux apprendre les khassaïdes de Serigne Touba chez moi. Pas nécessairement en communauté, comme c'est l'habitude dans les dahiras. Mais je peux également nouer une relation personnelle avec Ahmadou Bamba à travers ses ouvrages plutôt qu'avec sa descendance. C'est-à-dire ce lien-là qui se base sur la généalogie est en train de se déliter un tout petit peu. Les gens se disent « je peux être mouride sans me soumettre à un cheikh qui est un descendant d'Ahmadou Bamba », comme de tradition dans la mouridiyya. Ils se disent « je peux lire les khassidas, essayer de modeler ma vie par rapport à la vie d'Ahmadou Bamba. Quand je vais au Sénégal, je vais sur sa tombe, je prie chez lui et je prie sur sa tombe et pour moi, c'est suffisant. » Vous diriez qu'on voit une foi individuelle se développer un peu plus dans cette deuxième génération ? Dans cette deuxième génération où vous gérez vous-même cette foi… au lieu de la donner à gérer à la Communauté elle-même. Est-ce que les circulations entre Touba, la ville sainte des mourides et toutes ces villes de l'étranger, toutes ces terres d'immigration ont créé quelque chose ? Cette diaspora mouride est en train d'avoir un impact extrêmement important. Les mourides ont produit une culture mouride qui n'est pas celle qu'ils ont quitté au Sénégal. Il y a par exemple ce que les mourides appellent les « khassidas days ». … Les khassaïdes, ce sont les poèmes de Cheikh Ahmadou Bamba Oui, les poèmes d'Ahmadou Bamba… Ils ont ce qu'ils s'appellent les khassidas days. C'est-à-dire une journée où différents groupes de dahiras se regroupent et chantent les khassidas toute la journée jusqu'à la nuit. Et ça, c'est du nouveau. C'est la solidarité diasporique. Mais cette solidarité a été réexportée au Sénégal où les gens font également leur khassida day. Mais également même sur l'investissement. Vous avez maintenant des ONG, des dahiras qui ne sont plus des dahiras classiques, mais des ONG. Il y en a un, Matlaboul Fawzeyni, qui a construit un hôpital. Ces mourides qui vivaient dans les zones rurales qui ont migré à Touba et par la suite ont migré en Europe ou en Amérique se sont rendus compte qu'ils ont besoin d'installations sanitaires modernes pour leurs parents qu'ils ont laissés derrière. Ils se disent, mais pourquoi pas investir sur ça ? Donc, ils ont construit le premier hôpital moderne au niveau de Touba et ils continuent à investir, par exemple sur l'éclairage public, sur l'assainissement. Ça ce sont des choses qui sont absolument nouvelles. Et l'argent qu'ils envoient également au Sénégal, qui est assez substantiel, tout cela également a un impact non seulement sur la mouridiyya, mais sur le Sénégal en général. À lire aussiSur les traces de l'exil de Cheikh Ahmadou Bamba (1/2)
C'est un tournant dans le combat contre le paludisme chez les nourrissons et les tout-petits. Une société suisse vient de mettre sur le marché un médicament qui soigne les enfants atteints du paludisme à partir de l'âge de trois mois. Et dans les prochains jours, le Ghana va pouvoir déployer ce médicament certifié par l'OMS. Le docteur André-Marie Tchouatieu est l'un des responsables de la fondation suisse MMV spécialisée dans la lutte contre le paludisme, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. À lire aussiSanté: le paludisme touche toujours largement l'Afrique et ne sera certainement pas éradiqué en 2030
Les Camerounais attendent l'avis du Conseil constitutionnel sur la participation ou non à la présidentielle du 12 octobre du principal opposant Maurice Kamto, après la décision en première instance de la commission électorale Elecam de l'en écarter. Quelle est la valeur juridique de cette exclusion de samedi dernier ? Quelles sont les chances de Maurice Kamto d'être repêché par les onze magistrats du Conseil ? Claude Assira est avocat au barreau de Yaoundé et défenseur des droits de l'Homme. Également enseignant à l'Université catholique d'Afrique centrale, il répond depuis Yaoundé aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Le principal événement de ce début de campagne, c'est l'éviction, du moins pour l'instant, du candidat Maurice Kamto, le principal opposant. Est-ce le signe qu'il fait peur au régime camerounais ? Maître Claude Assira : J'ai envie de vous répondre positivement. Oui, je pense qu'on peut dire sans risque de se tromper qu'il fait peur. Et ça, ce n'est pas seulement du fait de l'épilogue de samedi 26 juillet. La décision qui a été prise par le Conseil électoral Elecam, samedi 26 juillet, c'est surtout parce que c'est la chronique d'une fin qui était annoncée depuis le début. Tout le monde sait que, à la précédente élection présidentielle de 2018, il a été le principal challenger et qu'il est arrivé effectivement en position de numéro 2. Tout le monde sait également que depuis lors, depuis 2018 et de façon plus marquée encore en 2019, il a mené des actions et un combat, d'abord de revendications de la victoire. Et puis ensuite les actions sur le terrain juridique, sur le terrain politique. Et que tout au long de cet intervalle, on a vu la réaction du pouvoir, les objurgations des membres du gouvernement qui, à chacune de ses apparitions, traduisaient une certaine fébrilité, pour ne pas dire une crainte, une peur. On a vu parfois ce que je considère comme étant la machine de guerre de l'État se mettre en œuvre même pour des événements banals comme la convocation d'un événement politique interne à Yaoundé ou une de ses apparitions à Douala. Donc toutes ces choses sont autant de manifestations de la peur, de la crainte qu'on a pour ce seul nom. Il faut dire qu'aux côtés de cela, vous avez également, d'un point de vue de la crainte psychologique, beaucoup de ses partisans, qui sont particulièrement virulents et agités sur les réseaux sociaux, qui cristallisent autant de raisons d'avoir peur de la personne, de ce candidat. Bref, il y a toujours eu un tir de barrage, de sorte que les esprits des observateurs avisés étaient forcément prêts à ce qu'il puisse y avoir la touche finale qui serait apportée d'une façon ou d'une autre à sa candidature devant le tir de barrage systématique auquel il a eu à faire face. Ce qui fait qu'aujourd'hui, même si Elecam, qui tire son origine d'un décret de désignation du président de la République, j'allais dire du seul président de la République qui lui-même est à nouveau candidat… Donc il ne peut pas être complètement un organe considéré comme étant neutre. Quels que soient les efforts qu'il aurait faits, lorsqu'Elecam vient donc en bout de course consacrer tout ce que nous avons vu se dessiner, se profiler au fur et à mesure du temps, aucune concession ne lui a jamais été faite. La décision d'Elecam du 26 juillet apparaît évidemment comme étant la consécration de la volonté politique d'éliminer un adversaire dont on a peur aujourd'hui. Est-ce qu'Elecam, qui est donc l'organe en charge des élections, a motivé par écrit sa décision d'exclure la candidature de Maurice Kamto ? Elecam l'a motivée et a justifié cette motivation sur la demande des avocats de Maurice Kamto. Et le motif qui a été avancé alors, le seul motif qui a été invoqué à l'appui de la décision de rejet de sa candidature, c'est la multiplicité d'investiture par le parti qui a finalement accepté d'investir, Maurice Kamto, à savoir le Manidem. Alors l'argument d'Elecam, c'est donc de dire que le parti que Maurice Kamto représente, le Manidem, compte dans ses membres un autre candidat et qu'il ne peut pas y avoir une pluralité d'investitures au sein d'un même parti. Qu'est-ce que vous pensez de cet argument ? Comme je pense avoir essayé de vous l'indiquer, l'argument est tout simplement l'aboutissement d'un processus. Donc l'argument qui est soulevé par Elecam est très largement sujet à caution. Mais même en lui-même simplement, l'argument peut être très largement discutable lui aussi. Parce qu'il est effectivement fort probable qu'il y ait eu une deuxième investiture par un organe plus ou moins infiltré du Manidem. Et cette situation, il faut le dire encore, est aussi une certaine forme de flou organisé et entretenu par les pouvoirs de l'État. Je m'explique. Les partis politiques, les formations politiques sont considérés comme étant des associations. Or ces associations voient régulièrement l'interférence, j'allais dire l'ingérence du pouvoir politique au travers du ministère de l'Administration territoriale, qui croit devoir organiser le fonctionnement et la direction de ces associations. Ce n'est pas que le Manidem. On a vu le cas pour le PCRN. Ça a été le cas pour le CPP de Kah Walla et je pense pour d'autres formations encore. Or, nous savons tous qu'il y a un principe consacré par la Constitution qui est le principe de la liberté d'association, la liberté d'expression. Les partis politiques concourent, contribuent à l'expression de la démocratie. Et ils le font dans un cadre qui est organisé par la Constitution, qui est un cadre de liberté. Donc il n'y a que les associations qui, dans leur organisation, ont la possibilité de déterminer qui est leur mandataire, celui qui peut parler pour elles, ces associations. Pourtant, nous voyons toujours régulièrement, sans aucune explication ni justification juridique ou autre, l'interférence du pouvoir qui vient indiquer qui, selon lui, est la personne qu'il a choisie pour pouvoir être le représentant, c'est à dire son interlocuteur. Il n'est donc pas à exclure que, profitant de cette ambivalence, de cette ambiguïté organisée et entretenue, qu'il puisse y avoir effectivement quelqu'un d'autre qui, au sein de la même organisation du Manidem, ait pu éventuellement se prévaloir du titre qui lui a été donné dans les conditions que je viens de vous indiquer pour pouvoir brouiller les pistes. Et ainsi contrecarrer pour finaliser la mise en échec de la candidature de Kamto. Je pense que la procédure devant le Conseil constitutionnel nous permettra certainement d'être fixé. Il suffira de comparer, de voir quel était l'organe qui a présenté l'investiture de Maurice Kamto, celui qui a présenté l'investiture de l'autre, et j'incline à penser que c'est le président actuel, Monsieur Anicet Ekane, celui qui a donné l'investiture à Maurice Kamto, qui devrait pouvoir l'emporter si les choses sont faites avec justice et avec justesse. Alors, vous parlez du ministère de l'Administration territoriale de Paul Atanga Nji. Jusqu'au 22 juillet dernier, sur le site de ce ministère, le président du parti Manidem, c'était Anicet Ekane, mais depuis le 23 juillet, sur le même site, son nom est remplacé par celui de Dieudonné Yebga, le candidat surprise qui provoque aujourd'hui la disqualification de Maurice Kamto. Est-ce un signe de ce que vous appelez l'ingérence du ministère de l'Administration territoriale dans l'organisation des partis politiques ? L'ingérence est intervenue déjà bien auparavant et je crois qu'elle pourrait se manifester encore là, sauf que là, en l'occurrence, à la veille d'une transmission des dossiers à Elecam, cette ingérence, ou plutôt cette manipulation, apparaît comme étant une forfaiture désormais. Ce n'est plus une simple ingérence, mais là, c'est une forfaiture et une volonté manifeste d'induire en erreur. J'ai envie de vous indiquer que je ne sais même pas si cette activité, cette action de ces personnes, ces organes publics, devraient être considérés comme étant une action banale. Je pense qu'elles doivent interroger. L'actuel président de la République a mis au centre de son rôle politique historique qu'il voulait qu'on retienne que c'est lui qui a apporté la démocratie. Je ne suis pas sûr que ce qui est fait en son nom représente l'idée de la démocratie qu'il a envie de laisser. Donc si c'est pour lui, pour ce candidat-là, que toutes ces forfaitures sont faites, je crains qu'on salisse son nom pour l'histoire alors que c'est la seule chose au moins qu'il aurait pu laisser. Donc j'invite toutes les personnes qui jouent aux apprentis sorciers à faire attention et à rester aussi neutres que possible dans les fonctions publiques qui leur ont été confiées par le peuple. Alors Elecam écarte, du moins pour l'instant, Maurice Kamto, au prétexte que son parti Manidem avait deux candidats, mais Elecam accepte le candidat Paul Biya, alors que son parti RDPC avait lui aussi deux candidats le président sortant et l'élu local Theiller Onana. Est-ce qu'il n'y a pas deux poids, deux mesures ? Alors là, je ne pense pas. Parce que là, vous avez parlé de candidature. Mais s'agissant du motif de rejet de la candidature de Maurice Kamto, on a parlé plutôt d'investiture. Donc il ne faut pas confondre candidature et investiture. La déclaration de candidature est le fait d'un individu qui se présente au peuple. Or la déclaration d'investiture, c'est une formation politique qui adoube un candidat qu'elle a présenté, qui s'est réclamé de lui. Donc je ne pense pas que la même situation que celle que vous évoquez au Manidem soit comparable à ce qui se passe au RDPC, parce qu'il ne me semble pas que le parti RDPC ait donné une investiture à quelqu'un d'autre qu'à l'actuel président de la République. Suite à cette décision d'Elecam, Maurice Kamto a déposé ce lundi un recours devant le Conseil constitutionnel. Mais si le régime est décidé à écarter Maurice Kamto, est-ce que les magistrats du Conseil constitutionnel pourront prendre une décision contraire à la volonté du régime ? Là, vous me demandez encore une fois de prendre une boule de cristal pour pouvoir lire l'avenir. Et on peut juste se contenter de faire un certain nombre de conjectures. La première, ce serait d'imaginer que le Conseil constitutionnel est un organe indépendant, puisqu'on sait aujourd'hui que le pouvoir est relativement plus faible, plus vacillant, plus chancelant qu'il ne l'a été autrefois. Ça se voit non seulement au travers de l'âge relativement avancé du titulaire de la fonction aujourd'hui, mais cela se voit aussi au travers de la grande fébrilité dont ses partisans font montre de façon publique. Il y a une grosse opposition à l'intérieur du camp. Donc je pense qu'aujourd'hui peut-être qu'une nouvelle philosophie pourrait éventuellement animer le fonctionnement du Conseil constitutionnel et ses décisions. On peut donc miser là-dessus et se dire qu'il s'agit peut-être d'un organe qui va être indépendant, même si, encore une fois, là aussi, son mode de désignation exclusivement confié au décret du président de la République peut aussi interroger sur son indépendance. Mais faisons lui confiance et disons-nous que cela est possible au regard du contexte sociopolitique que je vous ai décrit. Mais d'un autre côté aussi, on peut parfaitement craindre, quand on voit l'irrédentisme dont ont fait preuve aujourd'hui les agents du pouvoir. Quand on sait que les institutions judiciaires ou juridictionnelles ont souvent eu par ailleurs à se voir dicter un certain nombre de leurs décisions ou de leurs attitudes, on peut parfaitement craindre que le Conseil constitutionnel, même si vraiment, par extraordinaire, il venait à en avoir envie, avoir envie de s'autonomiser, on peut craindre qu'il n'ait pas finalement les moyens de le faire, cela est aussi possible. Parfaitement. Maintenant, nous tous, nous observons l'histoire. Nous pouvons donc nous dire qu'au stade où nous sommes, peut être que le Conseil constitutionnel, aussi, investi d'une mission historique, peut avoir envie de se surpasser et de montrer, d'essayer de montrer aux uns et aux autres que les décisions qu'il va prendre doivent être empreintes de la confiance qu'on doit normalement à cette institution-là. Donc, il est possible que cette occasion leur soit donnée pour valider en ultime recours la candidature de Maurice Kamto. Je le souhaite en tout cas énormément. Issa Tchiroma Bakary, l'un des deux ministres démissionnaires, qui est à présent candidat à la présidentielle, réclame du Conseil constitutionnel qu'il fasse preuve d'impartialité et d'intégrité. Est-ce à dire que cet homme d'expérience a de sérieux doutes sur cette impartialité et cette intégrité des magistrats ? Il faut que vous rappeliez peut-être aussi que c'est le même Issa Tchiroma Bakary qui a défendu bec et ongles le même pouvoir auquel il a appartenu, donc je pense que, si aujourd'hui il vient nous dire le contraire, on ne peut pas faire autre chose que d'avoir foi en sa parole. Il est crédible sur ce qu'il indique. Les propos contradictoires sur RFI, il y a trois semaines, des ministres René Sadi et Fame Ndongo sur la candidature ou non de Paul Biya cette année, de quoi est-ce le signe à votre avis ? C'est un signe, j'allais dire un signe de plus sur un tout petit peu, j'allais dire la déliquescence de l'action de l'État, des pouvoirs de l'État. Sur beaucoup de sujets, auparavant, on a observé un camp, une division qui traduit les intérêts conflictuels qui, à chacune des décisions de justice ou non, démontrent parfaitement qu'il y a un clivage, une scission nette dans l'appareil gouvernant. Et que ce clivage est le fait de deux choses, un effet de cisaillement entre un président de la République qui est souvent absent, qui n'a plus vraiment les choses en main et qui a tout abandonné à chacun. Il n'y a, par exemple, jamais eu je pense, en sept ans un conseil des ministres rien que pour coordonner et contrôler l'action en interne du gouvernement. Donc chacun fait un peu sa petite tambouille dans son coin. Et la deuxième chose du cisaillement, c'est que tout le monde voit très bien que le pouvoir est vacant. Donc à l'intérieur, il y a des prétentions qui naissent. D'autres, il y en a qui essaient de combler ce vide là en faisant un peu plus, en dépassant leurs fonctions ou en essayant de rattraper ce qu'ils peuvent encore pour essayer de conserver leurs positions, leurs rentes de situation. Voilà, c'est tout ça qui crée forcément un cafouillage. Et comme il n'y a pas de coordination pour permettre de siffler la fin de la récréation, la peur qui est toujours très mauvaise conseillère finit par s'emparer des uns et des autres pour essayer de sauvegarder ce qui peut encore être sauvé des acquis. C'est tout ça qui explique un peu cette Bérézina de la communication.
En Côte d'Ivoire, le suspense est terminé. Le président Alassane Ouattara sera candidat à un quatrième mandat le 25 octobre prochain. Il l'a annoncé mardi 29 juillet. Pourquoi a-t-il choisi ce moment pour sortir de son silence ? Et quelle peut être désormais la stratégie de ses deux principaux adversaires, Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo ? Le chercheur ivoirien Geoffroy-Julien Kouao a publié récemment Côte d'Ivoire : une démocratie sans démocrates ?, aux éditions Kamit. En ligne d'Abidjan, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Êtes-vous surpris par l'annonce de cette candidature d'Alassane Ouattara ? Geoffroy-Julien Kouao : Non, pas du tout surpris. Quand on sait très bien que nous avons seulement que trois mois qui nous séparent du 25 octobre, jour du scrutin, on ne pouvait pas penser autre chose que la candidature de Monsieur Alassane Ouattara au niveau du RHDP, le parti au pouvoir. Alassane Ouattara précise que sa santé lui permet d'être à nouveau candidat. Y-avait-il des doutes sur son état de santé ? Là, je ne le sais pas. Mais dans tous les cas de figure, l'état de santé n'est pas une des conditionnalités pour être candidat à l'élection présidentielle de Côte d'Ivoire. Et il précise que le pays fait face en ce moment à des défis sécuritaires, économiques et monétaires sans précédent. Est-ce la raison officielle de cette candidature à un quatrième mandat qui fait couler beaucoup d'encre en Côte d'Ivoire et dans la sous-région ? C'est une raison pertinente qu'il évoque, en ce sens que la sous-région ouest-africaine est confrontée depuis près d'une décennie à une menace terroriste. N'oublions pas que la Côte d'Ivoire, en 2016, a elle-même été attaquée par les groupes jihadistes à Grand-Bassam, et on le sait très bien, au nord de la Côte d'Ivoire, que ce soit au Burkina Faso et au Mali, le terrorisme est toujours présent. Donc c'est une justification pertinente. Cependant, je pense que le RHDP n'avait pas d'autre candidat que Monsieur Ouattara pour cette élection présidentielle. Pensez-vous que la menace terroriste que le président Ouattara met en avant, c'est un argument qui va suffire à convaincre tous ceux qui lui reprochent de vouloir briguer un quatrième mandat après quinze ans de pouvoir ? Non, je ne le pense pas. En ce sens que pour l'opposition, précisément le PPA-CI et le PDCI-RDA, c'est un mandat de trop qui viole les dispositions pertinentes de la Constitution. Ce que ne partage pas évidemment le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2020. Donc, la bataille sera non seulement politique, mais également juridique. Depuis quelques jours, la tension est forte entre la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso, suite à la mort en prison à Abidjan de l'influenceur burkinabé Alain Christophe Traoré, alias Alino Faso. Est-ce que l'annonce politique de ce mardi n'a pas aussi l'avantage de détourner l'attention de cette crise entre Abidjan et Ouagadougou ? Nous sommes en politique et en politique la communication est très importante. Et il est évident que, en annonçant sa candidature pour l'élection présidentielle hier, Monsieur Alassane Ouattara éclipse, sur le plan de la communication, la question du décès de Monsieur Alino Faso. Et donc tout ça peut s'inscrire dans le cadre d'une stratégie. Alors, après cette annonce de la candidature Ouattara, que peuvent faire ses deux principaux adversaires, Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo, qui ont constitué il y a un mois un front commun contre le parti au pouvoir RHDP ? Monsieur Laurent Gbagbo et Monsieur Tidjane Thiam ont toujours affirmé qu'ils vont s'opposer par les moyens légaux à la candidature de Monsieur Alassane Ouattara. C'est dans cette optique qu'ils projetaient une grande marche dans la ville d'Abidjan le 2 août prochain. Selon les informations que nous avons reçues hier, cette manifestation a été interdite. Dans tous les cas de figure, ils vont certainement organiser d'autres manifestations contre cette candidature de Monsieur Ouattara qu'ils jugent de trop. Et pensez-vous que, si ces deux personnalités ivoiriennes n'obtiennent pas la possibilité d'être candidates le 25 octobre prochain, leurs partis respectifs, le PDCI et le PPA-CI, vont réfléchir à un plan B ? Pour l'instant, la question du plan B n'est pas à l'ordre du jour au niveau du PDCI-RDA. Dans une interview avant-hier, Monsieur Tidjane Thiam a dit que le plan B n'est pas envisageable au niveau du PDCI. Quant au PPA-CI, Monsieur Ahoua Don Mello, un des cadres de ce parti, a annoncé sa candidature comme étant une candidature de précaution, dans l'hypothèse où celle de Monsieur Laurent Gbagbo ne serait pas acceptée. Mais pour la direction du parti PPA-CI, Monsieur Ahoua Don Mello agit contre les idées du PPA-CI, c'est-à-dire la ligne affichée qui est de présenter uniquement Monsieur Laurent Gbagbo comme candidat. Dans tous les cas de figure, des trois grands ténors de la politique ivoirienne depuis 30 ans, c'est-à-dire Monsieur Henri Konan Bédié, Monsieur Alassane Ouattara et Monsieur Gbagbo, c'est Monsieur Alassane Ouattara seul qui ira à cette élection. Et donc pour une première fois, nous aurons une élection avec un seul de ces ténors, ce qui enlève toute saveur à cette élection. À lire aussiGeoffroy-Julien Kouao: «Laurent Gbagbo a une seule obsession, 2025» et la présidentielle ivoirienne
En Libye, la situation politique va-t-elle évoluer ces prochaines semaines ? À l'ouest, le Premier ministre du gouvernement d'union nationale, Abdelhamid Dbeibah, semble en perte de vitesse, suite aux affrontements entre milices qui ont touché Tripoli au mois de mai. Alors qu'à l'est, le maréchal Khalifa Haftar paraît, lui, monter en puissance. La Turquie par exemple, longtemps alliée des autorités de Tripoli, est en train de se rapprocher de lui. Comment expliquer ce probable basculement d'Ankara ? Quelles pourraient en être les conséquences ? Jalel Harchaoui est chercheur associé au Royal United Services Institute de Londres. Il est l'invité de Pierre Firtion. RFI : Est-on à la veille de changements majeurs en Libye ? Jalel Harchaoui : Il n'y a pas de changement spectaculaire. Ça a l'air d'être calme, ça a l'air d'être statique même depuis une demi décennie. En réalité, il y a beaucoup de variables qui évoluent. Il ne faut pas, à mon avis, prêter trop attention à cette impression de calme. Par exemple, il y a notamment l'espèce de pivotage de la part de la Turquie, qui est connue pour avoir soutenu le gouvernement de Tripoli en 2019 et sortir victorieuse de cette intervention en 2020. Depuis, la Turquie est restée enracinée militairement à l'ouest et a tout de suite embrayé sur un effort de séduction, une espèce d'opération de charme vis-à-vis de son ancien ennemi, c'est-à-dire la famille Haftar à l'est. Et ce changement est en train d'accélérer en ce moment, avec des conséquences très néfastes pour la Grèce notamment. Ça veut dire que la Turquie pourrait basculer véritablement dans le camp de l'est dans les prochaines semaines, les prochains mois ? C'est en train de se faire. Si vous regardez par exemple les vols cargo de nature militaire entre la Turquie et Benghazi, vous serez absolument époustouflé par la fréquence des vols militaires. Ce sont des ventes d'armes qui sont en train de se faire. C'est un argument qui est très séducteur aux yeux des Libyens parce que l'industrie d'armement de la Turquie est très appréciée dans la région et dans le monde même. La famille Haftar est en très bonne position, notamment fiscale. Elle a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent, vraiment des milliards et des milliards de dollars. Donc, le basculement dont vous parlez est en train de se faire, et il est en train de se faire de manière extrêmement fiévreuse, si bien que je m'en inquiète. C'est-à-dire que je trouve que finalement, le calcul de la Turquie, il n'est pas juste limpide, il est aussi naïf. C'est très dangereux parce que les Libyens, c'est leur pays quand même. Quand ils veulent acheter des armes sur les marchés noirs internationaux, ils le font. Ils ont de l'argent sur le côté. Donc, cette idée que la Turquie peut tellement se permettre d'être décontractée par rapport à Tripoli, qu'elle possède soi-disant déjà pour aller fricoter à l'est tout en gardant Tripoli, ça peut très très mal finir cette histoire. Dans ces conditions, le maréchal Haftar pourrait-il être tenté de profiter de l'affaiblissement du gouvernement de l'ouest pour lancer une nouvelle offensive sur Tripoli ? Pas à froid, ça ne se fera pas à froid parce que ce n'est pas possible en termes d'image, en termes de réaction violente de la part de certaines villes qui compte, autres que Tripoli. Je pense notamment à Misrata qui est une ville riche et surtout ultra militarisée, très anti Haftar. En revanche, il y a un scénario qui m'inquiète, ce serait que pour des raisons dues à la paranoïa, assez justifiée finalement du point de vue d'Abdelhamid Dbeibah, qu'il lance la phase deux de la campagne violente qu'il a démarré en mai, parce qu'il y a une phase deux qui est en train de couver, là, elle est en train de fomenter. S'il la lance et qu'il ne réussit pas, c'est-à-dire qu'il ne détruit pas la seule milice qui continue à lui tenir tête à Tripoli, s'il ne la détruit pas en 48 ou 72h, eh bien on aurait une espèce de bourbier urbain dans lequel la famille Haftar interviendra sans doute. Et ça, ça pourrait survenir dans les prochaines semaines, les prochains mois ? Oui, dans les prochaines semaines, parce que l'ONU n'a pas eu de feuille de route précise depuis deux ans à peu près. Et donc elle prépare le dévoilement, si vous voulez, elle va révéler au monde sa nouvelle feuille de route au mois d'août, autour du 15 août à peu près. Et si le langage de cette nouvelle feuille de route inclut des expressions comme nouveau gouvernement unifié à Tripoli, nouveau gouvernement, ça veut dire que dans le plan diplomatique proposé par l'ONU, eh bien, on préconise le départ de la famille de Dbeibah. Eh bien, ça voudra dire que Dbeibah aurait toutes les raisons du monde de lancer son attaque avant pour empêcher ce genre de langage diplomatique. Donc, on assiste à une situation un petit peu comme en avril 2019, parce que, à l'époque, l'envoyé spécial de l'ONU, Ghassan Salamé, était en train de préparer une bonne initiative de paix. Et bien cet argument avait fini par accélérer l'attaque physique, une attaque militaire donc, de la part du maréchal Haftar contre Tripoli. On a le sentiment que le maréchal Haftar travaille son image à l'international. Son fils, Saddam a récemment effectué une tournée diplomatique qui l'a amené notamment aux États-Unis, en Turquie, au Pakistan, en Égypte ou encore en Italie… Oui, c'est le fils le plus actif, le plus ambitieux, le plus audacieux. Le maréchal Haftar a six fils. Au moins six fils. Et Saddam est un des plus jeunes, mais en même temps un des plus voraces. Et donc ce qu'il essaye de faire, c'est s'ériger en tant que successeur presque non controversé avant la mort de son père. Les États étrangers sont contents de lui prêter le flanc, de le flatter, de ne pas le critiquer pour ses nombreuses activités de crime organisé, des choses comme ça, parce qu'on se dit de toute façon, il va sans doute pouvoir s'imposer comme non pas le remplaçant de son père à l'est et au sud, mais il va sans doute, avec le temps, puisqu'il est jeune, parvenir à s'affirmer et s'imposer comme le leader de toute la Libye pour la première fois depuis 2011.
Le président burundais, Évariste Ndayishimiye, a été désigné le 17 juillet envoyé spécial de l'Union africaine pour le Sahel. Sa mission sera de renouer le dialogue avec les trois pays de l'Alliance des États du Sahel, à savoir le Niger, le Mali et le Burkina Faso, qui sont suspendus de l'organisation depuis les coups d'État. Pourquoi Évariste Ndayishimiye a-t-il été choisi ? La nouvelle gouvernance de l'Union africaine souhaite-t-elle davantage impliquer les chefs d'État en exercice dans la résolution des conflits sur le continent ? Liesl Louw-Vaudran est conseillère principale à l'International Crisis Group pour l'Union africaine. Elle est l'invitée de Pierre Firtion. RFI : Comment analysez-vous la nomination d'Évariste Ndayishimiye comme envoyé spécial de l'Union africaine pour le Sahel ? Liesl Louw-Vaudran : Ça peut être un peu surprenant parce que, en fait, ce n'est pas dans l'habitude qu'un président de l'Union africaine, donc, João Lourenço de l'Angola, nomme un autre président en exercice en tant qu'envoyé spécial. Mais ça montre quand même que cette question du Sahel et de l'AES est très importante pour l'Union africaine. Et le fait que ces trois pays soient suspendus de l'Union africaine – ils ont aussi quitté la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest – est vraiment inquiétant. C'est presqu'existentiel pour l'unité africaine. Et l'Union africaine cherche depuis longtemps des moyens d'ouvrir le dialogue avec ces pays-là. Donc, c'est une très bonne chose que le président Lourenço lui-même prenne ça très au sérieux. Mais pourquoi avoir choisi le président burundais ? Le choix du président Évariste Ndayishimiye peut surprendre, comme je le disais, mais on pense que ça peut reposer sur plusieurs bases. Premièrement, ça peut créer une certaine continuité parce que le président burundais sera président de l'Union africaine l'année prochaine. Deuxièmement, il est aussi un ancien militaire, donc il sera peut-être plus à même de discuter avec les dirigeants de ces pays, même s'il est un peu d'une autre génération. Et je pense que, troisièmement, il est loin de la région, donc il peut être perçu comme plus neutre. Mais il faut dire qu'Évariste Ndayishimiye n'a pas vraiment d'expérience dans ce domaine de négociation, de dialogue. Il était président de la Communauté Économique des États de l'Afrique centrale aussi quand il y avait de nombreuses crises dans cette région. Donc, on n'a pas vu vraiment le fait qu'il a mis en œuvre sa capacité de dialogue. Donc, il manque de l'expérience. Quel va être précisément sa mission ? Ce sera d'abord, avant tout, on pourrait dire, de renouer le dialogue avec ces trois pays ? Je pense que c'est ça : c'est ouvrir le dialogue, créer la confiance, et puis faire des propositions certainement aux autres pays de l'Union africaine : comment engager ce processus de dialogue, comment aider les pays (si c'est possible). Et puis, éventuellement, réfléchir à leur retour. On parle là d'Évariste Ndayishimiye. En avril, c'était le Togolais Faure Gnassingbé qui a été nommé médiateur pour le conflit dans l'est de la RDC. Nommer des chefs d'État en exercice, c'est une des marques de fabrique de la nouvelle gouvernance de l'Union africaine ? Oui, c'est quelque chose de nouveau. Mais je pense que le choix de la Commission de l'UA, c'est d'abord d'essayer de trouver des anciens chefs d'État. Aujourd'hui, par exemple, pour le Soudan, pour d'autres crises, on réfléchit à essayer de trouver des anciens chefs d'État avec suffisamment de poids sur le continent. Mais il faut dire qu'il y a très peu d'options. Choisir un président en exercice, ça a aussi ses difficultés. On l'a vu avec l'Angola et la crise des Grands Lacs. Ce sont des chefs d'États qui ont leurs propres problèmes à gérer dans leur propre pays. Mais on a l'impression que l'Union africaine est un peu à court de solutions. Je pense que l'Union africaine cherche des mécanismes qui peuvent être efficaces, mais ce n'est pas facile. Sur les grandes crises du moment, l'Union africaine peine toujours à faire entendre sa voix et à imposer ses vues. Qu'est-ce qui bloque concrètement ? Vraiment, je pense que, concrètement, ce qui bloque, c'est d'abord la capacité de l'institution qui a vraiment un faible budget, un faible staff, et de multiples crises à gérer. Il y a un problème de subsidiarité. C'est-à-dire que, dans beaucoup de crises, c'est la région elle-même qui la prend en charge. Et très souvent, il y a tension entre l'Union africaine à Addis-Abeba et les régions, comme par exemple avec les Grands Lacs, avec la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), la Communauté est-africaine (EAC) et l'Union africaine qui n'a pas vraiment trouvé sa place là, à part avec cette médiation angolaise. Et je pense que, troisièmement, avec le rôle des acteurs extérieurs dans les crises, comme au Soudan par exemple, c'est très difficile pour l'Union africaine de peser dans un conflit où il y a des acteurs très puissants. Donc, ça échappe un peu à l'Union africaine. Et comme je le dis, il y a des conflits comme celui au Soudan du Sud où l'Union africaine peut éventuellement faire quelque chose. La Somalie, c'est pareil, il y a une force africaine, donc il y a des endroits et des opportunités pour l'Union africaine de montrer son efficacité. Même si dans des grandes crises très importantes comme celle du Soudan, pour le moment, l'Union africaine n'arrive pas à y avoir vraiment un rôle.
En Afrique, la déforestation s'accélère, constate la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. Cette déforestation touche non seulement les forêts tropicales, mais aussi de plus en plus les forêts urbaines. C'est le cas de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, qui compte (environ) 17 millions d'habitants. On parle du constat et des conséquences de ce déboisement, avec l'urbaniste congolais Joël Kyana Basila, de l'Institut Supérieur de l'Urbanisme de Kinshasa. Il est l'invité d'Alexandra Brangeon.
C'était il y a quasiment deux ans jour pour jour. Le 26 juillet 2023, le président nigérien Mohamed Bazoum, était renversé par un coup d'État. Le commandant de la garde présidentielle, Abdourahamane Tiani, devenait alors le nouvel homme fort du pays. Deux ans après, la junte militaire, qui avait promis à ses débuts de rendre le pouvoir aux civils, est toujours à la tête du pays. Abdourahamane Tiani a été investi en mars président pour un mandat de cinq ans renouvelables alors que les partis politiques ont eux été dissouts. L'ancien président Mohamed Bazoum est lui toujours détenu au sein du palais présidentiel. Quel regard porter sur l'évolution du Niger depuis deux ans ? L'essayiste nigérien Seidik Abba préside le Centre international de réflexions et d'études sur le Sahel. Il est ce matin l'invité de Pierre Firtion. RFI : Comment va le Niger, deux ans après le coup d'État qui a renversé Mohamed Bazoum ? Seidik Abba : Je pense que le bilan est mitigé pour les militaires. C'est clair que dans leur bilan, il y a quelques éléments positifs. Il y a aussi des éléments négatifs. Mais si on devait juger simplement à l'aune de leurs propres promesses, celle de la sécurité et d'une meilleure gouvernance, d'une gouvernance plus vertueuse, on peut dire que le bilan n'est même pas au rendez-vous. Le général Tiani utilise de plus en plus la rhétorique souverainiste pour justifier de l'état du pays. Cette stratégie de communication n'est-elle pas destinée à masquer les échecs de la junte sur un plan économique et sécuritaire ? Oui, elle a pu prospérer au début. Au début, l'argument souverainiste a été avancé et a été mobilisateur, mais au fur et à mesure que les choses ont évolué, les populations ont compris qu'il fallait passer de la rhétorique et du slogan à des questions concrètes. La question de l'énergie n'a pas été totalement résolue. La question aussi du pouvoir d'achat simplement. Je crois que, au fur et à mesure que la situation va évoluer, l'argument souverainiste va montrer ses limites et la base sociale, l'audience et le soutien va continuer à s'effilocher. Et ça, je crois que c'est une des principales menaces qui guette le pouvoir militaire actuel. Sur le plan sécuritaire, le pays est en proie ces dernières semaines à des attaques répétées de l'EIS, l'État islamique au Sahara. Comment expliquer ce regain de violence et la réponse très limitée de l'armée nigérienne ? Il y a plusieurs facteurs. D'abord, au début, beaucoup d'unités combattantes aguerries avaient été rappelées pour défendre le pouvoir de Niamey après le coup d'État. Et je crois qu'elles n'ont pas encore totalement repris leur place compte tenu de la situation financière. Au Niger, 40% du budget repose sur des contributions extérieures. Donc aujourd'hui, il y a beaucoup de difficultés de trésorerie, beaucoup de difficultés qui impactent aussi la chaîne d'approvisionnement, la logistique des forces qui sont engagées. Et puis maintenant, il y a aussi le fait que, en dépit de tout ce qui est affirmé, la coordination avec les pays voisins, que ça soit les pays de l'AES, cette coordination n'est pas arrivée à un niveau de montée en puissance qui permet d'empêcher les incursions de groupes jihadistes et leur repli sur le territoire voisin. Quand vous mettez tous ces éléments – l'absence aussi de tout ce qui a pu être apporté par les pays étrangers, les forces internationales en matière de renseignements, si vous omettez toutes ces difficultés – vous arrivez à la situation que connaît aujourd'hui le pays. Seidik Abba c'est cette faible réponse sécuritaire qui explique ces mouvements de grogne que l'on a vus apparaître le mois dernier au sein de l'armée... Oui, les militaires qui ont organisé ces mutineries ont avancé des éléments factuels. Ce n'étaient pas des revendications politiques mais c'étaient des revendications sur leurs conditions professionnelles. La question de l'approvisionnement qui n'arrive pas souvent à temps, la question du paiement de salaire qui n'arrive pas souvent à temps et la question des équipements aussi. À lire aussiNiger: deux mouvements d'humeur de soldats en 72 heures Mais est-ce que le pouvoir craint, aujourd'hui, peut-être plus qu'avant de se faire renverser ? Non, je crois que la difficulté ne viendra pas de ce côté-ci. Pour moi, le risque le plus important pour les militaires, c'est la grogne sociale qui va naître. À force de maintenir la frontière avec le Bénin fermée alors que le pays n'a pas de façade maritime, ça crée une inflation dans les prix. Il n'y a pas d'embellie à l'horizon pour la situation financière du pays. Et ça, ça va impacter la grogne sociale. Abdourahamane Tiani a fait libérer le 1er avril des figures de l'ancien régime, expliquant vouloir œuvrer pour le pardon et la réconciliation. Mais Mohamed Bazoum est toujours détenu. Le pardon, oui, mais pas pour tout le monde... Oui, on peut le résumer comme ça. C'est un pardon aujourd'hui, à l'heure qu'il est, un peu sélectif. Je ne vois pas comment on peut pardonner et ouvrir une nouvelle page alors que l'ancien président est en détention depuis deux ans. Le pouvoir peut objecter qu'il a un dossier judiciaire sauf que le dossier judiciaire n'a jamais avancé. Et il est toujours détenu dans un endroit qui n'est pas un établissement pénitentiaire. Même cas par exemple pour l'ancien ministre de l'Intérieur, Hama Souley, qui est détenu. Il y a donc un pardon à la carte. Une grande partie de l'opinion a montré son scepticisme sur cette notion de pardon et son incompréhension pour dire, on pardonne à qui, pourquoi ? Dans la pratique, on voit que justement que c'est un pardon un peu sélectif. Et ça, à mon avis, ça n'arrange pas les choses dans le pays. À écouter aussiÀ la Une: au Niger, le général Tiani assoit son pouvoir
L'Afrique contre la démocratie, c'est le titre-choc de l'ouvrage du journaliste indépendant Ousmane Ndiaye, qui vient de paraître aux éditions Riveneuve. Dans cet essai vigoureux, l'auteur s'attaque au mythe de l'officier patriote et intègre qui fait un putsch pour sauver son pays. Il répond aussi à ceux qui affirment que la démocratie à l'occidentale n'est pas adaptée aux valeurs africaines. Ousmane Ndiaye, qui a été notamment le rédacteur en chef Afrique de TV5 Monde, répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Vous dites que l'un des arguments les plus forts des régimes putschistes d'Afrique de l'Ouest, c'est l'incapacité des régimes civils à repousser la menace jihadiste. Est-ce que ce n'est pas un bon argument ? Ousmane Ndiaye : C'est un argument cousu de fil blanc. Vous prenez un pays comme le Mali ou le Burkina Faso, mais la réalité c'est que les militaires ont toujours été au cœur de la gouvernance politique. Il n'y a pas eu d'un côté les civils qui gouvernent versus les militaires. Ensuite, deuxième chose, vous prenez un pays comme le Mali. Ça a été plus longtemps dirigé par des militaires que des civils. Vous parlez de ces généraux maliens qui ont passé plus de temps à faire de la politique qu'à faire la guerre. Et vous déconstruisez le mythe des militaires maliens intègres en rappelant qu'il y a dix ans, un général français, Bruno Heluin, a réalisé un audit accablant sur la corruption au sein de l'armée malienne... Il n'y a pas une différence. Il n'y a pas un clivage entre civils et militaires parce qu'on trouve cette constante dans les armées du Sahel. Donc le mythe kaki qui sauve qui est non corrompu, patriote, ça ne tient pas à l'épreuve des faits. Vous dites que, dans ce rapport, il est notamment écrit que l'armée malienne a reçu, à la fin des années 2000, quelque 800 pickups, mais qui ont tous disparu. Les moteurs ont été volés à des fins privées, c'est ça ? Oui, c'était un entretien qu'il m'avait accordé où il parlait de ces pickups qui ont été détournés et vendus. Alors ce que vous appelez le déni de démocratie, qui gagne plusieurs États africains et une partie de la jeunesse africaine, il s'appuie, dites-vous, sur le rejet de la France et non au modèle des démocraties occidentales. Mais de fait, est-ce que le général Mamadi Doumbouya n'a pas raison quand il dit à la tribune des Nations unies que ce modèle de démocratie n'est pas adapté aux valeurs africaines ? Il a tort pour plusieurs raisons. Quand vous prenez le cas de la Guinée, puisqu'on parle de Mamadi Doumbouya, le système de Sékou Touré ne peut pas dire que c'est un système basé sur le modèle occidental. Non ! Et je pense que ce n'était pas un système démocratique, c'était un régime dictatorial. Et puis c'est dangereux, l'idée de dire qu'on va adapter la démocratie aux valeurs africaines parce que ça suppose qu'intrinsèquement les valeurs africaines sont antidémocratiques, ce qui est terrible parce que cela relève d'un préjugé relevant d'une sorte de mépris, d'infériorité. Et puis parce que c'est totalement faux. À écouter aussiLe grand invité Afrique - «Les coups d'État en Afrique rencontrent une certaine audience auprès de la population» Vous écrivez, Ousmane Ndiaye que l'aveuglement anti-occidental est un outil de légitimation des nouvelles dictatures liberticides et sanguinaires du Mali, du Niger, du Burkina et de la Guinée. Mais vous, qui voyagez beaucoup, est-ce que vous pensez que les régimes militaires d'Afrique de l'Ouest sont majoritairement soutenus par les habitants de ces pays ? Il faut se méfier de cet argument de la popularité des régimes militaires. D'abord, dans une dictature, il n'y a pas d'opinion publique et donc c'est très compliqué de mesurer le niveau d'adhésion. Par contre, ce que je trouve populaire, c'est l'aspiration des africains à sortir d'une certaine domination postcoloniale. Ça, c'est une réalité. C'est une lame de fond. Il y a une captation par le discours militaire de ce sentiment légitime et de ce sursaut africain. Une partie de ces coups d'État est une sorte de hold-up sur des mouvements sociaux légitimes. Donc il est là, le coup de génie des nouveaux régimes militaires avec un argument-massue, c'est le rejet de l'Occident et de la France. Et cela marche. Dans votre livre, Ousmane Ndiaye, vous racontez comment les nouveaux dirigeants du Sénégal, notamment le Premier ministre Ousmane Sonko et le député Pastef Guy Marius Sagna soutiennent ouvertement le régime répressif du capitaine Traoré au Burkina Faso alors que l'un des prisonniers politiques les plus connus dans ce pays, maître Guy Hervé Kam, n'est autre que l'avocat d'Ousmane Sonko. Comment expliquez-vous ce que vous appelez ce basculement idéologique à Dakar ? Pour moi, c'est surtout un double standard, notamment dans les mouvements révolutionnaires progressistes de gauche qui considèrent que les standards démocratiques sont variables en fonction des situations. Et la contradiction du Pastef et de ses alliés, c'est que le Pastef s'est battu au Sénégal pour avoir de la liberté d'expression, pour avoir le droit de ne pas être dissous. Et pendant ce temps-là, les mêmes qui se battent, légitiment dans le pays voisin, le Mali ou le Burkina, un régime qui a décidé de dissoudre tous les partis politiques. Et je pense que c'est une des maladies du continent aujourd'hui. Ces doubles standards qui souvent s'expliquent au nom de l'anti-impérialisme. Je ne comprends pas pourquoi tout ce que le Pastef n'accepte pas au Sénégal en termes de restrictions, l'accepte ailleurs. À lire aussiBurkina Faso: l'avocat Guy-Hervé Kam de nouveau placé sous mandat de dépôt
Un journaliste incarcéré au Bénin avec l'aide de la Côte d'Ivoire, des éditorialistes ciblés au Sénégal… Ces trois pays ont une longue tradition de respect de la liberté d'expression, mais la situation des journalistes se dégrade depuis des semaines au Sénégal et en Côte d'Ivoire. Au Bénin, cela fait maintenant plusieurs années que journalistes et médias sont régulièrement pris pour cible. Quelle est précisément la situation dans ces pays ? Comment en est-on arrivé là ? Sadibou Marong, le directeur du bureau Afrique de Reporters sans frontières répond à Pierre Firtion. RFI : L'histoire a défrayé la chronique. Hugues Comlan Sossoukpè est incarcéré depuis huit jours à Ouidah au Bénin. Ce journaliste critique du régime béninois vivait depuis 2019 au Togo avec le statut de réfugié politique. Mais le 13 juillet, il a été extradé par la Côte d'Ivoire alors qu'il participait à un forum à Abidjan. Les autorités ivoiriennes l'ont-elles piégé selon vous ? Sadibou Marong : Nous pouvons valablement parler de piège comme nous pouvons aussi parler d'une mission professionnelle de journaliste qui s'est finalement transformée en traquenard. Le journaliste béninois, Hugues Comlan Sossoukpè, qui est journaliste réfugié au Togo depuis quelques années et qui est aussi le directeur du média béninois d'investigation Olofofo, a officiellement été invité par le ministère ivoirien de la Transition numérique pour couvrir un événement sur l'innovation digitale. Il a été considéré comme un journaliste, et là, je cite les propos du ministère, « un journaliste reconnu de la sous-région dans ce domaine ». Comment expliquer un tel acte de la part des autorités ivoiriennes ? C'est compliqué, car c'est inédit. On pourrait même considérer qu'un tel acte pourrait étonner pratiquement tous les défenseurs de la liberté de la presse d'une manière générale. Surtout par exemple quand on sait que la Côte d'Ivoire, ces dernières années, était assez bien classée au classement mondial de la liberté de la presse avec des bonds assez intéressants. Il n'y a qu'en 2025 que le pays a assez reculé. Mais il est aussi clair que cette liberté de la presse en Côte d'Ivoire était encore étroitement liée au contexte politique. Il y a aussi l'influence de certains partis, des responsables politiques dans les médias qui devenaient très grands. Dans tous les cas, c'était quand même un environnement assez intéressant. Disons que les médias évoluaient en Côte d'Ivoire jusqu'à ce que l'on se rende compte effectivement qu'il y a eu un peu ce traquenard-là. Et on ne peut pas dire que les autorités n'ont pas été complices. On peut fondamentalement dire que les autorités ivoiriennes étaient au courant, avaient certainement dû être consultées et avaient donc donné leur accord et leur aval pour pouvoir livrer ce journaliste-là. Cela est extraordinairement grave d'autant plus que c'est un journaliste réfugié. On comprend aussi que c'est le début, peut-être, d'un durcissement de la situation. La Côte d'Ivoire va vers une élection présidentielle en octobre prochain et on a vu récemment des menaces contre des correspondants de la presse internationale de la part de certains partisans politiques. À lire aussiBénin: le journaliste Comlan Sossoukpè mis en examen et placé sous mandat de dépôt Cette dérive, elle est en revanche beaucoup plus visible au Bénin, où la presse est ciblée depuis plusieurs années... Le régime du président Patrice Talon à son arrivée était jugé relativement stable. Mais ces dernières années quand même, c'est un régime qui est nettement imprévisible par rapport à la liberté de la presse. Actuellement, dans le contexte actuel, on voit que les voix indépendantes et les journalistes critiques, même modérés, sont perçus avec une attention assez croissante. Le cas de Hugues Sossoukpè est là. Je pense que les autorités béninoises l'attendaient. Ils faisaient tout pour essayer de l'avoir. Mais auparavant, on a vu aussi une vague de suspension de médias et d'instrumentalisation des régulateurs. Le régulateur des médias, la HAAC, a pris des décisions qui sont pour nous très disproportionnées avec une vague de suspension des médias. Il y a eu des vagues de répression. Et comme on va vers une élection également dans ce pays-là, on voit les dispositions de surveillance qui s'intensifient. Le climat se charge lentement mais sûrement au Bénin. Le Bénin, la Côte d'Ivoire, on parle là de pays où la liberté d'expression a longtemps été respectée. C'est le cas aussi au Sénégal. La situation des journalistes s'était améliorée, on va dire entre 2024 et 2025, mais là, depuis quelques semaines, on dénombre à nouveau des attaques contre la presse. Au Sénégal, bien que le pays ait fait un bond de 20 places lors du dernier classement mondial de la liberté de la presse, nous avons commencé à observer beaucoup de faits nouveaux ces derniers mois. Il y a la question des détentions de commentateurs et de chroniqueurs dans les médias. Par exemple, il y a le journaliste Bachir Fofana et les commentateurs Badara Gadiaga, Abdou Nguer qui utilisent les médias pour jouir de leur liberté d'expression au Sénégal. Et tout cela, ce sont des choses qui reviennent. Et l'impression qu'on a, c'est plus qu'une sorte de contrôle du narratif, disons, des voix discordantes. Et ces voix discordantes, de notre point de vue, doivent pouvoir être acceptées dans un État démocratique. Maintenant, ce qui est le plus important pour nous, c'est l'appel que nous avons lancé aux autorités qui ont commencé à s'atteler à faire des concertations. Mais aussi à réconcilier les résultats des assises nationales dans la presse, des concertations, disons, du secteur de la communication. Il faut réconcilier tout cela. Et également aussi s'atteler à renforcer les capacités des organes de régulation des médias. À lire aussiSadibou Marong (RSF): «Les journalistes des radios communautaires paient un lourd tribut dans la région du Sahel» À lire aussiSadibou Marong: «La situation des journalistes en Afrique subsaharienne ne s'est pas améliorée»
Après des années de brouille, la Centrafrique et la France ont repris leur partenariat en avril 2024 et une feuille de route a été signée entre les deux pays. Le président centrafricain s'est rendu en France à plusieurs reprises en 2024 et le 10 juillet dernier, le général français Pascal Ianni, à la tête du commandement de l'armée française pour l'Afrique, s'est rendu à Bangui. Il a évoqué avec le ministre centrafricain de la Défense Claude Rameau Bireau le partenariat entre les deux armées, en matière de formation. L'armée française accueille en ce moment une quinzaine d'officiers et sous-officiers centrafricains. Qu'est-ce qui a poussé Bangui à reprendre ses relations avec Paris ? Thierry Vircoulon est chercheur au centre Afrique de l'IFRI. RFI: c'est une première depuis neuf ans. Un général français s'est rendu à Bangui. Pascal Ianni qui est à la tête du commandement de l'armée française pour l'Afrique a fait le déplacement pour évoquer le partenariat entre les deux armées en matière de formation. C'est là un symbole fort, surtout quand on se rappelle le rôle joué par l'armée française dans le pays. Thierry Vircoulon : Oui, c'est en effet un retour après une longue période d'éclipse puisque la coopération militaire entre la France et la Centrafrique avait été réduite drastiquement et avait même quasiment disparu, alors que, en effet, la France a pendant longtemps, je pense surtout au 20ᵉ siècle, joué le rôle à la fois de créateur et de formateur de l'armée centrafricaine. Paris et Bangui ont relancé leurs relations en avril 2024. Après plusieurs visites du président Touadéra en France, ce déplacement, c'était là un moyen, côté français, d'acter en quelque sorte ce rapprochement ? C'est-à-dire qu'il y a eu une feuille de route qui a été signée entre Paris et Bangui pour reprendre les relations qui avaient été rompues. Enfin pas rompues officiellement, mais en tout cas qui étaient très mauvaises pendant plusieurs années. Et donc la feuille de route qui a été signée avait plusieurs axes et impliquait en effet qu'un certain nombre de coopérations soient renouées. Et on voit avec la visite du général Ianni que la coopération militaire fait partie de ces coopérations qui devaient être renouées. Qu'est-ce qui a poussé les autorités centrafricaines à reprendre ce partenariat avec la France ? Je ne sais pas. Et je me demande même, qu'est-ce qui a poussé les autorités françaises à reprendre ce partenariat avec Bangui ? Puisque que dans le fond, on ne voit pas cette feuille de route qui a été signée l'année dernière, on ne voit pas quel était son objectif stratégique dans la mesure où Paris n'a plus aucun intérêt en Centrafrique. Total et Bolloré sont partis. Ils ont vendu leurs actifs en Centrafrique depuis quelques années et donc il y a quasiment plus de société française là-bas. Il y a une communauté française qui est très limitée, donc on ne voit pas vraiment qu'est-ce qui a pu motiver Paris à vouloir renouer comme ça avec un régime qui est à bout de souffle. Est-ce qu'il n'y a pas un enjeu stratégique pour la France de ne pas laisser la Russie seule là-bas ? On sait que la France a été un petit peu, on ne va pas dire chassée, mais… Si, il faut dire chasser, oui, il faut dire chasser. La France a été chassée par la Russie, est-ce qu'il n'y a pas aussi un enjeu stratégique pour Paris ? Oui, alors on peut dire que c'est ça l'enjeu stratégique. Mais pour le moment, on n'a pas vraiment vu la perte d'influence de la Russie sur le régime centrafricain. Au contraire, le président Touadéra a été voir Vladimir Poutine au début de cette année. Les échanges continuent, si je puis dire. Mais surtout, la mainmise de Wagner reste totale sur l'appareil sécuritaire centrafricain. Donc, on ne voit pas ce que cette politique a amené pour le moment. La feuille de route a permis d'une part de libérer un citoyen français qui était dans les geôles centrafricaines, ça, c'est clair. On voit aussi, quand on monitore un peu les médias centrafricains, que la propagande anti-française a diminué. Donc, il y a eu des signes du gouvernement centrafricain en quelque sorte. Mais par contre, il n'y a aucun signe de diminution de l'emprise russe sur le régime centrafricain. Il y a un scrutin présidentiel qui se profile à l'horizon en décembre 2025. Est-ce que côté centrafricain, le président Touadéra ne cherche-t-il pas quand même des appuis avant cette échéance importante ? Il cherche des appuis, mais pas du côté français en tout cas. Puisque premièrement, la contribution financière de la France aux élections dont vous parlez devrait être extrêmement modeste, s'il y en a une. Et en fait, sa garantie de réélection, il est allé la chercher à Moscou et également aux Émirats arabes unis. Et surtout en introduisant des modifications de la Constitution qui mettent hors-jeu la plupart de ses adversaires politiques parce qu'avec les nouvelles règles juridiques qui ont été mises dans la Constitution la candidature de beaucoup d'entre eux ne devrait pas pouvoir être validée par la Commission électorale. À lire aussiCentrafrique: Paris et Bangui envisagent une reprise de leur coopération militaire
Deux jours après la signature de la déclaration de principes entre le gouvernement congolais et l'AFC/M23 à Doha, sous la médiation du Qatar, place désormais à la mise en œuvre. Quel état d'esprit anime les deux parties ? Sont-elles prêtes à respecter les engagements pris ? Et concrètement, comment suivre ce processus de désescalade sur le terrain ?Jacquemain Shabani, vice-Premier ministre congolais, en charge de l'Intérieur, de la Sécurité, de la Décentralisation et des Affaires coutumières, a suivi les discussions à Doha pour le compte du gouvernement. Il est l'invité de RFI ce matin. Il répond aux questions de Patient Ligodi. RFI : Pourquoi parle-t-on d'un cessez-le-feu permanent et non pas d'un cessez-le-feu immédiat ? À partir de quand ce cessez-le-feu permanent est-il censé être entré en vigueur ? Jacquemain Shabani : Il est entré en vigueur depuis le communiqué du 23 avril. La déclaration des principes est revenue là-dessus pour insister et réaffirmer la volonté des parties sur ce principe-là. Et à quelle date est prévue la mise en place du mécanisme conjoint de vérification entre le gouvernement congolais et l'AFC/M23 ? Est-ce que la Monusco et le Qatar seront associés à ce mécanisme ? Ils seront nécessairement associés à ce mécanisme-là. Et tout cela va être explicité et décliné dans le communiqué de paix qui va bientôt être signé encore une fois à Doha. Dix jours à dater de la signature de la déclaration de principes, les équipes vont se retrouver pour la rédaction et la signature du prochain document qui est le communiqué de paix. Que se passera-t-il si l'une ou l'autre des parties ne respecte pas les dispositions de la déclaration de principes ? Depuis le communiqué du 23 avril, il y a autour de la médiation qatarie, un mécanisme d'observation et de vérification de l'état des lieux de la zone en conflit. Et il y a des rapports quotidiens qui se font, qui permettent aussi à cette médiation d'interpeller d'une certaine manière les différentes parties. Et à ce propos, les textes mentionnent que les parties s'engagent à faire en sorte que toutes les forces impliquées respectent le cessez-le-feu. Cela signifie-t-il que vous allez également influencer les Wazalendo et autres groupes armés qui combattent à vos côtés ? Nécessairement. Ici, il faut intégrer le fait que nous avons ce souci-là de stabilité, de la quiétude de nos populations qui vivent dans ces zones. Il est de notre devoir de l'influencer dans ce sens-là, et c'est le rôle que nous jouons au quotidien. Si vous suivez les activités des gouverneurs de province, c'est le rôle qu'ils sont en train de jouer. Dans la déclaration de principes, il est aussi question de la libération des prisonniers. L'AFC/M23 évoque plus de 700 détenus issus de ses rangs. Quand auront lieu les premières libérations ? Alors, cette question a été indiquée effectivement comme étant un des principes qui fera l'objet des échanges et des discussions pour la rédaction de l'accord de paix. Donc, il faut attendre encore quelques jours pour voir la signature de ce document final qui va définir et déterminer les conditions dans lesquelles les différents prisonniers, de part et d'autre, pourront être libérés. Cette question va être discutée et résolue dans l'accord de paix ou bien avant l'accord de paix ? Dans l'accord de paix. Si un accord global est signé effectivement d'ici au 17 août, quel avenir voyez-vous pour l'AFC/M23 ? Bon, je ne saurais moi-même ici aujourd'hui définir un avenir clair pour cette organisation, mais je crois que ça va faire l'objet des différentes discussions. Nous avons aussi identifié comme principe la nécessité d'un dialogue politique, donc nous verrons, entre autres, dans les différentes discussions. Mais c'est à eux aussi de s'exprimer et d'intégrer le processus dans lequel la République démocratique du Congo est en train de s'engager pour que, enfin, ce cycle de violences, de guerres et d'interventions de forces étrangères dans la déstabilisation de la République démocratique du Congo, ne se répète plus. Et de réaliser qu'il y a eu déjà auparavant un pacte républicain mis en place, arriver à l'intégrer, et à eux aussi en toute responsabilité de faire un choix pour le bonheur du peuple congolais et pour la stabilité de la République démocratique du Congo.
L'Unesco s'est alarmée à plusieurs reprises d'un « niveau sans précédent » des « menaces sur la culture » au Soudan, s'appuyant sur les rapports de « pillages de musées, de sites patrimoniaux et archéologiques et de collections privées ». On en parle avec notre grande invitée Afrique ce samedi : Ikhlas Abdel Latif, directrice des musées à l'Autorité nationale des antiquités du Soudan, présente à Paris fin juin, pour participer à une réunion sur les vestiges historiques pillés ou menacés dans certains pays comme le Soudan, le Yémen ou la Libye. Ikhlas Abdel Latif affirme que tous les musées nationaux et privés dans les zones contrôlées par les paramilitaires des Forces de soutien rapide ont été pillés. Selon elle, il s'agit d'un « pillage organisé ». RFI : Pourriez-vous nous mettre au courant de la destruction qui a touché le secteur des musées et du patrimoine au Soudan ? Ikhlas Abdel Latif : Il est certain que les infractions, la destruction et le pillage qui ont affecté les sites archéologiques et historiques tout comme les musées ont été une pratique répandue à grande échelle. À Khartoum il y a 13 musées qui dépendent de l'Autorité générale des antiquités et des musées du Soudan. Mais il y a d'autres musées, comme le Musée militaire, le Musée du Palais présidentiel, le Musée d'Histoire naturelle… Ils sont rattachés à nous, car nous avons une responsabilité technique et artistique sur tout le secteur des musées au Soudan. L'Autorité générale pour les antiquités et les musées est officiellement responsable de tous les musées au Soudan. Et donc, tous ces musées à Khartoum ont été vandalisés ? Tous les musées qui ont été sous contrôle de la milice des Forces de soutien rapide ont été pillés, y compris celui d'histoire naturelle, qui abritait des animaux rares vivants. Il a été détruit. Ce qui a entrainé la mort de ces animaux. De même pour le musée de la Guerre où une grande partie des chars historiques a été détruite. Celui du Palais républicain a également été dévasté. Tous ces musées sont situés dans la région de Khartoum. Parmi les musées affiliés officiellement à l'Autorité générale des antiquités et des musées, il y a celui de l'Ethnographie, qui représentait les tribus et l'identité du Soudan dans sa diversité, tout en mettant en valeur l'unité à travers cette diversité. Il a été entièrement ravagé. Quant au Musée du Khalife Abdulah al-Taachi d'Omdurman, qui retrace une partie de la colonisation ottomane, et jusqu'à la libération, il a été partiellement détruit. Le musée national de Khartoum n'a pas non plus échappé à ce sort, des trésors inestimables, 100 000 pièces ont disparu ? Le Musée national soudanais à Khartoum est le plus grand du pays et l'un des plus importants. Il a été totalement pillé et vandalisé. Il abrite le plus grand entrepôt d'antiquités soudanaises. Le contenu du musée ainsi que l'entrepôt ont été pillés. Les objets n'étaient pas en exposition, mais emballés et disposés dans des caisses en raison des travaux en cours avant la guerre pour réhabiliter le lieu. Ce qui a facilité le pillage des pièces habituellement exposées. Quant au dépôt, il s'agit du plus grand des antiquités du Soudan. Malheureusement, les salles de stockage, également pillées, contenaient la plus grande quantité d'or du Royaume de Koshe. Tout cet or a été volé. Parmi les musées les plus importants également touchés, il y a celui de Nyala, au Darfour, le plus important de la région ? À Khartoum et sa région, nous avons des équipes qui travaillent à évaluer les pertes, mais en ce qui concerne les musées de Nyala et d'el-Geneina, ils sont toujours sous contrôle de la milice des FSR, tout ce que l'on sait, c'est que toutes les pièces du patrimoine qui se trouvaient à el-Geneina, ainsi qu'au musée privé du Sultan Bahr Eddine appartenant à la tribu Massalit, une tribu menacée par la milice, ont été entièrement pillées. Leur propre résidence l'a été également et les effets personnels de la famille du Sultan Bahr Eddine ont été emportés. Le musée de Nyala est considéré comme un musée national à l'échelle de la région du Darfour. Même les vitrines d'exposition ont été pillées et la milice y réside toujours. Il y a encore des musées que les Forces de soutien rapide utilisent comme résidence pour leurs hommes armés, ce qui expose les lieux et leur contenu à des dommages irréparables ? Oui, en effet, c'est bien ce que j'ai mentionné, le musée de Nyala est considéré comme leur siège. Le musée est au Darfour qui n'est pas encore libéré de leur présence. Les FSR sont une milice primitive qui ne comprend rien à la valeur de ces vestiges, à l'archéologie et à l'histoire. Alors oui, ils volent ces antiquités de manière systématique et étudiée : seules les antiquités distinctives et de très grande valeur ont été volées. Qui voulez-vous accuser ? Ceux qui financent les FSR et qui sont derrière eux. Je n'en dirai pas plus. Vous avez formé un comité pour récupérer et suivre les vestiges pillés ? J'ai formé ce comité en tant que présidente de la direction des musées, et la présidente de l'unité de suivi des vestiges pillés. Il y a un directeur sur le terrain à Khartoum. Ce comité s'occupe de tous les musées libérés dans la zone de Khartoum, et travaille sur l'évaluation des dommages. Il dresse l'inventaire de ce qui a été pillé et de ce qui reste. En même temps, il s'occupe aussi de la protection de ce qui reste. Espérez-vous récupérer ces objets pillés ? Nous y travaillons d'arrache-pied. Nous faisons tout notre possible. Depuis août 2023, nous avons pris rapidement des mesures pour surveiller ce qui se passe. L'Autorité générale des antiquités et des musées travaille main dans la main avec le gouvernement comme avec le procureur général, l'antenne locale d'Interpol, la police, la justice et le ministère des Affaires étrangères. Nous œuvrons tous à ce que la communauté internationale sache ce qui se passe à ce niveau. Nos partenaires à l'étranger ont proposé effectivement leur aide. Ils ont tous manifesté leur intérêt à l'échelle mondiale. Est-il vrai que l'on trouve ces vestiges en vente en ligne sur certains sites ? Je tiens à préciser que nos antiquités, jusqu'à maintenant n'ont pas fait leur apparition en ligne ou dans les maisons de ventes aux enchères. Ce qui indique le contrôle du gouvernement du Soudan, sur l'acheminement de ces objets volés. Nous considérons que c'est un pillage en règle pour détruire l'identité du Soudan. Ces vestiges ne sont pas uniquement un héritage soudanais, mais c'est aussi un legs international et humain. Le Soudan regorge de pièces qui portent non seulement l'histoire de la civilisation au Soudan, mais qui font également partie de l'héritage de l'humanité. Ces vestiges sont notre héritage et montrent notre union, nos liens et notre identité. Au Soudan nous avons plus de sept pays voisins, c'est l'un des plus grands pays d'Afrique et il faut savoir que la multiplicité des tribus chez nous fait partie d'un seul moule, celui de notre civilisation ancienne, la civilisation Koushite qui nous lie tous. Il s'agit donc d'une guerre systématique contre l'identité du peuple soudanais. Y a-t-il un mot pour conclure ? Oui, j'aimerais juste lancer un appel à la communauté internationale. Tous nos partenaires mondiaux sont à nos côtés, mais je réitère mon appel à cette communauté, aux Nations unies, à l'Unesco, pour qu'ils rappellent une nouvelle fois l'interdiction de faire commerce de toute œuvre du patrimoine historique du peuple soudanais. Et de multiplier la lutte contre le trafic illicite de ces vestiges.
Il l'a annoncé dimanche 13 juillet par un simple tweet : Paul Biya sera candidat le 12 octobre prochain pour un huitième mandat présidentiel au Cameroun. Le chef de l'État a ainsi mis fin à un faux suspense. À 92 ans et après 42 ans au pouvoir, il sera donc candidat à sa propre succession. Cette nouvelle candidature a aussitôt été dénoncée par l'opposition, qui y voit « un mépris pour le peuple » et un président qui s'accroche au pouvoir. Comment analyser cette nouvelle candidature ? Peut-elle encore rassembler ? Brice Molo est sociologue et historien, docteur à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et à l'Université de Yaoundé. Il est l'invité de Pierre Firtion. RFI : À 92 ans, Paul Biya a donc annoncé dimanche 13 juillet se porter candidat à un huitième mandat. Comment analysez-vous cette candidature ? Ce n'est pas vraiment une surprise ? Brice Molo : Non, pas vraiment. Il y a eu un petit moment d'attente. Mais quiconque observe la scène politique camerounaise s'attendait à une candidature de Paul Biya. Il y a déjà eu par le passé, même en 2018, un petit moment de latence. Mais la déclaration, elle, finit toujours par arriver à peu près au même moment de l'année, à chaque fois. Ce qui diffère cette fois avec 2018, c'est que sa candidature, on pourrait dire, a suscité quelques tensions au sein du camp présidentiel. Comment est-ce que vous les analysez ? Paul Biya avait laissé une sorte d'incertitude sur sa candidature en annonçant que le moment venu, il dirait s'il rentre au village ou s'il se présente pour un nouveau mandat. Cette phrase-là a été plusieurs fois reprise à la fois par des proches du régime, comme des analystes, en disant qu'il y avait quand même comme une incertitude là-dessus. Tout cela s'inscrit aussi dans un climat politique assez particulier, avec la démission annoncée de deux ministres, avec le décès de membres du gouvernement, et donc avec l'impression aussi, au sein de l'opinion, qu'il y a une forme d'érosion du pouvoir et d'usure même aussi due à l'âge de Paul Biya et à ses apparitions de moins en moins nombreuses dans l'espace public. L'absence de Paul Biya est compensée par l'hyper présence du secrétaire général de la présidence de la République [Ferdinand Ngoh Ngoh, NDLR], dont quelques observateurs ont dit que c'était lui le véritable porteur, ou en tout cas profiteur de la nouvelle candidature de Paul Biya. À lire aussiCameroun: Paul Biya annonce sa candidature à la présidentielle pour un huitième mandat Le président camerounais est apparu mardi à la télévision alors que l'opinion, et vous en parliez, s'interroge un peu sur son état de santé. Est-ce pour justement rassurer la population ? Est-ce qu'il y a là la volonté de faire passer un message ? De mon point de vue, il y a la volonté de faire passer un message. On estime que Paul Biya n'est pas là ou que c'est une candidature qui est portée par des personnes qui veulent se servir de son image et de son corps pour se maintenir au pouvoir ou profiter du pouvoir ou encore garder des positions de pouvoir. À travers les images qu'on a vues de Paul Biya recevant le nonce apostolique, il y a aussi la volonté de faire passer le message selon lequel il est et qu'il reste. À 92 ans et après 42 ans au pouvoir, Paul Biya peut-il encore rassembler selon vous ? Paul Biya rassemble. Son nom est encore associé aux instruments qui permettent de gouverner. L'administration publique camerounaise est restée jusqu'ici assez loyale. Donc Paul Biya rassemble encore. Pourquoi ? Parce qu'il a encore la possibilité de rétribuer et de punir. Et cela ne nécessite pas d'être toujours présent. On a vu, il n'y a pas si longtemps, des mouvements au sein de l'armée avec la nomination des généraux et la nomination au ministère de la Défense. Tant que Paul Biya aura la capacité de rétribuer et de punir, il sera souverain. Et donc Paul Biya pourra rassembler et rassemblera toujours autour de lui. Il ne manque pas de personnes en quête de notabilité, en quête de prébendes ou en quête de position de pouvoir au Cameroun. À lire aussiCameroun: les interrogations qui entourent la candidature à la présidentielle de Paul Biya Côté opposition, plusieurs leaders se sont déjà portés candidats. Est-ce qu'une candidature unique est-elle encore possible à vos yeux ? Certains rapprochements sont beaucoup plus faciles et envisageables que d'autres. Il est envisageable de voir une coalition entre Cabral Libii et Joshua Osih. Je pense que sur la question du fédéralisme, il y a des passerelles entre les deux. Mais une coalition entre Cabral Libii par exemple et Maurice Kamto est beaucoup moins envisageable parce qu'idéologiquement, on a quand même affaire à deux oppositions radicales. Donc il peut y avoir des coalitions, il faut analyser les compositions possibles et celles qui seraient beaucoup plus de l'ordre de l'impossible. À lire aussiÀ la Une: l'indéboulonnable Paul Biya au Cameroun
Au Sénégal, la semaine dernière a été marquée par les critiques d'Ousmane Sonko à l'encontre du président Bassirou Diomaye Faye. Le Premier ministre, également chef du Pastef, le parti au pouvoir, a reproché au chef de l'État de ne pas suffisamment le soutenir face aux attaques dont il dit faire l'objet. Lundi 14 juillet, Bassirou Diomaye Faye a tenté d'éteindre la polémique, en affirmant qu'il n'avait pas de divergences avec son Premier ministre. « Il est mon ami, je n'ai aucun conflit avec lui », a-t-il assuré. Comment analyser cette séquence ? Traduit-elle un malaise au sommet de l'État sénégalais ? Mamoudou Ibra Kane est éditorialiste. Leader du mouvement « Demain, c'est maintenant », il avait fait campagne l'an dernier pour l'ancien Premier ministre Amadou Ba. Il est l'invité de Pierre Firtion ce matin.
Etienne Fakaba Sissoko est un économiste malien, professeur à l'université de Bamako et voix critique de la Transition. Après avoir publié fin 2023 un livre dans lequel il dénonçait la « propagande » des autorités de transition, Etienne Fakaba Sissoko a été condamné notamment pour « atteinte au crédit de l'État » et a passé un an en prison. Etienne Fakaba Sissoko avait déjà été emprisonné pendant six mois, deux ans plus tôt, sans aucune condamnation.Libéré fin mars, Etienne Fakaba Sissoko est désormais exilé, de passage en France. Tenir, témoigner, lutter : durant sa détention, le chercheur a écrit plusieurs livres dont Le trône des illusions (mai 2025, L'Harmattan). Un roman, une fiction, où le Mali de transition transparaît à chaque page. Les personnages et les situations collent au réel… sauf pour la fin, où l'auteur imagine la chute du régime. Etienne Fakaba Sissoko est l'invité Afrique de RFI, au micro de David Baché. RFI : Votre roman se passe dans le pays imaginaire de Gayma, sous un régime militaire putschiste autoritaire, le protagoniste Sabu est « un professeur devenu résistant », qui comme vous écrit, dénonce, est emprisonné… Je ne fais pas la liste des personnages dont on reconnaît facilement à qui ils correspondent : pourquoi avoir écrit un roman, et pas un essai politique sur le Mali de transition ? Etienne Fakaba Sissoko : Déjà, le fait de me retrouver en prison était dû à un essai politique que j'avais écrit : « Propagande, agitation, harcèlement, la communication gouvernementale sous la transition militaire ». Et donc, puisque la lutte aussi, c'est des phases, j'ai voulu essayer autre chose que d'appeler les choses par leur nom, tout en laissant la possibilité au lecteur de savoir exactement à quoi on fait référence. À lire aussiMali: après un an passé en détention, l'universitaire Étienne Fakaba Sissoko a été libéré Vous décrivez dans votre livre des scènes très touchantes, en prison, qui réunissent d'anciens ministres et des jeunes militants, avec des discussions politiques, des désaccords, mais aussi un amour de la patrie et une forme de fraternité. C'est-ce que vous avez vécu, dans la prison de Kenioroba ? Aujourd'hui effectivement oui, lorsqu'on pense à ces moments douloureux, je pense encore Adama Ben Diarra dit « Ben le cerveau », je pense à Ras Bath, à « Rose la vie chère », Clément Dembélé, Kalilou Doumbia, Adama Sangaré, l'ancien maire de Bamako… tous ces résistants qui se retrouvent aujourd'hui en prison et qui ont été des soutiens mutuels. On vivait les mêmes injustices, les mêmes privations de liberté et donc la seule alternative pour tenir, c'était justement de se nourrir de ces rêves pour le pays et surtout de ces débats que nous avions au quotidien. Donc c'était une fraternité effectivement, comme vous le dites, mais c'était surtout des moments profonds de réflexion pour l'avenir de notre nation. À lire aussiMali: l'économiste Etienne Fakaba Sissoko attend toujours son procès en appel Vous définissez le régime militaire de Gayma, le pays de votre roman, comme « un empire de répression et d'illusion ». C'est ce que vous pensez de la Transition malienne ? Pas que de la transition malienne. De toutes les transitions aujourd'hui au Sahel : que le lecteur soit du Niger, du Burkina ou du Mali, il saura retrouver les traits des pays qui répriment les libertés fondamentales, les libertés individuelles, qui dissolvent les partis politiques. Des régimes autoritaires qui se donnent des mandats à durée indéterminée, qui n'acceptent plus la critique et qui, finalement, se retrouvent dans des pays divisés où les populations se regardent en chiens de faïence. Et tout cela dans un contexte d'insécurité, de pauvreté extrême. Et l'illusion ? L'illusion, c'est le fait de croire que tout cela peut perdurer. Le fait de croire qu'avec la répression, on puisse se maintenir au pouvoir pour 5 ans, pour 10 ans, sans résultat probant. L'illusion, c'est surtout de penser que les populations resteront dans cette situation-là. Et aujourd'hui, nous sommes dans cette illusion-là qui est entretenue par nos autorités militaires, qui ont pris goût aux délices du pouvoir. L'illusion, c'est tout le narratif qui est présenté aujourd'hui aux populations. La question de la lutte contre l'insécurité. Nous avons suivi Kayes qui est tombée… À lire aussiMali: la Cour d'appel confirme la condamnation et la peine de prison d'Étienne Fakaba Sissoko Les attaques jihadistes tout le long de la frontière sénégalaise et mauritanienne, et notamment dans cette ville de Kayes. Exactement, et ces sept attaques qui se sont tenues simultanément dans ces régions-là montrent combien l'insécurité a gagné du terrain. Mais quand vous écoutez les autorités, vous avez l'impression que tout se passe bien. L'illusion, c'est surtout de dire qu'au Mali tout va bien, alors que les populations n'ont pas à manger trois fois par jour. L'illusion, c'est surtout de croire que nous avons un pays qui se développe lorsque que la moindre des choses qui est l'électricité, nous ne l'avons pas. Donc oui, l'illusion, c'est le narratif servi par les autorités maliennes actuellement. Dans votre livre, les habitants ont peur et n'osent pas critiquer le régime. Est-ce que c'est vraiment le cas, selon vous, au Mali ? Est-ce que la Transition n'est pas populaire, malgré les difficultés ? Si la Transition était populaire, elle aurait organisé les élections, comme elle a organisé le référendum il y a quelques années. Lorsqu'on est populaire, on n'a pas peur de se confronter au suffrage universel. Les militaires qui sont au pouvoir ne vont pas aux élections parce qu'ils savent qu'ils n'ont pas le soutien du peuple malien. Le rejet est tel que c'est impossible aujourd'hui pour les autorités actuelles, notamment Assimi Goïta, de se confronter au suffrage universel. Mais les objectifs de la Transition : sécuriser le pays, faire du Mali un pays souverain qui décide pour lui-même, ce ne sont pas des objectifs légitimes ? Des objectifs légitimes oui, mais lorsqu'on a passé cinq ans déjà dans une transition et qu'on n'est pas arrivé à lutter contre l'insécurité et que finalement, on se retrouve dans une situation où c'est l'inverse : l'insécurité qui était d'abord concentrée au nord s'est retrouvée au centre et aujourd'hui, c'est tout le pays, y compris le sud, le sud-ouest, qui sont touchés par l'insécurité. Donc en l'absence de résultats, on ne peut pas confier encore un mandat supplémentaire. C'est pourquoi je dis : quels que soient les objectifs que ces autorités-là vont présenter au peuple malien, ils ont échoué, ils doivent partir. De gré ou de force. À lire aussiMali: la Cour d'appel confirme la condamnation et la peine de prison d'Étienne Fakaba Sissoko Votre livre devient véritablement fiction lorsque le peuple se soulève et finit par renverser le tyran. Vous racontez une insurrection populaire, que vous appelez « la grande convergence », dans les villes et les campagnes, avec des réunions clandestines, et aussi le soutien de militaires désabusés… Ce que vous écrivez, on comprend que c'est peut-être ce que vous souhaitez. Est-ce que vous pensez vraiment que ça peut se passer comme ça ? C'est un vœu pour certains, mais pour moi, c'est un travail. C'est un travail de rassemblement, un travail de discussion, un travail de dialogue avec tous ceux qui aujourd'hui sont des acteurs importants de la stabilité du Mali. Je parle des partis politiques, je parle des groupes armés, qu'ils soient des groupes armés avec des revendications politiques ou des groupes armés avec d'autres types de revendications… Les rebelles et les djihadistes, pour traduire. Absolument. Il faut discuter avec tout le monde, arrêter de faire le faux-fuyant et penser que la guerre à elle seule peut amener la paix dans notre pays. Nous l'avons expérimenté depuis 2012. Jusqu'à maintenant, la situation continue de se détériorer. Il faut trouver autre chose. Vous êtes longtemps resté au Mali, malgré les risques. Vous en avez payé le prix, en séjournant longuement en prison. À présent que vous êtes sorti, vous êtes de passage en France, qu'est-ce que vous allez faire ? Je vais continuer à échanger avec les différents acteurs, tous ceux qui aujourd'hui estiment que le Mali a assez souffert sous cette dictature-là, tous ceux qui adoptent comme principe que la démocratie est la seule voie qui vaille au Mali et qu'il faut se battre pour arracher le pays des griffes de ces militaires actuellement au pouvoir. À lire aussiMali: le procès en appel de l'économiste Étienne Sissoko débute à Bamako
Réuni depuis le 7 juillet à Paris, le comité du patrimoine mondial de l'Unesco a décidé en fin de semaine d'inscrire 26 nouveaux sites sur la liste du patrimoine mondial. Cinq sont africains. Avec pour la première fois, l'inscription d'un lieu bissau-guinéen : l'archipel des Bijagos. Ce site avait déposé sa première candidature en 2012. Pourquoi a-t-il été choisi maintenant ? Les explications de Lazare Eloundou, le directeur du patrimoine mondial de l'Unesco. RFI : Cinq sites africains ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Il y a le paysage culturel du Mont Mulanje au Malawi, les sites archéologiques Diy Gid Biy des monts Mandara au Cameroun, le parc national de Maputo à la frontière entre le Mozambique et l'Afrique du Sud et il y a également ces deux sites bissau-guinéens et sierra-léonais. Est-ce que vous pourriez, rapidement, nous les présenter ? Lazare Eloundou: Oui, tout à fait. Celui de la Sierra Leone est un complexe d'une île de Tiwai et d'une forêt pluviale de Gola. Et la Sierra Leone célèbre son tout premier site sur la liste du patrimoine mondial. Ensuite, il y a le site de la Guinée-Bissau qui est un important écosystème marin de l'archipel des Bijagos, un hotspot tellement important de la biodiversité marine qu'il a aussi rejoint la liste du patrimoine mondial. On doit notamment l'inscription de l'île de Tiwai en Sierra Leone au combat acharné d'un activiste. Est-ce que vous pourriez nous en dire un petit peu plus ? Tommy Garnett est plus qu'un activiste. Il est vraiment un défenseur du patrimoine. Ce combat a commencé il y a plusieurs années après la guerre où il s'est engagé à tout faire pour sauver l'île de Tiwai qui avait été détruite par la guerre. Un travail important s'est fait avec les communautés et plus tard aussi avec le soutien des autorités de Sierra Leone. Pour l'archipel des Bijagos en Guinée-Bissau, ça aura été une longue attente. Le pays avait déposé sa première candidature en 2012... Le travail pour préparer une candidature pour la liste du patrimoine mondial est un travail très sérieux où il faut des données très concrètes. Il se trouve que la Guinée-Bissau a pris un peu de temps déjà parce qu'il lui fallait de l'expertise. Et c'était ça, effectivement, l'une des choses importantes qu'Audrey Azoulay, la directrice générale de l'Unesco, a voulu en faisant de l'Afrique sa priorité depuis 2018. C'est l'expertise : renforcer l'expertise des professionnels africains. C'est ce qui s'est fait en formant des experts de la Guinée-Bissau qui ont pu contribuer à la préparation de ce dossier. Et qui ont pu démontrer que ce lieu important, cet archipel deltaïque actif, le seul de la côte Atlantique africaine, est aussi un lieu important, une halte migratoire la plus importante de l'Afrique de l'Ouest et un lieu de nidification majeur des tortues marines. Ils ont pu le démontrer dans ce dossier. Que vont changer concrètement ces inscriptions pour ces différents sites ? Elles vont changer beaucoup de choses pour les communautés locales. Elles vont certainement contribuer à l'amélioration de leurs conditions de vie, ce qui est important. Mais elles vont aussi permettre à l'Unesco de continuer à former des experts, à fournir de l'assistance internationale, à encourager le tourisme local, mais aussi culturel autour de ces sites. Cela va également contribuer au développement socio-économique de tous ces pays et promouvoir la riche histoire culturelle de tous ces pays. À côté de ces nominations, trois sites africains ont été retirés du patrimoine en péril. C'est le cas notamment de l'ancienne ville de Ghadamès en Libye et des forêts humides de l'Atsinanana à Madagascar. Qu'est-ce qui vous a poussé à faire ces choix ? Il y a un grand travail qui s'est fait. C'est le cas des forêts de l'Atsinanana à Madagascar. Pendant près de quinze ans, l'Unesco et tous les experts ont travaillé pour accompagner les autorités malgaches. Il y a eu des investissements énormes pour lutter contre la déforestation qui avait été observée. Beaucoup d'autres activités qui ont été menées ont fait que l'on peut dire que sur les six composantes qui constituent ces forêts, quatre d'entre elles sont aujourd'hui suffisamment préservées. Les deux autres sont aussi en train de le faire. C'est très encourageant et le Comité du patrimoine mondial a pris tout cela en compte et a considéré que les efforts du gouvernement malgache méritaient que ces sites soient retirés de la liste en péril. Et en plus, nous avons un plan d'action pour les années à venir afin de renforcer ce travail qui a déjà commencé et rendre durable cette décision du patrimoine mondial. À lire aussiSierra Leone: l'île de Tiwai classée par l'Unesco pour sa biodiversité exceptionnelle À lire aussiGuinée-Bissau: l'archipel des Bijagós entre au patrimoine mondial de l'humanité À lire aussiPatrimoine mondial: l'Unesco accélère pour combler le retard de l'Afrique
Ces dernières semaines, la politique de Donald Trump a eu des impacts majeurs sur la RDC, tant sur le plan économie avec la fin de l'USAID - Kinshasa était le premier pays francophone d'Afrique récipiendaire de cette aide – que sur le plan sécuritaire et politique. La République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ont signé un accord de paix avec l'ambition déclarée de mettre fin au conflit dans l'Est de la RDC, le 27 juin à Washington, sous l'égide des États-Unis. Une diplomatie très active donc. Et sa première actrice sur le terrain à Kinshasa, l'ambassadrice Lucy Tamlyn, fait le point sur ces sujets avec Charlotte Cosset. RFI : Les États-Unis ont démantelé l'USAID. La fin de cette aide est un coup dur pour les ONG. À quoi va ressembler désormais l'aide américaine en RDC ? L'important, c'est que l'assistance américaine ne s'arrête pas. Elle est maintenant coordonnée par le département d'État. Et cette transition structurelle permet une meilleure cohérence entre la diplomatie et l'assistance. Évidemment, sur le terrain, il y avait des ajustements, mais nos programmes de santé et de réponse aux urgences se poursuivent. Ce sont des domaines prioritaires dans notre engagement bilatéral et nous restons le plus grand bailleur en RDC. Est-ce que vous sauriez, après ces réajustements, nous dire à combien s'élève l'aide américaine ? Ce que je peux dire, c'est que les États-Unis restent engagés à soutenir la santé, y compris la réponse pour les personnes vivant avec le VIH-Sida et les réponses d'urgence là où les besoins sont les plus urgents et où se trouvent les plus vulnérables. Je ne peux pas donner un chiffre exact, évidemment, c'est moins qu'auparavant et nous sommes aussi en train de faire une évaluation de l'assistance. Donc, ça va être plus clair dans les mois à venir, quelles seront les formes et les montants de l'assistance. Fin juin toujours, madame l'Ambassadrice, s'est tenue en Angola, le sommet États-Unis Afrique. Que faut-il en retenir ? C'était une grande réussite. Presque 2,5 milliards de dollars en nouveaux accords et engagements qui ont été annoncés. C'est aussi une opportunité pour expliquer que nous donnons la priorité aux échanges commerciaux plutôt qu'à l'aide et tout en encourageant les partenariats pour stimuler une croissance fondée sur l'investissement. Je peux ajouter aussi qu'il y a eu la réunion de cinq présidents africains à la Maison Blanche. Cet événement se veut le premier d'une série de discussions continues que nous voulons entamer avec les dirigeants africains. Et cela veut dire que c'est vraiment le début d'un engagement beaucoup plus étroit qu'auparavant. Parmi les questions abordées en Angola, celle du corridor de Lobito, qui est stratégique pour la RDC, cette voie ferrée qui relie déjà en partie la façade maritime de l'Angola aux zones minières en RDC de Kolwezi. Quels sont les engagements financiers américains dans ce domaine et dans quel but ? Les États-Unis investissent dans ce corridor parce qu'il représente un levier de transformation économique. Bien sûr, il y a des bénéfices pour nos deux pays. Le projet de Lobito, concrètement, on en est où côté congolais ? Nous sommes en pleine discussion avec le gouvernement pour connaître leurs intentions. Il s'agit de trouver une forme de concession qui va être attirante pour le secteur privé. Parce que ce qui est différent par rapport à ce corridor, c'est que le financement va directement au secteur privé. Ce n'est pas de gouvernement à gouvernement. On serait plutôt sur l'option de la réhabilitation de la voie existante ou sur le projet de construction du nouveau tronçon qui avait été envisagé ? À ce stade, c'est plutôt la réhabilitation du tronçon existant. Nous sommes vraiment dans les étapes préliminaires, mais nous sommes très étroitement liés avec l'Union européenne. L'Union européenne est très impliquée. Lobito, c'est un projet très stratégique. Il doit permettre l'exportation des minerais des régions enclavées de la RDC vers l'Angola. Et en avril, par ailleurs, lors de la visite de Massad Boulos à Kinshasa, le président Tshisekedi a annoncé l'existence d'un accord minier entre la RDC et les États-Unis. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ? Quels sont les minerais congolais les plus stratégiques pour le marché américain ? Il y en a plusieurs, mais évidemment, le cobalt et le cuivre sont importants pour toutes les économies industrialisées. On parle du lithium également ? Oui le lithium aussi. Ce que je peux dire par rapport à cet accord minier, c'est plutôt qu'il s'agit de plusieurs accords. Ce sont des accords qui visent à améliorer le climat des affaires. Parce que même s'il y a une ouverture claire pour les sociétés occidentales, l'expérience ici montre qu'il y avait des obstacles pour l'investissement. Donc, ce que nous cherchons à faire, c'est d'améliorer le climat des affaires en travaillant étroitement avec le gouvernement, avec les institutions. Et ça va donner le feu vert pour les sociétés américaines de venir ici investir. Donald Trump a obtenu un premier accord entre Kinshasa et Kigali pour faire cesser le conflit à l'Est. C'est sans précédent. Comment la diplomatie américaine est-elle parvenue à un tel résultat ? Après trente ans de conflit, il est vraiment temps que la souffrance cesse et que la souveraineté et l'intégrité territoriale congolaise soient respectées. Donc, voici pourquoi les États-Unis ont insisté pour que cet accord de paix vienne avec un calendrier, un plan et des témoins. Le processus de mise en œuvre a bel et bien commencé avec la création d'un mécanisme de sécurité conjoint entre la RDC et le Rwanda. Et ce mécanisme coordonne la neutralisation des FDLR et le retrait progressif des troupes rwandaises. C'est un accord réaliste fondé sur des engagements réciproques. Et je voulais aussi dire que cet accord est différent, car nous avons clairement dit qu'il y aurait des conséquences si les engagements ne sont pas respectés. Cet accord a aussi de nouveaux aspects. En plus des engagements sécuritaires, il fournit l'incitation d'un cadre d'intégration économique régionale. Vous parlez de conséquences. Quel type de conséquences ? Les conséquences peuvent être les mesures punitives, par exemple les sanctions ou les autres leviers diplomatiques. Un exemple des aspects positifs des propos incitatifs : il y a un projet hydroélectrique de 760 millions de dollars qui reliera le Burundi, le Rwanda et la RDC. C'est un projet qui existe depuis longtemps, pas encore mis en œuvre, qui a juste besoin de la paix pour démarrer. Et donc ça, c'est un projet sur lequel vous êtes prêt à investir, si l'accord tient ? Une société américaine fait partie de ce projet, il y a plusieurs pays, plusieurs sociétés. C'est un projet assez complexe qui lie les trois pays. Et ça dépend du mécanisme qui va (met en oeuvre) l'accord des trois pays. (C'est un exemple) de l'importance d'arriver à une paix durable qui va permettre la confiance nécessaire entre ces trois pays, et donner le feu vert pour que ce projet puisse commencer. Vous l'avez dit, le suivi de la mise en œuvre de cet accord va être crucial. Jusqu'où les États-Unis sont prêts à s'impliquer dans ce suivi ? En fait, les États-Unis font partie, comme observateurs, du mécanisme de coordination sécuritaire et aussi du mécanisme de suivi. Et ce comité, qui inclut aussi le Qatar et Togo, assure un accompagnement constant de la mise en œuvre. Dans le cadre de cet accord. Une nouvelle rencontre est prévue prochainement à Washington avec les trois présidents. Que faut-il en attendre ? Le président Trump a hâte de (recevoir) ces deux présidents à Washington pour signer un accord de paix entre président Kagamé et président Tshisekedi. L'objet de cette nouvelle rencontre, c'est de signer l'accord au niveau présidentiel, mais aussi d'ouvrir la possibilité pour ce cadre d'engagement économique et (d'inaugurer) un avenir plus prospère pour la région et pour les deux pays.
Dans l'océan Indien occidental, c'est une mission scientifique de près de trois mois qui s'est achevée le 2 juillet dernier. Une quinzaine de chercheurs embarqués à bord du navire le Plastic Odyssée ont parcouru les mers entre l'île Maurice, Madagascar, les Seychelles et les Comores. Parmi les études menées, l'une, particulièrement importante pour la santé humaine, porte sur l'étude des bactéries pathogènes présentes sur les plastiques. Notre envoyée spéciale Sarah Tétaud a pu rencontrer Thierry Bouvier, le chef de cette grande mission océanographique. Cette mission, financée par l'Agence française de Développement et le Fonds français pour l'Environnement mondial, et pilotée par la Commission de l'océan Indien et l'IRD/CNRS, avait notamment pour objectif d'échantillonner les plastiques flottants en haute mer et dans les lagons ainsi que ceux échoués sur les plages pour mesurer précisément leur quantité, leur répartition, leur impact sur l'écosystème marin et leur dérive dans cette partie du globe. RFI : Thierry Bouvier, vous êtes actuellement en pleine campagne océanographique à bord du Plastic Odyssée avec toute une équipe de chercheurs. Vous-même êtes chercheur en microbiologie au CNRS et l'IRD pour le laboratoire Marbec. Vous êtes présentement affecté à l'Institut halieutique et des sciences marines à Tuléar à Madagascar. Sur quoi porte votre recherche actuellement ? Nous essayons de travailler sur les risques que présentent les plastiques en mer pour la santé humaine. Alors, il existe un certain nombre de risques, comme par exemple le risque chimique, puisque le plastique est connu pour relarguer les substances qui sont nocives pour notre santé. Mais il y en a d'autres, comme par exemple le risque microbiologique.Ce risque est un petit peu moins connu. Aujourd'hui, il y a plusieurs équipes dans le monde qui commencent à travailler sur son estimation. Et ça consiste en fait à essayer de voir si les micro-organismes qui se développent sur ces plastiques représentent un danger pour notre santé. Pourquoi est-il important de regarder ce risque associé au plastique en mer ? C'est intéressant parce que contrairement par exemple à des particules de bois sur lesquelles les bactéries se développent aussi, en mer, les plastiques, eux, ils ne vont pas se dégrader. Ils vont rester très très longtemps en mer et, en plus, ils vont circuler avec les courants marins. Donc en fait, si ces plastiques sont des véhicules, des sortes de radeaux à bactéries qui seraient dangereuses pour notre santé, ils pourraient les transporter sur de longues distances. Et bien sûr, il y a le risque pour la santé qui est le cœur de la question. Pourquoi ? Parce que ces plastiques, on sait que, et notamment les petits plastiques, sont ingérés par les animaux marins et donc ces bactéries qui se retrouveraient sur ces plastiques intégreraient la chaîne alimentaire jusqu'à la consommation humaine ? Alors, concrètement, comment vous procédez ? On met en œuvre plusieurs étapes. Évidemment, la première c'est de savoir si ces bactéries potentiellement dangereuses pour notre santé sont présentes sur le plastique. En quelle quantité sont elles-là ? Qui sont-elles ? Et puis aussi est-ce qu'elles ont cette capacité de rester vivantes et donc éventuellement d'être infectieuses. Donc ça, c'est un prérequis en fait à notre estimation du risque, de caractériser ces bactéries potentiellement pathogènes. Alors, il y a déjà des études qui ont montré que les bactéries qui vivent attachées sur des supports, sur des surfaces par exemple, bénéficient d'un environnement qui est un peu plus protecteur par rapport à leur vie libre, par exemple dans l'eau. Et donc on peut faire l'hypothèse que sur les plastiques, ces bactéries qui seraient potentiellement dangereuses pour l'homme, y trouveraient un refuge pour vivre ou survivre plus longtemps dans l'environnement marin. Lorsqu'on connaîtra leur identité, qu'on saura si elles sont vivantes ou mortes, et qu'elles sont potentiellement virulentes, on cherchera aussi à savoir si ces bactéries sont résistantes à certains antibiotiques qu'on utilise pour lutter contre les infections qu'elles peuvent nous provoquer. Sous combien de temps peut-on espérer avoir des résultats de ces expérimentations, de ces observations ? Les expérimentations sont en cours. Ça nécessite un certain nombre d'analyses qui prennent parfois un peu de temps. Mais disons que dans les six prochains mois, on aura déjà une bonne idée de ce qui se passe sur ces plastiques dans la région. Une autre étape, très importante, sera de savoir si ces bactéries qu'on va trouver éventuellement sur ces plastiques sont transférées vers les animaux qui consomment ces plastiques. Thierry Bouvier, votre équipe composée de 15 chercheurs et ingénieurs de toutes les zones océan Indien, à savoir de Madagascar, de la Réunion, Maurice, les Seychelles et la France métropolitaine, avait déjà obtenu certains résultats ? Oui, on a commencé déjà à avoir certains résultats et notamment aussi à travers le travail d'étudiants qui sont en thèse, notamment à Madagascar où on s'aperçoit qu'en fait ces plastiques hébergent certaines bactéries comme par exemple Escherichia Coli qui est bien connue pour provoquer des gastro-entérites ou par exemple aussi Staphylococcus Aureus aussi appelé staphylocoque doré, qui est connu pour créer par exemple des infections de peau. Et on a trouvé qu'en fait, ces bactéries sont à peu près une dizaine de fois plus abondantes sur les plastiques marins que dans l'eau de mer. Et un autre résultat majeur, c'est qu'on s'est aperçu qu'une fois que ces plastiques sont ingérés par exemple, par des poissons ou des holothuries (les concombres de mer), les bactéries se détachent des plastiques et se retrouvent dans la lumière intestinale et sur les parois intestinales de ces animaux. Et donc l'enjeu à venir sera de savoir si ces bactéries qui sont transférées vers les animaux restent dangereuses et infectieuses pour l'homme qui consomme ces animaux. Et on peut espérer avoir ces résultats sous combien de temps ? C'est un programme de recherche qui va durer à peu près trois à quatre années avec comme je disais tout à l'heure des étudiants qui sont en thèse. Et donc leurs résultats seront connus et publiés sous deux à trois ans. À lire aussiPollution plastique: le navire «Plastic Odyssey» fait escale aux Comores
Candidat ou pas ? Au Cameroun, l'avenir du président Biya provoque de multiples débats depuis que le porte-parole du gouvernement et celui du parti au pouvoir ont affiché publiquement leur désaccord. C'était au début de la semaine sur RFI. Ce vendredi, voici la réaction de Christopher Fomunyoh. Mais comme le grand essayiste camerounais est aussi le directeur Afrique du National Democratic Institute, un think tank américain proche du Parti démocrate, il s'exprime d'abord sur le sommet organisé mercredi par Donald Trump. En ligne de Washington, Christopher Fomunyoh répond à C. Boisbouvier. RFI : « Plus de commerce, moins d'aide », a dit en substance Donald Trump aux cinq chefs d'État africains qu'il a reçus ce mercredi à la Maison Blanche. Qu'est-ce que vous pensez de cette nouvelle approche des États-Unis avec l'Afrique ? Christopher Fomunyoh : Effectivement, je pense que peut-être, compte tenu des richesses naturelles existant sur le continent, ça va ouvrir de nouvelles perspectives. Et nous l'avons ressenti parce que, mercredi, les cinq chefs d'États à tour de rôle, chacun parlait des richesses naturelles de son pays. Et il est envisagé un autre sommet, peut-être au mois de septembre à New York, et peut-être que ça va changer le paradigme. Les contrats miniers, c'est l'un des arguments que les États-Unis mettent à présent sur la table. Est-ce qu'après 25 ans d'échec dans les Grands Lacs, cette stratégie pourrait réussir ? Peut-être que les deux États du Congo et du Rwanda, voyant un intérêt commun dans la possibilité de nouvelles richesses dans l'exploitation des minerais, pourront s'entendre à régler leurs conflits par des voies de négociations. Donc c'est à encourager si ça peut calmer les choses et éviter la perte en vies humaines qu'a connu le Congo à l'est de son territoire, c'est vraiment à saluer. Alors à propos de ces matières premières, pour l'instant, c'est la Chine qui exploite le plus de terres rares en Afrique. Est-ce que les États-Unis ont raison ou pas de vouloir entrer en compétition avec la Chine sur le terrain africain ? Effectivement, la compétition avec la Chine, je ne serais pas surpris si cela était entré dans le calcul par rapport même à l'invitation des cinq pays dont les chefs d'États se trouvent à Washington en ce moment. Donc, a priori, Washington a pris soin d'inviter cinq chefs d'États qui résistent à la force d'attraction de la Chine ? Je ne sais pas si c'est cela, l'indicateur qui a motivé le choix de ces cinq pays, mais c'est quand même des pays qui, à divers degrés, contiennent des ressources qui peuvent attirer le secteur privé américain. Sur RFI et France 24, au mois de mars dernier, le nouveau président du Gabon, Brice Clotaire Oligui Nguema, a révélé que les Chinois avaient souhaité installer une base militaire sur les côtes gabonaises, mais que le Gabon avait décliné la proposition. Est-ce que vous pensez que c'est l'une des raisons pour lesquelles ce président était invité à la Maison Blanche ce mercredi ? Effectivement, ça se voit que, depuis la transition au Gabon, le Gabon essaie de peser aussi dans les conversations diplomatiques avec Washington. On l'a ressenti aussi mercredi lorsque le nouveau président gabonais a fait étalage de son ouverture. Vous êtes Camerounais et vous suivez avec beaucoup d'attention le début de la campagne pour la présidentielle d'octobre prochain. Cette semaine, on a entendu le porte-parole du gouvernement nous dire que la candidature de Paul Biya à un huitième mandat n'était sûre qu'à 50%. Puis le porte-parole du parti au pouvoir RDPC nous dire que cette candidature était sûre à 100%. Comment vous réagissez ? Cela ne me surprend pas du tout. Tout au contraire, ça démontre ce que nous avons toujours décrié avec le régime en place, parce que nous avons vu le ministre René Sadi, par exemple, qui semble prendre la mesure de l'angoisse dans laquelle vivent les populations camerounaises quant à l'effectivité de la gouvernance et de la gestion du pouvoir par le président Paul Biya. Il a essayé d'être rationnel et même de rassurer dans une certaine mesure ces populations-là. Mais quelques heures après, nous avons été très surpris que le ministre Fame Ndongo sorte en se lançant dans un sophisme exacerbé, qui prête à confusion non seulement pour les Camerounais, mais aussi pour tous les Africains qui regardent avec curiosité ce qui se passe au Cameroun. Si Paul Biya vous demandait conseil aujourd'hui, qu'est-ce que vous lui diriez ? Je lui dirais clairement d'aller se reposer parce que, si je voulais être cynique, je dirais comme certains que la candidature de Paul Biya serait un cadeau. Le plus beau cadeau que le parti au pouvoir pourrait rendre à l'opposition. Parce que ce serait très facile de le battre dans une campagne où il ne pourra pas battre campagne, où il ne pourra pas faire des tournées dans les dix régions du pays, où il ne pourra pas interagir avec les journalistes et les populations. Mais je ne suis pas cynique à ce point. Je suis optimiste de nature et je lui dirais carrément : « en tant que grand-père, en tant qu'arrière-grand-père, c'est le moment de prendre votre retraite et d'être respecté par les Camerounais et par les Africains et par le monde entier ».
En République centrafricaine, les inquiétudes sur l'état de santé du chef de l'État se sont dissipées. Faustin-Archange Touadéra se porte bien et sera candidat à l'élection présidentielle de décembre prochain. C'est ce qu'affirme l'un de ses proches sur RFI. Évariste Ngamana est à la fois le premier vice-président de l'Assemblée nationale et le porte-parole du parti au pouvoir MCU, Mouvement Cœurs Unis. En ligne de Bangui, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier et s'exprime d'abord sur la catastrophe qui a provoqué la mort de 20 personnes dans la capitale centrafricaine, le 25 juin dernier. RFI : Le 25 juin, c'était le jour des examens au lycée Barthélemy Boganda de Bangui. Il y a eu une bousculade mortelle qui a tué 20 personnes, dont 19 lycéens. À l'origine de cette tragédie, il y a eu l'explosion d'un transformateur électrique. Que répondez-vous à l'opposition qui dénonce votre irresponsabilité, à vous les autorités centrafricaines, et qui vous accuse d'avoir « failli à votre devoir de garantir la sécurité des élèves » ? Évariste Ngamana : C'est faux et archi-faux, ce que dénonce l'opposition. Il s'agit ici d'une récupération politique. Nous regrettons tous ce qui s'est passé au niveau du lycée Barthélemy Boganda, mais cet accident malheureux est dû à une explosion du transformateur qui se situe dans l'enceinte même de ce lycée. Et au moment où les élèves composaient, le personnel de l'Enerca, la société nationale d'électricité, est passé faire des travaux d'entretien et c'est par la suite qu'il y a eu cette explosion. Donc une enquête est en cours. Le directeur général de l'Enerca, il est mis aux arrêts et il est entendu, ses collaborateurs sont entendus et si leur responsabilité est établie, à ce moment-là, ils vont être placés sous mandat de dépôt. Mais le cas échéant, ils vont être purement et simplement relâchés. Donc, nous laissons la justice faire son travail et, à l'issue, nous saurons qui a fait quoi. Pour la première fois depuis 1986, c'est-à-dire depuis presque 40 ans, l'État centrafricain veut organiser cette année des élections locales. La date est fixée au 31 août, mais l'expert des Nations unies Yao Agbetse dit que cette date est compromise par « de sérieux obstacles opérationnels » ... Vous savez que nous avons des calendriers qui ont été établis par l'Autorité nationale des élections et, effectivement, l'ANE a connu quelques problèmes liés à des questions techniques. Le gouvernement, ainsi que l'Autorité nationale des élections, sont à pied d'œuvre. Une alternative est en train d'être trouvée et, pour ce qui me concerne, je pense qu'il y aura un léger décalage par rapport à cette date, lié à ces problèmes techniques qui sont en train d'être réglés. Dès lors que la liste définitive va être publiée, à ce moment-là, nous saurons à quelle date ces élections locales vont être organisées. La liste définitive des électeurs ? Effectivement. Alors, vous dites que ces élections locales vont sans doute être décalées. Est-ce à dire qu'elles auront lieu après l'élection présidentielle et les élections législatives prévues le mois de décembre prochain ? Oui, pourquoi pas. Nous avons attendu depuis plus de 40 ans. Je pense qu'il n'y a pas feu en la demeure. L'essentiel, c'est que ces élections soient organisées. Lors de cette élection présidentielle, est-ce que le président Touadéra sera bien candidat à un nouveau mandat ? Le parti MCU a prévu d'organiser son congrès du 25 au 26 juillet et c'est au cours de ce congrès-là que le Mouvement Cœurs Unis va investir son candidat. Et pour moi, il ne fait aucun doute que cela soit le président Touadéra. Alors, il y a tout de même eu des inquiétudes au sujet de la santé du chef de l'État, puisque le 21 juin, il est parti en Belgique pour se faire soigner. Qu'est-ce qui s'est passé ? Pour moi, le chef de l'État reste un humain susceptible d'être malade, d'avoir eu quelques maux de tête, ce n'est pas un extraterrestre. Mais cette rumeur vient du fait de la manipulation de l'opposition qui n'espère que la mort du président. Mais c'est Dieu qui détient la vie de tout le monde. Donc, puisque l'opposition est en perte de vitesse, donc cette rumeur, cette manipulation est du fait de l'opposition. Mais le président se porte bien, vous l'avez vu, il a participé au sommet de l'Alliance Gavi [à Bruxelles le 25 juin]. Il est revenu au pays. Il était au chevet des accidentés du lycée Boganda. Le week-end, il a reçu les parents des élèves qui sont décédés. Il est en train de mener à bien sa mission. Il se porte bien et, au moment venu, il sera candidat. Il y a quand même eu une certaine inquiétude, je crois, le 21 juin. Nos confrères d'Africa Intelligence précisent qu'il a été évacué en urgence vers la Belgique à bord d'un jet médicalisé Bombardier Challenger… Ce que Africa Intelligence dit n'engage que Africa Intelligence, mais je vous dis que le président a profité de son séjour à Bruxelles pour faire quelques bilans de santé. Et la preuve, c'est que, quelques jours après, vous l'avez vu, il était présent à ce sommet de l'Alliance Gavi. Il est rentré au pays, il se porte bien. Voilà. N'a-t-il pas eu un malaise soudain lors d'une réunion ministérielle à Bangui, comme le disent nos confrères d'Africa Intelligence ? Je dis que ceux qui parlent là, ils n'ont jamais eu quelque chose dans leur vie, ne serait-ce qu'un mal de tête. Donc pour moi, ce sont des détails inutiles. Aujourd'hui, il y a un élément factuel qui est là. Le président de la République se porte très bien, il est en train de travailler comme d'habitude et le reste n'est que des supputations pures et simples.
Le 9 juillet 2024, Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, les deux leaders de la société civile guinéenne, ont été arrêtés à Conakry par des hommes en armes et en uniformes. Sont-ils toujours en vie ? Depuis un an, on est sans nouvelles d'eux. « Pour nous, cette incertitude est insoutenable », disent leurs épouses et leurs proches. Un an après, la FIDH, la Fédération internationale pour les droits humains, appelle les États de la Cédéao à « se réveiller » pour faire libérer ces deux disparus. Maître Drissa Traoré est le secrétaire général de la FIDH. En ligne d'Abidjan, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Est-ce que vous gardez l'espoir que Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah sont vivants ? Maître Drissa Traoré : Oui, nous voulons garder l'espoir de surtout les retrouver en vie, ces deux militants des droits humains et de la société civile. Parce que, en l'état actuel, on n'a aucun élément qui puisse nous amener à croire qu'ils ne sont plus en vie. Et donc pour nous, l'espoir est toujours là et vivace. Est-ce qu'il y a eu des signes de vie depuis un an ? Non, nous n'avons pas de signes de vie, en dehors de quelques rumeurs, et de l'autre côté également, on n'a pas des éléments pouvant nous laisser croire qu'ils sont morts. Donc ce qui nous permet de garder de l'espoir jusqu'à ce moment précis. Le 9 janvier dernier, sur RFI, le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, a déclaré que le ministre de la Justice ou le procureur général ferait bientôt un point de situation pour donner plus ample information sur l'évolution de l'enquête… Nous l'avons cru, nous l'avons espéré et malheureusement, depuis plusieurs mois, nous attendons ces déclarations. Nous attendons ce point-là, et rien ne vient. Et nous pensons que c'est le lieu d'interpeller le garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l'homme, je précise, et le Procureur général, pour qu'ils puissent nous situer sur l'état de progression et d'avancement de cette enquête-là. Parce que leur silence, ce lourd silence, devient de plus en plus insupportable pour nous. Alors, depuis un an, il y a une mobilisation internationale en faveur des deux disparus, notamment de la part des États-Unis. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples et le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ont publié un communiqué commun, c'était en octobre dernier, dans lequel ils ont fait part de leurs craintes grandissantes sur les risques de tortures et même d'exécutions concernant ces deux disparus. Est-ce que la communauté internationale se mobilise assez à vos yeux ? Non. Au départ, nous avons vu beaucoup de mobilisation. Mais au fur et à mesure que le temps passe, cette mobilisation s'affaiblit. Cela nous inquiète et nous voulons interpeller la communauté internationale, surtout les organisations sous-régionales, pour que la question de ces deux disparus et des autres disparus puisse être à l'ordre du jour et que le gouvernement guinéen continue d'être interpellé, afin qu'au moins, on puisse savoir ce qui s'est passé, ce qui leur est arrivé, où ils sont, s'ils sont en vie ou non. Et nous pensons que cette mobilisation internationale doit être ravivée par l'ensemble des responsables de ces organisations-là et de ces pays-là. Est-ce que vous pensez, comme Me Brengarth, l'un des avocats français des familles des deux disparus, que « le pouvoir guinéen est dans une guerre d'usure, dans l'attente que les choses se tassent et que plus personne n'en parle » ? Oui, je pense que c'est la stratégie du gouvernement guinéen. Mais nous, de notre côté, nous n'allons jamais cesser notre mobilisation. Nous n'allons jamais cesser notre engagement tant que la lumière ne sera pas faite et notre mobilisation sera également, je pense, à la hauteur du silence du gouvernement guinéen. Pensez-vous que la France a joué un rôle dans la réintégration de la Guinée au sein de la grande famille francophone ? C'était au mois de septembre dernier… Non, nous ne le savons pas. Mais nous regrettons surtout que la Guinée puisse être réintégrée dans l'OIF alors que la transition n'a pas pris fin, alors que les violations des droits humains continuent de se perpétrer et surtout alors qu'il y a des enlèvements et des tortures en Guinée ces derniers temps. Et pensez-vous que la France a peur de perdre un quatrième allié en Afrique de l'Ouest si elle fait trop de démarches sur les droits de l'homme en Guinée-Conakry ? Une lecture de la situation en Afrique de l'Ouest, en tout cas, peut laisser penser que la France aujourd'hui marche sur des œufs, qu'elle ne veut pas faire les erreurs qu'elle a pu faire avec le Burkina Faso, le Mali et le Niger et qu'elle veut tout faire pour maintenir ses relations avec la Guinée. Et cela est inquiétant en ce qui concerne la situation des droits de l'homme dans ce pays. Et qu'en est-il du silence de la Cédéao, la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest ? Je peux dire que c'est enrageant pour nous, parce que, depuis plusieurs années, les autorités de la Cédéao ont indiqué construire la Cédéao des peuples, et nous pensons que la Cédéao des peuples, c'est la Cédéao de la protection des droits humains, c'est la Cédéao où on protège les populations. Et donc cette Cédéao des peuples ne peut pas se taire, ne peut pas être indifférente à l'enlèvement de ces acteurs qui se battent pour la démocratie, qui se battent pour les droits humains en Guinée. Pour nous, c'est incompréhensible et nous souhaitons que la Cédéao se réveille et que la Cédéao également puisse interpeller les autorités guinéennes afin que la lumière soit faite sur ces événements. À lire aussiUn an après leur enlèvement, la Guinée toujours sans nouvelle de Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah
Le chef de l'État camerounais sera-t-il candidat à la présidentielle d'octobre ? « C'est du 50/50 », a déclaré lundi sur RFI le porte-parole du gouvernement camerounais, le ministre René-Emmanuel Sadi. « Il n'y a aucun doute », le président Paul Biya sera candidat en octobre, affirme de son côté, toujours sur RFI, le porte-parole du parti au pouvoir RDPC, Jacques Fame Ndongo. Visiblement, il y a donc une divergence entre le gouvernement et le parti au pouvoir sur l'avenir politique du président camerounais. Jacques Fame Ndongo, qui est aussi ministre d'Etat et ministre de l'Enseignement supérieur, répond à Christophe Boisbouvier. RFI : Nous sommes à trois mois de la présidentielle et, à la différence des autres grands partis politiques, le RDPC au pouvoir n'a toujours pas désigné son candidat. Est-ce qu'aujourd'hui vous pouvez nous en dire plus ? Jacques Fame Ndongo : Le candidat du RDPC est désigné. Article 27, alinéa trois, des statuts du parti. Que dit cet article ? Le président national du RDPC est le candidat du parti à l'élection présidentielle. Il est le candidat et je le dis de manière catégorique. Mais formellement, comment le RDPC peut-il prendre une telle décision ? Est-ce lors d'un congrès ? Est-ce lors d'un comité central ? Est-ce lors d'un bureau politique ? On n'a pas besoin d'un congrès. On n'a pas besoin d'autres choses. Nous avons nos statuts. C'est le droit positif. C'est-à-dire, l'article 27 des statuts du parti ne laisse planer aucun doute. Le président national du RDPC est le candidat du RDPC, de ce parti-là donc, à l'élection présidentielle. Donc, il y a zéro chance qu'il y ait un autre candidat du RDPC à la présidentielle d'octobre ? Nos statuts sont clairs. Pour être candidat du RDPC à l'élection présidentielle, il faut être président national de ce parti. Or, je ne sais pas qu'il y ait un autre président national du RDPC. Donc, c'est le président national du parti, Son Excellence Paul Biya, qui est le candidat. C'est dans les statuts du parti. Mais le chef de l'État a fait savoir ces derniers temps qu'il répondrait en temps voulu à l'appel du parti qui lui demande d'être candidat. Il n'a pas encore formellement répondu à cet appel… Je vous dis qu'il est candidat. Mais qu'est-ce qui vous permet de savoir qu'il est candidat alors qu'il ne s'est pas exprimé lui-même ? Parce que, ayant critiqué toutes les sources, je peux vous affirmer de manière péremptoire qu'il est le candidat du RDPC à l'élection présidentielle. Tout le reste n'est que supputation. C'est-à-dire que vous l'avez vu récemment ? Je ne peux pas répondre à cette question, mais je vous dis que j'ai procédé à toutes les vérifications possibles et réelles. L'information que je vous livre est puisée à très bonne source. Ce que tout le monde a envie de vous demander, c'est : est-ce que vous avez pu rencontrer ces dernières heures le président Paul Biya et est-ce qu'à l'issue de cette rencontre il vous a donné son accord pour que vous nous disiez ceci aujourd'hui ? Je ne le dirai pas, mais sachez qu'en 52 ans de haute administration, il m'est difficile de me jeter comme ça dans un tonneau des Danaïdes si je n'ai pas la certitude de ce que j'affirme. Je ne suis pas né de la dernière pluie, comme vous le savez bien. Donc, vous avez puisé à la meilleure source ? J'ai puisé à bonne source, c'est bien vérifié, c'est bien recoupé. Pas de doute là-dessus. Alors, formellement, par quel canal le chef de l'État va-t-il annoncer qu'il répond oui à l'appel des militants de son parti ? Oui, il le fera. Vous savez qu'il est maître du temps présidentiel. Il le fera par le canal qu'il jugera le plus opportun. Alors, ce lundi 7 juillet, sur RFI, le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, René-Emmanuel Sadi, a affirmé que rien n'était décidé concernant la candidature ou non du président Biya à la présidentielle d'octobre. « C'est du 50/50 », a-t-il précisé… Oui là, c'est l'État. Moi, je parle au nom du parti. Vous êtes bien d'accord que ce sont quand même deux points de vue divergents ? C'est vous qui le dites. Et est-ce que cette divergence, ça ne crée pas une situation de cacophonie au sommet de l'État camerounais ? Il n'y a aucune cacophonie. L'un parle pour le gouvernement de la République et l'autre pour le parti au pouvoir. Il n'y a pas de parti État. Alors par ailleurs, vous êtes ministre de l'Enseignement supérieur, vous êtes donc un collègue de René-Emmanuel Sadi. Est-ce que vos propos ne risquent pas d'être perçus comme une sérieuse entorse au principe de solidarité gouvernementale ? Je parle au nom du parti, pas au nom du gouvernement. Le ministre Sadi, qui est un frère, un ami, parle au nom de l'État, au nom du gouvernement. C'est la première fois tout de même que l'on voit une divergence sérieuse de point de vue entre le parti au pouvoir et le gouvernement sur la question d'une candidature à venir du président Biya, est-ce que cela ne dénote pas un certain essoufflement, une certaine fragilité au sommet de l'État camerounais ? C'est vous qui parlez de divergence. Je ne critique personne. La solidarité gouvernementale existe bel et bien, mais moi, je m'exprime au nom du parti au pouvoir.
Le chef de l'État camerounais, Paul Biya, sera-t-il candidat à sa succession lors de la présidentielle du mois d'octobre prochain ? « C'est du 50/50 », répond ce lundi sur RFI le ministre camerounais de la Communication, René-Emmanuel Sadi. Dans cette interview, le porte-parole du gouvernement camerounais réagit également à la démission récente de ses deux collègues, Bello Bouba Maïgari et Issa Tchiroma Bakary, et à l'annonce de leur candidature à la présidentielle à venir. « Au parti RDPC au pouvoir, les rangs sont en train de se resserrer », déclare-t-il. En ligne de Yaoundé, le ministre de la Communication et Porte-parole du gouvernement répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Les départs annoncés des ministres Bello Bouba Maigari et Issa Tchiroma Bakary de votre gouvernement, est-ce que ce n'est pas un coup dur à trois mois de l'élection présidentielle ? René-Emmanuel Sadi : Des alliés qui partent et non des moindres, effectivement, on peut forcément le regretter. Pour autant, nous ne croyons pas qu'il faille faire tout un drame de ces démissions de quelques membres du gouvernement, en l'occurrence des ministres appartenant au FSNC et à l'UNDP. Je le dis parce que le Cameroun est un pays de liberté et de démocratie et ceci est un acquis irréversible que nous devons incontestablement à l'engagement du président Paul Biya. Le RDPC, quant à lui, en prend forcément acte et le RDPC, fort de ses nombreux atouts et de son maillage territorial, reste debout et serein. C'est vrai que la concurrence sera sans doute un peu plus forte puisque nous avons perdu des alliés, mais le RDPC va s'organiser, les rangs sont en train de se resserrer et il est quasiment certain, de mon point de vue, que nous allons préserver cette position dominante que nous avons non seulement sur l'ensemble du pays, mais particulièrement dans la zone du septentrion. Enfin, pour ce qui est de la prétendue absence au sommet de l'État, il n'en est rien. Le président de la République conduit bel et bien les affaires de la République dans un style qui lui est propre, fait de discrétion et d'efficacité, sans tapage. Alors en effet, c'est Issa Tchiroma Bakary qui a parlé de l'absence de Paul Biya en tant que président de la République. Il a expliqué que, lors des réunions, le président ne s'exprimait plus, qu'il était absent et qu'il ne gouvernait plus. Qu'est-ce que vous répondez à cela ? Je pense que cette absence est une absence apparente. Cette absence apparente n'enlève rien à l'efficacité de l'homme et n'enlève rien à sa connaissance parfaite des dossiers. Il suit au quotidien tout ce qui se passe. Il est certainement l'homme le plus informé. Mais quand on a 92 ans, est-ce qu'il n'est pas normal qu'on ait quelquefois quelques absences ? Justement, à 92 ans, c'est un énorme mérite que de continuer à gouverner son pays. C'est un énorme mérite que de s'intéresser aux affaires de l'État, de suivre les dossiers. Je pense que la chance qu'on a, c'est que le président, à cet âge, a une mémoire phénoménale. C'est vrai, l'âge est là, il est important. Mais évidemment, quand on peut, malgré cet âge, continuer à suivre ses dossiers, c'est aussi un grand mérite qu'il faut saluer. Est-ce que le Secrétaire général de la Présidence Ferdinand Ngoh Ngoh n'est pas quelquefois le vrai patron du pays, quand le président n'est pas en mesure de gouverner à chaque heure de la journée ? Non, non, je ne dirai pas la même chose. Le Secrétaire général de la Présidence peut donc, en tant que collaborateur le plus proche du président de la République, le connaissant, il peut anticiper. Je peux vous dire qu'il est tenu de rendre compte et, s'il a anticipé que la décision qu'il a eu à prendre n'est pas celle qui convenait, le chef de l'État est en mesure d'apporter les corrections nécessaires et, évidemment, il s'exécute dans ce sens-là. Alors, à trois mois de la présidentielle, tous les grands partis ont investi leur candidat, ou du moins ont annoncé qui sera leur candidat. Tous sauf le RDPC au pouvoir. Pourquoi ? Tout simplement parce que le RDPC connaît les dispositions de la loi. Nous avons encore suffisamment de temps pour que le RDPC se prononce et donc nous attendons dans les meilleurs délais possibles sous la conduite de son président national, le président Paul Biya. Nous entendons nous décider dans ce sens-là. Le chef de l'État lui-même a laissé entendre que, le moment venu, il dirait à ses militants s'il est candidat ou non. Quand Paul Biya s'exprimera, est-ce que vous êtes certain qu'il dira : « Oui, je suis candidat ? » ou est-ce qu'il y a une hypothèse où il pourrait dire : « Eh bien, non, je ne serai pas candidat, ce sera quelqu'un d'autre » ? Je ne suis pas un devin, pour vous dire. Il se prononcera en son âme et conscience. Et c'est un homme d'une très grande clairvoyance, d'une très grande sagesse. Il saura dire à ses compatriotes la position qui sera la sienne. Mais pour dire les choses familièrement, à votre avis, c'est du 50/50, ou il y a plus de chances qu'il dise oui ou qu'il dise non ? C'est du 50/50. Forcément, puisqu'il l'a dit, qu'il se prononcera le moment venu. Forcément, c'est du 50/50. Donc le jeu est ouvert ! Écoutez, c'est lui qui nous a dit qu'il va se prononcer le moment venu. Ses militants, beaucoup ont fait des appels au président et c'est à lui qu'il appartient de répondre à ses militants. Et il peut y avoir une surprise ? Bon, peut-être que ça peut être une surprise dans un sens comme dans l'autre. À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: dans le sud-ouest anglophone, les élites du RDPC derrière Paul Biya
Les Comores célèbrent ce dimanche 6 juillet le cinquantième anniversaire de leur indépendance. Damir Ben Ali est un ancien militant indépendantiste, anthropologue, historien et ex-président de l'Université des Comores. Au micro de l'envoyé spécial de RFI à Moroni, il évoque une indépendance « inachevée », l'île de Mayotte étant toujours française. Il fait le bilan de cinquante années de souveraineté mais aussi d'instabilité, avec un regard très critique sur les dirigeants comoriens. Damir Ben Ali se souvient aussi de son émotion, le 6 juillet 1975, lors de la proclamation tant attendue. À lire aussiComores: après 50 ans d'indépendance, la démocratie comorienne est-elle à la hauteur des attentes ? À lire aussiComores: 50 ans après, sans Mayotte, une indépendance incomplète [1/4]
Le Cap-Vert fête aujourd'hui les cinquante ans de son indépendance. Le 5 juillet 1975, l'archipel se libérait du joug colonial portugais, ouvrant la voie à la construction d'un État souverain. À cette occasion, nous recevons Vera Duarte. Première femme magistrate du pays, ancienne ministre de l'Éducation, elle a joué un rôle clé dans la construction du Cap-Vert indépendant. Témoin direct du passage du colonialisme à la démocratie, elle incarne une mémoire vivante de cette transition historique et lance un appel fort à la jeunesse cap-verdienne de la diaspora : celui du retour, de l'engagement, et de l'avenir à bâtir. À lire aussiLe Cap-Vert: une indépendance après une lutte sans guerre
La coopération entre les États, ça continue de marcher en Afrique de l'Ouest, même après la rupture entre les trois États de l'Alliance du Sahel et la Cédéao. La preuve ? L'OMVS, l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal, qui réunit le Sénégal, la Mauritanie, la Guinée et le Mali. Mais attention, dit le Haut-Commissaire de l'OMVS, la vraie menace sur son organisation n'est pas politique. Elle est financière. Si les sociétés nationales d'eau et d'électricité ne payent plus leurs factures, les barrages vont tomber en ruine ! En ligne de Dakar, le Mauritanien Mohamed Abdel Vetah répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : En octobre et novembre dernier, une crue exceptionnelle du fleuve Sénégal a provoqué plus de 50 000 déplacés et a inondé plus de 16 000 hectares de terres agricoles. Est-ce que c'est une fatalité ou est-ce qu'on peut y faire quelque chose ? Mohamed Abdel Veta : Les changements climatiques sont une réalité et le bassin du fleuve Sénégal n'y échappe pas. Les crues sont plus fréquentes et plus violentes. Effectivement, l'année dernière, nous avons connu l'une des pires inondations depuis un demi-siècle. Le fleuve a atteint des niveaux records. Les dégâts ont été importants, mais grâce à la coordination régionale, nous avons activé notre système d'alerte précoce. Nous avons opéré les barrages et travaillé main dans la main avec les États membres, jour après jour, pour limiter les impacts. Et ce que vous dites, c'est que, si vous n'étiez pas intervenu, cela aurait pu être pire ? Sur le fleuve Sénégal, il y a deux barrages importants, celui de Manantali et celui de Diama, et ils ont été opérés effectivement pour réduire l'impact de ces crues. Et notre rôle, c'est la préparation de notre plan, de notre système d'alerte précoce qui est là pour dire aux populations : attention, cette zone est inondable, il ne faut pas cultiver, il ne faut pas y habiter, ou attention, cette saison des pluies sera une saison particulièrement humide. Et quelles sont vos prévisions hydrologiques pour le fleuve Sénégal pour ce deuxième semestre 2025 ? Alors tout porte à croire qu'elles seront excédentaires sur le haut bassin, c'est-à-dire dans la zone Guinée et Mali. Et normale ou plutôt normale dans le reste du bassin. Et quand je dis excédentaire dans le haut bassin, cela veut dire effectivement qu'il y a des risques d'inondation parce qu'avec le temps, c'est la pluie qui vient dans le haut bassin qui vient se propager dans le reste du bassin. L'OMVS est un organisme de bassin transfrontalier qui réunit quatre pays, la Mauritanie dont vous êtes vous-même un ressortissant, le Sénégal, le Mali et la Guinée. Je vois que vous veillez à l'équilibre entre les quatre pays de votre organisation, mais est-ce que la rupture récente entre le Mali et la Cédéao ne complique pas les relations entre vos quatre pays ? L'OMVS, ce n'est pas la Cédéao. Et la bonne question, c'est plutôt : quelle est notre contribution pour que ce qui a fonctionné pendant 50 ans, 50 ans de dialogue, 50 ans de solutions qui ont bénéficié à nos populations, continue à fonctionner et à bénéficier à nos populations ? Notre conviction est que la coopération n'est pas un luxe. C'est une nécessité, surtout aujourd'hui face au changement climatique. Et l'eau, la sécurité alimentaire, aucun pays ne peut relever ces défis seul. Je crois qu'il y a trois priorités pour que cette coopération non seulement tienne, mais s'amplifie. La première, c'est de saisir l'opportunité du changement climatique pour trouver des financements pour pousser à l'innovation. La deuxième, c'est de maintenir un haut niveau de dialogue et d'engagement politique. Et c'est la force de l'OMVS à travers la conférence des chefs d'États et de gouvernements, c'est que le dialogue a toujours été maintenu entre nos États. Et la troisième, c'est de construire l'avenir avec les jeunes. Ce sont eux les vrais bâtisseurs de la résilience. Et au fond, c'est cela la diplomatie du concret, des projets visibles, partagés, utiles pour ces jeunes. Et nous y croyons et nous le faisons avec force. À l'heure de la rupture entre la Cédéao et les trois États de l'AES, est-ce que vous ne craignez pas tout de même que chacun des quatre États de l'OMVS ne soient tentés de se replier sur lui-même ? Alors, ce que je peux vous dire, c'est que nous avons lancé notre dernier programme d'adduction en eau potable dans les zones rurales qui ont été longtemps délaissées au profit des grands transferts vers les grandes villes comme Nouakchott, comme Dakar et comme d'autres grandes villes. Ces programmes vont permettre aux villageois autour du fleuve d'avoir accès à une eau potable. Et quand nous avons lancé ce programme, et bien nous avons vu l'engagement des quatre États de l'organisation pour ces projets. Et je vous parle de projets, là, qui ont été lancés dans les derniers mois. L'une des grandes vocations de l'OMVS, c'est de vendre de l'eau et de l'électricité aux grandes sociétés nationales. Mais est-ce que ces sociétés s'acquittent convenablement de leurs obligations financières ? Les ouvrages communs de l'OMVS, qui font notre fierté et symbolisent notre résilience, ces barrages qui éclairent nos foyers, irriguent nos terres, donnent à boire à nos populations et nous protègent face aux aléas climatiques, ces ouvrages fonctionnent parce que, depuis la création de l'OMVS, depuis plus d'un demi-siècle, chacun de nos pays a joué sa partition. Mais je dois le dire avec clarté, sans paiement régulier des obligations financières, ces infrastructures sont en péril. Ce que nos prédécesseurs ont construit avec courage et vision sera en péril. Je sais que la conjoncture est parfois difficile. Je ne porte aucun jugement, mais je garde une conviction. L'histoire de l'OMVS a montré que, chaque fois que nos pays se sont réunis autour de problématiques communes, des solutions visionnaires ont été trouvées. Donc, il faut qu'en Mauritanie, au Sénégal, au Mali, en Guinée, les sociétés nationales des eaux, les sociétés nationales d'électricité payent leurs factures. C'est ça ? Oui. Il faut que ces engagements financiers soient honorés parce que, sans ces engagements, la maintenance des ouvrages est une difficulté majeure et la continuité de service sera un risque. À lire aussiMali : inauguration du barrage de Gouina, sur le fleuve Sénégal À lire aussiSénégal: le barrage de Diama, un exemple de gestion partagée de l'eau
« La Turquie n'est pas en rivalité avec la France en Afrique », affirme le responsable de la diplomatie turque pour l'Afrique. Depuis vingt-cinq ans, la Turquie est en pleine expansion sur le continent africain. On le voit avec ses opérateurs économiques et avec le succès de ses drones sur les champs de bataille. Mais loin de vouloir prendre sa place, la Turquie veut renforcer sa coopération avec la France. C'est ce qu'affirme Volkan Isiksi, directeur général pour l'Afrique au ministère turc des Affaires étrangères. De passage à Paris, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Volkan Isikci, bonjour, Volkan Isikci : bonjour RFI : En 2007, la France de Nicolas Sarkozy et l'Allemagne d'Angela Merkel ont dit non à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Est-ce que c'est l'une des raisons pour lesquelles votre pays s'est tourné vers le continent africain avec une politique ambitieuse ? En fait, notre politique ambitieuse vers les autres continents, notamment l'Afrique, ça remonte bien avant 2007, donc en 1998. A partir de 2003, les relations de la Turquie avec l'Union africaine, ça s'est développé et on a essayé d'être présent sur le continent africain avec l'ouverture des ambassades. En l'an 2002, on avait douze ambassades. Aujourd'hui, on en a 44 et notre vision est de pouvoir augmenter le nombre de ces ambassades et de pouvoir les augmenter jusqu'à 50 dans les prochaines années, avec les possibilités que l'on va avoir. Tout de même, Monsieur le Directeur général, on remarque que, en 2007 donc, il y a ce refus de la France et de l'Allemagne de faire entrer la Turquie dans l'Union européenne. Et un an plus tard, en 2008, il y a ce premier sommet Turquie-Afrique. Est-ce qu'il n'y a pas un lien de cause à effet ? Non, c'est une coïncidence. Le choix de 2008, c'est indépendamment de la décision que vous avez mentionnée. C'était une feuille de route que l'on avait déjà établie. Donc, en 2008, on a organisé le premier sommet Turquie-Afrique, c'était en Turquie. En 2014, le deuxième, c'était en Guinée équatoriale. En 2021, on a organisé le troisième en Turquie et le quatrième, on va l'organiser l'année prochaine en Libye. Le choix a été ratifié par les organismes concernés de l'Union africaine. Et par les autorités libyennes de Tripoli, puisque ce sera à Tripoli ? Exactement. Depuis 20 ans, Monsieur le Directeur général, le volume d'échanges de votre pays avec l'Afrique a fait un bond très important. Il est passé de 5 milliards à 40 milliards de dollars par an. Qu'est-ce que vous apportez de différent par rapport à l'Europe et la Chine ? Avec nos amis africains, la période de Covid a eu des effets positifs pour que ce volume d'échanges augmente. Comme vous savez, à ce moment-là, il y avait des restrictions du point de vue des visas, du point de vue des vols. Nous, on n'a jamais essayé de rendre la vie difficile à nos amis africains qui voulaient visiter la Turquie. Notre régime de visas était flexible. En plus, les vols de Turkish Airlines n'ont jamais cessé à cette période-là. Nos amis africains, au lieu des destinations classiques qu'ils avaient pour voyager, faire du commerce en Europe ou bien en Asie, ils ont découvert un peu la Turquie. Et dans plusieurs pays africains, ils mentionnent que la continuité, la qualité, le prix et le suivi des produits turcs qu'ils se procurent en Turquie sont nettement plus concurrents que ceux des autres régions du monde. Ils nous disent : « Vous avez des produits de qualité européenne au prix de produits chinois. Alors en effet, certains disent en Afrique que les produits turcs sont moins chers que les produits européens et de meilleure qualité que les produits chinois. Quels produits par exemple ? De tout. Des dentifrices aux tissus, aux chaussures, aux meubles. Surtout dans le secteur de la construction. La plupart du matériel est importé de la Turquie. Évidemment, au lieu d'importer de très loin comme la Chine, le matériel qui est commandé de la Turquie, il parvient à peu près dans un délai d'un mois, un mois et demi, dans le pays concerné. Quand il faut construire un centre de conférence très vite pour un sommet de dans six mois, les Turcs sont là. C'est ça ? Voilà. Donc je ne vais pas citer le pays, mais dans un pays africain, le leader qui avait demandé à une compagnie turque de pouvoir organiser une grande conférence internationale avec la participation des chefs d'Etats, il lui a demandé s'il pouvait construire un centre de conférence en six mois. La compagnie concernée, qui est très active en Afrique, lui a fait la proposition de pouvoir le faire avec un délai de six mois. Evidemment, le prix était très abordable pour ça. La compagnie lui a demandé quelques faveurs : pouvoir amener 4000 ouvriers de Turquie avec six navires et tout le matériel qui serait nécessaire. Donc la commande a été passée au mois de janvier et les portes de cette conférence ont été ouvertes pour accueillir les chefs d'Etat mi-juin. Et donc c'est un succès qui a été réalisé en six mois. Et cet exemple que vous donnez sur six mois, je crois que c'est arrivé dans un pays d'Afrique centrale ? Oui, en Afrique centrale. L'un de vos produits phares en Afrique, Volkan Isikci, c'est le drone de la société Bayraktar. Il a fait ses preuves à Tripoli en 2019, puis dans la guerre Éthiopie -Tigré en 2021. Et du coup, beaucoup de pays africains vous achètent ce produit, comme le Mali, le Tchad. Est-ce que certains pays africains n'ont pas renoncé à la protection des avions de chasse classiques au bénéfice de ces drones, parce que c'est moins cher et parce qu'il y a moins d'abandon de souveraineté ? Je pense qu'il faut voir cette approche dans un contexte technologique et de maniabilité parce que, pour l'utilisation des avions de chasse, il faut déjà des terrains, des pistes d'atterrissage qui sont adéquats. Et ces drones ou ces nouveaux engins depuis quelque temps sont beaucoup plus abordables, maniables et efficaces que les avions de chasse. Que les Mirage 2000 par exemple ? Les avions de chasse demandent beaucoup de dépenses évidemment pour l'achat, pour la maintenance ou le personnel. Les drones, évidemment, ce sont des sociétés privées qui en font, mais l'autorisation d'exportation émane de notre ministère de la Défense. Il faut d'abord un feu vert d'Ankara ? Voilà. Et le suivi de l'utilisation de ces engins est régulé par le ministère de la Défense et d'autres institutions qui travaillent dans ce domaine-là. Est ce qu'on peut parler, de la part de la Turquie en Afrique, d'une diplomatie du drone ? Mais la question du drone se passe seulement dans quelques pays africains pour protéger leur intégrité territoriale. Ce sont des demandes conjoncturelles qui font que la demande des pays est acceptée par la Turquie. Évidemment, les formations que l'on offre, avec un prix abordable et la continuité et la confiance qu'ils ont en la Turquie, tout cela fait que beaucoup plus de pays maintenant recourent à notre technologie dans ce domaine-là. Mais quand vos drones sont utilisés pour frapper des populations civiles, je pense au Mali par exemple, est ce que vous ne craignez pas que cela ternisse l'image de la Turquie ? Évidemment, comme je vous l'ai dit, pour les ventes et l'exportation, il y a une régulation très restreinte. On fait le suivi de ces engins-là dans ces pays-là. Donc, une mauvaise utilisation de vos drones peut conduire à la rupture de la livraison de ces drones ? Voilà, parce que c'est régulé internationalement. Nous, on ne voudrait pas nuire à l'image de la Turquie dans ce sens-là, on ne voudrait pas que ça arrive. Est ce qu'il vous est arrivé, ces dernières années, de dire à un pays africain client de vos drones : « Là, vous avez utilisé ces drones contre des populations civiles, nous ne sommes pas d'accord et nous arrêtons la livraison » ? Après, on n'a pas dit. Mais avant, on dit toujours : « Il ne faut pas les utiliser de façon inappropriée, sinon ça va être la rupture », parce qu'il y a un contrôle continu dans ce sens-là ». Et c'est arrivé qu'il y ait une rupture ? Non, ça n'est pas arrivé, mais on suit de très près pour que ce genre d'évènement n'arrive pas dans ce sens-là. En 2019, la Turquie a soutenu militairement le gouvernement Sarraj à Tripoli contre l'offensive du maréchal Haftar sur la capitale libyenne. Pourquoi avez-vous fait ce choix ? Monsieur Sarraj, c'était le leader de la Libye à ce moment-là, qui était reconnu par les Nations Unies. Du coup, quand il y a eu les actes émanant de l'Est de la Libye vers Tripoli, il a écrit une lettre de demande d'aide d'urgence aux leaders internationaux de cinq pays, y compris la France et la Turquie. Et la Turquie a été le seul pays à pouvoir répondre positivement à son appel à l'aide. Donc notre coopération avec le gouvernement de Tripoli, ça a commencé avec ces démarches de Monsieur Sarraj à ce moment-là et ça continue jusqu'à présent. Et maintenant, on voit que la Libye est en cours de pouvoir solidifier sa démocratie, disons sa gouvernance, avec l'aide qu'on leur a fournie pour que le pays ne tombe pas dans le chaos. Et justement, vous continuez de soutenir Tripoli contre Benghazi ? Le gouvernement Dbeibah contre le maréchal Haftar et ses fils ? Ou est-ce que vous essayez de réconcilier les deux camps ? Non, il n'y a pas de pour et contre. Nous avons des relations avec l'Est aussi. On a ouvert notre Consulat général à Benghazi par exemple. On a des contacts avec Monsieur Haftar et les dirigeants du côté Est. Donc on soutient toutes les parties pour qu'il y ait une entente entre eux pour stabiliser politiquement leur pays. Et je crois que Turkish Airlines atterrit maintenant à Benghazi ? Voilà ! Depuis la chute du régime Assad en Syrie, au mois de décembre dernier, la Russie redéploie ses bateaux et ses avions gros-porteurs vers l'Est de la Libye, notamment Tobrouk et Benghazi. Est-ce que cela vous préoccupe ? Non, pas du tout. Nous, on a toujours des contacts avec la Russie concernant les questions de sécurité et de défense, concernant différentes régions du monde. Donc ça ne nous préoccupe pas. Est que c'est pour apaiser la situation politique au Congo-Brazzaville… Il y a 5 ans, vous avez accepté de soigner dans votre pays, en Turquie, l'opposant Jean-Marie Michel Mokoko, qui est donc sorti de sa prison congolaise pendant quelques semaines et qui y est retourné depuis. Voilà 9 ans quand même que cet opposant politique est détenu à Brazzaville. Qu'est-ce que vous pensez de cette situation ? Pour cela, il faut voir la qualité du plateau technique sanitaire que la Turquie offre aux différents demandeurs dans ce sens-là. Les pays africains font beaucoup de demandes pour pouvoir se soigner sur le sol turc. Donc, il faut considérer cette approche du gouvernement du Congo-Brazzaville pour pouvoir soigner l'opposant. La relation qui existe entre les chefs d'Etat et la confiance qui règne entre eux… Je pense que c'est le résultat de ces approches-là qui a fait que cet opposant a pu retrouver la santé et retourner après dans son pays. Donc, c'est le témoignage d'une relation de confiance entre les présidents Sassou-Nguesso et Erdogan ? Voila. Dans votre esprit, c'est plus une approche humanitaire qu'une approche politique ? Humanitaire. Il faut voir ça sous l'optique humanitaire. Autre séjour médical très remarqué dans votre pays, la Turquie, celui évidemment de l'ancien président Alpha Condé de Guinée Conakry. Est-ce à dire que vous pourriez jouer un rôle de facilitateur aujourd'hui entre le général Doumbouya, qui est venu d'ailleurs à Ankara pour la dernière investiture du président Erdogan il y a deux ans, et les opposants guinéens en exil ? Vous savez, la médiation ne se fait pas parce que vous avez le désir d'être médiateur. Ça doit venir des parties concernées. Donc une demande n'a pas été mentionnée. Donc du coup, ça n'a pas été vu dans ce sens-là. Il n'y a pas de médiation turque sur la Guinée Conakry ? Non. On dit souvent, Volkan Isikci, qu'il y a une rivalité entre la Turquie et la France en Afrique. Est-ce que c'est vrai ou pas ? Pas du tout ! Parce que le mot rivalité, c'est quelque chose de négatif. La concurrence, ça existe parce que, dans le monde, les intérêts, ça existe. Avec la France, je pense que le mot concurrence est plus adapté, mais il faut enrichir ça avec une coopération, une collaboration. Avec les relations historiques que la France a avec le continent africain, avec l'expérience de plus en plus aiguë des acteurs turcs sur le continent, je pense qu'avec ces atouts, les deux pays peuvent servir davantage pour pouvoir subvenir aux besoins des pays concernés, pour être à côté de ceux qui en ont besoin. Et dans le cadre d'un partenariat entre les deux pays, quels sont les atouts de la France en Afrique sur lesquels vous, les Turcs, vous aimeriez vous appuyer ? Les deux pays ont des expériences différentes. Évidemment, la connaissance du terrain, la présence linguistique peuvent apporter beaucoup de choses de la part de la France. La Turquie, avec son expérience de plus en plus aiguë depuis les années 2000, peut servir davantage pour pouvoir réaliser de grands investissements dans ce sens. Moi j'aimerais bien mentionner que la zone de confort n'existe pas. Il faut prendre des risques. Il faut être sur le terrain avec un partenaire de confiance. Je pense qu'on peut faire beaucoup de choses. On croit beaucoup à ça et, quel que soit le pays, on n'a jamais essayé de destituer une entité, un pays du continent africain. Vous n'avez jamais voulu chasser la France de certains pays africains ? Pas du tout, pas du tout. On n'a pas cette position. On veut seulement développer davantage et subvenir aux besoins de nos amis africains qui nous font la demande. Vous n'êtes pas dans une démarche de rivalité avec la France, comme peut l'être la Russie par exemple ? Pas du tout, pas du tout. La question de la Russie, je ne suis pas en mesure d'y répondre, mais nous, on ne voit pas la France en tant que rivale sur le continent africain. Volkan Isikci, monsieur le Directeur général, merci. Merci beaucoup À lire aussiEntre l'Afrique et la Turquie, un partenariat qui s'enracine À lire aussiLa Turquie s'apprête à débuter sa mission d'exploration pétrolière en Somalie
« Il faut mobiliser 4 000 milliards de dollars par an pour le développement des pays du Sud », a déclaré, lundi 30 juin, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à l'ouverture de la Conférence de Séville, aux côtés du Français Emmanuel Macron, du Sénégalais Bassirou Diomaye Faye et de cinquante autres chefs d'État. Mais à quoi sert cette Conférence de l'ONU sur le financement du développement au moment où le monde est en crise ? L'économiste italien Mario Pezzini a été le directeur du Centre de développement de l'OCDE. Il est aujourd'hui conseiller spécial à l'Unesco. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Cette conférence sur le développement s'est ouverte lundi 30 juin à Séville, en l'absence des Américains, qui avaient déjà dit il y a quinze jours qu'ils ne viendraient pas. Est-ce que ce n'est pas mauvais signe ? Mario Pezzini : Oui, c'est un problème sérieux parce que la coopération multilatérale, à travers ce signe, on le voit très clairement, est mise à rude épreuve. Un autre signe, si vous voulez, c'est aussi la réduction progressive des financements au développement. On est tous au courant du fait que les États-Unis ont décidé donc de réduire à zéro l'instrument principal de la coopération qu'on appelait USAID. Mais ce ne sont pas les seuls, les États-Unis ne sont pas le seul pays. Le Royaume-Uni réduit de moitié sa contribution, au point que la ministre du Développement a démissionné. Et aussi plusieurs pays européens ont fait le même. Entre autres, la France aussi a réduit. À mon avis, le problème n'est pas que le financement, c'est aussi : qu'est-ce qu'il faut faire avec ? Quelles capacités on doit mettre en place pour y arriver ? Pour la FEPS, la Fondation pour les études progressistes en Europe, vous proposez justement à l'Union européenne une nouvelle stratégie à l'égard des pays du Sud. Vous écrivez notamment : « l'incitation aux investissements privés en Afrique, c'est bien, mais cela ne suffit pas ». Mais oui, vous savez, dans ce monde, on voit apparaître une voix des pays du Sud qui appelle à une réforme de la gouvernance mondiale et à une coopération qui soit plus alignée avec les priorités des pays du Sud, pays d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique. Ces pays demandent un financement équitable, mais ils demandent aussi une voix, une voix autour de la table où on décide et on discute de « l'ordre mondial », comme on aime dire. Alors, à ce propos, l'Europe, que doit-elle faire ? Moi, je suis persuadé qu'il faut redéfinir son rôle parce que le monde, vous l'avez dit, est plus fragmenté, parce que l'Europe doit avoir des partenaires dans son action. Et donc là-dessus, nous, on propose, j'ai écrit l'article avec Stefano Manservisi qui a été le directeur de la coopération à l'Union européenne à deux reprises… Donc, nous, on propose une nouvelle alliance avec les pays du Sud. Il s'agit pour l'Europe d'avoir des interlocuteurs, compte tenu de la fracture atlantique, compte tenu des difficultés avec la Russie et la Chine. Donc l'interlocuteur naturel pour l'Europe, ce sont les pays du Sud. Regardez la Commission européenne, elle s'est déplacée entièrement pour la première fois dans son histoire et c'était en Inde. Voilà, c'est dans cette direction qu'il faut aller. Mais alors l'Europe, qu'est-ce qu'elle peut faire ? L'Europe, ça fait un certain temps qu'elle a changé son approche et a pensé qu'il fallait renforcer ses interventions avec des ressources privées. Mais pour le faire, il faut donner des garanties aux capitaux privés afin que les résistances à investir soient réduites. Donc, il faut le faire en créant une gouvernance partagée avec les pays du Sud. Il faut qu'il y ait une plateforme derrière ce type d'intervention, dans laquelle, autour de la table, il y a le Nord, l'Europe, et il y a le Sud, ensemble. Avec un ordre du jour commun et une sorte de copropriété ? Oui, vous savez, l'aide aujourd'hui est discutée, dans ses règles et dans son architecture, dans des comités dans lesquels il n'y a aucun pays du Sud. Donc c'est évident que le Sud veut y être aussi. Les pays du Sud ont déjà obtenu le fait d'être un membre permanent du G20. Donc, il faut aller davantage dans cette direction. « L'un des freins aux investissements privés en Afrique », écrivez-vous, « c'est l'évaluation du risque par des entrepreneurs qui sont souvent frileux ». Qu'est-ce que vous proposez pour rassurer ces opérateurs économiques ? Aujourd'hui, les investissements privés s'orientent sur la base des agences de notation et de la notation que ces agences donnent aux pays en développement. Or, ces notations sont construites sur la base de critères qui ne sont pas transparents, qui la plupart des fois sont subjectifs et qui tendent à pénaliser les pays du Sud. Je vous donne un seul exemple : quand on était au milieu de la crise du Covid-19, les pays qui souffraient le plus, qui étaient le plus atteints, étaient les pays du Nord. N'empêche que les agences de notation ont pénalisé dans ce moment-là les pays du Sud, bien plus que les pays du Nord. Il y a toujours une sorte de pénalisation, et ça, il faut le revoir. Alors la vraie question est comment est-ce qu'on va le faire ? L'Union africaine, différents acteurs africains, proposent de créer des agences africaines de notation. D'accord. C'est une hypothèse. Il faut aussi faire en sorte que les investisseurs regardent les notations de ces agences-là et pas celles des quatre agences privées, Fitch et compagnie, qu'on regarde toujours.
Ce lundi 30 juin et jusqu'au 3 juillet s'ouvrira à Séville la quatrième conférence internationale sur le financement du développement (FfD4). C'est une étape déterminante pour repenser l'architecture financière mondiale afin de mieux répondre aux besoins des pays en développement et d'accélérer la réalisation des Objectifs de développement durable (2030). Il sera notamment question de mieux encadrer et alléger la dette des pays du Sud global ou de mobiliser d'avantage de financements climatiques et privés, afin de renforcer la gouvernance mondiale du développement dans la prochaine décennie ... Pour parler de ces enjeux, Liza Fabbian reçoit la directrice du bureau régional pour l'Afrique, au sein du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) - la nigériane Ahunna Eziakonwa, qui se trouvait cette semaine à Bruxelles où elle vient d'achever une série de rencontres stratégiques (dirigeants et donateurs internationaux).
C'est ce vendredi 27 juin que les ministres des Affaires étrangères de la RDC et du Rwanda doivent signer un accord de paix à Washington, en présence de leur homologue américain, Marco Rubio. Jusqu'à ce jour, à la demande des États-Unis, les termes de l'accord sont restés secrets. Mais le chercheur américain Jason Stearns a réussi à en connaître les grandes lignes. Jason Stearns est le co-fondateur de l'institut congolais de recherches Ebuteli. Il enseigne aussi à l'université Simon Fraser, au Canada. En ligne des États-Unis, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI: Jason Stearns, quelles sont les grandes lignes de l'accord qui doit être signé ce vendredi ? Jason Stearns: On ne connaît pas le contenu exactement. Mais ce que nous pensons, c'est que ce sera un accord comme beaucoup d'autres accords dans les deux décennies passées entre le Rwanda et la RDC. Il sera basé sur le principe que le Rwanda se retire et que le Congo mène des opérations contre les FDLR, ce groupe de rebelles rwandais. Donc c'est le point, je pense, le plus important de l'accord. Parmi les points les plus controversés pendant les négociations, je pense, il y a eu le fait que cela soit mené simultanément, c'est à dire que le Rwanda retire ses troupes et que, d'une façon simultanée, la RDC commence les opérations contre les FDLR. Le problème avec cela, c'est que, comme c'est simultané, les deux côtés peuvent dire que l'autre n'a pas tenu ses promesses et que le Rwanda puisse dire que l'armée congolaise n'a pas assez fait contre les FDLR. Cela est d'autant plus vrai que les FDLR se trouvent, une grande partie au moins des FDLR, se trouvent sur le territoire contrôlé par le M23 et l'armée rwandaise actuellement. Donc c'est parmi les grands défis je pense, et il y a des autres aspects de l'accord aussi, le fait que le Rwanda devrait pousser le M23 à se retirer des grandes villes, dont Goma et Bukavu surtout, et le fait que le Congo devrait permettre aux M23 de se convertir en parti politique et de participer à la démocratie congolaise et, en même temps, le fait de laisser les combattants du M23 soit rejoindre un processus de démobilisation ou, au cas par cas, rejoindre l'armée nationale. Et à court terme, est-ce qu'il y a un mécanisme qui va s'assurer que l'armée rwandaise et les rebelles FDLR vont bien quitter le terrain du Nord et du Sud-Kivu ? Il y a un mécanisme conjoint de vérification qui sera mis en place par les deux pays avec une participation des États-Unis. Il faut dire que le calendrier pour la mise en œuvre de cet accord est ambitieux. Ça va se traiter dans les prochains trois mois. Et donc, pendant ces trois mois, il y aura une participation des États-Unis. Et je pense aussi que les pays de la sous-région pourraient justement veiller à ce que les deux côtés sont en train de mettre en œuvre les accords. Et si les États-Unis rentrent dans ce mécanisme conjoint, est-ce à dire que les satellites d'observation américains vont aider à vérifier tout ça ? Je pense, car c'est depuis 2023 que les États-Unis se sont vraiment engagés et je pense que ça va continuer pour la collecte des informations. Qu'est-ce qui garantit que l'armée rwandaise et les FDLR vont se retirer du champ de bataille ? Il n'y a pas de garantie comme tel. Donc je pense qu'il faut se poser la question : Qu'est-ce qui motive le Rwanda et la RDC à signer cet accord aujourd'hui ? Donc je pense qu'il y a des bâtons et des carottes. Les carottes sont surtout d'ordre économique. Donc, les Etats-Unis ont promis toute une série d'investissements dans la région. Côté minerai, il y a des compagnies privées américaines qui seraient prêtes à investir dans les mines à l'est de la RDC. Mais le traitement et l'exportation des minerais se feraient à partir du Rwanda. Donc comme ça, les deux côtés seraient encouragés d'investir dans la paix et pas dans l'instabilité. Alors l'un des problèmes, Jason Stearns, c'est que les rebelles du M23 ne sont pas conviés à la signature de l'accord de ce vendredi à Washington. Est-ce que ce n'est pas préoccupant ? C'est préoccupant dans le sens que le Rwanda pourra toujours dire que, voilà, ils ont tenu leur côté de l'accord. Si les M23 ne mettent pas l'accord en œuvre, ce n'est pas leur problème, comme ils ne contrôlent pas les M23. Or, nous savons que le Rwanda a une forte implication dans la gestion du M23, si on peut le dire ainsi. Mais le Rwanda pourrait toujours nier cela. Alors en effet, le gouvernement congolais espère que, si l'armée rwandaise se retire du terrain, le M23 va s'effondrer. Mais est-ce que c'est si simple que cela ? Ce n'est pas si simple dans le sens que, dans les mois passés, le M23, surtout depuis la prise de Goma, a mené des opérations très sérieuses pour recruter des milliers de nouvelles recrues, pour amener toute l'élite locale dans des camps de formation, pour mettre en place une administration parallèle sur le terrain avec des services de taxation, des services d'administration pour peser sur les chefs coutumiers, afin qu'ils se réorientent vers le M23. Donc il sera difficile de démanteler tout cela. Et donc je pense qu'il est important, pas seulement que l'accord soit signé, mais que, dans la mise en œuvre de cet accord, il y ait un suivi, pas seulement des Etats-Unis, mais de tous les autres acteurs impliqués de la sous-région et des Nations Unies et de l'Union africaine pour veiller à ce que le M23 aussi rejoigne le processus de paix. Avec Joseph Kabila et Corneille Nangaa ? Leur sort n'a pas été évoqué par cet accord, donc c'est parmi les grandes inconnues. 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En Afrique, il n'y a pas que le Nigeria qui développe l'industrie du cinéma. La Côte d'Ivoire veut aussi se lancer dans une production audiovisuelle ambitieuse. C'est l'enjeu du 3ᵉ SICA, le 3ᵉ Salon international du Contenu Audiovisuel, qui s'ouvre ce jeudi à Abidjan avec 300 professionnels de 25 pays différents. L'un des intervenants n'est autre qu'Alex Berger, le producteur du « Bureau des légendes », la série française de langue française la plus exportée dans le monde. À quand de grandes sociétés de production africaines ? En ligne d'Abidjan, le célèbre producteur français répond à Christophe Boisbouvier. RFI: Alex Berger, c'est la deuxième fois que vous venez au Salon international du contenu audiovisuel à Abidjan. C'est une fidélité au SICA ? Alex Berger : Alors d'abord, je salue l'initiative. Pour la première fois en octobre dernier, je me suis rendu à Abidjan et j'ai pu rencontrer des gens formidables, aussi bien les autorités gouvernementales qui avaient un souhait et une vision intéressante pour justement faire de la Côte d'Ivoire un carrefour ou un hub de production sur l'Afrique de l'Ouest. J'ai trouvé ça très intéressant. En tant que producteur indépendant, nous avons beaucoup de séries et donc, l'année dernière, j'ai pu exposer à beaucoup de gens, des universitaires, des élèves, des producteurs non seulement de la Côte d'Ivoire, mais, de l'ensemble de l'Afrique. Et j'ai trouvé ça franchement extrêmement intéressant. Alors évidemment, beaucoup de gens viennent vous voir pour que vous racontiez comment est arrivé le grand succès du « Bureau des légendes ». J'imagine que vous êtes assailli par plein de jeunes producteurs ivoiriens et de toute l'Afrique qui vous demandent comment on fait, non ? Alors, j'explique quelle était notre ambition, quel était notre processus, quelle était notre exigence. Et j'explique l'absolu incroyable alignement d'étoiles que nous avons eues pour une série française en langue française qui est aujourd'hui le champion de France de l'export dans 120 pays du monde et évidemment la première franchise historique de Canal+. Et au bout de dix ans, puisqu'on a fêté le 27 avril dernier les dix ans du « Bureau des légendes », on est toujours dans le top 10 des émissions, des feuilletons et des séries de Canal+. Donc voilà, entre 95 et 100 millions de vues juste en France. À lire aussiCinéma africain: des productions ivoiriennes en quête de débouchés à Ouagadougou Alors, vous dites votre exigence, ça veut dire qu'avec Éric Rochant, vous avez travaillé et travaillé, notamment sur le narratif, c'est ça ? Évidemment, le génie d'Éric Rochant est d'avoir un muscle particulièrement développé pour trouver le romanesque à l'intérieur d'un univers fait de géopolitique, d'espionnage, de renseignement. Et donc voilà. Est-ce qu'il y a aujourd'hui de jeunes producteurs africains qui ont envie de suivre ce modèle porté par Éric Rochant et vous-même, est-ce qu'il y a des success stories possibles en Afrique centrale, en Afrique de l'Ouest ? Oui, j'en connais. D'abord, je vais mettre de côté le Nigeria qui est déjà un endroit très sophistiqué. Il y a beaucoup de producteurs. C'est le succès de Nollywood, bien sûr ? C'est Nollywood et c'est apprécié. Alors, pour répondre à ce que vous avez dit, ce qui est important pour moi, ça a été de rencontrer des gens comme Alex Ogou, des gens comme Mamane [également chroniqueur à RFI] directement à Abidjan. De voir quel était l'incroyable richesse que pouvaient apporter ces producteurs. Ils sont très talentueux, ils sont en train de faire des choses incroyables. Je n'ai aucune leçon à leur apprendre. En fait, ils sont juste limités parfois par le manque de moyens que les grands diffuseurs et les premiers diffuseurs n'ont pas. Il y a besoin d'un peu plus de formation. Je parlais avec une productrice qui s'appelle Kimberley Azria, qui fait aussi beaucoup de choses, qui m'impressionne beaucoup sur ce qu'elle fait. Elle vient de signer un accord au Bénin pour une nouvelle série. Et donc c'est très excitant, pour un vieux producteur indépendant comme moi, de voir cette richesse et cette jeunesse qui est en train de tout casser. Moi, mon ambition, c'est d'essayer d'aider à créer une ou plusieurs séries avec des producteurs ivoiriens ou d'ailleurs. Mais en tout cas, c'est mon ambition. On me dit Alex Berger que, l'an dernier, lors de votre première visite au SICA, vous avez évoqué la possibilité de créer une version africaine du « Bureau des légendes ». C'est vrai ? Absolument. Nous sommes en train de développer une version localisée, en tout cas en Afrique de l'Ouest, du « Bureau des légendes ». On a écrit un script, on a des gens qui travaillent dessus et c'est n'est pas simple. Parfois la géopolitique va plus vite que nos scénaristes et donc on est obligé d'adapter. Mais en effet, il y a une version qui est en train d'être développée du « Bureau des légendes » et donc voilà. Et qu'on pourra voir d'ici combien de temps ? Alors, j'aimerais pouvoir vous répondre vite. Je pense que ce n'est pas réaliste de dire que ce sera à l'antenne avant 2027. Vous avez déjà le titre ou pas ? « Le bureau secret » ou « Le bureau Afrique ». À lire aussiAudiovisuel en Côte d'Ivoire: des initiatives privées pour pallier le manque de main-d'œuvre
Cinquante ans après l'indépendance du Mozambique, les uns se félicitent que la guerre civile soit terminée depuis 1992. Mais les autres déplorent que la démocratie et la prospérité, promises par Samora Machel en 1975, ne soient toujours pas au rendez-vous. À Maputo, Fernando Lima est le rédacteur en chef du média indépendant Zitamar News. En ligne de la capitale mozambicaine, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI: Fernando Lima, le drapeau du Mozambique présente l'image d'un fusil automatique Ak-47, pourquoi cette singularité ? Fernando Lima : C'est très simple, c'est parce que le fusil représente la lutte armée pour la libération des Mozambicains. Alors c'est pour ça qu'on a décidé de faire un drapeau comme ça. Même s'il y a présentement dans le pays des secteurs qui s'opposent à cette représentation, qui se maintient encore sur le drapeau national. Il y a maintenant des Mozambicains qui demandent à ce qu'on enlève le fusil du drapeau ? Mais oui, parce qu'une partie des Mozambicains sont très saturés des différentes guerres pendant les 50 années d'indépendance du pays. Alors, comme l'Angola, le Mozambique a conquis son indépendance en pleine guerre froide. D'où une guerre civile qui a duré jusqu'en 1992. Est-ce que le Mozambique d'aujourd'hui garde encore des stigmates de cette période de guerre fratricide entre le Frelimo et la Renamo ? C'est très clair que les signes sont là. On peut rappeler par exemple toutes les confrontations pendant les dernières élections générales, et même le sens des hostilités vers l'opposition et vers le principal leader de l'opposition, Venancio Mondlane. Et le parti Frelimo continue de refuser d'accueillir l'opposition au sein du gouvernement et des institutions officielles. C'est-à-dire que, 50 ans après l'indépendance, l'ancien mouvement de libération Frelimo continue de revendiquer le pouvoir sans partage ? Oui, à mon avis, c'est ça qui se passe. Il y a toujours ce sentiment d'un héritage du parti unique qui se maintient, même si la Constitution a changé. L'alternance démocratique n'existe pas encore au Mozambique. À écouter aussiMozambique : la promesse trahie de l'indépendance Alors, vous parliez de l'opposant Venancio Mondlane. À la présidentielle du mois d'octobre dernier, le candidat du Frelimo. Daniel Chapo a officiellement gagné avec 70 % des voix. Mais l'opposant Venancio Mondlane, qui a fait une grande campagne anti-corruption, a revendiqué la victoire et la répression des manifestations a causé la mort, selon l'ONG Plataforma Decide, de plus de 390 personnes. Comment sortir de cette crise aujourd'hui ? À mon avis, je pense qu'il faut parler et avoir un dialogue constructif avec Venancio, pas simplement d'une façon protocolaire ou d'une façon formelle. Mais il faut démontrer que des propositions de Venancio sont incluses dans un programme de gouvernement pour l'avenir du pays. Mais vous pensez que le Frelimo de Daniel Chapo pourrait un jour accepter de partager le pouvoir ? Je pense que, même s'il y a des secteurs au Frelimo qui ne sont pas d'accord avec ce partage pragmatique, le parti Frelimo va être forcé d'accueillir les partisans de Venancio parce que, s'il refuse, ça sera catastrophique et désastreux pour le pays. Depuis cinq ans, une insurrection jihadiste a causé la mort de plus de 6000 Mozambicains dans la province du Cabo Delgado, à l'extrême-nord de votre pays, est-ce qu'il y a une solution ? Oui, je pense qu'il y a des solutions. Le problème, c'est que jusqu'à présent, il y a seulement une solution militaire. À mon avis, il faut trouver d'autres mesures sociales et économiques qui assurent la stabilité de cette province, du Cabo Delgado en particulier. C'est-à dire-que le soutien militaire du Rwanda et de la SADEC, le soutien financier de l'Union européenne, tout cela, c'est bien, mais ça ne suffit pas ? Mais oui, il ne faut pas que la population soit seulement spectatrice de la situation dans cette province. Si tu peux y voir du développement, si ton fils va à l'école, si les familles peuvent avoir des médecins, des hôpitaux, alors ça peut améliorer la situation dans ce territoire. À lire aussiMozambique: 25 juin 1975, le crépuscule de cinq siècles de colonisation portugaise
On attendait le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye. C'est finalement le Sierra-Léonais Julius Maada Bio qui a été choisi pour présider pendant un an la Cédéao, l'organisation sous-régionale de l'Afrique de l'Ouest. La décision a été prise dimanche, lors d'un sommet à Abuja, au Nigeria. Pourquoi ce choix ? Quelles seront les priorités de ce président africain qui, à la différence de beaucoup de ses pairs, a promis de ne pas se représenter pour un troisième mandat ? Le chercheur sénégalais Pape Ibrahima Kane est un spécialiste des questions régionales en Afrique. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : C'est le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye qui était fortement pressenti pour prendre la tête de la Cédéao au nom de l'alternance anglophone francophone. Mais finalement, c'est le Sierra-Léonais, Julius Maada Bio qui a été choisi. Pourquoi cette désignation surprise ? Bon, je sais que la Cédéao est dans une dynamique de négociation avec l'Alliance des États du Sahel, l'AES, un militaire parlant à des militaires, c'est peut-être une bonne méthode d'approche de la situation. D'autant plus qu'il y a beaucoup, beaucoup de méfiance entre la Cédéao et les États de l'AES. Ces éléments-là ont certainement dû jouer depuis un an. Les lignes commencent à bouger et il y a à peine dix jours qu'une réunion s'était tenue à Accra et qui avait réuni beaucoup, beaucoup d'acteurs, aussi bien des États de l'AES que des États de la Cédéao. Et les choses se sont très très très bien passées. Les lignes bougent. Rappelez-vous l'interview que le ministre des Affaires étrangères du Mali a récemment fait à une télévision togolaise. Mais l'approche était totalement différente de ce qu'il y avait il y a un an. Oui, dans cette interview, le ministre malien Abdoulaye Diop a déclaré que les trois États de l'AES entraient dans une phase d'apaisement et de réalisme avec la Cédéao. Il a appelé à la conclusion rapide d'un accord sur les questions commerciales et la libre circulation des personnes. Est-ce à dire que les trois États de l'AES veulent garder les avantages de la Cédéao tout en quittant l'organisation ? Tout à fait. Je pense que, avec la situation qui prévaut sur le terrain, notamment au plan sécuritaire et aussi au plan économique, les États de l'AES réalisent que les choses ne sont pas aussi faciles. Et je pense que la réunion qui s'est tenue à Bamako entre le président de la Commission et les ministres des Affaires étrangères a vraiment permis de déblayer le terrain. Et comme l'a dit le président Tinubu dans son discours, il pense que tôt ou tard, les trois pays reviendront dans la maison mère. Alors, vous l'avez dit, Julius Maada Bio est un ancien militaire putschiste qui s'est converti à la démocratie puisqu'il y a presque 30 ans, il a quitté volontairement le pouvoir, puis il a été élu deux fois démocratiquement et promet aujourd'hui de ne pas faire de troisièmes mandats. Est-ce à dire que sur les questions constitutionnelles, il sera vigilant avec les onze autres États membres de la Cédéao ? Il est obligé d'être vigilant parce qu'aujourd'hui, c'est lui qui est le gardien du respect de toutes les règles communautaires que la Cédéao s'est donnée en la matière. Vous avez rappelé qu'il a lui-même décidé de ne pas faire un troisième mandat et donc son rôle en tant que président en exercice, c'est de s'assurer au moins que la Cédéao respecte la démocratie et respecte les droits de l'homme. Et si, par exemple, Alassane Ouattara sollicite un quatrième mandat à la tête de la Côte d'Ivoire, est-ce que vous pensez que son homologue sierra-léonais fera une observation ? La communauté sera obligée de se prononcer sur cette question. Parce que si nous sommes là, c'est parce qu'un certain nombre de règles n'ont pas été respectées. C'est parce que beaucoup de présidents se sont donné la liberté de faire ce qu'ils voulaient. Maintenant, on va voir si Julius Maada Bio est le président de la Commission, M. Touré, vont être courageux pour mettre les dirigeants devant leurs responsabilités. Ce qui s'est passé au Togo, ces manipulations de constitution. Un président qui quitte le poste de président pour devenir Premier ministre, simplement pour rester au pouvoir, ce sont des choses qui ne doivent pas être acceptées dans une région. La Cédéao doit montrer cela aux dirigeants de manière à ce que le déficit de confiance qu'il y a entre la Cédéao et les populations, que ce déficit-là s'amenuise. Et si, contrairement à sa promesse initiale, le général Mamadi Doumbouya se présente à la future présidentielle en Guinée ? Est-ce que vous pensez que son voisin de Sierra Leone sortira le carton jaune ? Cette question ne relève pas seulement de la Cédéao, elle relève aussi de l'Union africaine. Si vous vous rappelez, il y a deux présidents militaires qui ont fait leur retour sur la scène africaine grâce à l'Union africaine. Il y a le président du Tchad qui a fait un coup d'État et qui maintenant est accueilli au sommet de l'UA. Vous avez le président du Gabon qui a fait un coup d'État et qui a été adoubé par ses pairs. Donc, ce n'est pas seulement une question de la Cédéao, c'est aussi une question de l'Union africaine. Il faut que l'on ferme définitivement l'ère des régimes militaires en refusant totalement cette civilisation des régimes militaires. Ce n'est pas dans l'intérêt des populations, ce n'est pas dans l'intérêt de l'Union africaine, ce n'est pas dans l'intérêt de la démocratie en Afrique. À lire aussiCédéao: les défis qui attendent le nouveau président Julius Maada Bio
En Côte d'Ivoire, Alassane Ouattara fait durer le suspense... Hier, à l'issue du congrès du parti au pouvoir RHDP, le président ivoirien a répondu ni « oui » ni « non » aux militants qui lui avaient demandé la veille, à l'unanimité, d'être candidat à un quatrième mandat présidentiel le 25 octobre prochain. Il a simplement dit qu'il prendrait sa décision « dans les jours qui viennent ». Pourquoi cette stratégie de l'attente ? Le chercheur ivoirien Geoffroy-Julien Kouao a publié récemment deux ouvrages, Faut-il désespérer de la Côte d'Ivoire ? et Côte d'Ivoire : une démocratie sans démocrate ?, aux éditions Kamit. En ligne d'Abidjan, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Ce 22 juin, tous les militants du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) attendaient qu'Alassane Ouattara leur dise tout simplement : « Oui, j'accepte d'être votre candidat. » Mais le chef de l'État n'a répondu ni oui ni non et s'est donné quelques jours de réflexion. Comment expliquez-vous cette non-réponse ? Geoffroy-Julien Kouao : Je m'y attendais un peu parce que le président de la République s'inscrit dans une stratégie qui consiste à voir la réaction de ses principaux opposants qui sont Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo. Dans tous les cas de figure et selon toute vraisemblance, il est fort possible que le président Ouattara accède à la requête de ses militants. Mais si Alassane Ouattara n'a fait que reporter de quelques jours l'annonce de sa candidature, pourquoi n'a-t-il pas profité dimanche de ce grand rassemblement de plusieurs dizaines de milliers de ses militants pour galvaniser son parti ? C'est vrai que les rencontres du samedi et du dimanche étaient une véritable démonstration de force politique pour le RHDP. Mais le président de la République a d'autres occasions. Souvenez-vous que, en 2020, c'est à l'occasion de son discours pendant la fête nationale, le 7 août, qu'il a annoncé qu'il serait candidat. Il peut rester dans cette logique. Alors, quand vous dites qu'Alassane Ouattara ne dévoile pas tout de suite son jeu parce qu'il attend les réactions de ses principaux adversaires, que voulez-vous dire par rapport notamment à Laurent Gbagbo et à Tidjane Thiam ? Vous savez très bien que Monsieur Laurent Gbagbo et Monsieur Tidjane Thiam sont pour l'instant disqualifiés de la course présidentielle. Et ils se sont mis ensemble en créant un front commun pour leur réinscription sur la liste électorale. Et dans la foulée, Monsieur Laurent Gbagbo a annoncé qu'il s'opposerait à un quatrième mandat du président Ouattara. Donc, si le président avait annoncé sa candidature hier dimanche, cela aurait donné du temps à Monsieur Thiam et à Monsieur Gbagbo pour mettre en place une stratégie politique consistant à faire pression sur le régime d'Abidjan. Vous savez que le front commun entre Monsieur Thiam et Monsieur Gbagbo obéit à une logique, celle de leur réinscription sur la liste électorale. Et s'ils arrivent à mobiliser assez d'Ivoiriens autour de leur combat, cela pourrait peut-être influencer le régime d'Abidjan. Voulez-vous dire qu'Alassane Ouattara attend éventuellement le dernier moment pour dévoiler son jeu et pour annoncer sa candidature afin d'empêcher ses adversaires de mobiliser leurs partisans ? Monsieur Alassane Ouattara, il est évident qu'il connaît la capacité de mobilisation de Laurent Gbagbo et aussi de Tidjane Thiam. Et évidemment, devant la démonstration de force opérée par son parti le samedi et le dimanche dernier, il s'inscrit dans une stratégie qui consiste à court-circuiter l'opposition sur ses propres bases. C'est-à-dire qu'en n'annonçant pas tout de suite sa candidature, il laisse l'opposition dans l'incertitude, c'est ça ? Oui. Ça lui permet de voir quelle stratégie celle-ci va mettre en place, puisque bientôt ce sera le début des parrainages. Pour qu'il y ait parrainage, il faut qu'il y ait des noms proposés. Or, pour l'instant, l'opposition ne veut pas présenter de plan B. Et si les parrainages commencent, si l'ouverture des dépôts de candidatures débute, peut-être que l'opposition serait dans l'obligation de proposer d'autres noms que ceux de Monsieur Thiam et de Monsieur Laurent Gbagbo. Ce qui permettrait à Monsieur Ouattara d'apprécier objectivement la situation et peut-être lui aussi de proposer un plan B. Alors ce plan B, justement, est-ce qu'un autre cadre du RHDP pourrait porter les couleurs du parti le 25 octobre prochain ? Et qui pourrait être cet autre responsable ? Oui, il y a d'autres cadres et le premier que je vois en tant qu'analyste politique et observateur, c'est le vice-président de la République, Monsieur Tiémoko Meyliet Koné. Il y a aussi d'autres personnalités comme l'ancien Premier ministre Patrick Achi. On peut aussi penser au gouverneur de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) [Jean-Claude Kassi Brou, NDLR]. Mais vous avez vu aussi le samedi et le dimanche à l'applaudimètre, on a vu que le ministre de la Défense Téné Birahima reste très populaire auprès des militants. Le frère du président ? Oui, le frère cadet du président de la République. Alors, si demain le président Ouattara propose un autre candidat pour le RHDP, il n'y aura pas des risques de divisions internes au RHDP ? Non, je ne le pense pas. Le congrès l'a montré, il y a une certaine cohésion autour des idéaux du parti et surtout de la personne d'Alassane Ouattara. Tant que la figure tutélaire d'Alassane Ouattara sera présente, je ne pense pas qu'il y ait des voix discordantes.
Direction Essaouira, au Maroc, où s'est tenue du 19 au 21 juin la 26e édition du Festival Gnaoua, qui défend cette culture séculaire, cette transe thérapeutique qui lie le chant, la musique et la danse. Le festival est devenu au fil du temps un lieu de connexion, de débats importants à l'échelle du continent africain et bien au-delà. La fondatrice du Festival Gnaoua est notre Grande invitée Afrique. Neila Tazi répond aux questions de Guillaume Thibault, notre envoyé spécial à Essaouira.
Un accord de paix entre la République démocratique du Congo et le Rwanda est-il vraiment possible le 27 juin prochain ? « Oui, répond le ministre de la Communication du Congo-Brazzaville, car, cette fois-ci, il y a l'intervention d'une grande puissance, à savoir les États-Unis ». Thierry Moungalla, qui est à la fois ministre de la Communication et des Médias et porte-parole du gouvernement du Congo-Brazzaville, s'exprime aussi sur la présidentielle prévue dans son pays au mois de mars 2026. Le président Denis Sassou-Nguesso sera-t-il candidat à sa réélection ? De passage à Paris, Thierry Mougalla répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Ce mercredi 18 juin, la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda se sont engagés à signer un accord de paix, le 27 juin prochain, lors d'une réunion ministérielle prévue à Washington, quelle est votre réaction ? Thierry Moungalla : Nous nous réjouissons de cette avancée qui nous paraît une avancée majeure. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il est prôné un arrêt des hostilités, un désarmement des forces qui sont considérées comme rebelles et la possibilité d'aller vers la conclusion d'un accord de paix. Donc, nous, les pays voisins, nous nous réjouissons de cet accord et nous espérons que les différentes étapes qui semblent attendues soient franchies sans encombres. Et après 29 ans de guerre dans les Grands Lacs, vous croyez à une paix définitive ? Nous espérons que cette fois-ci, avec l'intervention d'une grande puissance comme les États-Unis, que cette fois-ci soit la bonne. Depuis deux mois, ce sont en effet les États-Unis et le Qatar qui font la médiation entre la RDC et le Rwanda. Est-ce que l'Afrique n'est pas marginalisée dans cette affaire ? Non. Je considère qu'objectivement, quand une maison brûle, tous ceux qui amènent des seaux d'eau pour éteindre l'incendie sont les bienvenus. Depuis un an, la location de 12 000 hectares de terre congolaise à une société rwandaise suscite beaucoup d'émotion à Brazzaville, mais aussi à Kinshasa, où beaucoup y voient le risque que l'armée rwandaise en profite pour ouvrir un deuxième front contre la RDC. Est-ce que c'est la raison pour laquelle vous venez d'annuler ce contrat foncier avec le Rwanda ? Non. Il faut que je précise en deux mots la situation. Il y a d'abord des accords d'État à État qui sont des accords de coopération bilatérale classiques. Ce sont des accords dans des matières essentiellement économiques. Ces accords ne sont pas remis en cause et ils n'ont aucune raison de l'être. Il y a, à côté de cela, des contrats ponctuels qui ont été conclus pour la relance de la production agricole dans des zones très riches. Ces accords ont été conclus avec des sociétés rwandaises. Et malheureusement, on a constaté leur caducité parce que les entreprises n'ont pas accompli les diligences qui étaient attendues d'elles. Et donc, naturellement, la condition de caducité a été mise en œuvre depuis le 8 décembre 2024. Et donc, comme vous le voyez, rien à voir avec le conflit que nous évoquions tout à l'heure. Il n'y avait là, il n'y a là absolument aucune connotation militaire. Et puis, d'ailleurs, comment voudriez-vous qu'il y ait des connotations militaires à ce type d'accord, alors que notre pays est situé à près de 1 500 kilomètres du théâtre des opérations concernées, c'est-à-dire l'est de la RDC et les confins du Rwanda ? En tout cas, les autorités de Kinshasa étaient inquiètes et elles vous l'avaient fait savoir. Nous échangeons régulièrement avec les autorités de Kinshasa. Je peux même vous dire que récemment, le ministre de l'Intérieur du Congo a eu l'honneur de rencontrer le président [de la RDC] Félix Tshisekedi. Et je suis certain que nous apportons au quotidien toutes les assurances de notre volonté de faire que ça se passe bien. La présidentielle au Congo, c'est l'année prochaine. Le président congolais Denis Sassou-Nguesso a le droit de se représenter, mais il est au pouvoir depuis plus de 40 ans. Est-ce que vous pensez qu'il pourrait envisager de laisser la place aux jeunes ? Bon, moi, je poserai la question plutôt dans l'autre sens. Aujourd'hui, nous sommes dans une grande stabilité. Nous avons un président de la République expérimenté. Je pense, je suis convaincu que le président de la République est celui qui va favoriser cette transition générationnelle dans la paix, dans la stabilité et dans la cohérence. Parce que quand on se précipite vers ce qui ressemble à un changement, on s'aperçoit bien vite que les mains inexpertes, à qui on confierait trop vite les choses, pourraient conduire le pays à l'impasse. Je souhaite que le président de la République soit candidat, mais ce n'est pas à l'ordre du jour au moment où nous nous exprimons, puisque nous sommes à neuf mois de l'élection présidentielle. Et le président a un mandat à remplir entre-temps. Mais cette transition générationnelle dont vous parlez, elle pourrait avoir lieu dès l'année prochaine ou non ? Non, cette transition générationnelle, c'est lui qui est le transmetteur, qui porte cette transition générationnelle. Je dis qu'il va assurer cette transition en allant vers la capacité de rajeunir les équipes, d'y inclure le maximum de jeunes. Voilà neuf ans que les opposants Jean-Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa sont derrière les barreaux. La justice les a condamnés à 20 ans de prison, mais beaucoup les considèrent comme des prisonniers politiques. Est-ce qu'une grâce présidentielle pourrait avoir lieu avant l'année prochaine, avant la présidentielle ? Il me semble que, dans notre législation, ce sont des éléments qui souvent doivent faire l'objet d'initiatives de la part des condamnés. Donc, je n'ai pas d'opinion sur ce sujet. Je pense que le président de la République est le seul maître de la possibilité de gracier.
C'est un nouveau phénomène. En Afrique, de plus en plus de pays se livrent à une « guerre » de leurs espaces aériens. Dernier exemple en date : en avril dernier, le Mali et l'Algérie, réciproquement, se sont fermés leurs espaces aériens. Le Niger a fait de même contre la France. Et la République démocratique du Congo a pris la même mesure contre le Rwanda. Quelles conséquences pour les compagnies aériennes et pour les passagers ? Ibra Wane est le directeur, pour l'Afrique, du courtier aérien français Avico, qui est spécialisé dans la location d'avions et de moteurs d'avion. En ligne de Dakar, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Depuis la dernière crise entre le Mali et l'Algérie en avril dernier, les deux pays se sont mutuellement fermé leurs espaces aériens. Et concrètement, les avions Paris-Abidjan, par exemple, ne peuvent plus survoler le Mali s'ils sont passés au-dessus de l'Algérie : ils doivent donc faire un grand détour par le Maroc et le Sénégal à l'ouest. Quelles conséquences pour les passagers ? Ibra Wane : La première conséquence, c'est d'abord pour les compagnies aériennes elles-mêmes, parce que ça allonge beaucoup le temps de vol. Ça peut aller jusqu'à même 50 minutes de temps de vol supplémentaire, ce qui renchérit donc le coût du carburant, le coût d'exploitation global de la compagnie. Et comme vous le savez, le poste de carburant est le premier poste de coûts directs pour une compagnie aérienne. Imaginez donc un allongement du temps de vol de 50 minutes, ce que ça peut être comme coûts supplémentaires. Est-ce que, du coup, les passagers de Corsair, de SN Brussels, de British Airways ou d'Air France payent plus cher leur billet depuis le mois d'avril ? Non, je ne pourrais pas dire que ces passagers payent plus cher les billets, parce que les compagnies aériennes ont chacune une politique commerciale différente. Je ne suis pas certain que toutes les compagnies aient répercuté le surcoût sur les billets des passagers. Mais il est clair qu'un surenchérissement des coûts qui perdure, cela mènera forcément à une augmentation des tarifs à long terme. Et ces 50 minutes de vol supplémentaires représentent quelle surconsommation de kérosène ? Cela représente à peu près jusqu'à un sixième ou un septième de surconsommation de kérosène pour tout le vol. Si vous avez un vol Paris-Abidjan par exemple, qui fait six heures et que vous augmentez 50 minutes de vol, c'est presque une heure de vol de plus. Vous voyez, vous avez augmenté à peu près un sixième de vos coûts de carburant et c'est énorme. Alors, on dit beaucoup qu'Air France est la compagnie internationale la plus impactée par tous ces événements. Mais est-ce que la compagnie Air Algérie n'est pas aussi touchée ? Elle l'est forcément, notamment en ce qui concerne le Mali. Je m'explique. Un avion qui survole l'Algérie n'a pas le droit de survoler le Mali et vice versa. Bien entendu, si les vols d'Air Algérie vers l'Afrique passaient par le Mali, tous ces vols-là sont complètement impactés. Absolument. Autre événement politique qui impacte le transport aérien, le putsch de juillet 2023 au Niger. Depuis cette date, les avions français n'ont plus le droit de survoler ce pays qui représente un cinquième de la superficie totale de l'Afrique de l'Ouest et qui est au carrefour de plusieurs couloirs aériens. Quelles conséquences pour Air France ? Vous savez, selon la convention de Chicago, chaque État a la souveraineté complète et exclusive sur l'espace aérien au-dessus de son territoire. C'est ce qui s'est passé avec le Niger. C'est une affaire bilatérale entre le Niger et la France. La conséquence immédiate, c'est qu'aucun avion français ne peut survoler le territoire nigérien. Il faut donc passer par l'est ou par l'ouest pour pouvoir rallier des territoires au sud du Niger, sur le continent africain. Et quand on regarde une carte de l'Afrique, on voit que, pour aller par exemple de Paris à Douala ou de Paris à Kinshasa, il faut survoler le Niger, sinon il faut faire un énorme détour ? Il faut faire un énorme détour, en effet. Absolument. Autre évènement politique : la conquête de Goma par les rebelles du M23 et l'armée rwandaise. Depuis ce mois de février, la République démocratique du Congo interdit le survol de son territoire aux avions rwandais. Est-ce que la compagnie RwandAir est impactée par cette mesure ? Ah oui, elle est forcément impactée. De toute façon, le territoire de la RDC, comme vous le savez, est tellement vaste par rapport au Rwanda que la plupart des vols vers l'ouest du Rwanda devaient passer par ce territoire-là. C'est vrai que cette compagnie est totalement impactée, en effet. L'un des faits majeurs de ces deux dernières années, c'est donc la fermeture de l'espace aérien du Niger à tous les avions français. Est-ce que cette mesure très restrictive profite à d'autres compagnies ? Je ne crois pas. Quand il y a une restriction, cela ne profite à personne, ni au pays qui a restreint, ni aux compagnies. Donc, nous espérons, nous, dans notre profession, que cette affaire connaîtra un épilogue favorable dans les meilleurs délais, aussi bien en ce qui concerne le Mali et l'Algérie que le Niger, parce que cela ne profite pas du tout à l'activité. C'est une crise. Ça renchérit les coûts aussi bien pour les compagnies aériennes que pour les populations et que pour les passagers. Donc cela n'a aucun bénéfice pour personne. Mais maintenant qu'Air France et Corsair ne peuvent plus atterrir à Niamey, à Agadez ou à Zinder, il y a nécessairement d'autres compagnies qui en profitent ? Je ne crois pas. D'abord, Corsair n'y allait pas, de toute façon. C'est Air France qui allait à Niamey, tout simplement. Et de toute façon, il ne faut pas oublier que cette affaire du Niger avec la France s'accompagne aussi d'une restriction des voyages eux-mêmes, parce que les problèmes de visas se posent aussi. Je crois que les relations sont telles que les voyages vont être complètement réduits. Oui, le flux des passagers a diminué sur les vols à destination du Sahel, c'est ça ? C'est ça. Absolument.
Le drone est-il en train de remplacer l'hélicoptère, voire l'avion, dans un certain nombre de pays, notamment en Afrique ? Cette année, le drone est l'une des superstars du Salon aéronautique du Bourget, qui vient de s'ouvrir près de Paris. Parmi les visiteurs assidus de ce Salon, il y a l'ancien officier français Peer de Jong, qui a créé Themiis, une société de conseil pour la paix et la sécurité, qui opère principalement en Afrique. Quels sont les atouts du drone en Afrique ? En ligne du Bourget, Peer de Jong répond aux questions de Christophe Boisbouvier. Quelles sont en Afrique les batailles où les drones ont joué un rôle décisif ces dix dernières années ? Je connais deux batailles où les drones ont joué un rôle vraiment décisif. La première, c'est au Mali, puisque les Forces armées maliennes (Fama) avec Wagner utilisent systématiquement depuis en fait deux ans dans toutes leurs opérations des drones pour la reconnaissance. Mais également pour le tir, puisqu'elles ont des Bayraktar de Turquie. Ces Bayraktar sont armés. Donc aujourd'hui, il y a un usage systématique au Mali, en tout cas de drones. La deuxième grande bataille, c'est en Libye. En Libye, en 2020, au moment où le maréchal Haftar déclenche une offensive en direction de Tripoli à partir de Tobrouk, il a été très concrètement arrêté par les forces de Tripoli qui étaient, elles, équipées avec une société militaire privée (SMP) bien connue qui s'appelle Sadat. Elles étaient équipées avec des Bayraktar. Et le Bayraktar a été décisif dans le blocage des forces de Haftar en direction de Tripoli. Donc, on est vraiment au début d'une histoire et aujourd'hui les vendeurs de matériel circulent dans toute l'Afrique et font des propositions. Les acteurs principaux dans ce domaine-là, très concrètement, ce sont les Turcs. Aujourd'hui, les Turcs se servent du drone comme une espèce de produit d'appel pour en fait développer une forme d'influence sur l'ensemble des pays africains. Et moi actuellement, je les rencontre partout et ils le font avec une structure qui s'appelle Sadat. C'est un petit peu le Wagner bis, le Wagner turc. Et c'est cette structure qui fait théoriquement la formation et qui fait la préparation des unités opérationnelles sur le Bayraktar. Un drone armé de type Bayraktar de fabrication turque, ça coûte combien environ ? Alors ce n'est pas très cher, on est largement en dessous des 5 millions d'euros. Et en fait, après, le problème, c'est le missile qu'on met dessus, parce que ce sont les missiles qui coûtent cher principalement. Et comparativement, un hélicoptère, ça coûte combien ? Je ne sais pas, ça dépend des modèles, bien évidemment, mais on est sur des modèles à 20 ou 30 millions. Sachant que l'hélicoptère est un engin relativement fragile. Donc le drone aujourd'hui trouve toute sa place dans les opérations de reconnaissance et éventuellement dans les opérations de combat pour les pays qui sont, je dirais, en tension. Est-ce que le drone n'est pas en train de remplacer l'avion ou l'hélicoptère dans certains pays africains ? Oui, mais l'emploi n'est pas le même parce qu'en fait l'hélicoptère fait de la logistique principalement. Il y a très peu d'hélicoptères armés à part les Mi-24. Je vois un exemple au Mali, il y a les deux. Il y a des hélicoptères armés, il y a des drones. Aujourd'hui, les Maliens préfèrent travailler avec des drones, c'est beaucoup plus simple. On met la mission à l'intérieur du drone et le drone, quoi qu'il en soit, il y va. Donc, on voit que l'emploi du drone est tellement simple, tellement facile et en fait tellement économique. Quelque part, il n'y a pas de comparaison. Encore une fois, l'hélicoptère devient un engin qui devient, je ne dis pas obsolète parce que le mot est un petit peu fort, parce que, dans les missions logistiques, les missions de commandement, on peut utiliser évidemment l'hélicoptère, mais l'hélicoptère perd beaucoup de son intérêt. On s'en sert comme un engin de transport, mais pas comme un engin de combat. À lire aussiLa défense et l'espace, seules éclaircies attendues au salon de l'aéronautique du Bourget En décembre 2023, au Nigeria, un drone a tué 85 civils qui participaient à une fête religieuse. C'était à Toudoum Biri, dans l'État de Kaduna. L'armée nigériane a présenté ses excuses, mais est-ce que le pilotage à distance n'augmente pas le nombre de bavures ? Théoriquement non, parce qu'il y a une qualité d'image qui est reportée à l'arrière, qui est excellente. Après, tout dépend du commandement, parce que l'image arrive derrière, dans une espèce de petit état-major, un petit PC pour faire court, avec un écran ou deux écrans. Donc il y a des vérifications, des contrôles et l'ordre de tir n'est pas donné par le tireur, il est donné par le chef du système. Alors après, tout dépend comment c'est organisé. Peer de Jong, vous êtes au salon du Bourget. Est-ce que les fabricants de drones sont présents, je pense notamment aux industriels turcs et chinois ? Alors, il n'y a globalement pas que ça, mais on va dire que c'est le grand marché qui s'ouvre. Parce qu'il y a des Luxembourgeois, il y a des Belges, il y a des Espagnols, il y a évidemment des Chinois. En fait, l'ensemble de la planète aujourd'hui fabrique des drones. Donc, on est sur un marché en pleine explosion. Donc encore une fois, c'est un marché phénoménal dans lequel les États africains sont partie prenante bien évidemment, puisqu'en fait, ils peuvent acquérir des engins à des prix parfaitement acceptables. D'autant qu'aujourd'hui, on fabrique les drones en grande quantité, donc les prix baissent et donc, évidemment, ils sont accessibles pour tous les budgets militaires africains. Et le premier prix est à combien, si j'ose dire ? Pour 10 000 euros, vous avez un drone parfaitement efficace. Aujourd'hui, l'Union européenne finance des programmes de drones pour la surveillance des frontières ou pour la surveillance des pêches, ou éventuellement pour les questions de surveillance écologique, pour voir les bateaux, les dégazages, etc. Donc, encore une fois, le drone a des missions extrêmement variées. Alors c'est vrai que la mission la plus haute, c'est la mission de combat avec des missiles, mais on voit bien que la plupart des missions des drones sont des missions de reconnaissance ou des missions pour aller observer ce qui se passe. Y a-t-il en Afrique aujourd'hui des États qui cherchent à fabriquer eux-mêmes des drones ? Alors quand les vendeurs de drones viennent dans les pays, les États africains leur disent : « Écoutez, nous, on est prêts à, comment dire, à vous acheter des drones, mais par contre on veut les fabriquer sous licence. » Donc, il y a un marché régional qui va se mettre en place. Moi, je connais deux pays qui aujourd'hui sont plutôt partie prenante et sont plutôt dynamiques dans ce domaine-là, c'est le Maroc et l'Afrique du Sud. À lire aussiFrance: les tensions géopolitiques au Moyen-Orient perturbent le salon de l'aéronautique du Bourget
Les années Biya, c'est le titre du livre qui vient de paraître aux Éditions du Schabel. Dans cette enquête de 700 pages, bâtie sur des confidences et des archives inédites, l'essayiste camerounais Haman Mana raconte en détail les 42 années et demie du président Paul Biya à la tête du Cameroun. Les succès comme les échecs. Tour à tour journaliste à Cameroon Tribune, puis directeur de publication au journal Mutations, puis patron du journal Le Jour, Haman Mana a été le témoin de beaucoup d'évènements sous la présidence de Paul Biya. À quatre mois de la présidentielle, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Haman Mana, l'un des temps forts de votre livre, c'est la présidentielle d'octobre 1992. Paul Biya a dû accorder le multipartisme. Dans le pays d'à côté, le Congo-Brazzaville, le président Denis Sassou Nguesso vient d'être battu par Pascal Lissouba. C'est le vent du changement. Et pourtant, Paul Biya est officiellement réélu, mais avec seulement quatre points d'avance sur John Fru Ndi, un score très serré. Est-ce à dire que le parti au pouvoir RDPC était moins aguerri, moins fort qu'aujourd'hui ? Haman Mana : Le parti RDPC était moins sophistiqué dans sa capacité à manipuler les chiffres. À l'époque, je pense qu'il y a une grande mobilisation autour du Social Democratic Front. De John Fru Ndi ? De John Fru Ndi et il y a ce raz-de-marée vers les urnes qui fait que tout le monde est d'accord là-dessus aujourd'hui. C'est John Fru Ndi qui a remporté ces élections, mais ce n'est qu'en dernière minute, à la Commission nationale de recensement des votes, avec un afflux de votes venant tardivement de l'Extrême Nord, qu'on a dû corriger les résultats. J'en parle parce que je suis un témoin oculaire. J'étais jeune journaliste à Cameroun Tribune et c'est moi qui ai couvert non-stop. On a appelé ça la Commission nationale de recensement des votes. Non, je pense que le pouvoir n'était pas encore aguerri dans ces techniques de modification des résultats de vote. Voilà. Vous rappelez aussi qu'en octobre 1992, le Nordiste Bello Bouba Maigari arrive troisième avec 19 % des voix. Est-ce que l'opposition aurait gagné si Fru Ndi et Bello n'avaient pas été divisés ? Si l'opposition avait été unie, peut-être que John Fru Ndi aurait gagné. Mais maintenant, c'est sans compter avec la volonté absolue, la volonté claire du Rassemblement démocratique du peuple camerounais et de Paul Biya de rester au pouvoir. Alors John Fru Ndi est décédé, mais Paul Biya et Bello Bouba Maigari sont toujours là. Est-ce que vous pensez qu'on va les revoir tous les deux comme candidats en octobre prochain ? Ecoutez, ça dépend de l'arithmétique. À l'heure actuelle, on sait que Bello Bouba, politiquement peut-être, n'est plus ce qu'il était à cette époque-là. Donc cela fera partie des calculs. Maintenant, il y a l'inconnue Maurice Kamto. Est ce qu'on acceptera sa candidature ? À ce qu'il me semble, peut-être que Bello Bouba Maigari n'est pas un protagoniste décisif dans l'élection de 2025, sauf s'il adoube Maurice Kamto. Autre temps fort dans votre livre, la querelle territoriale entre le Cameroun et le Nigeria sur la presqu'île de Bakassi. On est en 1994 et vous dites que là, c'est une réussite pour le régime de Paul Biya ? Oui, bien sûr. Mon livre est là pour rendre compte de ce qui s'est passé. Mon livre n'est pas là pour peindre en noir un régime. Non. Et ce qui me semble, tout le monde est d'accord là-dessus, Paul Biya a bien joué. C'est une carte qu'il a bien jouée par une forme de pondération, par une forme d'utilisation de ses relais internationaux et également par l'expertise juridique locale. C'est là où on retrouve Maurice Kamto. On savait déjà que Maurice Kamto n'était pas forcément quelqu'un de favorable au régime en place, mais compte tenu de son expertise, il était l'une des figures de proue de l'équipe et, après avoir remporté sur le plan juridique, Paul Biya a engagé une négociation politique pour pouvoir obtenir ce qu'il avait gagné juridiquement. Là, c'était bien joué. Pendant ces 43 années de présidence de Paul Biya, il y a dans votre livre plusieurs fils conducteurs, la corruption, la répression. Vous parlez notamment des plus de 100 jeunes émeutiers de la faim qui sont tués à Douala en février 2008. Pourquoi avez-vous tenu à faire le portrait de l'ancien Secrétaire général de la présidence, Marafa Hamidou Yaya, qui est en prison depuis 2012 ? Oui, c'est pour dire l'absurdité qui entoure la question de la succession de Monsieur Biya et ceci depuis le début des années 2000. C'est-à-dire qu'il est question de couper en réalité toutes les têtes qui dépassent. Voilà ! Oui, vous citez l'ambassadeur des États-Unis à Yaoundé qui dit que « Marafa est en prison parce qu'il a pensé au pouvoir ». Exactement. Ça, ce sont les fuites de Wikileaks qui ont mis cela dehors. Et voilà ce qu'il est advenu. Et puis, dans votre livre, vous dites : « Je raconte le long chemin sur lequel Paul Biya a mené le Cameroun au bord de l'abîme, non sans la complicité de ce peuple qui, paresseusement, s'est laissé choir. » Oui, je pense que c'est trop facile de dire que Paul Biya a fait ci, Paul Biya a fait ça. La société civile camerounaise, le peuple camerounais, se lie lui-même les mains dans un pacte de paresse, de corruption. Non, en réalité, chez moi, il est plus question de piquer l'orgueil des uns et des autres afin qu'ils se ressaisissent. En réalité, c'est un appel à la réappropriation du Cameroun par les Camerounais. À lire aussiCameroun: à 92 ans, Paul Biya investit les réseaux sociaux à cinq mois de la présidentielle
« Les affrontements militaires de ces trois derniers jours entre Israël et l'Iran, à l'initiative de l'Etat hébreu, ne doivent pas faire oublier la guerre sanglante à Gaza », disent de nombreux observateurs. Depuis le 7-Octobre, jour du massacre de plus de 1 200 Israéliens par le Hamas, plus de 54 000 Palestiniens, en majorité des civils, ont été tués en représailles par Israël. Cette hécatombe suscite des réactions dans le monde entier. L'historien sénégalais Abdoulaye Bathily a été plusieurs fois ministre dans son pays. Il a été aussi l'émissaire de l'ONU en Libye. Il témoigne au micro de Christophe Boisbouvier. À lire aussiGuerre Israël-Iran: «L'Iran apparaît comme un moyen de faire oublier Gaza et les crimes qui ont été commis» À lire aussi«Ils veulent délibérément créer le chaos»: à Gaza, le soutien d'Israël à des groupes criminels n'étonne personne
Ce samedi 14 juin, cela fait trente ans que nous a quittés Sony Labou Tansi, un écrivain, poète et dramaturge congolais majeur, dont l'œuvre satirique et engagée a dénoncé la corruption et la dictature tout en célébrant la vitalité humaine et l'espoir. Qui était cet auteur, qu'a-t-il écrit ? Pour en parler, nous recevons aujourd'hui Xavier Garnier, professeur de littératures française et francophone à l'université Sorbonne-Nouvelle à Paris. Il répond aux questions de Laurent Correau. À lire aussiL'écrivain Sony Labou Tansi, une deuxième vie, 20 ans après sa mort
À Nice, dans le sud de la France, ils sont 95 pays – dont la France – à avoir lancé un appel pour limiter la production de plastique et donc la pollution des mers. C'était cette semaine, lors de la troisième Conférence des Nations unies sur l'océan, qui s'achève ce vendredi 13 juin. Comment mieux protéger nos mers, qui recouvrent 70% de la surface du globe ? À l'heure du bilan, Ève Bazaiba Masudi se confie à RFI. Elle est ministre d'État et ministre de l'Environnement et du Développement durable en République démocratique du Congo. La cheffe de la délégation congolaise à Nice répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Qu'est-ce que vous retenez de cette troisième conférence de l'ONU sur l'océan ? Ève Bazaiba Masudi : Mais c'est vraiment une initiative très importante parce que ça nous permet de mobiliser davantage les soutiens politiques de très haut niveau en faveurs des initiatives africaines et surtout de susciter un élan de développement et d'accélérer les investissements sur les infrastructures portuaires, c'est ce qui nous manquait, et de renforcer la gouvernance océanique. Et en ce qui concerne la République démocratique du Congo, nous avons présenté le fait que la montée des eaux de la mer, par exemple où les pays insulaires sont en danger, c'est une conséquence logique du réchauffement de la planète. Donc, on ne peut pas dissocier la conservation, la protection des forêts et la gestion durable, donc, de nos mers. Et dans cette optique-là de partenariat gagnant-gagnant, la République démocratique du Congo, tout en étant victime de la situation dont elle n'est pas responsable, apporte une solution. Les forêts, les ressources en eau, les minerais critiques ou stratégiques et, de l'autre côté, les autres pays qui vont venir en partenariat avec nous vont apporter leurs fonds, leurs transferts de technologie, voilà un partenariat gagnant-gagnant qui va sauver l'humanité. Donc, il faut une coopération scientifique et des transferts de technologie ? Tout à fait, parce que les populations seront obligées de changer leurs habitudes. Nous qui sommes à la fois un pays forestier et un pays qui a accès à la mer, nous devons changer nos habitudes dans la conservation des forêts, dans la gestion durable des océans. Par exemple, la lutte contre la pollution plastique ; par exemple, la protection des mangroves ; par exemple, arrêter l'agriculture itinérante sur brulis, ne plus utiliser à outrance le bois comme énergie... Et ça demande des moyens, ça demande des fonds, parce que protéger la RDC, c'est sauver l'humanité. La RDC ne peut pas être un pays qui fait face à des conflits, par exemple, pour nous distraire. À l'est du pays, vous avez vu, il y a des vautours qui viennent pour l'exploitation illégale et illicite de nos ressources minières. Nous avons besoin de la paix et d'une paix durable. Ève Bazaiba Masudi, vous avez parlé de la pollution plastique. Alors, l'un des moments forts de cette conférence de Nice a été l'annonce que 95 pays soutenaient le projet d'adopter un traité ambitieux pour réduire la production de plastique et donc la pollution des mers. Qu'en est-il de la République démocratique du Congo ? Est ce qu'elle fait partie de ces 95 pays ? Nous soutenons ce traité tout en disant que c'est un processus. On n'est pas là pour les stopper directement, ces plastiques, nous allons y aller progressivement. C'est l'approche de la République démocratique du Congo. Il n'y a pas que des bouteilles en plastique, il y a plusieurs sortes de plastique, y compris des pneumatiques, n'est-ce pas ? En passant même par les jouets des enfants et autres ustensiles de cuisine, etc. La récupération, la transformation, le recyclage, et cetera, c'est comme ça que nous sommes dans ces processus dans notre pays. Est-ce que la RDC est dans les 95 ou pas ? Nous sommes dans les 95 pays, nous sommes dans ce processus-là. Nous l'avons commencé. Bientôt, il y aura les négociations qui vont continuer à Genève. Nous sommes là, nous faisons partie de cela. Le problème, madame la ministre, c'est que le plastique, il est fait à partir du pétrole et que beaucoup de pays pétroliers comme la Russie, l'Iran, l'Arabie saoudite sont opposés à cette limitation de la production de plastique. Vous savez, eux aussi, vivent le revers de la main de tous les procédés polluants qu'ils sont en train d'utiliser. Tout ce que nous allons faire, c'est la conscientisation. Parce que si nous ne prenons pas garde, nous risquons de vivre l'hécatombe, y compris dans ces pays-là. Alors, nous devons y aller étape par étape, leur demander par exemple d'appuyer le processus de récupération de ces plastiques, le processus des déchets et, étape par étape, lorsque nous allons stopper la consommation, lorsqu'il y aura plus de demande, l'offre ne viendra plus. Oui, mais ce que disent beaucoup, c'est qu'il ne suffit pas de gérer les déchets plastiques, il faut aussi réduire la production des plastiques. C'est ce que je dis, l'offre et la demande. Lorsque nous n'aurons plus de besoins de plastique, ils ne vont plus avoir l'intérêt à produire. Oui, c'est ça, il faut remplacer le plastique par autre chose ? Oui, par les matières biodégradables au niveau des emballages déjà, nous allons mettre des barrières sur la consommation des plastiques. Nous qui sommes des importateurs, nous allons arriver jusqu'à la limitation, donc, de l'entrée des plastiques dans notre pays, en commençant d'abord par exiger des plastiques recyclés localement. Je pense que la demande va diminuer, il n'y aura plus d'intérêt de fabrication, donc l'offre va s'arrêter de soi-même.
Au Burundi, les résultats des législatives du 5 juin sont sans surprise. Le parti au pouvoir CNDD-FDD est crédité de 96% des voix et rafle la totalité des 100 sièges de la nouvelle Assemblée nationale. Le président Évariste Ndayishimiye consolide donc son pouvoir au moment où la population s'inquiète de plus en plus de voir partir des soldats burundais au Congo, au risque de leur vie. Le Burundi risque-t-il d'être le grand oublié d'un éventuel accord entre le Rwanda et la RDC ? L'avocat congolais Reagan Miviri est chercheur sur les conflits à l'institut Ebuteli. En ligne de Kinshasa, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Le pouvoir burundais voulait faire de ces législatives un plébiscite en sa faveur. Officiellement, c'est réussi. Mais qu'en est-il en réalité ? Reagan Miviri : En réalité, c'est un pouvoir qui est de plus en plus contesté, qui est confronté à une situation économique désastreuse et à une méfiance venant d'une population qui ne comprend pas l'implication militaire en RDC alors même qu'il y a de graves problèmes au Burundi, surtout des problèmes économiques. Le principal opposant, Agathon Rwasa, n'a pas pu présenter de candidat à ces élections. Est-ce le signe que le pouvoir se méfie encore de son poids politique ? On peut le dire ainsi. Je pense que le pouvoir, surtout dans ces moments de crise économique, se rassure de ne pas avoir une autre menace de plus. Et surtout toute personne qui peut mobiliser contre le régime est écartée. La société civile burundaise accuse le président Ndayishimiye de brandir exagérément la menace militaire du Rwanda et du M23 pour justifier une répression accrue contre les opposants. Mais n'y a-t-il tout de même pas une offensive des troupes rwandaises et du M23 depuis quelques mois ? Oui, bien sûr. Je pense que la question sécuritaire est réelle. Les M23, soutenus par l'armée rwandaise, sont maintenant dans la plaine de la Ruzizi et ils se rapprochent beaucoup plus de la frontière burundaise, ce qui peut vraiment inquiéter le Burundi. Depuis l'accord de coopération militaire d'août 2023, il y a eu jusqu'à 10 000 soldats burundais qui ont combattu au côté de l'armée congolaise au Nord et au Sud-Kivu. Mais depuis la bataille de Ngungu en décembre dernier face aux troupes du Rwanda et du M23, est-ce qu'on a une idée des pertes subies par l'armée burundaise ? C'est difficile d'avoir des chiffres exacts mais les pertes pourraient aller jusqu'à des centaines, voire même peut-être un millier. Quand il y a des pertes, ça rajoute encore du mécontentement au point que le pouvoir, voyant les élections approcher, a vu qu'il fallait réduire un peu sa présence et son empreinte en RDC. Il y a eu aussi quelques contacts entre les sécurocrates burundais et rwandais. D'ailleurs à un moment, on parlait d'une sorte de pacte de non-agression et c'est depuis ces temps-là que l'on voit que dans la plaine de la Ruzizi, alors même qu'il y a encore des affrontements entre les M23 et les Wazalendo, les militaires burundais qui sont souvent dans les mêmes zones ne sont pas impliqués dans ces affrontements. À lire aussiLa RDC et le Burundi signent un accord de coopération sécuritaire Donc Gitega et Kigali se sont parlés pour ne pas s'agresser directement ? En tout cas, on peut confirmer qu'il y a eu des pourparlers. Depuis plusieurs semaines, le Rwanda et le Congo-Kinshasa sont fortement encouragés par les médiateurs à négocier en vue d'un accord à la fois politique et commercial. Est-ce que le Burundi ne risque pas d'être le grand oublié de cet éventuel accord à venir ? Oui, je pense. Si ça continue toujours dans le format Doha et Washington, il me semble que le Burundi – et pas que le Burundi d'ailleurs, il y a aussi l'Ouganda de l'autre côté – risquent d'être des parties qui vont se sentir un peu oubliées. Et je pense que ça, c'est un risque de ne pas avoir un accord durable parce que ça serait très difficile d'avoir un accord avec le Rwanda sans l'avoir avec le Burundi et l'Ouganda. Et c'est pour cela que beaucoup de voix s'élèvent, pour que les processus internationaux soient les plus inclusifs possibles. Si on n'a pas cette question sur la table et si elle n'est pas gérée, il y a risque que l'on résolve peut-être le conflit dans une partie du Congo, par exemple dans le Nord-Kivu, mais que les tensions continuent par exemple dans la plaine de la Ruzizi. Le Burundi possède des terres rares, donc si demain le Rwanda et la RDC sont autorisés à exporter plus de richesses minières vers les États-Unis, le Burundi voudra aussi y trouver son compte, c'est ça ? Oui. Je pense que, dans un deal sur le minerai, il faut prendre en compte tous les acteurs en tant que pays de production mais aussi de traitement, de transit, parce qu'on peut aussi parler par exemple de l'or du Sud-Kivu qui passait par le Burundi. Et qui maintenant passe par le Rwanda ? Oui, et ça, c'est quelque chose qui doit inquiéter le Burundi. Et le Burundi voudrait quand même aussi avoir sa part dans tous ces différents deals miniers. À lire aussiLégislatives au Burundi: le parti au pouvoir rafle la totalité des sièges en jeu à l'Assemblée
Au Mali, Wagner, c'est fini. Les troupes russes vont maintenant faire la guerre sous le nom d'Africa Corps. Pourquoi ce nouveau nom ? Est-ce seulement un changement de casquette ? « Pas si simple », répond Arthur Banga, qui est spécialiste des questions de défense à l'université Félix-Houphouët-Boigny d'Abidjan, en Côte d'Ivoire. L'enseignant-chercheur veut espérer qu'Africa Corps commettra moins d'exactions que Wagner contre les civils maliens. Arthur Banga répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : « Bravo à Wagner qui en trois ans a bouté les terroristes de nombreuses zones du Mali et reconquis la capitale régionale de Kidal », disent les médias pro-russes. Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que le bilan militaire de Wagner est positif ? Arthur Banga : Il est très mitigé ce bilan. Il y a quand même la victoire de Kidal qui est importante pour l'image déjà de la reconquête mais importante aussi pour la stratégie du gouvernement malien. Mais depuis justement cette victoire significative en novembre 2023, il n'y a plus rien. Il y a plutôt des défaites : Tinzaouatène... Tout récemment, des attaques qui se multiplient. Et je pense que, quelque part, l'action de Wagner est mitigée, sinon peut-être même négative quand on fait la balance. Alors, en effet, en juillet 2024, plus de 80 mercenaires de Wagner auraient été tués par les rebelles touaregs du FLA lors de la bataille de Tinzaouatène. Est-ce que cette défaite militaire a pu porter atteinte au moral des troupes russes ? Est-ce l'une des raisons du changement de nom aujourd'hui ? Oui, ça a été une défaite beaucoup commentée. Et puis, on a encore les images de prisonniers qui ont été faits par ces groupes. Et qui sont toujours aux mains des rebelles... Voilà. Et ces images diffusées ont vraiment porté atteinte parce que l'idée, c'est que Wagner venait de réussir le job que, par exemple, l'armée française ou Takuba n'avait pas pu faire. Et là malheureusement pour les Maliens, le constat est amer et cette défaite a marqué les esprits. Et a surtout décrédibilisé un peu Wagner, surtout après leur victoire à Kidal. Alors, justement, si on compare le bilan Wagner au bilan Barkhane, qu'est-ce qu'on peut dire ? Je pense que l'on peut tirer les mêmes enseignements de ces deux opérations : soit vous vous trouvez dans le cas de Barkhane, vous devenez perçu comme une force d'occupation, vous perdez votre statut de force de libération pour une force d'occupation. Soit comme Wagner, vous comprenez que l'on peut avoir des victoires tactiques, mais au final, le bilan est mitigé. Est-ce que Wagner faisait de la protection rapprochée des officiers supérieurs de la junte malienne ? Et est-ce qu'Africa Corps va continuer cette mission ? La mission ne va pas changer. Et on l'a bien vu sur certaines images très claires, authentifiées, que Wagner faisait souvent de la surveillance de personnalité. De la protection en fait ? De la protection, oui. Sur le plan opérationnel, Wagner jouissait d'une certaine autonomie, surtout du vivant d'Evgueni Prigojine. Est-ce qu'Africa Corps sera plus sous le contrôle direct du ministère russe de la Défense à Moscou ? Oui, ça, ça sera l'un des grands changements, parce que justement Prigojine s'est autorisé des largesses au nom de cette autonomie. Donc, clairement, la plus grande différence sera à ce niveau-là, ça sera l'impact direct des autorités russes, le contrôle direct sur l'action que va mener Africa Corps. Et ça, ça va changer de l'autonomie de Wagner. Sur le plan des droits de l'Homme, Wagner a commis plusieurs massacres, notamment dans la communauté peule du Mali. À Moura près de Mopti, en mars 2022, plus de 500 civils ont été tués par les Russes de Wagner. Est-ce que les Russes d'Africa Corps sont prêts à continuer les mêmes exactions à votre avis ou pas ? On verra. Si Wagner faisait le job entre guillemets et même sur le front ukrainien, recruter des prisonniers etc, c'est parce qu'on ne voulait pas mêler directement la Russie officielle à ces aspects-là, les massacres et cetera. Ça peut donc avoir un impact positif dans ce sens-là parce que le fait d'être lié directement au Kremlin peut avoir la conséquence d'être un peu plus regardant sur ces aspects-là, parce que ça peut remonter directement sur la réputation du Kremlin et de la Russie. On peut donc espérer qu'il y aurait moins d'exactions, même s'il faut rester vigilant et prudent. Parce qu'Africa Corps, ça responsabilise directement Vladimir Poutine ? Beaucoup plus que Wagner. Sur le plan économique, Wagner crée des compagnies minières pour exploiter les ressources locales aussi bien au Mali qu'en République centrafricaine. Que va-t-il en être maintenant avec Africa Corps ? Je pense que la logique va se perpétuer, peut-être pas avec les mêmes acteurs, peut-être pas directement avec Africa Corps, qui va sans doute se concentrer sur ses aspects militaires. Mais il faut bien voir que l'on est dans une opération stratégique dans le sens large du terme, c'est-à-dire qu'on fait à la fois du politique, du militaire, du diplomatique, mais aussi de l'économie. Et donc, la Russie n'entend pas perdre les gains économiques de Wagner. Ce n'est pas possible. « Notre présence en Afrique s'accroît, nous allons nous concentrer principalement sur l'interaction économique et l'investissement », affirme Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin. Ça va se traduire comment sur le terrain économique ? Aujourd'hui, l'un des reproches que l'on fait justement à la Russie, c'est de n'apporter sur le continent que son savoir-faire militaire. Aujourd'hui, elle va aussi essayer de montrer qu'elle sait être un partenaire économique fiable au même titre que la Chine, les pays occidentaux. Wagner, c'était pour trois ans, Africa Corps, c'est pour 30 ans ? Sauf changement de régime, je pense que la Russie est encore pour le moment au Mali, au Niger et au Burkina, dans un cadre plus durable, dans un cadre plus global. Et vous avez rappelé les mots de Peskov : c'est, aujourd'hui, asseoir à la fois du militaire, du diplomatique, de l'économique et même du culturel.