Du lundi au vendredi, Christophe Boisbouvier reçoit un acteur de l'actualité africaine, chef d'Etat ou rebelle, footballeur ou avocate... L'invité Afrique, c'est parfois polémique, mais ce n'est jamais langue de bois.
Le premier tour de l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire se tient le samedi 25 octobre. Cinq candidats sont en lice. RFI donne la parole à chaque candidat. Jeudi 16 octobre, c'est à l'ancienne ministre Henriette Lagou, qui se présente comme une femme politique « centriste » : elle prône l'apaisement. Henriette Lagou répond aux questions de notre correspondante à Abdijan, Bineta Diagne. RFI : Henriette Lagou, vous avez démarré votre campagne par Daoukro, c'est le fief du PDCI. Ce parti n'a pas donné de consigne de vote pour cette élection. Est-ce que c'est pour vous une manière explicite de séduire l'électorat de Tidjane Thiam ? Henriette Lagou : ce n'est pas une séduction, mais ce sont des grands principes de notre société. Je suis de Daoukro. Il est important que je confie à la population de l'Iffou, de Daoukro, singulièrement cette campagne que nous entamons. Ce n'est donc pas pour aller charmer un quelconque électorat. Dans cette zone, le public est majoritairement favorable au PDCI ? Une campagne présidentielle, ce n'est pas un parti qui gagne, ce n'est pas un parti qui vote, mais c'est toute la population. Une des questions de cette élection présidentielle, c'est la participation des électeurs. Quel message adressez-vous sur le terrain aux électeurs pour qu'ils se motivent à venir voter le 25 octobre. C'est de dire que la Côte d'Ivoire est notre bien commun. À chaque élection en Côte d'Ivoire, il y a eu toujours quelques remous. Il y a eu des crises. Ce n'est pas la Côte d'Ivoire seulement, dans d'autres pays aussi ça se passe comme ça. Mais cette fois-ci, nous devons aller à ces élections-là de façon paisible. Pourquoi ? Parce que la Côte d'Ivoire a connu une grande crise et les cicatrices ne sont pas encore fermées. Et nous avons le devoir d'apaiser les populations en allant à ces élections. Comment vous positionnez-vous par rapport aux candidats à l'élection présidentielle qui, eux, ont été recalés par le Conseil constitutionnel ? Je pense notamment à l'ancien président Laurent Gbagbo. Je pense aussi au président du PDCI, Tidjane Thiam. Comment est-ce que vous vous positionnez par rapport à eux ? Je me positionne les bras ouverts pour que, en fin de compte, un président soit élu au soir du 25 octobre. J'en appelle à ces deux leaders et aussi, au-delà de ces deux leaders, à tous les candidats qui ont été recalés : que nous puissions aller paisiblement aux élections et que moi, Henriette Lagou, je suis Ivoirienne. Je suis centriste. Je suis pour l'apaisement et je les appelle à me soutenir. Vous étiez déjà candidate en 2015, vous aviez fait moins de 1 %. Aujourd'hui, qu'est-ce qui a changé ? Dix ans plus tard, comment est-ce que vous menez votre campagne face à des grosses montures, à des gros partis qui eux sont déjà sur le terrain depuis assez longtemps ? C'est vrai, je n'ai pas fait un score qui puisse attirer l'international, qui puisse attirer même le national. Mais ce qu'il faut retenir, c'est que quand j'ai pris la carte de la Côte d'Ivoire, partout, Henriette Lagou a eu une voix, deux voix. Henriette Lagou a été votée. Et ça, quand j'ai vu, j'ai dis mais voilà, je suis nationale et je peux percer l'abcès et je continue à travailler sur le terrain. En 2015, je suis allée en singleton et puis c'était pour me faire connaître en fait, parce que, à chaque élection sa stratégie. Mais aujourd'hui, je pense que j'ai les armes, j'ai l'expérience. Sans le soutien officiel des principaux partis politiques comme le PDCI, le PPA-CI, qui n'ont pas donné de consigne de vote, ça risque d'être quand même un peu compliqué ? Vous savez, les choses ne se passent pas, ici en Afrique et en Côte d'Ivoire comme ailleurs dans les pays où les consignes de vote sont suivies par des militants ou par des sympathisants. Ici, c'est tout autre chose. Voilà. Parce que quand, dans une région, vous avez des milliers de militants et que ces milliers de militants-là se retrouvent à la personne qui est candidate, je vous ai dit que les choses ne se passent pas en termes de parti politique, mais ça se passe en termes de peuple qui vote. À lire aussiPrésidentielle en Côte d'Ivoire: coup d'envoi de la campagne
Le premier tour de l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire se tient le samedi 25 octobre, avec cinq candidats en lice. RFI donne la parole à chaque candidat. Mercredi 15 octobre au matin, Ahoua Don Mello. Ce candidat indépendant et ancien cadre du parti de Laurent Gbagbo propose un programme axé sur la souveraineté économique. Ses relations avec son ancien parti, le PPA-CI, sa stratégie électorale, Ahoua Don Mello répond aux questions de Bineta Diagne. RFI : Ahoua Don Mello, vous vous présentez comme une « candidature de précaution » pour permettre à votre parti d'origine, le PPA-CI d'être présent à cette élection. Concrètement, que comptez-vous faire après l'élection si vous gagnez ? Ahoua Don Mello : Nous avons beaucoup de prisonniers politiques et beaucoup de personnalités politiques qui sont exclus du jeu politique. Et donc la première décision, c'est de prendre une loi d'amnistie qui puisse permettre de donner la liberté à chacun d'aller et venir et aussi de restaurer plusieurs personnalités politiques, leurs droits politiques et civils. Vous faites la loi d'amnistie et comment ça se passe avec les militants de votre parti, à commencer par le président du parti qui est lui-même aspirait à la magistrature suprême. Quelle place lui accorderiez-vous ? On ne peut pas lui imposer une place. C'est par le dialogue qu'on peut partager des responsabilités. Et donc il a toute sa place dans un processus démocratique. « Partager les responsabilités », ça veut dire quoi concrètement ? La démocratisation d'un État, c'est aussi de passer d'un régime présidentialiste fort à un pouvoir partagé entre plusieurs institutions de la République. C'est ça qui permet de créer des pouvoirs et des contre-pouvoirs et donc d'éviter les abus de pouvoir. Votre candidature a suscité un froid au sein de votre parti. Est-ce que vous êtes toujours en discussion avec le PPA-CI ? Si oui, sur quoi ? Est-ce que le parti va vous soutenir pour la campagne ? Moi, j'ai exprimé ma différence. Maintenant, il faut engager la discussion avec les camarades sur des bases raisonnables parce que, aujourd'hui, leur position consiste à dire : « il faut les combattre ». Mais quand vous nous combattez, automatiquement vous nous affaiblissez. Si vous nous affaiblissez, c'est le quatrième mandat qui se met en route. Pour vous, le fait qu'il n'y ait pas de consigne de vote aujourd'hui, vous partez avec un handicap sur le terrain ? Il est bien évident que l'idéal aurait été que j'ai le soutien de tous les partis forts comme le PPA-CI, comme le PDCI, qui n'ont pas de candidats. Et donc, si tous ces partis-là disent aujourd'hui, « nous soutenons Monsieur Don Mello », eh ben j'économise tous les frais de campagne. Nous, nous donnons une issue démocratique à la colère des citoyens. Vous allez sur le terrain auprès des électeurs à Bouaké et Yamoussoukro. Pourquoi est-ce que vous évitez les zones dites favorables à Laurent Gbagbo ? Détrompez-vous, ceux qui me soutiennent, ils sont beaucoup plus dans ces zones-là. Et comme ils font déjà un travail de fond, ma présence ne sera que symbolique au dernier moment. Vous comptez par exemple partir à Gagnoa ? Bien évidemment, puisque c'est là-bas que j'ai eu les premiers soutiens de parrainage. Sur le plan économique, vous prônez la valorisation des produits locaux, l'industrialisation, aussi de l'économie. C'est sensiblement le même programme que madame Simone Ehivet. Pourquoi n'avez-vous pas misé sur une seule candidature au sein de la gauche ivoirienne ? Vous êtes pressé madame ! L'annonce des candidatures a eu lieu, il n'y a même pas un mois et donc nous sommes en négociation. Ne soyez pas pressée. Donc c'est possible de vous voir désister ces jours-ci en la faveur de madame Simone Ehivet ? Évidemment que tout est possible puisque nous sommes face à une situation. Le tout c'est de savoir quelle stratégie adopter. Est-ce qu'aujourd'hui, alors que la campagne a déjà démarré, ce n'est pas un peu trop tard pour enclencher ce type de dynamique ? À trois jours des élections, on peut changer l'histoire de cette Côte d'Ivoire. Et donc il n'est jamais trop tard pour, je vais dire, se donner les moyens de changer le cours de l'histoire. Donc, nous continuons la discussion et nous pensons que nous arriverons à une stratégie commune. Vous êtes vice-président au sein de l'Alliance des BRICS et vous mettez beaucoup en avant les relations avec le patronat russe. Qu'est-ce qui va changer si vous êtes élu président de la République ? Est-ce que vous allez changer totalement les partenariats de la Côte d'Ivoire ? Est-ce que ce seront des partenariats qui sont davantage tournés vers Moscou ? Comment ça va se passer ? C'est normal dans un monde multipolaire d'avoir aussi des relations en Russie. J'ai été directeur général du Bureau national d'études techniques et de développement (BNEDT) pendant dix ans. J'ai créé aussi beaucoup de relations. J'ai aussi coopéré avec la Chine, j'ai créé beaucoup de relations. J'ai coopéré avec l'Inde, j'ai créé beaucoup de relations. C'est ça la richesse d'un homme politique.
« Il n'y a qu'une seule issue pour résoudre les problèmes, c'est de respecter la Constitution », s'est exprimé lundi 13 octobre le président Andry Rajoelina. Le chef d'État malgache, silencieux et introuvable depuis samedi, se dit juste « en lieu sûr » et accuse « un groupe de militaires et politiciens de vouloir attenter à sa vie », raison pour laquelle selon lui, il a dû être exfiltré par un avion militaire français. Il écarte toute démission et appelle à respecter l'ordre constitutionnel. Mais peut-il encore reprendre la main ? Olivier Vallée, économiste et politologue spécialiste de Madagascar, répond aux questions de Sidy Yansané. À lire aussiCrise à Madagascar: le président Rajoelina s'adresse à la nation et appelle à «respecter la Constitution»
À Madagascar, après quinze jours de manifestations réprimées par la force et qui ont fait au moins 22 morts, ce week-end a marqué un tournant, riche en rebondissement. Pour la toute première fois, le mouvement Gen Z – à l'origine des revendications pour un accès à l'eau et l'électricité – a obtenu le soutien d'une partie de l'armée, le Capsat. Pour en parler, Ketakandriana Rafitoson, vice-présidente mondiale de Transparency international, enseignante chercheuse en sciences politiques à l'université catholique de Madagascar répond aux questions de RFI.
Elle est journaliste, militante pour les droits humains et poétesse. Elle s'appelle Ketty Nivyabandi. Elle est née à Bruxelles de parents burundais, elle a passé une partie de son enfance et de sa vie de jeune adulte à Bujumbura, avant, en 2015, de devoir s'exiler, après avoir organisé la première marche pacifique de femmes de l'histoire de son pays. Pour dénoncer, à l'époque, la volonté du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat. Désormais exilée au Canada, Ketty Nivyabandi vient de faire paraitre un recueil de poésie intitulé Je suis un songe de liberté. Son recueil est paru en Europe et au Canada aux éditions Bruno Doucey. Il sera également disponible à partir de la fin du mois d'octobre sur le continent africain, via les éditions Jimsaan. Elle est l'invitée de Florence Morice.
Urgence médicaments dans l'est de la République démocratique du Congo. Dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, plus de 80% des centres de santé connaissent de graves ruptures de stocks de médicaments. Et ceux-ci sont souvent essentiels à la survie des patients. C'est le cri d'alarme que lance le CICR, le Comité International de la Croix-Rouge, dans un rapport publié hier. Explications de François Moreillon, qui est le chef de délégation du CICR en RDC et qui s'exprime aussi sur les discussions en cours entre les belligérants pour un échange de prisonniers. RFI : Vous dites que, dans près de 40 % des centres de santé, le personnel soignant a pris la fuite. Pourquoi cette débandade ? François Moreillon : Eh bien, écoutez d'abord, ces structures ont souvent été affectées, visitées, pillées, parfois ont reçu des éclats d'obus sur les structures même. Évidemment, le personnel de santé, qui se sent menacé par cette situation, la quitte. Par la suite, ce sont les manques de moyens qui affectent ces structures et qui expliquent aussi que certains du staff n'ont plus la motivation nécessaire pour rentrer, puisqu'ils n'ont plus les moyens d'agir. Donc je pense que la raison principale est le manque de respect pour le droit international humanitaire par les parties. Est-ce qu'il y a certains centres de santé où le personnel soignant est revenu ces dernières semaines ? Oui. Par exemple, le CICR soutient quatre de ces structures qui avaient vu une perte de leur personnel et, suite à notre intervention, nous avons vu un retour de certains de ces éléments. Donc, la partie n'est pas perdue. Il y a des mesures à prendre pour changer cette situation, mais à l'heure actuelle, la tendance est très négative. Alors, le sujet le plus grave dans votre rapport, c'est la rupture de stock de médicaments. Est-ce que c'est parce qu'ils ne sont plus disponibles ou parce qu'ils ne peuvent plus être acheminés jusqu'aux centres de santé ? D'abord, il y a des problèmes pour assurer le transfert fluide de ces médicaments. Ceux-ci étaient souvent transportés par avion. Les aéroports sont fermés. De plus, les lignes de front bloquent l'accès à des structures et à des stocks encore existants. Donc, c'est un concentré de plusieurs dimensions qui amène à cette situation. Et nous avons d'ailleurs offert nos services afin de faciliter le transfert de ces médicaments vers les structures de santé qui en ont le plus besoin, et ce, des deux côtés de la ligne de front. Et j'insiste sur ce point. Est-ce que vous, avec votre drapeau Croix-Rouge, vous pouvez aider les stocks de médicaments à franchir les barrages ? Oui, effectivement, nous le pouvons. Nous l'avons fait encore une fois par le passé, dans le Rutshuru, le Masisi notamment, et nous nous offrons pour acheminer ces médicaments. Quels efforts particuliers faites-vous, au niveau du CICR, pour limiter la gravité des faits depuis la bataille de Goma de janvier dernier ? Alors, nous soutenons de multiples structures de santé, des hôpitaux, avec nos équipes, notamment nos équipes de chirurgie de guerre. Nous avons mené de nombreuses interventions au bénéfice de déplacés récents, que ce soit en nourriture, en cash ou en biens essentiels de ménage, mais également au bénéfice des populations retournées, dont la nature des besoins peut être différente, en les appuyant également en semences et outils aratoires. Depuis sa création en 1864, il y a bientôt 200 ans, la Croix-Rouge s'occupe aussi des prisonniers de guerre et des détenus liés au conflit. Est-ce que, depuis la bataille de Goma de janvier dernier, vous avez pu rendre visite à certains de ces détenus ? Alors le CICR visite effectivement certains lieux de détention. Cependant, il y a beaucoup d'individus auxquels nous n'avons pas encore accès. Nous négocions ces accès. Nous espérons pouvoir visiter davantage de personnes arrêtées en lien avec le conflit, mais la situation reste encore très en deçà de nos attentes. Il y a actuellement des pourparlers à Doha, au Qatar, entre le gouvernement congolais et les rebelles du M23. Je crois d'ailleurs que vous même avez pu assister, il y a quelques jours, à l'une des séances de ces pourparlers sur place… Effectivement. Comme le disait ce mercredi sur RFI le vice-Premier ministre congolais Jacquemain Shabani, le CICR peut faciliter un éventuel échange de prisonniers. Pensez-vous qu'un tel échange peut avoir lieu bientôt ? Alors, le CICR a effectivement été mandaté dans le cadre de l'accord de principe de Doha afin de faciliter, en tant qu'intermédiaire neutre, l'échange de détenus entre les deux parties que sont l'AFC M23 et le gouvernement. Donc, dans ce cadre, nous avons effectivement participé aux discussions à Doha. Un accord sur le mécanisme a été obtenu, ce qui est une avancée importante. Le CICR, maintenant, travaille avec les parties pour mettre en œuvre ce mécanisme. C'est un processus complexe qui prend du temps, mais le CICR, encore une fois, n'a qu'un rôle de facilitateur. Ce n'est pas nous le maître des horloges, et nous sommes là pour faciliter ce à quoi les parties s'entendent. Oui, parce que dans le mécanisme, il y a des questions juridiques à régler, c'est ça ? C'est effectivement ce qui a été expliqué de ce que je comprends par le vice-Premier ministre sur votre antenne. Et donc ça prend du temps, c'est un marathon et non un sprint.
En RDC, des combats ont repris depuis quelques jours dans l'Est du pays, mais le gouvernement refuse de dramatiser. « Les indicateurs sur le retrait des troupes rwandaises de notre territoire ne sont pas encore visibles, mais nous sommes confiants qu'on va atteindre l'objectif de la paix », affirme le vice-Premier ministre congolais Jacquemain Shabani. De passage à Paris, Jacquemain Shabani, qui est aussi ministre de l'Intérieur, de la sécurité et de la décentralisation, s'exprime aussi sur ce qu'il appelle « le génocide perpétré dans l'Est du Congo depuis 30 ans ». Il répond aux questions de Patient Ligodi et Christophe Boisbouvier. RFI : Monsieur le vice-Premier ministre Jacquemin Shabani, le 27 juin dernier, le Congo et le Rwanda ont signé à Washington un accord de paix. Mais depuis une semaine, les combats reprennent au Nord et au Sud Kivu. Est-ce à dire que la guerre a recommencé ? Jacquemin Shabani : Je ne pourrais pas dire que la guerre a recommencé, parce qu'effectivement, il y a eu cet accord de paix signé à Washington. Il y a eu aussi une déclaration de principe signée à Doha et des mesures de confiance qui vont être mises en exécution dans le prochain accord qui va être signé aussi là-bas. Je crois qu'il faut arriver à considérer que nous sommes dans un processus qui a pour objectif de mettre en place une paix dans un contexte de conflit assez difficile. Le plus important pour nous tous, c'est de retenir le fait qu'il y a un processus de paix enclenché avec des initiatives effectivement à Washington, comme vous l'avez souligné, mais aussi à Doha, qui sont en cours et qui vont nécessairement se finaliser par une paix durable. Parce que c'est ça, l'objectif. Et la prise, il y a quelques jours, par les rebelles du M23 de la localité de Nzibira, au Sud Kivu. Quelle est votre réaction ? Ça entre dans le cadre de ce que vous venez de souligner. Et il y a un mécanisme mis en place à Washington, et même à Doha, de surveillance de tous ces incidents. Et dans ce contexte-là, toutes ces questions vont trouver des règlements. À lire aussiEst de la RDC: l'AFC/M23 en quête de gains territoriaux autour de Shabunda Recrutement de policiers, recrutement de magistrats. Le M23 s'enracine dans les deux territoires du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Il commence même à délivrer des documents administratifs, ce qui, pour le ministre de l'Intérieur et de la sécurité que vous êtes, doit être difficile à supporter. Est-ce que ce n'est pas le signe que le M23 veut s'installer dans la durée ? Le M23 est dans effectivement des initiatives que je pourrais qualifier de distraction. Mais je reviens encore à ce que je vous ai dit au début, nous sommes avec le M23 à Doha en discussion. Le M23, effectivement, s'invite à la mise en place d'une administration parallèle dans le cadre de sa rébellion. Mais tout ça est pris en charge aussi dans l'initiative de Doha. Et si vous lisez la déclaration de principe que le gouvernement a signée avec le M23, nous identifions des procédures de règlement de toutes ces situations malencontreuses mises en œuvre par le M23. Tout ça est pris en charge dans la déclaration de principe, avec une projection sur un accord de paix qui va nous permettre de rétablir l'État dans sa juste position. Et on identifie ça dans la restauration de l'autorité de l'État après la cessation du conflit. Selon un communiqué conjoint que vous avez signé le 24 septembre avec le Rwanda, vos deux pays doivent mettre en œuvre, à partir de ce 1ᵉʳ octobre, des mesures de sécurité. Mais il y a quelques jours, aux Nations-Unies, le président Tshisekedi a accusé son homologue rwandais, Paul Kagamé, de manœuvres pour retarder la paix. Oui, parce que les indicateurs sur le processus de retrait, malheureusement, ne sont pas encore visibles. Et pourtant, nous avons signé à Washington. Donc, je crois que le discours du chef de l'État, Félix Tshisekedi, est une pression de plus qui permette à ce que ces forces négatives se retirent du territoire congolais. Donc en fait, ça n'avance pas ? Si c'est votre conclusion, elle est la vôtre. Nous, nous sommes dans un processus et nous sommes engagés à le faire avancer. Et nous sommes confiants que la paix est un objectif que nous allons atteindre, et nous travaillons pour cela. À la tribune de l'ONU, le 23 septembre, le président Tshisekedi a lancé un appel solennel pour la reconnaissance du génocide des Congolais dans l'Est de votre pays. Réponse du ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe : « Un génocide contre qui ? Contre des ethnies non Tutsies ? Contre toutes toutes celles qu'on chercherait à détruire en tant que telles ? Cette proposition est stupide ». De quoi je me mêle ? Est-il ministre de la République démocratique du Congo ? Non. Qu'est-ce qui l'embête à nous voir, nous Congolais, parler de notre pays, réclamer justice sur les souffrances et les meurtres qu'ont subies les populations congolaises ? Se sent-il coupable ? Moi, je crois que ce sont les grandes préoccupations qu'il faut se poser. Lorsqu'un ministre d'un gouvernement étranger se préoccupe autant des droits que réclame un président élu légitimement par ses concitoyens, se sent-il coupable de ce génocide ? C'est la question majeure qu'il faut se poser. Et lorsqu'on trouvera ensemble tous la réponse, je crois qu'effectivement, tel que nous sommes en train de le réclamer, ce génocide sera reconnu universellement et on aura identifié le coupable réel du génocide congolais. À lire aussiRDC: la question du retour des réfugiés au coeur des discussions de paix avec l'AFC/M23 et le Rwanda
Il vient de remporter une victoire éclatante. Khaled el-Enany a été élu lundi 6 octobre directeur général de l'Unesco, avec 55 voix sur 57. L'égyptologue, ancien ministre du Tourisme et des Antiquités, devient le premier Arabe et le deuxième Africain à prendre la tête de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture. Après deux années de campagne intense à travers le monde, il succède à la Française Audrey Azoulay, à un moment charnière pour l'Unesco : le retrait annoncé des États-Unis en 2026 fera chuter son budget de près de 11 %. Au soir de son élection, il répond aux questions de RFI. RFI : Khaled el-Enany, vous avez récolté pratiquement toutes les voix sauf deux. Comment réagissez-vous à cette victoire très nette ? Khaled el-Enany : C'est un beau début. C'est une étape très importante. C'est l'aboutissement d'une carrière consacrée entièrement à l'éducation, à l'enseignement universitaire, à la recherche scientifique, à la préservation du patrimoine culturel, à la gestion de grandes institutions, à des valeurs qui croient beaucoup au respect, au dialogue interculturel, au respect mutuel. Le nombre de voix qui m'a été accordé, c'est une énorme responsabilité. Ça veut dire qu'il y a presque un consensus des États membres. Je ne m'attendais pas du tout à un chiffre pareil. Qu'allez-vous faire en premier ? Quelles sont vos priorités ? Les 100 premiers jours, ça va être des réunions individuelles avec chacun des États membres, des réunions collectives par groupes, par thèmes, des rencontres avec les partenaires de l'Unesco, de la famille onusienne, des donateurs, des grandes entreprises, le secteur privé, les représentants de la société civile. Discuter avec la famille Unesco. Je veux vraiment établir beaucoup, beaucoup de synergie. Je viens d'une région qui est un carrefour de cultures. Je suis Egyptien aussi bien qu'arabe, africain, méditerranéen, citoyen du Sud, citoyen du monde. Je veux vraiment servir de pont culturel. Le départ des États-Unis, prévu en 2026, va provoquer une baisse du budget de l'Unesco de 11 %. Comment comptez-vous gérer cette nouvelle situation financière ? Je dois féliciter la direction actuelle d'avoir mobilisé des ressources énormes. C'est l'une des plus grandes croissances dans le système onusien. Presque 490 millions de dollars en 2024. J'ai une expérience dans ce domaine parce que je ne viens pas d'un pays très riche. J'ai géré deux ministères, le tourisme et les antiquités que j'ai fusionnées, et donc j'avais beaucoup travaillé avec le secteur privé, avec les grandes entreprises pour mobiliser des fonds, pour signer des partenaires avec le secteur privé. Donc avec les États membres, je vais continuer ces efforts pour rassurer les anciens donateurs, de continuer à donner davantage même, et attirer de nouveaux gouvernements, les donateurs et le secteur privé. Je crois que le secteur privé c'est aussi une priorité, mais tout en gardant et préservant les valeurs de l'Unesco, qui ne doivent pas être trop commercialisées. Et là, je crois qu'il y a un compromis qu'on pourra atteindre avec la famille Unesco. Comment réagissez-vous aux critiques qu'a pu formuler par exemple Donald Trump qui dit que l'Unesco est trop politisée ? C'est une demande qui m'a été faite par la plupart des États membres. On veut une Unesco moins politisée. Un Unesco qui respecte son mandat, qui est un mandat technique et préparant un consensus et atteindre un consensus. C'est un rôle très important du secrétariat d'être impartial et de ne pas servir un groupe au détriment de l'autre, ni une culture au détriment de l'autre. Je suis le premier égyptien et le premier arabe. Et là, j'ai été très clair que je ne viens pas avec un agenda culturel. J'ai intitulé mon slogan donc ma campagne « l'Unesco pour les peuples ». Je veux Unesco qui a de l'impact sur la vie des gens, l'Unesco qui est connue et reconnue par les gens au-delà du patrimoine culturel. Une des missions principales de l'Unesco et la promotion de la paix. Comment l'organisation peut-elle jouer ce rôle dans un monde où les conflits se multiplient ? Tant qu'un étudiant ou un élève étudie dans les manuels scolaires que son voisin est un ennemi. Il n'y aura pas de paix. Et là, je crois que c'est là qu'il faut commencer. C'est par l'enfance. Je crois aussi que l'inégalité entre les gens sur la planète en termes d'éducation, de science, créé une haine. Malheureusement, en ce moment, il y a beaucoup de discours de haine. Et là, je crois que la raison d'être de l'Unesco, c'est de rapprocher les peuples parce que les accords gouvernementaux et politiques rapprochent les gouvernements. Mais l'éducation, la science et la culture et la communication rapprochent les peuples. Deuxième rôle, c'est pendant les conflits préserver les sites de patrimoine naturel et culturel, les établissements scolaires, les professeurs, les journalistes, les établissements de recherche scientifique. Et après ? Dans la phase de reconstruction de système éducatif, scientifique et culturel des pays en crise. Quand j'écris, ce n'est pas seulement conflit, mais c'est aussi l'impact des changements climatiques, notamment pour les petits États insulaires. À lire aussiL'Égyptien Khaled el-Enany désigné pour prendre la tête de l'Unesco À lire aussiDeux nouveaux sites africains rejoignent la liste du patrimoine mondial de l'Unesco
« Nous voulons des hôpitaux, pas seulement des stades de foot », scandent les milliers de jeunes manifestants au Maroc. « On veut vivre, pas survivre », clament ceux de Madagascar. Depuis dix jours, les autorités de ces deux pays sont prises de court par l'ampleur du mouvement Génération Z, qui s'inspire des révolutions survenues au Bangladesh et au Népal. Quels sont les ressorts de ce mouvement de jeunes sans affiliation politique ? Pourquoi les autorités ont-elles tant de mal, jusqu'à présent, à reprendre le contrôle de la situation ? Le politologue béninois Mathias Hounkpè est l'un des responsables de l'EISA, l'Institut électoral pour la démocratie durable en Afrique. Il livre son analyse au micro de Christophe Boisbouvier. À lire aussiÀ la Une: qui se cache derrière la colère de la Gen Z? À lire aussiÀ Madagascar, une Gen Z face aux inégalités et aux manques de perspectives
C'était une promesse du président Macron durant le sommet France-Afrique de 2021, créer un lieu à Paris dédié à l'expression culturelle africaine et afrodescendante. Ce lieu, c'est Mansa, la Maison des mondes africains. Elle ouvre ses portes ce samedi dans un ancien atelier du dixième arrondissement de Paris. Que pourra-t-on faire ? Que pourra-t-on voir, entendre ou lire à Mansa ? Réponses avec sa directrice, Liz (Elizabeth) Gomis. À lire aussiLa Maison des mondes africains a trouvé ses locaux à Paris après des mois de controverses
« La solution pour Madagascar, c'est le président Rajoelina, car il a été élu démocratiquement », affirme sur RFI son conseiller spécial Patrick Rajoelina, en réponse aux manifestants qui réclament la démission du chef de l'État. Le président Rajoelina est-il prêt à recevoir les jeunes leaders du mouvement populaire ? Et est-il certain que l'armée lui restera loyale ? De passage à Paris, son conseiller spécial en charge de la diplomatie et de la coopération internationale (qui est son homonyme mais qui n'a pas de lien de parenté avec lui) répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : De nombreux manifestants défilent aux cris de « Miala Rajoelina », ce qui signifie « Rajoelina, dégage ». Qu'est-ce que vous leur répondez ? Patrick Rajoelina : On leur répond que, comme l'a dit le président de la République, dialoguons d'abord pour voir quelles sont profondément les revendications de la jeunesse. Cette jeunesse, naturellement, que nous comprenons, nous comprenons la colère. Il y a un certain nombre de choses qui n'ont pas été faites suffisamment rapidement et qui posent de grands problèmes dans la vie quotidienne des Malgaches. L'accès à l'eau, l'accès à l'électricité, également un problème de désenclavement de zones rurales avec des routes. Donc, justement, le travail du président de la République, c'est de mettre en œuvre tous ces chantiers qui vont permettre la poursuite du développement de Madagascar. Outre les manifestants, il y a le numéro un de l'opposition, le député Siteny, qui dit « Andry Rajoelina doit comprendre qu'il n'est plus la solution » … Mais le président Rajoelina, quoi qu'il en soit et quoi qu'il dise, est la solution de Madagascar puisqu'il a été élu démocratiquement président de la République de Madagascar. « Pas d'augmentation de salaire depuis trois ans alors que l'inflation galope », déplore un porte-parole de la Solidarité syndicale de Madagascar. Qu'est-ce que vous lui répondez ? Je lui réponds que, en France, la grille des fonctionnaires n'a pas évolué depuis plus de dix ans. Et ce n'est pas propre à Madagascar que les salaires n'augmentent pas. Oui, mais l'inflation galope… L'inflation galope effectivement, à cause notamment de l'environnement international. Donc effectivement, cela grève les budgets des ménages malgaches. Mais voilà, cet environnement international est une des causes. Ce n'est pas la seule cause, bien sûr, mais c'est une des causes et une cause importante pour nos entreprises. Et encore une fois, ce sont les emplois les plus importants pour ce qui concerne le président de la République. Créer des emplois, créer un bon environnement et créer également ces infrastructures qui vont permettre de développer Madagascar, parce que notre combat, le premier combat, c'est le combat contre la pauvreté. La grève générale à laquelle appelle la Solidarité syndicale de Madagascar, le premier syndicat de la Grande Île, ça ne vous inquiète pas ? C'est toujours inquiétant. Une grève est toujours inquiétante, mais chacun a le droit de s'exprimer, y compris dans la grève et y compris dans les manifestations pacifiques. Mais vous ne voyez pas là le scénario d'une insurrection qui pourrait grandement fragiliser le régime, comme en 2009 l'a été le régime de Marc Ravalomanana ? Cela peut être une option qui n'est pas souhaitée, ni naturellement par le pouvoir, mais évidemment pas du tout par les entreprises et encore moins par les salariés. Donc, personne ne peut dire aujourd'hui la façon dont les gens se mobiliseront justement pour faire cette « grève générale ». Je n'y crois pas trop. Ou cette grève générale qui prendrait des proportions monstres, qui mettrait l'économie malgache à genoux une nouvelle fois et qui nous ferait repartir plusieurs années en arrière. En 2009, au terme de l'insurrection contre Marc Ravalomanana, l'armée a joué un rôle clé en faveur d'Andry Rajoelina. Est-ce que vous ne craignez pas que, cette fois-ci, l'armée intervienne à nouveau, mais contre Andry Rajoelina ? L'armée a un fonctionnement patriotique, un fonctionnement démocratique et un fonctionnement qui obéit à un chef qui est le chef de l'Etat, qui est également chef des armées. J'ai toute confiance dans l'armée. Et d'autre part, j'ai toute confiance dans le fonctionnement démocratique de toutes les institutions de Madagascar, jusque et y compris les forces de défense et de sécurité. L'un des proches du président Andry Rajoelina qui est le plus conspué dans la rue en ce moment, c'est Mamy Ravatomanga, qui est un puissant homme d'affaires malgache qui possède une milice privée très redoutée par beaucoup. Le président n'a-t-il pas intérêt à prendre ses distances avec Mamy Ravatomanga ? Je ne vois pas de quoi vous parlez. Alors vous vous plaignez du fait qu'il n'y ait pas un vrai leader qui émerge clairement parmi les manifestants, ce qui permettrait, dites-vous, un échange plus structuré. Aujourd'hui, sur quelles actions concrètes le président Rajoelina est-il prêt à s'engager ? Je pense qu'ils ont été conviés par le président de la République, justement à un grand débat national avec cette génération de jeunes pour exprimer sereinement leurs revendications. Et encore une fois, le chef de l'Etat a souhaité les recevoir et il les recevra, si tant est qu'ils veuillent bien être reçus par le chef de l'Etat qui, encore une fois, est quelqu'un qui a été élu démocratiquement. Et ça a été validé par les instances malgaches, mais également par les instances de la communauté internationale.
Au Tchad, le président Mahamat Idriss Déby s'ouvre la voie d'une présidence sans aucune limitation du nombre de mandats. En effet, le 13 octobre, l'Assemblée et le Sénat doivent se réunir en congrès à Ndjamena, en vue d'adopter une révision de la Constitution dans ce sens. Réaction aujourd'hui de Robert Gam, le secrétaire général du PSF, le Parti socialiste sans frontières. L'opposant tchadien – qui séjourne actuellement en France – témoigne d'abord sur ses huit mois de prison à Ndjamena, de septembre 2024 à juin 2025, sans la moindre procédure judiciaire. Il est l'invité de Christophe Boisbouvier. RFI : Vous êtes un revenant. Après votre arrestation en septembre 2024 à Ndjamena, vous avez disparu pendant huit mois. Et une nuit du mois de juin dernier, un véhicule vous a déposé devant votre domicile de la capitale tchadienne. Qu'est-ce qui vous est arrivé ? Robert Gam : Oui, comme vous le dites, « revenant », prenons-le comme tel. J'ai été enlevé le 20 septembre 2024 alors que je rentrais d'une réunion politique. J'ai été enlevé et déposé au siège de l'ANS pendant huit mois et quinze jours. L'Agence nationale de sécurité…. Très bien. J'ai été déposé là-bas. J'ai mis huit mois et quinze jours sans qu'on ne m'ait signifié pourquoi j'ai été arrêté. Et pendant les huit mois, j'ai été malade. J'ai demandé qu'on me soigne. On a également refusé. Et curieusement, le 3 juin à 17h30, une ambulance est venue me chercher et là, on m'a emmené au bureau de l'ANS où il y a eu des questions qui m'ont été posées. Et après ces questions, à 1 h du matin, ils ont décidé donc de me déposer chez moi. C'est-à-dire que du 20 septembre au 2 juin, vous êtes resté détenu sans que personne ne vous interroge sur quoi que ce soit ? Non, non, non, rien du tout. Aucun interrogatoire ? Non. Rien. Est-ce que vous avez été maltraité ? Oui, on était très maltraité. Vous savez que la première intention de l'ANS, quand ils m'ont arrêté, c'était d'abord de m'exécuter, parce que j'ai mis plus de 30 minutes à genoux. J'étais entre un commando cagoulé que vous ne pouvez pas voir, et dans la cellule, vous savez qu'il n'y a pas de fenêtre. C'est une cellule construite en béton coulé. Le haut, le bas, c'était coulé. Et là, c'était le calvaire puisqu'il faisait extrêmement chaud. On n'avait pas de moustiquaire, on n'avait pas d'électricité et le repas qu'on nous donnait était de mauvaise qualité. Et l'eau qu'on nous donnait, ce n'était pas une eau potable. Vous êtes donc le secrétaire général du PSF, le Parti socialiste sans frontières, dont le président Yaya Dillo a été tué à Ndjamena le 28 février 2024, suite officiellement à des affrontements avec les forces de sécurité tchadienne. Et aujourd'hui, vous demandez une enquête indépendante. Pourquoi ? Nous pensons que le président Yaya Dillo a été exécuté parce qu'il n'y avait pas eu d'affrontement. Il ne peut y avoir un affrontement que quand deux parties se combattent. Et dans ce cas de figure, le président Yaya n'était pas armé et nous étions en train d'organiser un congrès pour présenter la candidature de notre président. Et subitement, un plan a été orchestré par le système en place qui voulait coûte que coûte éliminer la personne de Yaya Dillo Djerou Betchi. Mais qu'est-ce qui prouve que Yaya Dillo a été exécuté comme vous le dites ? Oui, c'est une exécution barbare et lâche parce qu'il a été exécuté d'une balle dans la tempe. À lire aussiMort de l'opposant Yaya Dillo au Tchad: «S'il s'était rendu, on n'en serait pas arrivé à cette extrémité» Alors, en février dernier, au micro de RFI, le porte-parole du gouvernement, le ministre Gassim Cherif Mahamat, a déclaré « Je comprends que les familles puissent s'impatienter, mais la justice fera son travail. Une commission d'enquête va se mettre en place » … Aujourd'hui, la justice tchadienne est instrumentalisée. Il n'y a pas de justice au Tchad. Vous allez attendre pendant longtemps. Les événements du 20 octobre 2022, il n'y a jamais eu un rapport d'enquête sur ces événements. Déjà, une plainte a été déposée par nos avocats ici en France, et nous attendons que justice soit faite. Mais comment pouvez-vous saisir la justice française à propos d'un homme politique tchadien ? Oui, nous pensons que les personnalités ayant participé à l'exécution de Yaya Dillo, parmi ces personnalités, il y a des personnes de double nationalité, franco-tchadienne. À qui pensez-vous ? Ce n'est pas le moment de vous le dire ici et nous pensons que le moment venu, nous allons dévoiler tout ça. Le 13 octobre prochain, l'Assemblée nationale et le Sénat tchadien doivent se réunir en congrès pour modifier la Constitution et établir un mandat présidentiel de sept ans, renouvelable sans aucune limitation. Quelle est votre réaction ? Nous avons rejeté en bloc ce projet parce que nous avons constaté que la motivation du gouvernement était tout simplement d'aller vers une dynastie. Et ces députés sont là pour faire la volonté d'une dynastie. Ils accompagnent tout simplement le pouvoir en place et ça ne nous surprend pas. Et là, nous déplorons cette attitude. Et que comptez-vous faire ? Les Tchadiens commencent à prendre conscience. Ils sont mobilisés. Nous allons nous battre par tous les moyens pour que le Tchad puisse vivre cette ère véritablement démocratique. À lire aussiMort de l'opposant Yaya Dillo au Tchad: retour sur le parcours d'un cousin trop gênant
À Madagascar, les manifestants ont fait une nouvelle démonstration de force hier, notamment dans la capitale. Beaucoup continuent de réclamer le départ du président Rajoelina, malgré la décision de celui-ci de dissoudre son gouvernement. Quels sont les atouts politiques que le chef de l'État malgache conserve dans sa main ? Et quel rôle peut jouer l'armée dans ce moment de forte tension, qui a déjà provoqué la mort de 22 personnes selon l'ONU ? Il y a quelques années, chez Karthala, l'économiste et politologue Olivier Vallée a publié La société militaire à Madagascar. RFI : Beaucoup de manifestants réclament le départ du président Rajoelina, mais celui-ci a eu la souplesse de limoger son gouvernement et de faire un début de repentir. Est-ce que cela peut satisfaire une partie de la rue ? Olivier Vallée : Je ne crois pas, parce que ses réactions étaient quand même très lentes. Le limogeage du gouvernement est apparu quand même improvisé, dans la mesure où il demandait à ce qu'on lui envoie des CV pour constituer un nouveau gouvernement. Donc ça parait vraiment un peu comme une comédie un peu grotesque à la plupart des manifestants, et aussi à l'ensemble des observateurs politiques, y compris dans son camp. Avec le limogeage du gouvernement, le président Rajoelina se sépare du Premier ministre Christian Ntsay qui était en poste depuis sept ans et qui paraissait indéboulonnable. Est-ce que ce n'est pas une grosse perte pour lui ? Ce n'est pas une grosse perte dans l'immédiat, parce qu'il remplit pour la première fois son rôle de fusible. Mais par contre, c'est un poids lourd du système politique et ça va laisser effectivement dès maintenant le président en tête-à-tête avec les manifestants et avec les politiques, un tête-à-tête dans lequel il ne sera pas du tout à l'aise. Il a tendance plutôt à s'emporter, alors que son Premier ministre est certainement quelqu'un qui prépare ses coups sur la longueur. Les manifestants réclament aussi la mise à l'écart de l'homme d'affaires Mamy Ravatomanga. Mais vu que c'est un homme de l'ombre, comment le président Rajoelina pourrait-il mettre en scène sa disgrâce ? Je pense qu'il y a énormément de moyens et Mamy Ravatomanga, sa maison et certains de ses établissements ont été attaqués, mais il bénéficie d'une milice qui est presque aussi puissante que la police de Tananarive. Donc sa milice est responsable d'un certain nombre de morts. Et il faudrait que le président mette en cause justement cette milice et l'Académie de sécurité, dirigée par un Français, que Mamy Ravatomanga a créée et qui lui permet justement d'entretenir ces milices de sécurité privées. Il y a énormément de moyens d'ordre public de s'en prendre à son protecteur et bienfaiteur, sans mettre sur la place publique leurs relations financières qui datent de très longtemps. C'est un financeur de campagnes électorales, etc. Mais là, il s'est illustré pendant les manifestations par la brutalité de sa milice. À lire aussiMadagascar: des milliers de manifestants défilent et appellent à la démission de Rajoelina En 2009, quand le président Rajoelina a été porté au pouvoir par la rue, l'armée a joué un rôle clé en sa faveur. Quelle peut être la stratégie des militaires aujourd'hui ? Ce que l'on voit, c'est que l'armée qui est, comme je l'ai écrit dans mon livre, une agglomération de différentes tendances, de différentes unités… Andry Rajoelina n'avait été soutenu, lors de son coup d'Etat de 2009, que par une partie, une toute petite partie de l'armée qui se trouvait à Tananarive. Les autres unités ont rallié le coup d'Etat sans y participer vraiment. Donc aujourd'hui, ce à quoi on a assisté, c'est quand même une certaine passivité. L'armée a accueilli le président de la République quand il est revenu sur la base aérienne d'Ivato. À son retour de New York ? Oui, tout à fait. Et l'a transféré en hélicoptère dans son palais forteresse qu'avait créé Didier Ratsiraka, qui se trouve à peu près à une quinzaine de kilomètres du centre-ville. Mais ses bons offices en sont restés là. Le président a lui-même sa milice. Et les forces qui se sont déployées dans la capitale, ce sont essentiellement celles de la gendarmerie, qui continue à obéir et être sous l'influence d'un homme lige de Ange Rajoelina, qui s'appelle le général Ravalomanana, qui est à la fois au Sénat et l'animateur souterrain de la gendarmerie. Celle-ci joue la stratégie de la force. Ses hommes ont tiré. On a énormément de vidéos. Mais le reste de l'armée ne s'est pas engagée. Quant à la police, elle a été complètement passive pendant les pillages. Donc pour l'instant, l'armée est attentiste, c'est ça ? Oui, l'armée est attentiste. Donc c'est un moment difficile parce qu'il y a vraiment un mouvement de masse qu'on n'a pas toujours vu. En 2009, ce n'était pas un mouvement de masse, donc l'armée a laissé faire et ensuite a repris la main. Là, elle laisse faire, mais elle n'est pas sûre de reprendre la main et elle sait que, si elle se compromet, ça lui coûtera plus cher qu'en 2009. À lire aussiÀ Madagascar, la Gen Z en appelle à la génération X
« Je suis un homme du sérail, mais pas un apparatchik », affirme le Congolais de Brazzaville, Firmin Édouard Matoko, qui est haut fonctionnaire à l'Unesco depuis trente ans et qui brigue lundi prochain la succession de la Française Audrey Azoulay au poste de directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'ducation, la science et la culture. RFI a également sollicité une interview auprès de l'autre candidat, l'ancien ministre égyptien de la Culture, Khaled El-Enany, qui, pour l'instant, n'a pas donné suite à notre requête. De passage à Paris, Firmin Édouard Matoko répond à Christophe Boisbouvier. RFI : Quelle est la vision de l'Unesco que vous porterez si vous êtes élu ? Firmin Édouard Matoko : Alors, moi je pense que ce qu'il faut apporter comme réponse, c'est très vite des solutions pragmatiques à ce qui est reproché au système des Nations unies, son inefficacité, son extrême bureaucratisation et son extrême politisation. Alors, il n'y a pas assez d'opérations à vos yeux, vous voulez dire que, par exemple, l'opération de réhabilitation de Mossoul au nord de l'Irak par madame Audrey Azoulay, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant ? Non, c'est une opération d'ailleurs qui restera, je pense, dans les annales de l'Unesco, comme on en a connu pour Abou Simbel, Tombouctou, tous les sites du patrimoine que nous avons restaurés dans le monde. Non, je pense qu'on peut faire plus, on peut faire mieux. Moi, ce que je propose, c'est une réflexion sur la mission et le mandat de l'Unesco. C'est une agence technique, intellectuelle, ce n'est pas une agence conçue pour faire de la médiation politique. C'est une agence qui doit proposer des solutions techniques à des situations extrêmement complexes du point de vue politique. On l'a vu avec la guerre en Ukraine par exemple, on le voit à Gaza, on le voit dans des conflits qu'aujourd'hui on oublie malheureusement, au Soudan, en Haïti, en Afghanistan. Vous dites que l'Unesco manque de ressources. Or, ce n'est pas de chance, mais cette année, les États-Unis ont annoncé leur retrait. Ils contribuent à 20 %. Est-ce que vous avez quelque chose à répondre à Donald Trump qui dit que l'Unesco est trop politisée ? Écoutez, c'est une organisation universelle où toutes les voix ont leur importance. Et c'est une organisation intellectuelle, donc, nous, on admet la contradiction, le débat contradictoire. Je crois que ce qui est important, c'est qu'on arrive à un consensus sur cette thématique majeure. Nous ne sommes pas là pour trancher en faveur d'un courant ou d'un autre, mais nous donnons des espaces d'expression aux États membres, à la société civile sur des sujets majeurs. Donc, cette organisation, c'est un espace de dialogue et de solidarité. Vous êtes un haut fonctionnaire de l'Unesco depuis plus de 30 ans. Que répondez-vous à ceux qui disent que vous êtes un apparatchik ? Ça existe encore ce mot « apparatchik » ? Je ne savais pas ça… Enfin… Disons que justement, du fait que je sois un homme du sérail, je préfère, qui a la connaissance de la maison, qui a été à des instances de direction au cours des quinze dernières années, je sais ce que l'on peut proposer, je sais où se trouvent les changements possibles et je sais ce qui peut se faire immédiatement. Alors votre adversaire, l'Égyptien Khaled El-Enany, il dit que lui, il vient de l'extérieur de cette organisation et qu'il a une expérience de terrain, puisqu'il a été ministre de la Culture de son pays. Est-ce que ce n'est pas une différence entre vous deux ? Moi, j'ai été ministre des Relations extérieures, l'équivalent, je ne sais pas, de l'Unesco, pendant quinze ans, et de la priorité Afrique. J'ai visité, j'ai parcouru plus de 100 pays en apportant des solutions en temps de paix, en temps de conflit, en Irak, en Jordanie, en Syrie, en Haïti, au Cambodge, aux grands moments des conflits, en Somalie, au Soudan. Donc, je crois que je sais ce que c'est que le multilatéralisme. Nous avons proposé des solutions au Rwanda après le génocide, au Burundi, au Congo. Et donc je pense que c'est réduire mon expérience en parlant d'apparatchik. Vous n'êtes candidat que depuis six mois, alors que votre adversaire, il l'est depuis plus de deux ans et il a recueilli le soutien de nombreux pays dans le monde arabe, en Europe, etc. Est-ce que vous n'allez pas à cette bataille avec un gros handicap ? Non, moi je ne crois pas. Je peux vous dire que moi, je suis candidat depuis 30 ans, depuis le premier jour que je suis rentré à l'Unesco. J'ai eu l'ambition un jour, et je suis modestement un modèle pour beaucoup de collègues, parce qu'on peut effectivement concevoir qu'un ressortissant d'un petit pays du Sud, sans être péjoratif, formé à l'intérieur de l'Unesco, peut accéder aux instances dirigeantes. On n'a pas besoin d'avoir été ministre de son pays pour diriger cette organisation. Et je ne crois pas avoir été en retard. Certains sont trop en avance. Mais je crois en la sagesse, en la lucidité des Etats membres pour choisir le meilleur candidat pour cette organisation. Mais l'Union africaine a déjà donné sa préférence, c'est pour votre adversaire… L'Union africaine a entériné une candidature, mais selon la loi, les Etats membres, ici à l'Unesco, ne sont pas appelés à élire un candidat de l'Union africaine. L'Union africaine ne vote pas, sinon on aurait eu un candidat du Mercosur, un candidat de l'Union européenne. Et je pense que j'ai légitimement le droit de me présenter candidat. Et quand on vous dit que l'Égyptien Khaled El-Enany part favori, qu'est-ce que vous répondez ? Ça ne me décourage pas, croyez-moi. Moi, je ne suis pas un candidat d'une région, d'un pays. Je suis candidat de toutes les nations, de tous les peuples. Et j'y vais avec la conviction parce que j'ai la passion de cette organisation et cette institution. À lire aussiSuccession à la tête de l'Unesco: «Les deux candidats rassurent par rapport à leurs capacités à diriger»
Au Nord-Mali, l'accalmie sur le terrain militaire est trompeuse, affirment les rebelles touaregs du FLA, le Front de Libération de l'Azawad. « C'est le calme avant la tempête », précise le porte-parole du FLA, Mohamed Elmaouloud Ramadane. Depuis la sanglante bataille de Tine Zaouatène, il y a 14 mois, qui a coûté la vie à plus de 80 paramilitaires russes de Wagner, les rebelles du FLA et l'armée malienne affûtent leurs armes. Comment les rebelles se procurent-ils des drones ? Quels sont leurs vrais liens avec les jihadistes du JNIM ? De passage à Paris, le porte-parole du FLA répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI: Mohamed Elmaouloud Ramadane, bonjour Mohamed Elmaouloud Ramadane, depuis plusieurs semaines, aucun combat n'est signalé dans la région de Kidal et de Tinzawaten, les fiefs du FLN au Nord du Mali. Est-ce qu'on peut parler d'une accalmie ? Mohamed Elmaouloud Ramadane : Non, moi je ne pense pas que c'est une accalmie. Je peux dire que c'est ce qu'on appelle le calme avant l'arrivée de la tempête. Donc les FLA (Forces de libération de l'Azawad) sont bien présentes sur le terrain, de leur côté, l'ennemi aussi, il est là-bas. Ils sont soit à Kidal ou bien à Tessalit. Ils sont dans les camps laissés par la Minusma ou bien la force Barkhane. Et surveillés en général par les drones. Ils n'arrivent pas à quitter en dehors de ces camps comme auparavant. Ils avaient l'habitude de quitter, d'aller un peu dans les hameaux, d'aller sur les puits, de massacrer et de piller les populations. Maintenant, ce n'est plus le cas. Donc par rapport aux opérations ou bien aux combats, c'est une question de temps. C'est le terrain qui commande. En juillet 2024, il y a eu cette bataille de Tinzawaten, tout près de la frontière algérienne, où vous vous êtes affrontés durement aux forces armées maliennes et aux paramilitaires russes de Wagner. Vous dites que vous avez gagné, mais est-ce que vous n'avez pas perdu aussi beaucoup de combattants ? Bon, on ne peut pas faire la guerre et faire des combats sans perdre des combattants. L'essentiel, c'est de gagner la bataille. Nous avons gagné parce que nous avons détruit toute cette unité de mercenaires russes de Wagner. Aucun combattant n'a pu s'échapper, aucune voiture n'a pu s'échapper. Donc c'était une lourde défaite pour ces mercenaires. D'ailleurs, je crois que c'est une première sur le continent africain. Donc c'est vrai, nous avons perdu des hommes. D'ailleurs, on a même fait un monument à Tinzawaten avec les noms de tous les martyrs. C'est une vingtaine de nos martyrs avec une quinzaine de blessés. Et du côté des Maliens et des paramilitaires russes, quel est le bilan des pertes ? Vous savez, nous avons recensé à peu près 85 à 87 cadavres des mercenaires de Wagner avec quelques militaires maliens. Mais la majorité, c'étaient les mercenaires de Wagner. Nous avons aussi des prisonniers russes et des FAMA prisonniers. Combien de prisonniers russes avez-vous aujourd'hui ? Deux. Deux prisonniers ? Deux prisonniers russes. Lors de cette bataille de Tinzawaten de l'année dernière, vos ennemis ont utilisé des drones, mais vous aussi vous avez utilisé des drones. Quels sont les pays amis qui vous ont livré ces engins ? Nous n'avons aucun pays ami qui nous a vraiment livré ou bien dont nous avons bénéficié de son aide matérielle. Les drones sont sur le marché noir. On peut les acheter. Donc, ce sont des choses qu'on achète et qu'on sophistique et qu'on modifie, une fois arrivées chez nous. Depuis plus d'un an, le torchon brûle entre Alger et Bamako. Est-ce que naturellement l'Algérie s'est rapprochée de vous et vous a peut-être aidé à vous livrer en matériel ? L'Algérie, sa position par rapport à la question de l'Azawad a toujours été claire et par rapport au Mali en général. Donc il n'y a aucun rapprochement entre nous et les autorités algériennes, que ce soit politique, que ce soit autre chose, aucun rapprochement. En tout cas, Bamako est persuadé que l'Algérie vous sert de base arrière. Vous savez, Bamako accuse tout le monde. Accuse la France, accuse l'Ukraine, accuse l'Algérie. Qui n'est pas accusé ? Accuse la Côte d'Ivoire, accuse le Sénégal, la Mauritanie. Personne n'échappe à son accusation. Donc, c'est la théorie du complot qui les a toujours prolongés dans cette crise, qu'ils sont en train de vivre. Au Nord Mali, Il n'y a pas que le FLA, il y a aussi les jihadistes du Jnim. Vous avez combattu ensemble l'an dernier à Tinzawaten contre les forces armées maliennes et Wagner. Est-ce à dire que vous êtes désormais des alliés sur le terrain militaire ? Le Jnim n'est pas que dans l'Azawad. Il est un peu partout dans le Mali et dans tous les pays du Sahel. Il occupe une grande partie du territoire du Mali. Aujourd'hui, il est autour de Bamako et de Kayes. Donc, c'est un acteur qui est sur le terrain que nous ne pouvons pas nier. Nous sommes, c'est vrai, sur le terrain où il y a la présence des hommes du Jnim sur le territoire aussi, mais il n'y a aucune coordination entre nous. Vous connaissez l'adage « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Du coup, puisque vous avez les mêmes ennemis, est-ce que vous n'êtes pas devenus amis ? Oui, « les ennemis de mes ennemis sont mes amis », c'est vrai. Donc, on peut avoir un ennemi commun que nous combattons tous. Mais nous n'avons pas les mêmes objectifs. Le Jnim est présent un peu partout. Il a des revendications différentes des nôtres. Nous, nous sommes limités sur le territoire de l'Azawad. Nous n'avons pas d'autres combats en dehors de cela, nos revendications sont politiques. C'est seulement pour la population de l'Azawad. On ne veut pas aller au-delà de ça. Est-ce qu'il n'y a pas au moins, entre vos deux mouvements, un pacte de non-agression ? Exactement. Il y a un pacte de non-agression. Ça, je vous le confirme parce que, après les combats qui ont eu lieu sur la frontière avec la Mauritanie, entre les FLA et le Jnim en avril 2024, suite à cela, il y a eu des initiatives menées par des chefs des tribus, des communautés, parce que c'est leurs fils qui sont dans le Jnim et qui sont dans les FLA. Donc, pour éviter des confrontations, ils ont mis un mécanisme pour un accord de non-agression et pour éviter les accidents et les accrochages. À lire aussiNord du Mali: les rebelles du CSP veulent «un statut politique et juridique» pour l'Azawad À lire aussiRebelles du FLA et jihadistes du Jnim envisagent de mener des opérations conjointes dans le nord du Mali
Philippe Le Gars, grand reporter au quotidien sportif français l'Équipe, spécialiste de cyclisme, en particulier en Afrique depuis près de 15 ans, est à Kigali où il suit jusqu'à dimanche les premiers championnats du monde sur route organisés sur le continent. Il dresse un état des lieux sans concession du cyclisme africain. Philippe Le Gars répond aux questions d'Olivier Pron. À lire aussiMondiaux de cyclisme: au Rwanda, de jeunes Africains et des réfugiés roulent en équipe À lire aussiMondiaux de cyclisme au Rwanda: un nouveau départ pour le développement du vélo en Afrique?
« Le président-candidat Paul Biya est en pleine forme de ses moyens et il n'y a aucune raison qu'il ne tienne pas de meetings avant la présidentielle », affirme le ministre camerounais du Travail Grégoire Owona, qui est aussi le secrétaire-général adjoint du parti au pouvoir RDPC. En vue de la présidentielle du 12 octobre, le candidat Paul Biya ne risque-t-il pas de perdre des voix après la démission de deux de ses ministres ? Et fera-t-il des réformes s'il est réélu ? En ligne de Yaoundé, l'un des hommes forts de sa majorité répond aux questions de Christophe Boisbouvier. Grégoire Owona, quelles seront les deux premières priorités du président Paul Biya s'il est réélu ? Grégoire Owona : Mais le président Paul Biya, certainement, va mieux préciser ses priorités dans sa profession de foi qui va bientôt sortir. Mais je crois que si on devait parler des deux premières priorités en tant que RDPC qui soutient sa candidature, je prendrais la consolidation de la paix, de l'unité nationale et la sécurité en premier, et ensuite la promotion des jeunes et le renforcement du rôle de la femme. La grande inquiétude de l'opposition, c'est la fraude électorale. Même Bello Bouba Maigari affirme que les élections sont truquées au Cameroun et que c'est encore arrivé à la présidentielle de 2018. Qu'est-ce que vous lui répondez ? Je crois que tous ceux qui disent ça font un peu de la diversion. On ne peut pas appeler par exemple au boycott d'une élection locale, sachant qu'on déclare en plus pertinemment quelles sont les conséquences, à savoir l'exclusion à l'élection présidentielle, pour dire après que le système électoral n'est pas bon ou qu'il est mauvais. Donc, je crois qu'il faut faire très attention. Le dépouillement est public. Chacun des candidats ou des représentants des candidats rentrant avec un procès-verbal signé par tous. Quelle autre transparence peut-on vouloir dans un système électoral ? Et si le candidat Paul Biya est battu, est-ce qu'il reconnaîtra sa défaite ? Nous allons à une compétition dans un esprit démocratique. Nous sommes bien préparés, nous espérons gagner. Et si cela arrivait, on se comporterait comme des républicains. C'est-à-dire que le RDPC reconnaîtrait à ce moment-là, la défaite de son champion ? Mais absolument. Mais sur la base des résultats des urnes, pas sur la base des procès d'intention, des interprétations malsaines des lois. Ce 12 octobre, le président Paul Biya va être candidat pour un huitième mandat. Mais beaucoup estiment qu'à 92 ans, c'est une charge trop lourde pour lui. Qu'est-ce que vous en pensez ? J'ai entendu sur votre radio que quand on parle d'âge, c'est qu'on a plus d'arguments. J'ai entendu quelqu'un dire ça. C'est en effet ce qu'a dit Issa Tchiroma. Nous, on a des arguments. Notre candidat est en pleine forme de ses moyens, il conduit le pays, il est à même de poursuivre ce qu'il a commencé. Donc, je ne vois pas le problème que vous êtes en train de soulever sur cet aspect. Actuellement, le chef de l'Etat séjourne en Europe. Est-ce que vous savez quand est-ce qu'il va rentrer ? Mais c'est un court séjour privé. Quand il devra rentrer, on sera bien informé. Et quand il va rentrer, est ce qu'il va tenir un ou plusieurs meetings ? Il n'y a aucune raison qu'il ne tienne pas de meeting. Je vous ai dit au début qu'il rendra publique sa profession de foi. Il n'y a aucune raison qu'il ne tienne pas de meeting. Et je peux même vous dire que s'il faut faire des réformes, il se permettra de faire des réformes. Le départ du gouvernement de deux poids lourds du nord du pays Bello Bouba et Issa Tchiroma. Est-ce que cela ne va pas vous faire perdre des voix ? Les démissions de Bouba Bello et d'Issa Tchiroma, je peux vous dire qu'elles ne vont pas spécialement nous faire perdre des voix. Pourquoi ? Pour deux choses. Parce que d'abord, ces deux candidats se sont discrédités par leur façon de faire et par leur façon d'être. La deuxième raison, c'est que dans les zones où ils ont leur base, il y a de nouveaux alliés qui nous ont rejoints, que ce soit en termes de partis politiques ou en termes d'associations. Mais est-ce que nécessairement, et notamment à cause de ces deux ministres démissionnaires, vous n'allez pas faire un score inférieur à celui de 2018 ? Wait and see. Moi, je n'en suis pas du tout convaincu, parce que plusieurs candidats se sont discrédités par leur façon d'être, par leur façon de faire. Ils ont dit des choses et leur contraire en même temps. Ils ont eu des agissements qui font qu'on ne croit plus en eux. Et nous, nous sommes restés dans la même ligne politique et nous sommes crédibles. Notre candidat est crédible. Voulez-vous dire que Bello Bouba et Tchiroma ne sont pas crédibles parce qu'ils étaient encore avec vous il y a quatre mois et que ce ne sont pas de vrais opposants ? Ce n'est pas ça que j'ai dit, mais ils ont fait pire que démissionner. Qu'est-ce qu'ils ont fait ? Ce n'est ni le lieu ni le moment de vouloir parler négativement des autres candidats. Nous, on est fair-play. À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: le parti au pouvoir présente «l'armée» de Paul Biya pour la campagne À lire aussiÉlections au Cameroun: pour battre Paul Biya, «il faudra un raz-de-marée» de l'opposition, martèle Issa Tchiroma Bakary
Pourquoi Vital Kamerhé a-t-il démissionné lundi 22 septembre de son poste de président de l'Assemblée nationale de la République démocratique du Congo (RDC) ? Est-ce le signe que le président Tshisekedi et lui ne s'entendent plus et qu'après huit ans d'alliance entre les deux hommes, Vital Kamerhé va passer dans l'opposition ? Car sa chute a été en partie entraînée par une pétition, signée par une majorité de députés du parti au pouvoir UDPS. Trésor Kibangula est analyste à Ebuteli, l'Institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence. En ligne de Kinshasa, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Trésor Kibangula, à l'origine de la chute de Vital Kamerhe, il y a une pétition signée par 262 députés, en majorité membres du parti au pouvoir UDPS. Pourquoi cette pétition ? Trésor Kibangula : Je pense que Vital Kamerhe a cumulé plusieurs fragilités. Vital Kamerhe a incarné un style trop personnel pour certains, presque solitaire, ce qui a fini par provoquer ou précipiter son départ. Et si la vraie raison est politique comme vous le dites, est-ce parce que le parti au pouvoir UDPS veut reprendre le contrôle de l'Assemblée nationale ? Ici, le timing, je pense, est révélateur parce qu'au début de la session, on a vu l'UDPS dire que le parti n'est pas le seul à être à l'initiative parce que les pétitionnaires se comptaient autour de 260. Donc, il y avait d'autres membres de l'Union sacrée qui voulaient aussi le départ de Vital Kamerhe. Donc l'UDPS essaye de se cacher derrière. Kamerhe l'a compris, il a demandé même pardon. Donc, c'était quand même le signe qu'il savait que son mandat vacillait. Et à ce moment-là, je pense qu'il aurait suffi d'un mot d'ordre du chef de l'Etat pour le maintenir. Or, ce signal n'est jamais venu. Donc, je pense que le silence présidentiel a beaucoup pesé, plus lourd que toutes les pétitions. Donc Félix Tshisekedi, qui est aussi chef de l'UDPS, n'a pas directement poussé Kamerhe dehors, mais il a choisi de ne pas le retenir. Alors, il y a quelques jours, lors de son déplacement à New York, le président Tshisekedi a dit qu'il n'était pour rien dans les problèmes de Vital Kamerhe et que c'était de la cuisine interne à l'Assemblée nationale. Vous pensez au contraire qu'il a laissé faire, voire même qu'il a initié cette démarche contre Vital Kamerhe ? Je pense effectivement que beaucoup de choses peuvent expliquer cette chute. On a vu l'échec ou la suspension du projet de la réforme constitutionnelle. En fin de l'année dernière, on parlait d'une possible révision de la Constitution pour permettre au chef de l'Etat de se représenter pour une troisième fois. Beaucoup ont reproché à ce moment-là à Vital Kamerhe de ne pas s'aligner sur le président Tshisekedi. Vital Kamerhe, par son profil indépendant et ses ambiguïtés stratégiques, devenait à mon sens un luxe que Félix Tshisekedi ne pouvait plus se permettre. Voulez-vous dire que, pour modifier ou changer la Constitution, il faut un feu vert du président de l'Assemblée et que Félix Tshisekedi n'était pas du tout certain qu'il aurait ce feu vert de la part de Vital Kamerhe ? Je pense que le président de la République et son camp se sont rendu compte que Vital Kamerhe ne se mouillait pas lorsqu'il y avait ces débats autour de la réforme constitutionnelle. Et il y a eu le fait qu'il n'a pas été suffisamment aligné avec le président de la République, notamment lorsque le président a tracé la ligne rouge de ne pas discuter avec les rebelles M23. Vital Kamerhe fait partie des premiers, un des rares hommes politiques à l'époque, au sein de la majorité, qui a dit que peut-être il fallait commencer à regarder la possibilité de discuter. Il a prôné le dialogue au moment où personne ne voulait entendre parler du dialogue. C'était la ligne rouge. Et aussi, une autre fragilité, c'est le fait de ne pas prendre des positions claires lorsqu'il fallait s'aligner sur la réforme de la Constitution. Ce n'est pas le premier revers pour Vital Kamerhe, il est déjà tombé du perchoir en 2009, du temps de Joseph Kabila. En 2020, il a fait un an de prison. En 2024, il a failli être assassiné à son domicile. Qu'est-ce qu'il peut faire à présent ? C'est très difficile. Je pense qu'il avait deux options immédiates. La première, c'était de dire « OK, je suis tombé, mais je reste dans la majorité ». Ou de se dire « OK avec mes députés, je m'en vais, je vais faire de l'opposition républicaine parce que j'exclus à ce stade un éventuel ralliement aux groupes rebelles ». S'il voulait le faire, je pense qu'il avait plusieurs occasions avec ses sorties répétées à l'extérieur du pays. Même avant l'ouverture de la session de septembre, il était à l'extérieur du pays et il n'a pas rejoint Goma. Donc, s'il est revenu à Kinshasa, sachant qu'il y avait cette épée de Damoclès sur sa tête, c'est parce qu'il veut jouer un rôle à Kinshasa. Ce sera quel rôle ? Pour l'instant, il a dit qu'il restait au sein de la majorité présidentielle parce que aussi, je pense qu'il y a un risque à prendre en décidant d'aller dans l'opposition, alors que vous avez des députés qui sont au sein de la coalition présidentielle. Il y a très peu de députés qui allaient le suivre. Donc il n'a pas voulu prendre ce risque. Aujourd'hui, on est en 2025, mais je pense qu'entre le président Tshisekedi et Vital Kamerhe, ce sont deux stratèges politiques, ils se regardent, ils savent qu'ils sont aujourd'hui alliés d'apparence, mais que demain, ils seront très probablement des adversaires politiques. En vue de la présidentielle de 2028 ? En vue de la présidentielle de 2028, effectivement. 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Au Cameroun, le ministre d'État Bello Bouba Maïgari a fait sensation le 28 juin 2025, quand il a démissionné du gouvernement et annoncé sa candidature contre Paul Biya à la présidentielle du 12 octobre. En effet, son parti, l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), est un poids lourd dans le pays. Mais quelles sont ses chances de gagner si l'opposition reste divisée ? Aujourd'hui, le candidat Bello Bouba annonce qu'il « peut arriver à une entente » avec le candidat Tchiroma Bakary. En ligne de Yaoundé, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Si vous êtes élu, quelles seront vos deux priorités ? Bello Bouba Maïgari : Mes priorités, si je suis élu, ce sera d'abord pour la formation d'un gouvernement de large union. Parce qu'il faudra que nous nous attaquions aux problèmes essentiels de notre pays, à savoir la protection de l'unité nationale, son renforcement notamment dans les régions anglophones, mais également les problèmes de sécurité dans d'autres régions du Cameroun, notamment l'Extrême Nord. Alors, vous parlez de la très grave crise anglophone au Nord-Ouest et au Sud-Ouest. Beaucoup de Camerounais, y compris des candidats, prônent le retour au fédéralisme. Qu'en pensez-vous ? Aucun sujet ne sera tabou. D'abord, pour qu'il y ait une vraie inclusivité au Dialogue national inclusif que nous allons convoquer dans les six premiers mois de notre mandat, nous parlerons même aux leaders politiques des régions aujourd'hui troublées par cette crise anglophone, et nous envisageons de libérer ceux d'entre eux qui veulent travailler avec nous pour aboutir à un large consensus. Votre fief, c'est le nord du pays, mais comme vous le savez, il ne suffit pas de gagner au nord. Est-ce que vous avez la stature nationale pour être élu président ? Qui peut dénier à l'UNDP une implantation nationale ? Quel autre parti au Cameroun peut nous dénier cette bonne implantation que nous avons à travers l'ensemble des dix régions ? Oui, mais tout de même, Monsieur le Premier Ministre, votre parti UNDP est pour l'instant très loin derrière le parti au pouvoir RDPC. Qu'est-ce que vous comptez faire d'ici au 12 octobre pour combler ce retard ? D'abord, ce que vous appelez « très loin derrière le parti » au pouvoir, nous pensons que c'est parce que les conditions de transparence, de liberté et d'organisation des élections dans notre pays ne sont pas remplies. Nous travaillons pour cela et, d'ici à la fin du premier trimestre de 2026, vous verrez un renforcement de la représentation de l'UNDP dans toutes les assemblées de notre pays. Mais pourquoi la fraude s'arrêterait-elle au Cameroun ? Parce que d'abord, nous pensons, dans nos contacts avec les candidats et les anciens candidats, renforcer la collaboration entre nous pour assurer la vérité des urnes par une présence massive et digne des partis de l'opposition dans tous les bureaux de vote, dans toutes les commissions départementales où se passera le décompte des voix. Tout récemment, il y a quelques jours, l'opposant Maurice Kamto, qui n'a pas le droit de se présenter et qui n'a pas encore donné de consigne de vote, vous a invité, Issa Tchiroma et vous-même qui êtes tous deux originaires du nord du pays, à vous entendre pour fusionner vos deux candidatures, qu'est-ce que vous en pensez ? C'est pour cela que, après avoir écouté non seulement l'appel du professeur Kamto, mais aussi d'autres responsables de partis, nous avons relancé cette demande de rencontre entre nous pour que nous puissions nous entendre. Une rencontre entre Tchiroma et vous ? Une rencontre entre, oui, Monsieur Tchiroma, mais également avec d'autres candidats aussi. Les choses sont en train d'être explorées et nous n'avons pas perdu l'espoir qu'elles aboutiront à un consensus acceptable, non pas entre nous seuls, mais également à qui répondra à l'attente de beaucoup de Camerounais. Et vous pourriez arriver à fusionner vos deux candidatures ? Nous pourrons arriver, je l'espère, à trouver la solution que beaucoup attendent. C'est-à-dire une entente entre nous. C'est ma détermination pour laquelle je veux travailler. Et que répondez-vous à ceux qui disent, comme le candidat Cabral Libii, qu'il faut renouveler la classe politique camerounaise et que les nonagénaires, comme Paul Biya, et les septuagénaires, comme Issa Tchiroma et vous-même, devraient peut-être laisser la place aux jeunes ? C'est son opinion, mais la loi permet encore qu'un candidat de cet âge-là puisse se présenter. Je n'ai aucun commentaire à ce sujet.
Duel à l'Unesco. Dans deux mois au plus tard, à la mi-novembre 2025, on connaîtra le nom du successeur de la Française Audrey Azoulay au poste de directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco). Il n'y a que deux candidats en lice et ils sont tous deux africains : le Congolais de Brazzaville Edouard Firmin Matoko et l'Égyptien Khaled El-Enany. Qui va gagner ? Le grand enquêteur et essayiste Abdou Latif Coulibaly a été ministre sénégalais de la Culture de 2017 à 2019, sous la présidence de Macky Sall. En ligne de Dakar, il livre son pronostic. RFI : Quel bilan faites-vous des huit ans d'Audrey Azoulay à la Direction générale de l'Unesco ? Abdou Latif Coulibaly : Oui, je pense qu'elle a fait ce qu'elle pouvait faire par un certain nombre de réalisations qu'elle a faites. Dans le cas d'Audrey Azoulay, je vais citer par exemple les importants travaux de restauration et de reconstruction dans des villes comme Mossoul, dévastées par la guerre. Au nord de l'Irak… Au nord de L'Irak. Mais également, je citerai le cas au Liban. Et en Afrique également, il y a aujourd'hui beaucoup de sites qui ont été promus patrimoine mondial de l'humanité. Elle a également, de ce point de vue, fait beaucoup de choses dans le domaine de l'éducation avec l'Alliance mondiale d'éducation qui est au cœur de la mission de l'Unesco. En tant que ministre sénégalais de la Culture de 2017 à 2019, quel souvenir vous gardez de l'action de l'Unesco ? Vous savez, c'est en 2018, précisément, que le Musée des Civilisations noires a été installé et inauguré définitivement au Sénégal. Et tous les documents qui ont été faits à ce sujet et la démarche qui a été opérée, c'est moi-même, ministre de la Culture, qui a demandé à madame Audrey Azoulay de les transférer à l'Etat du Sénégal à l'occasion de l'inauguration du 6 décembre 2018. Et elle l'a fait avec beaucoup d'enthousiasme. Et également, elle a beaucoup conseillé, à l'époque, le gouvernement sénégalais dans le processus de mise en œuvre et de finalisation de ce musée-là. Et c'est ça qui m'a mis en rapport avec madame Azoulay, qui a beaucoup travaillé de ce point de vue-là à permettre aux Etats africains, et en particulier au Sénégal, de sauvegarder les sites qui sont déjà classés. Ce n'est pas évident quand vous prenez une ville comme Gorée, une ville comme Saint-Louis qui est patrimoine mondial de l'humanité, nous avons beaucoup de difficultés au plan national à trouver les moyens et l'ensemble des outils nécessaires pour que ce caractère de patrimoine universel soit préservé. En cette période très conflictuelle dans le monde, Audrey Azoulay affirme que l'Unesco est un des derniers lieux de consensus pour un multilatéralisme d'action. Est-ce que vous êtes d'accord ou pas ? Oui, je suis d'accord. Ce qui se réalise à l'Unesco aujourd'hui en termes de promotion de l'éducation, de la culture, je pense que s'il n'y avait pas une organisation de cette nature, cela n'aurait pu jamais se produire, ça j'en suis certain. Bon, aujourd'hui, nous les Africains, nous avons deux candidats qui se présentent. Il y a le Congolais Edouard Firmin Matoko et l'Égyptien Khaled El-Enany, qui sont actuellement en compétition. Quel que soit le candidat qui sera élu, je pense que l'intérêt pour l'Afrique, c'est que le travail qui est aujourd'hui engagé, qui l'avait été d'ailleurs bien avant elle, mais qu'elle a su consolider et qu'elle a su élargir en intégrant davantage beaucoup de pays dans le processus de prise de décision, mais également dans les activités qui sont menées… Je pense que c'est cela qui est le plus important. Et je pense que pour ce qui concerne les candidats africains, leurs déclarations rassurent de ce point de vue-là. Est-ce qu'ils auront tous les moyens pour le faire ? Je ne suis pas sûr, mais le maximum qu'ils feront, ce sera au bénéfice de l'Afrique et des pays en voie de développement. Alors justement, entre les deux candidats, le Congolais de Brazzaville Edouard Firmin Matoko et l'Égyptien Khaled El-Enany, quel est, à votre avis, celui qui est le plus apte à tenir la barre de l'Unesco dans les prochaines années ? Je pense que tous les deux sont aptes pour le faire. Ce sont des techniciens de très haut niveau. Le Congolais, qui a un très long séjour à l'Unesco, il dit « moi, je suis l'Unesco », pour dire sa compétence et pour dire également l'efficacité qu'il pourrait apporter à l'organisation. Mais il y a également l'Égyptien qui bénéficie déjà du soutien de l'Union africaine, je pense qu'il est assez bien placé, probablement, peut-être, je dis bien peut-être, pour gagner. Qui est le mieux placé ? Je pense que tous les deux ont les compétences pour ça. Je ne peux pas dire qui est le mieux placé, mais enfin, le pedigree des deux rassure par rapport à leurs capacités à diriger l'Unesco. Vous avez une petite préférence quand même, non ? Préférence comme telle… Je n'ai pas de préférence, parce que je considère pour ma part que tous les deux pourraient être bien à cette place-là. Même si je constate que l'Egyptien bénéficie de beaucoup de soutien diplomatique à travers le monde, il faut l'accepter. En Asie, dans les pays arabes. Mais malheureusement, ça va conduire à un affrontement bloc africain contre bloc africain, c'est clair. Mais même si l'Union africaine aujourd'hui soutient officiellement la candidature de l'Égyptien, il me semble que ce combat ne manquera pas de se poser.
L'Assemblée générale des Nations unies (qui célèbre ses 80 ans cette année) s'ouvre cette semaine à New York. Il y a un an, lors de ce rendez-vous, Joe Biden, alors président des États-Unis, s'engageait en faveur de deux sièges permanents pour l'Afrique au Conseil de sécurité de l'ONU. Un an plus tard, cet espoir s'est-il envolé ? Directeur régional de l'Institut d'études de sécurité pour l'Afrique de l'Est, Paul-Simon Handy répond aux questions de Florence Morice. RFI : La France va pousser à New York cette semaine pour une réforme du Conseil de sécurité. Est-ce que l'Afrique a une chance de décrocher enfin un ou plusieurs sièges de membres permanents de ce Conseil ? Paul-Simon Handy : Je ne pense pas que ça se décide cette année. Il y a un consensus grandissant parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité sur le fait que le Conseil, tel qu'il est, ne peut plus résoudre les problèmes mondiaux et qu'il faille l'élargir, mais surtout aussi qu'il faille que l'Afrique soit représentée. Mais une fois qu'on a exprimé cela, on n'a pas résolu le problème qui est que si tout le monde s'accorde sur l'élargissement, personne n'est d'accord sur les modalités pour y arriver. Comment expliquez-vous que, sur le principe au moins, chacun s'accorde désormais sur cette nécessité d'un élargissement du Conseil de sécurité au continent africain ? Pour l'Afrique, ce qui a été important, c'était la réalisation aussi du fait que l'Afrique est probablement la dernière frontière, comme on dit, le nouvel espace du développement. La croissance mondiale, ne fois qu'elle va s'estomper en Asie, elle va se passer en Afrique. Et je pense que pour tous ceux qui veulent faire des affaires en Afrique, il faudrait pouvoir donner quelque chose en échange à l'Afrique. Je pense donc que c'est politiquement que l'Afrique a grandi en importance. Et ceci se reflète maintenant dans le fait qu'on envisage de plus en plus qu'elle ait un siège au Conseil. Ce qui coince notamment, c'est la question du droit de veto. Les membres actuels ne veulent pas le partager avec de nouveaux entrants. Est-ce qu'il y a eu des avancées ou des évolutions à ce sujet cette année ? Il y a très peu de mouvement sur la question de veto. Il y a beaucoup d'options qui sont sur la table. L'une des options, c'est qu'on élargisse le veto à tout le monde, y compris les nouveaux, ou alors qu'on l'abolisse pour tout le monde. Mais si on fait perdre ce droit à ses détenteurs aujourd'hui, il faudrait leur donner quelque chose en échange. Et c'est justement sur cet aspect que les discussions ne sont pas encore achevées. Un autre problème, c'est que, en cas d'élargissement, il n'y a pas de consensus entre les pays africains sur la manière de choisir les deux pays qui occuperaient ces deux sièges permanents, où on est-on sur ce sujet ? A cette question, les pays africains généralement ont une parade. Ils disent « mettons nous d'accord sur le principe et nous vous présenterons les deux représentants de l'Afrique », ce qui permet de gagner du temps à vrai dire. On sait très bien qu'il sera difficile de trouver deux représentants parce que les prétendants sont nombreux et les critères pour la représentation sont assez précis. Il n'y a pas beaucoup de pays africains industrialisés qui auraient les moyens, une fois membre du Conseil de sécurité, de contribuer financièrement, matériellement aux décisions, à la mise en œuvre des décisions prises par le Conseil de sécurité. Mais donc où en est-on sur le mode de désignation, toujours d'un côté l'Union africaine qui a créé le C10, un groupe de pays chargés de négocier, mais de l'autre côté, des pays tels que l'Égypte et l'Afrique du Sud qui négocient de leur côté ? Le C10 est au moins l'instance officielle. Il est le lieu où les propositions officielles sont discutées. Mais il y a, à côté du C10, énormément de forums informels. Je pense que l'Afrique du Sud et l'Égypte mènent une campagne active, discrète - parce que, d'un autre côté, ils ne veulent pas non plus apparaître comme faisant cavalier seul - discrète, mais très efficace. Ils ont élargi leurs négociations parce qu'ils sentent qu'il y a une vraie opportunité ces temps-ci. Mais ils ont des concurrents, des pays comme le Nigeria et certains autres pays du Maghreb, qui ont tout à fait le potentiel pour représenter l'Afrique et même un pays de plus en plus comme l'Éthiopie, qui, de plus en plus, veut avoir voix au chapitre de la géopolitique africaine et mondiale. Ce ne sera pas facile pour les candidats individuels. Il sera beaucoup question de Gaza à New York. Qu'en sera-t-il du Soudan ? Selon les Nations Unies, c'est la plus grande crise humanitaire au monde avec un risque de génocide jugé « très élevé ». Est-ce que c'est à l'agenda ? Le Soudan est une vraie urgence, mais une urgence qui malheureusement se mêle à d'autres urgences internationales qui la relèguent un peu au dernier plan. Mais c'est un vrai danger. Le monde regarde ailleurs et risque après de devoir investir encore beaucoup d'argent pour payer les conséquences de la négligence actuelle.
Notre invité ce matin est le triple sauteur burkinabè Hugues Fabrice Zango. Il a disputé hier à Tokyo aux Championnats du monde d'athlétisme le dernier concours de sa carrière. Il n'a pris que la septième place de la finale, loin du niveau qui l'avait porté au titre mondial il y a deux ans à Budapest lors des derniers Mondiaux. Mais l'essentiel est ailleurs, à 32 ans, Hugues Fabrice Zango qui est aussi docteur en ingéniérie électrique se retire des sautoirs l'esprit serein, déjà tourné vers l'avenir avec la volonté de faire profiter la jeunesse burkinabè de son expérience de champion Il répond aux questions de Frédéric Suteau.
Au Cameroun, l'opposant Joshua Osih annonce que, s'il se présente à la présidentielle du 12 octobre, ce n'est pas seulement pour mettre fin au long règne de Paul Biya, c'est aussi pour « en finir avec le régime hypercentralisé » dans son pays. Le président du Social Democratic Front (SDF), n'épargne pas non plus certains de ses partenaires de l'opposition, notamment le candidat Bello Bouba Maïgari. Pour lui, Paul Biya et Bello Bouba, « c'est blanc bonnet et bonnet blanc ». En ligne de Yaoundé, l'héritier de John Fru Ndi répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Joshua Osih, pourquoi êtes-vous hostile au principe d'un candidat consensuel de l'opposition ? Joshua Osih : Je ne suis pas hostile à un candidat consensuel. Je pense que les alliances devraient se faire avant le dépôt de candidature et pas après. Et donc, une fois que quelqu'un se porte candidat, il devrait aller jusqu'au bout. Je suis de ceux qui pensent que la démocratie est très importante et qu'il faut donner le choix aux Camerounaises et aux Camerounais de librement choisir leur candidat et de ne pas se faire imposer un candidat. Mais face au président sortant, Paul Biya, vous êtes onze candidats de l'opposition et il n'y a qu'un seul tour. Est-ce que mathématiquement, les voix de l'opposition ne vont pas se disperser ? Il n'y a pas d'opposition en tant que tel. Ce n'est pas un parti politique qui se présente, ni une famille politique. Il y a des gens qui votent à droite, d'autres qui votent à gauche, d'autres qui votent leur tribu, d'autres qui votent objectivement pour le meilleur projet politique. Et donc il faudrait respecter ces choix-là et laisser les gens faire le choix qui est le leur. Beaucoup disent que Paul Biya est trop âgé pour briguer un nouveau mandat de sept ans. Mais est-ce que de fait, il ne continue pas à gouverner, à signer des décrets, à recevoir des personnalités ? Je pense que vous avez vu, comme moi, que l'ensemble de l'oligarchie camerounaise est allé le voir pour le pousser à se présenter. Il n'a reçu personne. Il a fallu que l'ambassadeur de France arrive à la présidence pour qu'il sorte de sa chambre. Donc, si c'est comme ça qu'on gouverne un pays, je pense que ce n'est pas mon idée. Il est évident que, après 43 ans au pouvoir et surtout 65 ans aux affaires, il y a un burn-out qui existe. C'est inévitable, c'est biologique. Et donc, moi, je suis de ceux qui disent sans honte aucune qu'il n'a plus les capacités nécessaires à gouverner ce pays. Mais je ne suis pas dans cette course pour remplacer Monsieur Biya. Je suis dans cette course pour changer de système, parce que je pense que le problème fondamental du Cameroun, c'est celui d'un système hyper présidentialiste, hyper centralisé, qui tue toute opportunité au développement. Et donc il faudrait absolument revenir à ce que nous proposons depuis 1990, et c'est pour cela que je suis contre ce débat d'ailleurs, sur l'opportunité de mettre ensemble des candidatures, parce que je suis le seul qui porte le projet fédéral dans notre pays, c'est-à-dire un fédéralisme d'exécution où on remettrait le pouvoir au peuple et où le pouvoir irait du bas vers le haut et donc l'âge du président, son origine et les autres considérations des autres candidats ne m'intéressent que très peu, parce que je suis le seul candidat qui a cette offre sur la table. Alors, contre votre stratégie de rester candidat quoiqu'il arrive, jusqu'au 12 octobre, 27 cadres de votre parti SDF se sont regroupés et ont décidé de rallier le candidat UNDP Bello Bouba Maigari qui leur promet notamment s'il est élu, d'amnistier, tous les prisonniers de la crise anglophone. Est-ce que cela ne vous fragilise pas ? Alors j'aimerais bien qu'on me dise quand est-ce que ces cadres sont partis, parce que je me souviens que ce sont des gens qui n'ont pas pu gagner des élections locales et qui n'exercent aucune influence politique que ce soit. Et ça fait des années qu'ils ne sont plus dans le SDF. Et au moment où le Social Democratic Front, en mars 2023, présentait son programme politique et proposait l'amnistie dès le premier jour de tous les prisonniers liés à la crise anglophone qui n'ont pas du sang sur les mains, Monsieur Bello Bouba était encore un ministre d'État de Monsieur Biya. Et donc, c'est bien si avant même de devenir président, il essaie déjà de copier notre programme, c'est une très bonne chose. On ne veut pas avoir l'exclusivité de nos propositions. Si toute la classe politique peut s'inspirer de ce que je propose, je pense que j'aurai déjà réussi un des paris de cette élection. Donc, Monsieur Bello Bouba et Monsieur Biya, c'est blanc bonnet et bonnet blanc. Monsieur Bello Bouba, nous savons très bien pourquoi il se présente à cette élection. Il veut faire passer son ami d'enfance, il veut absolument continuer comme ministre d'État. Nous avons dit que nous mettons fin à ce système politique là le 12 octobre, et nous sommes certains que nous allons vers une victoire le 12 octobre. Et quand vous dites que Bello Bouba est là pour faire gagner son ami d'enfance, vous voulez parler de Paul Biya, c'est ça ? C'est ce qu'il a fait en 1992. Et donc, en 2025, nous parlons d'un tout autre Cameroun qui a une maturité politique bien plus puissante que celle qu'on avait en 1992. À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: «Je suis candidat pour gagner l'élection nationale», annonce Cabral Libii À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: le parti au pouvoir présente «l'armée» de Paul Biya pour la campagne
À 45 ans, Cabral Libii est l'un des candidats les plus jeunes à la présidentielle du 12 octobre au Cameroun. Mais ce n'est pas un néophyte. Il y a sept ans, à la précédente élection, il était arrivé troisième. Et aujourd'hui, pour lutter contre la fraude électorale, il appelle tous les électeurs à surveiller leur bureau de vote le jour du scrutin, comme au Sénégal il y a 18 mois. Que pense-t-il de l'initiative en faveur d'Issa Tchiroma, désigné par certains comme le « candidat consensuel de l'opposition » ? De passage à Paris, le chef du Parti Camerounais pour la Réconciliation nationale (PCRN), répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Si vous êtes élu, quelles seront vos deux priorités ? Cabral Libii : Celle sans doute par laquelle je commencerai, c'est le recouvrement des 11,7 milliards que Glencore, qui a spolié le pétrole camerounais pendant dix ans, a accepté de payer. Le recouvrement est bloqué maintenant par la corruption de quelques agents publics qui empêchent le recouvrement de cet argent dont le peuple a besoin justement pour résoudre les urgences. Et ces urgences, elles sont de quatre ordres. Nous avons déjà annoncé qu'une fois élus, nous donnerions deux milliards de francs CFA à chaque commune du Cameroun pour régler les urgences, les infrastructures notamment routières, en permettant aux communes d'acquérir des engins pour le faire, les urgences hospitalières pour relever le plateau technique des hôpitaux dans les communes, les urgences numériques et scolaires, puis les urgences alimentaires. Face au président sortant Paul Biya et à la machine électorale de son parti RDPC, est-ce que vous ne partez pas battu ? Absolument pas. Cette fameuse machine n'est pas redoutable par son projet, son efficacité et ses résultats. Elle est redoutable par la fraude électorale qui s'est sophistiquée d'année en année. Il y a quelques jours, nous avons rendu publique et c'est encore visible sur notre site internet www.cabral2025.com, nous avons démontré qu'il y a une réserve de deux millions de voix qui a été fabriquée par des manipulations algorithmiques. Des voix fictives ? Des voix fictives par des manipulations numériques. Et pour contrecarrer cela, il y a une seule solution : engager la responsabilité individuelle des électeurs. Ce que le Sénégal nous a donné comme enseignement, c'est que c'est la responsabilité individuelle de l'électeur qui fait tomber de vieux régimes. Il faut que chacun fasse sa part. Faire sa part, c'est être dans le bureau de vote le jour de l'élection, voter et surtout que les uns et les autres se rendent disponibles bénévolement pour surveiller le vote. Parce que si on n'est pas dans les bureaux de vote, ils vont travestir le résultat des urnes. Samedi dernier, l'ancien ministre Issa Tchiroma Bakary a été désigné « candidat consensuel de l'opposition » par un regroupement de partis dénommé Union pour le changement. Qu'est-ce que vous pensez de cette démarche ? Rien du tout. Pour nous, c'est un non-événement. Le mot consensus est un mot français qui signifie accord de volonté. Donc, vous et moi, dans ce studio, on peut faire consensus sur ce que nous voulons, mais encore faut-il que cela ait un impact réel. Ce que moi je sais, c'est que le projet que je porte fait consensus. Voilà le type de consensus que nous avons appelé « la vague orange », que nous avons soulevé au grand meeting de Kribi et qui a déferlé. Vous savez, nous sommes douze candidats. Je fais partie des cadets et l'une des choses que nous entendons constamment, c'est que : « Oui, vous les cadets, vous devez vous aligner derrière les aînés ». Nous leur disons d'accord, que les trois septuagénaires qui viennent juste après le nonagénaire s'entendent déjà, se coalisent déjà entre eux et puis nous aviserons. Ce d'autant que deux de ces septuagénaires sont issus pratiquement du même village, tout au moins du même département, celui de la Bénoué. À écouter aussi[Vos réactions] Présidentielle au Cameroun : quelle image vous renvoie l'opposition ? Vous pensez à Tchiroma et à Bello ? Absolument. Alors justement... Ils n'ont pas que ça en partage. Alors justement, cet appel que vous avez lancé aux trois septuagénaires, c'est-à-dire à Akere Mouna, Bello Bouba et Issa Tchiroma, ça n'a pas du tout plu à Issa Tchiroma, qui y a vu une façon de votre part de vouloir le mettre à la retraite. Il vous appelle à plus de respect, à plus d'humilité... Peut-on faire montre de plus d'humilité que de solliciter des aînés ? Qu'ils s'entendent déjà. C'est du respect. Tout ce que nous leur demandons, c'est que vous avez beaucoup de choses en partage. Certains d'entre eux ont servi le régime pendant 30 ans, d'autres durant 25 ans, puis ils décident à deux mois de l'élection présidentielle de se lancer. Ce n'est pas tout le temps que l'on voit des gens qui ont aussi servilement servi un régime se décider de le faire tomber deux mois avant une élection présidentielle. Et nous leur disons qu'il n'y a pas de soucis. Le peuple vous regarde parfois avec un regard suspicieux parce que ce n'est pas la première fois que vous allez de gauche à droite et que vous justifiez à chaque fois vos allées et venues. L'électeur camerounais, nous lui faisons confiance, est très lucide sur ce point. Mais vous le savez bien que Bello et Tchiroma, leur fief, c'est le nord et que le nord, ça compte un tiers des voix. Vous allez perdre des voix nécessairement, non, par rapport à 2018 où Bello et Tchiroma n'étaient pas candidats ? Écoutez, je sors de ce nord-là. Vous avez vu les milliers et les centaines de milliers de personnes qui sont venues à ma rencontre. Ces personnes-là ne suivent pas un nordiste. Ces gens-là m'ont dit : « Monsieur Libii, vous avez toujours été à nos côtés et à nos yeux, ce n'est pas parce que vous êtes né plus loin au sud que nous ne croyons pas en vous et pour nous, vous incarnez notre espérance et notre espoir ». Moi, je ne suis pas un ancien ministre avec de l'argent gardé ici ou là. Moi, je ne suis pas du vieux système où ils achètent des consciences et des voix, où ils payent des gens pour les réunir. Je suis donc conscient qu'il y a des gens qui sont candidats pour gagner le nord, mais moi, je suis candidat pour gagner l'élection nationale. À lire aussiÉlections au Cameroun: pour battre Paul Biya, «il faudra un raz-de-marée» de l'opposition, martèle Issa Tchiroma Bakary
L'opposant camerounais Issa Tchiroma Bakary connait bien le président sortant Paul Biya, puisqu'il a été son ministre pendant 16 ans, avant de démissionner au mois de juin dernier. Le chef du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), a le vent en poupe, car il vient d'être désigné « candidat consensuel de l'opposition » par l'Union pour le Changement à la présidentielle du 12 octobre prochain. Mais aucun autre candidat de l'opposition ne l'a félicité : est-ce un trompe-l'œil ? En ligne de Yaoundé, l'ex-ministre Tchiroma Bakary répond à Christophe Boisbouvier. RFI : Samedi dernier, une assemblée générale Upéciste vous a désigné comme « candidat consensuel de l'opposition » pour le 12 octobre. Quelle est votre première réaction ? Issa Tchiroma Bakary : Ma première réaction, c'est celle de la gratitude et des remerciements à ces hommes et femmes de la société civile comme de la classe politique, qui m'ont fait l'honneur et le plaisir de me désigner pour être le porteur du drapeau qui nous conduira vers l'élection présidentielle et puis vers la victoire inévitable du peuple. Le fait qu'aucun de vos dix partenaires, candidats de l'opposition, n'ait approuvé cette démarche de l'Union pour le changement et qu'aucun de vos partenaires ne vous ait félicité, est-ce que cela ne vous préoccupe pas ? Écoutez, les portes sont ouvertes, nous sommes en discussion. Nous demeurons ouverts et ma foi, j'annonce notre disponibilité à travailler avec tous ceux qui sont prêts pour que l'attente du peuple soit réalisée, à savoir la construction de ce changement. À écouter aussiAkere Muna: «Le Cameroun est dans un gouffre financier, moral, difficile à digérer» Donc, vous tendez la main aux dix autres candidats de l'opposition ? Je pense que non seulement je leur tends la main, mais je voudrais d'abord attirer l'attention des uns et des autres vers une vérité cardinale. C'est l'administration territoriale qui a la responsabilité de l'organisation de ces élections. Même si les dix autres candidats s'allient à Tchiroma pour que ça fasse onze, même si tous nous étions réunis, il est pratiquement impossible de penser que ce corps qui a la responsabilité d'organiser ces élections annonce des résultats différents de ce que le parti au pouvoir et son leader attendent. Donc, il faudrait que cette victoire soit un raz de marée comparable à rien d'autre, parce que la victoire sera massive, une victoire inexorable. Le candidat président de la République sortant face à la détermination du peuple. Je suis persuadé que le président ne fera pas 15 à 20%. C'est impensable. Pour qu'il y ait ce raz de marée, il ne faut pas qu'il y ait plusieurs candidats de l'opposition. Il faut qu'il n'y en ait qu'un seul et ce sera vous. C'est ça ? Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ensemble, nous sommes en mesure d'avoir cette victoire écrasante. Elle est inexorable, elle est inévitable. Issa Tchiroma Bakary, vous avez été ministre de Paul Biya pendant seize ans. Vous avez été aussi notamment son porte-parole. Et puis au mois de juin dernier, vous avez démissionné. Pourquoi cette volte-face ? Ce n'est pas une volte-face. Le président de la République, aujourd'hui, à 93 ans. Après 43 ans de règne sans partage, à cet âge, le président de la République, qui aime sa nation, devrait comprendre que la fin est arrivée. Et comme on dit, il est préférable de quitter les choses avant qu'elles ne vous quittent. Vous avez des icebergs partout. Le commandant doit être à la barre et non gouverner par procuration. Et qui c'est qui gouverne alors ? Si ce n'est pas lui ? Mystère. Mais aujourd'hui, on peut dire que c'est une espèce d'oligarchie invisible, mais d'une puissance d'autant plus redoutable que vous ne savez pas qui fait quoi. Je profite de l'occasion pour dire, moi qui vous parle aujourd'hui, que j'ai fait l'objet d'une menace et d'emprisonnement et existentielle de la part des collaborateurs du président de la République qui sont venus me dire que c'est de sa part qu'il me parlait de cette manière. Et quand vous parlez de menace existentielle, c'est-à-dire qu'un collaborateur du chef de l'État vous a menacé dans votre propre vie, c'est ça ? C'est-à-dire qu'il m'a menacé d'emprisonnement. Et puisqu'il sait que je suis malade. Il suffit simplement que l'on m'emprisonne et que je reste deux mois sans médicaments et la suite sera connue. En vertu de quoi doit-on me menacer ? Vous dites qu'il faudra compter avec plusieurs autres candidats de l'opposition. Est-ce à dire qu'avec l'autre grand candidat nordiste, par exemple, l'ancien Premier ministre Bello Bouba Maigari, vous n'arriverez pas à vous mettre ensemble d'ici le 12 octobre ? Mettez ensemble tous les opposants, pas seulement Bello et autres. Il faut d'abord une victoire immense. Il faut absolument un raz de marée. À lire aussiCameroun: le ministre d'État Bello Bouba annonce sa candidature à la présidentielle Est-ce que vous vous parlez avec Bello ? Bien entendu. Bello n'est pas mon ennemi, mais moi je suis Tchiroma, il est Bello. J'incarne l'espoir de la jeunesse. Vous dites que vous incarnez l'espoir de la jeunesse, mais vous avez plus de 70 ans. Et le candidat Cabral Libii appelle les trois septuagénaires que vous êtes, Akéré Mouna, Bello Bouba et vous-même, à vous mettre ensemble et ensuite à créer une dynamique de l'unité. Il est libre de dire ce qu'il veut, mais qu'il fasse preuve d'humilité et de respect pour ce que nous sommes. Vous savez, j'ai plus de 70 ans, mais il y a des gens qui gouvernent les plus grandes puissances de ce monde qui ont 79 ans. Suivez mon regard. En politique, quand vous parlez de l'âge, c'est parce que vous êtes à court d'arguments. À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: le parti au pouvoir présente «l'armée» de Paul Biya pour la campagne
Journée spéciale sur le commerce mondial de la drogue aujourd'hui sur RFI. Focus tout de suite sur l'Afrique avec Flore Berger, de L'Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée. Elle est spécialiste du trafic de drogue en Afrique. Elle nous explique pourquoi les narcotrafiquants n'aiment pas les coups d'État. Et elle nous révèle quel rôle jouent ces trafiquants dans certaines libérations d'otages au Sahel. Elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Pourquoi l'Afrique de l'Ouest est-elle devenue une plaque tournante pour la cocaïne entre l'Amérique latine et l'Europe ? Flore Berger : Oui, alors géographiquement c'est intéressant pour lier les deux zones. Mais aussi il y a des vulnérabilités importantes qui font que c'est devenu un centre logistique. Donc il y a moins de surveillance dans les territoires, un manque de ressources dans les ports principaux d'Afrique de l'Ouest, évidemment, des niveaux de corruption élevés. Donc, tout ça explique le fait que l'Afrique de l'Ouest soit devenue un centre névralgique pour le trafic mondial. Est-ce que les réseaux jihadistes d'Afrique de l'Ouest et du Sahel sont impliqués dans ce trafic ou dans celui d'autres drogues ? Alors pas spécialement. Déjà, il faut dire que la plupart des flux de cocaïne arrivent en Afrique de l'Ouest par les voies maritimes et repartent vers l'Europe par les voies maritimes. Mais il y a une partie qui est déchargée et qui prend la route, qui traverse notamment le Mali et le Niger en particulier, la Libye aussi. Et donc c'est sur ces routes de trafic qu'on a aussi la présence de réseaux jihadistes. Donc ce ne sont pas les acteurs principaux du trafic, ce ne sont pas ceux qui organisent ou ce ne sont pas les logisticiens, les intermédiaires… Mais comme ils ont une forte présence dans ces zones de transit, le long des routes, on sait qu'ils taxent la marchandise et taxent les trafiquants pour que ceux-ci puissent utiliser les routes qu'ils contrôlent. Donc on sait que les groupes jihadistes font ça pour tout type de biens licites et illicites. Donc les commerçants de carburant, les compagnies de transport, les éleveurs avec leurs animaux. Donc tout le monde qui veut utiliser leur territoire doit les payer. Donc, ce n'est pas spécifique au trafic de drogue. À lire aussiEn Afrique de l'Ouest, le trafic de drogues s'accompagne désormais d'une consommation hors de contrôle Est-ce que le trafic de drogue en Afrique est plus important dans les pays instables et en guerre civile ? Pas forcément. Et on voit qu'il y a certains trafics, comme on vient de parler du vol de bétail, qui sont renforcés, qui augmentent lors de périodes d'intense violence ou d'instabilité. C'est aussi le cas du trafic d'armes ou de carburant, par exemple, qui sont des ressources clés pour les groupes armés. Mais pour la cocaïne, c'est différent dans le sens où ce trafic prospère plutôt dans des zones où il y a un équilibre assez délicat, c'est-à-dire que trop d'instabilité va compliquer les flux et désorganiser les réseaux. C'est quelque chose qu'on a vu après, par exemple, le coup d'État au Niger en juillet 2023. Il y avait des réseaux de protection établis entre les autorités et les trafiquants. Et donc ces réseaux ont été éclatés du jour au lendemain. Aussi avec les périodes de grands conflits comme on a vu au nord du Mali dans la deuxième partie de 2023. Toutes ces périodes d'instabilité ne sont pas très bonnes pour le business, parce que les réseaux doivent soit trouver de nouveaux itinéraires, soit de nouveaux intermédiaires, recréer des relations de protection, et donc trop d'instabilité n'est pas forcément bon pour ce trafic-là. C'est-à-dire que les trafiquants de drogue du Niger ont été déstabilisés par le putsch de juillet 2023 ? Oui, oui. Donc, on a vu une diminution du trafic au Niger après le coup d'État, notamment de certains intermédiaires clés qui étaient impliqués dans le trafic de drogue depuis longtemps. Donc, avec la protection des autorités, il y a même des trafiquants, par exemple un en particulier qui s'est reconverti, on va dire, dans l'orpaillage, le trafic de l'or, parce que voilà, les protections au niveau de l'État pour le trafic de cocaïne n'étaient plus en place. À lire aussiTrafic de drogues: le Kenya, de plateforme logistique à marché de consommation émergent Quelle est la répression la plus efficace ? Pour la répression, donc, on sait spécifiquement pour le trafic de cocaïne qu'il y a vraiment des intermédiaires clés qui souvent sont connus de tous, qui opèrent depuis des décennies, par exemple au Mali ou au Niger, et puis des réseaux étrangers qui viennent des Balkans, qui s'implantent en Afrique de l'Ouest. Et donc eux sont vraiment les acteurs clés de cet écosystème et ils sont difficiles à remplacer parce que ce sont eux qui ont les connexions, ce sont eux qui ont les relations haut placées, ce sont eux qui sont au cœur de la logistique et des opérations. Et donc si on focalise la répression sur eux, donc il y aura clairement un impact sur ce marché illicite, au moins dans le moyen terme, jusqu'à ce que d'autres prennent leur place. Vous parlez des chefs de réseau, notamment de ces réseaux balkaniques qui viennent de Bosnie, d'Albanie, du Monténégro. C'est ça ? Voilà. Et qui ont évidemment des interlocuteurs, par exemple au Mali, au Niger ou les pays côtiers. Et est-ce qu'il y a déjà eu des arrestations du côté de ces chefs de réseaux ou pas ? Alors c'est un peu ça le souci principal, c'est que ce sont souvent eux qui ont établi des liens de protection avec l'accord des autorités. Par exemple, au Mali, ce sont des personnalités qui sont bien connues des services de renseignement et qui sont même parfois utilisés par les autorités, par exemple, quand il y a des otages et qu'il faut se lier ou faire des négociations entre groupes armés et autorités. Donc ce sont ces mêmes personnes-là qui sont appelées, du fait de leurs capacités à parler et aux groupes armés sur le terrain et aux autorités. Et donc c'est assez rare que des poursuites à leur encontre voient le jour. À lire aussiDe la culture de la coca au dealer européen, qui contrôle le trafic de cocaïne?
Légende de la musique en Afrique et bien au-delà, Cheikh Lô fête ce week-end ses 50 ans de carrière et ne compte pas s'arrêter en si bon chemin, puisque son nouveau disque Maame sera publié le 26 septembre. Mais avant cette sortie, le chanteur, batteur et guitariste sénégalais a accepté de revenir sur des anecdotes de sa vie artistique. RFI : Vous célébrez 50 ans de carrière, 50 ans d'exploration musicale. Vous êtes un éternel optimiste. Quel est votre secret pour garder cette fraîcheur ? Cheikh Lô : Je vais fêter mes 70 ans ! Mais actuellement, j'ai 26 ans. Je me suis rendu compte que la musique nourrit l'âme. Ça te tient. Tu ne vieillis pas. C'est un environnement. Je ne sais pas comment l'expliquer. Va par exemple aux îles des Caraïbes ou Cuba, tu trouveras des vieux chanteurs qui jouent jusqu'à présent, parce que leur musique est positive, immortelle. Vous êtes né à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, de parents sénégalais en 1955. Comment est-ce que la musique vous a attrapé ? Au moment où je suis né, ce n'était pas le Burkina Faso, c'était la Haute-Volta. Je suis né là-bas. J'ai grandi là-bas. J'avais la chance, car à l'époque mon grand frère avait un tourne-disque. Il avait pratiquement toutes les musiques d'Afrique de l'Ouest avec les bagages et les ressources du Congo. Et en même temps, il y avait la radio à la maison. Donc, on écoutait beaucoup de Volta Jazz, l'orchestre de renommée à Bobo-Dioulasso qui était le plus grand orchestre de l'époque. Vous y avez commencé votre carrière en tant que batteur... À l'âge de 20 ans, j'avais des amis dans le même quartier qui avaient des guitares. On passait des heures là-bas. Un jour, à ma grande surprise, le bassiste même du Volta Jazz est venu. Il grattait vraiment bien. Il a commencé à jouer et j'ai commencé à chanter. Dans la foulée, vous allez passer une audition et intégrer le groupe... Pour une soirée. Mais avant que la salle soit pleine, j'avais un peu le stress. Mes pieds tremblaient un peu. J'avais chanté un morceau de Laba Sosseh qui s'appelle « Seyni ». Après avoir fini de chanter, le chef d'orchestre et saxophoniste Mustapha Maïga me dit : « Petit, tu es intégré dans le groupe à partir d'aujourd'hui. » Vous aimez tellement cette chanson que vous l'avez enregistrée des années plus tard. Votre carrière est immense. Vous avez joué dans des clubs, dans des hôtels. Vous avez été batteur dans des studios d'enregistrement en France. Mais arrêtons-nous sur un moment important, la sortie de l'album Né La Thiass. Ce n'est qu'après, en 1995, que j'ai réalisé l'album Né La Thiass en collaboration avec Youssou N'Dour. Né La Thiass, c'est la destinée. Youssou N'Dour était amoureux de ce morceau. Tout de suite, j'ai fait une tournée pour la promotion de cet album avec le groupe Né La Thiass, parce que je n'avais pas encore fondé mon propre groupe. Avec le Super Étoile de Youssou N'Dour, on a fait les répétitions à Dakar et puis une tournée européenne un mois plus tard. Quand les nouvelles générations viennent vous voir, que leur répondez-vous ? Qu'il ne faut jamais rien lâcher dans la vie ? Si ce sont des jeunes qui viennent, je leur dis : « Allez faire une formation ». Dans tout métier, pour savoir où tu poses les pieds. Tout est possible. Impossible n'est pas français, mais tout est possible aujourd'hui. Il faut y croire pour y arriver. Dernière question : dans un monde en tension, à quoi sert la musique ? À quoi sert votre musique ? La musique rapproche et même les montagnes. C'est un médicament. Cela adoucit les mœurs. La musique, elle est sacrée pour moi. On pourrait même dire que c'est une religion aussi. Il n'y a pas de mensonge en musique. À l'au-delà, nul ne peut mentir. Tu ne peux pas tricher avec la musique parce qu'il y a des conventions. C'est divin. Cheikh Lô Maame (World Circuit Limited) 2025 Facebook / Instagram / YouTube
Au Cameroun, c'est dans un mois, le 12 octobre, que les douze candidats s'affronteront dans les urnes pour briguer la présidence de la République. Onze candidats de l'opposition vont donc défier le président sortant Paul Biya, mais il n'y aura qu'un seul tour. Du coup, le candidat Akere Muna propose à ses partenaires de l'opposition de créer un collectif pour trouver un candidat consensuel. Et il s'adresse plus particulièrement à Maurice Kamto, l'opposant dont la candidature a été rejetée. Pourquoi ce choix ? En ligne de Yaoundé, maître Muna répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Il y a trois semaines, vous avez défrayé la chronique en demandant au Conseil constitutionnel de déclarer Paul Biya inéligible à cause de sa supposée dépendance physique et cognitive. Mais vous avez été débouté. Est-ce que vous n'êtes pas déçu par cet échec ? Akere Muna : Non, pas du tout parce que tous ceux qui pensent qu'à 92 ans et après 42 ans d'exercice, on est, n'est-ce pas, aussi frais que quelqu'un de 49 ans, mais tant pis, je pense qu'on a pu démontrer au monde entier la situation qui prévaut au Cameroun. Tout le monde l'a vu, le président, dans ses sorties. Nous avons fourni des vidéos qui montrent le président à Washington. Il ne sait pas où il est, il ne sait pas ce qu'il doit faire. On doit tout lui dire. Et puis on l'a montré complètement embrouillé devant Mo Ibrahim. Et puis on l'a montré, il y a beaucoup d'incidents. Sa femme qui lui demande de lever la main pour saluer, on lui rappelle ce qu'il faut faire. On a même montré un rapport fait par des experts américains sur ce que l'on doit attendre d'un monsieur de 92 ans. C'est un rapport de douze pages quand même. On est devant le destin de 30 millions de Camerounais. Le Cameroun est dans un gouffre financier et moral, difficile à digérer. Vous êtes originaire du nord-ouest du Cameroun. Vous avez été bâtonnier des avocats du Cameroun. Vous êtes l'une des grandes figures de l'ONG Transparency International. Si vous êtes élu, quelles seront vos deux priorités ? La lutte contre la corruption et la crise du nord-ouest et du sud-ouest. Parlant de la lutte contre la corruption, je vous dis que moi président de la République, dans les cinq jours, je ferai sortir des caisses de Glencore [une société minière, NLDR] 800 milliards. Je ferai payer par Glencore à l'État du Cameroun 800 milliards de francs CFA. C'est le résultant de ventes de pétrole à un prix décoté, le résultant de trafics de toutes sortes, de la corruption reconnue par Glencore lui-même. Et dites-vous bien, personne n'est poursuivi. Donc ça, ce serait votre première priorité ? Oui, la première. La seconde, c'est la crise du nord-ouest et du sud-ouest car je connais les racines de ce problème. Moi, originaire du nord-ouest, je connais le problème. Vous êtes onze candidats face à Paul Biya. Mais il n'y a qu'un seul tour. À un mois du scrutin, est-ce que vous croyez encore à la possibilité d'un candidat consensuel de l'opposition ? Je crois que les onze candidats savent qu'il faut donner l'espoir aux Camerounais. Et sur cette base-là, je pense qu'il y a toujours une solution. Moi, j'y travaille et je pense qu'un candidat consensuel, ça peut être deux ou trois ou quatre, mais je pense qu'au final, il faudra attendre que la campagne officielle commence, donc le 27 septembre, pour voir ce qu'il va se passer. Je pense que l'on peut être optimiste du fait que l'on va trouver des candidats qui pourront… Parce qu'en fait, ces élections, c'est un référendum sur pour Biya ou contre Biya. C'est aussi simple que ça. À lire aussiPrésidentielle au Cameroun: le parti au pouvoir présente «l'armée» de Paul Biya pour la campagne En 2018, le principal challenger de Paul Biya était Maurice Kamto, mais aujourd'hui, il est déclaré inéligible. Quel rôle peut-il jouer dans la recherche d'un candidat consensuel de l'opposition ? Je pense qu'il peut être vraiment la personne qui demande à tous les candidats : « Mettons-nous ensemble et sortons un candidat qui va mener le lot », pour la simple raison que lui, il sera quelqu'un de désintéressé puisqu'il n'est pas candidat. Donc ce rôle-là, il peut le jouer. Il peut proposer une réunion à vous tous, les onze candidats, pour que vous vous mettiez d'accord, c'est ça qu'il pourrait faire ? Oui mais voilà, comme je dis souvent, le problème de ce côté du monde, c'est ce qu'il y a beaucoup de chefs, mais pas assez d'Indiens. Donc peut-être que lors d'une séance comme ça, il faudrait quand même faire un gouvernement, je n'en sais rien, mais je pense qu'il a… Lors d'une séance comme ça, il faudrait quoi dites-vous ? Il faudrait peut-être penser à déjà faire un « shadow government ». Un gouvernement fantôme… Oui. À écouter aussiCameroun: «Après l'échec des hommes, il faut que les femmes prennent le pouvoir» Pour un candidat consensuel de l'opposition, est-ce que vous seriez prêt à renoncer à votre candidature et à vous rallier à un autre candidat ? Mais cette question trouve sa réponse en 2018. Je l'ai déjà fait. Pour Maurice Kamto… Ça c'est vrai, je l'ai déjà fait. Avec une seule différence que maintenant, je fais dans le cadre d'un collectif. On est tous ensemble, voilà la direction qu'on va prendre. Et dans ce cadre-là, je pense que c'est plus facile de le faire. Et pour quel candidat vous pourriez vous désister ? Mais je vous dis que ça sortirait d'un collectif, donc je ne peux pas maintenant commencer à dire tel ou tel autre. Mais pour l'instant, ce collectif, on ne le voit pas… Peut-être qu'on ne le voit pas. Mais le fait que vous n'entendez pas la radio ne veut pas dire qu'elle n'émet pas. Il y a des signes annonciateurs d'un tel collectif ou pas ? Moi j'en vois. Et le secret pour l'efficacité de cette stratégie, c'est la discrétion. Vous conviendrez avec moi. Donc pour l'instant, vous ne pouvez pas en parler sur l'antenne ? Voilà. À lire aussiCameroun: l'opposition partagée sur la désignation d'un candidat consensuel à la présidentielle
Au Cameroun, Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya est la seule femme parmi les douze candidats à la présidentielle du 12 octobre. Mais les Camerounais connaissent bien cette opposante politique, qui a repris les rênes de l'UDC, l'Union démocratique du Cameroun, après le décès en 2020 de son mari, Adamou Ndam Njoya. Longtemps députée nationale, Madame Tomaïno Ndam Njoya est aujourd'hui la maire de Foumban, la grande cité de l'ouest du Cameroun. Quelle est son ambition pour son pays ? RFI : Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya, si vous êtes élue, quelles seront vos deux priorités ? Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya : C'est la crise du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui est la toute première des premières. Parce que le Cameroun aujourd'hui est en guerre contre les Camerounais. Et évidemment, la grande deuxième priorité serait les réformes institutionnelles. Parce que depuis 2021, nous avons demandé que le code électoral soit modifié. Nous avons fait un travail de fond. Malheureusement, le pouvoir en place, comme il sait que c'est à travers des fraudes électorales qu'il s'en sort, c'est un problème d'arbitraire. Cette réforme du code électoral, vous l'avez demandée en direct au président Paul Biya lors de ses vœux du Nouvel An. C'était il y a quelques mois. Qu'est-ce qu'il vous a répondu ? Le président a dit qu'il n'était pas au courant que nous avions fait ce travail, et je lui ai répondu que nous allons mettre ce travail à sa disposition, ce que nous avons fait. Et jusqu'aujourd'hui, nous n'avons pas eu un retour. Vous êtes la seule femme candidate à ce scrutin. Si vous êtes élue, qu'est-ce qui changera pour les femmes camerounaises ? Les femmes camerounaises disent : aujourd'hui, 65 ans, ça suffit. Parce que c'est depuis les indépendances au Cameroun que les femmes sont discriminées. Nous n'avons pas de lois qui protègent les femmes, la famille, les enfants. Les femmes sont celles qu'il faut au Cameroun pour apporter la paix. Parce que le Cameroun est divisé. Aujourd'hui, il y a un manque de confiance entre Camerounais, entre les Camerounais et les institutions. Et donc après l'échec des hommes, il faut que les femmes prennent le pouvoir et elles sont prêtes. Voilà 43 ans que Paul Biya gouverne et il est candidat pour un huitième mandat. Face au système Biya, est-ce que vous ne partez pas battue d'avance ? Pas du tout. Le système Biya est là parce qu'il a les moyens de l'État, il a le confort. Mais dans la grande majorité, les Camerounais veulent des élections justes et transparentes. Donc quand on voit le bilan des 43 années de Monsieur Paul Biya, on comprend très vite pourquoi les Camerounais aspirent au changement. La guerre du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, c'est inadmissible. Quelle est la fonction d'un président de la République ? D'abord, incarner l'unité nationale, ce qu'il ne fait pas. Il doit arbitrer le fonctionnement des institutions républicaines, ce qui n'est pas le cas. Tout le monde voit que le régime n'apporte plus rien. Nous sortons d'une grande tournée au niveau national et nous ramenons que les Camerounais veulent le changement, mais par la paix. Qu'est-ce qui vous rend optimiste ? Est-ce que c'est le fait qu'il y ait des fissures au sein du parti au pouvoir et du gouvernement ? Est-ce que c'est l'âge du capitaine ? Normalement, c'est autant de signes qui montrent que si on était vraiment dans une République, l'âge n'aurait pas été un problème parce que nécessairement on aurait compris qu'il faut un mandat renouvelable une seule fois. Donc ça fera partie de nos résolutions urgentes de limiter le mandat présidentiel. Et maintenant, le fait qu'il y ait des problèmes dans la maison, c'est tout à fait normal aussi. C'est-à-dire que, dans le fond, c'est un régime qui a trop duré et les Camerounais souhaitent pouvoir prendre les rênes pour que le Cameroun redevienne cette Afrique en miniature, ce pays respecté dans la sous-région et dans le monde. Et c'est pour ça que nous parlons d'une nouvelle ère. Nous, on est là pour la rupture, c'est-à-dire un nouveau Cameroun, l'ère de la liberté, l'ère de la responsabilité… Parce qu'il y a tribalisme, détournement de fonds publics, corruption, qui laissent de côté la valorisation du travail, l'effort, la méritocratie. Ce sont des valeurs que nous devons retrouver au Cameroun. Les Camerounais sont prêts pour cette rupture. Alors face à Paul Biya, il y a onze candidats de l'opposition et un seul tour. Pour un candidat consensuel de l'opposition, est-ce que vous seriez prête à renoncer à votre propre candidature et à vous rallier à un autre candidat ? Bien sûr, c'est le principe. Parce que, quand on dit consensus, c'est une personne, mais qui est là dans le cadre d'une équipe, par rapport à un plan d'action commun consensuel. Et parmi les dix autres candidats de l'opposition, vous avez déjà en tête l'une ou l'autre de ces personnes pour qui vous pourriez vous rallier ? Celui qui va recueillir le plus de consensus, suivant des critères objectifs qui sont défendables devant le peuple, aura la confiance de l'Union démocratique du Cameroun.
En République démocratique du Congo, une augmentation des salaires des agents de l'État est à l'étude dans le budget 2026. C'est ce qu'annonce aujourd'hui sur RFI le vice-Premier ministre congolais en charge du Budget Adolphe Muzito. L'opposant modéré, qui est arrivé quatrième à la présidentielle de 2023 avec son parti Nouvel Elan, est entré au gouvernement il y a un mois. En ligne de Kinshasa, l'ancien inspecteur des finances Adolphe Muzito répond aux questions de Christophe Boisbouvier. À lire aussiRDC: Félix Tshisekedi réclame «la reconnaissance des génocides perpétrés sur le territoire congolais»
Avec près de 2 kilomètres de longueur et 150 mètres de hauteur, le Grand Barrage de la Renaissance éthiopienne va dompter les eaux du Nil Bleu et va devenir aujourd'hui, jour de son inauguration par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, la plus grande installation hydroélectrique du continent africain. Mais l'Égypte affirme que cet ouvrage est, pour elle, une « menace existentielle ». Les explications de Sonia Le Gouriellec, qui est maîtresse de conférence en science politique à l'Université catholique de Lille, en France. RFI : Qu'est ce qui va changer avec ce barrage dans la vie quotidienne des Éthiopiens ? Sonia Le Gouriellec : Je pense qu'il y a un gain énergétique important pour les Éthiopiens parce qu'ils pourront ainsi à la fois avoir de l'électricité dans leur pays et en exporter dans le reste de la région. D'autant que je crois que près de la moitié des Éthiopiens n'ont pas accès à l'électricité aujourd'hui. Tout à fait. Et puis on est dans un pays avec une démographie très forte, 130 millions d'habitants. Donc, il y a un véritable enjeu, effectivement, de fournir de l'électricité et puis aussi d'atteindre les ambitions économiques du pays, puisqu'il y a de nombreuses zones économiques spéciales qui ont été ouvertes et dont le but est de pouvoir fournir de l'électricité à tout le monde. Alors, l'Égypte est très hostile à ce barrage. Elle affirme qu'il représente une menace existentielle. Est-ce que ces craintes sont fondées ? Alors effectivement, depuis le début, l'Egypte est opposée à la construction de ce barrage. A tel point qu'on a parlé à une époque de bombardements du barrage. Et la crainte aujourd'hui, je dirais, c'est plutôt politiquement une déstabilisation de la région par l'Egypte. L'existence du barrage, ce n'est pas ça qui est véritablement contesté, puisque le barrage, il va être inauguré ce mardi. Donc il est construit, il est fait. C'est une grande réalisation. Ce qui est aujourd'hui véritablement en débat, c'est l'absence de règles claires et contraignantes de sa gestion en période de stress hydrique. L'Egypte a toujours eu une position très constante sur cette question. Toutes les exploitations possibles en amont devraient avoir un accord écrit juridiquement contraignant, avec des règles claires d'opérations, de comment on va gérer au fur et à mesure ces eaux, notamment en période de sécheresse. Et ça, pour l'instant, c'est absent. Donc, bien que Abiy Ahmed, le Premier ministre éthiopien, ait invité le Soudan et l'Egypte à venir à l'inauguration, pour eux, ça, c'est de la diplomatie, c'est des accords à l'oral, mais il n'y a rien de véritablement fixé. Et ça, ça les ennuie beaucoup. Et ce qu'on craint, c'est que le conflit puisse s'exporter sur d'autres terrains, par exemple en Somalie. Donc, la grande crainte de l'Égypte et du Soudan, c'est qu'en cas de sécheresse, les Éthiopiens ne libèrent pas le volume d'eau nécessaire qui est stocké par ce barrage pour lutter contre cette sécheresse. C'est ça ? Exactement. Et qu'on ne s'en tienne qu'à des paroles alors qu'il faudrait quelque chose d'écrit. Or, pour l'instant, vous n'avez aucun document. Il y a une absence de règles claires, contraignantes sur la gestion des eaux du Nil. En juin 2013, le président égyptien de l'époque, l'islamiste Mohamed Morsi, a déclaré publiquement que, contre ce barrage, aucune option n'était exclue. Est-ce que son successeur, son tombeur, le maréchal al-Sissi, pourrait ordonner le bombardement du barrage ? Alors je ne sais pas ce qui relève effectivement du discours politique d'annonce pour effrayer et de ce qui est techniquement possible. Il me semble que, déjà à l'époque de Morsi, ce n'était pas techniquement possible d'imaginer un bombardement. En revanche, ce qui est tout à fait possible et ce qui est en train d'être fait, c'est une façon de déstabiliser un peu plus l'Éthiopie. Et c'est quelque chose qu'on voit par exemple en Somalie en ce moment. L'Egypte a renforcé sa coopération militaire avec la Somalie, en proposant d'ailleurs de remplacer les troupes éthiopiennes par des troupes égyptiennes. Le conflit s'exporte sur ce territoire, comme ça a souvent été le cas. Et l'envoi de 3000 soldats égyptiens à la frontière du Somaliland qui s'est rapproché de l'Éthiopie, c'est peut-être une pression militaire de l'Égypte sur l'Éthiopie, c'est ça ? Tout à fait. Pression militaire sur l'Éthiopie, pression militaire aussi avec l'Érythrée puisqu'on voit qu'il y a un soutien assez explicite de l'Érythrée. Vous avez eu beaucoup de visites d'Egyptiens en Érythrée, vous l'avez eu également à Djibouti. Donc les Éthiopiens ont souvent vu la politique égyptienne dans la Corne de l'Afrique comme une volonté d'encercler l'Éthiopie. Alors autant ça pouvait parfois paraître étonnant, autant là c'est vrai qu'on peut créditer effectivement ce discours. Et ce bras de fer avec le maréchal al-Sissi, est-ce que le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed peut en tirer un avantage politique dans son pays ? Oui bien sûr, parce qu'au niveau interne en Éthiopie actuellement, la situation est instable. Et donc ce projet de barrage sur le Nil est véritablement un totem national. Et c'est ce qu'il essaye de montrer en interne en Ethiopie. Donc effectivement, plus les pays comme l'Egypte vont vouloir contrer ou faire plier l'Ethiopie, plus ça peut être un drapeau nationaliste pour les Éthiopiens. Néanmoins, il y a beaucoup de crises actuellement en Éthiopie parce qu'il y a eu la guerre au Tigré entre 2020 et 2022, et vous avez encore des affrontements aujourd'hui en région Amhara et en région de l'Oromia. Alors il y a les médias pro Abiy Ahmed qui glorifient le moment, ça très clairement, mais on voit un petit peu moins ce barrage dans les médias du Tigré, en pays Amhara, etc, puisqu'ils sont véritablement concentrés sur les défis internes et les conflits qui ont lieu actuellement. À lire aussiGrand barrage de la Renaissance: des revenus d'un milliard de dollars par an pour l'Éthiopie?
Le deuxième Sommet africain sur le climat s'ouvre lundi 8 septembre à Addis-Abeba, où 45 chefs d'État et 25 000 délégués sont attendus pour cet évènement porté par les Nations Unies, l'Union africaine et l'Éthiopie. Celle-ci vient d'ailleurs de présenter sa candidature pour organiser le COP en 2027. L'un des objectifs du sommet de deux jours est de présenter les solutions concrètes en faveur du climat pour le continent africain, d'unifier aussi la voix des États en vue de la COP qui se tiendra en novembre au Brésil. La sénégalaise Aïssatou Diouf Notre invitée est une militante et une référence en Afrique pour les questions environnementales et responsable des politiques internationales et du plaidoyer au sein de l'ONG ENDA Énergie. Elle répond à Guillaume Thibault. RFI : Aïssatou Diouf, pourquoi ce 2ᵉ sommet africain est capital ? L'enjeu pour le continent, c'est à la fois de prendre le train en marche, mais surtout de parler d'une seule voix ? La Semaine africaine du climat est une plateforme stratégique pour l'Afrique, car elle permet aux pays, à la société civile et même au secteur privé de parler d'une seule voix, de défendre nos priorités face aux négociations mondiales. C'est donc le moment de démontrer que le climat peut être un levier de développement et d'emploi pour le continent. Donc, ce sommet va aligner les efforts des pays africains et surtout catalyser des actions concrètes, notamment sur les enjeux que j'ai cités précédemment. Quel message vous tirez du premier sommet qui s'est tenu il y a deux ans au Kenya, à Nairobi ? Les financements promis lors de ce sommet tardent à arriver et surtout, la mise en œuvre sur le terrain est encore très insuffisante. C'est pourquoi, à mon avis, cette édition doit aller beaucoup plus loin pour que les populations africaines voient réellement les bénéfices et les intérêts de ces sommets. Vous attendez beaucoup des discussions sur les questions de transition énergétique. Pour quelle raison est-ce essentiel ? Vous savez, la transition énergétique est un enjeu vital. Nous avons encore plus de 600 millions de personnes sans accès à l'électricité. Donc le défi, il est double. Premièrement, c'est répondre à cette urgence sociale tout en réduisant notre dépendance aux énergies fossiles. Mais également, on sait tous que l'Afrique doit l'aborder aussi comme une opportunité de développement en misant sur ses immenses ressources en solaire, en éolien, en hydraulique. Rappeler également que cette transition doit être juste. Le mot juste a tout son intérêt. Ça doit guider ce processus, cette transition-là. Donc, elle ne peut pas reposer uniquement sur nos budgets nationaux qui sont déjà très contraints. Donc, cela appelle à une solidarité internationale entre les pays du Nord et les pays du Sud. L'argent reste le nerf de la guerre. Dans un récent rapport, les Nations unies indiquent que 2 000 milliards de dollars ont été investis juste l'année dernière, en 2024, dans les énergies propres, mais que le continent africain n'a quasiment rien touché. Pourquoi l'Afrique reste à la marge. Donc, ce qu'il faut aujourd'hui, c'est à l'échelle internationale, réfléchir sur les mécanismes qui sont adaptés aux réalités du continent, amener aujourd'hui les banques de développement à avoir des mécanismes appropriés pour financer cette transition énergétique, le développement des énergies renouvelables et qu'enfin les pays développés respectent leurs engagements financiers. À lire aussiSommet africain sur le climat: le continent se veut source d'innovation et de solution Est-ce que vous imaginez parfois un système de sanctions pour tous ces pays qui promettent des financements, mais qui au final ne les versent jamais ? Maintenant, on sait comment le système onusien est organisé et structuré. Il est très difficile aujourd'hui de sanctionner ces États-là. Par contre, aujourd'hui, on sait que les citoyens constituent une force incontournable qui demande de la redevabilité à leurs Etats. Je pense qu'on peut s'appuyer sur ces citoyens là pour demander aux Etats de rendre compte, mais surtout aux Etats, de respecter leurs engagements. Est-ce qu'aujourd'hui, on pourrait imaginer ou c'est une utopie ? Les Etats Unis d'Afrique du climat ? Pourquoi est-ce que les Etats ont tant de difficultés à s'accorder, à avoir un vrai impact sur des discussions ou sur des négociations, notamment lors des COP ? Je pense qu'on va tendre vers cela. On n'a pas le choix. Si aujourd'hui l'Afrique veut impacter au niveau des discussions à l'échelle internationale, on doit parler d'une seule et même voix. On doit avoir des positions coordonnées portées par nos leaders politiques. Pourquoi est-il difficile d'avoir ce travail de coordination ? On n'a pas tous le même niveau de développement. Ce sont des aspects également géopolitiques où chaque Etat essaie de se positionner. Un pays, par exemple, qui découvre le pétrole et le gaz, va vouloir forcément l'exploiter, alors que les impacts du réchauffement climatique sont là. Il faudrait qu'à l'échelle de l'Union africaine, que nous arrivions à avoir des politiques au niveau continental très coordonnées, qui puissent impacter durablement nos communautés, mais également qu'au niveau international, dans les débats et dans les discussions, que nous puissions peser. Est-ce que la COP 30 qui va se tenir au mois de novembre au Brésil, Je pense qu'il y a beaucoup de pays africains qui sont sortis très déçus de la COP de l'année dernière à Bakou. Cette COP qui se tient en terre brésilienne, plus précisément en terre amazonienne, c'est une symbolique fort pour les pays en développement, notamment la question des forêts, la question de la taxe carbone et j'espère que les conclusions qui seront issues de la Semaine africaine du climat vont être portées par nos décideurs politiques pour pouvoir impacter les conclusions de la COP de Belem. À lire aussi Aïssatou Diouf, militante tout terrain de la cause climatique
« Un goût du thé amer », le second roman de l'écrivain Mohammed Alnaas, récemment traduit en français et édité chez « Le bruit du monde », revient à l'époque du slogan : « le pouvoir aux mains du peuple » et décrit une situation ubuesque et des querelles permanentes entre les habitants d'un village, Géhenne, dans la Libye des années 1990, du temps de la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste de Mouammar Kadhafi. Quant au narrateur, dans cette fable moderne et audacieuse, il s'adresse à son lecteur tout en prenant un plaisir à se jouer de lui. Mohammed Alnaas joint par Houda Ibrahim. Vos romans s'attaquent à des sujets qui décrivent les spécificités de la société libyenne, une société restée longtemps fermée aux autres. L'écriture est-elle pour vous est un acte d'auscultation de cette société afin de la raconter, de l'exposer ? La société libyenne est restée méconnue des étrangers pendant un certain temps, et peut-être même est-elle restée méconnue d'elle-même. En dehors du sujet politique, il existe un manque de connaissances sur la Libye et le peuple libyen lui-même, que ce soit sous le régime de Mouammar Kadhafi ou même pendant la guerre civile qui a suivi la révolution de février 2011. L'enjeu ici, est que moi, en tant qu'individu, je me comprends mieux que je ne comprends la société libyenne, mais mon histoire personnelle est aussi l'histoire de la société, et en comprenant la société, je me comprends moi-même. Il est vrai que la société libyenne a ses spécificités, comme toutes les sociétés, mais l'idée est de toujours chercher, ce que cette spécificité a de commun avec les sociétés arabes, voire des sociétés de plus grande ampleur. Afin d'écrire sur l'être humain et son histoire, tout en écrivant sur le Libyen et en essayant de le comprendre. Dans votre second roman, Un goût de thé amer, à travers l'histoire d'un village, Géhenne, symbolisez-vous la guerre sans fin qui se déroule en Libye ainsi que le déchirement social ? Personnellement, je n'aime pas que le texte lui-même soit le reflet de la réalité. Le lecteur a certes le droit de percevoir ces intersections entre la réalité et le roman. Or, elles sont nombreuses. L'auteur pose les règles du jeu dès le début, indiquant que l'histoire n'est pas symbolique, mais vraie. Ce qui incite le lecteur à y croire. Il existe bel et bien des intersections entre les combats qui se déroulent dans le village de Géhenne et la guerre civile libyenne. Il semble que le point commun entre l'imaginaire et le réel réside dans une certaine absurdité de la scène elle-même. À lire aussiLa Libye lance le premier appel d'offres pétrolier depuis 17 ans La satire est-elle pour vous le meilleur moyen de raconter cette société ? J'ai débuté dans l'écriture par la satire. Il y a toujours une touche d'humour noir dans mes écrits, que ce soit dans mon précédant roman « Du pain sur la table de l'oncle Milad », ou dans ce roman même. Et auparavant aussi dans le recueil de nouvelles que j'avais écrit sur la guerre civile, la plupart de ces nouvelles avaient un ton dramatique ou sombre. Concernant ce projet, parfois, il n'y a pas de meilleure façon de décrire ce qui se passe, que la satire. Vous dédiez votre roman au fameux écrivain et penseur libyen Sadek alyhoum, quelle valeur représente-t-il pour vous ? Le roman est bien sûr dédié à El-Sadek, je le dédie également à d'autres auteurs et artistes satiriques qui m'ont personnellement influencé, comme Mohammed Al-Zawawi, le plus grand illustrateur de caricature libyen. Le roman lui-même a été initialement écrit dans le style de Mohammed Al-Zawawi, ainsi que celui de Mohammed Tamliya, l'écrivain satirique jordanien, et d'Ibrahim Hmaydan, l'écrivain satirique libyen. Tous ont influencé ma compréhension du rôle de la satire, de la comédie. Contrairement à beaucoup de Libyens qui admiraient les idées et les écrits critiques d'El-Sadek Al-Nayhoum, j'admirais moi sa satire, en particulier son recueil Histoires pour enfants. Il m'a profondément influencé par son style satirique et par sa façon de dessiner certains personnages libyens considérés comme stéréotypés. Ce stéréotype est déjà présent dans les dessins de Mohammed Al-Zawawi. Dans mon roman, un personnage comme Hajja Mabrouka, ressemble à ceux de Mohammed Al-Zawawi, d'El-Sadek Al-Nayhoum et même d'Ibrahim Hmaydan. Ces personnages ne sont pas nés de nulle part ; ils sont une sorte d'accumulation résultant de mes lectures et de mes observations sur la manière dont les Libyens qui m'ont précédé ont abordé la comédie. À lire aussiAu pays des hommes, un chef-d'œuvre de la littérature contemporaine Dans Un goût de thé amer, vous dénoncez également, un système économique installé par le régime Kadhafi et qui réduit en quelque sorte l'être humain à un être dépendant, sans aucune initiative, vous dénoncez cette volonté du pouvoir d'écraser l'être libyen ? Les politiques du régime Kadhafi ont transformé la Libye depuis la proclamation de l'Autorité populaire. Car le colonel souhaitait créer une nouvelle société. L'ironie est que l'objectif de cette nouvelle société était de susciter un esprit d'initiative en toutes choses. Dans toutes ses idées, par exemple, il affirme dans le Livre vert : « L'école est servie par ses élèves », ce qui signifie que l'école n'a pas besoin de personnel d'entretien ni d'employés, mais que ce sont les élèves qui s'en chargent… D'où le concept « des partenaires, et non pas d'employés ». Le régime repose fondamentalement sur l'initiative populaire pour prendre le pouvoir. Soit le peuple ne voulait pas prendre le pouvoir, soit Kadhafi n'a utilisé ces idées que pour accroître son emprise sur le peuple. L'ironie est que le peuple libyen a refusé de prendre l'initiative ou n'a pas trouvé le moyen de le faire. Le régime a véritablement influencé la formation de l'homme libyen. Toutes les politiques adoptées par le colonel Kadhafi et les fonctionnaires travaillant sous ses ordres ont conduit à la création d'une société déformée qui ne se connaît pas elle-même et qui est incapable de trouver des solutions aux problèmes auxquels elle est confrontée. La liberté d'expression en Libye est toujours entravée, même au niveau de la littérature, comment relevez-vous ce défi ? Aujourd'hui, les restrictions imposées aux écrivains libyens se multiplient. Elles sont sociales, religieuses, politiques et sécuritaires. Les restrictions se multiplient et sont pour la plupart inconnues. L'écrivain se retrouve à nager dans un puits dont il ignore le fond. Ceux qui aiment nager explorent eux-mêmes à ce moment-là les dangers, et je suis de ceux qui aiment nager. Nous explorons des idées en cours de route et je relis toujours la scène, mais c'est surtout pour des raisons de sécurité personnelle. Lorsque j'écris, je ne reconnais pas ces restrictions et je les ignore également lorsque je publie. Je ne les regarde pas.
Ils se nomment le clan Kavac ou Skaljari : ces groupes mafieux d'Europe de l'Est aux ramifications mondiales, ont fait de l'Afrique de l'Ouest une nouvelle base pour gérer le trafic illégal de cocaïne à destination de l'Europe. Dans son dernier rapport, l'Initiative mondiale contre la criminalité transnationale pointe les méthodes de développement de ces organisations, notamment la corruption, le rôle des intermédiaires, et l'accroissement de la consommation de cocaïne dans la zone. L'espagnole Lucia Bird Ruiz est directrice de l'Observatoire des économies illicites en Afrique de l'Ouest, c'est elle qui a rédigé ce rapport. RFI : Pour la première fois, des enquêtes indiquent que l'Afrique de l'Ouest est devenue un pivot central du trafic de cocaïne pour des groupes mafieux qui sont basés en Europe de l'Est ? Lucia Bird Ruiz : Oui, et c'est au Cap-Vert que ces réseaux ont commencé à s'implanter. Puis, c'est depuis 2019 que ces groupes ont lancé des opérations dans les pays côtiers de l'Afrique de l'Ouest, opérant principalement sur des routes maritimes. Ce sont des groupes parmi les acteurs les plus importants du commerce mondial de la cocaïne d'aujourd'hui. Ils utilisent la violence, la corruption et donc l'implantation en Afrique de l'Ouest, c'est très concernant pour la région. Est-ce qu'on peut citer quelques-uns de ces groupes, qui ont d'ailleurs des liens parfois avec la mafia italienne ? Par exemple, les clans Kavak et Skaljari, les deux organisations criminelles les plus puissantes du Monténégro, qui sont à l'origine de plusieurs assassinats, ont opéré à l'Afrique de l'Ouest. Et ces réseaux ont des liens avec les mafias italiennes, particulièrement la Ndrangheta. Pourquoi ces groupes ont besoin de l'Afrique de l'Ouest pour développer le trafic de cocaïne ? Le marché de consommation en Europe, ça devient chaque jour plus grand. Mais aussi la pression en Europe sur les routes directe en provenance d'Amérique latine s'est accrue et donc l'Afrique de l'Ouest est devenue de plus en plus importante pour ce trafic. Un tiers de la cocaïne européenne pourrait transiter actuellement par l'Afrique de l'Ouest. Et on prévoit que ce chiffre atteindra la moitié d'ici à 2030. Concrètement, comment est-ce que ces groupes mafieux travaillent en Afrique de l'Ouest ? Il y a deux points-clés à souligner. Le premier, c'est les intermédiaires. C'est vraiment un élément-clé de leur stratégie. Ce sont des nationaux des Balkans qui sont envoyés en Afrique de l'Ouest pendant des mois pour superviser les opérations, en travaillant avec les acteurs locaux, pour faciliter la logistique. Par exemple, un important réseau avait un intermédiaire basé à Freetown en Sierra Leone, qui supervisait l'importation, l'emballage dans des conteneurs, l'établissement d'une société en Sierra Leone et l'exportation vers la Belgique. Ils ont des moyens financiers quasi illimités, le trafic de cocaïne est tellement puissant qu'ils sont capables de s'implanter partout ? Certains de ces groupes ont corrompu les plus hauts niveaux de l'Etat. Par exemple, en Albanie, un ancien membre du Parlement a été arrêté pour son soutien à une organisation criminelle. Et en Afrique de l'Ouest, on s'attendrait à ce qu'ils utilisent des techniques similaires. Comment est-ce qu'ils font transiter la cocaïne d'Afrique de l'Ouest vers l'Europe ? Comme on l'a dit, ils utilisent la voie maritime dans les conteneurs où s'est très compliqué de faire de la surveillance. Mais aussi, ils utilisent des petits bateaux. Par exemple, on a un dirigeant bosniaque d'un groupe qui a parlé avec ses complices de trafic de plus de trois tonnes de cocaïne dans la Guinée-Bissau et les îles Canaries, dans un petit bateau. Vous indiquez dans votre rapport que ces intermédiaires sont parfois payés en cocaïne. Il y a une crainte que ce système entraîne une hausse de la consommation dans la sous-région ? Les produits de synthèse restent les plus largement consommés dans la plupart des pays, mais la consommation de cocaïne, en particulier du crack, augmente également dans de nombreux pays. Et donc, ils vendent la cocaïne dans le marché local et ça pousse la consommation dans la région. Ils s'adaptent aux moyens financiers des habitants de l'Afrique de l'Ouest ? Le prix dans la sous-région a baissé dans beaucoup de pays. Au Ghana, les prix réels, donc en tenant compte de l'inflation, ont chuté de 60 % entre 2019 et 2023. Ce n'est pas la même tendance dans tous les pays de la région, mais dans beaucoup de pays. Et ça inclut le Sénégal, la Guinée. La consommation est vraiment dans une phase d'augmentation. Comment est-ce que les Etats d'Afrique de l'Ouest, comment les autorités au Sénégal, en Sierra Leone ou en Guinée-Bissau peuvent lutter contre la puissance de ces réseaux mafieux ? Il faut vraiment renforcer les systèmes de renseignement pour bien comprendre les opérations de ces groupes, et aussi créer des partenariats stratégiques, des partenariats intercontinentaux entre forces de l'ordre en Afrique de l'Ouest. C'est un défi énorme pour la région parce que c'est une implication pour la santé publique, mais aussi pour la corruption et peut-être à l'avenir sur la violence parce que ces groupes sont tellement violents dans beaucoup de régions du monde. À lire aussiL'Afrique de l'Ouest, nouvelle plaque tournante du trafic de cocaïne vers l'Europe, selon un rapport
Avec notre Grand invité Afrique ce matin, nous allons parler de la coexistence éleveurs - agriculteurs au Tchad. Le gouvernement a lancé le projet d'un code pastoral, afin d'endiguer les conflits intercommunautaires pour l'accès aux ressources, de plus en plus meurtriers. La dernière mouture de 2014 n'a jamais été promulguée, car trop contestée. Et là, encore, il y a une levée de boucliers, en particulier de la part de l'Église catholique, qui accuse le gouvernement de ressortir ce texte, et de prendre le parti des éleveurs. Dans une lettre au vitriol, les évêques dénoncent un projet « scélérat » et « paysanicide », et ils ont refusé de participer à un atelier sur le sujet. Pourquoi cette opposition véhémente ? Comment améliorer la coexistence entre ces deux groupes ? Fulbert Ngodji, chercheur chez International Crisis Group (ICG), travaille notamment sur ces questions de pastoralisme et de transhumance. RFI : Les évêques du sud du Tchad dénoncent un texte « scélérat » qu'il faut « mettre à la poubelle ». Comment est-ce que vous expliquez cette sortie très virulente de la part des prélats ? Fulbert Ngodji : Pour comprendre la réaction des évêques des provinces du sud du Tchad, il faut déjà revenir sur un certain nombre d'éléments de contexte. En 2022, à l'issue du dialogue national inclusif et souverain, la question des conflits agropastoraux avait été identifiée comme une priorité nationale. Et donc, c'est dans ce cadre-là que le ministère de l'Élevage a engagé un processus de révision du code pastoral. L'idée était d'organiser des consultations régionales destinées à recueillir l'avis d'un certain nombre de parties prenantes, y compris celui des autorités ecclésiastiques. Donc, il faut rappeler que le texte avait déjà été adopté à l'Assemblée nationale en 2014, dans un climat de vives tensions, de controverses entre les députés du nord, région qui est historiquement associée à l'élevage, et ceux du sud, la partie du pays qui est aussi associée à l'agriculture. Et justement, à l'époque, le président Idriss Déby n'avait pas promulgué ce texte qui était pourtant adopté par l'Assemblée. Donc pourquoi est-ce que ce débat revient aujourd'hui ? Effectivement, à l'époque, le président Idriss Déby avait suspendu le texte en déclarant sa nullité. Mais aussi cela avait été suivi d'un avis d'inconstitutionnalité par le Conseil constitutionnel. Et donc la défiance des évêques repose sur la crainte, en fait, que cet atelier zonal ne soit qu'une formalité qui viserait à valider un texte perçu comme déséquilibré et favorable aux éleveurs. Quels sont les points qui sont particulièrement contestés ? C'est important de noter que l'élevage au Tchad constitue le deuxième pilier de l'économie nationale, juste après le pétrole, et que le projet du code pastoral, peut-être qu'il avait été pensé dans une logique de soutien à ce secteur stratégique. Mais en fait, cette rationalité économique entre véritablement en tension avec la réalité sociale du pays, dans laquelle l'agriculture reste le principal moyen de subsistance des populations rurales, en ce sens qu'elle assure leur sécurité alimentaire dans un contexte déjà marqué par la précarité. Et donc, effectivement, il y a un certain nombre de dispositions du projet et de ce code qui pose problème. Par exemple, l'article neuf confère un droit prioritaire aux ressources dans les zones d'attache et dans les zones d'accueil aux éleveurs. Et donc ces dispositions sont perçues comme injustes en ce sens qu'elles viennent fragiliser déjà les systèmes de partage coutumiers de ces ressources, en leur substituant un régime de priorisation juridique qui risque d'alimenter les tensions. À lire aussiTchad: les violences agropastorales ont atteint un niveau sans précédent depuis 2021 Ce que dit le gouvernement, c'est qu'il y a un besoin important d'encadrer la transhumance et les pratiques pastorales, parce qu'il y a des conflits qui sont de plus en plus nombreux ? Depuis plusieurs décennies déjà, les flux pastoraux du nord vers le sud se sont intensifiés sous l'effet non seulement du réchauffement climatique, mais aussi de la croissance démographique et de l'augmentation du cheptel, aujourd'hui estimé à plus de 5 millions de têtes. Et donc ce mouvement a modifié la nature même de la transhumance et les provinces du sud, qui étaient initialement des zones d'accueil temporaires, tendent à devenir des zones d'attaches permanentes, en ce sens qu'il y a de plus en plus un mouvement de sédentarisation qui s'observe. Et donc, dans ce nouveau contexte, la dichotomie entre agriculteurs et éleveurs ne suffit plus à décrire la réalité. Il existe aujourd'hui des éleveurs qui sont agriculteurs et des agriculteurs qui sont éleveurs avec des intérêts qui sont imbriqués. Donc justement, il y a un problème non seulement de cadre réglementaire, mais en fait, il devrait davantage penser la question des dynamiques émergentes que ce code-là ne semble pas encore intégrer. Et donc, par exemple, quand j'étais dans le sud du Tchad il y a juste deux ans, en fait, les acteurs ont dénoncé le fait que les éleveurs étaient de plus en plus armés et qu'ils gardaient du bétail appartenant à des hauts cadres de l'armée ou de l'administration centrale. Mais le problème, c'est celui de la faiblesse de l'État qui a tendance à accentuer les tensions. Donc les bergers sont de plus en plus fortement armés. Les communautés locales, elles aussi, s'érigent en autodéfense. C'est pour ça que les conflits se multiplient et sont particulièrement mortels ? Au-delà de cela, il convient de noter quand même que le projet de la révision de ce code-là, de ce code pastoral, intervient dans un contexte déjà tendu. Succès Masra qui est quand même une figure centrale de l'opposition tchadienne, qui est originaire du sud, avait été arrêté à la suite d'un conflit qui avait éclaté dans un village du sud du pays. Cela est venu renforcer la perception selon laquelle l'État est plutôt pro éleveurs. Donc le contexte est plutôt tendu et c'est ça qui pourrait aussi expliquer le caractère assez virulent des propos des évêques. À lire aussiTchad: l'avenir des activités agropastorales en débat
Le Mpox continue de se propager de manière inquiétante en Afrique. En 2025, les cas ont dépassé ceux de 2024. Ce sont plus de 21 000 cas de Mpox qui sont détectés dans treize pays africains, et cela risque de doubler d'ici la fin de l'année. Les coupes des aides en provenance des États-Unis et d'Europe ont fragilisé les systèmes de santé. Au total, 700 000 doses de vaccin ont été administrées, mais les stocks sont insuffisants. La Sierra Leone représente 41% des infections récentes, et la RDC est aussi en première ligne avec 24 000 cas détectés depuis début 2024. On en parle ce matin avec notre Grand invité Afrique : Jean Kaseya, directeur de l'Africa CDC (les centres africains de contrôle et de prévention des maladies). RFI : Avec les coupes budgétaires de l'aide occidentale, est-ce que vous avez déjà mesuré un impact direct sur la réponse aux épidémies ? Jean Kaseya : Je suis très clair là-dessus. Ces coupes peuvent ou sont en train d'accélérer une possible pandémie venant d'Afrique. Le nombre d'épidémies ne fait qu'augmenter d'une année à l'autre. Nous avons toujours ces problèmes d'accès aux médicaments et aux vaccins. Et ça, ce sont des conditions réunies en plus des changements climatiques, en plus de l'insécurité, pour déclencher une pandémie. Mais je sens partout, dans tous les pays où je passe, un réveil. J'étais à Lusaka, en Zambie, il y a quatre jours. Il y a deux jours, j'étais à Luanda et maintenant, je suis à Abidjan. Je vois comment les pays se mobilisent pour trouver des ressources internes et c'est partout en Afrique le cas. Justement, est-ce que ces pays arrivent à trouver des fonds ? Je vais vous donner l'exemple de la RDC où j'ai eu à rencontrer le président Tshisekedi, qui m'a informé que le pays a décidé de mettre en place une taxe de 2 % sur tous les produits importés. En plus de cela, ils ont mis une taxe sur les salaires de toutes les personnes qui travaillent de 2,5 %. Au total, cela va donner autour de 1,5 milliard de dollars additionnels chaque année. Ça, ce sont des ressources concrètes. Le président Mahama me parlait d'un programme qu'on appelle Mahama Cares Ghana. Les pays africains avancent dans la réalité. À lire aussiÉpidémie de mpox: malgré une baisse constatée en Afrique, la vigilance reste de mise En Sierra Leone, le testing est à 100 % et le pays semble se distinguer par une gestion plus efficace du Mpox ? C'est d'abord un grand effort au niveau communautaire pour mobiliser les relais communautaires. C'est former les agents de santé par rapport à la surveillance. C'est mettre en place la vaccination qu'il faut. C'est détecter la comorbidité, ça peut être le VIH ou d'autres maladies. C'est aujourd'hui l'occasion de dire et de tordre le cou à tous ceux-là qui pensent que les Africains n'aiment pas les vaccins. Ce n'est pas vrai. Aujourd'hui, dans la plupart des pays, le taux de testing est de 100 % puisque les gens acceptent de se faire tester pour savoir s'ils sont malades. Là où le vaccin est disponible, le taux de couverture est très élevé. On parle beaucoup d'un sous-groupe du virus appelé le clade 1b, réputé plus mortel : 2000 décès enregistrés depuis 2024. Qu'est-ce qui distingue cette souche des précédentes ? Nous avons tout le temps des mutations qui se font, et nous avons maintenant des combinaisons différentes dans un même endroit au Libéria, où on a eu le clade 2a et 2b au même moment. Nous avons par exemple la RDC où nous avons eu la combinaison de ces différents clades. Ce sont toutes ces combinaisons qui font qu'on ne sait pas la bombe qui peut sortir demain. À lire aussiGuinée: l'épidémie de mpox s'étend dans le pays, un an après son apparition Cet été, le CDC Africa a dévoilé son premier cadre stratégique climat et santé, pourquoi et pour quoi faire ? 70 % des épidémies que nous avons en Afrique sont ce qu'on appelle les épidémies zoonotiques. Donc ça vient de l'animal vers l'homme, interchangeables. Nous avons vu que c'est le changement climatique qui est à la base de tout cela. En plus, nous avons le choléra. Ce choléra est dû principalement aux effets liés aux inondations et à d'autres changements climatiques. Donc voilà pourquoi nous avons décidé de lancer ce plan qui lie le climat et la santé pour mieux combattre les épidémies. Justement, le choléra connaît une recrudescence majeure. Au Soudan, Alima [The Alliance for International Medical Action] estime que si rien n'est fait, la maladie pourrait tuer plus que les armes… Entre 2022 à 2024, il y a eu doublement des cas. On est passé de 104 000 cas à 254 000 cas. Sachant que la saison des pluies va commencer dans quelques jours, je m'attends à ce que si ça continue comme ça, nous puissions avoir plus de 300 000 cas. De janvier à août, nous avons 4900 décès, alors que toute l'année 2024, on n'a eu que 4700 décès. Donc, ça signifie que le choléra actuellement devient un problème de santé publique majeur que nous devons arrêter. Comment faites-vous pour lutter contre les deux épidémies de Mpox et de choléra en même temps, sans diluer les moyens et l'attention ? Malheureusement, nous n'avons pas que ces deux épidémies. Nous en avons d'autres. Nous avons la rougeole, des cas d'Ebola, de Marburg et d'autres épidémies encore. En moyenne, nous avons une nouvelle épidémie par jour et ça, ça fait beaucoup pour nous.
Crises de financement, déplacements et retours forcés, négociation de paix à Doha : de retour à Genève après une tournée dans les Grands Lacs, le patron du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés est le Grand invité Afrique de RFI ce mardi 2 septembre. Filippo Grandi appelle à dépolitiser la question des réfugiés dans la région et ne cache pas ses inquiétudes.
En République démocratique du Congo, la rentrée scolaire, c'est ce lundi 1er septembre. La mesure-phare de Félix Tshisekedi quand il est arrivé au pouvoir en 2019, c'était l'école primaire gratuite. Quel est le bilan aujourd'hui ? Et comment va se passer cette rentrée dans les territoires de l'est qui sont occupés par les rebelles du M23 et leur allié rwandais ? Jolino Malukisa est le directeur du pilier gouvernance à l'institut congolais de recherches Ebuteli. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. À lire aussiRDC: une rentrée des classes marquée par la crise économique et l'insécurité dans l'est du pays
La cinquième édition du plus grand festival culinaire de la République Démocratique du Congo se tient à Kinshasa. Le Congo Food Festival, qui ferme ses portes ce dimanche 31 août, a pour but de concilier art, plaisir et solidarité avec les déplacés du pays. Quelque 21,8 millions Congolais vivent aujourd'hui dans une insécurité alimentaire extrême à l'est de la RDC. Notre invité, Don Divin Fosh, l'un des organisateurs de cet événement, nous explique comment on célèbre la gastronomie tout en luttant contre la faim. À lire aussiLa RDC confrontée à l'effondrement des financements humanitaires À lire aussiRDC: l'aide humanitaire en péril face au manque de financements internationaux
En Ouganda, après 40 ans de règne, Yoweri Museveni sera à nouveau candidat à la présidentielle de janvier prochain. À l'âge de 80 ans, il briguera donc un 7° mandat. Ainsi en a décidé mercredi 27 août le parti au pouvoir, NRM, lors d'un congrès à Kampala. Jusqu'où le président ougandais va-t-il durcir la répression contre ses opposants ? Pourquoi vient-il de signer un accord avec Donald Trump pour accueillir les migrants des pays tiers dont les Américains ne veulent plus ? Kristof Titeca est professeur de sciences politiques à l'université d'Anvers, en Belgique. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : En janvier prochain, est-ce qu'on va assister à un remake de janvier 2021, c'est-à-dire un duel entre Yoweri Museveni et Bobi Wine ? Kristof Titeca : Oui et non. Oui parce que, encore une fois, c'est une confrontation entre le président Museveni et Bobi Wine. Mais aussi non, parce que beaucoup de choses ont changé sur le terrain. Lors des dernières élections de 2021, il y avait un véritable élan en faveur de Bobi Wine. Il apportait quelque chose de nouveau à la scène électorale. Il était vu comme le représentant d'une large partie de la société ougandaise, les exclus du système. Mais aujourd'hui, ceci n'est plus le cas. Il a perdu son élan. Beaucoup considèrent que Bobi Wine et son parti sont devenus une partie intégrante de l'establishment. Il y a eu des exemples frappants. Par exemple, l'année passée, il y avait eu un scandale de corruption qui a éclaté au Parlement ougandais. La présidente du Parlement avait distribué des fortes sommes d'argent au chef de l'opposition. C'était Mathias Puga, qui était le leader du parti de Bobi Wine au Parlement. Mais aussi à la décharge de Bobi Wine, le gouvernement et le parti au pouvoir ont mené une campagne d'enlèvement qui était particulièrement brutale contre les membres du parti de Bobi Wine. Il y avait environ 1000 membres de son parti qui ont été enlevés. La plupart ont été torturés aussi. Et cette pression a lourdement pesé sur Bobi Wine et son parti. Est-ce que l'opposition a une petite chance de gagner au mois de janvier prochain ou pas ? Non, pas du tout. Tout indique qu'il y a eu une décision qui a été prise d'utiliser plus que jamais la force brutale pour réprimer l'opposition. À lire aussiOuganda: la police hausse le ton en vue de la campagne pour la présidentielle du 12 janvier Alors, il y a Bobi Wine, mais il y a aussi l'autre grand opposant, c'est Kizza Besigye, l'ancien médecin personnel de Yoweri Museveni. Au mois de novembre dernier, il a été enlevé au Kenya, transféré de force en Ouganda et placé en prison. Est-ce qu'il a une chance d'être libéré et de pouvoir se présenter en janvier prochain ? Je ne crois pas. Donc, l'arrestation de Kizza Besigye fait partie de cette stratégie de considérer les élections comme un exercice militaire. Je ne crois pas qu'il y a la moindre perspective de le voir libéré avant les élections, les autorités semblent avoir pris la décision de l'écarter définitivement de la scène politique en le maintenant en prison. Et ce que je peux dire, c'est que l'Ouganda, la Tanzanie et le Kenya semblent avoir formé une coalition pour externaliser, mutualiser la répression de leur opposition, de leurs activistes. Par exemple, récemment en Tanzanie, il y avait des activistes qui sont venus du Kenya et l'Ouganda, c'était Boniface Mwanga du Kenya, Agathe Atuhaire de l'Ouganda. Ils ont été torturés et maltraités en Tanzanie. La semaine dernière, l'Ouganda a signé avec les États-Unis un accord par lequel il accepte d'accueillir les migrants de pays tiers, dont les Américains ne veulent plus. Pourquoi ce cadeau à Donald Trump ? Oui. Depuis une dizaine d'années, ce sont les réfugiés qui sont devenus une ressource géopolitique importante. Et donc le gouvernement et Museveni ont bien compris ceci. Ils ont adopté une politique de la porte ouverte radicale vis-à-vis des réfugiés. Et ceci est bien sûr perçu comme très utile par la communauté internationale. Donc, l'Ouganda a été largement salué comme un pays accueillant vis à vis des réfugiés et comme un modèle de relocalisation des réfugiés dans leur propre région. Et c'est dans cette logique qu'il faut comprendre l'accord avec les États-Unis, ou même des négociations potentielles pour accueillir des personnes venant de Gaza. En faisant ceci, le gouvernement cherche à se rendre utile et même indispensable géopolitiquement, dans un contexte où ce gouvernement a perdu un peu de sa crédibilité, en raison de ses tendances autoritaires. Alors, vous parlez des réfugiés éventuels venus de Gaza. Selon certaines sources, les Américains tenteraient de convaincre l'Ouganda d'accueillir des Palestiniens de Gaza. Est-ce que vous avez des informations qui vont dans ce sens ? Non, je n'ai pas d'information sur ce dossier. La seule chose que je peux dire, ce n'est pas la première fois qu'il y a un deal. Il y a eu un accord sur les réfugiés et sur les migrants entre Israël et l'Ouganda. En 2018, il y avait un accord avec Israël pour accueillir des réfugiés qui étaient en Israël, venant du Soudan et de l'Érythrée.
Pour sortir de la crise actuelle entre la France et l'Algérie, « les gestes mémoriels d'Emmanuel Macron ne suffisent pas », disent en substance le cardinal-archevêque d'Alger et le recteur de la Grande Mosquée de Paris, qui signent, dans le journal Le Monde, un appel conjoint à la fraternité entre les deux pays. Et les deux chefs religieux, le chrétien et le musulman, pensent qu'il existe un chemin pour parvenir à cette fraternité entre les deux peuples de France et d'Algérie. En ligne d'Alger, le cardinal-archevêque Jean-Paul Vesco répond aux questions de Christophe Boisbouvier. À lire aussiFrance-Algérie: Macron et Tebboune appelés dans une lettre ouverte à résoudre la crise diplomatique
« Il faut s'attaquer à la question du tribalisme et en finir avec la fixation contre les Bamilékés », affirme le philosophe et essayiste camerounais Achille Mbembe, avant la présidentielle du 12 octobre dans son pays. Achille Mbembe, qui vient de publier La communauté terrestre chez La Découverte et qui dirige la Fondation de l'innovation pour la démocratie, lancée par Emmanuel Macron il y a trois ans, s'exprime sur deux faits majeurs avant l'élection au Cameroun : l'éviction de l'opposant Maurice Kamto et la candidature du président Paul Biya à un huitième mandat. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Le mois dernier, sur RFI, deux ministres du gouvernement camerounais se sont contredits sur l'opportunité pour le président Biya d'être candidat à un huitième mandat. C'est un signe politique ou pas ? Achille Mbembe : Il ne faut sans doute pas négliger ces symptômes, mais il ne faut pas se perdre non plus dans le présentisme. Je crois que tout s'est arrêté au Cameroun depuis le début des années 1990. Depuis lors, c'est l'inertie qui prévaut. Je crois qu'il est temps de dresser tout de même un bilan des 43 années au pouvoir de Monsieur Paul Biya. Je crois que ce bilan est calamiteux parce que le gaspillage et la dissipation caractérisent ce demi-siècle de pouvoir personnel à la tête du pays. Les fissures qui apparaissent au sommet de l'Etat, est-ce que ce n'est pas lié à l'âge du capitaine ? Je ne veux pas manquer de respect à l'égard d'un vieillard. Dans un pays normal, il aurait été congédié depuis très longtemps. Mais le Cameroun n'est pas un pays normal. Parce qu'il me semble que la formidable capacité de résilience de ce peuple, cette extraordinaire énergie, tout cela a été investi dans de mauvais objets, comme on le voit bien dans cette espèce de fixation sur les origines tribales, les origines ethniques, cette espèce de péché originel, je dirais, de la politique au Cameroun. Le rejet de la candidature de Maurice Kamto par le Conseil constitutionnel, c'était au début de ce mois, est-ce que l'opposant n'aurait pas pu éviter cette mésaventure si son parti MRC avait concouru aux élections précédentes, afin qu'il ait le nombre d'élus nécessaires pour appuyer cette candidature ? Ils auraient trouvé sans doute d'autres motifs pour l'éliminer. Il faut s'attaquer à la question du tribalisme, en particulier la peur des Bamilékés. Il faut dire les choses comme elles sont. Je crois que l'obsession, la fixation anti Bamiléké instrumentalisée est devenue une technologie de pouvoir. Je crois qu'elle explique bien davantage l'éviction du professeur Kamto que toutes ces histoires, disons tactico-tactiques. Cabral Libii, Joshua Osih, Bello Bouba, Issa Tchiroma, Patricia Ndam Njoya, Akere Muna et bien d'autres… Les candidatures se multiplient dans l'opposition avant ce 12 octobre. Or, il n'y aura qu'un tour. Est-ce que l'opposition vit toujours dans la malédiction de la division ou pas ? Au fond, une élection libre et indépendante n'est pas possible en ce moment au Cameroun. Et donc il va falloir travailler sur le très long terme, en mettant au cœur de la démarche politique la formation des gens, parce que tout cela ne relève pas du spontané. On l'a vu au Sénégal, en Afrique du Sud, dans tous les pays où un mouvement d'émancipation a pu prendre corps. Et donc c'est vrai, je constate comme vous que c'est une opposition qui a de la peine à faire corps. Mais c'est tout le peuple camerounais qui peine à faire corps, qui peine à se mouvoir à l'unisson et qui peine à se transformer en un collectif, en une communauté de sécurité capable de s'auto-défendre. Et donc il manque ce terreau, ce matériau fondamental que constitue un peuple réveillé qui peut se mettre debout par-delà, justement, sa pluralité, sa multiplicité. Et la satrapie, pendant 43 ans, s'est efforcée justement de rendre impossible ce mouvement. Peut-être un jour ce peuple deviendra-t-il un collectif. Un collectif comparable au Pastef, au Sénégal ? Mais c'est justement ce type d'effort qu'il faut. Je ne dis pas qu'il faut aller copier au Sénégal. Chaque pays a ses particularités. Je parle de l'idée de la capacité de penser en commun. Le Cameroun est un pays aujourd'hui, après 43 ans d'un pouvoir personnel, qui est dans un état d'insécurité existentielle. La satrapie a infligé à ce peuple tant de coups, qu'il se trouve aujourd'hui dans une situation de profond handicap, à la fois cognitif et émotionnel. Et c'est la raison pour laquelle nous agissons tantôt comme des envoûtés, tantôt comme des bouffons. Comment peut-on imaginer qu'à 93 ans, on veuille se porter candidat pour un nouveau mandat de sept ans, qui portera donc le concerné, au cas où il survit à tout cela, à la centaine au bout du mandat ? C'est de la bouffonnerie. À lire et à écouter aussiCameroun: «L'élection présidentielle d'octobre sera sans doute un scrutin historique»
Et si les activistes guinéens Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah étaient toujours en vie ? Plus d'un an après leur enlèvement par des militaires à Conakry - c'était le 9 juillet 2024 - un ancien député guinéen proche du régime du général Mamadi Doumbouya affirme qu'ils se portent bien, mais qu'ils restent gardés au secret. Réaction aujourd'hui d'un autre leader de la société civile guinéenne : Abdoul Sakho, Coordinateur national du Forum des Forces Sociales de Guinée, a été enlevé lui aussi par des militaires, a subi de terribles sévices, mais a eu la chance d'être relâché. Aujourd'hui, il vit en exil et témoigne au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Le 18 février dernier au soir, vous dites avoir été enlevé à votre domicile de Conakry par des hommes en treillis lourdement armés, venus à bord d'une dizaine de véhicules non immatriculés. Qu'est-ce qui s'est passé ensuite ? Abdoul Sakho : D'abord, ce n'est pas une question de dire, c'est une question de fait. Effectivement, j'ai été enlevé la nuit du mardi 18 février. Ça a été un moment de cauchemar, un moment de terrorisme, de traumatisme, aussi bien pour moi mais aussi pour ma famille. Ils n'ont pas pu passer par la porte, ils sont passés par le toit et ont menacé ma pauvre maman qui a été jetée d'ailleurs de la cuisine. Ils ont sommé ma fille, qui n'avait pas onze ans d'ailleurs, à se coucher sur le ventre, ma petite sœur également. Ils m'ont giflé, avec six personnes qui sont tombées du plafond, lourdement armées, qui m'ont molesté devant ma famille, m'ont sorti de la maison. Il faut noter qu'ils étaient cagoulés. Et de là, destination inconnue. Et quand vous avez été mis dans ce véhicule, vous avez été transporté jusqu'où ? Ils ont dit dès le départ qu'ils ont « le colis », ils communiquaient avec quelqu'un à distance. Et j'ai été conduit dans trois lieux différents. Je sais que c'est à Conakry, parce que de la maison à là où l'on me conduisait, ça n'était pas aussi loin que ça. Et dans les trois lieux différents, c'était les séances de torture, des séances d'interrogatoire, des séances d'évanouissement, des séances de réanimation. Avez-vous été violemment torturé ? C'est hors de l'imagination. C'est hors de description. De mon corps, tout, tout… Le dos, les mains, torturé avec la technique de l'eau. Quand on m'a attaché les mains au dos, totalement ligoté, on me faisait coucher sur le dos. Je me rappelle de cela à chaque fois, quand je m'étouffe, je m'évanouis. Et en cours de route, quelqu'un a dit « maintenant, c'est fini pour toi ». Et quelqu'un a dit « lui, il ne s'agit pas de le présenter à un juge ou de mettre à une prison. C'est fini pour lui ». Est-ce que vous pensez que des pressions internationales vous ont permis de rester en vie ? Absolument, absolument. Il faut saluer la promptitude des partenaires de façon générale, le courage aussi à ne pas parler avec des mots entre les lignes. Il faut le saluer, notamment celui de l'ambassade des Etats-Unis et tous les partenaires d'ailleurs. Et c'est cette chaîne de solidarité locale et internationale, avec la grâce de Dieu, qui m'a permis aujourd'hui d'avoir la vie sauve. Parce que mon cas est une illustration parfaite de cette conjugaison des efforts. Vous n'êtes pas le seul Guinéen à avoir été kidnappé ces quinze derniers mois à Conakry. Quels sont aujourd'hui vos camarades pour lesquels vous êtes le plus inquiet ? Honnêtement parlant, malgré la douleur dans ma chair, malgré le traumatisme que ma famille a vécu, quand je vois cet exemple sur mon cas, je me demande aujourd'hui… Ceux qui détiennent les camarades, je veux parler de Foniké Menguè, de Mamadou Billo Bah, de Habib Marouane Camara le journaliste, de Sadou Nimaga, un expert minier, je veux parler même d'un parolier, un simple parolier qu'on appelle Djéliman Kouyaté, et d'autres anonymes encore... Je me demande si ceux qui les détiennent, ceux qui nous enlèvent, ceux qui menacent, je me demande si ces gens-là sont des pères de famille. Est-ce que ces gens-là ont des mamans ? Est-ce qu'ils pensent à la douleur que les familles de ceux-ci vivent aujourd'hui ? C'est extraordinaire. Honnêtement parlant, l'illusion du coup d'Etat [du 5 septembre 2021] pour plus de liberté s'est transformée en prison à ciel ouvert pour tous les Guinéens aujourd'hui. C'est pour cela, pour les familles de nos collègues-là, sans parler de tout ce que moi j'ai subi en termes de techniques de tortures, en termes de menaces de mort… C'est pour cela que j'imagine aujourd'hui dans quelles conditions ces collègues sont. C'est pour cela qu'il faut davantage que le monde libre, le monde des libertés conjugue les efforts pour la dignité humaine dans le respect des lois. Alors, il y a quelques jours, un ancien député pro Alpha Condé, Taliby Dabo, qui est aujourd'hui rallié aux militaires du CNRD, a affirmé face caméra que vos camarades Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah étaient toujours vivants, se portaient bien, mais restaient gardés au secret pour des raisons de sécurité nationale. Qu'est-ce que vous pensez de ce témoignage ? D'abord, c'est la bonne nouvelle, déjà. Je trouve cela comme un ouf de soulagement qu'on nous dise qu'ils vivent bien. Mais au-delà de cela, je pense que c'est une piste sérieuse qu'il ne faut pas négliger. Parce que ce n'est pas n'importe qui, c'est quelqu'un qui peut être dans le secret des autorités de la transition. Oui, mais cet ancien député Taliby Dabo, ce n'est pas un militaire du CNRD lui-même... Absolument. Il ne s'agit pas d'un militaire. Mais je me demande s'il peut s'évertuer de dire cela comme ça, sans pour autant avoir des raisons solides, sans pour autant avoir des informations assez soutenues. Donc il soutient ces allégations.
La démocratie sénégalaise pourrait-elle perdre l'un de ses piliers, sa presse, libre, qui est pourtant une référence dans toute l'Afrique de l'Ouest ? Les nouvelles préoccupantes sur la santé économique des médias sénégalais se multiplient. Dernière en date : un plan de restructuration dans le groupe Futurs médias de Youssou N'Dour, annoncé par la direction, à la suite de graves difficultés financières. D'où vient cette situation de fragilité ? Que faire ? Ibrahima Lissa Faye est responsable de la Coordination des associations de presse du Sénégal. Il est l'invité de Laurent Correau. RFI : Est-ce qu'il faut s'inquiéter de l'état du quatrième pouvoir, de l'état de la presse, au Sénégal, aujourd'hui ? Ibrahima Lissa Faye : Il y a de quoi s'inquiéter parce qu'il y a des menaces réelles sur la survie de la presse au Sénégal. Depuis plus de 17 mois, les entreprises de presse ont une trésorerie déficitaire parce qu'il y a eu un ensemble de mesures inappropriées prises par l'État qui fragilise la survie des entreprises de presse et qui les met dans une situation extrêmement compliquée. Et aujourd'hui, toutes les entreprises de presse privées vivent avec des arriérés de salaires, des arriérés de location et du matériel vétuste qui n'a pas pu suivre une maintenance correcte. Donc, il y a des risques d'extinction de certains médias. Un journal sénégalais titrait récemment « GFM, Walf et Sud, les géants de la presse sénégalaise s'effondrent ». Est-ce que ça va jusque-là ? Est-ce que vous diriez qu'effectivement ces trois groupes, qui sont des piliers de la démocratie sénégalaise autant que des éléments de son patrimoine intellectuel, sont menacés ? Ils sont bien menacés, que ce soit Sud, Wal Fadjri et GFM, les fleurons médiatiques du Sénégal sont menacés. Parce que si vous prenez par exemple Sud, les employés étaient sur le point d'aller en grève. Et si c'était le cas, c'est clair que le titre allait disparaître. Pour ce qui est de GFM, la direction a annoncé une mesure sociale pendant un licenciement technique de beaucoup de travailleurs, et le syndicat refuse et a sorti un communiqué pour dénoncer cela. Pour Wal Fadjri, ils sont dans les mêmes difficultés que tout le monde. Donc, pour vous dire que la situation est quasi pareille dans toute la presse privée. Qu'est-ce qui provoque ces difficultés financières des médias ? En réalité, c'est à cause du gel des contrats publicitaires venant des entreprises publiques et parapubliques, mais également aussi le blocage depuis 2024 du Fonds d'appui et de développement de la presse, le FADP, mais également aussi la situation économique extrêmement tendue du pays qui fait que, en fait, le privé, sa marge publicitaire, c'est juste autour de 15%/20 %. Et donc, avec 15%/20 %, on ne peut même pas gérer les charges courantes. Qu'est-ce qui peut être fait pour essayer de renverser cette situation ? Moi, je pense qu'en fait, le pouvoir et les acteurs des médias doivent discuter. Mais surtout que le ministre descende de son piédestal pour parler avec les acteurs des véritables problèmes et qu'au plus haut niveau qu'il y ait une volonté aussi de trouver des solutions. Les acteurs proposent, mais au niveau de l'État, on n'a pas de répondant. Nous sommes face à un mur qui est là et qui, malheureusement, ne nous offre aucune opportunité. Il y a tout de même des mesures positives qui ont été prises par les nouveaux pouvoirs publics : l'enregistrement des médias sur une plateforme pour plus de transparence ou l'actualisation de la loi sur la publicité. Oui, ça, ce sont des mesures importantes. Il faut les saluer. Nous ne sommes pas d'accord sur la démarche. Il aurait pu quand même le faire avec les acteurs. Les médias sénégalais sont considérés comme des références pour l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest. Comment est-ce que vous voyez les conséquences de ce risque d'effondrement de la presse privée sénégalaise pour la démocratie dans la région, de manière plus générale ? Ce que j'ai l'habitude de dire, c'est que si aujourd'hui on néglige les médias sénégalais jusqu'à ce que les fleurons mettent la clé sous le paillasson, il y a des forces obscures – nous sommes dans une région très menacée, avec une insécurité qui est là – qui pourraient en tout cas s'accaparer nos médias ou venir avec une autre offre qui peut ne pas nous arranger. Nous nous battons pour que ces fleurons de la presse sénégalaise demeurent, pour que, en fait, l'identité de la presse sénégalaise continue et perdure. On n'est pas là pour un pouvoir ou pour des lobbys. La presse est là pour l'information, elle est là pour les populations. Et donc, c'est important que cette presse-là garde cette indépendance pour qu'elle puisse servir tout le monde.
Fespaco : Par-delà les écrans, c'est le titre d'un livre qui vient de paraître en juillet 2025 aux éditions Baobab, au Sénégal. Son auteur, le journaliste et critique de cinéma Aboubacar Demba Cissokho, y raconte comment il a vécu le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou depuis qu'il a commencé à le couvrir en 2003, au Burkina Faso. Son récit est agrémenté de faits historiques, d'anecdotes, d'entretiens, et aussi d'interrogations sur l'identité de ce rendez-vous majeur du monde du cinéma africain. À lire aussiFespaco 2025: le réalisateur burkinabè Dani Kouyaté remporte l'Étalon d'or de Yennenga
La Cour pénale internationale encore visée par les États-Unis. Le département d'État américain a adopté mercredi 22 août de nouvelles sanctions contre la CPI, accusant quatre juges d'avoir lancé des poursuites contre des ressortissants des États-Unis et d'Israël. Parmi lesquelles le mandat d'arrêt contre le Premier ministre Benyamin Netanyahu pour la guerre contre la population de Gaza. La CPI qualifie la décision américaine d'« attaque flagrante contre l'indépendance d'une institution judiciaire impartiale ». La réaction du secrétaire général de la Fédération internationale de droits de l'Homme (FIDH) Maître Drissa Traoré, au micro de Sidy Yansané. À lire aussiWashington sanctionne de nouveau la CPI pour ses enquêtes impliquant États-Unis et Israël À lire aussiLe Sénégal demande aux États-Unis un retrait des sanctions contre quatre magistrats de la CPI
Les départs clandestins de pirogues depuis les côtes guinéennes vers l'archipel espagnol des Canaries se sont multipliés, en conséquence de l'accord migratoire conclu entre la Mauritanie et l'Espagne l'an dernier. Pourtant, la traversée depuis la Guinée peut durer une dizaine de jours et est extrêmement dangereuse. En 2024, l'ONG espagnole Caminando Fronteras dénombre 10 457 morts dans l'Atlantique. Entretien avec Elhadj Mohamed Diallo, ancien exilé, qui dirige désormais l'Organisation guinéenne de lutte contre la migration irrégulière. RFI : La Guinée est devenue une alternative pour les candidats à la migration clandestine, notamment depuis la ville côtière de Kamsar. Pourquoi ce phénomène, selon vous, a-t-il pris de l'ampleur dans la ville ? Elhadj Mohamed Diallo : D'abord, la ville de Kamsar est une ville portuaire, où la pêche est beaucoup développée. La plupart des jeunes maîtrisent parfaitement l'océan. Ce sont des pêcheurs qui maîtrisent la conduite des pirogues. La situation aux îles Canaries est telle que des journalistes espagnols sont venus enquêter jusqu'en Guinée pour identifier les familles des disparus, racontez-nous. Lorsque des Guinéens sont arrivés dans les îles des Canaries – le troisième convoi au départ de Kamsar -, il y a eu un accident. Sept personnes sont décédées, dont deux enfants. Donc les journalistes se sont intéressés à la question. Ils nous ont contactés et ils sont venus sur le terrain pour identifier trois familles parmi les sept et après, ils sont venus à Conakry. On les a mis en contact avec des familles de disparus, et eux nous ont mis en relation avec des organisations qui travaillent sur les questions d'identification dans les autres pays. Il y a plusieurs familles qui sont identifiées, on est en train de mettre en place le collectif des familles de disparus. Et une fois que vous les identifiez, qu'est-ce que vous faites ? Parfois, un jeune décède dans un autre pays, mais la famille n'est pas identifiée. Donc, ils nous contactent. On accompagne la famille pour qu'elle puisse rapatrier le corps au pays et inhumer le jeune. On les accompagne aussi dans leur deuil et dans les démarches administratives. Lorsqu'un corps est identifié, il y a un tas de dossiers qu'il faut aller retirer à la justice ou à la mairie. Parfois, les familles ne sont pas informées. Nous accompagnons les familles dans toutes ces démarches, s'ils décident de rapatrier le corps ou pour qu'ils aient les documents nécessaires pour engager des procédures auprès des tribunaux. À lire aussiGuinée: une nouvelle route dangereuse pour la migration vers les Canaries au départ de Kamsar Alors concrètement, comment ça se passe ? Ce sont des passeurs qui sont, disons, des « professionnels » et qui ouvrent un nouveau point de passage ? Ou est-ce que ce sont des pêcheurs ou des personnes sur place, à Kamsar, qui se lancent dans le marché de la migration par opportunisme ? Le premier convoi, c'était des pêcheurs. Comme le Sénégal est un pays frontalier, on se dit que s'il y a des voies de passage depuis le Sénégal, nous aussi Guinéens pouvons tenter. Donc c'est comme ça qu'ils ont commencé. Un groupe d'individus étaient là en train de travailler, ils se sont réunis, ils ont formé leur convoi et ils sont partis. Ca a même échappé aux autorités. Pour le moment, on n'a pas pu avoir des informations sur les passeurs, on est en train de faire des recherches. Mais bon, vous savez, c'est une question très compliquée de former un groupe de réseaux. Ça peut être des compatriotes qui étaient déjà en Mauritanie ou au Sénégal et qui reviennent en Guinée, ou ça peut être aussi des gens issus du réseau marocain qui se ramifie jusqu'en Guinée. Ce sont des réseaux qui sont vraiment professionnels. On doit planifier le terrain, il faut identifier qui doit être impliqué, qui ne doit pas être impliqué aussi. Ça va prendre du temps. Mais quand même, il y a eu pour le moment trois ou quatre convois qui sont partis et le mois dernier, les autorités ont arrêté pas mal de groupes de personnes qui étaient prêtes à partir. Deux convois ont été arrêtés au mois de juillet. Un autre convoi a été arrêté en Mauritanie où il y avait des Guinéens, des Sénégalais et d'autres nationalités. Vous voulez dire qu'en fonction des politiques migratoires des pays pourtant voisins, le point de départ peut changer ? Pas forcément les politiques migratoires en soi. Ça peut être peut-être la façon dont on est en train de réprimer les migrants, ou bien comment on est en train de durcir un peu les politiques migratoires. C'est une chaîne, en fait. Ça a commencé par le Maroc, puis le Maroc a « fermé » sa voie d'accès. Puis la Mauritanie, le Sénégal où ça devient de plus en plus difficile. Finalement, les points de départ s'éloignent de plus en plus. Et certainement demain, quand on va « fermer » la Guinée, peut-être que c'est Sierra Leone, le Liberia ou la Côte d'Ivoire qui seront concernés. En ce qui concerne le réseau des passeurs, ce n'est pas seulement la Guinée qui doit y travailler. Il faut que les pays collaborent, que ça soit une coordination entre les États parce que ces passeurs sont des criminels. Ça, il faut le dire. Quand vous voyez ce qui se passe aujourd'hui en Tunisie, vous comprendrez pourquoi les pays doivent coopérer pour pouvoir travailler sur cette question. Est-ce que vous avez pu dresser un profil des personnes qui prennent la mer ? Ce sont des familles avec des enfants, parce qu'ils sont convaincus qu'avec des enfants, on vous donne des papiers en règle dès votre arrivé. Donc, ils prennent toute la famille pour partir. En majorité, c'est des jeunes de 17 à 35 ans. Mais il y a également des vieux, des femmes, des enfants, des intellectuels, des étudiants, des non-étudiants... C'est les mêmes personnes, des fois, qui avaient envie de partir mais qui n'en avaient pas la possibilité. Avec 15 millions de francs guinéens [1 500 €, NDLR], ils vont migrer depuis Kamsar. À lire aussiMauritanie: «Notre politique vis-à-vis de la migration irrégulière est restée la même» Alors même que la communication habituelle des autorités et la sensibilisation communautaire martèlent que le risque de partir clandestinement, c'est très dangereux, que la Guinée ou même l'Afrique en général, a besoin de bras pour se construire et que les politiques migratoires, vous l'avez dit, sont de plus en plus dures. Pourquoi, selon vous, les jeunes continuent de tenter « l'aventure », comme on l'appelle en Afrique de l'Ouest ? On est tous d'accord que d'abord, la migration, c'est un fait naturel. Deuxièmement, il y a une communication sur les réseaux sociaux qui dit que l'Allemagne ou la France ont besoin de plus de main-d'œuvre et les jeunes ont besoin de travailler. Mais quand vous prenez le cas spécifique de la Guinée, la majeure partie des jeunes Guinéens ont perdu confiance non seulement en l'intellectuel guinéen, mais aussi en la République de Guinée. Même s'ils avaient des milliards en poche, ils n'auraient pas envie d'investir dans ce pays parce qu'il y a une totale perte de confiance. Même si ces jeunes sont des intellectuels, même si vous leur trouvez un travail, ils vont chercher un moyen de transport pour quitter le pays parce qu'ils n'ont plus confiance en la République. À une époque, on avait des tee-shirts qui disaient La Guinée est mon avenir. Il y a un jeune qui m'a interpellé un jour, en me disant : « Tu penses qu'il y a une possibilité de réussir dans ce pays où un Premier ministre te dit qu'une région n'a pas le courant parce qu'un Chinois est mort ? » [en 2018, l'ex-Premier ministre Kassory Fofana avait justifié l'absence d'électricité à Kankan par le décès prématuré de l'investisseur chinois choisi pour le projet, NDLR] Vous voyez la mentalité ? Au début de ce mois, 49 Sénégalais ont quitté la Mauritanie en pirogue, se sont perdus en mer et ont finalement pu atteindre les îles Canaries en s'accrochant à une barge remorquée par un navire européen. Comment vous expliquez une telle détermination chez les jeunes Africains, avec pourtant un énorme risque de se faire arrêter ou pire, de mourir, tout simplement ? Vous interrogez dix jeunes aujourd'hui sur pourquoi ils sont prêts à prendre ces risques-là. Ils vous diront que dans l'état actuel des choses, ils sont comme déjà morts. Donc pour eux, il vaut mieux aller mourir ailleurs et peut-être réussir, que de rester ici et mourir. C'est comme un jeune avec ses parents, s'il n'a plus confiance, il va quitter la maison. Donc quand on n'a plus confiance en notre nation, on va forcément la quitter. C'est ce qui arrive en l'Afrique de l'Ouest, surtout au Sénégal et en Guinée. Quand dans un pays, même manger devient un luxe, ça devient un problème. Il y a donc la communication sur les réseaux sociaux et aussi cette question politique qui motive de nombreux jeunes à partir. Et on comprend parfois leur motivation, ils veulent tout simplement vivre en paix. À lire aussiLa France peut-elle se passer d'immigration ?
Au Soudan, la guerre continue de faire rage. Depuis deux ans, le conflit a fait des dizaines de milliers de morts et des millions de déplacés à travers tout le pays. Au-delà des appels au cessez-le-feu, ce sont désormais les alertes humanitaires qui se font le plus entendre. En plus de la malnutrition qui s'installe, l'épidémie de choléra s'étend, alors que l'aide humanitaire peine à entrer dans le pays. Entretien avec docteur Rodrigue Alitanou, directeur des opérations de l'ONG Alima. Il répond aux questions de Sidy Yansané. RFI : À l'occasion de la journée mondiale de l'aide humanitaire mardi 19 août 2025, les Nations Unies indiquent un nombre record de 383 travailleurs humanitaires tués dans le monde l'an dernier. Le Soudan affiche le plus lourd bilan après Gaza. Est-ce qu'on peut dire que la guerre au Soudan est devenue l'une des pires crises humanitaires au monde ? Dr Rodrigue Alitanou : Absolument. Le Soudan aujourd'hui est considéré comme la pire crise humanitaire au monde selon les Nations Unies. Depuis le 15 avril 2023, où cette nouvelle guerre a commencé, elle a déjà fait des dizaines de milliers de personnes tuées et des dizaines de millions de personnes déplacées, avec aussi beaucoup d'humanitaires touchés par cette crise. L'ONU dénonce d'ailleurs « l'expression honteuse de l'inaction et de l'apathie internationales ». C'est un constat que vous partagez ? Oui, parce que malgré toutes les difficultés déjà que les populations subissent au Soudan, l'acheminement de l'aide humanitaire n'est pas effectif et on a des difficultés à pouvoir envoyer les travailleurs humanitaires [sur le terrain], les approvisionnements pour les hôpitaux, et tout ce qui est nécessaire à ce que l'aide humanitaire soit effective dans les différentes régions. La semaine dernière, c'est l'Union européenne, conjointement avec le Japon, le Royaume-Uni et le Canada, qui appelait à laisser entrer l'aide humanitaire « de toute urgence » et à protéger les civils. Mais le même jour, le général al-Burhan s'engageait à ne faire « ni compromis ni réconciliation, quel qu'en soit le prix » avec les FSR de son adversaire Hemedti. Est-ce qu'il n'y a pas là un aveu d'impuissance de la communauté internationale ? Sans faire de la politique, oui. Il y a des déclarations, mais il n'y a pas d'actions qui suivent de la part des différents belligérants. Il y a une forme d'impuissance, mais on ne peut pas baisser les bras, on ne doit pas baisser les bras, parce que l'enjeu est de taille. Si on ne fait rien, si l'aide humanitaire n'est pas acheminée dans les différentes régions en proie à la violence au conflit au Soudan, ce sont les populations qui vont en pâtir. En plus d'être sur le podium des États où meurent massivement les travailleurs humanitaires, le Soudan est désormais en tête des pays les plus touchés par le choléra. Comment l'épidémie a progressé aussi vite ? Avec cette crise qui avait jusqu'alors comme résultante l'insécurité alimentaire, la malnutrition, la famine par endroits, la situation est désormais exacerbée par cette épidémie de choléra sans précédent qui s'intensifie de semaine en semaine et touche des adultes comme des enfants, avec une vitesse de propagation assez fulgurante dans les camps de déplacés. J'étais sur place, j'ai vu des arrivées massives des populations dans des camps de déplacés déjà débordés, des populations exténuées par des atrocités et qui ont déjà un niveau d'immunité assez bas. Les populations affamées et assoiffées, parce qu'il y a des ressources très limitées, dorment à même le sol, serrées sous des toits de fortune. Des camps de déplacés caractérisés par une promiscuité totale, sans assainissement et sans suffisamment d'eau. Les gens vivent avec moins de trois litres d'eau par jour. Comme les latrines sont insuffisantes, il y a un phénomène de défécation à l'air libre qui s'est installé. Absolument tout est réuni pour que cette épidémie soit entretenue, spécifiquement dans les États du Darfour et notamment dans le Nord-Darfour, où le conflit a pris une autre dimension depuis mars. Cette épidémie risque d'être hors de contrôle si rien n'est fait. À lire aussiLe Soudan en guerre frappé par l'une des pires épidémies de choléra de son histoire La région du Darfour reste l'épicentre de l'épidémie, mais vos confrères de Médecins sans frontières craignent une propagation, comme vous, bien au-delà des camps de déplacés, au point de créer une combinaison mortelle avec la malnutrition qui frappe aussi le pays. Effectivement, la situation est préoccupante dans les camps de déplacés, mais également dans les populations hôtes. Aujourd'hui, on parle de milliers de personnes exposées, notamment dans le Nord-Darfour avec 640 000 enfants menacés. Ce sont les chiffres de l'UNICEF de la semaine dernière. Il y a une propagation au-delà des camps qui est déjà effective, plus de 32 États sont aujourd'hui menacés ou atteints du choléra. La situation dans la ville d'El-Facher est particulièrement grave, car elle est sous contrôle de l'armée régulière, mais encerclée par les paramilitaires FSR qui empêchent les convois humanitaires d'y entrer. À votre connaissance, combien de personnes y vivent actuellement et surtout comment survivent-elles ? La ville d'El-Facher est effectivement particulièrement sous tension parce qu'elle est assiégée depuis les affrontements qui ont commencé en avril et qui ont vu migrer de la ville des dizaines de milliers de personnes vers Tawila. Environ un million de personnes sont assiégées dans cette ville où tout manque. Les populations n'ont pas de voies d'approvisionnement, il y a plus de 70% des hôpitaux qui ne fonctionnent pas, l'accès aux soins est délétère. C'est aussi le cas de l'accès aux services de base, tout ce qui est nourriture et eau potable. Des centaines de milliers de personnes sont exposées à cette situation. Et les habitants, les témoignages que RFI a pu recueillir parlent d'enfants qui meurent quotidiennement de malnutrition ou de mauvaises conditions de vie... Exactement. Et c'est la résultante directe de cette guerre. On parle de près de 20 % des enfants souffrant de malnutrition, notamment dans des zones fermées, sans accès aux soins déjà pour la malnutrition. Le choléra vient maintenant s'ajouter et affecte la majorité des personnes, dont les enfants qui sont les couches les plus vulnérables. Vous avez indiqué qu'entre 70 et 80 % des hôpitaux et des centres médicaux du pays sont détruits. Ils sont même systématiquement visés par les belligérants, est-ce que vous arrivez à comprendre pourquoi les belligérants visent systématiquement les infrastructures médicales ? Nous sommes face à une guerre aveugle où les populations, malheureusement, sont devenues des cibles, tout comme les travailleurs humanitaires. Aujourd'hui, plusieurs centres de santé sont attaqués, particulièrement chez Alima. On a été obligés à maintes reprises de relocaliser nos activités, notamment à El-Facher où aujourd'hui, on n'arrive plus à travailler dans l'hôpital général. On s'est déplacé dans un autre endroit, qui a été aussi bombardé à plusieurs reprises, donc on a dû se déplacer de nouveau. Mais ce n'est pas seulement les infrastructures de santé, même les maisons des populations sont touchées. Cela montre clairement la volonté des différents groupes à prendre en étau les populations civiles dans cette guerre aveugle. Si rien n'est fait, le choléra aujourd'hui risque de tuer plus que les armes au Nord-Darfour. Dernièrement, j'ai rencontré sur le terrain une femme enceinte qui a marché 75 km, elle a dû accoucher à son arrivée. Et j'imagine aujourd'hui cette femme qui a pu survivre à toutes ces atrocités, contracter le choléra, fatal aussi bien pour elle que son enfant. Il faut faire tout son possible pour éviter ce risque à tout prix. D'autant que pour résorber le choléra, il faut beaucoup boire ou alors il faut des antibiotiques. Donc ça a l'air d'être un traitement simple, mais pour autant les populations manquent de tout cela… D'une part les financements sont très minimes et d'autre part les voies d'approvisionnement des différentes zones où sévit le choléra aujourd'hui sont coupées par la guerre. C'est un cocktail qui fait que le choléra risque de l'emporter. Quel a été l'impact du retrait des financements de l'aide américaine d'USAID ? L'impact a été très très sec. Déjà en février, plus de 60 % des organisations humanitaires ont dû arrêter brusquement leurs activités et ça a eu un impact sur le déploiement des quelques aides qui arrivent à venir au Soudan. Depuis cette épidémie, on voit encore plus l'impact puisqu'on n'est que très peu d'organisations pouvant opérer et déployer des soins pour les populations. On a intérêt à tous se mobiliser pour que les financements puissent suivre assez rapidement puisque rien que pour le choléra, nous enregistrons aujourd'hui plus de 1000 morts depuis le début de l'épidémie au Soudan cette année. Il faut que ces chiffres arrêtent de grimper, et même possiblement toucher d'autres pays de la sous-région plus durement que le Soudan. À lire aussiL'Unicef alerte sur une épidémie meurtrière de choléra en Afrique de l'Ouest et du Centre ► Rodrigue Alitanou est directeur des opérations au sein l'ONG Alima
Il y a cinq ans au Mali, les militaires renversaient le président Ibrahim Boubacar Keïta. Ils mènent ensuite un second coup d'État pour renverser le président de transition Bah N'Daw qu'ils avaient installé au pouvoir, tout en occupant les postes clés. La lutte contre le jihadisme, la dissolution des partis politiques, le souverainisme comme moteur politique. Cinq après, quel est le bilan ? Oumar Berté est chercheur associé à l'Université de Rouen en politique et droit public. RFI : La semaine dernière, la junte malienne a annoncé l'arrestation de plusieurs militaires au sein de l'armée, au moins 55 d'après les sources de RFI. Tous sont accusés d'avoir voulu « déstabiliser les institutions de la République ». Comment appréciez-vous ces événements alors que les militaires viennent de marquer leur cinquième année au pouvoir ? Oumar Berté : C'est la première fois que les autorités militaires au pouvoir au Mali enregistrent ce que l'on pourrait appeler un véritable coup d'État au sein de l'armée malienne. Ces arrestations interviennent dans un contexte assez particulier pour l'armée car elle enregistre en ce moment d'énormes attaques de groupes armés rebelles, mais aussi terroristes. On peut s'interroger si cette situation qui arrive dans ce contexte ne pourrait pas avoir une implication sur l'armée malienne, comme une désorganisation de la chaîne de commandement, voire un règlement de comptes au sein de l'armée, comme cela s'est passé en 2013. Parmi les suspects interpellés, il y a un citoyen français, un certain Yann Vézilier, que Bamako accuse d'être un espion, mais surtout d'être celui qui, selon le communiqué de la junte, « a mobilisé les généraux Abass Dembélé et Nema Sagara ». Paris, de son côté, dément ces accusations et le présente comme un simple membre de son ambassade au Mali. Là encore, que dire de ce nouveau bras de fer entre les deux pays ? Toutes les fois où il y a une situation concernant les autorités au pouvoir qui serait susceptible de les mettre en difficulté, elles cherchent toujours à y impliquer la France. Et à chaque fois, ça fait mouche, considérant que la France serait toujours derrière tout ce qui arrive au Mali pour déstabiliser les autorités au pouvoir. C'est un classique, en réalité. À lire aussiMali : cinq ans après le putsch, le pays reste plongé dans l'incertitude Le principal argument des militaires pour justifier le putsch de 2020 était la lutte contre la menace jihadiste et les groupes armés, ainsi que la reconquête de l'ensemble du territoire malien. Aujourd'hui, quel bilan faites-vous de cette lutte et de cette reconquête ? Des efforts remarquables ont été faits, notamment dans la formation des militaires. Mais la situation sécuritaire du pays est particulièrement préoccupante aujourd'hui. Du nord au sud, le centre, l'ouest, toutes les parties du pays enregistrent des attaques des groupes armés. Au cœur même de Bamako, une attaque coordonnée d'une grande envergure a même détruit et mis hors d'usage l'avion présidentiel. L'armée française, arrivée en 2013 au Mali, a été expulsée du pays au profit du groupe de mercenaires russe Wagner. Son principal fait d'armes, aux côtés des Forces maliennes, c'est sa victoire dans la ville de Kidal, reprise aux rebelles il y a bientôt deux ans. Mais suite à cela, les partenaires russes ont essuyé de nombreuses défaites jusqu'à annoncer leur départ en juin dernier. Que peut apporter de nouveau son remplaçant, toujours russe, Africa Corps ? Wagner n'a pas atteint les objectifs qui lui étaient assignés. Il y a aussi des questions financières à ne pas exclure. La Russie veut prendre directement le contrôle de cette question, d'autant plus qu'au-delà de la question des finances que l'État malien verse pour ce groupe mercenaire, il y a l'accaparement des sites miniers que Wagner engrangeait au profit de la société. Il va sans dire que c'est l'État russe qui va maintenant s'en approprier. Sur le plan de la conservation des acquis démocratiques, il y a objectivement un net recul. Les partis politiques sont dissous, les médias sont régulièrement sanctionnés. Selon vous, à quel moment situez-vous la bascule de la junte, si on peut le dire ainsi ? En réalité, le gouvernement de transition du Mali a basculé en 2021 lorsque Assimi Goïta a repris la tête du pays. On est arrivé aujourd'hui à un point de non-retour, c'est-à-dire que les autorités de transition sont complètement décomplexées dans la limitation des libertés fondamentales. Le Mali, avec ses deux voisins, le Burkina Faso et le Niger, ont décidé de quitter la CEDEAO pour former l'Alliance des États du Sahel (AES). Quels sont les bénéfices de cette alliance pour le Mali ? À l'exception de quelques rencontres, il n'y a en réalité aucune action concrète que l'Alliance des États du Sahel a pu mettre en place. Aujourd'hui, l'AES ne dispose d'aucun fonds pour financer quoi que ce soit. Au-delà de la solidarité entre les trois pays et de la facilitation de la coopération militaire dans la lutte contre le terrorisme, qui peine d'ailleurs à trouver les résultats escomptés, en réalité l'alliance des États du Sahel n'a pas vraiment mis en place d'actions concrètes. À lire aussiMali : cinq ans après le putsch, le pays reste plongé dans l'incertitude
En Centrafrique, le premier tour de la présidentielle, celui des législatives, ainsi que les élections municipales et régionales, auront bien lieu le 28 décembre 2025. Mais, pour l'opposant Anicet-Georges Dologuélé, ancien Premier ministre et président du parti Urca, les conditions ne sont pas réunies - aujourd'hui - pour que ce quadruple scrutin se tienne dans de bonnes conditions. Il revient sur ces questions au micro de Liza Fabbian. RFI : Le gouvernement centrafricain promet des élections à bonne date, c'est-à-dire le 28 décembre, selon le calendrier qui a récemment été adopté. Ces dernières seront « organisées de manière convenable ». Êtes-vous aussi confiant que les autorités de votre pays ? Anicet-Georges Dologuélé : Nous sommes en train de parler d'une autorité nationale des élections (ANE) qui a des problèmes qui sont dénoncés par tout le monde. On est à quatre mois et demi de ces élections-là. L'ANE n'a pas un kopeck pour les organiser. Elle est incapable d'organiser le fichier électoral. La révision de la liste traîne depuis près d'un an. Et c'est cette ANE-là qui ne pouvait pas organiser les deux élections présidentielles et législatives qui sont organisées depuis 1993. On va y rajouter à la fois les municipales et les régionales. Cela fait quatre élections en même temps. Pour une institution qui a des problèmes d'organisation, c'est beaucoup trop. Lors de son discours pour la fête de l'indépendance, le 12 août, le président Touadéra a dit continuer à tendre une main fraternelle et patriotique à l'opposition démocratique. Ce sont ses mots. Allez-vous la saisir, cette main tendue ? En fait, il a inversé les choses. C'est nous qui demandons le dialogue depuis deux ans. Nous avons demandé par écrit. Nous avons demandé en utilisant l'entregent de la Minusca et il ne nous répond pas directement. Mais il annonce dans les discours qu'il est prêt au dialogue. Et dans le même discours, il nous présente toujours comme des ennemis de la paix et de la démocratie. Nous nous sommes rendu compte de ce déficit de confiance qui est énorme. C'est pour cela que nous avons proposé, par écrit, qu'il puisse accepter qu'on sollicite un chef d'État de l'Afrique centrale qui puisse nous accueillir. Comme ça, ça met tout le monde à l'aise pour que l'on puisse dialoguer sans arrière-pensée. À lire aussiCentrafrique: le calendrier électoral validé pour un quadruple scrutin fin décembre Mais demander à un médiateur extérieur et donc un dialogue direct avec le président, est-ce que ce n'est pas un peu irréaliste ? Cela fait deux ans que nous demandons le dialogue. Je pense que pour prendre la décision de dialoguer avec son opposition, cela lui prend cinq secondes. Et nous, nous n'avons pas les capacités de convoquer un dialogue. Mais selon vous, sans ce dialogue, est-il impossible pour les opposants de prendre part aux élections ? L'ANE ne fonctionne pas. C'est l'ANE qui organise les élections. Comment pouvons-nous aller à des élections en sachant que cela va mal se passer ? Ce n'est pas nous qui le disons. Ce sont des experts internationaux. Aujourd'hui dans la Constitution, ils nomment, lui et son président de l'Assemblée nationale, six membres sur onze du Conseil constitutionnel. C'est trop. Nous voulons la réforme de ces deux institutions. Et dans la Constitution, il y a un certain nombre d'articles qui vont entraîner de graves problèmes. Nous voulons discuter de ces articles-là. Dans l'option d'un boycott des élections, est-ce qu'il n'y a pas un risque d'acter le troisième mandat que vous dénoncez ? Est-ce que le président Touadéra a les moyens de financer les élections en Centrafrique ? Depuis 1993, notre pays n'a jamais pu financer lui-même ses élections. Je suis député, membre de la commission finances. Il y a zéro centime dans le budget pour financer les élections à venir. Nous avons besoin du financement de l'Union européenne et de la France. Nous avons aussi besoin de l'apport de la Minusca. Les élections sont une compétition. Dès lors qu'il n'y a pas de compétiteurs, pourquoi sortir l'argent du contribuable des pays de l'Union européenne pour aller faire de Touadéra un empereur ? Je pense qu'il n'aura pas les financements nécessaires pour faire ce qu'il croit vouloir faire. Alors est-ce que vous demandez aux bailleurs de suspendre leur financement s'il n'y a pas de dialogue avec l'opposition ? Je pense que sans même que nous le demandions, ils ont des représentants à Bangui. Ils se rendent compte qu'il y a des problèmes graves. La Minusca apporte beaucoup, mais quand il y a eu le référendum, elle ne s'est pas sentie concernée parce qu'elle voyait que c'était une violation de la démocratie. Donc, elle n'a pas participé au référendum. Nous pensons que pour les élections, même si c'est dans son mandat, les conditions ne sont pas réunies. Et pour l'intérêt du peuple centrafricain, elle ne participera pas aux opérations. Selon les termes de la Constitution de 2023, les binationaux ne peuvent pas se présenter à la présidentielle. Est-ce que vous envisagez d'abandonner votre nationalité française ? C'est-à-dire que l'on se concentre trop sur cette question de binationalité. Mais la Constitution a des éléments beaucoup plus graves que ça. Par exemple, la Constitution dit que ceux qui ne sont pas centrafricains d'origine, donc de père et de mère centrafricains, ne peuvent pas se présenter. Un binational peut renoncer à une nationalité. Mais comment faire pour ceux dont le père ou la mère sont d'un autre pays ? Pourquoi amener ces problèmes artificiels là où cela se passait bien depuis 65 ans ? Je pense que le dialogue, c'est pour voir tous ces articles qui posent problèmes Voilà pourquoi nous réclamons ce dialogue. À lire aussiCentrafrique: le dialogue politique et la participation de l'opposition aux élections du 28 décembre en suspens
La 37e édition des états généraux du film documentaire s'ouvre dimanche 17 août à Lussas, dans le sud-est de la France. Avec une programmation « Jeune création d'Afrique subsaharienne » à travers trois films sélectionnés (réalisés par Cyrielle Raingou, Nelson Makengo et David Bingong). Madeline Robert, productrice et programmatrice de la sélection, est interrogée par Houda Ibrahim.