Aujourd'hui l'économie, le portrait

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Chaque vendredi, le service éco de RFI vous propose de découvrir une personnalité qui fait l'actualité économique de la semaine.

Rfi - David Baché


    • Oct 27, 2023 LATEST EPISODE
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    Abigail Disney: la mauvaise conscience du numéro un mondial du divertissement

    Play Episode Listen Later Oct 27, 2023 4:10


    Dans un rapport paru cette semaine, l'Observatoire européen de la fiscalité prône la mise en place d'une taxe de 2 % sur le patrimoine des milliardaires partout dans le monde. Un combat qu'incarne depuis longtemps Abigail Disney. Petite fille d'un des fondateurs de « l'empire Disney », elle réclame depuis longtemps que les plus riches soient plus taxés.  Abigail Disney est la petite fille de Roy O. Disney qui a fondé avec son frère Walt le numéro un mondial du divertissement que l'on connaît aujourd'hui. Elle a hérité à la naissance d'une partie de sa fortune, plus de 100 millions de dollars. À 63 ans, l'héritière devenue productrice et réalisatrice est donc ce qui se rapproche le plus de la définition littérale d'une « princesse Disney ». Si on se contentait de ces informations, on pourrait penser que par réflexe, elle frémirait en lisant les recommandations du dernier rapport de l'Observatoire européen de la fiscalité paru lundi 23 octobre et qui prône une taxe minimale de 2 % sur les milliardaires dans le monde. « Aujourd'hui les milliardaires payent entre 0 et 0,5 % de leur fortune. 2 %, ça resterait modeste par rapport au taux de croissance de la fortune des milliardaires qui a été en moyenne de 7 % par an depuis la fin des années 1990 », rappelait cette semaine l'économiste Gabriel Zucman qui dirige l'observatoire. Une taxe « modeste » mais qui rapporterait tout de même 250 milliards de dollars par an aux États.« Je ne peux pas rester là, les bras croisés, à accumuler de la richesse simplement parce que je l'ai héritée »Personne n'a eu l'occasion de lui poser la question, mais on peut affirmer qu'Abigail Disney applaudirait des deux mains. Si Abigail était l'une des héroïnes des films Disney, elle serait Rebelle ou Elsa, le personnage principal de La reine des neiges, celle qui chante qu'elle refuse de mentir et d'être « une princesse parfaite ».« Quand mon grand-père et mon grand-oncle ont fondé Disney, la classe moyenne et la classe ouvrière avaient les moyens d'élever une famille dignement », rappelle-t-elle régulièrement. « Mais regardez les États-Unis aujourd'hui ! J'ai parlé avec des travailleurs de Disneyland : ils n'ont même pas de quoi se payer de l'insuline ! C'est inacceptable. Je ne peux pas rester là, les bras croisés, à accumuler de la richesse simplement parce que je l'ai héritée ! » Alors Abigail est devenue la mauvaise conscience de Disney.Le public a d'abord entendu parler d'elle en 2018, quand elle s'en est prise publiquement à Bob Iger, l'actuel patron de Disney qui venait de s'offrir un salaire à 65 millions de dollars, soit 1400 fois le salaire médian au sein de son entreprise. La polémique est venue alimenter les revendications des syndicats de chez Disney. Elle a aussi placé au cœur du débat politique les propositions de deux candidats aux primaires démocrates, Bernie Sanders et Elizabeth Warren. Abigail Disney est aussi productrice de films engagés défendant des idées progressistes et féministes. Elle a elle-même signé un documentaire sur Disney sorti en 2022 : Le rêve américain et autres contes de fée.« Avoir Disney pour nom de famille, c'est comme avoir un super pouvoir qu'on n'a pas demandé »« Avoir Disney pour nom de famille, c'est comme avoir un super pouvoir qu'on n'a pas demandé », dit-elle dans la bande-annonce du documentaire. Dans ce film, elle raconte comment un employé d'un parc Disneyland lui a écrit un jour et comment elle en est venue à s'intéresser aux conditions de travail chez Disney. On la voit demander à une assemblée de travailleurs du parc assis autour d'elle : « Qui parmi vous connait quelqu'un qui travaille à Disneyland et dormait dans sa voiture ces deux dernières années ? » Toutes les mains se lèvent... « Ce n'est pas seulement l'histoire de Disney. C'est l'histoire de la moitié des travailleurs américains qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts », dit-elle encore dans ce documentaire.Elle ne se contente pas de mener ce combat dans ses films, elle a aussi rejoint une association qui s'appelle Les millionnaires patriotes - Patriotic Millionaires - et qui mène un lobbying intense pour exiger de payer plus d'impôts. En avril dernier, ils ont donné une conférence de presse devant le Capitole à Washington où elle a pris la parole : « Il faut changer notre système fiscal pour que l'impôt soit réellement progressif : ça veut dire que les gens qui gagnent à peine de quoi vivre ne doivent quasiment rien payer, et à l'inverse, il faut largement augmenter les impôts sur les très gros revenus. Mon grand-père avait un taux d'imposition de 90 %, et ça ne l'a pas empêché de faire fortune ! »À lire aussiÀ Davos, rencontre avec ce millionnaire qui veut payer plus de taxes

    Beyoncé et Taylor Swift, portraits croisés de véritables businesswomen

    Play Episode Listen Later Oct 20, 2023 4:52


    L'une vient de battre le record de la tournée de concerts la plus rentable de l'histoire pour une artiste féminine avec 596 millions de dollars de recette. L'autre pourrait bien la dépasser dès la fin de The Eras Tour l'an prochain. Beyoncé et Taylor Swift, deux chanteuses américaines devenues des businesswomen. Beyoncé Knowles, 42 ans, vient de boucler sa neuvième tournée baptisée Renaissance World Tour. Selon le magazine Forbes, « Queen B », comme certains la surnomment, pèse 540 millions de dollars. Autrement dit, 200 millions de moins que sa benjamine Taylor Swift. La fortune de la chanteuse de 33 ans est actuellement estimée à 740 millions de dollars. Et elle ne va faire que s'amplifier grâce à sa tournée The Eras Tour. Elle doit s'achever en août prochain et devrait dégager près d'1,5 milliard de dollars, selon les experts.Aujourd'hui considéré comme une popstar d'envergure mondiale, Taylor Swift a commencé sa carrière dans la musique country. Rien à voir avec la pop aux fortes influences soul et RnB de Beyoncé. L'interprète de Crazy in Love est afro-américaine, engagée dans la lutte anti-raciste : elle a chanté à la cérémonie d'investiture du président américain Barack Obama en 2013. De son côté, Taylor Swift habite à Nashville dans le Tennessee. Elle arbore des boucles blondes dignes d'une princesse Disney.« Gagner de l'argent, c'est aussi une forme de prise de pouvoir féministe » - Morgane Giuliani journaliste et autriceMalgré leurs styles différents, les deux stars s'entendent très bien. Elles ont d'ailleurs posé ensemble sur le tapis rouge de la première du film de Taylor Swift le 11 octobre dernier.Selon Morgane Giuliani, journaliste culture et autrice du livre « Féminismes et musiques », ce qui réunit les deux artistes, c'est aussi leur féminisme. « Gagner de l'argent, c'est aussi pour elle une forme de prise de pouvoir. D'autant que l'industrie musicale est très cruelle, basée sur des lois qui souvent spolient les artistes. »Selon le directeur de la Réserve fédérale des États-Unis (FED), partout où Taylor Swift s'est produite, la star a provoqué un boom des réservations dans les hôtels et restaurants. La même chose est à prévoir pour ses concerts - déjà complets - à Paris et Lyon l'an prochain.Les fans viennent de toute l'Europe et sont prêts à payer jusqu'à 250 euros. En mai dernier, les places les plus chères pour voir Beyoncé au Stade de France étaient à 200 euros.Des places de concerts jusqu'à 250 euros en FranceMais les revenus des deux stars ne viennent pas uniquement de leurs tournées. Beyoncé et Taylor Swift tentent toutes les deux d'enrailler la chute des ventes en sortant régulièrement des éditions limitées de leurs albums. De vrais petits bijoux qui donnent aux fans l'envie de les collectionner. Ce phénomène va de pair avec le merchandising.Et puis, il y a le placement de produits et les partenariats commerciaux. Les deux idoles américaines vendent leur image. Selon Paul Muller, professeur d'économie à l'université de Lorraine spécialiste de la créativité dans l'industrie musicale, c'est ici que se situe la principale différence avec d'autres stars de la chanson. « Avant, l'industrie musicale était organisée selon une approche de marché. D'abord la production musicale, puis la tournée et enfin le merchandising. Alors que ce qui distingue Taylor Swift et Beyoncé, c'est qu'elles ont une approche basée sur la constitution d'une communauté fidèle grâce aux réseaux sociaux. »Pour dégager des millions, Beyoncé et Taylor Swift investissent aussi les salles de cinéma. L'interprète du titre Cuff it va sortir le film de sa tournée le 1ᵉʳ décembre prochain. Taylor Swift l'a sorti le 13 octobre dernier. Elle a réalisé le plus gros démarrage pour un film de concerts, dégageant 96 millions de dollars en un seul week-end. À titre de comparaison, le record était jusqu'ici détenu par Justin Bieber avec un total de 73 millions de dollars pour le film de sa tournée en 2011.

    Claudia Goldin, prix Nobel d'économie et détective

    Play Episode Listen Later Oct 13, 2023 4:02


    Le prix Nobel d'économie 2023 a été décerné à Claudia Goldin Cette économiste de 77 ans, professeure d'économie à Harvard est récompensée pour ses études sur les inégalités entre les hommes et les femmes sur le marché du travail. Elle devient la première femme à être - seule - lauréate du Prix. Claudia Goldin ne se considère pas que comme économiste : « J'ai toujours voulu être détective, répond-elle au téléphone du jury du prix Nobel qui l'appelle peu après sa récompense. Je mène ce travail de détective dans des documents d'archives. Il fut un temps où nous n'avions pas cette énorme quantité de données à notre disposition : il fallait donc les exhumer. »Claudia Goldin va donc passer sa vie à éplucher les données et les statistiques dans les bibliothèques, dans les registres des banques et des entreprises et compile deux-cents ans d'histoire économique. Cette fouille minutieuse lui permet de dessiner une courbe de l'évolution de la participation des femmes au marché du travail sur deux siècles.L'économiste montre que la participation des Américaines au marché du travail n'évolue pas comme on pourrait le croire, de façon linéaire et continue dans le temps, mais plutôt selon les époques et les bouleversements économiques.Au début des années 1800, les femmes travaillaient par exemple massivement dans le secteur agricole. Ce n'est que plus tard, au moment de la révolution industrielle au XIXe siècle, qu'elles se retirent peu à peu de la vie active pour ensuite y revenir à partir des années 1960.Inégalités de salaires, discrimination à l'embaucheSes travaux permettent en lumière les inégalités en fonction des genres. Bien qu'une partie des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes s'expliquent par des différences d'éducation ou de choix professionnels, Claudia Goldin démontre que l'arrivée du premier enfant est un facteur déterminant d'accroissement des disparités salariales entre les hommes et les femmes.À la fin des années 1960, Claudia Goldin décrit aussi l'avènement d'une « révolution silencieuse » avec l'arrivée de la pilule aux États-Unis. Dès lors, explique la chercheuse, les Américaines n'hésitent plus à se lancer dans de longues études comme dans le droit ou la médecine. « Pour elle, la contraception donne aux femmes le moment de choisir quand elles vont avoir des enfants et donc des carrières qui nécessitent un certain investissement, note Cecilia Garcia-Peñalosa, directrice de recherche au CNRS et membre de l'École d'économie Aix-Marseille (AMSE). Claudia Goldin considère que c'est une liberté médicale mais qui donne aussi une liberté énorme aux femmes. »PionnièreNée à Brooklyn en 1946, Claudia Goldin se rêvait d'abord biologiste. Mais c'est à l'université qu'elle découvre l'économie. En 1990, elle deviendra d'ailleurs la première femme à la tête du département d'économie de l'université de Harvard.Ce lundi 9 octobre, Claudia Goldin est devenue la première femme, récompensée seule, depuis la création du Prix Nobel d'économie en 1968. Les deux précédentes lauréates, la Française Esther Duflo (2019) et l'Américaine Elinor Olstrom (2009) l'avaient partagé avec des hommes (Abhijit Banerjee et Michael Kremer pour la première, et Oliver Williamson pour la seconde).Pionnière, Claudia Goldin l'est aussi à travers ses recherches. Personne comme elle n'avait auparavant combiné histoire et théorie économique sous l'angle de l'étude de la place des femmes sur le marché du travail, ce qui fait d'elle un pilier de « l'économie de genre ».« Pour combattre les inégalités, mieux faut-il les comprendre, les mesurer et voir les dynamiques à l'œuvre, analyse Hélène Périvier, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et l'une des héritières de Claudia Goldin. La participation des femmes au marché du travail dans les pays riches et démocratiques, c'est le phénomène socio-économique majeur du XXe siècle. Donc travailler sur cette question-là, récompenser les travaux qui sont venus éclairer ces dynamiques, ça me semble être quelque chose de tout à fait positif. »Seuls 16% des économistes sont des femmesLundi, à l'annonce de son prix Nobel, Claudia Goldin a salué une récompense « très importante » mais rappelé qu'il « reste de grandes inégalités ». Exemple, au sein même de sa discipline, l'économie où les Américaines ne représentaient, d'après une étude de 2017, que 16% des effectifs. C'est ainsi pour tenter d'inverser la tendance qu'elle a créé un programme pour inciter les jeunes filles à se diriger vers un cursus économique.« Claudia Goldin, explique Hélène Perivier, a permis d'éclairer la situation des femmes sur le marché du travail aux États-Unis. C'est une façon de voir quelle partie du chemin nous avons parcouru et quelle partie il reste à parcourir pour atteindre l'égalité. »

    Xavier Niel à la conquête de l'intelligence artificielle

    Play Episode Listen Later Oct 6, 2023 4:29


    Avec un investissement de 200 millions d'euros, Xavier Niel, le patron de Free entend s'insérer dans un marché jusqu'ici dominé par les grandes entreprises américaines. Portrait d'un milliardaire autodidacte aux ambitions marquées. Xavier Niel se lance à la conquête de l'intelligence artificielle. Huitième fortune française selon le magazine économique Forbes, le patron de Free a investi 200 millions d'euros. Il veut devenir le champion européen de l'intelligence artificielle. Il vient effectuer le plus gros investissement jamais réalisé en Europe dans le domaine.Avec ces 200 millions d'euros, le patron d'Iliad - la maison mère de Free - ne peut pas espérer rivaliser avec les acteurs américains du secteur. Microsoft a déjà investi plusieurs milliards de dollars tout comme Meta et Google.Un homme d'affaires philanthropeMais, il va se doter d'un supercalculateur, miser sur des start-up et monter un laboratoire de recherche à Paris. Passionné de nouvelles technologies, Xavier Niel met donc les moyens pour faire une belle entrée dans la course à l'intelligence artificielle, selon Mehdi Triki responsable des relations publiques et institutionnelles chez France IA.L'objectif de Xavier Niel est donc de proposer des services aux entreprises qui souhaitent développer leurs applications dans le domaine de l'intelligence artificielle.Le milliardaire veut mettre en place une alternative à des services aujourd'hui majoritairement proposés par des entreprises américaines. Plus qu'un grand patron français, son ambition c'est de devenir un patron de stature internationale.Co-auteur de la biographie Xavier Niel, la voie du pirate sortie en 2016 aux éditions First, Emmanuel Paquette, journaliste pour le site d'investigation économique l'Informé, l'affirme : « Xavier Niel considère qu'aujourd'hui, pour faire bouger le monde, il vaut mieux être journaliste qu'homme politique. » Une conviction qui l'a notamment poussé à fonder l'Ecole 42 en 2013.Il s'agit d'une école orientée sur l'apprentissage du code informatique, gratuite et sans condition de diplôme. Elle compte 49 campus à travers 28 pays, en Europe, Asie, Amérique du Sud et en Afrique. L'école 42 est présente au Maroc, en Angola et à Madagascar. Le recrutement des futurs élèves du campus d'Antananarivo est en cours pour une ouverture de l'école prévue en début d'année prochaine.Actionnaire du groupe Le MondeIl a récemment racheté les parts du Tchèque Daniel Kretinsky pour près de 50 millions d'euros, selon le Financial Times. Des parts que le milliardaire s'est empressé de reverser au Fonds pour l'indépendance de la presse. Une manière d'investir intelligemment dans son image. Xavier Niel, c'est aussi l'homme qui a rendu internet accessible à tous les Français en forçant ses concurrents à baisser leurs prix pour se caler sur les offres de Free.Solveig Godeluck a cosigné la biographie de Xavier Niel avec Emmanuel Paquette, elle est à présent correspondante du journal Les Échos aux États-Unis. « Il s'est forgé une image de Robin des Bois, à raison. Ensuite, il est entré dans l'establishment et aujourd'hui, il peut s'acheter des beaux costumes, des œuvres d'art et il a ses entrées à l'Élysée. »Des débuts dans le Minitel rose et les sex-shopsAujourd'hui, Free est le quatrième opérateur de téléphonie mobile français et le deuxième dans l'Internet via la fibre avec un chiffre d'affaires de plus de sept milliards et demi d'euros l'an dernier.Mais Xavier Niel n'a pas commencé en 2003 avec la première Freebox. Dans les années 1980, il se lance dans le Minitel Rose et investit dans des sex-shops. Des débuts qui lui ont valu deux ans de prison avec sursis et 250 000 euros d'amende pour recel d'abus de biens sociaux. Un passé dont il n'aime pas parler, pas plus que de sa vie privée et notamment de son mariage avec Delphine Arnault, la fille du PDG de LVMH.Après la sortie de leur livre, les journalistes Solveig Godeluck et Emmanuel Paquette ont reçu des pressions de la part de Xavier Niel. « Il était mécontent et a menacé de nous faire un procès », avoue Emmanuel Paquette. Une procédure finalement abandonnée.À lire aussiIntelligence artificielle: la concurrence entre les géants du web s'intensifie

    Shawn Fain, président du puissant syndicat UAW

    Play Episode Listen Later Sep 29, 2023 4:23


    Le portrait de l'économie nous emmène aux États-Unis. Depuis deux semaines, une partie des travailleurs syndiqués de l'industrie automobile sont en grève pour des augmentations salariales et d'autres avantages contre les trois constructeurs américains : General Motors, Ford et Stellantis. À la tête du syndicat des travailleurs unis de l'automobile, l'UAW selon l'acronyme américain, il y a Shawn Fain, une personnalité au style offensif. Décryptage avec Guillaume Naudin à Washington. C'est valable pour ses relations avec les patrons de l'industrie automobile, mais aussi au sein même de son propre syndicat. Il le dirige depuis le mois de mars dernier. Il a réussi à évincer la direction sortante, un peu à la surprise générale, même s'il est membre du syndicat depuis 30 ans et que deux de ses grands-parents étaient déjà dans le métier. Et ce que vous allez entendre, ce sont ses premiers mots à la tribune après son élection :« Let's get ready to rumble ! (Préparons-nous à la bagarre !) »Les amateurs de boxe auront peut-être reconnu la formule consacrée de l'animateur de combats Michael Buffer, très connu ici. Il a même joué son propre rôle dans un film de Rocky. Voilà donc la première image que Shawn Fain, natif de Kokomo, dans l'Indiana, a voulu donner de lui. C'est dire son état d'esprit dans cette grève qui pour la première fois touche les trois constructeurs en même temps.En effet, c'est donc un style sans concession et c'est nouveau.Oui, les précédents dirigeants du syndicat des travailleurs de l'automobile étaient davantage dans la négociation. Mais ça, c'était avant. C'est une question de personnalité et c'est aussi une question d'opportunité et d'environnement, selon le chercheur principal des études économiques de la Brookings Institution, Harry Holzer.« Il est plus agressif dans sa recherche d'un bon accord que ce que nous avons vu de la part d'anciens présidents. Mais est-ce que c'est lié à lui ou aux circonstances ? Les travailleurs ont abandonné beaucoup de choses pour sauver ces entreprises pendant la crise financière, il y a environ quinze ans. Et les salaires restent plus bas que ce qu'ils étaient à l'époque. Les entreprises se sont rétablies et font des bénéfices très importants. Donc, toutes ces circonstances créent un environnement dans lequel Shawn Fain peut être plus agressif et plus exigeant. Et au passage, c'est aussi peut-être qu'il y a beaucoup de grèves en ce moment aux États-Unis, beaucoup de groupes syndicaux. C'est dans l'air du temps depuis la pandémie que les syndicats soient plus agressifs, pour différentes raisons. Et peut-être que ça l'encourage aussi. »Et, en effet, Shawn Fain n'hésite pas à tenir un discours assez inhabituel aux États-Unis.En début de semaine, Joe Biden s'est rendu sur un piquet de grève à Detroit, pour apporter son soutien aux grévistes. C'était la première fois qu'un président faisait ça de mémoire d'historien. Il a parlé au total moins d'une minute trente. Shawn Fain, lui, a parlé plus longtemps. Pour dire que son syndicat était en guerre contre la cupidité des entreprises ; la classe des milliardaires, les élites et les PDG, sous le regard un peu circonspect du président, qui s'est bien gardé d'apporter son soutien à cette partie du discours. C'est un fait, Shawn Fain n'aime pas les milliardaires. Il refuse d'ailleurs de voir l'ancien président Donald Trump, lui-même venu courtiser le vote ouvrier à Detroit.« Je ne vois pas l'intérêt de le rencontrer parce que je ne pense pas que ce type ait le moindre intérêt pur ce pourquoi nos travailleurs se battent et ce pourquoi la classe ouvrière se bat. Il sert la classe des milliardaires et c'est ce qui ne va pas dans ce pays. » Et Shawn Fain est très direct avec ses interlocuteurs.Oui, difficile de dire si c'est une technique de négociation qui consiste à demander beaucoup pour obtenir un bon résultat, mais il demande près de 40% d'augmentation sur quatre ans, ainsi que la semaine de 4 jours payés 5 jours. Il l'exige, même. C'est parce qu'il pense qu'il en a les moyens. Son syndicat a une caisse de grève estimée à plus de 800 millions de dollars. Et toute historique qu'elle soit, cette grève ne concerne pour l'instant que 18 000 syndiqués sur 150 000. Bref, Shawn Fain en a encore sous la pédale et ne se prive pas de poser des ultimatums aux constructeurs en les menaçant d'aller plus loin. 

    Estelle Brachlianoff : la patronne de Veolia impose son minimum social

    Play Episode Listen Later Sep 22, 2023 4:02


    Le géant français de l'eau et de la gestion des déchets lance un socle commun de protection sociale pour ses 213 000 employés dans le monde. Une mesure à l'image de la nouvelle patronne du groupe, Estelle Brachlianoff est la directrice générale de Véolia. Portrait de la semaine d'Aujourd'hui l'éco. Avec Catherine MacGregor chez Engie et Christel Heydemann chez Orange, Estelle Brachlianoff fait partie des trois seules femmes à diriger une entreprise du CAC 40. Avant d'être nommée directrice générale de Veolia en juillet 2022, à la veille de ses 50 ans, elle a gravi tous les échelons, coché toutes les cases.Élevée par une mère ingénieure, petite fille d'un immigré bulgare dont elle a gardé le nom de famille, elle rêvait enfant d'être astronaute. À défaut de marcher sur la lune, elle intègre l'élite française des écoles d'ingénieurs : diplômée de Polytechnique et de l'École des ponts, elle rejoint Veolia en 2005. Après des débuts dans la branche Déchets en Île-de-France, puis au Royaume-Uni, elle dirige l'ensemble des activités britannique et irlandaise de Veolia entre 2012 et 2018, pile au moment où le Royaume-Uni choisit le Brexit. Le PDG de Veolia Antoine Frérot la nomme ensuite directrice générale des Opérations et en fait sa dauphine. Pendant quatre ans il va la préparer à prendre sa succession. « Parce que c'est la meilleure », expliquait-il simplement au journal les Echos. Antoine Frérot a passé la main après douze années à la tête du groupe mais il ne s'est pas complètement effacé puisqu'il conserve le titre de président au moins jusqu'en 2026.À la journaliste de Radio Classique qui lui demande si ce fonctionnement bicéphale l'inquiète, la nouvelle directrice générale répond dans un sourire en paraphrasant Montaigne : « Ça va bien se passer, parce que c'est lui et parce que c'est moi. Parce qu'on se connaît depuis longtemps et qu'on s'apprécie. » De fait, Antoine Frérot ne manque pas une occasion de rappeler qu'ils forment un duo depuis longtemps déjà et que le redressement de Veolia est aussi à mettre au crédit de son ancienne numéro 2. Après l'OPA sur Suez en 2020, quand Veolia a soudainement avalé 60 % des activités de son ancien rival et absorbé 40 000 nouveaux salariés, c'est elle qu'il a chargé de piloter le rapprochement. Un défi relevé sans casse. Pour des raisons de respect de la concurrence, « la majorité de l'intégration de Suez s'est faite hors de France », rappelle à RFI Vincent Huvelin, élu CGT chez Veolia. « Mais de façon générale, l'OPA de Veolia sur Suez s'est plutôt passée de façon correcte sur le plan social », note le représentant syndical.« Même aux Etats-Unis, il n'y a pas de congé maternité payé »Autre signal positif envoyé par la nouvelle patronne aux partenaires sociaux : la mise en place de Veolia Cares, un socle commun de protection sociale étendu à l'ensemble des 213 000 employés du groupe à travers le monde. « Une des premières décisions que j'ai prises en tant que directrice générale, parce que ça me tient à cœur », insistait Estelle Brachlianoff sur BFM Business. Parmi les mesures les plus fortes : dix semaines de congé maternité, une semaine de congé de coparentalité, qui s'applique à tous les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle, et une couverture santé, précise Veolia sans toutefois révéler quel budget lui sera alloué.Veolia Cares prévoit aussi un accompagnement pour les salariés qui doivent prendre en charge un proche malade. Des droits « qui paraissent évident quand on est en France, on se dit que ça change quand on pense aux pays du Sud mais même aux Etats-Unis, il n'y a pas de congé maternité payé », soulignait Estelle Brachlianoff au moment de l'annoncer en mars dernier. Plus anecdotique, les salariés auront droit à une journée de congé par an à consacrer à une œuvre caritative ou à la protection de l'environnement.Contacté, Veolia assure que ces nouveaux droits s'appliquent depuis le 1ᵉʳ septembre 2023. D'après nos informations le déploiement serait plus lent par endroit et le détail encore en train d'être présenté aux salariés dans certains pays. Reste que la mesure est saluée par les syndicats : « Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas ici et là des sujets de désaccord, mais sur celui-ci, il n'y a pas de débat », tranche Florencio Martin élu CFDT à Veolia qui y voit « une vraie volonté » de la part de la direction de Veolia que les salariés soient réellement parties prenantes de l'entreprise. « Rien que la couverture santé, c'est extrêmement important », renchérit Hervé Deroubaix, ancien représentant syndical Veolia Eau et désormais secrétaire général de la CFDT syndicat national des personnels de l'eau et de l'assainissement (SNPEA). « Même aujourd'hui en France, certains salariés ne voient jamais de médecin traitant. Le seul médecin qu'ils voient c'est via la médecine du travail. L'accès à une couverture santé, c'est la garantie d'un accès rapide aux soins. Et ce n'est pas un gros mot que de le dire : un salarié en bonne santé c'est aussi une meilleure productivité ».Une personnalité « à l'écoute » mais parfois rigideChez Veolia, moins de 20 % des « ressourceurs » (les salariés dans le langage corporate de l'entreprise) sont cadres. Les 80 % restant inspectent les canalisations, trient les déchets, assurent la maintenance... Ils appartiennent à la masse des premiers de corvée dont il fut tant question aux débuts de la pandémie. C'est d'ailleurs la période des confinements qui a brutalement mis en lumière les disparités entre les salariés du groupe à travers le monde, souligne Vincent Huvelin. Le syndicaliste y voit l'origine probable de Veolia Cares. Avec cette mesure Estelle Brachlianoff s'inscrit dans une longue tradition du capitalisme social à la française. Veolia assume d'appartenir à ces multinationales tellement grandes et puissantes qu'elles en viennent à remplir, même a minima, le rôle des Etats et des gouvernements.Chez Estelle Brachlianoff, les représentants syndicaux de Veolia avec qui RFI a pu échanger saluent une personnalité « à l'écoute » et « pas langue de bois » « Elle se situe dans la droite ligne d'Antoine Frérot », estime Vincent Huvelin. « On n'est pas dans le bras de fer, il y a de l'échange, de la communication. On n'est pas toujours d'accord mais au moins, il y a de l'écoute. » « On le voit aussi dans l'actionnariat salarié », précise-t-il. Et c'est vrai que l'opération d'actionnariat salarié lancée l'an dernier est un succès. 75 000 salariés y ont souscrit. Tous ensemble ils détiennent un peu plus de 6 % du capital, ce qui de manière très symbolique permet à Estelle Brachlianoff de dire qu'ils sont « le premier actionnaire de Veolia ». En pleine inflation, des tensions existent néanmoins, sur la question des salaires notamment.Travailleurs sans-papiersLes partenaires sociaux soulignent également qu'aussi généreuses soient-elles, les mesures sociales du programmes Veolia Cares ont été prises de manière unilatérale et sans consultation. Estelle Brachlianoff est née à Neuilly-sur-Seine, ville cossue de l'Ouest parisien dont elle a gardé une façade bourgeoise et distinguée, parfois rigide. Elle ambitionne de faire de Veolia le numéro 1 de la transition écologique dans le monde. Elle évoque volontiers ses deux adolescents qui la rappellent régulièrement à ses devoirs générationnels. Pour y arriver il va falloir faire mieux sur la question de la réutilisation des eaux usées, sur les déperditions d'eau considérables dans les canalisations vieillissantes du monde entier. Veolia a aussi été mis en cause par des défenseurs de l'environnement en Colombie  pour sa gestion d'une décharge, ce que l'entreprise conteste. Plus récemment en France le groupe a été accusé d'employer via un sous-traitant des travailleurs sans-papiers. Le groupe assure avoir pris des dispositions et cessé toute collaboration avec le prestataire mis en cause, Veolia promet d'examiner chaque cas de manière individuelle mais se refuse à toute mesure collective.

    Terry Gou, homme d'affaires taïwanais, candidat à la présidentielle de 2024

    Play Episode Listen Later Sep 1, 2023 4:18


    Le portrait éco de ce vendredi 1er septembre nous emmène à Taïwan, l'île démocratique où le richissime homme d'affaires Terry Gou, ancien PDG du géant industriel Foxconn, a annoncé en début de semaine son intention de se présenter à la présidentielle de 2024.  Terry Gou est le fondateur et l'ex-PDG du géant industriel Foxconn. Il a fait fortune en Chine et il rappelle aux observateurs un certain président américain... « J'ai décidé de me porter candidat à l'élection présidentielle 2024 », a-t-il annoncé.Difficile, en voyant Terry Gou au moment de faire sa déclaration de candidature, de ne pas penser à Donald Trump, et pas seulement parce qu'il arrive coiffé d'une casquette. Il a 72 ans, deux ans de plus que l'ancien président américain quand il a été élu à la Maison Blanche, et lui aussi se verrait bien bousculer le système politique de son pays.Ja-Ian Chong est professeur associé en sciences politiques à l'université nationale de Singapour :« Il y a des similitudes : comme Trump, c'est un homme d'affaires qui a réussi, il n'a pas vraiment d'expérience politique, il fait campagne et il se vend en disant qu'il est riche parce qu'il sait diriger une entreprise et que s'il sait diriger une entreprise,  il saura gouverner un pays », explique Ja-Ian Chong, professeur associé en sciences politiques à l'université nationale de Singapour.Justement, sa fortune, parlons-en...Elle est évaluée à plus de 7 milliards de dollars. Il la doit largement à Foxconn, l'entreprise qu'il a fondée, spécialisée dans la fabrication industrielle de matériel électronique. Ses clients s'appellent Apple, Blackberry, Nokia, Amazon... Foxconn est l'une des 20 entreprises les plus profitables au monde. C'est une multinationale qui a la particularité d'être basée à Taïwan et d'avoir parmi ses clients de grandes multinationales américaines, mais l'essentiel de ses usines en Chine.C'est un atout ?Terry Gou le pense. À propos de la casquette qu'il portait au moment de se déclarer candidat : dessus, il y avait le drapeau de Taïwan, accompagné des trois lettres R.O.C. pour Republic of China (République de Chine). C'est le nom officiel de Taïwan, mais c'est surtout un signal envoyé à Pékin : lui ne cherchera pas à bousculer le statu quo. Alors que la Chine menace régulièrement d'envahir Taïwan, Terry Gou est partisan d'un rapprochement avec Pékin et accuse le DPP, le parti nationaliste au pouvoir, d'avoir provoqué les tensions actuelles en se rapprochant de Washington.« Face à la détérioration des relations de part et d'autre du Détroit de Taïwan, et des relations entre la Chine et les Etats-Unis, Taïwan ne doit pas devenir une nouvelle Ukraine, et je ne laisserai pas Taïwan devenir une nouvelle Ukraine ! », a-t-il clamé.Comment est-ce qu'il entend s'y prendre ?Terry Gou compte sur les bonnes relations qu'il entretient avec les autorités chinoises issues de son expérience à la tête de Foxconn.« Il a pu ouvrir des usines de plusieurs milliers d'ouvriers un peu partout en Chine, ça prouve qu'il a réussi à établir une relation de confiance avec les autorités chinoises, au moins au niveau local. Mais attention, on voit que la Chine aujourd'hui n'hésite plus à s'en prendre aux entreprises, y compris les entreprises de la tech, y compris les entreprises étrangères. Donc la question, c'est de savoir si ces connexions qu'il a établies dans le passé peuvent encore lui servir aujourd'hui », reprend Ja-Ian Chong.Reste que si son principal argument est de gouverner Taïwan comme il a dirigé Foxconn, il y a de quoi s'inquiéter, selon Ja-Ian Chong : « Son succès en Chine, il le doit à ses énormes usines associées à des suicides d'ouvriers du fait des mauvaises conditions de travail. Il y a eu des mouvements de protestation et Terry Gou a reçu l'aide du gouvernement chinois pour les réprimer. Donc s'il veut diriger Taïwan comme il a dirigé ces usines, les électeurs vont peut-être y réfléchir à deux fois. »Et puis, Terry Gou n'est pas le seul candidat d'opposition...Non, il est persuadé de pouvoir convaincre ses adversaires de ranger derrière lui. Mais pour l'instant, dans les sondages des quatre candidats déclarés, il est bon dernier.

    Procès du siècle: Clotilde Bato, fervente défenseuse de la cause paysanne et du climat

    Play Episode Listen Later Jul 28, 2023 2:57


    En plus de présider l'association «Notre Affaire à Tous», à l'origine du «procès du siècle» remporté contre l'État français pour inaction climatique, Clotilde Bato dirige l'ONG SOL et le collectif Nourrir qui s'engagent à refonder le système agricole. Cette militante éco-féministe, défenseuse de la cause paysanne, multiplie les actions en France et à l'international pour tenter de faire bouger les lignes d'un système à bout de souffle.

    Daniel Kretínsky, le milliardaire tchèque qui vise Casino

    Play Episode Listen Later Jul 21, 2023 4:07


    Le milliardaire français Marc Ladreit de Lacharrière a fait alliance avec un autre milliardaire, le Tchèque Daniel Kretínsky et ils sont en passe de racheter le Groupe Casino. Cet homme de 48 ans, discret francophile, est à la tête d'une fortune estimée à 9,4 milliards de dollars. Un empire fondé sur l'énergie, la presse, l'industrie culturelle et la grande distribution. Retour sur les multiples acquisitions de l'homme d'affaires, à travers les yeux de celles et ceux qui travaillent pour lui. Il a mis ses premiers œufs dans le panier du transport de gaz russe il y a plusieurs années. Aujourd'hui, Daniel Kretínsky possède le cinquième énergéticien d'Europe : EPH. Sa filiale française s'appelle GazelEnergie. Six parcs éoliens, deux centrales solaires – deux au gaz et deux à charbon – qu'il rachète en 2019 à l'Allemand Uniper, en perte de vitesse. À sa tête, il y place Jean-Michel Mazalerat, une vieille connaissance rencontrée en République tchèque il y a 20 ans.  « C'était un jeune juriste qui avait assez tôt identifié que certaines choses allaient bouger dans l'énergie. Il y avait donc des actifs qui étaient vendus à la casse. C'est quelqu'un qui avait un bel avenir. Il fait partie de ces gens qui ont vécu le communisme des années 60, 70 et 80. Pour eux, la France c'était l'exemple d'un pays libre, moderne et européen. Ça les a fait rêver et pour beaucoup, ils en sont tombés amoureux. »Un investissement sur un marché risquéSon arrivée sur le marché français a de quoi poser question. Le gouvernement vient en effet de confirmer l'arrêt progressif des centrales à charbon d'ici à 2022. Jean-Pierre Damm, délégué syndical Force ouvrière, travaille sur le site de la centrale de Saint-Avold depuis 50 ans. L'arrivée du milliardaire tchèque est une surprise.« Nous savions en France, et en Europe – et donc Daniel Kretínsky devait le savoir – que les centrales à charbon n'avaient plus d'avenir. Mais quand un patron achète quelque chose, quand il investit, c'est qu'il sait qu'il va gagner de l'argent. »Guerre en Ukraine ou retard dans le calendrier de transformation des usines ? Cette centrale de l'est de la France est relancée en 2022 pour satisfaire les besoins en électricité du pays. Une aubaine pour le nouvel actionnaire majoritaire, qu'il n'a pas manqué de redistribuer, reconnait Jean-Pierre : « Aujourd'hui, les salariés ont des primes qui sont assez conséquentes. Daniel Kretínsky gagne beaucoup d'argent, certes, mais je reconnais qu'il a partagé le bénéfice comme jamais quelqu'un ne l'a partagé sur le site ». Le salarié attend toutefois qu'il mette ses projets à l'œuvre, car l'avenir du site est toujours aussi incertain. Un empire médiatique eurocentréDaniel Kretínsky est aussi à la tête d'un empire médiatique qui grossit. À travers le groupe Czech Media Invest (CMI), il rachète plusieurs titres de presse français comme Elle, Télé 7 jours, ou encore Marianne. C'est d'ailleurs dans cet hebdomadaire d'actualité qu'il commet son premier faux-pas. En 2022, en pleine élection présidentielle française, il est accusé d'ingérence par les rédacteurs. Il serait « intervenu directement » pour modifier la Une du magazine, afin d'édulcorer un titre jugé trop sévère envers Emmanuel Macron. En 2018, il s'offre aussi des parts du journal Le Monde, premier quotidien national en termes de tirage. Son entrée au capital pose questions. Sur le plateau de Canal+ l'année suivante, il explique que son investissement est une démarche citoyenne : « Je suis tout simplement que la presse est absolument fondamentale aujourd'hui pour protéger les grandes valeurs de notre société, pour protéger la démocratie libérale en Europe. »L'industrie culturelle dans sa ligne de mireOn le retrouve également au capital de la Fnac dont il détient un quart des actions. Sa présence chez le premier vendeur de livres en France pourrait poser problèmes à l'avenir. Daniel Křetínský a signé plus tôt dans l'année un accord avec Vivendi pour lui racheter Editis (deuxième groupe d'éditions en France avec une cinquantaine de maisons). Vicent Bolloré doit impérativement s'en séparer puisqu'il convoite Hachette, le premier groupe d'édition du pays. La Commission européenne le lui a imposé pour éviter le monopole de ces gros acteurs du marché. Du côté de Kretínsky, Bruxelles pourrait au même titre lui demander de renoncer à Editis pour éviter une hyperconcentration et des échanges d'informations entre distributeurs et éditeurs. Un acquéreur solide pour CasinoSon dossier du moment est surtout le rachat du groupe Casino dans lequel on retrouve les magasins Monoprix, Franprix, ou encore la plateforme Cdiscount. Avec son associé Marc Ladreit de Lacharrière, autre milliardaire mais français, ils sont les derniers en lice. À eux seuls, ils détenaient déjà 12% des actifs du groupe. Pour en obtenir 100%, ils proposent d'injecter 1,1 milliard d'euros pour relancer les enseignes, en sécurisant les emplois et en développant de nouveaux magasins. Alida Melizi, déléguée syndicale Force Ouvrière, accueille la proposition de manière favorable. « De notre côté, il nous parait solide, car il en a la capacité financière. On a eu des échanges avec des collaborateurs proches de Daniel Kretinsky et ils nous ont assuré qu'il y aurait des investissements sur des embauches, sur de la rénovation. En tout cas, on est face à quelqu'un qui tient à avoir Casino et qui fait les démarches nécessaires dans ce sens-là. »Un amoureux du ballon rondGrand amateur de football, la galaxie Kretínsky compte aussi le club le plus titré de République tchèque, l'AC Sparta Prague, qu'il acquiert en 2004. Depuis, il s'est aussi offert une part du club anglais West Ham. Selon le journal L'Équipe, une clause lui permettrait même de prendre le contrôle du club à moyen-terme. Son nom a également circulé plus tôt dans l'année au sujet d'une éventuelle reprise de l'ASSE, le club de Saint-Étienne, en difficulté financière. Une rumeur fondée principalement sur une coïncidence : le partenaire historique des Verts n'est autre que Casino.

    Les Aponte, la discrète famille à la tête de l'empire MSC

    Play Episode Listen Later Jul 14, 2023 4:33


    Le conseil de l'Organisation maritime mondiale (OMI) est réuni en ce moment pour sa 129e session, au cours de laquelle elle a révisé les objectifs de décarbonation du secteur. L'occasion pour RFI de vous proposer, non pas un portrait, mais une photo de famille : celle des Aponte, propriétaires de MSC, devenue, l'an dernier, numéro un mondial du transport maritime.   Toujours à la barre du paquebot familial : Gianluigi Aponte, qui a le pied marin depuis le début. Un diplôme de l'Académie maritime italienne en poche, cet Italien originaire de Sorrente, au sud de Naples, commence « comme capitaine sur un petit bateau de tourisme que vous auriez pu croiser en allant en vacances dans le golfe de Naples », raconte Sylvain Besson, journaliste dans la cellule investigation de Tamedia et auteur d'une enquête sur la famille Aponte. « Sa famille était active dans ce domaine. »La légende veut que ce soit sur l'une des navettes pour Capri qu'il rencontre sa femme, Rafaela Diamant, fille d'un banquier basé en Suisse. Banquier, il le deviendra aussi pour quelques années avant que l'appel de la mer ne se fasse entendre à nouveau. Gianluigi Aponte et sa femme achètent alors un premier navire. L'aventure commence. Le succès est au rendez-vous. « Gianluigi Aponte a cette particularité d'être un excellent commerçant, souligne Yann Allix, délégué général de la fondation Séfacil. Il va développer des services en utilisant souvent au départ des navires de seconde main. Il va toujours être très compétitif. »Il opère ensuite la mue vers les porte-conteneurs et MSC croît peu à peu jusqu'à revendiquer une flotte de 760 bateaux, sans oublier les paquebots. Une ascension que Gianluigi Aponte « construit en dehors des circuits financiers traditionnels, résume Yann Allix. C'est une entreprise qui revendique son indépendance, qui grandit par croissance uniquement endogène, et qui ne va pas sur les marchés pour lever des capitaux. »À lire aussiAccord international en demi-teinte pour réduire la pollution du secteur maritimeOrganigramme familialUne entreprise familiale donc. Rafaela, la femme de Gianluigi Aponte, est chargée de la décoration des paquebots ; Diego, leur fils, a été nommé PDG de MSC Mediterranean Shipping Company SA ; Alexa, leur fille, est directrice financière. Gendre et belle-fille sont également de la partie.   « Selon la réputation de MSC, Gianluigi décide dans une structure très pyramidale, il connaît à peu près toutes ses lignes, tous ses navires, explique encore le délégué général de la fondation Séfacil. L'héritage de Gianluigi, c'est que Diego reproduit un peu cette manière de prendre des décisions. Cela a un énorme avantage : c'est une entreprise qui peut prendre des décisions très rapides. »Et si Diego Aponte est devenu PDG de MSC Mediterranean Shipping Company SA en 2014, « le père de famille n'a pas levé le pied. C'est en tout cas le message officiel », assure Sylvain Besson, avant de poursuivre : « Il n'a pas lâché la bride à ses enfants, c'est toujours lui qui est à la manœuvre. »  Le goût de la discrétionEt comme MSC n'est pas cotée en bourse, les affaires de famille restent en famille. L'entreprise ne publie pas ses résultats.  Selon une estimation diffusée dans le média suisse Le Matin dimanche, la compagnie basée à Genève pèserait dans les 100 milliards de dollars. Forbes classe Gianluigi Aponte au 47e rang des personnes les plus riches du monde avec une fortune estimée à 31 milliards de dollars. Sa femme, Rafaela Aponte, qui détient la moitié de l'entreprise, est même dans le top 10 des femmes les plus riches du monde. Des estimations donc. « Ce que l'on sait, en revanche, c'est que ce n'est pas une famille qui dépense de manière exubérante son argent, commente Sylvain Besson. Certes, ils ont quelques belles choses. Gianluigi Aponte a un yacht mais il ne dépense pas de manière démonstrative. »À lire aussiPourquoi la transition énergétique du fret maritime patineLes Aponte goûtent la discrétion et pas seulement sur les questions de finances. Leurs interventions médiatiques restent rares. Discrets, mais présents un peu partout. Dans pas moins de 155 pays. Entre autres en Afrique. La première ligne créée par le couple Aponte dans les années 1970, c'était d'ailleurs Anvers-Mogadiscio. Le début de l'histoire africaine de leur empire.Et puis, « MSC est revenu peut-être encore plus fort en Afrique il y a un peu plus d'une décennie, avec une stratégie très particulière, analyse Yann Allix. Ils ont fait de Lomé, au Togo, un hub, c'est-à-dire une zone d'éclatement de marchandises sur toute l'Afrique de l'Ouest, sur toute l'Afrique du Centre. Ils ont développé des services avec l'Asie vers l'Afrique, des services directs avec des temps de transit beaucoup plus courts et avec des navires beaucoup plus gros ».Rachat d'actifs de Bolloré en AfriqueLe point d'orgue, c'est le rachat, finalisé en décembre dernier, de Bolloré Africa Logistics. Bien que la croissance de MSC ait longtemps été organique, « ce n'est pas un changement de stratégie, estime Sylvain Besson. C'est plutôt un changement d'échelle au sens où maintenant ils ont les moyens de réaliser des acquisitions énormes ».Les emplettes de la famille Aponte ces dernières années, ne se limitent pas à Bolloré Africa Logistics. Au bénéfice de la hausse des prix du fret liée à la pandémie de Covid-19, MSC a agrandi sa flotte.  La famille Aponte a aussi des liens en France et ils font des remous. Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Élysée, est un cousin éloigné de Rafaela Aponte. Il est soupçonné d'avoir participé en tant que haut fonctionnaire entre 2009 et 2016 à plusieurs décisions relatives à MSC. Le bras droit d'Emmanuel Macron a été mis en examen pour prise illégale d'intérêt.

    Félix Lengyel, alias xQc, la star du livestream au cœur de la guerre entre Twitch et Kick

    Play Episode Listen Later Jul 7, 2023 3:48


    Il vient de signer le contrat le plus juteux de l'histoire du divertissement en ligne. Portrait du streamer canadien Félix Lengyel, alias xQc. Véritable star de la plateforme de streaming Twitch, le vidéaste anglophone vient de s'engager avec le concurrent Kick. Un nouveau service de streaming qui veut, coûte que coûte, faire de l'ombre à Twitch, le leader du marché. Cent millions de dollars. C'est ce qu'a déboursé Kick pour s'offrir durant deux ans les services de Félix Lengyel, alias xQc, x pour Félix et QC pour Québec d'où il est originaire. C'est aujourd'hui l'un des streamers les plus populaires au monde, ce qui justifie amplement ce contrat hors-norme, selon son agent Ryan Morrison.« Je pense qu'il vaut bien plus que ça. Plus de gens regardent Félix que n'importe quel athlète ou star que vous pouvez imaginer. Le contrat de Félix est bien plus important que celui de Lionel Messi à Miami ou celui de Lebron James. Et il vaut chaque centime, car si vous demandez au hasard à une personne de moins de 25 ans qui est son artiste préféré, il y a de fortes chances qu'elle vous réponde xQc. Il n'y a littéralement personne qui mérite un plus grand investissement dans le monde du divertissement en ce moment. »xQc, qui cumule aujourd'hui plus de 12 millions d'abonnés sur Twitch et plus de 20 000 heures de stream, diffuse donc désormais des live sur son compte Kick, où il compte plus de 426 000 abonnés.Une communauté fidèleL'histoire de xQc commence en 2015. Félix Lengyel n'a alors que 19 ans quand il décide d'arrêter ses études pour lancer sa chaîne Twitch. Il se filme alors en train de jouer à des jeux vidéo, notamment à Overwatch, un jeu de tir à la première personne. C'est avec ce titre qu'il intègre le monde professionnel et qu'il devient l'un des meilleurs joueurs du monde, notamment lors de la Coupe du monde 2017.S'ensuit une explosion de son audience et des scandales, après des propos homophobes et racistes, qui le poussent à se retirer de la scène professionnelle. Il se consacre alors entièrement au streaming et devient vite la superstar de Twitch.Avec du jeu vidéo, des réactions poussées à l'extrême et des formats innovants, xQc a trouvé la recette du succès avec un ingrédient magique : une personnalité exubérante.« Je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme Félix. Vous savez, c'est un artiste. Il montre donc forcément du caractère dans ses streams. Il est très excité et très démonstratif. Mais en dehors des streams, c'est quelqu'un qui est passionné et très divertissant. Je pense vraiment que la personnalité de Félix est l'une des principales raisons de sa popularité », confie son agent et ami Ryan Morrison.Le symbole d'une nouvelle rivalité dans l'industrieAvec ce contrat de 100 millions de dollars, Félix Lengyel est devenu le symbole de la rivalité entre le géant Twitch, propriété d'Amazon, et le petit nouveau Kick, lancé par un milliardaire australien qui a fait fortune dans les casinos en ligne.Pour concurrencer Twitch, Kick n'hésite pas à se payer au prix d'or des vedettes comme xQc, l'objectif étant de ramener des spectateurs sur sa plateforme. Une stratégie non sans risques. « Ce qu'achète Kick en réalité, ce n'est pas xQc, c'est sa communauté. Dans une étude sociologique, on a montré qu'une grande partie du public s'implique dans les communautés des streamers non seulement pour accéder aux streamers, mais aussi pour accéder aux autres viewers (spectateurs) qui forment une communauté. Donc à partir du moment où il y a une chute de viewers lors du passage sur Kick, cela crée un effet boule de neige puisque c'est d'autant moins attractif vu qu'il y a moins de monde. C'est ce qui rend difficile le transfert d'une communauté d'une plateforme à une autre », explique Nathan Ferret, doctorant en sociologie à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), spécialiste des plateformes de streaming.Au-delà de faire venir des stars, Kick mise aussi sur une meilleure rémunération des streamers et sur une modération presque inexistante. Une stratégie audacieuse avec un modèle économique qui paraît difficilement tenable à long terme. Plusieurs acteurs avaient déjà tenté la même chose, comme Microsoft avec Mixer. La plateforme avait tenu quatre ans, avant de mettre la clef sous la porte. Mais Ryan Morrison, l'agent de xQc, reste confiant : « cette nouvelle plateforme est incomparable avec Mixer. Kick a de l'avenir », assure-t-il.

    Quandela: lancement de la première usine d'ordinateurs quantiques de l'Union européenne

    Play Episode Listen Later Jun 30, 2023 4:39


    C'est l'histoire d'une start-up, Quandela, qui a ouvert la semaine dernière la première usine d'ordinateurs quantiques de l'Union européenne. Les ordinateurs quantiques, ce sont ces outils capables de réaliser des calculs très rapidement. Derrière ce projet, une histoire inédite. Il y a une professeure et ses deux élèves. Un portrait éco réalisé par Arthur Poncelet. Oui, ils sont trois : Valérian Gièse, Niccolo Somasski et Pascale Senellart. Dix ans que ces ingénieurs travaillent ensemble. C'est à l'univsersité Paris-Saclay qu'ils se sont rencontrés. Pascale Senellart, directrice de recherche au centre de nanotechnologies du CNRS était aussi la directrice de thèse des deux hommes.Ensemble, ils manipulent des photons, des particules de lumière qui permettent de réaliser des calculs très rapidement. Pascale Senellart travaillait déjà sur le sujet, mais l'arrivée de ces deux nouveaux étudiants a tout changé. Nous sommes alors en 2017. Ensemble, ils fondent la start-up QuandelaObjectif : développer un ordinateur quantique, comprenez : un outil capable de faire des opérations extrêmement rapidement. Une révolution dans le monde de l'informatique, puisque l'ordinateur de Quandela fait la taille d'un réfrigérateur.Niccolo Somasski, surnommé « magic finger » pour son habileté technologique, devient directeur technique de la start-up. Pascale Senellart, elle, est en charge de la stratégie.Et puis, il y a Valérian Gièse, 34 ans, le PDG de cette petite entreprise. Ingénieur de formation, il prend la tête de Quandela pour ses capacités relationnelles. Rejoindre cette aventure, c'était une évidence pour Valérian Gièse. Depuis 2017, cette start-up n'a cessé de se développer. Au point d'attirer l'attention de grands groupes industriels... Thalès, l'ONERA, OVH... Au total, Quandela compte près de 300 clients. Parmi eux, il y a par exemple EDF : grâce à Quandela, ils ont développé des algorithmes pour mieux étudier le comportement des barrages hydroélectriques. Objectif : anticiper les opérations de maintenance. Mais tout ce développement a un coût. Si bien que Quandela et ses équipes ont réussi à lever 15 millions d'euros depuis sa création... Des financements publics, notamment de la Banque publique d'investissements française. Mais aussi des fonds privés. Comme Omnes capital, qui a investi plusieurs millions d'euros dans la start-up. Fabien Collangettes a été immédiatement séduit par le trio. Mais ces investissements ne sont rien comparés aux centaines de millions de dollars dépensés par les concurrents de Quandela. Pourtant, la petite start-up parvient à être très compétitive. Preuve que sa technologie est efficace et que fonder une start-up avec sa professeure n'est pas une si mauvaise idée que ça.

    Hyacinthe Niyitegeka, une «force tranquille» pour le climat

    Play Episode Listen Later Jun 23, 2023 4:15


    Hyacinthe Niyitegeka, négociatrice climat rwandaise de 30 ans, est investie dans la coalition des « pertes et dommages ». Un sujet au menu du sommet pour un nouveau pacte financier entre Nord et Sud qui se tient ces 22 et 23 juin à Paris. Portrait d'une jeune femme déterminée, à la fois scientifique et activiste pour le climat. Elle n'est pas au sommet mais depuis Kigali, elle scrute la moindre prise de paroles tant les enjeux sont importants. Hyacinthe Niyitegeka est engagée pour l'Afrique, pour le Rwanda où elle nait il y a trente ans dans une zone rurale, dans l'est du pays. C'est au lycée, qu'elle prend conscience des enjeux environnementaux et qu'elle forge ses convictions : « Un jour, il y a eu une conférence qui parlait des ravages de la désertification, se souvient-elle. Je viens d'une région très sèche où la population dépend de l'agriculture. Quand il ne pleut pas, cela veut dire qu'on va souffrir et donc que ma famille va souffrir. À ce moment-là, je suis devenue très inquiète. "Que va-t-il se passer quand nous n'aurons plus d'eau ? Allons-nous partir ailleurs ? Notre pays est si petit". Je me posais beaucoup de questions alors j'ai décidé de m'intéresser davantage à ce problème. »Engagée pour un fonds « pertes et dommages »Hyacinthe Niyitegeka étudie la gestion de l'eau à l'université d'Addis-Abeba, puis la sécurité alimentaire aux Pays-Bas. Elle est souvent en déplacement, mais connectée en permanence à son continent puisqu'elle est aujourd'hui en première ligne dans les discussions sur les Pertes et Dommages. Objectif : la création d'un fonds pour soutenir les populations qui subissent les pires impacts du changement climatique. Pour le nourrir, une somme minimale de 400 milliards de dollars par an a été préconisée. Les pays développés y contribueraient et il y aurait aussi d'autres financements émanant de taxes qui restent à créer. À lire aussiEn Afrique, de plus en plus de déplacés internes en raison des conflits et du climatLes propositions concrètes ne font pas l'unanimité, les décisions tardent. Alors Hyacinthe Niyitegeka négocie : « Dans les négociations, je représente mon pays à 100%. J'attends toujours, et c'est le cas pour ce sommet de Paris, que les participants comprennent mieux la réalité des pertes et dommage. La situation empire, les populations sont de plus en plus affectées et la réponse aux impacts du changement climatique est trop lente, c'est ça la réalité. »Une conciliatrice hors pairDes négociations rudes, semées d'embuches, comme ce fût le cas la semaine dernière à Bonn en Allemagne lors des discussions pré-COP28. Elle doit batailler, et faire s'entendre des gouvernements, des ONG, des chercheurs. « Hyacinthe, pour moi, c'est la force tranquille, témoigne Fanny Petitbon, responsable plaidoyer pour l'ONG Care-France, proche de Hyacinthe Niyitegeka. Elle n'a pas un rôle facile mais elle essaye de nous aider à maintenir le cap vers toujours plus d'ambition. Malheureusement, les pays riches font tout pour essayer notamment de diviser les pays du Sud et les pays émergents qui peuvent avoir des intérêts divergents, notamment sur les sujets de financement climat et au contraire, Hyacinthe nous aide à concentrer notre plaidoyer, à être le plus impactant possible. »Nouvelle réunion à BangkokAu sein de la coordination des Pertes et Dommages, Mamadou Sylla est plus qu'un collègue. C'est un ami, ébahi devant la capacité de travail de la négociatrice rwandaise : « Elle est très sérieuse et rigoureuse dans le travail. Diriger un groupe de plus d'une centaine de jeunes qui viennent des quatre coins du monde, qui ont différents tempéraments, avec des qualités mais aussi des défauts. Ça n'est pas donné à tout le monde et elle, elle le réussit très bien. »Organiser la société civile et la stratégie de la lutte pour les pertes et dommages, c'est un travail long, fastidieux. Elle le poursuivra en juillet à Bangkok lors de la nouvelle réunion sur le financement du fonds ​​​​​« pertes et dommages » pour élaborer des recommandations qui seront examinées et adoptées par la COP28.À lire aussiONU: Kagame et Issoufou défendent l'écologie et la lutte contre les inégalités

    Marylise Léon, une coureuse de fond à la tête de la CFDT

    Play Episode Listen Later Jun 16, 2023 3:57


    À 46 ans, elle s'apprête, le 21 juin, à prendre la tête du premier syndicat de France. En tant que secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon succèdera à Laurent Berger qui passe la main après plus de dix ans en première ligne. Le choix de la continuité. Son arrivée à la tête de la CFDT n'est pas une surprise : elle était la numéro deux de Laurent Berger depuis le congrès de Rennes en 2018. À l'époque, elle est élue par les adhérents avec 97,97% des suffrages. C'est à peine moins que les 99% qu'elle avait obtenu quatre ans plus tôt lorsque, à 37 ans, elle était devenue secrétaire nationale en charge des questions industrielles. Elle est alors la mieux élue des dix membres de l'instance dirigeante de la CFDT.Marylise Léon connaît bien l'industrie. Elle est titulaire d'un DESS « Qualité chimique et biologique des atmosphères », l'équivalent d'un master. Après ses études, elle rejoint un cabinet de conseil où elle travaille sur les questions de sécurité environnementale en entreprise. Une période au tout début des années 2000, marquée par l'explosion accidentelle de l'usine AZF de Toulouse, le 21 septembre 2001. L'événement met au cœur des débats la question de la sécurité, notamment environnementale, des sites industriels. Deux ans plus tard, consciente de ses lacunes, la fédération chimie-énergie de la CFDT lui demande de former les militants sur ces questions.Sensibilisée très tôt aux questions d'environnementUn parcours qui la sensibilise aux questions d'environnement et de transition climatique quand celles-ci n'étaient pas encore à la mode. « Si on veut changer l'économie, la mettre au service de l'écologie et de la lutte contre les injustices sociales, ça ne peut pas être "fromage ou dessert", expliquait-elle en 2020. Ce qui veut dire qu'on va être confronté à des dilemmes : lorsque vous avez des secteurs entiers carbonés qui doivent aller vers une transition écologique, il va y avoir des enjeux en termes d'emploi et de travail. » La solution, veut-elle croire, c'est « la qualité du dialogue social » pour « associer les gens aux décisions qui les concernent ». Sa philosophie. En 2015, en amont de la COP21, la conférence de l'ONU sur le climat qui se déroule à Paris, elle publie même un article académique détaillant une « approche syndicale du Développement durable ».Marylise Léon prendra la tête du premier syndicat de France le jour du solstice d'été. Comme le symbole d'une page qui se tourne après un hiver et un printemps social bouillants. Une période que Laurent Berger a résumée d'une formule quasi oxymorique : « Une défaite productive. » D'un côté, les syndicats sortent vaincus : la réforme des retraites est passée, sans vote à l'Assemblée nationale, dans la douleur, mais elle a été adoptée et à partir de septembre, elle va s'appliquer. De l'autre, cela fait longtemps que les syndicats n'avaient pas été aussi populaires, ils engrangent à nouveau des adhésions et surtout, ils ont réussi à bâtir une intersyndicale solide. Et c'est en partie grâce au travail de Marylise Léon. Construire l'intersyndicale sans coup fourré« Marylise a été en responsabilité pour conduire l'intersyndicale contre la réforme des retraites pour la CFDT et moi, j'avais ce rôle pour la CGT », explique Catherine Perret, secrétaire confédérale de la CGT. Toutes les deux se connaissent donc très bien. « Nous avons des relations de confiance, très amicales. Elle avait la détermination de construire l'intersyndicale de manière franche et sans coup fourré. » Même son de cloche chez Benoît Teste, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU) : « On connaît très bien Marylise, elle a fait la preuve d'une grande ouverture d'esprit. C'est quelqu'un qui est prêt à discuter autant que Laurent Berger. Je ne doute pas qu'on aura avec elle la même capacité à travailler sur ce qui nous unit. »L'échec de la mobilisation à faire reculer le gouvernement va-t-il créer des brèches dans l'intersyndicale ? On a pu entendre, notamment dans les manifestations ou au sein des fédérations, certains et certaines regretter que l'intersyndicale n'ait pas fait le choix de durcir le mouvement. Début mars, quand les responsables syndicaux appellent à « mettre la France à l'arrêt », Marylise Léon temporisait aussitôt : « L'idée n'est pas de bloquer la France mais de bloquer cette réforme. » Les mauvaises langues en ont déduit que c'est la CFDT qui freinait des quatre fers.Critique balayée par Catherine Perret : « Il n'y avait pas de divergence majeure sur la stratégie des luttes, assure-t-elle aujourd'hui. Le 7 mars, l'ensemble des 13 organisations, toute l'intersyndicale a appelé à la grève. De mémoire de syndicaliste, ce n'était jamais arrivé. Mais force est de constater qu'on n'a pas réussi à mettre le pays à l'arrêt. » Dans ces conditions, impossible selon elle de « passer un cap supplémentaire ». L'arrivée de Marylise Léon à la tête de la CFDT, tous ceux à qui nous avons parlé en sont convaincus, est au contraire le gage de la continuité, y compris dans le dialogue intersyndical.Une succession préparée de longue dateLaurent Berger la prépare à sa succession depuis longtemps. C'est en tout cas l'impression qu'a eu François Rebsamen. En 2014, il était le ministre du Travail de François Hollande. À ce titre, l'ex-socialiste a souvent rencontré les syndicats, notamment pour les négociations sur la rénovation du dialogue social entre le Medef et les représentants des salariés. Il se souvient que Marylise Léon accompagnait presque toujours Laurent Berger, et il a eu l'impression d'assister à un début de transmission. « C'est une femme précise dans ses propositions, sincère et qui cherche toujours des solutions », se souvient l'actuel maire de Dijon.« Malheureusement à l'époque, je ne veux pas dire du mal, mais on avait un responsable du patronat, Pierre Gattaz, qui était particulièrement difficile à bouger. Mais avec opiniâtreté elle est tout de même parvenue à obtenir des avancées. Au prix de compromis, mais c'est ça le sens de la négociation et c'est bien l'esprit de la CFDT. » Laurent Berger, lui-même est « serein » au moment de passer la main. Il l'a dit à RFI lors de la dernière grande manifestation contre la réforme des retraites, le 6 juin 2023. « C'est une grande militante, une responsable aguerrie, elle a de l'expérience : elle est prête, assure-t-il. C'est la vie d'une organisation démocratique normale de passer la main de façon apaisée. Moi je suis très fier que la CFDT soit capable de le faire et d'avoir demain une secrétaire générale. »Plus de 20 ans après Nicole Notat, une femme à la tête de la CFDTPour la CFDT, ça n'est pas une première : de 1992 à 2002, Nicole Notat avait dirigé le syndicat, accompagnant aussi son virage « réformiste ». « Nous étions un peu précurseurs, rappelle Evelyne Rescanières, secrétaire générale de la Fédération CFDT Santé Sociaux. Aujourd'hui, nous avons un peu plus de femmes que d'hommes adhérents, donc c'est un juste retour des choses. » Elle n'est pas non plus inquiète de voir Laurent Berger passer la main. « Marylise est dans le paysage depuis longtemps, elle est bien identifiée des adhérents, elle a un bon contact avec les militants et les structures. On se doutait que ça allait se passer comme ça et c'est plutôt rassurant de pouvoir organiser une transition sereine dans un contexte social compliqué. »Son arrivée, après celle - plus agitée - de Sophie Binet à la tête de la CGT, va aussi contribuer à dépoussiérer un peu une intersyndicale encore trop masculine. « Je n'étais pas très fier d'être sur des photos où il y avait beaucoup d'hommes et peu de femmes, reconnaît au micro de RFI Benoît Teste de la FSU. C'est une très bonne chose que l'intersyndicale se féminise et qu'on puisse donner une image un peu plus normale de ce qu'est la société et le syndicalisme. »« Les syndicats sont sortis de leurs grottes préhistoriques », s'amusait elle-même Marylise Léon. Et si « le combat syndical n'est pas un sprint mais une course de fond », pour reprendre une formule de Laurent Berger, il n'y a pas de quoi l'effrayer : la course à pied, elle connaît. Sur internet, on trouve encore la trace de ses performances passées. En 2018, par exemple, elle a couru le semi-marathon de Paris en 2 heures, 5 minutes et 24 secondes. Dans quelques jours, commence pour elle une course de plus longue haleine encore.

    Jensen Huang, le patron de Nvidia, joue la carte (graphique) de l'Intelligence artificielle

    Play Episode Listen Later Jun 9, 2023 4:23


    Nvidia a le vent en poupe. Le géant américain des processeurs graphiques est entré brièvement, fin mai, dans le club très select des entreprises pesant 1000 milliards de dollars à Wall Street et ce grâce au boom de l'intelligence artificielle. Portrait de son PDG, Jensen Huang. Dans son histoire, qu'il ne juge pas particulièrement extraordinaire, on retrouve les codes de l'American Dream et du mythe du self-made man. Né à Taïwan, Jen-Hsun Huang, de son nom de naissance, est envoyé par ses parents aux États-Unis alors qu'il n'a pas 10 ans. Point de chute : une pension dans le Kentucky, où raconte-t-il, il était de corvée de nettoyage des sanitaires. Adolescent, c'est d'abord dans les compétitions de ping-pong qu'il brille, avant de décrocher un diplôme en génie électrique en 1984, à l'heure où naissait le Macintosh. Il ne va pas travailler chez Apple mais rejoint la Silicon Valley. Après quelques années passées notamment chez un futur concurrent et avoir décroché un nouveau diplôme, à Stanford cette fois, il co-fonde Nvidia en 1993. Exit le mythe de la start-up créée dans un garage, la légende veut que Jensen Huang et deux amis aient posé les bases de leur entreprise au Denny's, un restaurant, de San José. Elle deviendra Nvidia - l'envie en latin. À en croire Jensen Huang, Nvidia, c'est presque de la magie. « Grâce à ce que l'on fait, on rend possible, ce qui est à difficilement réalisable, on rend économe en énergie, ce qui est très énergivore, et nous pouvons modifier quelque chose de très cher pour le rendre bien plus abordable », vante-t-il sur CNBC.« Visionnaire »Concrètement, Nvidia conçoit des composants informatiques très spécifiques. « Il a créé Nvidia à l'ombre des géants des processeurs tels qu'Intel avec une stratégie assez particulière au fil des années, en se concentrant sur les processeurs graphiques, en particulier pour les jeux vidéo. C'était d'abord une sorte de niche mais qui demandait une excellence technique », explique Rémi Bourgeot, économiste et statisticien, chercheur associé à l'Iris. Premier grand succès en 1999 avec le premier processeur graphique (GPU) au monde. Jensen Huang, qualifié de « visionnaire » par Mohamed Makhlouf, enseignant en intelligence artificielle à l'Essca, a ensuite flairé de nouveaux marchés pour ces cartes à haute capacité de calcul, le minage de cryptomonnaie et surtout l'IA. « Ils ont conçu des puces spécialement pour l'intelligence artificielle à partir de 2016-2017, pour des calculs de 'deep learning', pour les voitures autonomes. ChatGPT fonctionne aussi sur des puces de Nvidia ».Des puces que Nvidia conçoit, mais ne fabrique pas. « Grâce à son amitié avec Morris Chang, le président de TSMC, il a mis en place une approche de fabrication 'fabless' (NDLR : sans usine en français), rappelle Mohamed Makhlouf. Elle a été vraiment l'un des piliers de la croissance rapide de Nvidia. »L'action Nvidia prise d'assautAvec l'essor de l'intelligence artificielle, son produit vedette le H100, valant plusieurs milliers de dollars pièce, fait fureur. « Les GPUs sont nettement plus difficiles à trouver que de la drogue », a même ironisé Elon Musk lors d'un événement organisé par le Wall Street journal. Nvidia fait course largement en tête. Selon le cabinet Jon Peddie Research, Nvidia pesait 82% des GPU autonomes livrés dans le monde fin 2022, ses deux poursuivants s'octroyant 9% chacun. Résultat, la valeur de l'entreprise californienne a bondi en bourse et avec elle la richesse de Jensen Huang, classé, par Forbes, 37ᵉ homme le plus riche du monde avec une fortune de quelque 34 milliards de dollars. Riche, Jensen Huang est aussi multirécompensé. Il figure notamment sur la liste du Time des 100 personnalités les plus influentes de 2021. Et les derniers mois ont permis à l'homme à la veste de cuir d'asseoir sa notoriété.« Il avait un statut assez légendaire dans les milieux liés aux jeux vidéo parce que ses processeurs sont devenus indispensables aux jeux vidéo qui nécessitent le plus de puissance de calcul pour les applications graphiques, » souligne Rémi Bourgeot.  « Aujourd'hui, étant au centre de la grande tendance du développement de l'IA, il est vraiment reconnu pour des paris qu'il a faits dans la durée ». Encore quelques « décennies » Malgré cette renommée, Rémi Bourgeot lui prête une « certaine mesure ». « C'est quelqu'un qui est resté vraiment concentré, il est resté un ingénieur. On ne voit pas quelqu'un avec des visées mégalomaniaques de couverture de tous les marchés technologiques imaginables ».À 60 ans, Jensen Huang en a déjà passé trente à la tête de Nvidia. Et il a confié à CNBC ne pas être prêt à lâcher les rênes, quitte à se transformer en robot. « Je ne sais pas encore combien de temps, mais dans quarante ans, je serai robotique, et après ça, peut-être trois ou quatre décennies de plus. Donc, j'espère pouvoir en profiter encore très longtemps. »Fidèle au nom de l'entreprise, le PDG a donc l'envie dans les veines et Nvidia dans la peau. Littéralement. Jensen Huang s'est fait tatouer sur le bras un dessin inspiré du logo de la marque.

    Ajay Banga, élu à la tête de la Banque mondiale

    Play Episode Listen Later Jun 2, 2023 4:11


    Ajay Banga débute ce vendredi 2 juin, son mandat de cinq ans à la tête de la Banque mondiale. C'est dans un contexte de grande réforme pour l'institution qu'il prend les rênes... Américain d'origine indienne, Ajay Banga était le seul candidat en lice pour prendre la succession du démissionnaire David Malpass. 

    Le mystérieux Jean-Charles Naouri, patron d'un groupe Casino à la dérive

    Play Episode Listen Later May 26, 2023 4:16


    Le groupe Casino en grande difficulté. Surendetté, avec une action au plus bas, l'enseigne de supermarchés va pouvoir renégocier sa dette avec certains de ses créanciers. Une procédure de conciliation s'est ouverte. Opération sauvetage pour Casino, distributeur fondé en 1898 et dont le grand patron est aujourd'hui sous le feu des critiques. Jean-Charles Naouri, est un financier qui a investi dans la grande distribution tout en se faisant très discret. Le mystère, Jean-Charles Naouri le cultive sciemment depuis plus de 30 ans. On le dit froid, calculateur, terriblement ingénieux et redoutable en affaires. Philippe Terrien, aujourd'hui retraité, a fait une bonne partie de sa carrière chez Casino. Sa première rencontre avec Naouri c'est en 1992, lorsque celui-ci devient actionnaire majoritaire : « C'était un personnage extrêmement charismatique, se souvient-il, on avait envie d'écouter ce qu'il dit, et il le disait avec une très grande clarté. Ça redonnait une vision pour le groupe, ce dont on avait énormément besoin à l'époque. »Début de carrière dans les ministèresUn homme brillant, mais déconnecté du terrain.  Alors que Philippe Terrien est - excusez du peu - directeur exécutif de la branche agro-alimentaire du groupe entre 2015 et 2020, il ne rencontrera jamais le grand patron Jean-Charles Naouri. « J'ai ressenti un très grand éloignement entre Jean-Charles Naouri et les problématiques de terrain. Son visage était totalement inconnu des collaborateurs de groupe. Je rigolais en interne quand j'étais chez Casino, je disais aux énarques avec qui je travaillais : "C'est quand même fou. Vous croyez plus au tableau Excel que vos collaborateurs ont fait qu'à ce que vous voyez". Il y a une espèce de déconnexion complète ».C'est dans les cabinets ministériels que l'énarque Jean-Charles Naouri a débuté dans les années 80. Il s'y forge un réseau, notamment auprès de Pierre Bérégovoy, ministre de l'Économie et des finances. Il participe activement à la réforme de la libéralisation des marchés financiers avant de partir dans le privé et de se lancer dans les affaires.Des erreurs stratégiquesFils d'un pédiatre, et d'une professeure d'anglais, Jean-Charles Naouri n'a, au départ, pas de grande fortune personnelle. C'est son réseau, son intelligence en affaire qui le propulse à la tête d'un empire. Avec sa holding Rallye, tel un maitre de l'investissement, il rafle les grandes marques : Monoprix, Spar, Naturalia, Cdiscount... Avant de faire plusieurs erreurs stratégiques et d'accumuler les dettes. Le patron de Casino a parfois manqué de flair. « Depuis très longtemps, Jean-Charles Naouri ne croit pas à l'avenir des hypermarchés en France. Je pense qu'il a tort, explique Frank Rosenthal, expert de la grande distribution. Il n'a pas investi dans ses magasins et quand vous avez autour de vous des Leclerc qui investissent très fortement, des Carrefours, ça se voit !  En plus, quand vous avez un positionnement qui n'est pas très lisible sur le marché, que vous avez fait du yoyo sur les prix et que vous avez une mauvaise image prix, vous comprenez pourquoi Casino perd des parts de marché en France ».Vers une perte de contrôle du groupe ?Des mauvais résultats qui ne l'ont pas empêché de doubler son salaire en octobre dernier. Aujourd'hui, le groupe endetté à hauteur de 6,4 milliards d'euros suscite des convoitises. Deux repreneurs sérieux sont sur les rangs et Naouri pourrait bien être forcé de laisser le contrôle de son joyau Casino. « Dire que l'actionnaire majoritaire et le PDG ne sont pas responsables des résultats de son action depuis 20 ans me semblerait totalement déplacé, ajoute Philippe Terrien. À sa décharge, je ne connais pas d'exemple où des financiers ont réussi dans la grande distribution. »Le stratège a récemment dû céder sa filiale GreenYellow spécialisée dans l'énergie solaire ainsi que son enseigne brésilienne Assai. Pas question non plus de jouer Casino à la roulette. Pour éviter la faillite, Naouri négocie. Selon les dernières informations annoncées ce vendredi, les premières cessions de conciliation avec les créanciers « auront lieu d'ici à la fin de cette année ». Casino prévoit également de céder des magasins pesant au total plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires au groupement Intermarché.

    Riad Salamé, l'homme le plus détesté du Liban

    Play Episode Listen Later May 19, 2023 4:03


    Depuis le mardi 16 mai, le puissant gouverneur de la Banque centrale du Liban fait l'objet d'un mandat d'arrêt international émis par la justice française. Riad Salamé est soupçonné d'avoir détourné plusieurs centaines de millions d'euros de fonds publics libanais pour acquérir de nombreuses propriétés dans plusieurs pays européens. Au Liban, après avoir été longtemps encensé, il est aussi sur le banc des accusés pour son rôle dans la crise financière qui a mis l'économie à genoux.  Depuis que la crise a éclaté en 2019, les Libanais n'ont plus accès à leurs économies. La livre n'en finit plus de dévisser face au dollar, entraînant une explosion des prix des matières premières et des produits de première nécessité, avec des conséquences dramatiques pour la population, impuissante. Chaque semaine, on assiste à des manifestations devant la Banque centrale du Liban. Un même nom revient sans cesse, scandé le poing levé : « Salamé, voleur ! Salamé, truand ! » Riad Salamé cristallise la colère des Libanais qui voient en lui l'incarnation de la « mafia » au pouvoir.« Riad Salamé était le courtier personnel de Rafic Hariri qui l'a nommé à la Banque centrale au début des années 1990 quand il est devenu Premier ministre », rappelle Sibylle Rizk, journaliste et directrice des politiques publiques au sein de Kulluna Irada, ONG qui milite pour une réforme du système politique au Liban. Il a commencé sa carrière en tant que banquier d'affaires chez Merill Linch. « Pistonné », persifle le politologue Karim Bittar, professeur de relations internationales à l'université Saint Joseph de Beyrouth. « Il était présenté comme un magicien de la finance »Malgré tout, le nouveau gouverneur fait rapidement consensus. « Au début de sa carrière, il était présenté comme un magicien de la finance, capable de maintenir la stabilité monétaire du Liban », se souvient Karim Bittar. C'est lui qui prend la décision, peu de temps après son entrée en fonction en 1993, d'ancrer la livre libanaise sur le dollar. « Les Libanais étaient traumatisés par la dévaluation des années 1980, rappelle Sibylle Rizk. Le symbole de l'essor économique de la reconstruction s'est incarné dans la force retrouvée de la livre libanaise dont Riad Salamé était le principal artisan. » Les premières années de son mandat, cette politique ambitieuse porte ses fruits, et il est encensé bien au-delà des seules frontières du pays du cèdre. En 1997, il est fait Chevalier de la Légion d'honneur par le président français, Jacques Chirac. L'ambassadeur de France au Liban qui lui accroche l'insigne sur la poitrine salue ainsi son action qui « a contribué de manière décisive à ramener la confiance internationale dans le Liban ». Et l'illusion durera longtemps : une décennie plus tard, « alors que la panique financière s'empare de la planète, les investisseurs placent leur argent dans un lieu inattendu : le Liban ». Première phrase d'un article que le prestigieux New York Times consacre en 2008 au « havre de stabilité et de croissance qu'est le secteur bancaire libanais ». Une situation que le journal met en grande partie au crédit de la Banque centrale nationale et de son gouverneur : Riad Salamé. La Banque mondiale ira jusqu'à parler de « système de Ponzi »Sauf que cette apparente stabilité repose sur un château de sable. « Il y a eu une entrée massive de capitaux dans le pays, explique l'économiste libanais Albert Dagher. Les banques ne savaient pas quoi faire de cet argent. Riad Salamé leur a dit "donnez-le moi" en leur promettant des taux d'intérêts élevés. C'était une erreur. » Les réserves de la Banque centrale grossissent, et permettent de maintenir artificiellement la parité entre le dollar et la livre libanaise, mais sans la moindre connexion avec l'économie réelle. « C'est un schéma classique qui consistait à payer les taux d'intérêts exorbitants promis en attirant de nouveaux déposants et des capitaux étrangers, c'était une fuite en avant », dénonce Karim Bittar. Dans un rapport publié l'an dernier, la Banque mondiale ira jusqu'à parler de « système de Ponzi ». « La parité entre la livre et le dollar était un pari qui a rapidement échoué, estime aujourd'hui Sibylle Rizk. Au lieu de corriger le tir, Riad Salamé s'est entêté pour des raisons politiques et cela s'est soldé deux décennies plus tard par l'un des effondrements financiers les plus graves de l'ère moderne ». « Riad Salamé n'était pas économiste de formation, donc le contexte international, les flux financiers internationaux, la libéralisation des mouvements de capitaux : ce n'était pas des débats qu'il pouvait mener », estime Albert Dagher. Et pourtant, Riad Salamé, 72 ans, a été reconduit à la tête de Banque centrale du Liban à quatre reprises, il dirige l'institution depuis bientôt 30 ans. Comment comprendre qu'il n'y ait pas eu plus tôt de signes annonciateurs ? « Il y a eu un rapport du FMI quelques années avant la crise qui mettait en garde sur la politique monétaire, mais il a été caviardé à la demande du gouvernement libanais et de la Banque centrale, assure Sibylle Rizk. Cela dit, la façon dont il a maquillé les comptes, c'est du jamais vu. »Le grand argentier de la mafia politico-financière libanaise Riad Salamé a aussi su encourager cette cécité consentie en se mettant au service de l'élite libanaise, tous partis confondus. « Il a été en quelque sorte le grand argentier de la mafia politico-financière libanaise », assène le politologue Karim Bittar. Les grandes fortunes du pays ont ainsi bénéficié de taux d'intérêts alléchants, sans commune mesure avec ceux proposés à la population. Depuis la crise, Riad Salamé se défend et pointe du doigt l'absence de réformes menées par le gouvernement, l'utilisation des réserves en dollars de la Banque centrale pour financer les importations et le système clientéliste complexe qui caractérise la société libanaise. « Je suis un bouc émissaire », répète-t-il à l'envi, se disant la victime des jeux de pouvoir à Beyrouth.« Dire qu'il a agi seul, ce serait exonérer la responsabilité de la classe politique et intellectuelle de l'administration publique. Il n'y a eu personne pour avertir du désastre à venir, concède l'économiste Albert Dagher, auteur de Comment une élite prédatrice a détruit le Liban (Le Bord de l'Eau, 2022). Certes, il n'était qu'un exécutant, mais un exécutant zélé, nuance Karim Bittar. Il a rendu service à toutes les parties libanaises, y compris au Hezbollah. » Et cela s'est poursuivi après la crise : quand les Libanais faisaient la queue pendant des heures devant les banques sans pouvoir accéder à leurs économies pour payer leur loyer ou faire leurs courses, l'élite, elle, sortait massivement ses capitaux du pays pour les placer dans des institutions à l'étranger. 2021 : les douaniers français découvrent 90 000 euros non déclarés dans sa valiseEt Riad Salamé est très fortement soupçonné d'avoir lui-même participé à cette fuite des capitaux. En 2021, le journal libanais Al Akhbar, proche du régime syrien, rapporte, document à l'appui, que Riad Salamé a été interpellé par les douaniers de l'aéroport du Bourget à Paris alors qu'il avait dans une valise 90 000 euros non déclarés et dont il était incapable de justifier la provenance. 90 000 euros, une paille en comparaison des « centaines de millions de dollars qu'il est soupçonné d'avoir détourné selon plusieurs enquêtes internationales », souligne Karim Bittar. À la même époque, le nom de Riad Salamé revient dans les Pandora Papers, vaste enquête du Consortium international des journalistes d'investigation qui révèle l'utilisation par les élites mondiales de sociétés écran situées dans les paradis fiscaux. Celui qui occupe des fonctions publiques depuis trois décennies se défend et assure qu'il a simplement fait fructifier la fortune acquise lorsqu'il était banquier d'affaires. Au Liban et à l'étranger, les enquêtes se concentrent sur l'entourage de Riad Salamé : son frère Raja, soupçonné d'avoir servi de prête nom au gouverneur de la Banque centrale, tout comme son ex-maîtresse, Anna Kosavoka, de nationalité ukrainienne. En juin 2022, elle est mise en examen à Paris pour « association de malfaiteurs » et « blanchiment d'argent », comme l'avait révélé en décembre le journal en ligne Médiapart.« Le lien entre ces affaires et la crise financière que traverse le Liban, c'est l'impunité et la toute-puissance du gouverneur, s'indigne Sibylle Rizk. Il a agi sans aucun contrôle démocratique, personne n'a demandé de compte. » L'étau judiciaire se resserre autour de Riad Salamé, tant au Liban qu'à l'étranger, mais il n'entend pas démissionner. Jeudi 18 mai il a fait savoir qu'il ne démissionnerait que si une décision judicaire était prise à son encontre. Il est toujours en poste.

    Brett Harrison, ancien de FTX, et sa nouvelle plateforme d'échange de cryptomonnaies

    Play Episode Listen Later May 12, 2023 4:31


    Aujourd'hui l'Économie, le Portrait de Brett Harrison, ancien de FTX, la plateforme d'échange de cryptomonnaies en faillite. Dirigeant de la plateforme américaine, il avait quitté le navire en septembre 2022, deux mois avant le naufrage. À présent, il revient sur le devant de la scène avec une nouvelle start-up. Front dégarni, l'air détendu, Brett Harrison est un as de cette nouvelle finance que sont devenues les cryptomonnaies. Six de ses collaborateurs ont travaillé pour FTX.Pas juste une nouvelle bourse de cryptoMais leur chef veut tourner la page de ces années folles. Sa start-up, Architect Financial Technologies, n'est pas juste une nouvelle bourse d'échange de crypto, assure le trader dans un podcast The Woolf of All Streets du blogueur américain Scott Melker : « Nous avons fondé Architect en janvier 2023 avec cette idée en tête d'éliminer certains problèmes existants. Vous ne pouvez pas faire n'importe quoi. Aux États-Unis, si vous voulez investir sur le marché de produits dérivés, vous devez passer par la Bourse dédiée à cet effet, le CME. Et nous avons demandé notre certification. Je dirais donc que notre entreprise s'adresse à tous sauf aux investisseurs qui veulent juste acheter et vendre rapidement leurs actifs virtuels en engrangeant des bénéfices. »Pour Brett Harrison, être contrôlé par le CME, acronyme de Chicago Mercantile Exchange, le leader mondial de produits dérivés, c'est un gage de sécurité et de confiance pour ses futurs clients. Qui est donc cet homme qui prétend réparer les dérives de la cryptofinance ?Un jeune mathématicienNé à New York il y a 35 ans, le futur trader publie dès ses années de lycée des articles dans une revue de mathématiques, avant de regagner la prestigieuse université de Harvard, puis rejoint la société de trading, Jane Street Capital. L'entreprise ajoute très tôt le Bitcoin à ses actifs d'échange. L'objectif est de profiter de ce marché encore jeune et dépourvu de régulation en profitant de la spéculation. Lorsque son collègue d'alors, Sam Bankman-Fried, lui propose de prendre la tête de la filiale américaine de FTX, Brett Harrison accepte. Mais les divergences entre les deux hommes apparaissent rapidement.Un professionnel de la nouvelle financeMarié, père d'un enfant né avec une malformation congénitale, adopté en Chine, végane, Brett Harrison garde les pieds sur terre. Son départ de FTX et la création d'Architect prouvent qu'il a des capacités pour rebondir, estime Jean de Chambure, président du Bureau des éveilleurs, cabinet de décryptage et de conseil, spécialiste du numérique : « Il fait partie des professionnels avisés du secteur qui ont une vision plus long terme, plus rationnelle, et qui voient la cryptomonnaie comme une création de valeur financière. Factuellement, il faudra bien regarder où le siège de l'entreprise sera situé, s'il n'y a pas de liens avec des paradis fiscaux comme les Bahamas… Ce serait déjà un signal que quelque chose sera un peu mieux régulé. Sachant que les États-Unis ont l'intention, et commencent à le faire, de régler davantage le secteur des cryptomonnaies. C'est d'ailleurs la vraie question derrière les cryptomonnaies pour beaucoup : le fait qu'elles sont utilisées par des fonds aux Bahamas, par des fonds alternatifs, les hedge fonds. »Sa part du gâteauIl faut dire que l'engouement des investisseurs pour les monnaies virtuelles ne faiblit pas. C'est le moins que l'on puisse dire. Les plateformes d'échanges pèsent désormais des dizaines de milliards de dollars. Architect voudra sans doute sa part du gâteau aux côtés des géants comme Binance, Coinbase et autres Kraken. Pour sa première levée de fonds, l'entreprise a réuni 5 millions de dollars.Pour Jean de Chambure : « Brett Harrison va avoir tout l'écosystème des cryptomonnaies derrière lui. Parce que son entreprise fait figure de l'étendard de respectabilité. C'est donc le signe d'une certaine maturité du secteur. Mais pour moi cela ne change rien au paradigme même des cryptomonnaies. Les monnaies virtuelles ne créent pas de valeur. Elles sont un simple actif financier. Et si vous prenez le parallèle avec de l'or, on est dans la même catégorie, ce sont plus des monnaies de couverture par rapport aux risques géopolitiques ou économiques que la planète connait aujourd'hui. Donc, c'est une sorte de valeur refuge. »Produit spéculatif pour les uns, monnaie du futur pour les autres, la crypto révolutionne la finance. Renforcer la réglementation et la fiscalité permettrait selon l'expert d'attirer ne serait-ce qu'une partie de cet argent dans l'économie réelle.

    Gabriel Zucman, l'économiste français de la justice fiscale, récompensé par la médaille Clark

    Play Episode Listen Later May 5, 2023 3:52


    En début de semaine, l'Association américaine d'économie (AEA) a annoncé avoir remis à l'économiste français Gabriel Zucman la médaille John Bates Clark pour ses travaux consacrés à l'évasion fiscale et la montée des inégalités. Ce prix est considéré comme l'une des plus prestigieuses récompenses accordées aux chercheurs en Sciences économiques. Gabriel Zucman s'est intéressé à la distribution des richesses dès sa thèse de doctorat, Trois essais sur la répartition mondiale des fortunes, dirigée par le pionnier de la pensée sur les inégalités économiques et sociales, Thomas Piketty. Il fait donc partie de cette nouvelle génération d'économistes français qui a contribué à attirer l'attention sur ces questions avec Emmanuel Saez et Lucas Chancel. « Il a été l'un des premiers à quantifier cette question de l'évasion fiscale et des paradis fiscaux, ce qui est très difficile à quantifier », explique l'économiste Philippe Martin, du Cercle des économistes, l'un de ses jurés de thèse, « c'était la question de savoir à quel point, pour un certain nombre de pays occidentaux, les actifs financiers qui étaient déclarés étaient très sous-évalués et que les pays riches étaient plus riches qu'on ne le pensait, car ils étaient dans des paradis fiscaux »En 2017, le livre de Gabriel Zucman, La richesse cachée des nations, enquête sur les paradis fiscaux, paru chez les éditions du Seuil est un best-seller. Il y explique que 8 % de la richesse mondiale est détenue offshore. Grâce à sa connaissance du sujet, il parvient à imposer sa pensée et fait partie en 2018 du comité exécutif du Rapport sur les inégalités mondiales (Le Seuil) qui a un retentissement important.La même année, le Cercle des économistes et le journal Le Monde lui attribuent le prix du Meilleur jeune économiste de France. « C'était un signal positif de se dire qu'enfin, on allait réaborder les questions fiscales de manière dépassionnée, sérieuse et rationnelle pour pouvoir en parler après de manière politique » selon Aurore Lalucq, députée européenne et membre du mouvement citoyen Place publique. Economiste de formation, elle est à l'initiative d'une pétition pour la taxation des ultrariches en collaboration avec Gabriel Zucman. « Pendant des années, on a fait croire que l'impôt et la taxe, c'est le mal. Et c'est ce qui est intéressant dans les travaux de Gabriel, c'est qu'il va vous parler des questions fiscales de manière factuelle et au-delà des éléments de langage habituels qu'on entend depuis la révolution néo libérale qui sont : trop d'impôts tue l'impôt ou les riches vont partir si on les taxe, etc. »Gabriel Zucman est aujourd'hui maître de conférence à l'Université de Berkeley, en Californie. L'économiste de 36 ans a l'oreille de la gauche américaine puisqu'il a conseillé les équipes de Bernie Sanders, le candidat aux primaires démocrates en 2015. C'est même dans l'un de ses articles, co-signé avec Emmanuel Saez, intitulé « le triomphe de l'injustice », que Bernie Sanders trouve sa formule devenue emblématique outre-Atlantique selon laquelle 99% de tous les revenus générés aux États-Unis vont aux 1% les plus riches.

    Martin Sion, le patron d'ArianeGroup en mission pour faire décoller Ariane 6

    Play Episode Listen Later Apr 28, 2023 4:17


    Depuis le début du mois d'avril, le fauteuil de patron d'ArianeGroup - le maitre d'œuvre du programme de lanceurs Ariane - a un nouvel occupant : Martin Sion. Sa mission : faire décoller la fusée Ariane 6, petite sœur d'Ariane 5. Mais le chantier a déjà trois ans de retard. De nombreux défis attendent cet homme de 54 ans, ingénieur de formation. Sur son compte Twitter, il se décrit en quelques mots comme un passionné d'aérospatial, de technologie et d'innovation. Martin Sion est un homme assez discret, qui a fait l'essentiel de sa carrière chez Safran, géant français coté en Bourse de l'aéronautique, de la défense et de la sécurité, né de la fusion en 2005 des entreprises Snecma et Sagem, spécialisées dans les moteurs d'avion et la mécanique.Sa prise de fonction intervient alors que l'Europe est plongée dans une crise des lanceurs – ces fusées puissantes permettant de mettre en orbite des satellites ou d'autres charges utiles – dont elle peine à sortir. Le lanceur italien Vega est cloué au sol jusqu'à nouvel ordre, et le lanceur russe Soyouz a été retiré du marché par le régime de Vladimir Poutine en représailles aux sanctions économiques. Ariane 6 est donc le seul espoir de l'Europe pour garantir sa souveraineté dans l'espace, sans dépendre des États-Unis. Sa construction a été décidée pour remplacer progressivement Ariane 5, dont un modèle s'est d'ailleurs envolé direction Jupiter le 14 avril. Elle coûte moins cher à produire, et devait décoller pour la première fois en 2020. Trois ans plus tard, la fusée européenne n'est pourtant pas encore prête. La pandémie de Covid a provoqué plusieurs longs retards auxquels se sont ajoutés guerre en Ukraine et des travaux sur la base de lancement de Kourou, en Guyane.Stefan Barensky, rédacteur en chef du magazine Aerospatium : « Il y a une pression épouvantable. Quand on ne lance pas, les sous ne rentrent pas. Heureusement, ArianeGroup produit aussi des missiles de dissuasion [nucléaire], ça permet de faire un peu de revenu. Mais il faut travailler dans des conditions qui ne sont pas favorables et remotiver les équipes. Il y a du boulot… »Tenir les carnets de commandesDeuxième défi à relever pour Martin Sion : tenir les carnets de commandes déjà bien remplis. Mais les chantiers avancent lentement et le moral des troupes d'ArianeGroup commence aussi à faiblir. « Elles font leur maximum pour faire un produit de qualité dans des conditions qui leur sont défavorables. Et on leur rabâche à longueur de temps que du côté des Américains, c'est vachement mieux. Sauf que c'est complètement absurde. On ne compare pas des carpes et des lapins », résume Stefan Barensky.► À lire aussi : Espace: les instruments scientifiques de la sonde Juice, «une merveille de technologie»Face aux difficultés dans lesquelles sont englués les Européens, les Américains, eux, en profitent pour prendre de l'avance. Mais les deux continents ne jouent pas avec les mêmes règles. ArianeGroup est soumise à des règles strictes imposées par l'Agence spatiale européenne (ESA). La plus handicapante est celle du « retour géographique ». Concrètement, lorsqu'un pays européen investit dans ce programme spatial, il bénéficie en échange de contrats industriels sur son territoire. La mesure avait été adoptée pour éviter de mettre à l'écart les plus petits États. Mais aujourd'hui, le modèle est très critiqué. La production du lanceur est éparpillée sur 13 pays, et près de 600 sociétés sont mobilisées.Martin Sion va donc devoir jongler entre les directives de l'ESA et les contraintes des entreprises partenaires. « On est plutôt dans la diplomatie que dans l'industriel », analyse Stefan Barensky. D'après son entourage professionnel, l'ancien de Safran a toutes les qualités requises pour relever le défi. « Il faut pouvoir avoir des capacités techniques, écouter les experts, les comprendre, les challenger, et prendre la décision qui s'impose pour résoudre toutes les difficultés techniques qu'on pourrait rencontrer, raconte Joel Barre, ancien délégué général de l'armement et ancien supérieur de Martin Sion. Et ça je pense que Martin Sion sait le faire, il l'a démontré dans sa carrière. » Il ajoute : « Et puis il a des qualités de grand manager aussi, des capacités d'écoute, de relations humaines, de savoir-être, de leadership, qui sont évidemment indispensables au poste qu'il aura à la tête de cette société. »► À écouter aussi : Depuis Kourou, l'Europe s'envole vers Jupiter

    Wang Chuanfu, concurrent chinois d'Elon Musk

    Play Episode Listen Later Apr 21, 2023 4:32


    C'est le nouveau visage de la voiture électrique : le Chinois Chuanfu, patron du groupe Byd, est devenu le principal concurrent de Tesla. Il détient un cinquième du marché du bus électrique dans le monde, mais c'est désormais le particulier européen qu'il tente de séduire. Trois de ses modèles viennent d'ailleurs de débarquer en France. Portrait d'un entrepreneur qui joue la carte de l'innovation technologique au service du climat.  C'est sous cette étiquette verte que Wang Chuanfu s'est présenté officiellement devant ses clients européens en fin d'année dernière. Bilan carbone et chiffres à l'appui : plus d'un million et demi de voitures vendues dans le monde en 2022, en comptant les hybrides rechargeables. C'est presque aussi bien que Tesla, qui conserve tout de même une courte avance sur les voitures 100% électriques.Parti de rienL'histoire de cet entrepreneur a tout d'une fable. Elle commence, il y a 57 ans, dans une région rurale de l'est de la Chine. Orphelin à l'adolescence, il est élevé par ses frères et sœurs qui, selon la légende familiale, se serrent la ceinture pour lui permettre de faire des études scientifiques. Un pari réussi, puisqu'en 1995, il fonde Byd, une entreprise de conception de petites batteries rechargeables – celles qu'on utilise dans les téléphones portables – et se met rapidement au niveau des pionniers en la matière. Il devient le fournisseur de géants du marché comme Nokia, Motorola ou Samsung.L'automobile n'arrivera dans son sillage que plus tard, en 2003, lorsqu'il rachète le constructeur Tsinchuan. « Il fait partie de ces légendes du capitalisme chinois qui ont des débuts très modestes, qui ont été les premiers à monter en puissance dans l'économie chinoise, avec la condition sine qua non de savoir se mettre dans les bons réseaux au niveau politique », raconte Jean-François Dufour, cofondateur du réseau d'analyse Sinopole. Inaccessible et secretWang Chuanfu a la réputation d'être un personnage prudent, qui ne s'expose pas beaucoup. De sa personnalité, on ne sait que peu de choses. « Cela dit, on lui connaît quelques traits d'humour, nuance Jean-François Dufour. Alors que Byd, ça signifie officiellement "Build Your Dreams" [« Construisez vos rêves », NDLR], la version officieuse de son fondateur serait "Bring Your Dollars" [« Ramenez vos dollars »]. ​»En 2008, il devient la première fortune de Chine, alors que l'homme d'affaires américain Warren Buffett entre au capital de Byd. Les autorités chinoises ne voient pas cette ascension fulgurante d'un très bon œil et lui reprochent « des d'ambitions un peu démesurées, rappelle Jean-François Dufour. Il a eu des relations un peu tendues avec le pouvoir à ce moment-là, mais une fois que le message a été reçu, Byd [s'est pleinement inséré] dans les projets nationaux ».En 2011, un long rapport de l'ONG China Labor Watch épingle l'entreprise en raison des mauvaises conditions de travail que subissent ses salariés : revenus très bas, cadences infernales... Plusieurs vagues de suicides sont régulièrement documentés dans la presse chinoise. Mais, selon Jean-François Dufour, ces événements n'ont pas été un frein à la croissance de Byd.Un héros nationalEn Chine, le leadership de Byd est bien installé, même s'il commence à être concurrencé par de jeunes start-up qui veulent, elles aussi, se lancer dans l'électrique...Cependant, pour le professeur Huai-Yuan Han, qui enseigne la stratégie entrepreneuriale et l'économie chinoise, il a l'avantage d'être un « un modèle d'intégration verticale », c'est-à-dire qu'il maîtrise toute la chaîne de production, de la batterie à la couche de vernis appliquée sur le véhicule.C'est ce côté visionnaire qui l'a érigé au rang d'icône dans les yeux de ses compatriotes : « C'est plutôt comme un héros national. La Chine a souvent été menacée par les Occidentaux et, tout à coup, un entrepreneur chinois se lance dans quelque chose avant que le marché ne soit dominé par les Occidentaux. La Chine commence à avoir ses propres marques. Elle n'a jamais pensé qu'une entreprise chinoise pouvait réussir dans l'automobile. Pour les professionnels ou pour les étudiants à l'université, je trouve que Wang Chuanfu est remarquable. »Les yeux rivés vers le continent africainEn 2017, il conclut d'une poignée de main avec le roi Mohammed VI l'installation d'une usine Byd dans le nord du Maroc. Prochain objectif pour lui : acquérir six mines de lithium, métal indispensable à la confection de ces batteries rechargeables. C'est ce que révèle le journal chinois The Paper. Leur emplacement et les conditions dans lesquelles elles seront exploitées, en revanche, ne sont pas encore connus.Dans le monde, le lithium est présent en grande quantité en Chine et en Amérique du Sud. Sur le continent africain, les gisements seraient de plus petites tailles, selon les géologues du British Geological Survey, mais se situeraient principalement au Zimbabwe, en Namibie, en République démocratique du Congo, au Mali et au Ghana.► À écouter aussi : Véhicules électriques: le champion chinois Byd se pose en rival de Tesla

    Arnaud Rousseau, nouveau président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

    Play Episode Listen Later Apr 14, 2023 4:08


    Changement de présidence à la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), le premier syndicat agricole de France. Sans surprise, c'est Arnaud Rousseau, seul candidat au poste, qui a été élu ce jeudi 13 avril pour un mandat de trois ans. Portrait. Grand cultivateur et grand patron, Arnaud Rousseau affirme vouloir réhabiliter l'image de l'agriculture et dénonce les « sirènes de la décroissance ». « J'ai la conviction que l'agriculture est dans un moment charnière et qu'au même titre qu'on parle aujourd'hui de réindustrialisation parce qu'on a abandonné l'industrie il y a 30 ou 40 ans, si on ne fait rien maintenant, on reparlera de ré-agriculturisation dans vingt ou trente ans. Je suis convaincu que les agriculteurs, les agricultrices sont des solutions pour notre pays dans le moment dans lequel on est. » Peu connu du grand public, Arnaud Rousseau l'est en revanche du monde agricole, avant son élection il était vice-président de la FNSEA. Âgé de 49 ans, marié et père de trois enfants, plus souvent en costume qu'en combinaison de travail, Arnaud Rousseau est diplômé de l'European business School de Paris. Il s'est ensuite formé à l'étranger, mais aussi à l'armée où il en est sorti capitaine réserviste.  Après un passage dans le négoce, il rejoint l'exploitation familiale implantée depuis six générations dans un village de Seine-et-Marne dont il est aussi le maire. Fait marquant : il y a une dizaine d'années, il fait une chute de 9 mètres dans un de ses silos à grains, les deux jambes brisées, il en remonte in extrémis à la force des bras. Tout juste remis il fera à pied le chemin de Compostelle.Alors comme l'exigent les statuts de la FNSEA, le président doit être un agriculteur, et Arnaud Rousseau en est un, mais il a d'autres casquettesCéréalier, Arnaud Rousseau dirige une exploitation de 700 hectares... Il est aussi un homme d'affaires. Depuis 2017, il préside la Fédération française des producteurs d'oléagineux et de protéagineux, la FOP. II est aussi le patron d'Avril, 5ᵉ groupe agroalimentaire français qui règne sans partage sur les oléagineux, et qui produit les huiles Lesieur ou Puget. Son mentor s'appelait Xavier Belin, lui aussi président de la FNSEA et patron d'Avril, auquel Arnaud Rousseau a succédé après son décès brutal. Enfin, selon les révélations du journal Mediapart, Il détient également des sociétés « para-agricoles », comme une entreprise de méthanisation et une société de production d'énergie photovoltaïque. La relève de Christiane LambertChristiane Lambert est éleveuse de porcs et symbolisait l'entreprise familiale, un profil différent d'Arnaud Rousseau. Son élection marque le retour de l'agro-industrie. Arnaud Rousseau aborde l'agriculture comme un secteur stratégique, « clé de voûte de notre souveraineté alimentaire ».Oliver Naslès, vigneron et oléiculteur en Provence, mais aussi administrateur de la Fédération des producteurs d'oléagineux siège aux côtés d'Arnaud Rousseau au Conseil d'administration. Il décrit un homme déterminé : « Je crois d'abord qu'il a un sens de l'intérêt général ce n'est jamais la somme des intérêts particuliers, c'est une machine intellectuelle, peut être manquant un peu d'affectif. Arnaud est plutôt un bourreau de travail et aussi un constructeur. C'est à ce titre qu'il est pour moi l'homme qu'il nous faut pour inventer l'agriculture de demain ». À l'heure du green deal, Arnaud Rousseau assume son choix d'une agriculture productiviste Il est plutôt perçu comme un agro-businessman qui donne l'avantage aux grands producteurs. Son crédo : assurer l'autonomie alimentaire du pays, c'est pourquoi. Il ne rejette pas tous les pesticides, se dit favorable à la recherche et au développement de nouveaux OGM, défend le principe des bassines, qui font débat actuellement et dénonce l'interdiction des néonicotinoïdes et les restrictions des produits phytosanitaires. Des positions en phase avec celles de l'exécutif, mais pas de la Confédération paysanne.« Ça va être compliqué, la Confédération paysanne est plutôt un groupement d'agriculteurs qui voudrait que le modèle du petit agriculteur qui nourrit les 300 personnes autour de lui perdure, reprend Olivier Naslès. Il a la conviction que cette agriculture va dans le mur. Alors oui, le modèle que défend Arnaud n'est pas compatible avec celui que défend la Confédération paysanne. C'est évident. » Arnaud Rousseau revendique une agriculture offensive. Reste à convaincre les agriculteurs, en dix ans la FNSEA a perdu un tiers de ses 210 000 adhérents, en raison de divisions internes. Ouvert au dialogue, il assure vouloir travailler avec toutes les filières.

    Le Nigérian Abdul Samad Rabiu est la quatrième fortune d'Afrique selon Forbes

    Play Episode Listen Later Apr 7, 2023 4:16


    Le Nigérian Abdul Samad Rabiu est cette année, l'une des grandes fortunes d'Afrique. Quatrième du classement de magazine Forbes sur le continent, il pèse plus de 7, 5 milliards de dollars. Originaire de Kano, il a prospéré dans le ciment et l'agroalimentaire. Il prône la production et la transformation locale des ressources naturelles. 

    Sergio Ermotti, le sauveteur à la tête d'UBS

    Play Episode Listen Later Mar 31, 2023 3:44


    La faillite de Silicon Valley Bank et la débâcle de Credit Suisse ont plongé le secteur bancaire dans la tourmente ces dernières semaines. Le couperet est tombé le 19 mars dernier pour la deuxième banque transalpine, au bord de la faillite : elle sera rachetée par sa rivale historique UBS. La fusion des deux poids lourds helvètes, mise en œuvre par l'État, suscite de nombreuses craintes et interrogations. Pour piloter cette fusion délicate, l'ancien patron d'UBS reprend du service : Sergio Ermotti a été rappelé à ses fonctions pour opérer ce rachat in extremis. Son portrait avec Anne Verdaguer. Il est surnommé le « George Clooney » de la Paradeplatz à Zurich, où se situe le siège d'UBS. Mais Sergio Ermotti a bien plus pour lui que sa carrure d'acteur américain et ses cheveux poivre et sel pour relever le défi qui se profile devant lui. Né à Lugano dans le canton du Tessin, une ville cossue près de la frontière italienne, ce banquier a fait ses premières armes à la banque américaine Merrill Lynch puis auprès de l'italienne Unicredit. Inconnu du grand public, Sergio Ermotti a d'abord fait parler de lui juste après la crise des subprimes qui a secoué la planète financière. Il était alors directeur général d'UBS, le numéro un bancaire helvétique. Dušan Isakov est professeur de finance et de gouvernance d'entreprise à l'Université de Fribourg : « C'est une personne qui a déjà dû restructurer massivement UBS après son sa débâcle durant la crise financière globale de 2007-2008 donc il faut dire ce qui est, il jouit  d'une grande crédibilité sur la place financière Suisse et internationale et actuellement c'est très important pour Credit Suisse qui avait perdu quasiment toute crédibilité au cours des derniers scandales de toutes ces années. Donc je pense que sa figure est là pour donner un petit peu de crédit parce que les gens sont quand même assez inquiets en Suisse : cet UBS, il sera grand et concernant comment tout ça va se passer, pour le moment il y a toutes sortes de scénarios qui sont envisagés. C'était un choc gigantesque pour le pays bien entendu donc il est là aussi un petit peu pour rassurer ».En quelques années, Sergio Ermotti a transformé UBS en un géant mondial de la gestion de fortuneUne gestion tournée vers les ultra-riches, notamment en Asie. Sous sa direction, la première banque helvétique a été l'une des banques les plus régulièrement rentables et les mieux évaluées en Europe. Mais la tâche qui l'attend s'avère elle aussi difficile. Avec ce retour à la tête d'UBS, c'est « le sens du devoir » et « le challenge » qui anime le banquier de 62 ans, c'est en tout cas ce qu'il a déclaré. Et avec le rachat de son désormais ex-rival Credit Suisse, il devra faire preuve de la plus grande diplomatie. L'économiste Michel Santi spécialiste des marchés financiers et auteur de BNS: rien ne va plus aux éditions Favre : « C'est l'homme de la situation parce qu'il a une maîtrise totale de cette banque qu'est UBS et parce qu'il a les relations humaines au niveau de l'état fédéral et au niveau du régulateur ainsi qu'au niveau de la Banque centrale. C'est principalement pour cela qu'il a été choisi : bien sûr parce qu'il est Suisse d'abord mais c'est surtout parce qu'il maîtrise les rouages politique dans le sens où ce nouveau géant bancaire va gérer des sommes monumentales par rapport à ce petit pays qu'est la Suisse et la taille gigantesque de ce géant risque fort d'entraîner dans sa chute l'économie du pays, en cas de bétises ou en cas d'accident… donc, à mon avis la nomination de monsieur Ermotti est surtout là bien sûr parce qu'il a les compétences requises, cela va de soi, mais surtout parce qu'il maîtrise les rouages politiques » Sergio Ermotti qui avait dans le temps déclaré « la suisse n'a pas besoin de deux grandes banques » : l'avenir le dira…

    Tisya Mukuna, la reine du café kinois

    Play Episode Listen Later Mar 24, 2023 3:16


    À trente ans, Tisya Mukuna est devenue la reine du café à Kinshasa. En 2021, elle a lancé sa marque de café La Kinoise et développé des plantations sur les hauteurs de Kinshasa, près du mont Ngafula.  Qu'est-ce qui pousse une jeune femme de trente ans, diplômée d'une école de commerce et spécialiste en négociation des affaires à se lancer dans la culture du café à Kinshasa ? Réponse : l'orgueil. « L'agriculture pour moi, c'est plutôt une histoire de passion, explique Tisya Mukuna. Je faisais pousser tout un tas de choses, des orangers, des citronniers. Et puis, un jour, j'ai essayé de faire du café. Tout le monde me disait que cela ne pouvait pas pousser à Kinshasa, et comme je suis têtue, je me suis dit que j'allais essayer. »Voilà comment un plaisir d'enfance devient une aventure agro-industrielle. Dans la région du mont Ngafula, aux portes de Kinshasa, là où l'air est plus léger et le soleil moins violent, Tisya Mukuna déniche quelques hectares. Une dose de volonté, un soupçon de chance, le regard bienveillant d'un vieil oncle. Et le tour est joué : « Au départ, j'ai fait les expériences avec un vieil oncle à moi qui était agronome. Il m'a donné des pistes, il m'a trouvé mes premières semences. Et après, j'ai beaucoup cherché sur internet. Je me suis inspirée du Vietnam par exemple. »« Un plan d'action très clair »Mais Tisya Mukuna n'est pas du genre à se contenter de surveiller ses champs. « Grâce à ma formation scolaire et académique, j'ai pu créer une marque, trouver des partenaires, poursuit-elle. J'avais un plan d'action très clair, et là, ce sont vraiment mes études qui m'ont aidée, parce que j'ai décidé de contrôler ma chaine de valeur pour pouvoir contrôler aussi toute la qualité de mes produits. »Après trois années à récolter le café et accumuler des stocks, elle lance son produit en 2021. Tisya Mukuna transforme en or tout ce qu'elle touche, affirment ses admirateurs. Elle est née avec une cuillère en or dans la bouche, pourraient rétorquer les jaloux. Ce n'est pas si simple. Fille de l'entrepreneur Georges Mukuna ayant fait fortune dans le pétrole, elle n'a jamais demandé ni reçu l'aide de son père. Eric Mukuna, son frère, en témoigne : « Elle a fait tout toute seule. On a quand même une famille nombreuse, avec des ramifications aussi bien dans les secteurs institutionnel, politique et économique. Mais elle a tout fait toute seule. Et ça c'est une grande fierté pour nous qui la voyons grandir depuis maintenant trois ans. Dans la famille Mukuna, s'il y a bien une histoire que l'on aime raconter, c'est celle de ce père qui exige de leurs enfants qu'ils fassent leurs preuves. Pour lui, c'était important que l'on réussisse seul. Alors bien entendu, il nous a permis de faire des études, mais jamais de passe-droits, il déteste cela, et moi par exemple, il ne m'a jamais présenté personne. »Produit démocratiqueSelf made woman, plutôt que fille à papa, Tisya Mukuna a néanmoins hérité du gène paternel. Elle ne manque pas une occasion de faire découvrir sa marque. Et la visite du pape François en janvier dernier en fut l'occasion : « On a pu servir le service papal, la presse papale, la presse internationale, la presse locale, le gouvernement, lors de la visite du pape. Il faut savoir que la RDC, il y a quelques années, était l'un des premiers exportateurs de café. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Or, le café est la deuxième marchandise la plus échangée dans le monde, juste après le pétrole. Donc, c'est vraiment un manque à gagner. Nous, on a envie de faire du café une vraie force en agriculture et en économie. »Tisya Mukuna développe aussi un réseau de vendeurs ambulants qui vont sillonner les quartiers de quatre grandes villes congolaises pour y vendre des dosettes à bas prix. Le café doit rester, selon elle, un produit démocratique.► À lire aussi : L'Afrique du Sud se met doucement au café

    Greg Becker, patron déchu de la banque régionale américaine Silicon Valley (SVB)

    Play Episode Listen Later Mar 17, 2023 4:31


    Greg Becker, 55 ans, a grandi dans le Midwest des États-Unis. Après avoir étudié la finance à l'Université de l'Indiana, il fait ses débuts dans une banque à Detroit dans le Michigan avant d'intégrer la Silicon Valley Bank, il y a trente ans. Karl Toussain Du Wast, fondateur de Net investissement :« Il a un parcours à la fois classique et idéal. Il gravit les échelons dans la banque et, en 2013, il prend la direction de la Silicon Valley Bank. En l'espace de dix ans, il réussit à faire monter la banque à la 16e place des banques américaines les plus importantes, avec 210 milliards de dollars d'actifs sous gestion, 175 milliards de dépôts. Mais c'est surtout la banque qui accompagnait toutes les boîtes de la tech de la Silicon Valley aux États-Unis. »Greg Becker est connu aux États-Unis pour avoir défendu un allègement des régulations, allégement qui lui a permis de prendre des risques financiers. Tout allait bien jusqu'à ce que des rumeurs suscitent la méfiance des clients de la banque, dans un contexte d'inflation et de hausse des taux d'intérêt par la Réserve fédérale afin de juguler la flambée des prix. Karl Toussain Du Wast poursuit :« La semaine dernière, qu'est-ce qui se passe ? En fait, certains gros clients reçoivent des informations comme quoi Greg Becker aurait raté une augmentation de capital de 2 milliards de dollars, ce n'est pas beaucoup, suite à la cession en urgence d'une grosse partie des obligations que la Banque avait en portefeuille, concomitamment à l'augmentation des taux. Je traduis : la banque a des obligations en portefeuille, les taux directeurs de la Fed montent. Ces obligations deviennent un peu moins sexy que les nouvelles, donc il veut les liquider. Il a besoin de se renflouer, de se resolidifier, donc il veut faire une petite levée de fonds de 2 milliards de dollars. Il échoue. Et c'est l'aspect psychologique de l'interprétation de gros clients qui se disent : ''Oula, le gars n'est plus capable d'aller chercher 2 milliards de recapitalisation, je veux retirer mon argent''. Et, à ce moment-là, effet boule de neige : il y a tout d'un coup 42 milliards de dollars qui ont été demandés en retrait en l'espace de 24 heures, et on a assisté à ce qu'on appelle dans le jargon un "bank run". C'est quand une banque subit un ou des retraits massifs de la part de ses clients et n'est donc plus en capacité d'en assurer la liquidité. Et c'est de là que tout est parti. »Pour éviter la contagion, les régulateurs américains ont immédiatement pris les choses en main pour sécuriser les actifs des clients de la banque et de deux autres banques régionales défaillantes. Même Joe Biden est monté au créneau pour rassurer ses citoyens. « Les Américains peuvent avoir confiance dans le fait que notre système bancaire est sûr. Votre argent est en sécurité. Premièrement, tous les clients qui ont déposé de l'argent dans ces banques peuvent être sûrs qu'ils seront protégés et qu'ils auront accès à leur argent. Deuxièmement, les dirigeants de ces banques seront renvoyés. Nous devons obtenir le compte-rendu complet de ce qui s'est passé. Dans mon administration, personne n'est au-dessus de la loi. » L'effondrement de la SVB a créé la panique à l'échelle mondiale. Christian de Boissieu, vice-président du Cercle des économistes, explique : « La finance est un secteur inflammable compte-tenu du fait qu'il repose sur la confiance. Et la confiance, cela se perd facilement. Donc, avant même la faillite de cette banque californienne, on avait des marchés financiers qui avaient trop monté. En Europe, aux États-Unis, ailleurs, il y avait une spéculation excessive en bourse, et donc, c'est cela que j'appelle de la finance inflammable. Et il suffisait de pas grand-chose pour déclencher les sévères corrections auxquelles on assiste actuellement, y compris d'ailleurs de manière un peu injuste sur les banques européennes, parce que les banques européennes, globalement, se portent bien. Elles ont affiché, pour 2022, des rentabilités élevées. Mais la finance est globalisée, donc quand vous avez un problème bancaire aux États-Unis, même si c'est une banque régionale, ça devient assez rapidement un problème mondial. »Il faut donc, ajoute Christian de Boissieu, que les Américains continuent à rassurer mais qu'ils reviennent aussi à plus de règlementations bancaires, comme celles qui avait été mises en place après la crise financière de 2008, avant d'être assouplies par la suite sous l'administration Trump, contribuant ainsi, en partie, à la déconfiture de Greg Becker.

    Loïse Tamalgo, directeur général Afrique du minier Eramet

    Play Episode Listen Later Mar 10, 2023 4:18


    Manganèse, nickel, sables minéralisés, Eramet a atteint des records de production en 2022, et réalise un chiffre d'affaires en progrès de 37%. Sur le continent africain, les intérêts du groupe minier sont défendus depuis un an par Loïse Tamalgo. Portrait d'un burkinabé, passionné de stratégie, signé Marie-pierre Olphand. Loïse Tamalgo est entré dans le monde des affaires grâce à sa première passion, l'informatique. « J'ai créé ma première entreprise dans ma chambre d'étudiant en 1999. On était trois et on travaillait quasiment 24h/24. Quand on était fatigué on se mettait dans un coin pour dormir ». C'était passionnant et je me suis dit « c'est ce que je sais faire et ce que je vais continuer à faire ». Sur sa page professionnelle LinkedIn le jeune étudiant qui a longtemps réparé des ordinateurs et se vante, avec le sourire, de taper 25 mots à la minute sans regarder son clavier se décrit aujourd'hui comme  « un manager chevronné, un homme qui aime relever les challenges avec ténacité ». Son parcours n'a pourtant pas été linéaire. « J'ai fait de brillantes études, je n'ai pas du tout souffert à l'école mais quand j'ai fini l'école j'ai beaucoup échoué. J'ai échoué au concours de la diplomatie cinq fois, cinq années d'affilée, j'ai échoué à plusieurs demandes d'emploi au point que je me demandais : qui suis-je est-ce que j'ai de la valeur, est-ce que, est-ce que… ? »En plein questionnement Loïse Tamalgo trouve finalement une issue grâce à une offre de travail du groupe de téléphonie Huawei.  Très vite il gagne l'estime de la direction chinoise, qui lui décerne plusieurs médailles. "Sans être ingénieur télécom il arrivait en un rien de temps à maitriser la spécificité de ses équipements et à les vendre, se souvient  Brice Levry un de ses anciens collègues. Il faisait signer des contrats, des projets clés en main, obtenait des contrats avec le gouvernement avec des clauses d'exonération et ça plaisait beaucoup au groupe." Année après année, Loïse Tamalgo  gravit les échelons jusqu'à s'occuper des relations publiques du groupe pour 22 pays africains. 14 ans chez Huawei, une longévité record à laquelle Loïse Tamalgo ne s'attendait pas : « Il y a eu une première période de battement où je me cherchais et à un moment, je me suis dit :  il faut étudier, comprendre la culture, s'adapter et faire usage de stratégie, un domaine qui me passionne pour trouver les solutions et les méthodes pour survivre. Je me suis dit, j'ai un potentiel forcément à l'intérieur de moi-même et je vais trouver en moi ce que j'ai d'original que d'autres peut-être n'ont pas. Y compris des faiblesses que je peux  transformer en forcer et forcément, ils vont me garder. » Pendant 14 ans, Loïse Tamalgo a évolué dans une culture d'entreprise chinoise et a appris aussi un peu la langue « mais pas trop » confie-t-il. «  Pour des questions de stratégie j'ai évité de trop comprendre le chinois ».« Un passionné de la réussite »Arrivé à la plus haute fonction jamais occupée par un étranger dans le groupe, Loïse Tamalgo quitte Huaweï pour s'envoler vers d'autres horizons et découvrir d'autres cultures. Il reçoit alors « une avalanche de propositions » selon un de ses proches, et choisit d'intégrer le groupe minier français Eramet. Ce n'est pas un homme du sérail et rien ne le prédestinait à entrer dans ce secteur, mais cela ne surprend pas un de ses anciens professeurs Xavier Willemart, fondateur du cabinet belge CrossMind. « C'est quelqu'un d'une grande humilité, vif d'esprit, très attentif,  très appliqué et qui a une grande capacité d'analyse. C'est un passionné de la réussite.  Il aurait pu être brillant ailleurs ». « Il me demandait tous les soirs à la fin des cours l'autorisation pour se lever, il se mettait debout derrière sa chaise, il s'accrochait au dossier,  fermait les yeux et écoutait la fin du cours les yeux fermés parce qu'il était épuisé. Je n'ai jamais vu un bosseur pareil, même quand il se repose, ce type est alerte ! » se souvient l'enseignant.Aujourd'hui délégué général d'Eramet en Afrique, Loïse Tamalgo s'est fait une réputation d'homme discret mais efficace, à Libreville, là où il est basé. On parle de lui comme l'artisan de la rétrocession d'une mine de terres rares à l'État gabonais, dans le cadre du recentrage du groupe sur ses activités principales, il préfère personnellement mettre en avant son action au profit des femmes et de l'entrepreneuriat local. « Lorsque  je suis arrivée chez Eramet, j'ai été à la base de l'impulsion pour mettre en place un accélérateur d'entreprises de femmes gabonaises en collaboration avec Women in Africa, dénommé Femmes d'avenir qui sur trois ans, et depuis l'année dernière, va contribuer à accélérer 130 entreprises de femmes gabonaises. Nous allons répliquer l'expérience au Sénégal et ailleurs. »Défenseur d'une industrie minière responsable, Loïse Tamalgo rêverait de participer au développement minier du Burkina Faso. Le sous-sol de son pays d'origine regorge de trésors de manganèse. Des gisements pour l'instant inexploités, pour des raisons d'insécurité, mais aussi de stratégie économique.

    Zohra Slim, co-fondatrice de InstaDeep

    Play Episode Listen Later Mar 3, 2023 4:28


    Le rachat d'InstaDeep, start-up (« jeune pousse ») tunisienne spécialisée en intelligence artificielle par l'Allemand BioNTech pour 409 millions d'euros a fait les gros titres de la presse économique. Spécialisée dans « l'aide à la décision », InstaDeep a permis d'identifier les variants les plus dangereux à une rapidité inégalée au plus fort de la pandémie de Covid-19. Une prouesse qui lui a valu d'être remarquée à l'international. Portrait de la co-fondatrice, Zohra Slim. Une jeune femme aux allures d'éternelle adolescente, à la fois discrète, drôle et très déterminée. De notre correspondante à Tunis,Zohra Slim, 39 ans, n'aime pas trop les médias et le dit sans détours : « Je ne suis pas là pour ça. Je suis là pour bosser. Ce n'est pas mon trip de faire 50 millions d'entretiens. Ce n'est pas quelque chose que j'adore faire. » Jean, baskets, chemise à carreaux. Le look est décontracté, la parole mesurée.Ce matin-là, elle accueille de nouvelles recrues autour d'un petit-déjeuner. Et quand sa chargée de communication lui demande de faire un petit discours de bienvenue, ça donne : « Bonjour et bienvenue. InstaDeep est fière… (rires) » Ne pas se prendre au sérieux, toujours un petit sourire en coin et l'œil qui pétille, Zohra Slim a gardé son âme d'enfant : « J'ai toujours été quelqu'un de très curieux. Je me rappelle qu'à un certain moment mon père a dû mettre un verrou sur le petit box à outils parce que je m'amusais à ouvrir des choses à la maison. J'ai ouvert un toaster à quatre ans et demi. Ils sont venus, ils ont tout trouvé éparpillé. Je voulais comprendre pourquoi quand on enfonçait le plunger du toaster, tout à coup, le fil devenait rouge. »Parcours atypiqueTouche à tout, curieuse de tout, la jeune femme a un parcours atypique dans le monde des « jeunes pousses ». Pour seul diplôme, elle obtient son bac littéraire dans un des lycées français de Tunis. Cette fille de diplomate - qui parle cinq langues - et qui a vécu sur plusieurs continents ne tient pas en place. Elle a rapidement envoyé valser ses cours d'anglais à la Sorbonne pour renouer avec ses premières amours : l'informatique qu'elle exerce à haute dose en Tunisie, mais aussi en Inde.► À lire aussi : Tunisie: des starts-up culturelles en pleine expansionPuis, elle rencontre Karim Beguir, futur co-fondateur d'InstaDeep. Un polytechnicien un peu fou à l'entendre : « Karim est très optimiste. Et il montre ses émotions. La personne qui fonce parfois s'il n'y a pas quelqu'un pour tempérer son "let's go" ["C'est parti", NDLR], ça peut très vite partir en cacahuète. Et dans l'autre sens aussi, c'est bien d'avoir quelqu'un qui pousse. Donc, il y a une espèce d'équilibre qui est assez cool qui fait qu'il n'y a jamais une décision qui est faite sans qu'il y ait plusieurs discussions dessus. »SensibilitéAlors que l'Allemand BioNTech a acquis sa société pour la bagatelle de 409 millions d'euros, Zohra Slim, le sourire malicieux toujours vissé aux lèvres, s'en amuse : « J'aime bien le fait de ne jamais avoir vraiment été le visage de la boîte. Parfois, des gens me demandent ce que je fais comme boulot et quand je réponds que j'ai une boîte d'intelligence artificielle, ils me disent "Ah, ça serait cool si tu étais acquise comme cette start-up-là". Je réponds "c'est moi en fait". Ça me fait marrer. »Une ironie derrière laquelle se cacherait en réalité une femme d'une grande sensibilité. C'est ce que pense Amine Kerkeni, à la tête de l'équipe des ingénieurs d'InstaDeep. Lui qui a rejoint l'aventure en 2017 alors que la société ne comptait qu'une dizaine de personnes, connaît Zohra Slim par cœur : « Elle est exceptionnelle pour gérer les émotions des gens. Parfois un peu trop parce qu'émotionnellement c'est très difficile de se soucier de tous les problèmes de tous les gens, surtout quand tu as une grosse équipe. Elle a une empathie que peu de gens ont. Et ça, c'est très fort, ça permet de maintenir la solidité de l'équipe. »De la famille de Mongi Slim, ancien ministre charismatique des Affaires étrangères tunisien, Zohra Slim a repris le flambeau en faisant rayonner à sa façon la Tunisie à l'international.► À lire aussi : En Tunisie, la green-tech de Yassine Khelifi valorise les oliviers

    Jean-Baptiste Reddé, alias Voltuan, activiste-poète et manifestant professionnel

    Play Episode Listen Later Feb 17, 2023 4:15


    Ce vendredi 17 février totalise un mois de mobilisation contre la réforme des retraites en France. Une nouvelle journée de grève nationale est prévue le 7 mars alors que la réforme est toujours examinée à l'Assemblée nationale. Des manifestants déterminés. Surnommé l'homme à la pancarte. Jean-Baptiste Reddé alias Voltuan (son nom d'activiste) est de toutes les luttes, de toutes les manifestations. Portrait. Il était en 2017 à Toulouse en soutien aux faucheurs de chaises contre la fraude fiscale et le blanchiment. Et aussi à la manifestation des boulangers à Paris fin janvier...Jean-Baptiste Reddé activiste-poète, est un manifestant professionnel.Gilets jaunes, loi travail, obsèques du comédien Guy Bedos, ce grand homme aux traits émaciés épouse de nombreuses causes. On le retrouve dans un cortège, une manifestation parisienne contre les retraites.« Quand on lutte, c'est comme quand on aime, on ne compte pas. Dès que j'entends qu'il y a une manifestation pour des vraies causes, j'y vais. Pour l'Iran, l'Ukraine, en soutien aux Ouïghours, des marches pour le climat ou pour la justice sociale. Tout cela est lié. C'est la convergence des luttes ».Voltuan organise parfois lui-même des marches. Pour les réfugiés syriens, contre les pesticides. Avec un signe reconnaissable au milieu de la foule. Toujours une pancarte trônant sur ces deux bras levés. Des heures durant.« Celle-là, je l'ai faite la veille de la manif' à Paris dans un café qui m'autorise à faire les pancartes ». Des slogans percutants inscrits en lettres multicolores. « J'aime bien regarder ce que font les autres aussi dans les manifestations ; se révolter, c'est très créatif ». Cette créativité et sa présence l'ont petit à petit rendu célèbre dans les défilés. « C'est vrai que les gens me reconnaissent parfois. Ils me font un petit signe amical en me remerciant d'être toujours là. Je renvoie la balle parce que c'est ensemble qu'on y arrivera. Eux aussi sont toujours là ».   Voltuan, l'homme à la pancarteAncien instituteur âgé de 65 ans, Voltuan est devenu l'homme à la pancarte il y a une quinzaine d'années, même s'il lutte depuis bien plus longtemps. « Je suis révolté depuis mon adolescence, depuis mon enfance même. À la maison, mes parents ne s'entendaient pas du tout. J'étais très sauvage, j'avais en moi beaucoup de frustrations. Mon héroïne, c'était Baguera la panthère noire dans 'Le Livre de la Jungle' parce qu'elle était sauvage et en même temps, elle protégeait Mowgli. Ma famille, c'était la nature et les animaux. Et la famille qui m'a sauvé, ce fut celle de l'action solidaire. J'étais instituteur et je me suis arrêté il y a une dizaine d'années, parce que je ne pouvais plus aller travailler et voir le monde aller si mal ».Voltuan a parfois été accusé de prendre trop de place, d'être dans un activisme systématique frôlant l'affichage. Lui s'en défend.« Pas du tout ! C'est du concret. C'est important d'être dans le concret pour crier ma révolte d'un monde où beaucoup trop de choses vont mal. Nos dirigeants ne font pas les choses comme il faudrait qu'elles soient faites. C'est très triste parce que les gens ne votent plus désormais. C'est dommage, il faudrait remettre toutes les cartes sur table ».Il a également publié plusieurs recueils de poèmes. La colère du peuple Voltuan préfère l'écrire sur ses panneaux géants.  

    Nathan Anderson, activiste et spéculateur américain qui accuse le conglomérat indien Adani de manipulations

    Play Episode Listen Later Feb 10, 2023 3:47


    Aujourd'hui l'économie, le portrait, c'est celui de Nathan Anderson, activiste et spéculateur américain. Il accuse le magnat indien, Gautam Adani, d'avoir bâti son empire sur l'escroquerie. Le Fonds d'investissement norvégien en a pris acte, et a vendu les participations qu'il détenait dans plusieurs sociétés du groupe Adani (Adani Total Gas, Adani Ports, Adani Green Energy). « C'est la plus grande escroquerie de l'histoire des affaires », dénonce Nathan Anderson dans un communiqué sur le site de sa micro-société Hindenburg Research, défrayant la chronique dans tous les médias indiens.Cet activiste et spéculateur américain, a, avec ses révélations, fait perdre 200 milliards de dollars à Adani, empire qui s'étend de l'énergie, aux aéroports, en passant par les médias.« Si c'est la plus grande escroquerie de toute l'histoire, je ne sais pas, il y en a eu tellement, mais dans le cas indien, c'est la plus grande escroquerie, dont on peut dire qu'elle a deux aspects très nets : le premier c'est la relation extrêmement étroite de Gautam Adani avec le Premier ministre Narendra Modi puisqu'ils se connaissent depuis plus de trente ans et qu'en l'espace de 10, 15 ans, on a une ascension météorite de Gautam Adani qui devient la troisième fortune mondiale par l'accumulation d'un empire qui repose sur un endettement gigantesque, par le biais de prêts de banques publiques indiennes, dont on peut penser qu'il y a eu un coup de pouce du pouvoir, et, deuxièmement, des montages financiers totalement obscurs par le biais en particulier de l'île Maurice qui reposent sur des affaires qui ne sont pas rentables pour une très grande partie. Ce que ce consultant a mis en lumière, c'est qu'il y avait un phénomène de bulle spéculative qui avait été orchestrée autour de Gautam Adani et que son empire est un empire de dettes », analyse Jean-Joseph Boillot, chercheur à l'IRIS, l'Institut des relations internationales et stratégiques. Né dans les années 1980, Nathan Anderson grandit dans une petite ville du Connecticut. Son père est professeur d'université, sa mère infirmière. Il fait des études de commerce, puis un court séjour en Israël où il sera ambulancier tout en suivant des cours à la Hebrew University of Jérusalem. De retour aux États-Unis, il travaille pour une société d'analyse financière, puis pour des fonds spéculatifs. En 2017, il fonde son cabinet d'études Hindenburg Research, du nom du dirigeable allemand qui a explosé en plein vol en 1937. Son mentor n'est autre que le lanceur d'alerte américain d'origine grecque, Harry Markopolos, qui a exposé les malversations financières de l'homme d'affaires Bernard Madoff. Anderson suit les traces de son mentor et, il y a 5 ans, attaque, dans une enquête à charge, l'entreprise Aphira, spécialisée dans le cannabis thérapeutique qui détourne les fonds de ses actionnaires à son profit. Le titre d'Aphira s'effondre dans la foulée de 25%. Sa carrière est lancée. En 2020, il révèle la tromperie du constructeur américain de véhicules Nikola« Il a fait un rapport à l'époque sur Nikola, cette société qui allait lancer des camions électriques pour rivaliser avec Tesla et effectivement, il y avait eu des dénonciations, certains manquements de la part de Nikola qui se sont avérés par la suite, remarque Alexandre Baradez, responsable des analyses de marché pour le courtier IG. Le but derrière, c'est effectivement de faire de l'argent, mais aussi de dire attention, cette entreprise présente des fragilités, voire est frauduleuse et risque la faillite. »Le constructeur américain a dû alors payer une sanction de 125 millions de dollars et son action s'est écroulée de 75%. Le gros lot pour Nathan Anderson et son équipe d'Hindenburg Research, car ce lanceur d'alerte d'un nouveau genre parie aussi sur la chute des cours de la société qu'il dénonce par un mécanisme de vente à découvert.« Hindenburg Research, c'est une entreprise, comme Citron Research également qui a fait parler d'elle pendant la crise Covid avec le phénomène des actions type Gamestop qui sont des actions qui ont beaucoup bougé, poursuitAlexandre Baradez. Ces groupes jouent sur les deux tableaux : ils publient des notes sur des groupes dont on n'a parfois jamais entendu parler, et parfois, ils s'attaquent à des mastodontes. Adani, le groupe Adani est le plus puissant de l'Inde et donc là, il s'attaque à un énorme morceau en dehors des frontières américaines. L'objectif est de dénoncer certaines pratiques que le groupe Adani essaye de contrer en termes de propos, mais aussi de prendre des positions à la baisse, de faire de la vente à découvert sur des actifs qu'ils jugent survalorisés par rapport à la réalité, l'objectif étant de profiter d'une baisse des cours et plus le titre baisse, plus, vous gagnez de l'argent. C'est exactement comme une opération d'achat, mais dans l'autre sens. » Mais lorsque ces lanceurs d'alerte du capitalisme s'attaquent à un mastodonte comme Adani, prévient Alexandre Baradez, mieux ne pas se tromper, car les représailles peuvent être redoutables.

    Sam Altman, patron intelligent d'OpenAI derrière ChatGPT

    Play Episode Listen Later Feb 3, 2023 3:55


    Sam Altman est à la tête de l'entreprise derrière l'intelligence artificielle qui agite le monde de la tech ces dernières semaines. Portrait du patron d'OpenAI, la société qui développe les outils ChatGPT et Dall-e notamment. Un homme d'affaires qui rêve de réinventer le monde grâce à la généralisation de l'intelligence artificielle (IA). Sam Altman est de ceux qui pensent que le développement des technologies et de l'intelligence artificielle va régler l'ensemble des problèmes de l'humanité. Avec ChatGPT, son robot conversationnel, avec Dall-e, son générateur d'images, et Vall-e son synthétiseur de voix, l'investisseur américain de 37 ans, compte bien être le moteur de cette révolution technologique et sociale. Une révolution sans précédent, selon lui. Voilà ce qu'il déclarait il y a trois ans lors d'un échange avec l'investisseur Vinod Khosla : « Nous essayons de construire une intelligence plus performante que celle de l'homme. Nous cherchons à l'utiliser pour résoudre les problèmes auxquels le monde est confronté. Si nous réussissons dans cette quête, je pense que ce sera la transformation technologique la plus importante de l'histoire de l'humanité. Je pense qu'elle éclipsera la révolution agricole, industrielle, et la révolution d'Internet, toutes réunies. »Sam Altman vient de poser les premières pierres de cette quête avec la mise en service récente de ChatGPT. Un service non pas révolutionnaire, mais innovant dans son approche, selon Stéphane Nachez, directeur de la publication du magazine Actu IA : « Le grand coup de Sam Altman, a été de proposer une combinaison de technologies existantes sous la forme d'un produit clé en main, utilisable par le grand public, où enfin le grand public voit l'intérêt de l'IA et qui va permettre de se développer très rapidement au cours des années à venir. » Figure de la Silicon ValleyCe succès de ChatGPT, a poussé le natif de Chicago sur le devant de la scène internationale. Même si Altman joue déjà dans la cour des grands depuis plusieurs années. Le jeune homme d'affaires est un pur produit de la Silicon Valley. Sa carrière commence sur les bancs de la prestigieuse université de Stanford, le berceau des élites de la tech, où il y apprend l'informatique. Mais à 19 ans - on est alors en 2005 - il arrête ses études pour cofonder Loopt. Une application mobile qui permet à ses utilisateurs de partager en direct leur localisation.Loopt devient très rapidement un succès et compte plusieurs millions d'utilisateurs. Mais Sam Altman rêve encore plus grand. En 2011, il revend son premier projet à prix d'or et rejoint Y Combinator, un incubateur de start-up très coté dans la Silicon Valley.Brillant investisseurAirbnb, Reddit, Stripe ou encore Pinterest... Sam Altman flaire les investissements juteux et gagne rapidement en notoriété. À côté de son poste de dénicheur de start-up, il décide en 2015 de se lancer dans l'intelligence artificielle. C'est là qu'il cofonde OpenAI, avec plusieurs partenaires, dont un certain Elon Musk. Si les deux amis partagent la même vision de la tech, politiquement, ils ne sont pas sur la même ligne. À l'inverse du patron de Twitter, Sam Altman s'est toujours dit proche du parti démocrate. Il milite notamment pour un revenu universel financé par les profits générés par l'intelligence artificielle. Et même sur leur personnalité, il est important de les distinguer, assure Stéphane Nachez : « Il est moins fantasque et moins polémique qu'Elon Musk. Ce qui permet pour l'instant de le préserver de coups d'éclat et de bad buzz. »Pour autant, cela n'empêche pas sa société d'être au cœur des critiques. Une récente enquête du magazine Time a révélé qu'OpenAI a eu recours à des travailleurs kényans, rémunérés moins de deux dollars de l'heure. De quoi écorner l'image de celui qui se présente comme le chevalier blanc, d'une intelligence artificielle éthique et responsable.► À lire aussi : Cool Tech - De Palo Alto à San Francisco, au cœur des nouvelles technologies

    Marie-Anne Barbat-Layani, première femme à la tête du gendarme français de la Bourse

    Play Episode Listen Later Jan 6, 2023 3:39


    Marie-Anne Barbat-Layani est la première femme à la tête de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Cette haute fonctionnaire succède à l'économiste Robert Ophèle. Marie-Anne Barbat-Layani, 55 ans, a pris ses fonctions à la présidence de l'AMF fin octobre 2022, sur la recommandation d'Emmanuel Macron, pour un mandat de cinq ans non renouvelable. Quelle est la principale mission du gendarme de la Bourse dans un contexte de forte flambée des prix, de ralentissement économique, de tumultes dans le monde des cryptomonnaies avec le scandale de la plateforme d'échange américaine FTX ? Marie-Anne Barbat-Layani y répond : « La mission centrale de l'AMF c'est la protection des épargnants. Aujourd'hui, il y a de nombreux éléments qui nous amènent à être vigilants. Nous sommes garants de l'intégrité des marchés financiers. Et il y a un autre domaine qui s'est beaucoup développé et sur lequel l'AMF a un rôle très important à jouer, c'est la finance durable qui touche à beaucoup de nos activités, qui est transversale et sur lequel, nous avons un gros investissement à faire pour accompagner les acteurs économiques et financiers vers une finance plus durable. » Des missions que Marie-Anne Barbat-Layani saura mener à bien, assure René Ricol, ancien commissaire général à l'investissement : « On a beaucoup travaillé ensemble et j'ai été très frappé à la fois par sa compétence technique, on trouve souvent des gens compétents dans les cabinets des Premiers ministres, mais à cette compétence technique très pointue s'allie la façon de faire passer les choses avec à la fois beaucoup d'autorité et, en même temps, beaucoup d'écoute. Elle est pour l'AMF une chance parce qu'elle va savoir, au plan national et international, comprendre complètement la technicité des dossiers qui devient de plus en plus difficile avec des normes, des régulations qui s'amplifient sans arrêts, des intérêts de l'Europe et de la France qui sont à défendre. Elle a toutes les caractéristiques pour cela. » Au service de l'État Marie-Anne Barbat-Layani est née en Corrèze et a grandi en Auvergne. Ses parents étaient professeurs. Élève brillante, elle a fait l'ENA et occupe ensuite de hautes fonctions, en grande partie, dans le secteur public au ministère des Finances, au cabinet du Premier ministre François Fillon et à Bruxelles en tant qu'attachée financière à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne. Elle a aussi travaillé dans le privé à la direction de la Fédération nationale du Crédit Agricole, puis de la Fédération bancaire française. Mais pourquoi a-t-elle choisi principalement la fonction publique ? « Je pense que je suis attachée à l'intérêt général, expliqueMarie-Anne Barbat-Layani. Ensuite, je suis Française et je pense qu'en France, l'État, au sens large, a un rôle particulièrement important. C'est vrai dans notre histoire ? C'est aussi vrai que lorsque les Français sont confrontés à des situations un peu difficiles, assez naturellement, ils se tournent vers l'État et l'État aussi répond. J'ai eu envie de contribuer à cette activité d'intérêt général qu'est le service de l'État. » La cause des femmes « J'ai un vrai engagement pour la cause des femmes et j'ai une très grande admiration pour celles qui ont réussi sans se soucier de ce qu'on disait d'elles, poursuit l'énarque. Et notamment pour Madonna, à qui on n'a jamais cessé de dire qu'il fallait qu'elle s'arrête, qu'elle était trop petite, qu'elle ne chantait pas bien, qu'elle ne dansait pas bien et ensuite, très vite, qu'elle était trop vieille et elle n'a jamais écouté personne. Elle a continué à mener sa carrière et c'est une des artistes qui a le mieux réussi. Je trouve que c'est un bon exemple. Il ne faut pas écouter les gens qui ne croient pas en vous. » Marie-Anne Barbat-Layani est mariée à Stéphane Layani, président du marché international de Rungis, avec qui elle a deux enfants. En dehors du travail, elle aime être en famille, nager, lire et voir ses amis, l'amitié étant « fondamentale » à ses yeux.

    Twitter, Starlink, Tesla: l'année très chargée d'Elon Musk

    Play Episode Listen Later Dec 30, 2022 4:14


    Aujourd'hui l'économie retrace l'année folle d'Elon Musk. Une année 2022 très dense pour le multimilliardaire. Le « serial entrepreneur » a ajouté Twitter à la longue liste des groupes qu'il dirige déjà. Elon Musk est devenu « Chief Twit » cet automne. Ce sont ces mots, qui signifient « Crétin en chef », qu'il a fait apparaître sur son profil Twitter au moment du rachat du réseau social pour 44 milliards de dollars. Une acquisition au prix d'un gros endettement pour Twitter, et qui a tenu les Twittos en haleine. Le désormais deuxième homme le plus riche de la terre, selon Forbes, annonce au printemps son intention de mettre la main sur l'oiseau bleu, puis n'en veut plus l'été venu, avant de finaliser l'opération pour s'éviter un procès. Le rachat n'apaise pas le tumulte Si tôt les clefs de la boutique en main, Elon Musk vire l'équipe dirigeante et le conseil d'administration pour se retrouver seul aux manettes d'une entreprise qu'il retire de la Bourse. Il licencie sans ménagement la moitié des 7500 salariés et pose un ultimatum aux employés restants : travailler « à fond » ou partir. Les salariés ne sont pas les seuls à prendre leur distance. Plusieurs grandes marques suspendent leur publicité de crainte d'être associées à des contenus toxiques. Le libertarien est arrivé avec l'intention d'assouplir la modération. Une liberté d'expression qui se révèle à géométrie variable. Le nouveau patrondu réseau social a récemment suspendu les comptes de journalistes qui couvrent l'actualité de Twitter et de son propriétaire avant de se raviser. Dans les semaines qui suivent le rachat, il tente, tour à tour, de rassurer les annonceurs ou les menace d'appeler à un boycott « thermonucléaire ». Il « déclare » notamment, brièvement « la guerre » à Apple dont il critique aussi les commissions prises sur l'App Store. Un épisode surprenant pour Carolina Milanesi, présidente du cabinet de consulting Heart of Tech : « Cela montre à quel point il connait mal ce monde-là. Il a critiqué Apple pour sa commission "secrète" de 30%. Mais ce n'est pas secret du tout. Cela se sait depuis des années. » « Une affaire personnelle » Si tout ce tumulte inquiète les investisseurs ou les régulateurs, Elon Musk semble s'en amuser. Le trublion publie même la photo d'un homme posant devant une tombe, l'un et l'autre affublé d'un oiseau bleu, comme si Twitter assistait hilare à son propre enterrement. De quoi interroger sur ses intentions : « Je ne pense pas qu'il ait acheté Twitter parce qu'il y aurait vu une opportunité économique, ne serait-ce que parce qu'il faudrait que cette opportunité soit énorme pour récupérer sa mise, poursuit Carolina Milanesi. Selon moi, c'est une affaire personnelle. Il pensait devenir un héros en quelque sorte. » En fin de compte, après avoir sondé les Twittos, Elon Musk a promis qu'il démissionnerait de la direction générale dès qu'il aurait trouvé « quelqu'un d'assez fou pour accepter le job ».  Son successeur devra redresser les finances Elon Musk s'attend à un chiffre d'affaires 2023 en baisse de plus de 40% par rapport à 2021. Les remous pourraient avoir un impact sur les autres entreprises que Musk supervise. Le titre de Tesla s'effrite : -70% sur l'année. Toute la chute n'est pas liée à cette acquisition, mais il a vendu pour près de 40 milliards de dollars d'actions de Tesla cette année, en partie pour racheter Twitter, et des investisseurs s'inquiètent. Les prévisions de baisse de productions à Shanghai pèsent encore plus sur le titre. ► À lire aussi : L'action de Tesla, entreprise d'Elon Musk, au plus bas depuis deux ans Autre secousse du côté de Tesla, son plan de rémunération élaboré en 2018 et estimé à 56 milliards de dollars sur 10 ans lui a valu un procès. Starlink aide l'Ukraine à rester connectée Avec Twitter et Tesla, SpaceX a également fait couler beaucoup d'encre. Pour la première fois depuis 2019, SpaceX a fait voler son Heavy Falcon, la fusée la plus puissante du monde. Elle a par ailleurs obtenu un contrat avec la Nasa pour des navettes lunaires. SpaceX s'est illustré dans le conflit en Ukraine. Sa constellation Starlink a assuré des télécommunications aux combattants. Là encore, cela n'est pas sans quelques remous. À l'automne, il menace de ne plus fournir internet gratuitement à l'Ukraine et demande au Pentagone de prendre le relai. Là encore, Elon Musk finit par rétropédaler. Un temps remercié en héros, l'image du natif de Pretoriaa aussi été écornée en Ukraine par la publication, sur Twitter, de ses pistes pour un plan de paix entre Moscou et Kiev. Plan proposant notamment que la Crimée fasse officiellement partie de la Russie. L'ambassadeur d'Ukraine en Allemagne, Andrij Melnyk, lui avait répondu, toujours sur Twitter, d'aller « se faire foutre ». Dans un contexte très différent, quelques terminaux Starlink ont aussi été déployés en Iran pour contourner les restrictions imposées par les autorités. Après la voiture, le poids lourd électrique Tout cela, ce n'a pas suffi à remplir l'année d'Elon Musk. Petit inventaire à la Prévert du reste, non exhaustif de son actualité 2022 : il a livré le premier « Semi », le camion électrique de Tesla. Selon les promesses de l'entrepreneur, le 37 tonnes peut parcourir 800 km avec une charge, près du double de ce que les autres véhicules du segment proposaient jusque-là. Du côté de Neuralink, Elon Musk a annoncé que la start-up serait en mesure d'implanter son premier appareil connecté dans le cerveau d'un humain courant 2023. Encore faut-il que les autorités sanitaires approuvent. Enfin, l'une de ses entreprises, la BoringCompany - qui creuse habituellement des tunnels - a lancé un parfum. Surprenant, peut-être pas autant que son nom : « Burnt hair » [cheveu ou poil brûlé en français, NDLR]. ► À lire aussi : Twitter: «Le vrai projet d'Elon Musk est politique»

    Rodolphe Saadé, milliardaire discret de l'empire français CMA CGM

    Play Episode Listen Later Dec 29, 2022 3:33


    Portrait du milliardaire Rodolphe Saadé : ce Franco-Libanais de 52 ans est, depuis cinq ans, à la tête du géant français du fret maritime CMA CGM qui a connu des profits records depuis 2021. L'armateur basé à Marseille a engrangé près de 28 milliards de dollars de bénéfices nets depuis le début de l'année. C'est un peu plus qu'en 2021, et il compte bien en profiter pour s'agrandir. Rodolphe Saadé s'exprimait récemment sur France Inter : « Nous sommes dans le transport et la logistique, par exemple les baskets que vous portez viennent probablement d'Asie et sont transportées par des navires porte-conteneurs et j'espère à bord des bateaux de CMA CGM. Donc ça, c'est le transport maritime. Nous sommes également investis dans la logistique. Ce qui est important pour moi, c'est qu'aujourd'hui le groupe CMA CGM c'est 150 000 collaborateurs de grande valeur qui sont présents dans 160 pays et je compte beaucoup sur eux pour continuer à me développer. Donc tant que j'ai les moyens de le faire, je vais continuer. »   Rodolphe Saadé a pris les commandes de la CMA CGM, en 2017, un an avant le décès de son père Jacques Saadé. Ce Libanais d'origine syrienne avait fui la guerre civile au Liban en 1978 pour s'installer à Marseille. Au départ, il n'avait qu'un bateau et quatre employés, puis s'est développé grâce aux échanges internationaux, notamment vers la Chine. 44 ans plus tard, le groupe français est troisième mondial du fret maritime derrière l'Italien MSC et le Danois Maersk avec 580 navires porte-conteneurs. ► À lire aussi : L'armateur CMA CGM répond à l'appel du gouvernement français et baisse ses tarifs Il a pourtant traversé bien des tempêtes. Alors comment expliquer ces résultats exceptionnels ? Yann Allix, délégué général de la fondation « C'est facile », et spécialiste du monde maritime, portuaire et logistique : « Le résultat de CMA CGM a été multiplié par 12 sur les 24 derniers mois. Donc effectivement, il y a une réussite incroyable au niveau économique et macroéconomique de CMA CGM. Et ces superprofits résultent du jeu de l'offre et de la demande. On s'est retrouvé un peu tous confinés, il a fallu qu'on s'équipe et on a eu une demande d'e-commerce qui n'avait jamais été expérimentée. Ceci est véritablement le reflet d'une logique de marché qui a connu une forme de bulle sur 24 mois dans un monde de supply chain où on n'avait jamais connu une telle tension entre l'usine du monde qui est la Chine et le reste du monde qui avait besoin de produits et qui ne pouvait pas avoir accès à ces produits sans les compagnies maritimes. » Fort de ces bons résultats, ce patron discret a continué à étendre son empire en mer, sur terre, et dans les airs. Il vient de racheter de gros terminaux maritimes à New York. Il opère des entrepôts et des avions cargo partout dans le monde. Il a récemment acquis 9% du capital de la compagnie aérienne Air France-KLM. L'année 2023 s'annonce difficile Mais le vent est en train de tourner, reconnait Rodolphe Saadé sur France Inter : « Ce que je vois pour l'année 2023, je vois une année difficile. À cause de la crise énergétique, à cause des tensions entre l'Ukraine et la Russie. Donc l'Europe passe par une période compliquée. » Jérôme de Ricqlès est spécialiste du fret maritime chez Upply : « On a un ensemble de signaux assez négatifs à l'approche de 2023. Donc les compagnies maritimes sachant que cette période exceptionnelle n'allait pas durer ont réinvesti très rapidement leurs profits dans d'autres chainons de la logistique qui sont moins volatiles que le cours du fret qui eux fluctuent rapidement en fonction de l'offre et de la demande. »  Autre défi pour l'armateur français, la transition énergétique afin d'atteindre zéro carbone en 2050, sachant que le fret maritime est une activité très polluante, car les bateaux ont besoin de fuel lourd pour naviguer. ► À lire aussi : CMA CGM rachète le transporteur automobile français Gefco

    Liu Young-way, le discret président du géant Foxconn

    Play Episode Listen Later Dec 28, 2022 4:11


    Liu Young-way dirige le plus grand sous-traitant d'électronique au monde. Portrait du président du géant taïwanais Hon Hai Technology Group, plus connu sous le nom de Foxconn. Un homme discret à la tête d'une multinationale en pleine restructuration. Foxconn, ça doit vous dire quelque chose, puisque si vous avez un iPhone dans les mains, il y a de grandes chances qu'il sorte de l'une des usines du groupe. Mais ce géant de l'électronique ne se limite pas à Apple, puisqu'il compte aussi comme clients Amazon, Dell, Google, Sony ou encore Xiaomi. En termes de chiffres, Foxconn c'est plus d'un million d'employés en Chine, 200 filiales partout dans le monde, et 206 milliards de dollars de chiffres d'affaires en 2021. Mais celui que l'on connaît bien moins, c'est l'homme qui en est aux commandes. Liu Young-Way, Taïwanais de 66 ans a remplacé, en 2019, le très influent Terry Gou, le fondateur et ex-président de Foxconn. Une nomination obtenue grâce à son expérience, selon Mathieu Duchâtel, directeur du programme Asie à l'Institut Montaigne : « On n'a pas là un employé de Foxconn, on a là quelqu'un qui a été recruté longtemps après du fait de ses propres succès d'entrepreneur. C'est du fait de cette expertise, en particulier dans la conception des semi-conducteurs, que Liu Young-way a été nommé directeur de la branche semi-conducteurs de Foxconn, avant d'être sélectionné pour être le successeur de Terry Gou. » C'est maintenant sur les épaules de Liu Young-Way que repose le poids de la transformation stratégique de Foxconn, avec l'orientation sur de nouvelles industries. Des défis de taille Jusqu'ici, ce diplômé de génie électrique a parcouru un chemin semé d'embûches. À commencer par la pandémie de Covid-19 qui a bouleversé toute l'industrie et provoqué une pénurie de semi-conducteurs. Un composant essentiel à la base de toutes les technologies produites par Foxconn. Les problèmes d'approvisionnement ont entraîné des retards de livraisons, même si Liu-Young way s'est toujours montré rassurant, parlant d'un impact relativement limité. Une situation d'autant plus difficile avec la politique sanitaire très stricte menée par la Chine. Foxconn a dû faire avec cette politique « zéro Covid » particulièrement mauvaise pour les affaires. Les confinements réguliers, les dépistages quotidiens, les isolements massifs et des primes non payées par l'entreprise ont poussé à bout les ouvriers du groupe. C'était il y a un mois dans la plus grande usine de Foxconn à Zhengzhou. Des milliers d'ouvriers se révoltent et abandonnent leur poste. Conséquence, les ateliers du groupe manquent de bras et la production est paralysée. Cette mobilisation chez le plus grand employeur du secteur privé chinois est devenue le symbole de la montée de la gronde sociale et de l'impact économique de cette politique de restrictions. Si Liu Young-way est resté très silencieux comme à son habitude, il semblerait que Foxconn ait joué un rôle important dans le récent revirement chinois sur sa politique du « zéro Covid ». Diversification Au-delà des pertes économiques, tout ça a poussé Liu Young-way à accélérer la restructuration de Foxconn. Le groupe se diversifie et mise aujourd'hui sur deux nouveaux moteurs de croissance : les semi-conducteurs et les voitures électriques. Liu Young-way a dévoilé en grande pompe les premiers prototypes, il y a quelques semaines. ► À lire aussi : En Chine, le géant de l'électronique Foxconn dit embaucher à nouveau Et l'environnement économique chinois a encouragé Foxconn à ne pas mettre ses œufs dans le même panier. Le groupe continue donc de développer ses activités hors de la Chine. « L'avenir de Foxconn en Chine, c'est sur les véhicules électriques, explique Mathieu Duchâtel. Mais l'avenir de l'activité Apple et de la branche semi-conducteurs de Foxconn, ce sera en dehors de la Chine. » En tout cas, Liu Young-way ne semble pas affaibli par les tempêtes qu'il a traversées. Comme capitaine d'industrie, il se sert de sa discrétion pour se laisser des marges de manœuvre. Une stratégie payante jusqu'ici, qui a permis de maintenir le bateau Foxconn à flot.

    Mostafa Terrab, les engrais au service de la diplomatie marocaine

    Play Episode Listen Later Dec 27, 2022 4:04


    Portrait de Mostafa Terrab, à la tête de l'Office chérifien des phosphates (OCP), le géant marocain des engrais depuis 2006. Une entreprise qui, dans la crise mondiale actuelle des engrais, joue un rôle clé pour l'Afrique notamment.  En octobre, Mostafa Terrab était l'invité d'honneur du président de la Banque mondiale, David Malpass, pour un débat sur la crise mondiale des engrais. Mostafa Terrab vient de promettre de livrer à l'Afrique qui en manque cruellement, quatre millions de tonnes d'engrais phosphatés en 2023. De quoi couvrir 80% de ses besoins, et ce, à des tarifs préférentiels. Un coup politique et un coup de com' à la fois, qui ne surprennent pas ceux qui, comme Pascal Airault, connaissent ce patron hors norme, arrivé à la tête de l'Office chérifien des phosphates (OCP), en 2006 : « Mostafa Terrab a un physique impressionnant. Il a un physique de catcheur, une voix grave. Il vient d'une grande famille de Meknès. Son grand-père était Mohamed Belarbi Alaoui, figure de l'Islam moderniste. Et lui incarne le patron moderne. Il se balade avec le Financial Time (grand quotidien économique britannique, NDLR) sous le bras. Il est passé par l'entreprise Bechtel (la première entreprise américaine de travaux publics, NDLR) aux États-Unis. Il a aussi travaillé à la Banque mondiale. » ►À lire aussi : Au Maroc, les producteurs d'engrais africains réfléchissent à l'avenir Mohamed VI lui confie la mission de redresser un mastodonte mal en point. L'OCP était alors la vache à lait de la monarchie marocaine, une entreprise opaque et vieillissante. Mostafa Terrab, formé en France à l'école nationale des Ponts et Chaussées, et au Massachusetts Institut of Technology (MIT), entreprend une révolution copernicienne. Mounir Halim dirige Afriqom, agence d'information spécialisée sur les engrais. Ce physicien a travaillé trois ans avec Mostafa Terrab : « Il y a un changement de culture, que j'ai vécu à l'époque. Il faut prendre la responsabilité. Il faut donner la décision aux différents niveaux de management. Certainement à l'américaine, mais du bon côté, avec de l'action, avec de la vision et du suivi et certainement de la créativité. » Outre des campagnes de communication axées sur l'écologie et qui visent aussi à contrebalancer l'image d'une industrie réputée polluante, Mostafa Terrab entreprend surtout de faire de la première entreprise marocaine une machine à profit. Pour cela, l'OCP devient non plus simple fournisseur de phosphates brut, mais aussi d'engrais, quadruplant sa production en treize ans : « Quand on vend un phosphate à cent dollars (la tonne, NDLR) à une usine en Australie qui va le transformer et le vendre à 400 dollars, il y a une marge qui est captée par celui qui transforme le produit, expliqueMounir Halim, ex-directeur des ventes en Europe d'OCP. Mostafa Terrab dit "non ! Pourquoi est-on en train de donner notre matière première ?" Il veut capter la marge, et en plus, il devient l'un des plus grands producteurs et exportateurs du marché. On se retrouve donc en position de leader sur le pricing (la politique de prix, NDLR), sur la stratégie et donc devient influenceur du marché. » Stratégie gagnante Transformée en société anonyme, publiant ses résultats, l'OCP séduit. Cette année, son chiffre d'affaires devrait dépasser les onze milliards d'euros. Le groupe s'est aussi lancé à la conquête de l'Afrique. Suivant la ligne politique fixée par le palais, Mostafa Terrab multiplie les investissements au sud : usines en Éthiopie, au Nigéria, partenariats au Sénégal et dans une douzaine d'autres pays. L'OCP de Mostafa Terrab est aussi un instrument diplomatique pour le Maroc dans sa politique envers le Sahara occidental. Pascal Airault ajoute : « On pense qu'en établissant des liens commerciaux, des liens économiques très étroits avec un certain nombre de pays du continent qui étaient enclins à conserver leur soutien politique à la république arabe sahraoui démocratique, on peut espérer au bout d'un certain temps obtenir un changement d'attitude. » L'OCP est un bras économique marocain sous influence. Rabat a ainsi rappelé une cargaison de 50 000 tonnes d'engrais destinés au Pérou après que Lima a rétabli ses relations avec les indépendantistes sahraouis. ► À écouter aussi : Afrique Économie - Peut-on pallier le manque d'engrais en Afrique ?

    Jerome Powell et son action à la tête de la FED, suivie par les grandes banques centrales

    Play Episode Listen Later Dec 26, 2022 3:51


    Par son action contre l'inflation, Jerome Powell, président de la Réserve fédérale américaine, a marqué la politique monétaire de cette institution et a été suivie par les grandes banques centrales, comme la BCE ou encore la Banque d'Angleterre. « L'inflation est bien trop élevée », martèle depuis des mois le patron de la FED. Alors qu'il y a un an, il assurait qu'elle n'était que transitoire. Mais depuis, les prix ont explosé. Et aujourd'hui, il n'est plus seulement question pour la FED de lutter contre l'inflation, elle doit aussi prouver sa crédibilité en tant que gardienne de la stabilité des prix. C'est pourquoi, lors de son discours de décembre, Jerome Powell déclarait : « Je souhaiterais assurer tous les Américains que nous comprenons l'épreuve qu'ils traversent à cause de l'inflation forte. Et que nous prenons l'engagement de la ramener vers l'objectif de 2%. » Mais qui est donc cet homme que rien ne prédestinait à prendre la tête de l'institution la plus influente pour l'avenir économique de la planète ? ►À lire aussi : Le numéro d'équilibriste de la FED américaine entre inflation et récession Il n'a jamais fait d'études d'économie Né il y a 69 ans, dans une fratrie de six enfants, son père était avocat, son grand-père maternel doyen à la Faculté de droit, diplômé de l'Université de Georgetown, Jerome Powell débute une carrière d'avocat avant de se tourner vers la banque d'affaires. Cet homme qui n'a jamais fait d'études d'économie est pourtant nommé par le président Bush père sous-secrétaire d'État au Trésor en 1992. Sous l'administration de Barack Obama, il siège au Conseil des gouverneurs de la FED, avant d'être nommé par Donald Trump à la tête de cette institution. Républicain modéré, il est pourtant critiqué par Trump qui tente de le limoger. Mais, surprise : en 2021, Jerome Powell est reconduit par le démocrate Joe Biden. Il a marqué l'histoire Son action à la tête de la FED constitue un tournant pour l'économie mondiale. Jerome Powell a mis fin à l'argent pas cher, estime Karl Toussaint du Wast, co-fondateur de Netinvessement, cabinet de conseil en gestion de patrimoine en ligne : « Il marquera l'histoire comme celui qui a coupé le robinet de "Quantitative Easing" [L'assouplissement quantitatif consiste pour une banque centrale à intervenir de façon massive et prolongée sur les marchés financiers en achetant des actifs, NDLR] initié par Janet Yellen. Et c'est un rôle très ingrat. C'est ça le rôle du gouverneur de la FED ou de la Banque centrale européenne pour Christine Lagarde, c'est de prendre des décisions ingrates, mais malheureusement nécessaires. Pendant dix ans, entre 2010 et 2020, il y a eu dix ans de "Quantitative Easing". C'est-à-dire de rachat de dettes par les banques centrales et d'injection de liquidités dans l'économie. C'était la fête durant dix ans ! Cette inflation qui arrive impose aux banques centrales le seul joker qui leur reste, celui d'arrêter le "Quantitative Easing" et de remonter les taux ». Une marge faible pour lutter contre l'inflation Mais, revers de la médaille, cette politique restrictive risque de provoquer une récession mondiale. C'est ce que Jerome Powell veut éviter. Lui qui s'est vu reprocher durant la pandémie ces millions d'Américains précipités dans la pauvreté, et les quelques autres, enrichis. Cette fois, si les causes de l'inflation sont connues – crise sanitaire, guerre en Ukraine, crise de l'énergie – impossible de prévoir comment tout cela va évoluer : « La pénurie des matières et les faillites qui vont arriver, 2023 va être le début de la récession d'un point de vue économique. Donc, il lui reste peu de temps pour éteindre l'incendie de cette inflation. Il avait raison de le faire de manière assez violente et brutale, parce qu'il fallait la juguler au sens médical. Il fallait poser un garrot à cette inflation de manière extrêmement forte. Là, il commence à annoncer un début d'allègement de hausse des taux pour préparer finalement les entreprises et le monde économique. Mais sa marge de manœuvre est extrêmement faible. Donc, il n'a pas d'autre choix que d'être un peu le Père Fouettard, en anticipant ce qui va nous arriver en 2023. » Le chemin est encore long avant que l'inflation ne se calme durablement. Objectif de la FED, comme celui de la BCE : atteindre le chiffre de 2%, le seul à même de garantir une stabilité des prix. ►À lire aussi : Les hausses des taux directeurs de la FED pèsent sur les pays émergents

    Yvon Chouinard, entrepreneur, humaniste et protecteur de l'environnement

    Play Episode Listen Later Dec 23, 2022 3:59


    Parmi les personnalités qui ont marqué cette année, Yvon Chouinard, le patron emblématique de Patagonia, la marque américaine de vêtements de sports. Le dirigeant âgé de 83 ans a annoncé faire don de son entreprise à la planète. Si la nouvelle a fait la Une de l'actualité il y a quelques mois, elle n'en cache pas moins un parcours atypique pour ce patron aux valeurs humanistes qui a dédié sa vie à la protection de l'environnement et qui a inspiré de nombreuses générations d'entrepreneurs. « Au cas où vous n'auriez pas remarqué, ça va de plus en plus mal pour la planète. Et c'est facile de se laisser aller à la déprime. J'ai toujours su que pour ne pas sombrer, il fallait passer à l'action », raconte Yvon Chouinard. C'est l'histoire d'un aventurier, passionné pour les sports extrêmes, militant de la première heure pour la protection de l'environnement, devenu entrepreneur malgré lui. Yvon Chouinard, le fondateur de Patagonia est d'origine Franco-Québécoise, il déménage à l'âge de 8 ans avec sa famille du Québec vers la Californie, où il se découvre une passion pour l'escalade.  Yvon Chouinard : « Je n'ai jamais voulu être un homme d'affaires, j'étais un artisan et un grimpeur. Nous étions dans une forme de contre-culture et nous ne respections pas ce monde du business, c'était l'ennemi pour nous. Mais un jour, bien plus tard, je me suis réveillé un matin en me disant, "oh mon Dieu, je suis un homme d'affaires !" Et, c'est là que je me suis dit, "je ferais mieux de savoir ce que je fais". Et, j'ai essayé de créer une entreprise où moi et mon équipe on aurait envie de travailler, et c'est ce qu'on a fait ! ». « Un monsieur qui ne ressemble pas du tout à un businessman » Isabelle Susini, directrice France du fonds de dotation 1% pour la planète, ancienne responsable RSE chez Patagonia Europe, raconte : « J'ai eu cette chance de rencontrer un monsieur qui ne ressemble pas du tout à un businessman mais qui était fondamentalement sympathique, qui respire la bonhomie et la sincérité. Au départ, il admet que c'est un grimpeur, il commence à créer lui-même les pitons, à les fabriquer. Il achète une forge, il emprunte, de mémoire, 800 dollars à ses parents. Du coup, il crée sa société comme ça. Afin d'utiliser ses pitons, ce martellement répété provoquait des trous dans les fissures. En tant que grimpeur puriste, il ne voulait pas que son espace de jeu soit dénaturé. Il avait complètement décidé de sortir du marché des pitons tel qu'il les faisait, et de basculer sur des mécanismes amovibles. Et c'était un de ses premiers engagements environnementaux décisifs. Déjà à l'époque, il y avait le souhait de reverser 1% du chiffre d'affaires à des associations environnementales ». Patagonia est créé dans les années 70 après un voyage en Argentine. De 1985 à 1990, le chiffre d'affaires bondi de 20 à 100 millions de dollars par an ! Très vite, Yvon Chouinard innove, il fabrique une laine polaire avec une fibre issue du recyclage de bouteilles de soda. Et en 1996, il décide de basculer toute sa production en coton bio. En 2001, l'association 1% pour la Planète est créée, dont le chef d'entreprise de Léa Nature, Charles Kloboukoff, fut le directeur pour la France : « Il y a une forme de désintéressement. Évidemment qu'on essaie tous, les uns les autres, de faire notre métier le mieux possible. Mais en tout cas, de pouvoir avoir ce détachement qui permet de placer l'entreprise comme un outil de transformation au service des causes auxquelles on croit, il y a quand même une démarche un peu humaniste derrière tout ça. » Ce précurseur de l'écologie industrielle vient donc de céder la totalité de ses actions à un trust qui percevra les dividendes annuels du groupe pour les investir dans des causes environnementales. Un testament destiné à donner un autre sens au monde entrepreneurial.

    Afrique du Sud: Mpumi Zikalala, à la tête de Kumba Iron Ore, dans un contexte difficile

    Play Episode Listen Later Dec 16, 2022 3:41


    Début janvier 2022, c'est une femme qui a pris la tête de l'un des plus gros business de minerai de fer d'Afrique. La compagnie Anglo American a nommé Mpumi Zikalala directrice générale de Kumba Iron Ore, en Afrique du Sud. A 43 ans, elle a pris la tête d'un secteur qui cette année a connu des difficultés. Mpumi Zikalala s'est faite remarquer par l'engagement de son parcours dans la défense des droits des femmes et des minorités. Elle préside notamment le forum du secteur privé du conseil national sud-africain sur le sida. Détentrice d'une licence d'ingénieur chimiste, elle devient la première femme directrice générale chez De Beers, avant de prendre la tête de Kumba Iron Ore.  « En tant que dirigeante noire, mon souhait est que notre société adopte pleinement l'inclusion et la diversité et qu'il existe un espace où chaque personne se sentira valorisée pour ce qu'elle apporte », explique t-elle. A peine nommée, Mpumi Zikalala doit faire face à la baisse de la production de près de 10% comparé à l'année passée. Différents facteurs internes à l'Afrique du Sud explique cette situation. Elle les détaille sur SABC, la chaîne de télévision nationale. « Premièrement, nous avons connu des niveaux de pluie très élevés au premier trimestre. Deuxièmement, nous avons également ralenti notre production suite à une intervention de sécurité. Pour nous, la sécurité est une valeur essentielle. Donc oui, notre production était en baisse mais nous sommes prêts désormais pour conduire des opérations stables et efficaces. » Les inondations du début d'année et la grève à Transet, spécialiste du fret, ont contribué au ralentissement des activités dans le pays. Un ralentissement général du secteur minier sud-africain qui a des conséquences sur l'économie du pays, détaille l'économiste Dick Forslund, économiste et chercheur, Alternative information and developement Center. « La production minière est dans une tendance à la baisse depuis de nombreuses années, tant en termes d'emploi que de valeur ajoutée à l'économie. La production industrielle en Afrique du Sud que l'on prenne la construction, le secteur manufacturier, minier, etc. la contribution au PIB de tous ces secteurs industriels à l'économie réelle est plus faible aujourd'hui qu'elle ne l'était en 2015. » Baisse mondiale de la production et des prix de l'acier... Une baisse mondiale de la production et des prix de l'acier mais également du fer, du nickel ou de l'aluminium… comme nous le détaille Jean-Paul Mermet, spécialiste de ces marchés : « Les usines ont mis des plus values d'énergie considérables. L'activité économique n'est pas bonne de façon globale. Il n'y a qu'aux États-Unis que ça marche. Les Chinois ont ralenti. Et finalement les baisses de production n'ont pas compensé. La demande n'est pas là. Avec une consommation d'acier nettement inférieure par rapport à ce qui se passait avant dans le domaine industriel, de la métallurgie, dans l'automobile. En Allemagne les constructeurs ont ralenti leur demande de métallurgique de d'acier et d'aluminium de de cuivre de façon considérable il n'y a pas de marché. Donc tout ça fait qu'il y a une inversion. » Covid, hausse des coûts de l'énergie, perturbation des chaînes d'approvisionnement ont également joué un rôle dans cette tendance. L'acier, c'est encore l'avenir Cependant Mpumi Zikalala ne se laisse pas abattre et préfère parier sur l'avenir…C'est ce qu'elle expliquait lors d'une présentation en juillet dernier : « L'acier est non seulement au cœur de notre façon de vivre aujourd'hui, mais il est également essentiel pour l'avenir. C'est un composant essentiel et un catalyseur pour la transition énergétique pour toutes les infrastructures d'énergie renouvelable et les véhicules électriques. La production de haute qualité de fer de Kumba nous met en bonne position dans ce futur développement. » Les secteurs du ferroviaire, et la production de pièces dans l'énergie telles que les lignes électriques ont permis de stabiliser la demande en cette fin d'année.

    Léna Situations, l'influenceuse préférée des marques

    Play Episode Listen Later Dec 9, 2022 3:35


    Ce vendredi 9 décembre 2022 se tient à Bercy, le ministère français de l'Économie, une table ronde sur les influenceurs, ces personnalités publiques présentes sur les réseaux sociaux, capables de peser sur les habitudes de consommation de leur public. Objectif : encadrer ce secteur en proie à de nombreuses polémiques.  L'occasion pour Aujourd'hui l'économie de dresser le portrait d'une influenceuse, Léna Mahfouf, aussi connue sous le nom de « Léna Situations ». 

    Mia Lahlou Filali: cheffe d'entreprise, numéro un du médicament générique en Afrique

    Play Episode Listen Later Dec 2, 2022 3:52


    Le portrait du jour nous amène au Maroc, à la rencontre de Mia Lahlou Filali. Elle est à la tête de l'entreprise Pharma 5, leader du médicament générique en Afrique. Forte de 1 800 salariés, elle produit 400 types de médicaments génériques, et a notamment  développé un traitement complet contre l'hépatite C. Pharma 5 exporte dans 40 pays, essentiellement en Afrique. Elle développe actuellement une unité de production en Côte d'Ivoire. Mia Lahlou Filali a pris la tête de l'entreprise familiale en 2012 à la suite de son père.  Mia Lahlou Filali est une femme dynamique et volubile. Ce vendredi matin, son comité de direction est réuni autour d'une panière de viennoiseries. Les employés décrivent sans phare leur directrice.  « La force, elle ne lâche pas », « Moi, je dis rebelle, femme de challenge, sans relâche, elle suit des objectifs graduellement », « Eye of the tiger », « révolutionnaire », « Il y a beaucoup d'empathie, elle nous comprend comment on fonctionne, comment on gère. Elle sait nous orienter délicatement », « elle nous connaît et prend le temps de nous connaître », « c'est une grande rêveuse, elle sait nous emporter dans ses rêves les plus fous », « une grande rêveuse. Madame Mia, c'est une grande rêveuse, moi dans le département international ça me plaît d'avoir une personne comme ça qui rêve sans limites », « persévérance, quand elle pense à quelque chose, elle est visionnaire, elle est rêveuse et même si on dit en tant que comité de direction non, on ne va pas y arriver, elle est toujours là pour nous dire qu'on va y arriver, et on y arrive toujours », les qualificatifs élogieux à son égard ne manquent pas.  Pharma 5 est une entreprise familiale crée en 1985 par son père. Sa sœur, Yasmine, dirige la partie industrielle, recherche et développement. Et si Mia Lahlou Filali a été baignée dans le secteur toute son enfance, il n'allait pas de soi qu'elle prenne la relève.  « Papa nous a nourries de ça. Ma sœur est pharmacienne d'industrie, moi-même, j'ai commencé par faire une année de pharmacie à l'Université, tellement on avait ça inoculé dans le sang. J'ai détesté pharma, donc, finalement,  j'ai fait Dauphine, j'ai fait Sciences Po Paris. J'ai travaillé 10 ans chez LVMH en parfum et cosmétique de luxe, donc a priori rien à voir avec les pilules et les suppositoires. Mais papa qui est un grand militant très moderne, très progressiste, papa est musulman, mais il nous a éduquées en femmes libres, capables de reprendre un business pareil. Et ma mère aussi y est pour quelque chose. Mais lui, c'est l'homme musulman qui a dit mes filles seront capables, qui a vendu sa boîte à ses filles quand elles ont eu 20 ans parce que sinon, quand vous n'avez pas de frère, vous avez des cousins qui rentrent dans l'héritage. Eh bien, il nous a donné les moyens de nous affirmer dans ce business et d'assurer la pérennité », raconte-t-elle.   Elle fonde une famille en France, se marie avec un avocat corse, a deux garçons. Mais en 2012, l'appel du retour au pays est grand. Un choix qu'elle ne regrette pas.  « Heureusement que je l'ai fait. Je serais chez LVMH ou ailleurs. Bon c'était génial, je m'éclatais. Mais le sens que j'ai trouvé ici. Agir pour le soin pour tous au quotidien. Vous savez pourquoi vous vous levez. Même si c'est magnifique de vendre du rêve sur du parfum, vous ne vous levez pas pour la typo de ce qui va être sur le flacon pour que ce soit rock, chic ou aristocrate. Là, vous vous levez pour que les gens vivent, c'est extraordinaire. Et quand en plus c'est dans votre propre business, que vous avez les mains complètement libres, parce qu'on est deux actionnaires, ma sœur et moi, donc on n'a pas d'autres actionnaires qui attendent des dividendes à la fin de l'année et qui nous empêchent d'investir. Quel bonheur, quel kiff ! Nous, on réinvestit tout ce qu'on gagne », confie la femme d'entreprise.  Patriote, elle se dit guidée par les préceptes paternels. Il continue d'ailleurs à conseiller ses filles. Et ses projets d'avenir restent à Pharma 5.  « Alors où je me vois dans 10 ans ? Toujours dans Pharma 5, avec plusieurs usines sur le continent, peut-être même une usine en Europe. J'aimerais que Pharma 5 soit une petite multinationale, en tout cas, c'est notre rêve. Et en ayant démontré au monde aussi, la capacité du Maroc à produire du médicament de très grande qualité, ça, c'est quelque chose d'acquis aujourd'hui, mais la capacité du Maroc aussi à être moteur dans de grandes avancées scientifiques », s'exclame-t-elle. Parmi ses espoirs : être pionnière dans les avancées médicales, notamment dans le cannabis thérapeutique.  ► À écouter aussi : Maroc : le laboratoire Pharma 5, fleuron de l'industrie pharmaceutique africaine

    Portrait: Thierry Marx, un chef étoilé à la tête de l'Union des métiers de l'industrie hôtelière

    Play Episode Listen Later Nov 25, 2022 4:00


    « Aujourd'hui l'économie » de ce vendredi brosse le portrait du célèbre chef étoilé français Thierry Marx. A 63 ans il devient le nouveau président de l'UMIH (l'Union des métiers de l'industrie hôtelière), premier syndicat patronal de l'hôtellerie et de la restauration qui a clôturé son 70ème congrès, jeudi 24 novembre. Philippe Feuvrier, président de l'UMIH du département du Doubs a été l'un des premiers à soutenir la candidature de Thierry Marx. «Thierry représente l'emblème même du cuisinier, du pédagogue, pouvoir fédérer, et ça c'est très important, pour une organisation nationale comme la nôtre, que ce soit la micro-entreprise ou le palace, il faut quelqu'un qui apporte la parole de façon organisée concise et Thierry Marx fait partie de ceux-là ». Réputé avant-gardiste, le chef a contribué à développer la cuisine moléculaire qui a révolutionné la cuisine gastronomique, alors que rien ne le prédestinait à devenir l'un des chefs prestigieux de la haute gastronomie... Issu d'un milieu modeste, Thierry Marx est né à Paris, de parents juifs polonais, dans une cité du quartier populaire de Ménilmontant. En échec scolaire, il est orienté à 14 ans en mécanique alors qu'il rêve de devenir boulanger. Finalement c'est chez les compagnons du devoir qu'il trouve sa voie. CAP de pâtisserie en poche, il part faire son tour de France. À son retour, il s'engage dans l'armée comme parachutiste. Puis à 23 ans, il intègre des établissements de renom : commis, il se forme chez Joël Robuchon, Ledoyen ou encore Taillevent. La consécration arrive à 29 ans avec sa première étoile au Michelin, puis la seconde à 40 ans. Une école « cuisine-mode d'emploi » Malgré le succès, Thierry Marx se souvient d'où il vient et des difficultés scolaires qu'il a rencontrées avant de trouver sa voie. Il déplore que trop de jeunes restent au bord de la route sans formation. Pour le chef, il n'y a pas de fatalité, il est convaincu « qu'il n'y a pas de quartiers ou de personnes faits pour l'échec ». Donner une chance aux personnes éloignées de l'emploi en les accompagnant vers une réinsertion professionnelle, c'est le défi qu'il relève en créant -il y dix ans- son école « cuisine-mode d'emploi ». Gratuite, elle est destinée aux adultes, chômeurs ou sans qualification. L'école propose des formations aux métiers de la restauration, de courte durée, qualifiantes et immédiatement opérationnelles. Avec seulement douze semaines de cours, Thierry Marx a fait le pari de permettre à ses élèves de trouver un travail : « Transmettre un savoir-faire, ce n'est pas essayer de mettre des gens en conformité, c'est au contraire de leur dire, si tu as un projet tu vas regarder au- dessus de la ligne d'horizon, tu vas regarder devant toi. Et on s'aperçoit que c'est 90% de retour dans un projet métier ou dans un projet scolaire ». Peu importe leur passé, Thierry Marx recrute avant tout des élèves motivés qui doivent répondre à ce que le chef appelle les « 3 R », à savoir : Rigueur, Engagement, Régularité. Leila Blondeau a suivi cette formation condensée, à l'issue de laquelle elle a immédiatement été embauchée. Durant cinq ans, elle travaille dans la restauration avant de rejoindre l'équipe pédagogique de Thierry Marx pour devenir à son tour professeur à l'école de Paris de cuisine-mode d'emploi. Un travail qui la passionne et qui lui permet de côtoyer régulièrement le chef : « j'étais taxi, et je cherchais une reconversion professionnelle. J'ai toujours été intéressée par la cuisine, j'ai suivi les cours de l'école de cuisine-mode d'emploi. Les écoles de Thierry Marx permettent vraiment un accès à la professionnalisation en cuisine très rapidement. C'est quelqu'un de vraiment bienveillant, qui est dans le partage, qui est simple et accessible, j'ai du respect pour le chef ». Aujourd'hui il y a 14 écoles à travers la France, avec des formations différentes. Thierry Marx, la carrière d'un chef engagé  Thierry Marx fait partie des chefs les plus atypiques du paysage gastronomique français. A la tête du restaurant deux étoiles du palace parisien le Mandarin Oriental depuis 2010, Thierry Marx poursuit une carrière de chef engagé. Pour preuve, depuis vingt ans il donne des cours de cuisine en prison, avec la possibilité pour les détenus d'obtenir un bac professionnel afin de leur permettre de se réinsérer au moment de la sortie. Selon Thierry Marx, le taux de récidive baisse significativement dès qu'il y a un projet professionnel. Dans un autre registre, Thierry Marx est co-créateur avec Raphaël Haumont, chercheur en physio-chimie du Centre français d'innovation culinaire à l'université Paris Sud où le chef participe à l'élaboration des textures et des saveurs de la cuisine de demain. Son côté curieux et créatif intéresse le CNRS qui lui demande d'élaborer des plats pour le cosmonaute français Thomas Pesquet lors de sa mission dans l'ISS, la Station spatiale internationale. Habile aussi en communication, il sedistingue par des opérations choc, en servant des repas gastronomiques aux automobilistes coincés dans les embouteillages ou en organisant un festin dans le RER francilien. Thierry Marx a également monté trois restaurants et trois boulangeries à Paris, il est également auteur de plusieurs livres de cuisine.  Acharné de travail, il manie la discipline et la rigueur. Judoka et ceinture noire, il se lève tous les matins à 5h30 et file à l'entraînement... avant de démarrer ses multiples obligations.    Et puis Thierry Marx c'est aussi la télévision... Il se fait connaitre du grand public en devenant juré dans plusieurs émissions culinaires populaires… Là aussi Thierry Marx poursuit son engagement cette fois ci pour la planète. Il milite pour une cuisine à faible impact environnemental. Soucieux de la provenance des produits qu'il travaille il soutient les filières courtes et les initiatives agricoles respectueuses. Des valeurs qu'il transmet dans ses écoles et qu'il applique dans ses restaurants, tous ses établissements sont classés HQE, haute Qualité Environnementale. Ce chef qui a le sens de la formule rappelle que "seule l'exemplarité justifie l'autorité". 

    Jeremy Rifkin: «l'ère du progrès doit être remplacée par l'ère de la résilience»

    Play Episode Listen Later Nov 11, 2022 3:50


    Aujourd'hui l'économie, le portrait, avec Jeremy Rifkin, économiste et sociologue américain. Il vient de publier un nouvel essai l'Age de la Résilience - La Terre se réensauvage, il faut nous réimaginer aux éditions Les liens qui libèrent. Il accuse nos modes de vie basés sur le progrès et l'efficience de détruire la planète. Ariane Gaffuri s'est entretenue avec lui.  « Quand mon père est né, c'était en 1908, 85% de la terre était encore sauvage. Elle ne l'est plus que de 25% aujourd'hui. Le reste est occupé par l'homme. Et dans 20, 30 ou 40 ans, ce sera pire. L'efficience doit donc être repensée. Et nous commençons un peu à passer à l'adaptabilité et la résilience. Autrement dit, à apprendre à nous adapter à la nature, au lieu de faire en sorte que la nature s'adapte à nous. » Lutter contre le changement climatique est un combat de longue date pour Jeremy Rifkin, 76 ans, au travers de nombreux livres, de conférences et d'actions très suivies à travers le monde. Ce spécialiste de la prospective est issu d'une famille juive russe immigrée au Texas, mais il grandit dans le sud-ouest de Chicago. « J'ai grandi dans un quartier ouvrier. Les hommes de notre quartier travaillaient dans les parcs à bestiaux, les aciéries. C'étaient des gens attachés aux syndicats. Je suis allé dans un lycée public. Ensuite, j'ai eu la chance d'aller à l'université Ben Franklin en Pennsylvanie. Benjamin Franklin a fondé notre école, la plus ancienne université d'Amérique. Ensuite, je suis allé à l'école Wharton qui est la première école de commerce au monde. Ensuite, j'ai été pris dans le mouvement des droits civiques et contre la guerre du Vietnam. » Jeremy Rifkin étude aussi le droit international et la diplomatie, sans cesser de militer.  « J'étais un autodidacte d'une certaine manière après mes études... À cette époque, la plupart d'entre nous étaient militants, nous n'avions pas de carrière. J'ai toutefois enseigné la gestion à la Wharton School plus tard pendant 15 ans. Nous faisons venir des chefs d'entreprises du monde entier. Et j'ai aimé parler de l'économie certes mais aussi de sa relation avec d'autres disciplines, comme la sociologie, les sciences… Traverser les frontières. Si j'étais devenu universitaire, j'aurais été coincé dans un seul domaine et j'en saurais de moins en moins dans cette discipline. » En 1973, Jeremy Rifkin organise une manifestation contre les compagnies pétrolières à Boston, en réaction à la hausse des prix des hydrocarbures due à l'embargo sur le pétrole de la part de l'Opep. C'est cet événement qui a déclenché son engagement indéfectible en faveur du climat. « C'était la toute première mobilisation mondiale contre les compagnies pétrolières et j'en suis très fier. Nous ne savions pas si quelqu'un viendrait, d'autant que le jour de la manifestation, il y a eu une tempête de neige terrible et je ne voyais pas un chat dans la rue, près du lieu du rassemblement. Mais au coin de la rue, j'ai vu des dizaines de milliers de personnes, des familles entières, des jeunes, des vieux, 20 000 en tout. Ils avaient des pancartes à la main. Ils sont venus nous rejoindre pour s'élever contre les compagnies pétrolières mondiales. Ce fut une expérience incroyable. » Une expérience incroyable qui donnera naissance quelques années plus tard, à la Fondation pour les tendances économiques, qui étudie les problèmes environnementaux, sociaux, économiques et éthiques. En 1988, Jeremy Rifkin rassemble les scientifiques du climat et les militants écologistes de 35 pays à Washington pour une première réunion du mondiale sur les effets de serre. Souvent présenté comme le principal théoricien de la Troisième révolution industrielle, marquée par le développement des technologies de l'information et de la communication, c'est aussi un des architectes du Plan vert de l'Union européenne. Même son temps de libre, il le consacre à la nature. « Ma femme est fortement impliquée dans les droits des animaux en tant que journaliste et militante. Nous avons créé une fondation il y a de nombreuses années et nous avons un endroit aux États-Unis que nous avons mis en servitude de conservation des terres, afin que la faune puisse s'y épanouir. Vous ne pouvez rien y développer. Nous avons des renards, des ours, de très beaux oiseaux. Ma femme s'en occupe pour l'essentiel, et nous aimons être au sein de cette nature, et apporter notre toute petite part pour s'assurer que cette petite zone là reste sauvage. » Parmi les derniers projets de ce chercheur hétéroclite, faire avancer sur la scène politique la cause de l'hydrogène provenant de sources renouvelables.

    Maud Caillaux: «Réorienter les flux financiers vers la transition» écologique avec Green-Got

    Play Episode Listen Later Nov 4, 2022 4:20


    Maud Caillaux est co-fondatrice de la banque en ligne Green-Got. Une nouvelle venue dans le secteur qui prend le contrepied d'un grand nombre d'établissements. Entre 2016 et 2021, selon Banking on Climate Chaos, les 60 plus grandes banques au monde ont financé les énergies fossiles à hauteur de 4 600 milliards de dollars. À deux jours de l'ouverture de la COP27, la conférence sur le changement climatique à Charm el-Cheikh en Égypte, rencontre avec Maud Caillaux. Petite, Maud Caillaux ne s'imaginait pas banquière. La jeune femme a suivi des études de commerce avec un rêve en tête : travailler dans le luxe. Un rêve qu'elle accomplit, avant de déchanter et de se tourner vers la finance à New York puis à Paris. Une réorientation guidée par une prise de conscience sur le réchauffement climatique. « Je suis complètement tombée des nues, il y a un peu plus de cinq ans sur les conséquences réelles d'un réchauffement à+2°C, explique-t-elle. Quand j'ai découvert l'ampleur de cette catastrophe qui arrive sur nous, j'ai cherché ce qui pouvait avoir le plus d'impact » pour changer la donne. « Quand on tire le fil d'Ariane, on trouve la chose la plus importante, qui était sous notre nez depuis le début, à savoir l'argent, la finance, la banque. » Elle co-fonde donc Green-Got. La néo-banque doit son nom à un jeu de mot entre « ingot », le lingot en anglais et « green » : un lingot vert donc. Mais, l'argent déposé sur les comptes de la banque en ligne ne dort pas dans un coffre sous forme de lingot. « Aujourd'hui, on finance trois projets avec le compte courant. On participe à préserver, sanctuariser des parcelles de forêt amazonienne. On finance aussi le déploiement d'énergies renouvelables dans des pays où la production d'électricité est encore très dépendante du charbon ou des énergies fossiles. Et on participe au financement de l'ONG Wings of the Ocean qui retire du plastique des mers et des océans ». Moins de six mois après l'ouverture au public, il est « encore trop tôt » pour savoir à combien s'élèveront les financements, explique de son côté Léopold Guyot. Le responsable des partenariats de Wings of the Ocean a néanmoins trouvé des gages de « sérieux » chez Green-Got y compris dans des gestes symboliques, comme la participation de « leur équipe à une opération de nettoyage à Paris ». Aujourd'hui, Green-Got compte plus de 7500 membres, une goutte d'eau dans le monde bancaire. Mais cela va bien au-delà des objectifs du jeune établissement, qui pour l'instant ne propose qu'un compte courant, mais prépare un produit épargne pour la fin de l'année.   Une initiative saluée avant même le lancement cette année des comptes courants (en France et bientôt en Belgique) de la banque en ligne. L'an dernier, Maud Caillaux a été nommée par Forbes pour son classement des personnalités de moins de 30 ans. Un encouragement après des débuts pas toujours faciles. « Je suis une jeune femme de 28 ans [25 ans quand le projet est lancé, ndlr], qui vient en expliquant qu'il faudrait changer les choses à des personnes plus âgées plutôt masculines. Donc, les débuts ont été un peu froids, se rappelle Maud Caillaux. Beaucoup, beaucoup de portes se sont fermées. Mais quelques une se sont ouvertes. » Des personnes qui baignaient dans la tradition de la banque ont aussi « cru et croient toujours qu'il faut un nouveau modèle bancaire et elles nous ont soutenus ». « La force du collectif » Maud Caillaux entend donc dépoussiérer la banque. En charge du marketing, elle table aussi sur une communication moderne. Green-Got est très actif sur les réseaux sociaux. Le logo, un petit renard prénommé Echo, a d'ailleurs été choisi par ce biais-là. « On fait beaucoup de choses avec notre communauté. Ce projet est très ambitieux, donc on s'est dit, plutôt que de n'être que trois soyons 1000, 10 000, 100 000. Aujourd'hui, on est plus de 200 000. Ils choisissent avec nous des projets. On est vraiment sur une co-création. On croit beaucoup à l'intelligence et à la force du collectif », s'enthousiasme la cofondatrice de Green-Got. Sur les réseaux Instagram, TikTok ou encore LinkedIn, Green-Got fait beaucoup de vulgarisation. « On va essayer de rendre plus compréhensibles et attractives des notions de finance et d'écologie qui quelques fois sont soit pas du tout connues, soit très mal comprises. » Des décryptages accompagnés, évidemment, d'une publicité pour Green-Got. Maud Caillaux elle-même s'est en partie intéressée à l'écologie via internet.  " J'ai eu la chance d'évoluer toute ma jeunesse dans la nature, à la campagne, avec un papa qui nous a beaucoup éveillées sur le vivant. Mais, au niveau vraiment de la crise climatique, j'ai eu très peu d'éducation. C'est en écoutant des podcasts de Jean-Marc Jancovici, d'Aurélien Barrau, que j'en ai compris l'importance, que s'est s'imposée à moi l'idée d'absolument tout faire pour essayer de changer ça. » La nature est aussi son échappatoire. « Je peux vraiment rester devant un arbre pendant une heure à regarder les feuilles bougées sous une jolie lumière, celle de 5h avant le coucher du soleil. » Elle fuit Paris lorsqu'elle le peut pour retrouver la campagne bourguignonne où elle a ses racines. « Le courage des Iraniennes est d'une inspiration folle » Une partie de ses racines car Maud Caillaux est franco-iranienne. Elle a d'ailleurs suivi à distance les manifestations en Iran, manifestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini après son arrestation par la police des mœurs. « Je suis absolument impressionnée par le courage de ces femmes, confie-t-elle. J'espère de tout mon cœur que j'aurais pu et que je pourrai l'avoir un jour, même si j'en doute. Je suis extrêmement fière de faire partie, d'une certaine manière en tout cas, de cette lignée de femmes dont le courage est d'une inspiration folle. » Elle affectionne d'ailleurs une citation de Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait ». Maud Caillaux aime se la répéter : une manière de se donner du courage.

    Automobile: Faouzi Annajah distribue l'hydrogène en capsules

    Play Episode Listen Later Oct 28, 2022 4:02


    Au Mondial de l'Auto de Paris la semaine dernière, l'une des sensations, outre les constructeurs chinois, c'est le phénomène des véhicules à hydrogène. Faouzi Annajah, jeune passionné de voiture et patron de la start-up NamX présentait un prototype nommé le « HUV » [pour SUV à hydrogène]. Doublé d'un concept innovant, il rêve de le produire en partie au Maroc. Oui, encore un fan d'hydrogène ! De quoi relancer le débat sur cette solution, aujourd'hui coûteuse, peu efficace énergétiquement, et encore très polluante puisque l'hydrogène est en grande partie produit à base d'énergie fossile, de nos jours. Mais Faouzi Annajah, Franco-Marocain de 29 ans, né dans le Val-d'Oise au nord de Paris, croit au développement futur de l'hydrogène bas carbone. En attendant, il est arrivé au Mondial de l'Auto avec un SUV aux lignes félines, et avec à côté, des sortes d'armoires de stockage contenant de longues capsules amovibles. Celles-ci alimentent un deuxième réservoir du véhicule, avec de l'hydrogène donc, une solution présentée comme moins coûteuse que des stations de recharge classiques. « Il y a un plan en France, "Hydrogène 2030" pour déployer mille stations à horizon 2030, nous explique le patron de NamX. Mais d'ici là, il faut qu'on propose des vraies solutions à nos clients. C'est pour ça qu'on a pris, entre guillemets, le taureau par les cornes, en développant ce "CapXtores" Ecosystem. C'est une première mondiale. C'est un système où on récupère les fameuses capsules hydrogène comme des bouteilles de gaz ou des capsules Nespresso, et on les met dans la voiture pour avoir ensuite une autonomie supplémentaire ». Un parallèle avec une fameuse publicité pour café vanté par l'acteur Georges Clooney ? Faouzi Annajah soigne d'ailleurs sa publicité. À l'écouter, comme dans toute vraie épopée industrielle, son projet a commencé tout simplement, à partir d'une feuille blanche il y a cinq ans. « C'était un document Word, que j'avais intitulé "Projet ultime", se souvient le jeune homme. En fait, j'avais déjà créé une entreprise informatique, mais pour moi, ce n'était pas un aboutissement. Je voulais vraiment quelque chose dans l'automobile qui est ma passion première. Tous les deux ans, quand j'étais enfant, je venais avec mon grand frère, ma grande sœur et mes parents ici. C'était réellement un rendez-vous immanquable, le meilleur moment de l'année pour moi qui suis passionné d'automobile. Maintenant, y être en tant qu'exposant pour la première fois, ça a un très grand sens pour moi, raconte-t-il ». Il faudra tout le culot du jeune homme de banlieue, fils d'ouvrier chez Renault, pour approcher une légende de l'automobile. Pininfarina, le designer italien mythique de Ferrari et Peugeot accepte de travailler avec lui et son nouvel associé Thomas de Lussac, designer. « On a levé nos premiers fonds. Ce qui a permis de faire un "proto" [prototype, ndlr] avec Pininfarina. C'est eux qui ont fait le prototype que vous voyez, la voiture. Pininfarina et mon équipe ont réalisé le design ensemble pour ce projet », se remémore le designer autodidacte lui-même. L'enjeu, aujourd'hui pour Faouzi Annajah, c'est de lever les fonds qui lui permettraient de lancer la production industrielle entre l'Europe et l'Afrique. Plus précisément au Maroc, la terre de ses parents. C'est son rêve. Il vise le « premium » donc, des véhicules chers, très chers entre 65 000 et 95 000 euros, dans un premier temps. « [Le but], c'est d'installer enfin un constructeur automobile entre l'Afrique et l'Europe sur un positionnement premium. C'est commencer par le très haut pour gagner en crédibilité, installer une vision stratégique à long terme et ensuite déployer vers des véhicules plus accessibles. Donc, mener différentes levées de fonds, différents partenariats avec des industriels au fur et à mesure. Et c'est juste une question de temps. On déploie notre programme comme convenu et j'espère qu'en 2026, on pourra livrer nos premiers clients », résume M. Annajah, confiant. Le plus dur commence pour la start-up parisienne. Trouver des partenaires au Maroc. « Dans peu de temps, il y aura des annonces mais on a rencontré les grands acteurs marocains en terme industriel. Pour l'instant, en tout cas, on parle d'assemblage, mais bientôt des annonces seront faites sur la vision industrielle de l'usine », promet le jeune entrepreneur. A suivre, donc. Pour l'heure, le projet n'a effectivement rien de la solution miracle pour l'environnement. Il s'adresse bien à une niche. NamX a lancé des précommandes ce jour-là au Salon. Les potentiels acheteurs ? De riches passionnés de belles voitures et d'hydrogène, notamment en Europe.

    Changpeng Zhao, le roi des cryptos

    Play Episode Listen Later Oct 21, 2022 4:16


    Le portrait économique de ce vendredi est celui de Changpeng Zhao, le créateur de la plateforme d'échange de cryptomonnaie BINANCE, numéro un mondial incontesté du secteur. Changpeng ZHAO est devenu en quelques années, la personnalité la plus influente dans le monde des cryptomonnaies. En cinq ans, il a fait de Binance la plus grande et la plus riche de toutes les plateformes d'échange de cryptomonnaies. Cent vingt millions d'utilisateurs, au bas mot qui vendent et achètent des cryptomonnaies grâce à lui. C'est 35 à 40% de la clientèle totale sur la planète. En 2021 les transactions financières sur Binance, les flux donc, représentaient 34 000 milliards de dollars. Malgré ce succès, Changpeng Zhao affiche constamment une modestie à toute épreuve. Il est interrogé ici par le média en ligne Cointelegraphe. « Je suis en fait un très mauvais trader. Je ne sais pas faire de négoce. En revanche je sais fabriquer des outils de trading. Et je me vois un peu comme un forgeron qui forge des sabres pour les maîtres Kung Fu. » Le forgeron s'est formé au Canada. Changpeng Zhao que ses admirateurs n'appellent que par ses initiales, « CZ », est né en Chine en 1977, mais après la répression de la place Tian An Men ses parents, tous deux enseignants, fuient vers le Canada. CZ est alors âgé de douze ans. Il grandit à Vancouver, étudie l'informatique à Montréal, part travailler à Tokyo et New York où il développe des logiciels de trading boursier. Enfin, il rejoint plusieurs plateformes d'échange de cryptomonnaies avant de se décider à créer la sienne, en 2017. Et dès le départ le ton est donné, comme l'explique le journaliste Raphaël Bloch, co-fondateur du site The big Whale qui suit attentivement la carrière de CZ. « Binance s'est tout de suite vue comme une entreprise mondiale, aussi parce que les cryptomonnaies véhiculent une idéologie qui dépasse les frontières. On parle d'inclusion financière au niveau planétaire. Ça entre en résonance. » Cette dimension internationale tient aussi à son profil d'exilé. Car CZ a tenté de revenir travailler en Chine, son pays d'origine. Mais Pékin se méfie d'un homme qui incarne la liberté, voire le libertarianisme monétaire. « Il n'a pas remis les pieds en Chine depuis trois ou quatre ans, poursuit Raphaël Bloch. Il y a vraiment une relation qui n'est pas simple entre les milliardaires comme lui et le régime de Pékin. Donc, il y a à la fois sa trajectoire personnelle et le contexte qui fait que vous êtes sur une industrie mondiale et en plus vous avez un acteur d'origine chinoise qui n'a pas eu d'autre choix que d'aller à la conquête du vaste monde. » Le conquérant CZ a compris avant tout le monde qu'il fallait offrir une plateforme à la fois simple pour le grand public et experte pour les financiers aguerris. De plus, Binance est arrivé sur le marché au bon moment, c'est à dire au moment où les cryptos explosent sur la planète. Alors, une question se pose : est-on en présence d'un génie ou d'un petit malin ? « Il n'est pas un inventeur de génie, ni un grand financier, en revanche je pense que c'est un visionnaire, quelqu'un qui a compris que tout ce qui est crypto web3 allait avoir un impact considérable, conclut Raphaël Bloch. Mais Binance, - au risque de me tromper - ne laissera pas la même trace dans l'histoire que Apple, ou encore Ford pour la voiture. » Ce visionnaire aux allures d'éternel adolescent est aussi un communiquant hors normes. Il n'hésite pas à sillonner la planète pour vendre Binance aux dirigeants politiques qui l'écoutent souvent comme un oracle. CZ sait parfaitement les rassurer quant à cet univers un peu déstabilisant pour les États des cryptomonnaies. Il rebat les cartes de la finance mondiale. Ce n'est pas le loup de Wall Street mais plutôt un geek qui a parfaitement compris comment donner de la valeur a un marché largement spéculatif.

    Carlos Tavares: un fou d'automobile au volant de Stellantis

    Play Episode Listen Later Oct 14, 2022 4:16


    La voiture sera à l'honneur la semaine prochaine à Paris. Le Mondial de l'automobile se tient dans la capitale française du 17 au 23 octobre. Parmi les constructeurs à exposer leurs modèles : Stellantis. À cette occasion, RFI brosse le portrait de Carlos Tavares,directeur général du groupe qui unit PSA Peugeot-Citroën et Fiat-Chrysler. L'automobile, Carlos Tavares, lui a consacré toute sa vie. « C'est vraiment le "car guy", un "type de l'automobile" », juge François Roudier, porte-parole de la filière automobile qui le compare volontiers aux grandes figures du secteur : «Il a un côté un peu Henry Ford et même Citroën. » Cet amour de la voiture nait dès l'adolescence de ce Portugais au français impeccable. Jeune Lisboète, il officie comme commissaire de course sur le circuit d'Estoril. Carlos Tavares part ensuite dans l'hexagone faire ses études supérieures. Diplômé de l'école centrale de Paris, l'ingénieur entre, dans la foulée, non pas chez Peugeot, mais chez son concurrent Renault. Il gravit les échelons chez Renault et Nissan jusqu'à un poste de numéro deux pour la marque au losange, et une déclaration dans la presse en 2013 : il assume publiquement son ambition de devenir numéro 1 d'un groupe automobile. Problème : Carlos Ghosn, alors patron de l'Alliance, n'est pas enclin à céder sa place. « Psychopathe de la performance » Quelques mois après, Carlos Tavares prend la tête d'un groupe PSA en difficulté. Le nouveau patron applique alors «une recette relativement simple mais assez brutale », explique Tommaso Pardi, directeur du Groupe d'études et de recherche permanent sur l'industrie et les salariés de l'automobile (Gerpisa). Sa politique : «Une réduction des coûts tous azimuts, la quête de performances opérationnelles à tous les niveaux de l'entreprise. Il a aussi profité des opérations qu'il a pu mener avec Opel d'abord et plus récemment avec Fiat, pour utiliser ce qu'il appelle les synergies. Il est très fort pour ça. » ► À lire aussi : Malgré la crise des semi-conducteurs, Stellantis réalise un bénéfice record Une obsession de l'efficacité assumée par Carlos Tavares lui-même qui ne rechigne pas à se considérer comme un «psychopathe de la performance ». Et la quête de ce fils de comptable d'une rentabilité toujours plus grande perdure dans le temps, selon Jean-Pierre Mercier. Leporte-parole de la CGT - Stellantis regrette des «méthodes de management de plus en plus violentes, de plus en plus agressives vis-à-vis du personnel. On voit qu'il y a une volonté déterminée de faire baisser les effectifs pour augmenter les profits ». Salaire polémique Carlos Tavares, un chasseur de coûts, sauf peut-être quand il s'agit de son salaire. Il a engrangé 19 millions d'euros l'an dernier. Sa rémunération, qui atteindrait même 66 millions d'euros s'il remplit ses objectifs à long terme, a fait polémique, y compris parmi les actionnaires. Si Carlos Tavares partage le goût de la réduction des coûts de productions avec d'autres patrons, son expérience d'ingénieur automobile, «sa connaissance très fine de l'automobile » aide le centralien dans cette tâche, assure Tommaso Pardi. « Il peut développer un management très intrusif. Il peut lui-même aller voir de près, ce que font les différents directeurs au niveau opérationnel. »  Pour autant, les visites dans les usines se font au pas de charge, raconte Jean-Pierre Mercier : « Quand il fait des tournées d'usines, parce qu'il en fait très souvent pour remonter les bretelles des directions locales, une semaine avant, il faut tout nettoyer, on refait les peintures, tout est nickel chrome. Et on le voit passer comme un TGV. » « Quelqu'un qui va très vite » Carlos Tavares est un homme pressé. Prendre des décisions sans lésiner, c'est d'ailleurs l'une des clefs de son succès aux yeux de François Roudier exemple à l'appui : « Au départ, il n'était pas trop fan des voitures électriques, mais quand il a fallu le faire, il l'a fait. Et en 2030, il n'y aura plus que des voitures électriques en vente chez Stellantis. Donc c'est quelqu'un qui va très vite et dans l'industrie automobile, les grands patrons sont des gens qui ont pris des risques et qui sont allés vite »,conclut le porte-parole de la filière automobile qui décrit par ailleurs le directeur général de Stellantis comme un homme qui peut être « dur » mais qui est aussi « très fidèle en amitié ». Carlos Tavares peut s'enorgueillir de bénéfices nets en hausse au premier semestre 2022, tout juste un an après la création de Stellantis. ► À lire aussi : France: le marché de l'automobile toujours au ralenti en juillet « Maintenant, il faut voir si Carlos Tavares, au-delà de Stellantis, est en mesure de jouer aussi un rôle plus important qu'il ne l'a joué jusqu'à présent, dans une stratégie industrielle française »,s'interroge Tommaso Pardi. « On se dit que ce serait très important que Carlos Tavares joue un peu plus collectif et qu'il s'engage un peu plus dans le compromis » pour que la France se rapproche du modèle allemand doté « d'une alliance forte entre constructeurs, syndicats, État et Landers ». Le goût du volant En dépit du fait qu'il chapeaute quatorze marques, Carlos Tavares trouve du temps pour lui. Ses loisirs ? L'automobile, encore. Carlos Tavares est pilote amateur. « Dans son contrat, il avait bien dit qu'il continuerait à courir alors qu'au départ l'employeur hésitait en disant que c'était dangereux », raconte François Roudier. Et de préciser : « Il aime bien courir en voiture ancienne. » Les plans stratégiques lancés à Peugeot-Citroën et désormais à Stellantis ont d'ailleurs des noms liés à cet univers, à l'instar de son premier plan à PSA :  « Back in the race » - de retour dans la course.

    Kwasi Kwarteng, ministre des Finances britannique dans la tempête

    Play Episode Listen Later Oct 7, 2022 4:12


    Des grèves massives pour réclamer d'urgence des hausses de salaire face à une inflation historique. Un projet de budget mal ficelé et favorable aux plus hauts revenus qui fait s'effondrer les marchés et la livre sterling. Au Royaume-Uni, les débuts sont difficiles pour la Première ministre conservatrice Liz Truss et son numéro deux le ministre des Finances Kwasi Kwarteng. Tous les deux sont aujourd'hui pris dans la tourmente de leur parti et de l'opinion. Un physique d'athlète, un charisme certain, Akwasi Addo Alfred Kwarteng de son vrai nom est le fils d'intellectuels ghanéens immigrés dans les années 1960 en Angleterre. Comme plusieurs ministres, il est issu des minorités ethniques. Mais il ne met jamais en avant cet héritage. Il laisse plutôt son CV parler pour lui. Les diplômes en économie, obtenus à Harvard, Cambridge et la célèbre école de l'élite britannique, Eton. L'homme parle aussi cinq langues dont le français. Si bien que du haut de son mètre quatre-vingt-seize, le ministre a la réputation d'être un orgueilleux. Mais « j'aime bien discuter avec lui parce qu'on se provoque mutuellement. On échange de manière très raisonnable mais sans forcément être d'accord », lui reconnaît Iain Begg, professeur rattaché à la London School of Economics. Brillant et extrêmement cultivé, Kwasi Kwarteng possède cette aisance naturelle des gens sortis du vivier d'Eton, comme Boris Johnson avant lui par exemple. Mais si on pourrait reconnaître à ce dernier une absence de programme politique, Kwasi Kwarteng lui, a un programme pour son pays. ► À lire aussi : Au Royaume-Uni, le gouvernement conservateur de plus en plus affaibli Kwasi Kwarteng est un pur produit de la famille conservatrice. Il l'a rejointe en même temps que Liz Truss. À 47 ans, ils font la paire et sont même amis proches. Avec la Première ministre, ils partagent une même passion pour Margaret Thatcher, l'ancienne cheffe du gouvernement conservatrice. « Pendant toute leur jeunesse, ils n'ont connu qu'elle, explique Alma-Pierre Bonnet professeure de civilisation britannique à Sciences Po Lyon. Ils en ont une idée un peu romancée, notamment dans sa relation avec l'Europe. Parce que Margaret Thatcher n'était pas totalement eurosceptique. Mais eux ne se souviennent que du "no no no", que de son opposition assez forte à l'Europe. Et pareil au niveau économique, ils ont une vision assez romancée et essaient même d'aller plus loin », complète l'universitaire. « Il est au centre du parti conservateur d'aujourd'hui parce qu'il était pour le Brexit. Il soutient les marchés, il veut avoir des impôts moins élevés. C'est quand même ce que propose comme discours profond le parti », souligne le professeur Iain Begg, pour qui tout en épousant son époque et son contexte, M. Kwarteng puise aussi son inspiration chez l'Américain Ronald Reagan et ses thérapies de choc pour l'économie. Querelles à tous les étages Le revers de la médaille, c'est que sa méthode suscite beaucoup de critiques, y compris dans ses propres rangs. Conséquence, l'ébauche de budget présenté par Kwasi Kwarteng le 23 septembre dernier a provoqué une bronca parmi les députés, y compris conservateurs. Et le ministrea dû reculer sur la baisse controversée d'impôts pour les plus riches. Ses collègues lui reprochent une absence de concertation et d'écoute des organes de contrôle budgétaire. Un comble pour un parti qui se présente comme le plus sérieux en la matière. Les Tories sont désormais au plus bas dans les sondages, au profit de l'opposition travailliste. Et le parti conservateur d'afficher à nouveau l'image d'un « parti méchant » (« nasty party » en anglais), avec des querelles à tous les étages. Image qui devait appartenir au passé. « David Cameron, lorsqu'il prend la tête du parti conservateur [en 2005, ndlr], a vraiment travaillé sur cette "décontamination" de la marque conservatrice, raconte Pierre Bonnet. Pour montrer que c'est un parti d'unité, qui peut gérer l'économie, qui veut s'occuper des gens, de tout le monde. Je pense que les conservateurs ont ça à l'esprit », conclut le chercheur. Est-ce que Liz Truss ira jusqu'à jeter son ami sous le bus, comme le prédisent certains journaux britanniques ? « Le parti conservateur est quand même un parti qui sait gagner des élections, rappelle M. Begg. Donc, ils vont faire des choses pour soutenir Kwarteng parce que sinon, ils risquent beaucoup de difficultés, à la fois pour le parti en général et pour les partis individuels qui risquent de perdre leur siège. Je crois que les conservateurs vont quand même le laisser et serrer les rangs, en espérant qu'il réussisse », souligne l'universitaire. Kwasi Kwarteng qui a décidé d'avancer la date de présentation d'un budget trouvera-t-il le juste équilibre ? C'est toute la question. Alors qu'il est devenu un épouvantail pour une grande partie des Britanniques désormais en grève par centaines de milliers pour exiger un réel soutien économique.

    Jayati Ghosh, pour une taxation juste des superprofits

    Play Episode Listen Later Sep 30, 2022 4:22


    L'économiste indienne Jayati Ghosh dirige avec Joseph Stiglitz un groupe de réflexion baptisé ICRICT, qui milite pour une réforme de la fiscalité des multinationales. La Commission européenne présente ce 30 septembre en Conseil des ministres européens une contribution de solidarité sur des superprofits des géants de l'énergie. Bruxelles ne propose pas de taxe, ni d'impôt, car cela nécessiterait un vote à l'unanimité, alors que l'Europe a en son sein plusieurs paradis fiscaux qui se seraient opposés à cette question. Elle propose une « contribution » exceptionnelle. Il s'agit d'imposer à hauteur de 33% les bénéfices extraordinaires engrangés pendant la crise. Seront taxés les profits « indus » excédant de plus de 20% les bénéfices moyens des trois années précédentes. Cette contribution rapporterait, selon Ursula von der Leyen, la cheffe de l'exécutif européen, 140 milliards d'euros. L'Europe pourrait ainsi réaliser ce pour quoi Jayati Ghosh se bat depuis des années. Qui est donc cette femme engagée ? Son modèle Enveloppée dans son sari indien, Jayati Ghosh écoute attentivement son interlocuteur. Et c'est avec la fougue de ses vingt ans qu'elle nous a parlé de ses batailles. Née il y a 67 ans à Bangkok, elle revient avec ses parents, fonctionnaires, en Inde où elle étudie la sociologie à l'Université de Delhi et l'économie à l'Université Jawaharlal Nehru où elle enseigne aujourd'hui encore. À 22 ans, c'est un grand ami de son père qui devient son modèle : « Ashok Mitra était économiste. Il écrivait beaucoup et ses ouvrages étaient très discutés à l'époque. Il tenait une chronique dans un journal indien de renom. Il voulait changer le monde. Entré au gouvernement de gauche du Bengal Occidental en tant ministre des Finances en 1977, Ashok Mitra a engagé une réforme agraire, il a redistribué des terres et donné plus de pouvoir aux autorités locales. Et il a œuvré pour que l'éducation soit plus inclusive. Je pense que j'ai fait mien ce mélange de littérature, d'analyse économique et d'engagement politique et social, qui le caractérisait. » L'économie pour comprendre le social Jayati Ghosh dénonce régulièrement les discriminations fondées sur les castes qui, malgré leur interdiction par la Constitution indienne, persistent. Elle est persuadée que l'économie permet de comprendre les évolutions sociales. Sujet de son doctorat à l'Université de Cambridge, en 1984 : une solution non capitaliste au problème de la location des terres agricoles. Autrice d'importants ouvrages d'économie, engagée à l'international, la coprésidente de l'ICRICT garde les pieds sur terre : « Notre travail en tant que privilégiés ayant reçu une éducation, particulièrement dans les pays en développement comme l'Inde et surtout quand on naît femme, c'est de répandre ce savoir que l'on a reçu, c'est de l'analyser afin que les gens ordinaires puissent le comprendre. On délaisse trop de choses au seul pouvoir politique. » Le lobbying des pays du Sud Fidèle à sa vocation, Jayati Ghosh écrit régulièrement dans les journaux. Ainsi, elle considère que le lobbying ou la « représentation d'intérêts » n'est pas l'apanage des grands groupes. C'est la raison de son engagement au sein de l'International Development Economics Associates, IDEAs, un réseau de plus de mille économistes et chercheurs dans le monde qui œuvre pour une meilleure compréhension des pays du Sud. Pays qui se considèrent parfois comme victimes de la mondialisation. Pour en finir avec le sacro-saint PIB L'économiste croit que les pays du Sud ont la capacité de changer les choses, notamment au sein des Nations unies. Jayati Ghosh a été récemment nommée conseillère du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, pour les affaires économiques et sociales. Son cheval de bataille : comment mesurer l'augmentation du niveau de vie d'un pays et son enrichissement autrement qu'avec ce bon vieux PIB. « Il y a au moins cinq autres critères qui entrent en jeu. À savoir : le marché du travail avec les salaires médians, souvent inférieurs au salaire moyen. Hommes et femmes pris séparément. Deuxième critère, le temps consacré au travail rémunéré par rapport au travail non payé et au temps libre. Toujours, par sexe. Les trois derniers sont : l'accès à l'alimentation, les émissions de carbone par habitant et la quantité de céréales nécessaire pour nourrir la population. Grâce à ce genre d'informations, nous saurons comment vivent les gens », affirme l'économiste. Et pour que les populations vivent mieux, les multinationales doivent payer leur impôt. Un juste retour des choses, résume Jayati Ghosh. Avant de conclure : « La vie est incertaine et courte. Fais ce que tu peux pour améliorer les choses pour quelqu'un, quelque part. »

    Stanislas Zézé, le «souverainiste» de la notation financière africaine

    Play Episode Listen Later Sep 23, 2022 3:40


    Le portrait économique de la semaine est celui de l'Ivoirien Stanislas Zézé. À 53 ans, ce financier de haut vol est à la tête de la première agence de notation financière à avoir vu le jour en Afrique de l'Ouest, Bloomfield Investment Corporation, née en 2007. D'une certaine façon, rien ne prédestinait Stanislas Zézé à la finance. Avec un père militaire - et fondateur des services secrets de Côte d'Ivoire - Stanislas Zézé est né sous le signe de Mars, (le dieu de la guerre et des armes) plutôt que sous celui de Mercure. (le dieu du commerce, chez les Romains). Cet élève brillant part en France pour y passer son bac et décrocher un diplôme de droit. Il s'envole ensuite pour les États-Unis pour y apprendre la gestion des administrations et la finance. Pourtant, l'image de son père, décédé quelques années plus tôt, le hante. Et entre Mars et Mercure, Stanislas Zézé décide dans un premier temps de ne pas choisir. « Mon père disait : "Un homme doit faire l'armée, un homme qui ne fait pas l'armée, ce n'est pas un vrai homme". Évidemment, j'ai grandi avec ça, et je me disais : "Il faut que je me débarrasse de ça" ! J'étais aux États-Unis, et j'ai décidé de m'engager sous le drapeau américain. Je suis rentré dans l'armée, c'était une très belle expérience, j'y suis resté un an. Et cela m'a appris énormément de choses en termes de rigueur, de discipline et de résilience. » Un an sous les drapeaux. Puis il bifurque vers la finance, de la banque privée à la Banque mondiale, puis la Banque africaine de développement. Et en 200, il crée Bloomfield Investment, la première agence de notation financière en Afrique de l'Ouest Avec pour idée de rectifier le biais qu'ont selon lui les agences de notation américaines lorsqu'elles travaillent sur la dette des pays africains. « Dans mes différents voyages en Afrique, je me suis rendu compte que l'évaluation du risque sur le continent par les agences de notation internationales était plutôt biaisée. On notait les pays africains sur une base universelle. Alors que la notation financière, c'est évaluer votre capacité à faire face à vos obligations dans une monnaie précise. Donc si cette monnaie n'est pas votre monnaie d'opération et si vous avez peu de devises dans cette monnaie, forcément vous aurez des notes très faibles malgré votre performance. Donc, je pensais qu'il fallait trouver un outil pour rectifier cela. » Il n'y a pas que la finance ou l'armée qui intéressent cet homme En effet, ce catholique pratiquant confesse une fascination pour les cardinaux de la Curie romaine. Au point d'en avoir copié une habitude vestimentaire. « Vous savez, je considère que les (hommes NDLR) les plus puissants de l'église, ce sont les cardinaux. J'ai fait un tour au Vatican, j'ai visité la cathédrale Saint-Pierre, ensuite je suis allé m'asseoir dans un café, j'ai vu deux cardinaux arriver dans leur grande soutane sombre, ils se sont assis en face de moi et comme dans un geste théâtral, tous les deux ont croisé les jambes et j'ai vu des chaussettes rouges. Pam ! ça m'a ébloui ! Et cela m'a renforcé dans cette pensée qu'ils étaient des gens très puissants. Mais une puissance maitrisée, cachée et discrète. Et ça, ça m'a séduit, je suis tout de suite allé acheter une paire de chaussettes rouges. J'ai demandé au vendeur : "Est-ce que je peux avoir une paire de chaussettes rouges ?", il m'a dit : "Ah, vous voulez des cardinales !" J'en ai pris cinq et depuis ce jour ne me suis plus séparé de ces chaussettes. Je ne porte que des chaussettes rouges. » On le voit, Stanislas Zézé intègre dans son parcours les trois grandes formes de pouvoir de la société. L'armée, l'argent et la religion. Mais il n'en est jamais dupe, et c'est ce qui rend cet homme très intéressant. Ainsi, il n'a pas choisi la notation financière par hasard. Car si l'on y réfléchit, la notation financière est un instrument de contrôle de l'argent et de ses effets néfastes, et donc, c'est une forme de distanciation qu'il juge lui-même nécessaire. 

    Claim Aujourd'hui l'économie, le portrait

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